Petit papillon coloré
Au collectionneur se destine
Poème qui ne peut durer
Ivresse éphémère et mutine
Légèreté désespérée
Le papier en volant dessine
Origami de nos secrets
Nouvelle écrite sans machine
J’ai ouvert l’application. Fébrilement. Pas le coup de pouce affirmé, un léger tremblement tactile.
J’ai repensé à la première fois qu’on m’en avait parlé.
Une table, entre collègues, un cours sur les volcans niveau 5e entièrement rédigé par une IA. Je n’y croyais pas au début. L’improbabilité me fascinait néanmoins.
J’ai alors pensé : et si j’écrivais un roman complet d’un simple clic ?
Plus compliqué que ça en a l’air, il a fallu réfléchir à la forme, à la syntaxe d’une demande faite à un génie de l’écriture. Première demande : écris un texte sur la mer à la façon de Chateaubriand. J’ai été soufflée, bluffée, ébouriffée par une tornade de maux romantiques.
La folie m’a alors emportée, j’ai testé, j’ai voulu absolument trouver la combinaison parfaite.
Deuxième demande : un texte en prose poétique.
C’est un fait, une évidence.
Je me sens piégée.
En échec total.
Une machine peut-elle donc faire mieux ?
Les idées viennent toujours de ma cervelle, n’est-ce pas ?
C’est moi qui demande. Lui, c’est l’exécutant.
Cette foutue plume digitale n’aura pas raison de moi.
Jamais !
Si la beauté semble différer de tes yeux au miens et des miens aux leurs, comment peux-tu m'expliquer que des sons parvenus qui apaisent ou effrayent et de la texture au langage inconnu qui s'émane de lui ou elle, peux-tu commettre un leurre ? Si mes mots te surprennent ou surpassent ma propre pensée, n'en doute pas néanmoins que je perçois le dégoût et la laideur que tu éprouves au contact visuel ou à l'idée de toucher celle qui te provoque ces envies de t'en éloigner ou de la tuer, du moment que son existence ne daigne plus déranger selon toi, la tienne.
Nous, les Hommes, nous sommes presque tous les mêmes. Fuyant, redoutant et voulant mettre à mal ou à mort ceux qui diffèrent de nous et qui ne nous semblent pas digne de vivre leur vie. Mais pourquoi, alors, ressens-tu du plaisir visuel à la vue de ce papillon ? Pourquoi le battement de ses ailes est-il si important et qu'une expression en porte t-elle même le nom ? Toi, dis moi pourquoi ses couleurs et sa beauté te font sourire et t'inspirent peintures et poèmes à son égard. Pourquoi tu juges que sa vie vaut plus que celle de la chenille. Comprends-tu même qu'il s'agit là du même individu ? Réalises-tu la bêtise qui existe en chacun d'entre nous à différents niveaux, et qui nous pousse à juger un être à son apparence plutôt qu'à tout le reste ?
Alors la prochaine fois que tu verras un insecte, un animal ou l'un de tes compères et que tu éprouveras du dégoût ou de la haine, souviens-toi que la plus parfaite des créatures finira un jour pas devenir poussière. Rien n'est éternel, pas même la beauté ou la vision que tu en as. Tout est subjectif. Parfois, il est bon d'apprendre à fermer les yeux afin d'ouvrir son coeur.
Le sixième jour du défi français de 30 jours, j'ai appris un peu de français à ma mère. Elle voulait apprendre à parler en français, alors elle était excitée à ce sujet. Je lui ai appris certaines des bases et je pense qu'elle a très bien réussi à ramasser des choses. Elle a dit qu'elle voulait que je lui en apprenne plus !
Artist Shaka Fumu Kabaka wearing his costume, Matshozi 6 Jours (Six Days of Tears) made from discarded dolls to honour the victims of the six-day war in his home town of Kisangani, Democratic Republic of the Congo
De Metz, il reste mon enfance mise en carton par mon père. Je n’oublierai jamais le mirador en bois surplombant comme une arche le mur du voisinage, le bras mort ou le refuge des cygnes dans l’antichambre verdoyante. Ne plus y retourner, c’est comme une lettre de Poudlard jamais reçue. J’ai l’impression d’avoir fabriqué des herbiers de ces années d’insouciance perlée. Un palais livresque à reconstruire ailleurs. Je me détourne des lieux, malgré l’arborescence de souvenirs perdus dans les lierres, enfouis telles les noisettes égarées de nos petits rongeurs roux. Toutes ces odeurs ancrées en moi : le chocolat qui fond dans la casserole, la menthe fraîchement récoltée du jardin, l’arôme sucré de la maison saupoudrée d’un peu de cannelle et de sucre glace. Cette joie profonde que l’on ne connaît qu’une fois, en farfouillant dans la tête, d’être là où il faut être. Dans le foyer qui nous rend notre amour. Il reste un peu de terre sous mes semelles usées, il reste mes pas dans la poussière adolescente, sous le fantôme d’un saule pleureur. Je m’envole après un dernier coup de raquette, j’arrache les filets, le jeu est terminé.
La radio passe une chanson de Benabar. C’est un chanteur que j’aime bien. Je vais le prendre pour un bon signe. J’ai besoin de toute l’aide disponible : si les dieux, les anges gardiens ou tout le folklore qui peuple les cieux décident de se mettre de mon coté, ça me va.
Je reste concentré sur mon message. Il doit être parfait. Et je sais que je suis particulièrement nul à ça. Donc j’ai fait appel à une autre aide, plus concrète. Non, pas un ami, ou plutôt un ami dans le même style que quand on dit que Google est ton ami. J’ai ouvert Chat GPT. Et je viens de passer une demi-heure à lui expliquer la situation.
« Petites causes, grandes conséquences… »
C’est que le cas est grave, et compliqué. Ma relation avec Milène pourrait être le centre de ma vie, le point culminant de mon existence. Si cette relation existait. Ce qui est délicat. Pour tout un tas de raisons que j’ai eu bien du mal à faire comprendre à l’IA. Mais ça y est, il a l’air d’avoir saisi l’enjeu. Il me dit :
Vous voulez formuler votre message de manière romantique, sans sous-entendu qui serait mal interprété. Ai-je bien compris votre requête ?
C’est le mieux que je puisse obtenir, alors je réponds oui et je lui envoie le premier jet de mon message. Quelque chose de très simple : quelques compliments et une demande pleine d’espoir de faire davantage connaissance. Il me faut simplement un petit coup de pouce pour lui donner un peu plus d’allure. Me démarquer du lot.
Chat GPT réfléchit.
« Pourtant joli comme expression… »
Il répond, et sa formulation est parfaite. Exactement ce que je voulais ! Comme si un condensé de tous les écrivains romantiques des deux derniers siècles s’était penché sur mon cas ! Non, il ne faut pas prendre le temps de réfléchir, ni d’hésiter, sinon je ne le ferai jamais : j’envoie !
« Petites causes… dégâts immenses. »
Sa réponse est immédiate. Parfaite. Elégante. Fleurie. Charmante.