Don't wanna be here? Send us removal request.
Text
7. Sapin
Ça embaume l'air montagnard l'été et ça échoue en bataille en décembre. Pointe de nature endeuillée. Cime égarée. Cimetière d'épines calcinées. C'est aussi la senteur évanescente d'une chandelle consumée. Du bois nordique au fond des âges. Le monochrome forestier. J'entends les flûtes des faunes. L'appel de Pan. La jeunesse éternelle et l'art de la fête dionysiaque.
6 notes
·
View notes
Text
6. Terracotta
L'évocation d'une pierre rouge, de la céramique de jardinage, d'une plage à l'autre bout du cadran solaire, un vol pour les terres du sud, on peut monter vers les étoiles, la cendre de Mars, un parfum d'ambre et de sang, planisphère où s'hasarde un doigt fébrile pour trouver une destination pionnière. La roche rouge, son dépôt de craie poudrée sur les paumes tendues vers les cieux. Fouler la terre qui n'a rencontré aucun pied, aucune balise humaine, aucun flambeau olympique. Vierge désert comme dans ma tête vide parée pour quelque voyage sans retour ni détour à la Into the wild.
3 notes
·
View notes
Text
5. Tourterelle
Le bruissement tragique d'une tourterelle, claque fenêtre, cacophonie matinale. Je vivais aux heures vespérales. Une époque révolue désormais. L'oiseau de nuit se transforme en l'oiseau du point du jour. Je ne connaissais pas les heures creuses à la périphérie de quatre heures. C'est un temps profondément suspendu dans lequel même le silence a un son, une saveur qui diffèrent. Entre la veille et le sommeil. Les premières lueurs sous un rideau de plomb, paupières lourdes sans force, ballantes, seulement les piaillements indistincts d'un volatile au loin, dans la grisaille inhabituelle d'un mois de juin.
4 notes
·
View notes
Text
4. Pomme
Trois pommes, surnom qu'on m'a attribué longtemps. Et elle, à peine plus haute aujourd'hui. Couleur de l'enfance, de la simplicité du verger du grand-père. Pomme d'Api, années quatre-vingt-dix. Tarte au goûter. Golden, pink lady ou la gala de Blanche-Neige à la télé. Automne de rentrée et son allée de chênes, le lierre hésitant. Le sirop d'érable sur le fruit encore chaud. Sensation rimbaldienne d'éternité bohème. Un croc dans la vie, entamer chaque étape, ramper, marcher, biberon puis cuillerée fondante de compote, une apparition récréative. La pomme revient chaque année, indémodable.
3 notes
·
View notes
Text
3. Dragée
J'ai dit pas de rose pour les filles, pas de cliché de société, pas de baptême avec les sachets de dragées en dentelle. Une fumisterie commerciale l'univers de la puériculture et ses mobiles vendus à quatre-vingt, ses trois packs de couches à cinquante. C'est la couleur d'un genre. Opium des jeunes mamans quand elles commencent les achats compulsifs. Publicité héréditaire d'une Barbie trop lisse. Je ne m'identifie pas. Elle sera sauvage ou rien. Elle sera jungle, savane, jurassique, nippone.
7 notes
·
View notes
Text
2. Vanille
C'est la première étreinte entre toi et moi, l'enivrement des îles, les orteils dans le sable chaud et la pina colada au bord des lèvres sucrées. Ton voyage de miel, un direct pour une cala d'une vertigineuse abondance. Huit ans à ne plus compter, à recevoir, à donner, à éprouver, à pardonner, à assembler, à s'emmurer, à désirer, à explorer. Toujours cet attrait particulier pour la vanille odorante, familière en coupe glacée, dans un creux du cou ou sur la paume des mains délivrées. C'est aussi la couleur de sa peau nouvelle, le reflet ensoleillé sur ses joues rebondies d'innocence encore préservée, la couleur d'une orchidée sous cloche.
7 notes
·
View notes
Text
1. Paon
C'est la couleur de sa couverture, évasive et rêveuse débordant du berceau taille zéro. Poids plume, poids naissance. Les quarante-neuf centimètres ne dépassent pas le pan du tissu molleton nuageux. Parfois un pied ose s'aventurer au-dehors, l'air de rien, pour prendre la température du monde. Sablier qui s'écoule inlassablement, voisin d'une aube nouvelle, les cinq heures cernées, chaleureusement enroulées comme un maki d'amour. Elle se love contre mon cœur. Elle se tapit dans mes bras. Elle est emmitouflée dans ma tendresse maternelle. Inlassablement.
7 notes
·
View notes
Text
30. Au revoir / Écrire
On est le trente du mois, la parenthèse enchantée se ferme, les rideaux du théâtre de pourpre et d'éloges clos. J'aimerais tenir ce fameux livre à l'histoire interminable entre mes mains. Impossible, attendre une année, contrat renouvelable à vie peut-on croire. Un CDI d'écriture. Une dernière fois, sourire aux touches du clavier qui s'agitent frénétiquement, gravant des mots dans l'immensité du web. Une dernière fois, s'épancher à vif, anatomie d'une vie insignifiante, bravant les plus intemporels déboires. Quelque chose de beau est en cogitation. Je signe mon nom en bas de page, je tire ma révérence. (Ai-je seulement tout dit ?)
13 notes
·
View notes
Text
29. Dernières fois
Je n'aime pas les dernières fois, je ne les savoure pas. Je me dis toujours que ce n'est pas une fin en soi, qu'on se reverra pour passer d'autres lendemains heureux, qu'on se fera cette fameuse sortie kayak ou cette soirée victorienne, or, l'expérience, implacablement, montre qu'il s'agit bien d'une promesse en l'air, politesse oblige. On jure les grands dieux. On n'est pas pareils, nous. Le à un de ces quatre, ça veut tout dire, le quatre du mois ? Le quatre en partant du bout ? Ou le quatre qui veut dire jamais ? Un futur proche éloigné. Un futur décidément sans aucune certitude. Peut-être, oui, avec plaisir, bien sûr. Néant. On se disait tout avant, on se confiait, on chuchotait, on riait à gorge déployée. Puis, quand le manège s'arrête, la sensation est presque amère. Un regret en suspension. On finit par l'oublier. Personne ne relance. Nombriliste et faux-cul, hypocrisie derrière chaque projet déluré. Je préfère qu'on soit juste honnête. Pas juste sauver les apparences. Ne pas être radin en amitié. C'est la dernière fois que je me fais avoir.
10 notes
·
View notes
Text
28. Il reste des batailles à mener
Notre société est un no man's land en régression : pauvreté, LGBT, racisme, égalité homme-femme, écologie...Il reste des batailles à mener, en fer de lance de l'éducation qui se transforme en bouillie d'enfants rois. Nous ne sommes qu'un petit bout d'infanterie, de chair à canon qu'on envoie au front sans réellement savoir le fond de la cause défendue et déjà perdue à notre échelle minuscule. Les puissants commandent, nous ne sommes que les exécutants. C'est bien de se gargariser de belles idées, de révolutions multicolores, mais rien ne semble ébranler le rocher de Polyphème bloquant la seule issue. Voter blanc, bleu ou rouge, la couleur paraît illusoire. Toujours la même rengaine rabâchée au pied levé. Regarder d'un œil dépité le jeu des trônes musicaux et vacants. Une nouvelle tête sort son épingle et vient décapiter les autres. Avec des espoirs étouffants. Il faudrait un tank et défoncer toute cette gloire républicaine qui chante ses propres louanges.
10 notes
·
View notes
Text
27. Repartir de zéro
Enfance déconnectée, champêtre, solaire. Soledad ado, flâner au milieu des livres bucoliques, romantisme exacerbé, écriture thérapeutique. Adulte en crise, en vagabondage aux quatre coins de l'Europe, dépassionnée et lassée de ne plus trouver assez de sens, le professionnel ne remplit pas une vie, envie d'un nouveau tournant philosophique, psychanalytique, être de l'autre côté du miroir, comme pour conjurer le mauvais sort, exorciser le mal de mère en le devenant soi-même. Une boucle verrouillée. Je repars allégrement de zéro avec des craintes et de l'optimisme à revendre, sereinement, renouveler sa propre existence. Un don de soi aux allures métissées.
7 notes
·
View notes
Text
26. Tout au milieu des étoiles
Ils ont pris l'escampette, leurs vieilles pompes et ils ont été se réfugier au fond des forêts. Ils ont cramé des marshmallows et ont dansé tout au milieu des étoiles incertaines, traçant des constellations de leurs mains sensibles. Ils ne savent pas encore le langage de l'amour, ils ont oublié de se le dire, pourtant leurs corps le crient, le clament dans les failles des flammes témoins d'une nuit sans lendemain. Ils ont piqué une bière et quelques chips. Ils font craquer des allumettes et jouent de leurs lèvres. Ils s'enchaînent sous la tente en firmament. Hululements, grattements, fauverie. Les dents se font crocs dans la chair crépusculaire. Les yeux se font renards sournois dans le sous-bois. Ils ne récoltent plus des champignons et ne sèment pas des cailloux blancs sur leur passage fiévreux. Le soleil décide de ne pas se lever à l'heure. Les aiguilles au ralenti. Pour leur laisser une minute de répit. Emmitouflés dans les draps d'Eros.
7 notes
·
View notes
Text
25. « Au fond de chaque mot, j’assiste à une naissance. » A. Bosquet
Je visualise sans vraiment savoir, des explications scientifiques alambiquées, un nouveau jargon : aménorrhée, écho de datation...Un chapitre de genèse accouche sur le papier auréolé de licornes magiques et de dinosaures naïfs. Tout en plus petit dans les magasins, repérer ce qu'on ne voyait pas avant. Chercher immense baleine bleue pour le petit neveu et l'affubler du doux nom de Moby. Trouver un body, quelle taille ? Trois mois ou plus, un vrai mystère. Le voir pour la première fois, le calmer dans mes bras dans un balancement de maman néophyte. Je n'ai jamais aimé les poupons. Je rejetais les rejetons. J'ai trouvé pourtant agréable d'être unique au monde dans ses yeux bleu acier. J'assiste à la vie qui quémande, geint, s'endort, sourit, ne juge pas, s'interroge et rêve.
7 notes
·
View notes
Text
24. Jamais
Jamais ils ne connaîtront les VHS ni la Playstation 1. Les lecteurs CD ni Denver le dernier dinosaure à la télé. Pas de Nokia à touches et ô mon Dieu, pas tactile. Ils ne verront pas un monde sans WIFI. On leur épargne heureusement les Boys bands de notre jeunesse et le look tecktonik. Les baskets Buffalo à flammes qui s'en souvient ? Le paquet de Dinosaurus pour la récré. Les pogs, les billes et les jojo's fluorescents. Une époque sans COVID, une époque où on pouvait passer des heures à faire des tours en vélo dans le quartier. On louait un film le samedi soir. On faisait exploser les pop-corn dans le micro-ondes. La pizza coûtait moins de dix euros. J'ai connu le ciné à cinq euros, les cafés qui fument (une bonne chose que ça soit derrière nous cela dit). On n'a pas l'impression, mais le temps ne se réécrit jamais, telle une stèle en granit, la fragilité de la fuite en avant dans un monde toujours plus rapide.
9 notes
·
View notes
Text
23. Anamorphose
La réalité se froisse en feuillets d'hypnose. Cette beauté fatale sur cette affiche publicitaire à l'arrêt de bus, mannequin dénué de parfum, si on la capture sans maquillage, elle a les traits qui se distordent, les lignes qui se courbent. On vit au vingt-et-unième siècle du bal masqué. Subtilement déformant ce mascara. Reine du shopping ou relooking passager, on se sent vite pénétré par l'envie de ressembler aux bombasses armées de leurs peaux bien lissées. On nous promet le Graal avec un seul produit Sephora. On nous fait miroiter un corps de sirène, une taille impeccable en omettant bien sûr la retouche Photoshop indispensable. Adieu cellulite, adieu vergetures, adieu les imperfections. Des pommades toujours plus innovantes, des cache-misères toujours plus ingénieux. L'anamorphose superficielle dès l'âge de posséder une Barbie. Mais soyez fières de vos centimètres de tour de taille non conformes, de votre IMC disproportionné, de vos envies indécentes de malbouffe, de votre bidou distendu, de votre visage du matin au réveil, de vos cheveux ébouriffés et de vos cernes sculptées sous vos yeux gonflés. C'est sans doute la meilleure part de nous.
9 notes
·
View notes
Text
22. Le soleil me fuit
Tu as l'air triste. On me le dit. L'âme endeuillée. La mélancolie innée. Ça colle à ma peau, visqueuse et intraçable. Mon histoire met les larmes aux yeux. L'abandon suscite la pitié. J'ai tellement apprivoisé cette part de moi jusqu'à l'occulter parfois. Oublier c'est facile. C'est y penser qui s'avère douloureux. J'écoute les chansons qui pleurent. Je préfère les drames aux comédies. Quand le héros meurt. Quand l'amour finit en impasse. Je suis peut-être sadique. Voir l'univers s'écrouler, ça m'émeut. Le soleil me fuit même en pleine canicule. J'ai des coins d'ombre dans la tête. Un nuage grisonnant qui me poursuit. J'ai des rêves en-dedans. Je porte de fausses paillettes pour berner mon monde. Mon sourire est factice, tu grattes à la surface, il s'écaille, vole en éclats. J'envie les gens toujours bienheureux, je n'y crois pourtant pas. Eux s'affichent ostensiblement, injustement, excessivement, ça cache quelque chose. J'ai juste moins peur d'apparaître sous mon vrai jour.
6 notes
·
View notes
Text
21. Camille
Ce prénom m'évoque une amie, un petit chat aux taches de rousseur, au caractère de feu, fort trempé. Le café fort, les orages de juin, le parfum des pêches mûres. Hymne à notre amitié lycéenne et même après. J'ai eu envie de la protéger alors que c'était elle l'Amazone au chant féministe. J'ai eu envie de partager des confidences autour d'un chocolat chaud au Luxembourg. Elle est battante, sincère dans ses démarches, l'aplomb terrible, elle ne lâche rien. Être pourtant aux allures d'enfant. Innocence et naïveté au fond du sourire. On avait la même mère tyrannique aux mêmes principes houleux et on débordait ensemble de frustrations et du devoir familial. Elle aussi a connu la tragédie du cancer dans son cocon. Un peu trop jeune. Même pas vraiment adulte quand c'est arrivé. On se comprenait, décidément, nos trajectoires se croisaient. On a nos nouvelles vies, des conjoints héroïques, je ne l'oublierai pas, ce qu'on a traversé. Merci à toi.
7 notes
·
View notes