Tumgik
coucycoussa · 7 years
Text
Dans mon petit appartement
L'année dernière, je me suis installée dans un petit appartement de 15 mètres carré dans le 11e. Récemment, je me suis rendue compte qu'il était plus petit que ma chambre dans l'appartement de ma mère.
Dans mes 15 mètres carrés j'ai : 
- Une petite vierge au dessus de l'interphone, que Clémentine m'a offerte cet été pour fêter nos dix ans d'amitié (moi je lui en ai offerte une très belle dans une boite à sardines)
- Un paquet de pâtes Carrefour que je n'ai jamais mangé. Il était là quand je suis arrivée et Louis m'a convaincue que c'était plein de saloperies. Du coup j'ai pensé à le donner à la banque populaire, mais je me suis dit que c'était quand même un peu limite de donner quelque chose quand on ne veut pas le manger  soi-même. Alors il est toujours sur l'étagère.
- Deux sacs de couchage
-Un pictogramme pour personne handicapé sur la porte de la salle de bain, alors que j'habite au cinquième, sans ascenseur.
- Une table qui se rabat sur le mur, ce qu'il faut faire AVANT de déplier le lit, sinon on ne peut plus rabattre la table.
- Un sac de riz iranien qui me sert de poubelle à papiers et qui est toujours à deux doigts d'exploser quand je me décide à le descendre.
- Un détecteur de fumée décroché et posé sur l'étagère, car il sonnait à chaque fois que je faisais cuire des pâtes.
- Une quinzaine de thés différents, dont plusieurs que m'a donnés ma grand-mère, qui les tenait elle-même de sa voisine chinoise. Ma grand-mère ne boit que du thé lipton en sachet.
- Un liquide vaisselle bio moyennement efficace.
- Deux chaises pliantes
- Une cafetière. Je ne bois pas de café, mais ma mère m'a dit qu'il fallait la garder pour les invités.
- Un radiateur un peu capricieux.
- Un petit paquet de riz, sur lequel il y a un gros plan de la tête d'un cheval de Camargue. Je l'ai ramené à Louis cet été, il me dit à chaque fois qu'il va le prendre pour chez lui, mais il le laisse toujours.
- Déjà deux boîtes à souvenirs.
- Une télévision que je n'ai jamais branchée, accrochée dans un coin un peu improbable de l'appart.
- Une fente dans mon lino qui s'est agrandie depuis que mon père a essayé de la réparer.
-Un gobelet de la fête de l'huma dans mon évier pour récuperer l'eau qui goutte.
- Une dizaine de foulards et d'écharpes, habitude très Picouetienne.
- Un petit frigo sur lequel j'ai retiré la liste des numéros d'urgence (plombier, serrurier etc.), parce qu'il paraît que c'est une arnaque.
- Une betterave sous vide achetée à l’époque où je voulais avoir une centrifugeuse, avant de me rendre compte qu’elle prendrait la moitié du coin cuisine. 
- Une boite de bougies offerte par mon frère quand j’ai emmenagé, car il croyait que je n'avais pas d'électricité.
-Des paysages de montagne 
- Une radio que m'a offerte ma mère et qui est toujours allumée. J'écoute Fip ou France Inter et suis devenue experte dans la reconnaissance instantanée de la voix de Laure Adler.
- Le guide du routard de la République tchèque et la Slovaquie, je ne sais plus très bien pourquoi.
- Une place, tout au bord du canapé-lit, où on capte de temps en temps la free-wifi.
0 notes
coucycoussa · 7 years
Text
La mama
Un jour, ma mère est venue aider à distribuer de la nourriture pour des demandeurs d'asile qui vivaient sous le pont d'Austerlitz. Comme les associations ne pouvaient pas venir le lendemain, elle s'est engagée à faire le repas suivant, pour 120 personnes. Elle est rentrée surexcitée, a fait le marché avec mon frère, a embauché un copain tunisien pour traduire des infos et a réquisitionné mon père et la voiture de mon cousin pour tout emmener. Une fois partie, la cuisine était pleine de petits grains de semoule et sur le coup, je n'ai pas réalisé que c'était le début d'une nouvelle vie.
Ma mère était très contente l'autre matin parce qu'elle a reçu un sms d'une étudiante vénézuélienne à qui elle apprend le français, qui lui a écrit « Je l'ai appelée (COD)»
Fidèle électrice du PS, elle a aujourd'hui sur son trousseau de clé celle du local du parti communiste du 13e. Elle réussit tous les jours à faire cohabiter militants communistes et mélenchonistes et ça, c'est peut-être le plus miraculeux.
Ma mère est souvent tourmentée, révoltée, bouleversée par les histoires des réfugiés qu'elle côtoie tous les jours et qui lui manquent dès qu'elle part en vacances. Cet été, sur les chemins de montagnes, je la revois essayer de capter du réseau pour expliquer à une assistante sociale le dossier d'un jeune afghan dont le dossier venait d'être refusé. Certaines nuits, elle n'en dort pas. Certains soirs, je la vois heureuse comme rarement dans ma vie après un cours qui s'est bien passé.  
Elle s'occupe d'un jeune garçon ghanéen de 18 ans qui m'a dit un jour qu'il l'aimait comme une mère.
Certains matins, quand je me réveille, je la trouve dans la cuisine en train d'essayer de trouver la meilleure technique pour expliquer la différence entre l'accent aigu et l'accent grave.
Elle a hébergé pendant un mois un écrivain yéménite avec qui elle parlait de Gauguin et du nouveau prix nobel de littérature japonais avec un peu de français et beaucoup d'imagination. Quand elle en parlait, elle disait « C'est temps-ci, je fais une drôle de coloc' »
Ma mère a appris à détecter les vices de forme lors des refus d'examen des demandes d'asile pour cause de dublinage, et envoie des textos jusqu'à minuit aux avocats qui savent qu'ils peuvent compter sur elle pour monter des dossiers bétons.
Elle connait maintenant les tarifs de toutes auberges de jeunesse de Paris où elle paye parfois des nuits au chaud à des réfugiés qui sont toujours à la rue.
Ma mère a réussi à faire venir bosser avec elle la copine de mon frère (à qui elle a demandé un dimanche autour d'un poulet rôti : « tu fais quelque chose demain matin ? »), le frère de ma meilleure amie, deux copines d'Arte, mon copain Jérémie et bientôt un voisin de l'immeuble d'à côté.
Quand elle rentre de Chevaleret, elle s'arrête souvent chez un petit vietnamien, où elle mange quelques nems, en se rendant compte qu'elle a oublié de déjeuner et qu'il est déjà 16h30. La dame qui tient le restaurant lui demande toujours si elle ne veut pas changer, mais elle aime les nems. Et le thé au jasmin. Alors elle a une carte de fidélité sur laquelle il n'y a pas de tampon, car ses repas ne dépassent jamais 6,50 euros.
0 notes
coucycoussa · 7 years
Text
Un soir de Beaujolais à l’Express
Ce soir là, j'avais complètement oublié que c'était le Beaujolais avant que Louis ne m'appelle. Le Beaujolais c'est rarement très bon. C'est même un peu beauf, pas très fin et ça tâche. Bref, si on m'avait dit pendant mes années à la Sorbonne que je passerais une chouette soirée un soir de Beaujolais dans un bar de quartier près de Châtelet, j'aurais surement levé les yeux au ciel.   Quand on est arrivé vers minuit, le bar était plein à craquer. Melchior, un apprenti acteur du quartier, était venu donner un coup de main à Valentin et Malo au service. Il avait l'air un peu défoncé, parlait fort et souriait à toutes les jolies filles.   Louis a insisté pour boire du Beaujolais « nature ». La différence avec l'autre n'était pas criante. Près du comptoir Jacquotte et Madeleine, deux soixantenaires un peu éméchées, racontaient toutes fières d'elles qu'elles avaient glissé leurs pourboires directement dans le caleçon de Malo. Celui-ci les regardait en riant et Melchior les a embrassées sur le front. A l'intérieur, il y avait eu un concert. Quelques clients se sont mis à chanter et à monopoliser les micros, tandis que les musiciens essayaient de ranger leur matériel. On entendait des notes de reggae, puis un couple de petits vieux a murmuré quelques notes en se regardant dans le blanc des yeux. Sophie, la serveuse du restaurant d'à côté, était entourée comme à son habitude de badauds et de serveurs des environs. Sophie est brune, toute fine, très souriante et elle raconte toujours qu'elle a un copain dans le Sud. Elle vit depuis des années dans le quartier, dans un petit appartement qu'elle partage avec son frère. Personne n'a jamais vu son copain.  Ce soir là, elle racontait pour la cinquième fois son épopée deux semaines plus tôt au comissariat du 1er arrondissement, avec une Italienne qui s'était fait voler son sac à l'Express. Au comptoir, un Alsacien m'a appris une technique russe (découverte en Australie) pour boire le schnap's sans faire de grimace à la fin. Il faut d'abord expirer, boire cul sec son verre, puis respirer dans les cheveux de son voisin. Etrangement, ça marche assez bien. Il paraît que c'est encore plus efficace si on respire à travers une tranche de pain. En fait si j'étais là ce soir-là, c'était pour parler avec Julien. Julien, c'est l'ancien cuisinier de l'Express qui a quitté Paris et ses soirées un peu trop arrosées pour aller vivre en Bourgogne dans une petite maison il y a quelques années. Il a une longue barbe, porte souvent une casquette et a le rire facile. Ce soir là, il déguste du beaujolais dans des petites coupelles en argent. Il se fait offrir des verres par tout le monde et quand les bouteilles sont vides, il passe directement derrière le bar pour se servir une bière. Il y a quelques mois, un soir de fête, il s'est rendu compte qu'il avait perdu sa carte d'identitté et est parti au comissariat. Là-bas, on n'a pas voulu prendre sa déposition car il avait bu. Il est sorti enervé et a tapé sur le parc-brise d'une des voitures de police garées là. Les policiers se sont rués sur lui, l'ont frappé et l'ont mis en cellule. Le lendemain, il est passé en comparution immédiate pour destruction de biens et rebéllion contre l'ordre public. Il a pris trois mois fermes. Ce soir là, j'essaie de le convaincre de prendre un avocat pour son appel. Julien ne veut pas, il dit qu'il ne « veut embêter personne » et qu'il « sait se défendre tout seul ». J'insiste un peu pour le principe mais je sais qu'il ne se souviendra probablement plus de notre conversation le lendemain.   Quand il apprend que je travaille pour une émission de télé, il me dit qu'un jour, il faudra qu'il me raconte son histoire. Il m'évoque rapidement une enfance à la DASS, les familles d'accueil, les foyers et me dit juste « un moment, j'ai craqué ». Et puis l'épicier du coin vient s'asseoir à côté de nous et on se met à parler de filles. Pour Julien, les plus jolies filles viennent d'Israël. Quand je lui dis qu'il devrait y aller en vacances et qu'il rencontrerait peut être la femme de sa vie il me regarde en riant et je sais qu'il n'ira jamais. Le nouveau cuisinier, Anthony, est un Bangladais chrétien qui est arrivé il y a trois ans en France.  Tous les jours, avant de venir travailler au bar, il prend des cours de français dans une église évangeliste porte de Bagnolet. Ces temps-ci, il apprend à conduire, du coup il a moins de temps pour le français. Le soir, après son service, il prend un noctilien pour rentrer dans l'appartement de Bobigny qu'il partage avec d'autres Bangladais. Dehors, Doudou, le patron du bar, avait installé une petite table ronde, à côté de la terrasse. Il était deux heures du matin et trois bouteilles vides trônainet sur la table qu'il partageait avec un entraineur de rugby de la région parisienne. Pendant qu'on parlait avec l'entraineur, Doudou s'endormait sur sa chaise. Parfois, il rouvrait les yeux et engueulait ses serveurs en leur disant qu'il fallait fermer le bar. Il était plus de deux heures et c'était toujours aussi plein. Doudou habite l'appartement au dessus du bar. Pendant des années, il y avait un escalier qui reliait les deux derrière le comptoir. Il a été condamné il n'y a pas longtemps après quelques visites intempestives de clients chez Doudou. En voyant que Doudou s'endormait vraiment, l'entraineur a dit qu'il allait filer. On a eu le temps de faire une bise à Valentin qui s'activait pour essayer d'encaisser les clients et on a fait de même. Le lendemain, j'ai rappelé Julien. Comme prévu, il ne se souvenait qu'à moitié de notre conversation de la veille et après avoir de nouveau refusé que je le mette en contact avec un avocat, il m'a dit qu'il avait vraiment passé une « chouette soirée » et qu'il repartait dimanche. Il n'avait pas eu le temps de passer au tribunal pour s'encquérir de la date de son appel.
0 notes
coucycoussa · 7 years
Text
Un week-end à Coucy
Un week-end dans une maison où les chasses d'eau ont été remplacées par des arrosoirs. Où trône sur le frigo une énorme télévision qui n'a pas l'air de marcher, surmontée d'un sombrero ramené d'un voyage en Amérique du sud que l'on ne sait plus bien daté. Où un petit chat très mignon se glisse dans les valises et s'enroule autour des cous. Où on joue au ping-pong dans la cave à vin et où les balles rebondissent à l'infini entre les bouteilles. Où l'on monte à la fin de la journée dans le grenier de son père pour observer le coucher de soleil. Où vit un grand frère un peu ermite, aux expérimentations capillaires pas toujours réussies. Où le cabinet médical du grand père est resté tel quel plus de vingt ans après sa mort. Des dessins d'enfants recouvrent juste à présent le panneau lumineux qui servait à regarder les radios des patients. Un week-end dans un village où l'on ne croise les gens qu'à l'heure de promener le chien. Où le bar du village annonce fièrement « Samedi 18 novembre – Concert Reggae et beaujolais ». Où la salle du restaurant de l'hôtel pourrait être le décor d'un film de Claude Chabrol. Où le cour de tennis est petit à petit envahi par les feuilles mortes et la mousse marron. Où dès que la nuit tombe, la boulangerie et ses éclairages ressemblent de plus en plus à une boite de strip-tease de Pigalle. Où le cimetière est recouvert de fleurs jaunes, en ce lendemain de 1er novembre. Où sur le panneau d'information de la mairie, une affiche pour encourager les femmes à faire un dépistage du cancer du sein exhibe un dessin de jeune femme nue, dans une position lassive, sur un lit. Où dans le 8 à 8, il y a une seule étagère qui regroupe les produits bio et les « produits exotiques ». Où Denis, le boucher, précise que le paté de canard est fait maison. Un week-end à attendre des aimants pour fabriquer une éolienne. Un week-end somme toute assez cauxien.
0 notes