Tumgik
Text
My childhood can be measured easily, in pools of light spilling onto
pages and books blanketing the surfaces of our house in Aba. When
the electricity died, as it often did, I read by candlelight or with a torchlight
balanced against my body. Both my parents had been heavy readers; they
dragged their libraries into their marriage and kept them separate, distinct,
as if they both knew their relationship would end. My father had a
collection of Reader’s Digest condensed novels on the top shelf of the
bookcase in my brother’s room. In one of them, a little boy called his sister
stupid because she was seven years old. I took it personally when I first
read it, bristling with rage, because I was seven, too. That didn’t mean we
were stupid.
When my parents discovered I’d started reading the sex-advice columns
in my mother’s magazines as a child because I had run out of material, they
quickly bought me more books. Stories became my entire world, unchecked
and unrestricted; I was nine when I read V. C. Andrews’s Flowers in the
Attic, which I think is entirely too young for a child as lonely as I was. My
sister and I rummaged through my mother’s trunk, a steel tomb tucked in a
corner of the house, and we found a copy of Daphne du Maurier’s Rebecca,
with that haunting first line: “Last night I dreamt I went to Manderley
again.” My father’s library had a copy of Ken Follett’s book The Key to
Rebecca, which I’d read before, and eleven-year-old me was in awe at
finding a book that I’d first read about inside another book; worlds eating
worlds, all made by words.
By the time I started college in the States, I’d read every book in my
childhood home. The white dean of my school kept introducing me as the
sixteen-year-old freshman from West Africa who’d already read Dickens
and Tolstoy and Dostoevsky, as if any of that was surprising or special. I’d
only read those books because they were there; the awe associated with a
certain European literary canon wasn’t relevant. I’d also read Cyprian
Ekwensi, Ayi Kwei Armah, Buchi Emecheta, Chinua Achebe, the secret
copy of The Joy of Sex hidden away in my parents’ room, every
encyclopedia entry in my school library on Greek mythology, labels on
shampoo bottles, the sides of cornflakes boxes and Bournvita tins during
breakfast, countless contraband Harlequin and Mills & Boon romance
novels bartered with secondary-school classmates, narrative interludes in
my brother’s video games, and all the parts of the Bible that referenced sex.
It wasn’t until much later that I realized that there was a canon I was
expected to prioritize, especially if I wanted to consider myself a writer, that
the work of dead white men could be a type of currency.
Akwaeke Emezi, Dear Senthuran, A Black Spirit Memoir
3 notes · View notes
Text
En guise de legs, Immaculata a écrit un poème énigmatique à Stokely dans lequel elle l’invite à suivre le chemin de feutre noir qu’elle a tracé sur les pages blanches de sa bibliothèque. « Tous ces livres disent mieux que je ne saurai jamais le faire l’odeur douce- amère de l’éternité, mon petit conteur à virgules. Et si un jour tu te sens seul parce que nous serons tous partis, tu pourras y retrouver une certaine parenté préservée. Entre les mots et les morts, il n’y a qu’un air, il suffit de le cueillir avec ta bouche et de veiller à composer chaque jour un bouquet de souvenance. »
Beata Umubyeyi Mairesse, Tous tes enfants dispersés
0 notes
Text
Les semaines passent, Immaculata pose sur le cahier vierge des livres qu’elle lit, puis un jour, avant de les remettre à leur place, elle décide d’y recopier des extraits. Quand les trois mois de son séjour arrivent à leur terme, le cahier offert par Samora est rempli d’un florilège de phrases cueillies aux quatre coins des littératures noires. Elle le montre à son beau-fils en disant : « Pourquoi écrire mon histoire tourmentée alors que j’en retrouve l’essence ciselée chez tous ces écrivains qui t’ont précédé ? Leur lecture a été pour moi une belle consolation, et j’espère que tu ne m’en veux pas si je ne te livre rien de moi avant de rentrer à la maison. C’est mieux comme ça. »
0 notes
Text
Quand il joue avec sa console, au plus chaud de l’après-midi, Immaculata s’assoit au salon, prend un livre au hasard dans la bibliothèque et le commence. Insomniaque depuis la catastrophe, elle le terminera quand toute la maisonnée sera endormie. Elle n’a jamais autant dévoré, tous ces mots, ils emplissent sa tête d’une douce ivresse. Parfois au lever du jour elle les murmure dans la pénombre de la chambre et le léger ronflement de Stokely les enveloppe de velours. Oiseaux d’aube, sonorités volées à la nuit. Au dîner, elle demande à sa fille et à son beau-fils de lui parler de tous ces écrivains afro-caribéens qu’elle a trouvés sur leurs étagères et dont elle vient de terminer les histoires. Samora est ravi, il lui fait de petites conférences sur Zora Neale Hurston, Chinua Achebe, Bessie Head, Beloved, Mariama Bâ, Nadine Gordimer ou Gouverneurs de la Rosée.
Beata Umubyeyi Mairesse, Tous tes enfants dispersés
1 note · View note
Text
Je sus lire très tôt, magnétisme des mots, leur donner une forme dans ma bouche avant de les lâcher, chapelet de lettres à ânonner, une prière sans fin pour mes lèvres jamais closes. J’apprenais par cœur tout ce qui avait été tracé sur l’ardoise et sur le chemin du retour, la longue route avec ma sœur, je récitais « a e i o u » à tue- tête, elle pressait le pas pour me semer, moi je semais sur le sentier au pied des tulipiers et des manguiers chétifs des histoires, des secrets, la cour de récréation en regorgeait, j’étais sa chroniqueuse attitrée.
Beata Umubyeyi Mairesse, Tous tes enfants dispersés
0 notes
Text
Depuis le début du lycée, elle lisait avec application, persuadée que plus elle rencontrerait de personnages, plus elle pourrait en incarner, et plus les livres étaient longs, plus elle trouvait du réconfort. Elle avait l’impression de s’installer dans les textes, de faire connaissance dans le temps avec les protagonistes, d’entrer dans leur intimité, de s’amalgamer à leurs mondes. Que de voyages en Russie n’a-t-elle pas rêvés durant ces années ? Elle se lovait dans les noms, se réchauffait aux cheminées des datchas, imaginait les campagnes enneigées, les étendues à perte de vue, les paysages immenses qui s’offraient à elle et créaient de nouveaux territoires à explorer dans son esprit. La Russie était son périple préféré. Les Frères Karamazov, Crime et Châtiment, Les Nuits blanches, Le Sous-Sol, Les Possédés, Souvenirs de la maison des morts, Le Joueur. Dostoïevski d’abord, puis Tchekhov comme une obsession. Pour parvenir à jouer ses personnages féminins, elle était persuadée qu’il lui faudrait avoir lu les mêmes livres que ses héroïnes. Pas un instant, Magdalena ne se dit qu’un séjour en terre russe serait nécessaire, non, lire la bibliothèque intérieure d’une personne devait suffire à la connaître, quels que soient son pays d’origine ou sa langue. De quels personnages fictifs Irina Sergueïevna Prozorova était-elle constituée, dans quelle femme imaginaire s’était-elle projetée ? Et Tchekhov, quand il s’invitait dans le salon des trois sœurs, quel livre avait-il glissé dans les rayonnages ? Cette mise en abîme fascinait Magdalena. Chacun transportait sa kyrielle de héros de roman, de film, de théâtre, et ces personnages étaient, eux-mêmes, composés d’autres encore. On pouvait ainsi remonter jusqu’à la nuit des temps. Et l’amour, nous permettait-il aussi de rebrousser chemin ? Chaque couple, en évoquant d’autres, menait ainsi à un précédent, jusqu’au premier ? Après son amitié amoureuse avec Héloïse-Ismène, après le désespoir qui les avait saisies l’une et l’autre à l’annonce du déménagement de la famille d’Héloïse dans une ville voisine, après les serments de ne jamais se perdre, de s’écrire sans fin et de s’aimer de même, après l’été où tout avait disparu comme pollen au vent, Magdalena était entrée au lycée, et avait aussitôt remarqué Igor. Comment ne pas succomber à ce prénom qui la menait au cœur de son pays de prédilection ?
Léonor de Récondo, Revenir à toi
0 notes
Text
"Pour emprunter à mamie sa définition d'une librairie : c'est un endroit rempli de dizaines de milliers d'auteurs, morts ou vivants, qui habitent les uns à côté des autres. Mais les livres ne font pas de bruit. Il reste silencieux jusqu'à ce qu'on tourne les pages. À cet instant-là, les histoires s'en échappent, calmement, fourmillant de détails, juste assez à la fois pour que je puisse les recevoir."
"Amande", SOHN Won-pyung, PKJ, 2022, p. 167
21 notes · View notes
Text
"Si quelqu'un me demandait comment un jeune garçon pouvait lire autant, je répondais qu'on peut faire un nombre incroyable de choses quand on reste seul très longtemps. "
"Ma vie palpitante", Kim Ae-ran, Picquier, 2014, pp. 45-46
40 notes · View notes
Text
Les illustrations des livres de Gavi avaient un pouvoir d'évocation hors du commun, aussi passions-nous de longs moments à les étudier par le menu, repérant des détails à première vue invisibles ou dénués d'intérêt. Je me souviens entre autres d'une maison coupée en deux, de haut en bas, exposant à la vue de tous non seulement ses habitants, ses meubles et objets divers, mais aussi les autres, les habitants cachés que je connaissais grâce à mes traversées nocturnes, et ceux auxquels Sagrario avait fait une fois allusion. Gavi et moi arrivâmes à vivre des jours entiers à l'intérieur de cette maison. Après avoir lu le conte qui l'avait inspirée, nous nous regardions en souriant avant de tourner la page : pas besoin de mots pour savoir ce que nous pensions ou ressentions l'un et l'autre. Nous étions là, complices d'une cause connue de nous seuls. Une complicité proche de celle entre Isabel et moi. Gavi tournait les pages avec une douceur qui contrastait avec la brusquerie de ses mouvements. Ses livres étaient traités avec autant de soin que les miens, pas comme ceux que j'avais hérités de Cristina.
Ana Maria Matute, Paradis inhabité
0 notes
Text
Je venais de terminer un livre et je paressais. Je ne me souvenais pas d’une époque où j’avais fait cela plus d’une demi-journée. Mes matériaux faisaient impitoyablement la queue et ne m’autorisaient aucun répit, me rappelant de plus en plus à mon temps de vie limité. Normalement, dès que j’avais terminé un livre, j’en commençais un nouveau dès le lendemain, je ne tenais pas plus longtemps sans l’écriture, sans la lutte avec les mots. C’est ainsi que s’était écoulée la plus grande partie de ma vie, et je l’avais à peine remarqué. À présent, je n’avais plus qu’une envie : rester assise sur le balcon, sentir le léger mouvement de l’air sur ma peau, et regarder le lac d’un bleu estival.
Natascha Wodin, Elle venait de Marioupol
0 notes
Text
Son mari, Konstantin Arnoldovitch, un vieillard sec avec une barbe maigre et pointue, restait la plupart du temps silencieux. Le matin, il se levait tôt et prenait place devant la fente de la porte. Il attendait les premiers rayons du soleil pour y exposer son unique livre et lire. Certaines pages le faisaient sourire, provoquaient un hochement de tête approbatif, d’autres se faisaient menacer du doigt, l’obligeaient à secouer sa petite tête d’un air désolé, et parfois, il entamait une dispute avec son livre. Quand il était arrivé à la dernière page, il refermait le livre, regardait d’un air pensif le petit épi gris sur la couverture 2, puis ouvrait à nouveau le livre à la première page. Parfois, il discutait longuement avec sa femme à mi-voix, mais en utilisant des mots si compliqués que Zouleikha ne comprenait pas la moindre phrase, bien que la discussion ait lieu en russe. Quel homme étrange ! Zouleikha avait un peu peur de lui.
Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux
1 note · View note
lesgensdeslivreslisent · 11 months
Text
Une autre fois, ce fut ma mère qui me demanda : — Qu’est-ce que tu lis, Areum-a ? — Un recueil de poèmes, répondis-je, les doigts tremblants. C’est le troisième livre de cet auteur. Ma mère se pencha pour jeter un coup d’œil sur la page ouverte. — Tu sais, maman, il y a un poème là-dedans qui parle des personnes qui causent les plus grandes peurs aux autres. — Qui est-ce ? — A ton avis ? la taquinai-je. — Dis-moi ! — D’après l’auteur, ceux qui font le plus peur, ce sont… ceux qui semblent sur le point de disparaître à tout moment. Prise de court, ma mère me dévisagea avec tristesse. — Areum-a ? — Oui ? — Arrête de lire ce livre.
Kim Ae-ran, Ma vie palpitante
1 note · View note
lesgensdeslivreslisent · 11 months
Text
Quand j’étais seul, je lisais. Au début, c’était pour suivre le programme scolaire, puis simplement par ennui. Les livres me tenaient lieu de grand- mère pour me raconter de belles histoires à longueur de nuit, de maître d’école pour me transmettre toutes les connaissances du monde, et d’ami pour partager avec moi ses secrets et ses soucis. Tombé malade tout petit, je n’avais pas pu sortir jouer comme les autres enfants. A la place, je m’amusais avec les grands écrivains. Je jouais au football sur un terrain imaginaire avec Flaubert en attaquant, Homère en milieu de terrain, Shakespeare en gardien de but. Je jouais au base-ball sur un stade avec Platon comme receveur et Aristote en lanceur. Quand Platon pointait les doigts vers le haut, Aristote hochait la tête en mâchant son chewing-gum et dirigeait ses doigts vers le sol. Et bientôt, une balle, lancée depuis l’Antiquité, volait vers moi en dessinant une courbe parfaite. Alors, bêtement, je frappais dans le vide avec une batte plus grande que moi. Bien sûr, les livres de philosophie étaient difficiles à lire, et encore aujourd’hui il y a beaucoup de passages que je ne comprends pas, mais je les voyais comme de longs poèmes élégants. Les parties qui n’avaient aucun sens viendraient un jour vers moi et me diraient avec un sourire : « Bonjour ! C’est moi ! » Cela arriverait plus tard, à l’instar des leçons importantes de la vie. De la même façon, je jouais au tennis avec les poètes, au jeu de go avec les dramaturges, et au volley-ball avec les scientifiques. Avec eux, j’arrivais à faire battre mon cœur plus vite sans courir réellement. J’aimais tout ce qui était fait de papier imprimé, peu importait le genre ou l’épaisseur : encyclopédies illustrées des insectes, des plantes ou des poissons, recueils de poèmes qui me chaviraient le cœur, livres de sciences sociales qui me giflaient l’esprit. Parmi ces livres, il y avait des ouvrages d’initiation, comme Le go pour les débutants, Le b.a.-ba du golf, Première année de japonais, Principes de base de l’électricité, Découverte de la musique classique, Le féminisme facile… Je ne sais pas pourquoi je les ai lus. J’étudiais l’électricité, mais dès que je changeais une ampoule, je transpirais à grosses gouttes. J’ai mémorisé les hiragana, mais je ne suis jamais allé au Japon. On pourrait croire que je ne lisais pas par amour de la connaissance mais mû par la peur de celui qui se retrouverait seul survivant de la fin du monde. Mais, sans parler du fait que je lisais des ouvrages sur le golf alors que je n’avais jamais mis les pieds sur un terrain, à quoi aurait bien pu servir le féminisme au dernier représentant du genre humain ? Si quelqu’un me demandait comment un jeune garçon pouvait lire autant, je répondrais qu’on peut faire un nombre incroyable de choses quand on reste seul très longtemps. On ne le décide pas à l’avance, on le fait sans s’en apercevoir et un beau jour on se rend compte de tout ce qu’on a accumulé. Les œuvres de fiction étaient mes préférées, de la plus ancienne histoire de l’humanité au premier roman d’un jeune auteur étranger, du récit le plus conventionnel à l’œuvre avant-gardiste d’un auteur anticonformiste désireux d’envoyer promener ses prédécesseurs. Et pendant que je fréquentais tous les écrivains du monde et que continuaient à inonder l’univers des flots de livres que je n’avais pas le temps de lire – et peut-être ne lirais jamais –, je vieillissais. Ma peau se fragilisait et mes cheveux commençaient à tomber. Mais il ne s’agissait là que de mon apparence extérieure, car la sagesse des gens âgés, je ne la possédais pas. Mon vieillissement n’était qu’un processus creux. En moi, je n’avais ni l’acquis ni l’expérience d’un homme de quatre- vingts ans. Je m’intéressais donc à la vie de ceux qui avaient vécu plus longtemps que moi. Je voulais aussi connaître les pensées et les doutes de ceux qui n’avaient pas vieilli autant que moi. Heureusement, même si les livres ne contiennent pas tout, on y trouve beaucoup de choses.
Kim Ae-ran, Ma vie palpitante
1 note · View note
lesgensdeslivreslisent · 11 months
Text
D’un regard, il donna le signal à la journaliste qui commença par une question anodine : — Ta mère m’a dit que tu adorais lire. C’est vrai ? — Oui. — Quel genre de livres aimes-tu ? — Tous. — Vraiment ? — Oui, comme mon corps mûrit plus vite que ma tête, je dois compenser en nourrissant mon esprit. Seung-chan et la jeune femme sourirent. Je vis une expression de soulagement et de fierté s’afficher sur le visage de ma mère. — Tu veux bien nous parler d’un livre que tu as lu ? — Euh… voyons… Ah oui, je me souviens d’un poème que j’ai trouvé dans un recueil, il n’y a pas longtemps. Il y avait un vers qui disait : Quel bonheur de devenir quelqu’un ! — Et ? — Un autre disait : C’est un peu triste de ne pas devenir quelqu’un. — Tu comprends ce que ça veut dire ? demanda Seung-chan, comme pour me taquiner. J’eus envie de lui rétorquer : « Et toi ? » Mais je répondis poliment : — Non, mais ça m’a plu, je ne sais pas pourquoi. Quand une feuille d’arbre tombe sur un lac, elle provoque une légère onde à la surface de l’eau. Ces phrases ont eu le même effet dans mon cœur. Le poème s’appelle Les yeux. Je l’ai tellement aimé que j’ai déchiré la page du livre. D’habitude, je ne fais pas ça avec les livres que j’emprunte à la bibliothèque, mais… Au fait, Seung-chan… ? — Oui ? — Tout ce que je suis en train de vous dire va passer à la télé ? Il sourit. Visiblement, il avait entendu la même question plus de cent fois. — Non, pas tout. Nous allons effectuer un tri. C’est pour ça que nous ne faisons pas de direct. — J’espère que vous ne laisserez pas le passage où je parle des pages déchirées. — Promis. Mais le jour du tournage, nous te demanderons peut-être de répéter certaines choses que tu nous auras dites aujourd’hui. Tu es d’accord ? — Hum… je vais réfléchir, dis-je pour plaisanter.
Kim Ae-ran, Ma vie palpitante
0 notes
Quote
À trois heures de l'après-midi, Gavi arrivait chez nous. La couette sur laquelle il posait ses livres ouverts avait remplacé le territoire des cercles et des losanges. Chaque jour nous étions plus proches l'un de l'autre, chaque fois son parfum de garçon et mon " eau de Cologne " de fillette se confondaient davantage. À moitié dans les bras l'un de l'autre, sur le revers du drap, ce revers qui telle une voile retient encore le vent des Voyages de Gulliver, la solitude de Robinson, ou les inquiétudes du jeune Jim de L'île au trésor... Et surtout une fuite sans frontières, sans même un but, qui nous entraînait vers l'île de Jim ou le Pays imaginaire.
Ana Maria Matute, Paradis inhabité
4 notes · View notes
Quote
Après le cha, nous retournions nous allonger, reprenions notre lecture, et de ces pages surgissaient des villes, des châteaux, des bois, des lacs et la mer. La mer que je n'avais encore jamais vue. Aujourd'hui encore, rien que de lire ce mot, le parfum du thé, ou plutôt du cha, me revient.
Ana Maria Matute, Paradis inhabité
1 note · View note
Quote
À présent, le théâtre n'était plus notre seule distraction. Parmi ses trésors, la salle de jeux recelait d'innombrables livres de contes, les uns en français, mais la plupart en espagnol. J'avais beaucoup de livres chez moi, mais je les avais tous lus et relus. Depuis le départ de Papa, qui était celui qui les réclamait aux Rois Mages ou me les offrait pour Noël ou le jour de ma fête, je n'en recevais plus que très rarement. L'amour de la lecture était l'un de mes principaux points communs avec Gavrila. Allongés par terre, à plat ventre, nous partagions souvent un livre et un petit coin de tapis. Par un accord tacite, nous choisissions toujours le même bout de tapis, avec les mêmes motifs, les mêmes couleurs, un assemblage de losanges et de cercles bleus et marron. Au fil des jours cela devint notre territoire, notre cabane dans les bois où nous nous réfugiions pour nous transporter vers des espaces définis par les mots et d'où nous ressortions pour réintégrer le monde extérieur. Ce petit coin de tapis était pour moi la porte, la serrure et la clé d'un pays rien qu'à nous. Un secret si intime que l'on osait à peine le mentionner, fût-ce en silence. S'il s'agissait d'un livre français et si je butais sur une phrase, il me la traduisait avec ses " r " roulés à sa façon, dépourvus de la saveur gutturale des " r " français.
Ana Maria Matute, Paradis inhabité
4 notes · View notes