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FRANZ FERDINAND : LES DERNIERS ROIS DU ROCK
Le dernier album de Franz Ferdinand, Always Ascending est un bon album. On pourrait même dire un très bon album, par rapport à ce qui s’entend ces derniers temps.
Malgré une chanson d’intro un peu faible et trop consensuelle à mon goût, l’album compte au moins deux perles (Lazy Boy et Finally), et quelques très bonnes chansons, notamment sur la fin de l’album.
On ne s’étonne pas beaucoup de la qualité de Franz, l’un des premiers groupes de la vague Indé. Ils n’ont jamais sombré ni dans la dépression, ni dans la mièvrerie, ni dans la facilité, ni enfin dans l’absence totale d’inspiration comme leurs rivaux The Killers, qui les avaient supplantés au milieu des années 2000 pour sombrer quelques années plus tard.
Mais il faut bien l’admettre, la vague Indé, commencée il y a une petite vingtaine d’années, et qui depuis le début des années 2010 connaît un déclin certain, est en train de s’achever. C’est là que l’album de Franz, leur premier sans le fantastique guitariste McCarthy, relève de l’exploit.
Noblesse et ironie
Les Ecossais sont forts. Et fiers, c’est bien connus. La suite de Trainspotting, T2, sortie il y a quelques mois, fait un parfait complément à l’album de Franz. Il célèbre la vie, la fierté, si tant est qu’il peut encore en exister une dans un monde sans idéal.
Franz Ferdinand représente dans le mouvement indé une autre vision du rock, qui n’est plus celle de la jeunesse débridée d’Elvis, ni des idéaux hippie, ni des débordements du punk. C’est une vision aristocratique du rock qui est héritée de Queen, principalement. Et qui rejoint par bien des aspects celle de Muse, des Strokes et d’Interpol.
C’est l’idée que le rock est un mouvement social et spirituel. L’idée que l’individu peut s’élever en écoutant de la bonne musique, rentrer en transe et partager cette transe. L’idée que l’ensemble de nos individualités peut pousser la société vers un mieux, et même préserver ses idéaux.
Oui, à partir des années 2000, le rock est devenu une exigence aristocratique. Parce qu’il n’a pas cédé sur ses exigences chamaniques-vaudou que lui ont transmis le blues, mais aussi parce qu’il est resté attaché à l’idée que la transcendance implique une certaine complexité, un dépassement de l’attente de l’auditeur.
D’où le titre de l’album de Franz Ferdinand, Always Ascending, ce principe d’ascension perpétuelle. Ce qui est ironique finalement, en cette période de désert culturel et intellectuel.

D’autant plus ironique que c’est la mode, qui a soutenu le mouvement rock lors de la période glorieuse – la lutte entre les rockers et les mods dans les années 60 – qui est devenu son propre poison. Et Franz Ferdinand n’est pas étranger à ce phénomène, puisqu’ils ont frayé un temps avec Karl Lagerfeld.
Ainsi, le rock est devenu, au début des années 2010, la mode de la bourgeoisie. Avant, ce que touchait la grande bourgeoisie devenait la règle pour des dizaines d’années ; maintenant, ce qu’elle touche est immédiatement consumé, comme un caprice.
On a ainsi vu de plus en plus de gens sans vie, voulant imiter les riches, peupler les concerts sans bouger, sans chanter, sans fumer. Ils venaient juste pour se mettre en valeur et niquer l’ambiance. Et je ne compte pas tous les péteux sans la moindre personnalité, habillés rock seulement pour fourrer, que j’ai pu rencontrer à Paris en soirée ou en boîte.
Le rock donnait du sens à la société de consommation parce qu’il la contredisait de l’intérieur. Et puis, soixante ans plus tard, elle a fini par l’avoir, par le bouffer. Chacun écoute sa petite musique dans son coin. Ne reste plus que la techno pour s’abrutir, et de la musique bouffonne où des petites frappes donnent des leçons de vie. Grandiose.

La mort d’une société
Philippe Muray disait que le bobo, dernier avatar de la civilisation occidentale, ne peut que gagner sur l’islamiste. « Nous gagnerons parce que nous sommes les plus morts. » Cette phrase paraît d’autant plus dure après le Bataclan, où l’on s’on est pris aux amateurs de rock, qui portent les derniers flambeaux de vie de notre société.
Le rock est un mouvement artistique au sens véritable du terme. C’est, comme le rappelle le titre de l’album de Franz, un mouvement de société partagé entre l’individualisme spirituel et la communion profane.
Mais il y a eu la grande crise de l’industrie du divertissement, qui a touché en premier la musique. Il n’y avait plus d’argent pour acheter les disques, alors on les a piratés, puis on a admis définitivement qu’on pouvait écouter de la musique par internet, à la carte, ce qui a favorisé les succès marketing sur la sincérité artistique.

Cette crise industrielle était le reflet d’une crise plus profonde : crise de la classe moyenne, privée d’ascenseur social. Crise des idéaux aussi : puisque ce sont les classes plus âgées qui ont encore de l’argent, alors il ne faudrait que séduire les classes les plus jeunes, qui se font acheter des choses.
C’était le dernier moyen de prendre des sous aux gens : faire acheter une culture insipide à leurs enfants pour que ces enfants ne soient pas exclus socialement, dès leur plus jeune âge.
Du coup toute notre société a sombré dans l’infantilisation culturelle. Loft Story en 2001 a entamé la décrédibilisation de l’autorité culturelle qu’était la télévision.
Au point qu’aujourd’hui, faire part de la moindre exigence artistique (musicale, littéraire ou autre), c’est passer pour un snob, ne pas respecter le peuple, ou plutôt l’idée que les bourgeois se font du peuple, c’est-à-dire des gros débiles qui tiennent les conneries que l’on sert au mômes de douze ans pour l’expression de la vie elle-même.

Philippe Muray
Cette infantilisation a eu une conséquence tragique : le refus radical de la moindre prise de risque de la part des industries culturelles. C’est un serpent qui se mord la queue : si vous proposez de la nouveauté aux gens, ils risqueraient d’écouter autre chose, de devenir critiques. C’est pourquoi il est important que ce soit l’enfance qui reste le modèle de l’art. L’édition jeunesse fait des miracles.
Et il y a un système derrière : les journalistes qui ne critiquent plus parce qu’ils n’ont plus le temps, et surtout parce qu’ils ne veulent se fâcher avec personne. Les blogueurs naturellement serviles pour se faire un nom et ne pas être lynchés dans les commentaires...
Et puis tout le monde veut absolument être dans la tendance. On frappe sur les faibles, pas sur les forts, et surtout, on évacue absolument ce qui est trop compliqué et qu’on ne comprend pas. L’essentiel est de s’intégrer dans une clique, ou d’en monter une, pour pouvoir attaquer ses ennemis à plusieurs. L’honnêteté intellectuelle a toujours été une vertu rare, et il n’y a pas de raison que ça change.

Nick McCarthy
La suite de Trainspotting nous rappelle que cette société était déjà vouée à la mort il y a vingt ans de ça. Nous avons bien profité de son agonie. Il n’y a pas plus de place pour la vérité aujourd’hui qu’hier, et notre erreur a été de croire le contraire, que nous pouvions y changer quelque chose. Que les ordures nouvelles se déchirent avec les anciennes, si ça leur chante.
Moins je passe de temps devant un écran, moins j’écoute ceux qui me disent comment je dois vivre et ce que je dois penser, mieux je me porterai. J’ai ma vie à vivre. Et encore un bon concert à aller voir mardi prochain.
#franz ferdinand#always ascending#lintrigant#intrigant#indie rock#nick mccarthy#philippe muray#t2 trainspotting
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HAND OF FATE 2 : L’INSPIRATION EST UN ETERNEL RETOUR
Pour être auteur, il ne suffit pas d’avoir envie d’écrire, il faut avoir de l’inspiration. Pas très compliqué en soi : l’imagination n’est qu’une synthèse. Mot qui signifie composition, c’est-à-dire poser ensemble. Les histoires c’est comme les trentenaires, il suffit de les coller ensemble et ils font des petits.
Là pour le coup, j’aimerais vous parler des jeux.
Les jeux posent une question atroce au romancier. Pourquoi ferais-je vivre aux gens une histoire dont ils ne font pas partie, alors qu’avec les jeux, ils peuvent être directement au centre de l’histoire ?

Il se trouve que nous, les auteurs, existons encore. Il faut croire que les jeux ne remplissent pas (encore) une fonction narrative suffisante. L’immersion qu’ils proposent n’épouse pas totalement celle de la vie. Et ce n’est pas mauvais. Il semble donc que les mots inscrits sur du papier demeurent plus profonds.
Aussi parce que les jeux, avec leurs mécaniques propres permettent de pousser beaucoup plus loin l’imagination qu’on ne le fait avec une narration. Dès lors qu’il existe une mécanique de jeu, vous pouvez imaginer n’importe quoi pourvu que ça rentre dedans. Le jeu est du domaine de l’imagination pure, la littérature demeure dans celui du vraisemblable.
C’est pourquoi les jeux peuvent aller très loin et fournir un matériau considérable à l’écrivain en termes de synthèse imaginative.
Mais il y a une réciproque : si vous allez trop loin du point de vue de l’imagination, vous risquez aussi de perdre votre public, qui n’en a pas forcément tant que ça. Et puis, la réalité est déjà difficile à décrire, et décrire ce qui n’existe pas, c’est encore plus dur.

Un jeu en particulier a longtemps été pour moi une source d’imagination incroyable, il s’agit bien sûr de Magic The Gathering.
Bien sûr, Donjons & Dragons aussi. Mais Donj’ est avant tout un cadre de jeu, qui lorsque vous imaginez un univers, vous permet de vous poser les bonnes questions, et surtout de poser les bonnes limites.
Pour sa part, Magic The Gathering relève plus d’une entreprise encyclopédique de création de mondes. Les illustrations sont exceptionnelles pour la plupart. Certaines enflamment l’imagination de l’auteur de fantasy instantanément.
Si vous cherchez à créer un royaume fantastique, mettez cent balles dans une boîte de cartes Magic, douze balles pour aller au Louvre ou à Cluny – et ne manquez pas l’exposition temporaire dont vous aurez pour 10€ un souvenir impérissable. Faites mijoter tout ça pendant un mois ou deux, et vous aurez l’inspiration pour au moins un roman entier. Pas plus compliqué que ça.
A l’occasion, il ne serait pas mauvais de lire un ou deux bouquins d’histoire pour ne pas raconter trop n’importe quoi. Là je suis en train de relire le bouquin sur les Vikings de l’immense Boyer. Je comprends beaucoup plus aujourd’hui sur ce sujet qu’avant.
Un jeu vidéo a nourri depuis plusieurs années mon imagination, c’est l’extraordinaire Dominion 4. Il vous permet de gérer des royaumes anciens dirigés par des dieux. Vous voulez créer une civilisation de démons, d’êtres de lave, de bêtes des cavernes, de géants, de barbares, de chevaliers ? Vous le pouvez. Construire l’Arche d’Alliance pour foudroyer les impies ? Allez-y. Ils ne méritent que ça ces @#{[~u.

LA MAIN DU DESTIN
Dernièrement, je suis tombé sur l’excellent Hand of Fate 2. Le premier volume m’avait déjà donné envie d’écrire un roman sur le sujet. Mais il faut que je me penche plus dessus. Le second me transporte littéralement dans un autre monde.
J’ai eu un sentiment très particulier en jouant à ce jeu. Quelque chose que seul le Monde des A de van Vogt m’avait fait ressentir. Ce sentiment de confusion, mais aussi d’anamnèse, de chemin vers une vérité que l’on connaît déjà. Là-dessus, les Australiens de Deviant, qui développent le jeu, m’en mettent plein la vue.
Parce qu’ils arrivent à mes yeux à réaliser un exploit. Depuis Matrix et La Roue du Temps de Robert Jordan (ne me parlez pas de Harry Potter, vous savez que ce n’est pas du tout ma came), on s’endormait devant les personnages à destin. C’était devenu même un poncif : machin est né pour sauver le monde, il trouve son mentor, découvre ses pouvoirs, tue le méchant, et emballe la princesse.
Là, pas de princesse, pas de monde à sauver. Juste une histoire qui rappelle le film Memento. Le plus étonnant, dans le premier Hand of Fate, comme dans le second, c’est l’ambiguïté qui accompagne le personnage.

Quelqu’un qui massacre des ennemis à tour de bras, qui change sans cesse d’allégeance, un solitaire dans un monde hostile, qui porte la mort en lui. Quelqu’un qui découvre au fur et à mesure de ses souvenirs, et du mélange de ses souvenirs, qui il a oublié d’être.
D’où plusieurs questions : pourquoi vouloir savoir ? Pourquoi se souvenir ? Pourquoi je reviens, je recommence ? Dans quel but ? L’histoire n’est-elle pas un éternel recommencement, bien inutile ?
Ces questions sont au cœur de la littérature comme de la philosophie (les Stoïciens, Nietzsche, Platon, Bouddha). Elles posent la question du destin (le reflet concret de notre être profond), et de notre faculté à l’épouser, par-delà notre orgueil à vouloir être ou posséder ce que les autres sont ou ont.
Oui, Hand of Fate 2 est un jeu littéraire, pourtant plein d’adrénaline, et presque ésotérique. Un bon défi pour l’écrivain en herbe quel que soit son domaine de prédilection. Car si la littérature devait hier faire mieux que la télé pour persister, elle doit aujourd’hui faire mieux que les jeux vidéo.
#hand of fate#hand of fate 2#intrigant#lintrigant#memento#eternel retour#mtg#dominion 4#dominion4#D&D
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Une invitation d’Emilie Brigand, sur Radio Médecine Douce, à laquelle j’ai été ravi de répondre. Pour une émission sur l’amour. Oui, vaste sujet.
Cliquez sur le titre du billet accéder à l’émission. Bonne écoute !
Pour ceux qui ne le savent pas, Radio Medecine Douce est une radio spécialement dévouée au développement personnel. Les émissions comme le programme musical sont tous deux de grande qualité. N’hésitez pas !
Image : Psychè et l’amour d’Antonio Canova, d’après l’Ane d’or d’Apulée.
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2018 : EN AVANT !
Chères lectrices, chers lecteurs,
Avant tout, je voulais vous souhaiter la bonne année. Celle qui vient de s’écouler n’a été évidente pour personne. 2018 n’en sera que meilleure.
Ça a pas mal bougé de mon côté au niveau du travail, et du coup j’ai été moins présent sur internet. Particulièrement sur facebook.
Et puis, après avoir écrit 4 romans et 2 nouvelles en trois ans, et en avoir fait publier la moitié, j’étais un peu fatigué. Mais je reviens enfin, et en pleine forme !

Les nouveaux classiques
2017 a été un très bon cru niveau séries. Game of Thrones a été très intense, Suits, qui approche de sa fin, aussi.
Pour moi, la véritable révélation de l’année a été I’m dying up here. Une série qui raconte les heurts et malheurs des comiques qui se produisent dans un club des années 70.
C’est une série faite pour les artistes, et qui raconte, à travers les aléas de l’humour, ce qu’est la carrière artistique : l’importance de s’assumer, de se renouveler, l’aspect production et risque, et aussi le combat contre la drogue dans une vie qui va à veau l’eau.
Drôle, nerveuse, grinçante, I’m dying up here est pour moi déjà une grande série, et incontestablement la meilleure nouveauté de 2017.

Shameless et Vikings au top
On aurait pu croire que ces séries qui durent (7e saison pour Shameless, 5e pour Vikings) auraient perdu leur souffle. Ce n’est absolument pas le cas. Elles sont plus en forme que jamais.
Difficile de décrire Shameless, mais la saison actuelle est encore pleine de surprises et de retournements de situations inédits. Tous les personnages sont au sommet de leur art et les acteurs les incarnent à merveille.
Je me regarde Shameless tous les dimanches soirs, parce que je sais que ça me remet la patate. C’est mon grand moment de la semaine.
De l’autre côté, nous craignions pour Vikings, qui a perdu une bonne moitié de ses personnages initiaux. Malgré les arrangements historiques, elle est au sommet de sa forme.
Surtout, elle a réussi à donner le change avec ses nouveaux personnages : Ivar Sans-os, Harald à la belle chevelure et Halfdan le Noir, tous deux joués par des acteurs finlandais, dont l’exotisme révèle toute sa valeur dans cette dernière saison.
Une saison plus lumineuse, qui nous emmène sur la rive méridionale de la méditerranée, en Sicile, et qui voit s’affronter tous les prétendants à l’héritage de Ragnar et d’Egbert.

Quelques projets
Oui, il reste encore beaucoup à faire en cette année 2018. J’ai dans les cartons un projet de chaîne Youtube, mais je ne peux pas y consacrer le temps que ce projet mériterait, donc ça attendra certainement la rentrée prochaine. J’ai très envie de me lancer dans la critique littéraire, principalement centrée sur la fantasy. Ça attendra donc un peu, mais ça se fera tôt ou tard.
D’autre part, je n’ai pas encore de livre à sortir cette année, mais il y aura au moins une nouvella (moitié nouvelle, moitié roman), qui sera publiée.
En tout cas, si vous ne l’avez pas encore, n’hésitez pas à vous procurer La nuit d’acier, le roman dont je suis de loin le plus fier ! Publié l’année dernière, il n’a rien perdu de sa fraîcheur !
Et si vous ne l’avez pas encore, procurez-vous le recueil de nouvelles Dyrméa, aux éditions Elenya, pour lequel j’ai écrit L’aurore éternelle.
2018 sera l’année de la réussite. Allez, au boulot !

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SON GOKU, SUPER BOUDDHA ?
Trente ans après le début de la série, nous en sommes à son troisième volet, Dragon Ball Super. Cette suite a beaucoup été critiquée, je soutiens pourtant qu’elle reste très cohérente avec l’esprit initial de la série, qui fut au départ une adaptation d’un roman bouddhique chinois, Le voyage en Occident, autrement appelé la Pérégrination vers l’Ouest.
On peut se moquer de l’extravagance du monde, du rire potache, des combats et de leurs mises en scène dont les variations échappent aux profanes. On pourra aussi dire que faire fréquenter à Son Goku des dieux, ce n’est que de la surenchère, et que cela devient insensé.
Au contraire, cela prend tout son sens. Répétons-le, c’est parfaitement cohérent avec l’esprit de la série, depuis le début.
Son Goku, l’adaptation par Toriyama du Roi Singe, incarne assez clairement les valeurs du bouddhisme, au point que l’on peut se demander s’il n’est pas finalement une sorte de Bouddha combattant.
De ce fait, qu’on ne s’étonne pas que son « cœur pur » lui fasse considérer les dieux d’égal à égal, et qu’il ne s’embarrasse d’aucune forme de politesse particulière vis à vis d’eux.
Cela va assez loin d’ailleurs dans Dragon Ball Super, surtout dès qu’il s’agit de Zen’ô, le grand dieu de tous les univers. Il s’agit d’un enfant extraterrestre que tous craignent terriblement, et chaque fois que Son Goku s’adresse à lui familièrement, tous craignent de se faire tuer d’un claquement de doigts.
Cet élément comique par exemple, paraît invraisemblable si l’on ne resitue pas le contexte bouddhiste du personnage de Son Goku, son caractère divin initial.

Les valeurs de Goku
Dès la première saison, apparaît le nuage magique (kinto’un), l’un des emprunts de Toriyama au récit bouddhiste dont il s’est inspiré pour écrire Dragon Ball, le Voyage en Occident.
Mais sur le nuage magique ne peuvent tenir que ceux qui ont le cœur pur. C’est le cas de Son Goku. Et s’il se marie avec Chichi, c’est qu’elle aussi partage cette pureté d’âme.
D’autre part, Son Goku, hormis sa gloutonnerie et son peu de goût pour le travail lucratif, se démarque par son amour du combat et sa détermination à remporter chaque duel qu’il livre.
A priori, cette passion est contraire à sa pureté morale. Elle a récemment été sérieusement remise en question lorsque Goku a imposé un tournoi inter-univers qui implique la destruction des univers perdants. Jusqu’à ce que l’on se rende compte que ces univers auraient de toute façon été détruits.
Cette morale combattante se justifie par la clémence de Goku : comme le savent tous ceux qui ont regardé la série, il convertit presque tous ceux qu’il a vaincus pour en faire ses amis. Mais ce désir de devenir sans cesse plus fort est en fait le parcours initiatique bouddhiste. Sans adversité, il n’y a pas de progression.

Pour Goku, cette progression en puissance, cette capacité à rester le meilleur est ce qui fait de lui le sauveur concret de l’humanité à plusieurs reprises, mais on peut ici percevoir une parabole spirituelle.
Et puis, il y a aussi un aspect typiquement japonais dans cette représentation bouddhiste : celle de l’esprit combatif d’une part, et celle de la maîtrise spirituelle d’un art.
Le savoir-faire, qu’il soit métier ou vocation, en Occident, relève du domaine profane (le protestantisme fait un peu exception de ce point de vue, avec la notion de Beruf). Au contraire, au Japon, tout savoir-faire implique une discipline de soi, une progression, un dépassement de ses propres limites et une transmission, qui tous relèvent du domaine spirituel.
Ces principes expliquent la plupart des aspects implicites de la série, qui peuvent passer pour loufoques ou carrément saugrenus. Le génie de Toriyama consiste à instiller suffisamment de fantaisie et de tragique pour que son travail puisse s’apprécier sans que l’on rentre dans des explications trop sérieuses. Elles deviennent pourtant, par-delà le plaisir que l’on peut prendre à suivre les combats, de plus en plus nécessaires.
Son Goku en super saiyajin blue, par Rayzorblade 189, sur Deviant Art
La clef : savoir tout endurer
D’abord Goku se forme auprès de Tortue Géniale, qui lui apprend l’endurance, ce qui n’est pas sans rapport avec le choix de cet animal comme emblême. Cette caractéristique rapproche d’ailleurs les guerriers de cette école de Rocky, de Stallone, qui lui aussi se distingue de cette manière, même s’il finit par y perdre sa carrière.
De plus, on ne s’étonnera pas que Toriyama, qui emprunte sans complexe à Terminator et à Star Wars, quand ce n’est pas à Retour vers le Futur (Time Machine), Frankenstein (C-8), à Gozilla, à King Kong ou même à Tolkien (le mont Frypan, l’épée reforgée de Trunks dans DBS), s’épargne la référence à l’une des grosses franchises des années 80 que fut Rocky.
En outre, l’hommage à Jacky Chan est tout à fait explicite, avec le déguisement de Tortue Géniale, qui prend le nom de Jackie Chun. Toriyama l’a désigné d’ailleurs comme l’une de ses inspirations principales.
Mais Goku, contrairement à Rocky encaisse tous les coups sans séquelles. C’est un Saiyen, un guerrier de l’espace, une race nietzschéenne (on ne dira jamais assez à quel point Nietzsche est proche de l’enseignement bouddhique mahayana) pour laquelle ce qui ne tue pas rend nécessairement plus fort. Et puis, un haricot magique suffit pour dissiper toute commotion, sinon cela ferait longtemps qu’il n’y aurait plus un protagoniste digne de ce nom.
Des aventures plus que fantastiques
La série originelle, Dragon Ball, nous montre Goku devenir le meilleur combattant et le gardien de la Terre. Elle alterne les aventures, les entraînements et les tournois, derrière lesquels les enjeux sont de plus en plus élevés.
Dragon Ball Z alterne de la même façon, puisque les trois histoires que compte cette partie de la série sont en fait deux aventures et un tournoi. Les trois donnant lieu à des combats dont le caractère épique est simplement sidérant, même s’il y a toujours des personnages pour y faire des remarques idiotes : « son pouvoir ne cesse d’augmenter », « je n’aurais jamais cru qu’il deviendrait aussi fort » etc…
Ces remarques assez lassantes servent à mettre en valeur les personnages qui savent (les maîtres et les tacticiens : Piccolo, Krilin, Tortue Géniale, qui souvent aussi se laissent aller à des extravagances).
Pour sa part, Freezer représente le mal à une échelle cosmique : il est le conquérant suprême, mais aussi le capricieux suprême. Celui qui n’a jamais eu besoin de s’entraîner, et dont les principales souffrances sont les incompétences de ses subordonnés. Il fait entrer le monde de DB dans la mythologie bouddhique, où la Terre n’est qu’un monde comme un autre.

Cell représente de son côté les dangers de la technologie. Si la magie dans Dragon Ball n’a pas de contrepartie, parce qu’elle est réservée aux personnages à l’âme pure, ce n’est pas le cas de la technologie. La machine représente le pouvoir que se donne l’humanité et qui comme elle, peut balancer du mauvais côté, ou se montrer séditieux.
C’est l’occasion pour Goku de se montrer stratège en cachant le pouvoir de son fils et en le préparant pour la bataille finale afin qu’il révèle son plein potentiel, à la limite de la manipulation.
Ce qui le sauve, c’est l’enjeu et les risques qu’il prend personnellement. C’est le même stratagème du maître que l’on retrouve avec la participation de Tortue Géniale au premier tournoi de DB, de même que l’usage que fait Beerus de Monaka, afin de motiver Goku, dans DBS.
La Saga Boo (dont le nom est emprunté à la formule magique du Cendrillon de Disney) est un questionnement de Toriyama lui-même sur la forme. J’avais à ce titre parlé l’année dernière de l’esthétique des transformations de Goku. L’auteur, en creusant le concept de puissance, creuse nécessairement ceux de la matière et de la forme.

Boo est le monstre ultime, celui dont la matière peut être à l’extrême aussi malléable que solide. Il est capable de se régénérer à volonté, de reprendre forme une fois dispersé, de prendre la forme et même la puissance de ceux qu’il a ingurgités.
La série a posé dès le départ l’idée d’objets qui contiendraient des sous-dimensions, les capsules, comme il existait des « sacs dans fond » dans certains récits mythologiques et dans Donjons et Dragons. Mais Cell et Boo sont les seuls personnages de Dragon Ball qui contiennent naturellement ce paradoxe dimensionnel.
Car Boo est un djinn (majin), c’est-à-dire un génie comme celui de la lampe d’Aladin. Son élément est l’air. Comme il est l’être malléable par excellence, il est aussi l’endurance même. C’est là le défi qu’il pose à notre héros : Boo est imbattable.
Mais c’est aussi un démon, né d’une sorte de magie technologique. Il n’y a que cela que Goku finira par changer. En le battant, il est bien conscient qu’il y a besoin d’une contrepartie. Voilà pourquoi il demande que Boo se réincarne comme une bonne personne, ce qui n’est possible que parce qu’il n’a pas mérité sa personnalité démoniaque. Cette réincarnation, avec les deux minces prières que Goku et Krilin adressent à Amidha, sont les rares clins d’œil explicites au Bouddhisme, en plusieurs centaines d’épisode.

Super bouddha
Enfin, dans Dragon Ball Super, on retrouvera Goku à fréquenter les dieux les plus importants, ceux dont dépend notre univers et les autres.
Le rôle des dieux relève d’un équilibre un peu curieux de création-destruction, qui rappelle le Souffle de Brahma, issu de la mythologie hindouiste, qui est aussi celle du Bouddhisme.
Ce qui explique la présence de Goku sur l’échiquier des dieux, c’est le bien qu’il porte en lui. D’ailleurs, sa manifestation sous forme divine (le Super Saiyajin Gotto) montre la portée de sa vocation. On ne peut devenir un maître suprême, que ce soit des arts martiaux ou d’autre chose, sans préserver une âme assez ouverte pour estimer chaque fois ses adversaires et apprendre chaque fois de ses défaites.
Vegeta, qui a une attitude contraire et ne parvient à suivre Goku que par fierté, change au fur et à mesure de la série. Mais il évolue parce que s’il veut égaler le bouddha combattant, il devient par ce fait aussi son concurrent spirituel.
C’est d’ailleurs toute l’attitude contradictoire qui l’anime lors de l’arc narratif de Boo : il veut à son tour devenir un héros, même s’il faut qu’il commence par tuer des innocents. Ce qui montre aussi le paradoxe qui l’anime.
Vegeta devient un personnage de plus en plus sympathique, parce qu’il complète le caractère par trop fuyant de Goku, lequel s’est d’ailleurs carapaté lorsqu’on lui a proposé de devenir le dieu de la Terre.
La sévérité de Vegeta rappelle que le combat est une chose sérieuse, que vivre c’est affronter le mal, et qu’on doit compter sur soi avant tout. Sa cruauté occasionnelle rappelle au spectateur et aux personnages le sérieux de la vocation (spirituelle et professionnelle) ainsi que le tragique de la vie. Goku est le saint, Vegeta est le roi.

Les absurdités
La première critique que j’entends lorsqu’on me parle de Dragon Ball, quelle que soit le volet, c’est l’idiotie des motifs des antagonistes, qui veulent toujours détruire le monde, l’univers, ou le conquérir dans le meilleur des cas.
Ce principe est légèrement atténué dans la troisième série, Dragon Ball Super, puisque détruire les mondes ou les univers constitue le métier de bien des personnages. Cette énigme est, comme je l’ai dit auparavant, celle de l’accumulation du pouvoir comme un bien en soi.
Pourquoi existe-t-il, dans notre monde, des gens qui sont multimilliardaires ? C’est une énigme. Il y a un moment où le pouvoir que l’on peut posséder ne peut faire en sorte que l’on vive mieux. Pourtant, les ultra-riches veulent toujours plus d’argent. La soif de pouvoir, la volonté de puissance diraient certains, est en principe illimitée – les Grecs l’assimilaient d’ailleurs à la démesure, quand il s’agissait de l’argent.
Toriyama a mis en place un monde où un combattant peut accumuler une puissance infinie à lui seul. Avec les animaux humains, ce sont les deux lois fondamentales de Dragon Ball comme univers de science-fantasy.
De là découle ce que les différents protagonistes décident de faire de ce pouvoir illimité : c’est l’orientation de la volonté de puissance. Goku met cette volonté de puissance au service du bien, tandis que ses adversaires la mettent au service du mal. Mais dès lors que l’on a admis que la puissance physique pouvait devenir infinie, les motifs ne sont pas plus absurdes que ceux de la vie réelle.

Un autre aspect plus étrange est celui de l’argent. Il est vrai que Bulma et Mr. Satan pourvoient au bien matériel de la compagnie, du moins chaque fois qu’il s’agit de banquets ou de situations périlleuses. Mais on peut se demander pourquoi Krilin ne pourrait pas devenir maître en arts martiaux puisqu’il est l’humain le plus puissant de la Terre, par exemple, ce qui lui permettrait de vivre sans souci, au lieu de passer son temps à coffrer des petits malfrats comme flic.
Trois choses l’expliquent. D’abord : rares sont les humains qui méritent un enseignement d’aussi haut niveau. C’est ce que l’on voit dès le début de la série avec l’entraînement surhumain que dispense Tortue Géniale, l’homme le plus isolé du monde.
Ensuite, il y a cette phrase, au tout début de l’histoire de Boo, qui rappelle le manque de vigilance des humains. Il faut, pour protéger le monde science-fictionnel, des super-héros capables de tenir tête aux super-menaces, mais aussi des héros capables d’affronter les débordements délinquants que la technologie rend délirants. Rappelons le vaisseau de Pilaf au début de la saga du Ruban Rouge, ou les créations cybernétiques du docteur Géro, un humain comme les autres, du moins au départ.
Enfin, être un maître exige aussi des contreparties. Le lien entre maître et disciple est un lien à vie. Goku n’hésite jamais à retourner voir ses maîtres et à dévaster leur garde-manger à l’occasion, ou à rester des années entières chez eux, après être arrivé sans prévenir. Qu’il s’agisse de Tortue Géniale, de Karin, de Kaio (dont il a tellement ravagé la mini-planète qu’on se demande comment elle est toujours là) ou de Whis. On comprend donc qu’aucun des amis de Goku, non plus que lui-même, veuille s’embarrasser de disciples de pacotille – ce qui en plus freinerait leur entraînement permanent.
Dragon Ball Super, qui est diffusée actuellement, reste dans la continuité des principes de la série. Il semble même évident qu’elle les parachève. On ne peut que regretter quelques dessins assez laids lors des premiers épisodes, et surtout un humour très enfantin. Il paraît que c’est pour intéresser un public très jeune. Mais après tout, j’ai moi aussi commencé à regarder cette série très jeune.
Je rappelle que les 3, 4 et 5 novembre je serai au salon du fantastique de Paris à dédicacer mes livres ! Retrouvez-moi sur mon site ou celui des Editions des Tourments !
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RETROUVONS-NOUS AU SALON DU FANTASTIQUE DE PARIS ! (3, 4 et 5/11)
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je vous convie au salon du fantastique de Paris, qui aura lieu les 3, 4 et 5 novembre à Paris, porte de Champerret.
Il n’y aura que des bonnes surprises !
Déjà parce que ce sera pour moi l’occasion de présenter La nuit d’acier, roman que j’ai publié cette année, et qui est une bombinette, une pépite de fantasy !
Ensuite et surtout, parce que j’ai eu l’insigne honneur, grâce à Leïla Rogon, de pouvoir apparaître dans le livre d’anthologie du salon, Dyrméa dont je vous ai parlé sur Facebook dernièrement.
Vous pourrez donc y retrouver une nouvelle inédite, que j’ai écrite spécialement pour cet évènement : l’Aurore éternelle
Venez nombreux ! Et pour les lecteurs de l’Intrigant, je vous promets un coup à boire !
Gary

#salon fantastique#intrigant#lintrigant#gary laski#la nuit d'acier#dyrméa#dyrmea#editions des tourments#elenya
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VOUS ECRIVEZ ? JE CORRIGE !
« Est-ce que j’écris assez bien ? Je ne suis pas édité, pourquoi ? »
Tous les auteurs se sont posé ces questions. Et tant que nous ne sommes pas publiés, ces questions nous hantent.
J’ai publié quatre livres dont trois romans. Je suis aussi rédacteur publicitaire et docteur en philosophie. Je sais comment vous aider.
Je vous propose de lire votre ouvrage et d’en faire une critique détaillée. Personne ne vous lit ? Personne ne vous comprend ? Moi, je le fais.
A partir de là, si vous souhaitez reprendre le chemin de l’écriture en solitaire, je ne peux que vous y encourager. Tout ce qui peut accroître votre expérience est bon pour vous.
Mais si vous avez besoin d’un autre coup de main, je suis encore là. Je peux vous corriger, et même réécrire certaines parties de votre ouvrage. Pour un prix résolument honnête, à la hauteur du travail accompli.
Devenir auteur ne dépend que de vous, mais même les grands auteurs ne se sont pas faits tout seuls.

Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à me contacter à cette adresse : [email protected]
Vous pouvez également me retrouver sur mon site www.garylaski.com
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REVUE DE GAME OF THRONES 7.7 : PREDESTINATION
« Les prophéties, c’est comme les trous du cul, tout le monde en a une », lançait Seb du Grenier dans la 3e vidéo que le célèbre duo a consacrée aux jeux de rôle médiévaux fantastiques. Il faut croire que notre destin à nous, spectateurs de Game of Thrones, est de rester désespérément accrochés à notre écran, à attendre que se déroule le fil de notre aventure préférée, dont la fin, semble-t-il, est déjà écrite. Pas écrite sur le papier, j’entends. Ecrite tout court, prévue d’avance.
Jon Snow (pardon, Aegon Targaryen), et sa tante Daenerys, étaient prédestinés à coucher ensemble, de même que, chose beaucoup plus étrange et moins prévisible, il était prédestiné que le Roi de Nuit récupère un dragon pour détruire le Mur. J’ai bien regardé la scène. Pas de trace de banquise sur les eaux tumultueuses qui baignent Fort-Levant, où le Mur s’effondre. Non, il n’y avait pas de plan B. Le Roi de Nuit avait prévu les chaînes pour récupérer le Dragon ; il savait qu’il allait récupérer le dragon pour briser le Mur. Dans ce cas, même si Brandon nous dit qu’il ne voit que le passé, le Roi de Nuit, lui, voit dans l’avenir. Rien ne peut dévier les personnages de leur destinée.

Dans Candide, de Voltaire, nous avons un personnage dont le maître, Pangloss, lui enseigne que tout existe pour une raison. Il y a un plan divin.
Et puis, sur sa route, Candide se rend compte que le plan divin a peu de chances d’exister, et que s’il existe, eh bien, il aurait mieux valu qu’il n’y en ait pas. Il assiste à une campagne militaire qui voit mourir des milliers de jeunes gens pour rien, puis au tremblement de terre de Lisbonne, à l’esclavage, à la vieillesse et à la laideur qui va avec, à la mort de l’amour, et non, non, on ne comprend pas pourquoi il est nécessaire que le mal soit. C’est absurde.
Voltaire s’oppose à l’idée de Leibniz selon laquelle Dieu a créé le meilleur des mondes possibles. Un monde où chacun n’est libre que dans la mesure où il participe à un destin anticipé depuis longtemps, en fonction duquel, justement, le monde a été créé.
Finalement, Candide parvient à s’assigner une fin réalisable, qui a une raison d’être quoi qu’il advienne : vivre peinard. Parce qu’il a un coin où s’établir. Ce n’est pas le cas des personnages de Game of Thrones. Eux savent qu’ils n’ont pas d’échappatoire. Ils sont condamnés à s’accomplir avant que le monde n’en vienne à être détruit. Ils vivent dans un monde quelque peu Leibnizien. Ce n’est peut-être pas le meilleur possible, mais sa fin a déjà été écrite par une force supérieure, et tous les protagonistes concourent à ce que cette fin se produise, quoi qu’ils fassent de leur libre-arbitre.

C’est assez bouleversant, finalement. Jusqu’ici, nous suivions des personnages qui existaient parce qu’ils étaient libres. D’ailleurs Daenerys, ou Missandei nous le disaient : il y a toujours, au pire, le choix entre la soumission et la mort.
Ce n’est plus le cas. Avec le Roi de Nuit qui relève les cadavres, la mort n’est plus une option. Même Jaime est plus porté par son sens du devoir, ce qui le constitue fondamentalement, que par son goût du risque, qui le définissait en tant que personnage libre. C’est aussi ce que nous montre la scène très émouvante entre Théon et Jon, et, en miroir, celle où Littlefinger se fait exécuter. Cette dernière était trop dure à regarder pour moi, parce que c’était l’un de mes personnages préférés. Un des rares (comme Varys d’ailleurs), à parler pour ceux qui sont dans l’ombre.
Mais il faut croire que dans les moments difficiles, les moutons se rassemblent derrière le berger, le noble. On aime les filles Stark, elles sont les princesses idéales, alors on ne va pas broncher. La liberté meurt, mais on n’avait pas besoin d’elle, elle n’apportait que des problèmes et des disputes. Comme le Grand Moineau, ce partisan de la lutte des classes ne pouvait aller jusqu’au bout de l’aventure – Game of Thrones reste un monde médiéval, fantastique certes, mais médiéval avant tout. C’est-à-dire porté par l’esprit de croisade et le manichéisme qui lui sied.

Une question me reste toutefois sur la langue. Si le Roi de Nuit a rassemblé son armée, forgé des chaînes, trouvé un dragon, et détruit le Mur avec, c’est qu’il a pu voir dans l’avenir. Dans quelle mesure voit-il cet avenir ? Va-t-il vers sa propre mort ou vers sa réussite ? Ses visions peuvent-ils l’égarer, comme c’était le cas de Mélisandre ?
Vous me direz qu’il est normal, dans toute épopée médiévale fantastique, que les personnages éminents, prédestinés à la gloire, révèlent tout l’extraordinaire de leur nature dans les derniers moments. C’est logique : le monde puise au plus profond de ses ressources, même si dans le cas de Game of Thrones, il n’y a pas de Créateur, et les dieux ne se manifestent jamais clairement aux hommes. Mais c’est la première fois que je vois un « méchant » qui lui aussi peut lire dans l’avenir.
Ce qui rend la situation absurde, finalement. A se demander si les nouveaux Targaryen et les Marcheurs Blancs ne sont pas que des forces (sur)naturelles, vouées à s’entrechoquer, laissant les hommes ordinaires à devoir stoïquement supporter le destin qui leur est imposé.

Là dessus, autant vous dire qu’il y aura un petit mois de pause de mon côté, et on reprend en octobre. D’ici-là, bonne rentrée !
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REVUE DE GAME OF THRONES 7.6 : BRANDON CONTRE SAM
Cette saison de Game of Thrones va toucher à sa fin, et je dois dire que pour ma part, ce sixième épisode, qui avait déjà fuité la semaine dernière, m’a grandement décontenancé et m’a laissé pour le moins perplexe.
J’ai fini par comprendre pourquoi : les deux personnages clefs de cet épisode n’étaient même pas dedans.
Pourtant, tout le nécessaire semblait au rendez-vous. Jorah Mormont, le Limier, John Snow et Daenerys au sommet de leur forme. Il y eut même un combat épique contre les marcheurs blancs. Il y avait du souffle dans cet épisode et ce serait mentir que de prétendre qu’il était déplaisant à regarder. Rien que pour les échanges entre Jorah et Jon, entre Tormund et Sandor Clegane, pour le piqué des dragons et la réponse du Roi de Nuit, il valait la peine. Oui, c’était grandiose.
Mais une impression sinistre plane sur cet épisode. Le combat (et ses pertes), a été résolument vain. La présence d’un marcheur blanc dans le sud va-t-elle vraiment convaincre Cersei d’abandonner le trône ? La perte de l’un des trois dragons va plutôt raviver ses espoirs de rester en place.
En outre, l’arrivée de Benjen Stark à la dernière minute, pour sauver Jon Snow par un deus ex machina complètement farfelu (et le second auquel Ben donne lieu…) n’a fait que renforcer cette impression de vanité. Sans compter que des personnages aussi sombres que Jorah et le Limier perdent du relief à mesure qu’ils se battent « pour la bonne cause ».
Vous me direz que je fais la fine bouche. Mais il y a à mon avis une rivalité qui se joue dans l’ombre. Pour la comprendre, il faut revenir à ce que j’appelle les personnages pivots, et deux petits nouveaux sont arrivés cette saison : Brandon Stark et Samwell Tarly.

ORDRE CONTRE CHAOS
Il y avait jusqu’ici deux forces à l’œuvre dans l’épopée : l’ordre et le chaos.
Le premier est incarné par Varys, affranchi et eunuque, qui œuvre pour le peuple et n’hésite pas à garder des prétendants déchus sous le coude. Varys emploie des gamins en guise d’espion et il est incapable d’enfanter. Sans protection, sans prétention dynastique, il représente le petit peuple dans ce qu’il a de plus répugnant mais aussi de plus nécessaire pour la haute noblesse.
De l’autre côté, la personnification du chaos, c’est Littlefinger : il incarne la petite noblesse qui veut s’élever dans un monde qui n’évolue jamais, où les mêmes chevaliers dans les mêmes armures, vivant dans les mêmes châteaux depuis des millénaires, se tapent sans fin les uns sur les autres. Sa vraie devise, c’est que le chaos est une échelle, ce que Brandon n’aura pas hésité à lui renvoyer à la figure.
Deux évènements rendent possible l’affrontement entre ordre et chaos. D’un côté, la double crise dynastique dont le pivot est Jaime Lannister, assassin du roi fou et père des enfants du roi Robert. De l’autre, l’arrivée des marcheurs blancs.
Pourquoi les marcheurs blancs arrivent-ils maintenant ? Est-ce un fléau qui arrive tous les dix mille ans pour sanctionner un monde qui n’a pas su évoluer ? Ou au contraire viennent-ils pour détruire un monde où la magie est en train de disparaître ? Nous n’en savons rien.
La seule chose que nous pouvons discerner est que le Roi de Nuit arrive comme une fatalité. Ce qui change les deux forces en présence. Ce n’est plus l’ordre et le chaos qui s’affrontent au premier plan, mais la fatalité et le libre arbitre, le premier étant incarné par Brandon Stark et l’autre par Samwell Tarly.
Le premier n’a rien décidé de ce qui lui arrive, ni son accident, ni son périple, ni sa destinée. A l’inverse, le second n’a cessé de prendre des décisions par lui-même et de sortir des chemins qu’on lui traçait.

LE CHAMANE ETERNEL
Tous les Brandon Stark sont l’incarnation d’une même personne, dont la première occurrence historique a été le Bâtisseur du Mur et de Winterfell. La Corneille à trois yeux, comme la vieille Nan, ne sont que ses passeurs de mémoire, ceux qui lui servent à se ressouvenir de ses incarnations antérieures.
Brandon Stark est donc un héros double.
D’un côté, il incarne une fatalité antique, celle de la séparation entre le monde de la forme, celui des hommes, et le monde de l’informe, celui de la magie, des enfants de la forêt, des géants et des marcheurs blancs.
De l’autre, il est un personnage chamanique, celui qui peut transporter son esprit dans d’autres corps, qu’il s’agisse d’oiseaux, de loups, de Hodor ou de ses différentes incarnations.
Cette capacité à braver l’espace et le temps en fait une figure problématique, car il est le personnage qui sait tout, ce qui est un recours bien artificiel et hélas trop nécessaire dans une histoire où les protagonistes meurent bien facilement, où les secrets sont légions, et où le suspens s’étire de saison en saison.
En revanche, son handicap en fait un personnage essentiellement statique. Il n’a plus d’intérêt personnel dans l’histoire telle qu’elle se déroule. Dès lors qu’il est conscient de ce qu’il est, il n’agit plus que par devoir. Qu’il aide à repousser définitivement les marcheurs blancs ou que ceux-ci mettent fin à la civilisation, il y a de bonnes chances que ce personnage multimillénaire arrive en bout de course. Il n’y a pas d’avenir pour celui qui connaît tout le passé, car il appartient alors tout entier au passé.
Beaucoup ont glosé sur la capacité de Brandon à changer ce passé où il se promène allègrement, et le « mensonge » de la Corneille à Trois Yeux incarnée par Max von Sydow, selon lequel l’histoire est déjà écrite. Je ne pense pas que ce soit un mensonge. Le présent inclut déjà tout changement qu’il aurait pu faire dans le passé, car à mesure qu’il prend conscience de son rôle, le temps s’abolit pour lui. Si Brandon agit sur le passé, ce n’est que dans la mesure où le présent le lui commande. Ce n’est pas Marty McFly ! Plus il devient lui-même et moins il s’appartient : au fond, il sait déjà s’il va gagner ou perdre contre le Roi de Nuit.

FAIRE ROULER LES MONTAGNES
A l’opposé de lui nous avons Samwell Tarly, celui qui se rend compte du gâchis, celui qui incarne le monde des hommes et le libre-arbitre, celui qui estime que l’arrivée des marcheurs blancs n’est pas une fatalité.
Sam incarne la puissance du Sud, qui désire maîtriser son destin, en opposition avec Brandon, qui incarne le Nord résigné. D’un côté, une puissance énorme et lente ; de l’autre, une détermination incrustée dans son sol, mais fragile. D’un côté, le pouvoir des livres, de la connaissance et le scepticisme qui va avec ; de l’autre, la supériorité brute de l’esprit sur le corps, qui transcende par principe le temps et l’espace.
Voilà pourquoi cet épisode paraissait si linéaire et si absurde. C’était le combat du courage de Sam contre le fatalisme de Brandon. Lui et le Roi de Nuit sont ennemis, mais ils appartiennent au même monde, celui de la fatalité. Ce combat s’est résolu par un tournant triplement décisif : la mort d’un dragon, la récupération de ce dragon par le Roi de Nuit, mais aussi par la conviction de Daenerys que les marcheurs blancs sont le vrai danger qui menace le monde.
Samwell, et dans une moindre mesure, Jaime, sont les héros du Sud, ce monde fat et vaniteux, qui est aussi celui du possible et de l’avenir. Un monde qui risque de s’effondrer à cause des rivalités de pouvoir – ce qui est tragique là encore, car c’est déjà le seul monde qui reste.
Parce qu’en fin de compte, là où Sam représente le Sud qui joue sa survie, Brandon est le Nord qui se sait déjà voué au sacrifice.
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REVUE DE GAME OF THRONES 7.5 : LES INCESTUEUX
Nous pouvions comprendre que Myrcella Lannister, avant d’être assassinée par Ellaria Sand, ait pu accepter d’être le fruit d’un amour incestueux, celui de Jaime et Cersei. Mais elle n’allait pas jusqu’à le défendre. C’est pourtant ce que fait sa mère, Cersei Lannister dans cet épisode, qui va jusqu’à faire croire à Jaime qu’il aura un enfant d’elle, un qui portera son nom.

C’est un tour de force de rendre l’inceste avec ce qu’il peut avoir de plus aimable, mais c’est aussi un risque moral. Game of Thrones réalise le miracle de donner à voir une œuvre intelligente à des millions de gens, mais tous les spectateurs ne sont pas intelligents et tous n’ont pas la maturité pour comprendre l’horreur qui caractérise l’amour de ces deux personnages. On pourrait imputer à la série de faire la promotion d’un amour pour le moins contrenature, dont la réprobation se trouve être une règle élémentaire de la civilisation.
Oui, malgré leur génie, qui sublime l’œuvre un peu brouillonne de George RR Martin, on pourra reprocher à Weiss et Benioff d’avoir été un peu trop couillus, ce qui est un cas d’exception dans l’histoire du feuilleton télévisé entendu comme œuvre d’art cinématographique. La télévision n’est pas la lecture, elle n’implique pas que le spectateur s’y plonge, elle vient à lui tandis qu’il se laisse faire.
Mais après tout, nous avons tout vu de Jaime et Cersei : leurs engueulades, leurs cochonneries, leurs cachotteries, leurs échecs aussi, et en grand nombre. Incestueux ou pas, assumés ou pas, ils restent un vrai couple, ce que nos réalisateurs rendent parfaitement à l’écran. Les voir s’assumer nous répugne, mais c’est ainsi qu’ils sont, et même ainsi qu’ils ont payé pour être.
Il n’en va pas de même pour Daenerys et Jon, dont il nous a déjà été pesamment suggéré qu’ils étaient tante et neveu (mort de Lyanna Stark en couches, puis gros plan sur Jon Snow, mention d’un mariage secret du prince Rhaegar, frère de Daenerys, par Vere, la femme de Sam. Diverses mentions à demi-mot de l’enlèvement de Lyanna Stark par le prince Rhaegar. Ceux qui cherchent d’autres éléments de preuve peuvent regarder dans l’encyclopédie de la série, ou les faits sont longuement documentés).
Ils sont déjà amoureux, tout le monde le dit. Ils ont même des envies de mariage, cela se voit dans leurs yeux. Mais ils ont aussi l’héritage incestueux des Targaryen. S’ils s’aiment, ils donneront le même mauvais exemple que leurs aïeux, dont un sur deux avait le malheur de naître fou – sans parler du roi fou lui-même.

Alors je me demande pour la première fois quel sera l’avis des spectateurs décérébrés qui osent se filmer en train de regarder la série. Approuveront-ils l’inceste des deux mains dès lors qu’ils le trouvent beau, ou seront-ils choqués et confus, comme le sera très bientôt Jon, dès qu’il aura parlé à Brandon Stark, son demi-frère qui est en fait son cousin ?
C’est là que je me demande si Martin, Weiss et Benioff nous montrent un monde médiéval au bord de l’effondrement total, qui se replie sur des certitudes animales et abandonne son humanité, ou si au contraire ils ne font qu’entériner une tendance de notre société au bord d’un effondrement seulement moral, qui ne tient pas l’inceste reproductif pour répréhensible dès lors qu’il est consenti de part et d’autre.
C’est l’ambiguïté même de la société ultra-libérale dans laquelle nous vivons, finalement. Elle nous individualise si fort, elle nous rend si brutalement responsables de nous-mêmes qu’elle nous donne les clefs de l’animalité. Du corps elle nous vend la surhumanité (gonflette, drogue, implants), mais aussi la sous-humanité incestueuse. Car, je le répète, c’est le rejet de l’inceste qui fait la culture humaine en tout premier lieu : la conscience de la nécessité du brassage génétique pour préserver la capacité de raisonnement, sans laquelle l’humanité n’est pas elle-même.
Il ne s’agit donc pas de se demander s’il faut avoir peur de représenter l’inceste s’il est beau. Mais plutôt d’éduquer assez un public pour qu’il ait conscience des conséquences de ses actes. Ce n’est pas qu’une question d’âge. Un public n’est assez averti que s’il apprécie une œuvre pour ce qu’elle représente, et non pas seulement pour ce qu’elle montre.
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REVUE DE GAME OF THRONES, 7.4 : LE HEROS MANCHOT
Avant toute chose, il est évident que les billets que je consacre à Game of Thrones sont des revues. Tout le monde connaît la série maintenant, donc n’importe qui avec un brin de jugeote admettra qu’il ne s’agit pas de billets « découverte », mais d’analyse. Si vous ne voulez pas qu’on vous « spoil » un épisode, je vous conseille de vous abstenir de lire sur le sujet.

Ceci dit, l’épisode de dimanche dernier a été encore meilleur que d’habitude. J’ai dû me freiner pour ne pas le regarder une quatrième fois. Comme tous les épisodes, il met en scène un personnage clé. Cette fois-ci c’était Jaime Lannister.
C’était très inattendu, d’autant plus qu’après la vision du Limier, nous nous attendions à ce que les morts, incapables de passer le Mur à cause de la magie dont il est imprégné, gèlent la mer et envahissent enfin Westeros. Mais les autres saisons nous ont appris que les Marcheurs Blancs n’arrivent que rarement avant les deux derniers épisodes.

Jaime Lannister et son acolyte Bronn de la Néra sont des personnages que nous avons appris à aimer et qui se retrouvent du « mauvais côté ». Là aussi, l’expression est ambiguë. Après tout, il n’y a pas de cruauté que Cersei ait infligé qui ne s’explique par l’amour qu’elle a voué à ses enfants. Mauvaise par égoïsme, elle l’est assurément ; mauvaise gratuitement, cela reste à voir.
Quant à notre chère Daenerys, elle a prouvé son bon cœur, elle a montré qu’elle était autre chose que la conquérante sanguinaire qu’elle a donné à voir avant son départ pour Westeros.
Pourtant, devant la menace des marcheurs blancs, le combat qui oppose les deux reines paraît plus que jamais vain. C’est l’obstination de Cersei à tenir Jon pour un ennemi, sa haine envers les Starks qui la déconsidère. C’est beaucoup et c’est peu en même temps. Pas assez en tout cas pour discréditer notre héros du jour, Jaime.
Après dix minutes pour chacun des trois camps, nous avons eu droit à une scène de combat presque aussi intense que la bataille des Bâtards, lors de la saison dernière. Ce qui est remarquable pour un épisode de mi-saison. Les seules critiques négatives viendront de celles et ceux qui trouveront que cet épisode n’était pas assez riche en sexe. Ils se rattraperont avec le plan de Daenerys chevauchant son dragon noir, qui était en soi plus érotique que toutes les scènes de ce genre depuis le début de la saison.

Dans cet épisode, nous avons vu Jaime faire preuve d’un courage à toute épreuve. D’abord il refuse de faire fouetter les retardataires du convoi de nourriture, geste bien inutile, que lui recommande le père de Sam, Randyll Tarly, le meilleur général du continent. Le moral des troupes lui importe, et cela montre qu’il a pris du niveau et sait diriger une armée. De toute façon, avoir la totalité de ses troupes sous la main ne lui aurait pas fait gagner la bataille ; il était incapable de vaincre matériellement les dragons.
Il a pourtant, avec l’aide du fidèle Bronn, tenu la dragée haute à Daenerys, allant jusqu’à blesser Drogon, le dragon noir. Il a affronté un Dothraki, l’un des meilleurs guerriers de ce monde, avec sa seule main gauche. Il a tenté une chevauchée désespérée pour tuer Daenerys et son dragon, malgré sa mutilation.

Quelle que soit la cause pour laquelle il se bat, il prend sa revanche sur l’humiliation que son fils Joffrey lui avait fait subir, en soulignant il y a plusieurs saisons de ça l’absence de hauts faits le concernant. Jaime est un héros. Sans leur bravoure, leurs guerres se réduisent à des massacres et à des calculs d’intérêt. C’est parce que Jaime est là qu’il y a une histoire à raconter, et cela le met au même rang que les héros de la garde de nuit, Sam, Jon et Edd.
Jusqu’ici Game of Thrones nous montrait trois types de personnages en concurrence : les militaires, les conseillers et les chefs, parmi lesquels les prétendants au trône. Jusqu’ici, les choix difficiles de Jon le laissaient seul être un héros, et un héros incompris, dont la lumière rejaillissait seulement sur Edd et Sam, ses acolytes.
Cet épisode nous montre que la garde de nuit n’a pas le monopole de l’héroïsme, et qu’il existe à Westeros une autre sorte de héros, même égaré, même mutilé. On aurait tort de le croire seulement motivé par un amour incestueux et déplacé. Il se bat pour sa famille, pour ses terres, pour son peuple, et sa bravoure, qui le conduit à attaquer seul un dragon, le sauve de tous ses égarements. Son courage le rend plus grand que la cause qu’il défend, et fait de lui, s’il ne l’était déjà, un personnage de légende.

Glaurung et Nienor par Eric Velhagen
Pour finir, rappelons-nous que l’auteur, George RR Martin, se pose toujours en débiteur de Tolkien. J’ai lu récemment que les noms de Sam et de Pip, acolytes de Jon dans la Garde de Nuit, étaient empruntés volontairement à ceux de Sam Gamgee et de Pippin, compagnons de Frodon dans le Seigneur des Anneaux. Dolorous Edd fait pendant à Merry, qui signifie joyeux. J’avais déjà parlé de Valar Morghulis dans un billet précédent, formule dont les termes étaient aussi empruntés aux langages elfiques de Tolkien (l’un au Quenya, et l’autre au Noir Parler qui en découle, pour être exact).
Ici, nous avons dans le personnage de Jaime la contraction de deux récits de Tolkien que je vous invite à lire ou à relire. Le premier est celui de Beren le Manchot et de Lúthien Tinúviel. Tolkien tenait beaucoup à cette histoire, au point d’appeler sa propre femme Tinúviel dans un poème qu’il lui avait écrit.
L’autre récit est celui de la Geste des Enfants de Húrin (le Narn i hîn Húrin), qui lui-même trouve son inspiration dans le Kalevala, le livre des légendes finnoises. Il met en scène l’affrontement de Túrin et de l’abominable dragon Glaurung.
Le récit de Beren et Lúthien, ainsi que le Narn, se trouvent dans le Silmarillion, l’ouvrage qui m’a donné envie d’être auteur de fantasy. Récemment, La Geste des Enfants de Húrin a été publiée à part, dans une version plus complète que celle du recueil qu’est le Silmarillion. Je ne peux que vous encourager à les lire, même si elles sont à l’opposé de l’esprit de George RR Martin, qui les a retravaillées à la sauce américaine, avec la pointe de vulgarité qui rend son feuilleton épique si populaire. Elles vous donneront une idée de la grandeur originelle de la fantasy moderne, et de la légitimité qui est la sienne en comparaison des récits antiques.

Beren et Luthien contre Carcharoth, Justin Gerard
Que les Tolkiéniens fervents, comme les Martiniens fanatiques, me pardonnent mes erreurs, il y en a toujours. Nous nous retrouverons la semaine prochaine ; d’ici-là, n’oubliez pas de liker et de partager !
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GAME OF THRONES 7.3 : UNE GRANDE CLAQUE DANS LA GUEULE
On n’a pu qu’être abasourdi par les deux épisodes de derniers épisodes de notre série chérie. En deux épisodes, on a vu autant d’évènements se produire que lors d’une saison entière.

Moins de personnages, moins de lieux, plus d’action
L’hiver est là, c’est désormais admis. Cela signifie naturellement plus de morts, tandis que les personnages sont de moins en moins nombreux. On peut dire même que l’on rentre dans un goulot d’étranglement.
Lors de la dernière saison, n’est apparu qu’un seul personnage véritablement nouveau : Euron Greyjoy, qui, après des débuts mitigés, se montre aussi terrifiant qu’il était présenté dans le cinquième livre. De plus, les morts de Tywin, de Joffrey et enfin de Tommen, ont laissé le trône vaciller. A force d’affrontements, il ne reste plus que quelques points où les personnages se retrouvent : Winterfell, Peyredragon, Port-Réal – et à la limite, Villevieille, où se forme Samwell et où il a sauvé Jorah.
Moins de personnages, moins de lieux : l’action avance donc plus vite, et les personnages se gardent bien de partager aux spectateurs leurs plans. Les politiques discrètes ont laissé place aux stratégies secrètes : tout peut arriver.

La revanche des militaires
Au début de l’épisode dernier, nous n’aurions pas donné cher des prétentions de Cersei à conserver la couronne. De ce point de vue, la situation a radicalement changé en deux épisodes. Il est maintenant presque impossible à Daenerys de l’emporter. Elle aurait dû profiter de l’avantage que lui donnait la mort de Tommen, et de l’impréparation de Cersei. Elle n’en a rien fait.
Car elle a écouté Tyrion. Lui qui est si bon politicien, s’est révélé un bien piètre stratège, moins bon même que son frère Jaime, dont ce n’était jusqu’ici par le fort. Jaime a réussi à le tromper, et à éliminer Olenna en retournant Randyll Tarly.
D’où vient le problème ? Des scrupules qu’a eus Daenerys. En ce sens, Tyrion n’est pas un conseiller si précieux que cela. Il n’y a pas de conquérant scrupuleux, et Cersei, en retournant comme un gant l’envoyé de la Banque de Fer, a montré qu’elle connaissait à présent la réalité et le prix du pouvoir. Daenerys s’est montrée hésitante et surtout, en l’absence de Jorah et de Daario, elle n’a plus de conseiller militaire, ce qui la met dans une position bien délicate en face des deux prétendants à Cersei, Euron et Jaime.
Comme le disait Sun Tzu, dans la guerre, tout dépend de la façon dont on part : on ne gagne que si l’on en est convaincu dès le départ, et les hésitants sont sûrs de perdre.

Des défauts dans la cuirasse
Pourtant, il y a quelques signes qui montrent que la victoire de Cersei et la défaite de Daenerys ne sont pas irrémédiables, même si le rapport des forces en présence sera bien difficile à changer.
D’un côté, Cersei assume désormais de coucher avec son frère au vu et au su de ses domestiques. C’est une grave erreur, car la voix du peuple comptera à nouveau un jour ou l’autre, et transgresser ouvertement une règle de civilisation aussi élémentaire que l’inceste induit par soi-même un dérèglement plus profond. Si la reine est respectée, surtout crainte pour tout dire, il s’en suit qu’on ne peut maintenir l’ordre sans prétendre à une certaine dose d’exemplarité. On passera sous silence la pipe qui fait suite au cuni de la semaine dernière et qui n’était guère nécessaire, à part pour séduire un public que l’on craint en manque de cochoncetés.
De l’autre côté, on n’aura pas manqué de voir Daenerys céder devant Jon, dont elle est en fait la tante. Mais elle ne le sait pas, ce qui explique les yeux énamourés qu’elle lui fait. Oh, ils s’aiment déjà, et puis, comme l’a dit notre très clairvoyante Mélisandre, ils sont le feu et la glace – c’est presque dire qu’ils sont destinés l’un à l’autre, ce que beaucoup de lecteurs et de spectateurs attendaient depuis le presque début de la série.
Chacune des deux révèle donc non seulement son Yin, sa force, mais aussi son Yang, qui est à la fois faiblesse et richesse. Celui de Cersei la mènera à sa perte, tandis que celui de Daenerys la sauvera peut-être.

En tous cas, la magie reste intact et le suspens reste à son comble ! L’épisode central de cette saison, qui arrive lundi, est donc très attendu. Je vous donne donc rendez-vous la semaine prochaine.
D’ici-là, n’hésitez pas à liker et à partager !
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GAME OF THRONES 7.2 : STRATEGIE & SENTIMENTS

Indéniablement, c’est Arya qui a été le personnage le plus représentatif du second épisode de cette septième saison de GOT.
Prête à suivre sa vengeance, ses plans depuis longtemps arrêtés de tuer la reine Cersei, elle a brusquement changé de destination après avoir appris que sa famille avait repris Winterfell, son château natal. Elle a donc privilégié les sentiments familiaux sur la haine, mais aussi la stratégie sur la témérité. Aller tuer Cersei était une mission suicide.
Cela prouve aussi qu’après les succès de la saison précédente, dont tous les protagonistes restants sont sortis plus fort, mais aussi plus prétentieux, vient le temps de la stratégie. Et tandis que les protagonistes attendent qui va frapper le premier, c’est bien entendu la stratégie défensive qui est la plus efficace.
C’est en tout cas la seule que Cersei puisse adopter, mais c’est aussi la plus confortable. Les plans trop complexes, trop sûrs d’eux de Daenerys et Tyrion, ont omis Euron Greyjoy, et tous les spectateurs s’attendaient à ce qu’il attaque dès cet épisode. C’est finalement Yara qui s’est retrouvée capturée, de même qu’Ellaria Sand.
Le conseil qu’Olenna Tyrell donne à la « Mère des Dragons » n’était donc pas superflu. Il s’agit, alors que toutes les forces en jeu restent sur la défensive, de frapper un grand coup pour briser les défenses ennemies. Le plan de Tyrion, qui était le plus rationnel compte tenu des informations qu’ils avaient, était finalement plus risqué qu’il n’y paraissait.
Car la stratégie permet de se donner des forces pour gagner, mais elle n’en donne jamais l’assurance, et aucun plan d’est garanti sans accroc.

La force des sentiments
On retiendra aussi de cet épisode l’inutile cunnilingus de Vers Gris à Missandei, et l’attaque avortée des loups contre Arya. La scène de cul empêchée entre Yara et Ellaria, avait en quelque sorte une signification contraire : avec la venue de l’hiver, la fidélité se trouve récompensée, et la légèreté punie.
Mais si la haine n’est pas un sentiment très agréable, plutôt une passion subie de la part de celui qui la ressent, elle est celle que concentre autour d’elle Cersei. Lorsqu’elle n’est pas détestée, la reine noire suscite la méfiance et Randyll Tarly, le père de Sam, peut aussi changer d’alliance.
La question qui ressort de cet épisode est la même qu’avant le début de cette saison, et elle se pose maintenant avec encore plus de force. Daenerys frappera-t-elle Cersei ou les Marcheurs Blancs ? Elle s’en est jusqu’ici tenu au sud et a échoué dans sa manœuvre. Il semble bien qu’il n’y ait pas d’autre choix pour elle que d’affronter directement Cersei, qui n’attend que ça, et a tout à gagner à être attaquée vite, avant que l’hiver ne se referme sur Port-Réal.
Il y aura bien des retournements de situation, mais aussi d’alliances dans cette saison, avec des personnages pivots, comme Littlefinger par exemple, qui s’il n’obtient pas Sansa, finira par ne plus soutenir les Stark. John Snow est bien naïf s’il croît pouvoir vaincre les morts sans faire de concession aux vivants, même les plus retors.

N’oubliez pas de liker et de partager !
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GAME OF THRONES 7.1 : DE BONNES RAISONS DE MOURIR
Cette avant-dernière saison de notre série préférée s’annonce particulièrement savoureuse. Le premier épisode aura été à la hauteur de nos attentes, spectaculaire, sans être pour autant révolutionnaire. On se demandait, depuis la fin de la dernière saison, quelles étaient les conséquences des derniers évènements survenus à Westeros. Pas de grosses surprises, mais des effets d’annonce pour le moins alléchants.

L’épisode commence sur la folie meurtrière d’Arya, dont on avait vu la raison vaciller lors du final de la saison 6. Comme on me l’a récemment fait remarquer, elle a bien excédé la liste de meurtres qu’elle avait prévu de commettre en exterminant la famille Frey. Mais indubitablement, Arya n’a pas été lâchée sans raison par les adorateurs de la mort de Braavos. On se souvient du prêt qu’avait contracté le malheureux Stannis auprès de la banque de fer de la même ville pour reprendre la couronne. Arya est finalement la réponse (très Kaamelottienne d’ailleurs) aux dettes impayées de la couronne, sur lesquelles s’est assise un peu trop gaillardement notre chère Cersei.
D’ailleurs, malgré le soutien de son frère, toujours aussi peu stratège, on sent Cersei en bien mauvaise posture, entourée d’ennemis, avec un allié bien incommode. Dépossédée de ses enfants, tous décédés, elle n’a pas d’avenir. Elle n’existe que par sa capacité de nuisance. Il n’en reste que son futur mari, Euron Greyjoy, a le pouvoir de détruire la flotte de Daenerys, et au moins celui de capturer Tyrion – le cadeau que tous ont compris qu’il avait promis.
De toute façon, Cersei a trop d’ennemis pour rester sur le trône, et ses troupes sont peu motivées, comme le relate l’épisode d’Arya avec les soldats Lannister, où l’on retrouve l’excellent Thomas Turgoose, protagoniste de This is England. Ses jours sont donc comptés, mais elle a une force que les autres n’ont pas : elle est toujours sous-estimée. C’est à mes yeux un personnage vraiment extraordinaire, un de ces méchants que l’on aime détester, qui a sa part d’humanité déchue et qui ne manque pas de style.

Sud féminin, Nord masculin
Voilà Westeros coupée en deux pour cette saison, avec un sud féminin (Olenna, Ellaria Sand, Cersei, Daenerys), et un nord masculin (Jon, le Roi de la Nuit, le Limier).
Le sud est marqué par la cruauté et les jeux de pouvoir, et finalement, malgré tout le charme – voire la fascination – qu’exercent les protagonistes du beau sexe, on se retrouve pour le moins circonspect. Daenerys s’enflamme complètement, c’est le cas de le dire. Et si ce n’était Tyrion, nombre de spectateurs auraient purement et simplement abandonné sa cause.
Ellaria Sand n’a jamais été sympathique. Cersei est admirable, même si elle reste effrontément diabolique. Ne reste qu’Olenna Tyrell, jouée par la formidable Diana Rigg, qui suscite un franc élan de sympathie. Mais elle est une actrice invitée. Les personnages centraux de Game of Thrones sont quand même des nobles assoiffés de pouvoir, et cela laisse une place toujours moindre aux débordements d’humanité.

La voix des humbles
J’avais fait remarquer, en commentant les saisons précédentes, que GRR Martin avait tapé dans le mille en reprenant de façon plus réaliste la maxime de Tolkien : ce sont les humbles qui font la différence. Dans Game of Thrones, c’était la garde de nuit, Tyrion, les femmes.
Dans cet épisode d’ouverture, nous nous retrouvons face à une situation intéressante, évoquée précédemment certes, mais approfondie ici. Les humbles souffrent. Ils existent et meurent, et le pire est que sans eux, même les plus forts, dépourvus de troupes et de nourriture, sont désarmés.
Nous avons vu un paquet de massacres dans cette série. Celui des seigneurs honnêtes, avec les noces pourpres, mais aussi celui des sans-voix dans les batailles, dans l’attaque de Durlieu par les Marcheurs Blancs, et ainsi de suite. Le monde de GRR Martin, en arrivant vers la Longue Nuit, se peuple de fantômes.
C’est là tout le sens du repentir et de la rédemption du Limier, Sandor Clegane. Défiguré à la naissance par un frère devenu toujours plus monstrueux, il a vécu en cynique jusqu’à ce que le roi, son maître, se trouve trop lâche pour se montrer à la bataille de la Néra. C’est là qu’a commencé pour lui la rédemption par les Stark, d’abord en proposant à Sansa de partir, puis en éduquant Arya à la survie, et enfin, après s’être fait battre durement par Brienne, en intégrant une communauté pacifique et pieuse, qui n’a pas manqué de se faire décimer.
On le retrouve là à enterrer des gens dont il a causé la mort en les volant, lors de son errance avec Arya. On le retrouve à voir l’arrivée de l’armée des morts au milieu d’un feu de bois tout ce qu’il y a de plus anodin. Ceux qui vont vers le Nord, comme Stannis il y a quelques saisons, savent maintenant qu’ils vont à la mort. Mais enfin, enfin ! ils mourront pour une cause qui a un sens.
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Sortie de La Nuit d’Acier, mon 3e roman, aux Imaginales !
Une jeune femme, Alecto, se rend à la ville. Mais la cité vient d’être incendiée, et ses habitants emmenés. Une armée vêtue de noir met le pays à feu et à sang.
Alecto parvient à s’enfuir avec sa sœur, Iris. Une poursuite effrénée commence, semée de dangers. Et si c’était elles, la cause de tout ce chaos ? Quel est ce secret qu’elles portent dans leur chair ?

Merci à tous pour le fantastique accueil que vous nous avez réservé à Saint-Louis ! Nous serons aux Imaginales dès demain et jusqu’à dimanche !
Si vous ne pouvez pas vous y rendre, vous pouvez vous procurer la Nuit d’Acier à cette adresse.
A très vite !
Gary
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KABOUL KITCHEN SAISON 3, TOUJOURS UN PLAISIR
Quand des occasions se présentent de bien se marrer, surtout dans le cas d’une production française, il n’y a pas de raison de se priver. J’avais adoré Dix pour cent, de Klapisch, sans trouver grand-chose à en dire. Lorsque j’ai appris que la troisième saison de Kaboul Kitchen était sortie, je me suis réjoui, et je n’ai pas été déçu.
Kaboul Kitchen a commencé il y a cinq ans. C’est une série inspirée de Marc Victor, un ancien humanitaire devenu restaurateur dans le pays le plus dangereux du monde, l’Afghanistan des années 2000. Il a directement participé à l’élaboration de la série, portée par le duo Melki-Abkarian, dont l’alchimie crevait l’écran.
Après deux saisons, Gilbert Melki s’est quelque peu fâché avec la production, et son personnage de restaurateur a été remplacé par celui d’un escroc venu faire profil bas en Afghanistan, joué par Stéphane de Groodt, dont l’ascension (justifiée) a été fulgurante depuis ces 4 ou 5 dernières années.

Avant tout, c’est une série très drôle. Le personnage principal, Jacky Robert (Gilbert Melki), est celui du commerçant franchouillard, qui comprend à merveille le pays où il vit. A force de vivre dans un Etat aux mœurs moyenâgeuses, il en devient lui aussi un personnage médiéval, presque caricatural. Heureusement, la série ne se limite pas à cet archétype.
Car de l’autre côté, on pouvait se rendre compte, au fur et à mesure de la première saison, que ce restaurant représente pour lui une déchéance : il est passé du statut altruiste de grand reporter, à celui d’un « mec qui n’est plus intéressé que par le fric », comme le lui reproche un ancien ami à lui.
Kaboul Kitchen, c’est la face cachée d’une légende : celle des ONG, des grands reporters, toute l’intelligentsia insolite de l’ingérence, croquée avec truculence. Il y a aussi les pouvoirs locaux, avec leurs brutalités et leurs charmes. Et il y a les marchands qui pourvoient aux besoins de toute cette aristocratie de la désolation, et dont le personnage de Melki est le représentant.
La série nous donne à voir la prévisible déchéance morale, l’effondrement des idéaux de tous ses personnages. L’Afghanistan déteint sur eux : ils débordent d’espoir, mais ne croient plus en rien.
Etrangement, c’est pour le mieux. On passe des héros post-modernes façon Bernard Kouchner, au bon vieux tenancier de comptoir du moyen-âge et d’après. Jacky Robert m’a fait penser au marchand levantin, protagoniste du roman Le Périple de Baldassare, d’Amin Maalouf. Avec ceci d’étonnant au final, surtout sur une chaîne comme Canal +, qu’un commerçant cupide, ou un petit escroc, sont plus lucides à propos de la politique, et ont souvent plus de déontologie que ceux qui se réclament de grands idéaux. Ils connaissent le terrain.

#kaboul kitchen#stephane de groodt#gilbert melki#abkarian#de groodt#melki#intrigant#lintrigent#kaboul kitchen saison 3
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PAUL BANKS, MAITRE MECONNU DU ROCK INDEPENDANT
Paul Banks, le chanteur d’Interpol, et RZA, le leader du Wu Tang Clan, ont sorti un album, l’été dernier, intitulé Anything but Words. Je m’attendais au pire : le rap n’est pas ma culture. Mais il faut bien considérer que cet album est une petite pépite qui m’a tenu en haleine lors de mon dernier voyage en voiture. Aussi j’en profite pour vous faire partager mon enthousiasme pour le travail de Paul Banks.

Paul Banks est surtout connu pour être le chanteur d’Interpol, le groupe qui a réinventé la cold-wave, et l’un des incontournables piliers du rock indé des années 2000.
Le talent de Banks a surtout consisté à allier une intonation métallique, très froide, à des textes particulièrement intenses et émouvants. Même lorsqu’il se lâchait, c’était toujours mesuré, rigoureux, en témoigne, sur le premier album du groupe Obstacle 1, et Hello to the Angels. Sur ce même album, Turn on the Bright Lights, il fit déjà preuve d’un remarquable talent de parolier.
Ainsi, Leif Erikson, chanson qui porte le nom du découvreur viking de l’Amérique, décrit la relation d’un amant qui découvre le corps de son aimée comme un nouveau continent. Paul Banks ne détaille pas seulement les atmosphères, il raconte aussi de belles histoires, souvent cruelles. Stella was a diver and she was always down nous conte la mort, d’une chute dans une bouche d’égout, de l’ancienne amante du narrateur, diva mélancolique et poupée diaphane. Il l’imagine noyée dans les profondeurs de la baie d’Hudson, avec un serpent qui la garde, et qui ressemble un peu au diable de Jim Morrison en version sous-marine.

Stella, par The Songworm, sur Pinterest (https://fr.pinterest.com/emelinecouras/)
On se souviendra, sur Antics, de Not Even Jail, qui décrit le moment où un couple décide de faire un casse, et où ses dissensions font pressentir un échec inévitable. Une sorte de petite tragédie grecque.
J’estime pour ma part que ce morceau révèle ce qui fait d’Interpol un grand groupe de rock : une parfaite maîtrise de la purification des sentiments, la catharsis. On n’arrive à ce résultat qu’en comprenant l’aspect pleinement rituel, religieux du tragique. Chacun des membres du groupe sait donner cette tonalité inexorable à son jeu.
Cette chanson, difficile à écouter, demande une adhésion, presque une croyance dans une certaine spiritualité inhérente à l’art, propre de la culture grecque antique. Le premier ouvrage de Nietzsche, La Naissance de la Tragédie, est un livre clef à ce titre, mais vous le savez, j’en parle assez souvent.

Not even jail, par The Songworm également. http://emelinecouras.tumblr.com/archive
Paul Banks passa une étape de plus dans l’album suivant, Our Love to Admire, qui fait directement référence à cette l’idée tragique, à la fois apollinienne (lisse et lumineuse) et dionysiaque (la transe, la fureur), qui sont deux perceptions d’un même cosmos, immuable et éternellement réglé.

Ainsi, la couverture darwinienne de l’album nous montre, sous une lumière splendide, un cerf tout près de se faire attraper par deux félins. Une façon de se démarquer aussi de la violence morale de Radiohead, dont les thématiques sont assez proches. Hail to the Thief nous décrivait tout un monde infecté par la paranoïa ; Interpol, en réponse, nous propose du recul et le salut par la beauté.
Le groupe nous livra dans Our Love to Admire, une chanson retorse, intimiste, à l’opposé des scandales de Radiohead : No I in Threesome. C’est un morceau qui décrit la misère contemporaine du couple et ses tentations. Paul Banks y parvint à un sommet d’interprétation.
L’homme propose à sa femme un plan à trois. On sent que leur couple bat de l’aile. D’une façon ou d’une autre, quelque-chose sera détruit. Là aussi, c’est inéluctable. Cette chanson, où résonne la joie fausse de la luxure, où le chanteur ne se départit pas d’une ambiguïté terrible du début à la fin, laisse une impression de sordide et de sublime.
Elle se dilue heureusement dans le morceau suivant, The Scale, une sorte de Bonnie and Clyde, qui tient lieu de suite la plus optimiste à Not Even Jail, de l’album précédent.
La dernière chanson de l’album, The Lighthouse, portée par les premiers succès de Sigur Rós, confirme l’intérêt de l’auteur pour les immensités, qui s’était révélée avec Leif Erikson. On le retrouva sur l’album suivant, avec le tangage sinistre de Memory Serves. Le goût des immensités passera ensuite plutôt vers l’architecture, comme le montre la couverture de The Base, second album solo du chanteur, même si celui-ci fut précédé d’un EP dont la couverture nous montre justement le bord de mer.

Les projets en solitaire de Paul Banks ont prouvé son talent de compositeur, même s’il ne s’adressait au départ qu’à un public connaisseur de ses œuvres antérieures. Interpol n’a jamais nié pratiquer l’approfondissement esthétique plutôt que de la diversification pour elle-même, laquelle débouche sur les deux impasses de la composition rock : la mièvrerie et l’électronique.
Pourtant, le premier album solo de Paul Banks, publié sous son pseudonyme et justement intitulé Julian Plenti is… Skyscraper, est beaucoup plus ouvert, du point de vue sonore, que l’album Interpol, proche par sa sortie, trop rigoureux et sombre. Certes, les chansons montrent moins d’art qu’au sein du groupe, mais elles sont traversées par une sincérité bienfaisante : Girl on the Sporting News, The Larynx that you have, sont des petits chefs d’œuvre de poésie.
La première parle d’une fille qui présente les infos sportives à la télévision et dont l’auteur tombe quasiment amoureux ; la seconde d’une amante et de ses tourments. Chaque parole est chargée de sens et raconte la vie amoureuse des quarantenaires new-yorkais.


Le second album de Paul Banks, The Base, témoigne d’un professionnalisme beaucoup plus aigu. Le son est maîtrisé, et même s’il n’est pas révolutionnaire, il reste inventif. C’est une œuvre entière, pleinement cohérente, brillante, et même de mon propre aveu, exceptionnelle. Elle reste toutefois difficile d’accès. Paul Banks, plus léger sur son premier album solo, revient ici à la même exigence intellectuelle qu’avec Interpol, ce qui ne le propulsa pas en tête des charts.

C’est un équilibre délicat, et qui nous concerne tous en tant qu’artistes. Une œuvre ne vaut que ce qu’elle dure. Elle ne dure pas s’il n’y a pas de raison de s’en rappeler, mais elle ne dure pas non plus s’il n’y a personne pour s’en rappeler. Tel est le paradoxe de l’artiste ; il ignorera toujours son potentiel à inspirer, et voguera toujours sur le doute quant à sa propre valeur.
Paul Banks a eu suffisamment de succès pour être sûr de ce qu’il vaut, et pour avoir confiance dans son imagination. L’album qu’il a récemment sorti avec RZA, Banks and Steelz, mélange de rock et de rap, fruit de cinq années de réflexion, assume donc pleinement la contradiction entre le commercial et le complexe. Un album qui ne manque pas de snobisme, donc, mais qui mérite aussi qu’on l’écoute, et peut-être même qu’on le réécoute, car les bonnes choses mettent toujours du temps à s’apprécier.
N’oubliez pas de liker et de partager !
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