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Ils veillent

C’est l’heure. Seul dans ma chambre, je me connecte à Facebook. L’interview débutera dans quelques instants, juste le temps pour moi de m’installer. J’appréhende les nouvelles. La rentrée vient. Je me dépêche, le live commence.

Deux hommes à l’écran. Le journaliste fait son introduction tandis qu’un autre le regarde. Cet autre, je ne le connais que trop bien. Il préside l’université. Le journaliste revient comme attendu sur les évènements du semestre dernier. Il mentionne le blocus géré je cite « sans incident violent » ainsi que les examens de fin de semestre et la destruction du serveur informatique. Une plainte avait d’ailleurs été déposée mais aucun verdict n’est encore annoncé. Ils rappellent ensemble la cause de tout cela : la mise en place de ParcourSup.

Quelques minutes seulement après le début de cette transmission la question tant attendue est abordée : y aura-t-il une nouvelle mobilisation ? questionne le journaliste. Une mobilisation sur quelle base ? demande à son tour le Président. Celui-ci considère que l’université n’a pas fait de sélection à l’entrée et par conséquent que ce motif de mobilisation, motif principal du semestre dernier est donc caduc. L’interviewé dit toutefois rester prudent sous-entendant certainement que si blocus il doit y avoir, blocus il y aura quel qu’en soit le motif.

Le journaliste laisse place à l’une de ses collègues présente lors de la conférence de presse du président de l’université. Je profite de cet intermède pour me servir un verre d’eau. L’augmentation du nombre d’étudiants en première année sert à légitimer la non-sélection puis les travaux de rénovations de la fac sont abordés. Je remarque à ce moment que les commentaires sont étrangement calmes. Une mention, c’est tout. Cela au point que le community manager se retrouve dans l’obligation d’aller au front afin d’inciter les gens à réagir. Ami, qu’a tu-fais ? Quelqu’un se lance enfin, saluant le Président et se présentant comme appartenant à un groupe, le SEUM. Ce nom ne laisse présager rien de bon. Il enchaine avec un second commentaire nous informant que son groupe « veille ». La journaliste traite de l’accompagnement des étudiants en cas d’acceptation sous conditions lorsque cet étrange membre du SEUM envoie un troisième commentaire, s’adressant directement au Président, mentionnant le refus de ce dernier de répondre aux questions du groupe il y a de ça quelques mois. Deux autres questions sont posées par la journaliste sans mentionner les commentaires du live. Un quatrième commentaire est publié, toujours de la même personne indiquant qu’un enseignant soutient leur groupe. Réalité ou bluff ? Impossible de le dire mais il ne fait aucun doute qu’il n’est pas malin de divulguer la liste de ses membres. Je commence à penser qu’il ne s’agit que de provocations vides. Pourquoi est-il tout seul à commenter ? Où sont donc les autres membres et que font-ils alors que le live est en direct ? Le community manager tente de s’en débarrasser. Il mentionne alors ses amis. J’aurais dû faire taire mes pensées.

La femme laisse place à son collègue précédent afin de conclure l’interview. Deux autres commentaires sont alors postés émanant de personnes différentes. Le membre du SEUM revient alors à la charge en mentionnant sans succès la page de son groupe. Parmi les deux autres commentaires, l’un fait mention d’une plainte contre le Président de l’université. Je reste attentif tandis que le journaliste lit le premier commentaire sur le coût de la rénovation des bâtiments. A ma plus grande surprise, il enchaine avec la question de cet étrange membre du SEUM sur le refus de réponse. Le Président dit ne pas savoir de quoi il s’agit. Le live se clôture sans traiter les questions remettant en cause les affirmations du président.

Ce live me laisse dubitatif. Il ne fait aucun doute que certains sont là. Combien sont-ils réellement ? Nous ne le savons pas mais les ignorer est un risque que nous ne pouvons prendre. La rentrée vient.

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School is coming

La rentrée vient comme vient l’hiver. Je suis assis à mon bureau songeant à la tournure des évènements à venir. La rentrée vient. Cette période où les cours recouvrent tout d’une épaisseur de trois mètres. La peur, c’est pour les dossiers à rendre et le mémoire, quand nous restons terrés de longues journées et que nos idées naissent vivent et meurent sans rien voir d’autre que notre brouillon. Voilà ce qu’annonce la rentrée. 

Mon téléphone sonne, un confrère.

"Ils sont de retour.”

Les étudiants se souviennent. Le semestre dernier, tous étaient enfermés chez eux et tentaient péniblement de survivre à leurs dossiers tandis que les cours demeuraient absents. Certains criaient et pleuraient devant leur mémoire affamé de concepts. C’est dans ces ténèbres qu’ils sont apparu la première fois. Les mois à venir seront sombres et plein de terreur.