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Terre agonisante.
La Terre a de la fièvre. Depuis quelques temps, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, gagnée par un mal incurable. En témoigne sa figure si pâle et fébrile, son allure si faible et chancelante, son front qui goutte, ses yeux qui se voilent et prennent un aspect vitreux. Un trouble inquiétant l’a envahie, brulant, délirant et à l’issue indéniablement mortelle. Partout il se propage à une vitesse ahurissante, enflammant au passage ses jolis paysages de carte postale. Il s’est sournoisement emparé d’elle détraquant son mécanisme et la rendant d’abord brulante puis glacée et grelottante l’instant suivant, frissonnante jusque dans les tréfonds inexplorés de son cœur de métal en fusion.
Les symptômes du mal qui la ronge sont terrifiants. Un à un, ses organes engourdis rendent l’âme, dans des soupirs aux conséquences dévastatrices. Ainsi, ses glaciers suent, sa banquise fond, amoindrissant les pôles dont les flancs se creusent et s’amaigrissent à vue d’œil. Une famine de températures polaires bat son plein. Les volcans, eux aussi en proie à la maladie, éternuent, expulsant de leur antre, cavité pourrissante, des tombeaux de lave écumante. Ses continents, terres d’exil au squelette devenu fragile, dérivent et tremblent. Leur ossature contaminée se sclérose, parcelle après parcelle, et ils chancellent sous le flot des vagues affamées qui s’échouent sur leurs rivages en quête de quelques miettes, mais les garde-manger de la Terre nourricière, autrefois si pourvus qu’ils débordaient de provisions, sont aujourd’hui déserts. Dévastés et dévalisés par des enfants insouciants et inconscient qui pendant des années n’ont pensé qu’à se gaver.
Dénutrie, la chaire de la Terre se flétrit, perd sa vitalité et sa fertilité, pourrit et se gangrène. Les ganglions pullulent désormais à sa surface, si bétonné que rien ne semble pouvoir les détruire. Nul baume n’apaise, nulle crème ne soulage ce processus irrémédiable de décomposition avancée. Et pour ne rien arranger, sa peau, véritable écorce desséchée, crevassée et bouillonnante, brule et fume. A la moindre étincelle, les ordures qui la recouvrent, tout en plastique inflammable, prennent feu et contaminent les forêts alentours qui deviennent à leur tour flambeaux et tombent en cendres, sous l’assaut des brasiers implacables et terrassant qui n’épargnent que la vermine.
Pendant ce temps, dans le ciel au teint grisâtre, les nuages brumeux et cotonneux coulent d’un déluge de sanglots torrentiels et incontrôlables. Les pleurs inondent la Terre mais même leurs déluges ne peuvent endiguer cette sécheresse qui s’est emparée de tout son être. Ses rivières de sang contaminé par la chimie s’assèchent. Ses mers se vident. Sa gorge vomit les montagnes de déchets qu’on l’a forcé à ingurgiter. Et dans ses poumons si meurtris par les fumées toxiques et les vapeurs putrides, une toux souffle en rafale. Inlassablement, des quintes de courants d’air glacials la secouent. Des tornades de folie pure se déchainent, crises de nerf indomptables aux allures d’hallucinations qui l’amènent, prise de vertige, au bord du précipice.
Inexorablement, la vie quitte la Terre. Préparons-nous à en faire le deuil. Sa force, qui était autrefois légendaire et qui l’a porté dans l’univers des milliers de millénaires durant, n’est aujourd’hui plus que souvenirs. Elle a été rendue exsangue par des siècles de surexploitation ininterrompue qui continue en ce moment même malgré l’état affligeant dans lequel cette entreprise l’a acculée. Malmené et fatigué, poussé jusque dans ses derniers retranchements, son cœur s’emballe dans un concert de battements frénétiques et arythmiques. Quelle triste musique. Lui naguère si mélodieux et harmonieux. Une à une, ses merveilles s’écroulent, ses lumières s’éteignent. Elle perd ses couleurs, pâlit saison après saison. Ainsi, s’en est finit du vert luxuriant des forêts et des prairies, tout comme du blanc éblouissant des neiges éternelles au sommet des montagnes, sans parler du bleu azur des printemps et des étés radieux. Bientôt il n’en restera de trace que dans les livres d’histoire et les mémoires ancestrales, tout comme ces champs de fleurs aux milles teintes et odeurs tant de fois dépeintes par les artistes contemplatifs et les promeneurs flâneurs. Ces splendeurs s’évaporent dans les derniers souffles de la Terre.
Planète en détresse, sous les yeux compatissants de la lune et du soleil, Elle hurle à l’aide mais ses cris, ses gestes, tous ses signes et ses appels lancés désespérément comme autant de bouteilles jetées à la mer, restent sans réponse. Ignoré, son malaise ne suscite qu’indifférence générale et allongée, seule sur son lit de mort, dans une galaxie tournoyant à lui donner le tournis, elle s’interroge : quel est-il ce mal qui la ronge, ce microbe qui la plonge dans un tel état léthargique, frisant l’agonie ? D’où lui vient-il ? Serait-ce ce vil parasite qui en est la cause ? Cette espèce si avide et cupide, qui vit depuis toujours à ses dépens et à qui elle a tout donné ? Oui, les Hommes et leurs bêtises sont ses bourreaux impitoyables. Ils ont tant profité d’Elle, ne pensant qu’à eux, leur confort et leurs petits plaisirs sans jamais songer à l’avenir et si peu à leurs progénitures. Créature aveugle et égoïste, si fiers de toutes leurs inventions, futiles trouvailles qui bien vite rouillent et tombent en ruines. Ils ont cru pouvoir jouir de ses trésors indéfiniment, la dépouiller jusqu’à lui extirper sa dernière miette, sa dernière goutte. Terrible erreur. Au final, tout ce qu’ils auront réussi à accomplir, tout ce pour quoi on se souviendra d’eux, oubliant leur génie et leurs chefs-d’œuvre, c’est qu’ils auront envoyé la Terre à l’échafaud et eux avec Elle, dans un stupide élan suicidaire. Car nul doute que son repos éternel emportera sous son aile bien d’autres victimes, tristes orphelins de leur très chère Terre-mère.
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Le Cri
Les mots sont-ils mus par une volonté propre ?
C’est parfois ce qu’il me semble. Il y a des paroles qui s’énoncent sans effort. A peine y a-t-on pensé qu’elles coulent et tissent leur trame. Mais il y en a d’autre qui, malgré toute notre détermination pour les formuler, restent résolument cachées et tues.
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J’ai un Cri enfoui au fond de moi. Non pas un Cri de joie mais un Cri de peine. Un hurlement qui sommeille depuis si longtemps déjà, et qui aujourd’hui, parfaitement alerte et réveillé, ne demande qu’à sortir. Coincé dans ma poitrine, il ronfle et enfle, il gonfle et s’amplifie. Il s’épanouit dans la cavité de mon âme. Il creuse son nid dans les profondeurs de mon cœur. Il se prélasse dans le puits sans fin de mes angoisses et prend tout mon espace, me laissant recluse et hors d’haleine, dans un piètre recoin de mon être.
Je le sens dans ma tête. Mon Cri s’agite et s’énerve. Il s’agace et m’irrite. Il est comme une bulle en suspens à deux doigts d’éclater qui ne cesse de croitre et de s’étendre, nourrie par ces émotions et ces pensées qui me submergent et que je ne sais exprimer : ma rage indomptable, ma haine ineffable, ma colère impitoyable, ma rancœur immuable et mon désespoir impérissable. Tout y passe. Je les condense dans ce Cri en attente, pour les juguler, pour maitriser leur flot dévastateur. Mais je sens que la coupe est pleine. Elle déborde même, saturée de réflexions, de questions et de sensations insupportables. Mon Cri menace sous la pression, comme un orage dans le lointain qui tonne et gronde, qui bouillonne à l’insu du monde. Il résonne à mes oreilles, il m’assourdit d’un son sans pareil et me laisse complètement sonnée. Sous mes paupières lourdes et fatiguées, une horde de bêtes sauvages prête à déferler et à tout emporter sème la pagaille et se déchaine. Pourtant, autour de moi, c’est le calme plat et le silence qui règnent. Le contraste est saisissant, presque aveuglant, entre cette absence de bruit qui m’environne et cette cacophonie qui m’habite à chaque instant. Dans ma tête, tout n’est que rugissement assourdissant, tumulte déchirant, vacarme vibrant et retentissant. Mon Cri est tout le temps-là, présence parasite qui aspire mon énergie et me rend l’air irrespirable, mais pour tous les autres, il est inexistant. Personne n’entend le chaos infernal qui m’assaille, car ma bouche reste irrévocablement close. Mes lèvres sont scellées. Ma gorge est comprimée dans un étau d’acier, elle est étranglée par un nœud d’émotions en fil de fer barbelés. Les mots me manquent. Ma voix me fait défaut, comme empêchée par un filet invisible qui se déploie malgré moi et qui m’accable de tout son poids. Une toile se tisse et m’enserre. Elle retient les mots et ce Cri qui voudraient plus que tout se déverser en torrents. Je voudrais m’en débarrasser. Lâcher prise, et l’expulser pour ne plus sentir son poids m’écraser. Ressentir le soulagement. La délivrance. J’aimerais, qu’enfin mon Cri déchire le silence dans un éclat tonitruant, qu’il perce toutes mes défenses, qu’il brise toutes mes barrières et qu’il s’exprime. Qu’il dévoile l’intégralité de la brutalité des pensées qui me broient.
Et je le sens qui se débat pour s’échapper de cette grotte où je l’ai emprisonné. Dans cette cage d’os, dans cette prison de chair et de peau, dans ce dédale d’idées, de rêves brisés et d’illusions factices, les voix criardes qui m’assiègent font des pieds et des mains pour trouver la sortie et éclater au grand jour. Mais qu’importe cette envie irrépressible de hurler qui me tenaille comme un besoin brutal, une nécessité vitale, crier m’est impossible.
Impuissance accablante. Gouffre insurmontable.
Dès qu’ils affleurent à l’orée de ma bouche, les sons s’évaporent. Avant même d’avoir eu le temps de se former, poussés par leur élan, ils se fracassent contre cet écran de verre qui m’entourent et, chacun leur tour, ils s’évanouissent dans le néant. Parfois un petit bruit, un seul, parvient à m’échapper : un pauvre sanglot perdu et bien vite envolé.
Alors lâchement, je refoule mon Cri. Je l’avale puis je l’étouffe pour essayer de l’oublier et continuer à vivre, mais plus je l’ignore et plus il me dévore. Il me tord les entrailles, il me lacère les viscères. Il se débat comme un petit diable. Frustré, il fulmine. Il cogne sans vergogne. Il tape et tambourine dans ma poitrine. Tapage secret et ignoré de tous que je dissimule derrière une façade lisse et impeccablement maitrisée.
Mon Cri qui monte par vague et qui m’opprime a beau être une bombe prête à exploser à la moindre étincelle, mon corps, lui, telle une éternelle tombe, reste muré dans un silence résigné.
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Angoisse
Roulée en boule dans mon lit, l’angoisse déboule telle une furie. Elle déferle sur moi comme une vague dévastatrice. Son flot déchainé me submerge et m’engloutit. Elle m’envahit toute entière, m’ébranle et me chamboule brutalement. Chaque parcelle de mon être la ressent profondément. Je tente vainement de la refouler, en cherchant quelque part en moi des pensées légères et joyeuses qui pourraient m’aider à surmonter ce déluge de noirceur, de peur et de désespoir, mais je n’ai guère de réussite. Son emprise est tenace et en un éclair, l’angoisse chasse la moindre lueur d’espoir. Elle me traverse de la tête aux pieds, me secoue et me bouleverse complètement. Elle plante en moi ses griffes acérées et me déchire de l’intérieur sans ménagement. Elle me met en pièces et me lacère le cœur férocement. Elle me coupe de la réalité. Elle annihile ma volonté, l’éradique sans pitié, la piétine et la malmène, la détruit puis envoie valser ses maigres restes aux quatre vents. Elle me jette dans un tourbillon de tourments. Les larmes coulent en torrent sur mes joues glacées. Toute lumière disparait. Le calme n’est plus qu’un lointain souvenir du passé. C’est le chaos qui règne désormais dans mes pensées.
Prostrée dans le noir, les yeux clos, les mains moites et les poings serrés, le visage fermé et la respiration saccadée.
Je ne vois plus rien.
Je ne sais plus rien.
Je ne suis plus rien, si ce n’est une bombe prête à exploser, menaçant de tout emporter et de me laisser dévastée. Je voudrais hurler pour évacuer cette tension qui me broie, pour me libérer de ce tumulte infernal qui s’emploie à me briser, mais mes cris restent sourds, ma voix est éteinte et ma gorge étranglée par un nœud d’acier. Alors en proie à cette profonde épouvante qui me laisse frissonnante, c’est en silence que j’endure toutes ces souffrances, comme une victime résignée de ce mal aux origines insondables, aux causes inexplicables et aux effets incontrôlables.
Mes membres tremblent, ma respiration s’emballe. La panique me foudroie et pulse dans mes veines. Je me sens couler et m’engluer. Je me débats et me démène, mais à chaque essai je m’enfonce, ajoutant un peu plus à ma peine. Cette lutte que j’ai tant de fois menée, je sais que je ne puis la gagner, car chaque pensée désespérée est un nouveau coup que l’on m’assène et qui finit par me faire perdre pied, alors je laisse les ténèbres m’engloutir et m’emporter. C’est la débâcle dans ma tête. La tempête se déchaine. Je suis inerte et paralysée par l’angoisse qui me terrasse. Elle me glace jusqu’à l’os et me vide de toute mes forces.
Elle est l’hôte terrible de mon cœur fragile, la cage qui me garde prisonnière. Elle est le ravisseur insaisissable de mes sourires et de mes joies. Elle est le tortionnaire invisible et implacable de mon calvaire horrible et interminable. Elle est le monstre sanguinaire qui hante mes jours et mes nuits et qui, assoiffé et affamé, se délecte de mes incertitudes et de mes doutes, de mes multiples questions restées sans réponses, de ma tristesse et de ma détresse.
Son poids m’écrase et m’étouffe pendant que la peur, sa complice de toujours, son acolyte des mauvais tours, m’oppresse et m’étourdit d’une cruelle ivresse. Avec leurs efforts combinés, elles me compriment la poitrine dans un étau. Leurs assauts acharnés m’épuisent. Telles deux vipères perfides elles m’enserrent, me coupent le souffle et me font suffoquer. Elles me tordent le ventre et me dévorent avec avidité. Elles me retournent les viscères et me cisaillent les entrailles. Je ne sais que faire pour mettre fin au supplice infernal de ce combat silencieux et solitaire. Impuissante, je ne peux qu’espérer que l’accalmie vienne sans trop tarder mais j’ai perdu toute notion du temps et cette attente me semble durer éternellement. Puis, comme la marée, l’angoisse finit par refluer. Elle s’apaise, me laissant les nerfs à vif, l’âme en lambeau, vidée et essoufflée, échouée en marge de ma vie, comme un pauvre déchet que l’on aurait négligemment jeté sur les pavés. Et les seules traces qui demeurent de son passage dévastateur sont les battements effrénés de mon cœur fatigué et écorché ainsi que cet affreux brouillard, emplit de pensées noires et déprimées, qui engourdit mon esprit.
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Tu sais que tu es sur le bon chemin lorsque regarder en arrière ne t'intéresse plus
(via lysuka)
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Prison de perfection
Je suis une éternelle insatisfaite. Jamais la meilleure ni la toute première, je suis perpétuellement en quête de ce qui pourrait enfin me permettre d’être la fille parfaite que tout le monde attend de moi que je sois. A chacun de mes gestes, à chacun de mes actes, je veux être infaillible et me sentir experte, à chacune de mes paroles ou de mes décisions, je cherche la perfection. J’ai à cœur de bien faire pour ne pas décevoir, d’être à la hauteur des espérances que l’on place en moi et de briller partout, de tout maitriser de bout en bout.
Cette obsession de tout contrôler prend souvent des proportions démesurées mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour me rassurer. C’est mon filet de sécurité, une façon de combler mon manque de confiance et de me protéger, car aussi longtemps que j’obéis à cette exigence d’exemplarité, je ne risque aucune réprimande. Tant que je fais preuve de rigueur et d’application, je n’encours aucune réprobation. Alors constamment, pour rester à l’abris des reproches et fuir les remontrances, je poursuis l’excellence, je m’interdits toute erreur et j’évite à tout prix les faux-pas qui pourraient me mettre dans l’embarras. En toute sincérité, il y a probablement une partie de moi fait également cela pour obtenir un peu de reconnaissance, et peut-être aussi, dans l’espoir dérisoire de recueillir quelques compliments, mais la plupart du temps, ce n’est qu’une façon de me prémunir contre les critiques assassines et les jugements dégradants. J’ai déjà si peu d’assurance, je ne peux me permettre de laisser transparaitre la moindre de mes faiblesses. Si je m’y risquais, je me sentirais à coup sûr trop vulnérable. Sans arrêt, je me soumets donc à cette impérieuse nécessité de gommer toutes ces anomalies qui façonnent ma personnalité. Je les cache et les camoufle pour qu’on ne les remarque pas. Je veux être lisse et sans défaut pour qu’on ne me dénigre pas, quitte à me faire passer pour une autre que moi. Et en définitive, je m’efface et je me perds derrière cette image idéale à laquelle j’aspire tant et que je brandis comme un bouclier en pleine bataille.
Mais surtout, ne vous y trompez pas, cette apparence que j’affiche en toute circonstance, aussi attrayante et convaincante soit-elle, n’est qu’un vernis artificiel. C’est un masque superficiel, une diversion qui éloigne les regards de l’essentiel, mais qui en vérité, dissimule une réalité bien moins reluisante qu’il y parait. Moi seule en ai conscience : cette perfection que je m’emploie si durement à atteindre n’est qu’une frêle illusion. Ce n’est qu’un mirage bien fragile, un leurre pour mieux occulter la laideur qui m’emplit, un trompe-l’œil pour estomper la crasse qui imprègne mon âme et tenter d’oublier le désastre qu’est devenue ma vie. Il n’y a rien de plus factice que ce rôle de petite fille modèle que je me force à jouer et dans lequel je m’enferme pour ne jamais être dérangée. Le contrôle et la recherche effrénée de la perfection sont ma prison. La clé pour m’en libérer est d’apprendre à lâcher prise et à faire preuve d’acceptation.
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GRANDIR
Quelle bien triste nouvelle, mes trois plus vieilles amies se sont fait la belle. Elles sont parties depuis quelques temps déjà, mais aujourd'hui, j'en suis certaine, elles ne reviendront pas.
J'aurais dû me douter de ce qui se préparait, que ce jour finirait par arriver. Car après tout, je les avais vus s'éloigner. Tout doucement d'abord, sur la pointe des pieds, comme à regret. Puis le temps passant, la distance entre nous s'était installée, et au fil des ans, elle n'avait jamais cessé de s'amplifier. Notre belle complicité d'antan se fanait, inexorablement. Nous changions, tout naturellement, chacune à notre façon. Nos différences s'affirmaient, nos ressemblances s'estompaient. La fin de notre longue amitié se profilait. C'était inévitable, mais pendant longtemps, je n'ai rien voulu voir, rien voulu savoir, je ne voulais pas croire à cette triste éventualité, car elle m'était tout simplement inconcevable. J'avais cru si profondément que notre lien était indestructible, imprescriptible, voué à durer éperdument. C'était mon souhait le plus cher, mon vœu le plus ardent. Alors je suis restée aveugle et sourde. J'ai tenté d'ignorer les signes avant-coureurs de ce malheur annoncé. Je me suis accrochée, désespérément, jusqu'au dernier instant. C'était reculer pour mieux sauter, mais j'ai continuais à espérer follement et secrètement que tout redevienne comme avant. Jusqu'à ce qu'un gouffre béant ne finisse par nous séparer. Et que finalement, un beau jour, mes trois plus vieilles amies ne se soient envolées.
Aujourd'hui, il ne me reste plus rien d'elle. Elles s'en sont allées sans un mot d'adieu et m'ont laissée, perdue dans un monde d'inconnu, plus seule et désœuvrée que jamais. Elles ont disparu sans laisser de trace, et pas un jour ne passe sans que je ne regrette de les avoir laissées partir, de ne pas avoir su les retenir. Elles sont parties, emportant avec elles mes vieux rêves d'enfance, ma confiance dans l'avenir, mes folles espérances, et seuls me restent désormais pour combler leur absence un vide immense et un monde vide de sens.
Pour soulager ma peine, pour chasser les pleurs et la détresse, l'ennui et la paresse, je me replonge sans cesse dans nos souvenirs de jeunesse. Je repense à nos journées de rire et de joie, je nous revoie dansant librement, jouant allègrement, riant avec éclat, vivant, tout simplement. Je me rappelle de nos caprices d'enfants gâtées et choyées et je revis avec délice tous ces beaux moments partagés, sans masque ni artifice. Je ressasse à l'infini ces instants de malice, où tout me semblait si léger, si simple et si parfait, où nous n'avions qu'à profiter de nos journées, sans nous soucier du monde qui nous entourait. Nous étions protégées, nous étions aimées et rien de mal ne semblait pouvoir nous arriver. Du moins, c'est ce que je pensais, mais aujourd'hui je comprends que je m'étais fourvoyée et que tout ceci appartient au passé car mes trois complices d'autrefois ne sont désormais plus là. Elles ont déserté ma vie, mettant fin à ce temps d'indolence et de légèreté.
Alors pour apaiser mon cœur tourmenté par les remords et les regrets, je me laisse flotter dans cet océan de nostalgie. Je suis comme une barque à la dérive, voguant à contre-courant, remontant les flots de mon passé, à la recherche de mon bonheur égaré. Les vagues de souvenirs m'emportent et me happent. Elles me transportent à nouveau dans cette vie d'autrefois si tendre et pleine de joie. Ces images d'une autre vie m'emplissent et me ravissent car un pendant court instant, j'échappe au moment présent, je renoue avec la paix de cette époque regrettée, je retrouve le sourire qui m'a tant manqué et je soupire en revivant ces instants de tranquillité. J'aimerais qu'ils durent à tout jamais mais je sais que cette accalmie n'est que pure illusion. Une douceur chimérique, un bonheur éphémère et imaginaire. Car immanquablement, la réalité finit toujours par me rattraper, et lorsque je refais surface et que les souvenirs s'effacent, ils emportent avec eux cette sérénité si fugace. Ils ne me laissent qu'un cœur glacé à l'idée de tout ce que je n'ai plus et ne retrouverai jamais plus.
Aujourd'hui, je dois accepter cette triste vérité : mes trois plus vieilles amies se sont fait la belle et je ne les reverrai pas. Elles ont tourné la page de cette époque si chère à mon cœur. Elles s'appelaient Enfance, Innocence et Insouciance et leur absence m'emplit d'une sensation douce-amère, d'une mer de regrets et rien ni personne pour me consoler.
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Indifférence...
On a souvent du mal à se figurer l’impact que nos comportements peuvent avoir sur les gens qui nous côtoient. Même ceux qui ne font que croiser notre route – un court instant, un infime moment – peuvent se retrouver affectés par notre conduite, par l’une de nos paroles lancées à la va-vite ou encore par un regard que l’on aura laissé errer sans prendre gare.
Je sais de quoi je parle, j’en ai souvent fait les frais. Je l’admets bien volontiers : je ne suis pas la plus à plaindre, car d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été tolérée par ceux et celles qui m’entouraient. Je n’ai jamais été moquée, ni même raillée, encore moins insultée et on ne m’a jamais jeté à la figure de mots odieux ou d’immondes ordures. Mais, si rares sont les moments où j’ai été la cible de comportements méchants ou méprisants, cela ne signifie pas pour autant que je me sois sentie à ma place dans tous les endroits que j’ai fréquentée pendant toutes ces d’année. Bien au contraire, je n’ai jamais réussi à me sentir acceptée et intégrée au beau milieu de cette société d’image et d’apparat dans laquelle j’évoluais. Sans arrêt en décalage, j’ai moi aussi connu mon flot de pleurs et mon lot de malheurs. J’ai eu la chance de ne pas être victime d’attaques directement dirigées contre mon physique ou ma personnalité, mais j’ai fait l’expérience d’une autre forme de violence toute aussi dangereuse et désastreuse car plus sourde et insidieuse : celle de l’indifférence.
En effet, un regard qui vous ignore et qui vous passe à travers sans même vous voir fait souvent tout aussi mal qu’une moquerie en bonne et due forme. Tout comme un simple dos tourné et une question restée sans réponse peuvent être les pires marques de mépris. Ces attitudes peuvent paraitre bien futiles et anodines. Certains diront que ce ne sont que des petits gestes sans importance, mais même quand ils sont réalisés dans la plus parfaite innocence, ils vous touchent, vous pincent le cœur et vous font serrer la gorge. Et au fil du temps, quand ils se répètent, ils finissent par vous submerger et ils vous engloutissent sous un océan d’indifférence qui peut se révéler bien plus nocif que le plus terrible des actes de malveillance.
J’ai connu l’ignorance et le dédain des uns, la négligence et le rejet des autres. Combien de fois, malgré ma présence, me suis-je sentie complètement invisible et effacée ? Je ne comptais pour rien. Ma voix était parfaitement inaudible, alors je me suis tue. Peu importe ce que je faisais ou comment je me comportais, je passais inaperçue. J’avançais sans être vue, perdue dans la foule, j’évoluais sans être importunée. Mes interventions ne suscitaient aucune réaction, pas même une petite marque d’attention. Les gens que je rencontrais m’oubliaient dès l’instant où je m’éloignais. J’étais sans cesse ignorée, comme indigne d’un quelconque intérêt, alors on m’a délaissée et j’ai voulu m’effacer.
J’ai beau me lamenter, je dois admettre, il est vrai, que j’ai une grande part de responsabilité dans cet état de fait car je n’ai jamais cherché à me mettre en avant ou à essayer de me démarquer. Ce n’est pas tant que je n’aimais pas être sur le devant de la scène, mais plutôt que je n’osais pas m’imposer. Où que j’aille, quoi que je fasse, je préférais toujours rester noyée dans la masse et pour que l’indifférence me laisse de glace, je me suis forgée une carapace. Je me suis obligée à ne plus accorder d’importance aux silences et aux absences. Pour ne plus être atteinte par le désintérêt de tous ceux qui m’entouraient, je me suis forcée à prendre de la distance face à toutes les négligences, puis j’ai construit des remparts tout autour de moi. J’ai voulu me rendre inaccessible alors je me suis mise à l’écart. J’ai trouvé refuge dans une forteresse imprenable pour que plus personne ne me blesse, délibérément ou non, et pour ne plus avoir à supporter les regards placides, les attitudes insensibles et impassibles. Ces actions dénuées de toute considération étaient bien souvent involontaires, mais elles n’en étaient pas moins délétères car elles soulignaient avec insistance mon insignifiance et mon inutilité et elles me rappelaient sans cesse que je ne faisais pas partie de la fête. Elles ont miné mon assurance, sapé ma confiance, chassé mon estime et m’ont laissé seule avec ma conscience. Cette indifférence généralisée a mis à mal des évidences qui me semblaient inébranlables. Elle a remis en question une grande part de mes convictions et ébranlé mes fondations, elle a érodé mes croyances et réduit en cendre toutes mes espérances. Ce délaissement m’a jeté dans les bras de la solitude. Je m’y suis blottie. J’ai appris à vivre avec cette ombre qui me suivait à la trace et j’y ai même pris goût, car c’était tout ce que je connaissais, tout ce qu’on m’autorisait.
A force d’être rejetée, je me suis renfermée et j’ai moi aussi fini par fuir et bannir tous ceux et celles qui tentaient de m’approcher. Je le faisais par prudence et par méfiance et je pensais que m’isoler de cette manière était une bonne idée, que ce repli était on ne peut plus nécessaire pour me protéger. Je voulais me convaincre que puisqu’on ne voulait pas de moi, il n’y avait aucune raison pour que j’ai besoin de quoi que ce soit. Je m’imaginais qu’au fil du temps, je finirai par m’habituer au vide et à la nonchalance des gens, par ne plus me préoccuper de leur froideur et leur détachement, de leurs préjugés et de leur insouciance, que je pourrais vivre au milieu de ces foules impersonnelles sans me sentir inutile et transparente. En réalité, je n’avais pas idée à quel point toutes ces années de rejet et d’exclusion m’avaient affectées car, en définitive, chacun des petits signes d’indifférence dont j’ai été victime, aussi infimes et insignifiants soient-ils, a laissé une marque indélébile dans mon existence. Ces marques ont donné naissance à des fissures, en apparence sans conséquence et qui, au départ, étaient on ne peut plus inoffensives. Elles auraient pu le rester, mais à force d’être laissée de côté, au gré des petites inattentions, des déceptions et des abandons à répétition, elles se sont agrandies et accumulées. Elles ont zébré mon être tout entier, m’ont recouverte de la tête aux pieds, et un beau matin en me levant, tout a cédé et les fissures sont devenues fractures. En un instant, tout le poids de ma solitude m’est apparu et m’a semblé insoutenable. Pendant si longtemps je l’avais occulté et désormais, il me revenait en pleine figure. Pour la première fois, j’ai vu les meurtrissures qui me sillonnaient, les failles béantes qui plongeaient au plus profond de moi et que j’étais incapable de combler. Je me suis sentie accablée par tous les manques qui émaillaient ma vie, en particulier l’absence d’affection et de reconnaissance, de considération et de bienveillance, d’attention et de patience. Ces réalisations m’ont fait vaciller et il a suffi d’un tout petit souffle pour briser ma personnalité en un millier de morceaux. Et pour finir, résignée, je me suis écroulée.
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Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était et aie confiance en ce qui sera.
BOUDDHA
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LE POIDS DU SILENCE.
Les mots peuvent être puissants mais les silences le sont tout autant. Ils sont mêmes parfois bien plus bouleversants et éloquents que de belles paroles ou de longs discours. Ce que l'on y découvre n'est pas toujours plaisant mais ce qui est sûr, c'est qu'il ne laisse personne indifférent, car le silence a de multiples facettes. C'est une forme changeante, une ombre mouvante, qui peut être belle sur le moment présent puis terrifiante l'instant suivant. Le silence n'a ni couleur, ni odeur, mais sa présence peut être teintée de mille saveurs.
Il y a des silences qui apaisent et qui vous laissent aussi légers qu'une plume, d'autres qui pèsent aussi lourd qu'une enclume.
Il y a des silences reposant qui vous calment et vous bercent aussi sûrement que le chant de votre maman, et d'autres qui vous transpercent comme une lame chauffée à blanc.
Il y a des silences qui libèrent bien mieux qu'aucune parole ne saurait le faire, et d'autres qui vous désespèrent, vous jettent dans une sombre colère et vous enferment dans un enfer délétère.
Il y a des silences entendus qui vous unissent et vous lient dans un instant de communion et de parfaite harmonie, d'autres qui ne sont qu'ignorance, mépris et incompréhension.
Il y a des silences aussi doux que des caresses, qui vous enveloppent de toute leur délicatesse, et d'autres qui vous blessent, vous agressent et vous plongent dans une profonde détresse.
Il y a des silences qui s'effacent, qui tombent dans l'oubli et auxquels jamais on ne repense, d'autres que l'on ressasse sans cesse et qui laisse des traces, impérissables et tenaces.
Il y a des silences respectueux et d'autres dédaigneux, des silences détendus et d'autres lourds de sous-entendus.
Il y a des silences qui laissent la place à d'intenses instants de grâce, et d'autres qui vous glacent jusqu'à l'os, qui vous terrassent et vous paralysent d'angoisse.
Il y a des silences qui rassurent et qui consolent les affligés, d'autres qui vous brûlent intensément et vous torturent aussi longtemps qu'ils durent.
Il y a des silences que l'on accueille avec félicité et que l'on rêverait de voir s'étirer toute une éternité, d'autres que l'on essaie à tout prix d'ignorer, que l'on tente de combler ou de briser pour ne pas déprimer.
Il y a des silences qui vous soulagent, qui vous font sourire et vous rendent ivre de joie, d'autres qui vous enragent, vous déchirent, vous broient et foudroient votre être tout entier.
Il y a des silences pleins d'évidences et d'autres qui n'ont pas le moindre sens, des silences qui renforcent la confiance et appellent les confidences, d'autre qui isolent et ne suscitent que la méfiance.
Il y a des silences qui vous charment et vous envoûtent et d'autres qui vous désarment, vous déroutent et vous laissent en proie au doute.
Il y a des silences de paresse et d'autres qui oppressent, des silences agréables et d'autres inconfortables, des silences salvateurs ou rédempteurs et d'autres réprobateurs ou destructeurs.
Il y a des silences de concordes et de plénitude, d'autres qui font régner la discorde, le désordre et attisent votre inquiétude.
Il y a des silences qui éveillent l'inspiration et décuplent la sensibilité, d'autres qui vous enfoncent dans la dépression et révèlent toute votre vulnérabilité.
Enfin, il y a des silences vibrant d'espérances, mais il y a aussi des silences de mort. On peut les aimer ou les détester, mais on peut rarement les éviter complètement. Croyez-moi, j'ai essayé, mais les silences emplissent tous les vides, et pour moi, ils n'ont rien d'une délivrance. Ils ne sont qu'une marque d'indifférence, le rappel incessant, et toujours aussi déplaisant, de mon insignifiance et de mon peu d'importance. On ne me regarde pas, on ne me parle pas, on ne me répond pas, on ne veut pas avoir à faire à moi. Quand j'interroge, on m'ignore et quand je m'éloigne, on ne le remarque pas, ou si peu, alors je laisse le silence m'envelopper. Il est comme un acide qui me ronge mais dont je ne peux me séparer, car il est le seul à ne m'avoir jamais délaissée ni rejetée. Il m'a réconfortée quand tout le monde se détournait de moi, il m'a apprivoisée quand j'abandonnais toute idée de me lier à nouveau d'amitié, alors je l'ai adopté. Désormais, il est mon seul ami et mon pire ennemi, mon unique compagnon sur ce chemin de l'exclusion. Mais il est aussi ma prison de verre qui m'isole et m'enferme. Il fait peser une chape de plomb sur mon cœur solitaire. Il est l'écho de mes peurs et de mes douleurs, le reflet de ma froide solitude.
J'aimerais le briser mais ma voix se dérobe et celle des autres est toujours aussi distante, alors en attendant, je laisse le silence s'installer. Je le regarde continuer à creuser ce puits sans fond dans lequel inexorablement je m'enfonce, écrasée par le poids terrible de cet abandon qui m'accable.
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Je ne dois pas écrire pour plaire mais simplement parce que j'ai plaisir à le faire. Ce n'est pas mon talent qui compte, mais la passion qui m'anime.
Ptite Scribouilleuse
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Ecrire...

L'écriture n'a jamais été une évidence pour moi. J'aime lire depuis mon enfance, et je ne compte plus le nombre d'heures passées à dévorer des pages, le nombre de jours et de nuits occupés à engloutir des romans, à vivre les aventures et les tourments de mes personnages préférés ou détestés, à rire et à pleurer à leurs côtés. Alors oui, la lecture a toujours eu une grande place dans ma vie, mais l'écriture restait complètement hors de ma portée. Je ne me pensais pas suffisamment douée pour ça et j'étais persuadée de n'avoir rien à raconter, ou en tout cas, rien qui ne soit digne d'intérêt. Pourtant, inspirée par mes auteurs favoris, j'ai souvent rêvé à mon tour de prendre la plume pour donner vie à ces histoires fabuleuses qui tissaient leur trame dans mon esprit. Je rêvais d'écrire pour toucher en plein cœur les lecteurs avec des mots enchanteurs, pour bouleverser les convictions par la seule force de mon imagination, ou encore pour inspirer les petits et les grands avec des récits captivants. Je m'y suis essayée parfois mais, malheureusement, jamais sans grand succès, et, confrontée à ma médiocrité et aux déceptions à répétitions, j'ai fini par me convaincre qu'il valait mieux pour moi en rester là. Ma place était celle d'une spectatrice et non pas celle d'une actrice. J'avais l'âme d'une admiratrice mais certainement pas celle d'une artiste. L'écriture devait demeurer ce qu'elle avait toujours été : un rêve inatteignable, une envie inavouable et bien dissimulée. Déterminée à me tenir à cette résolution, j'ai claqué la porte au nez de toutes mes idées vagabondes, j'ai fermé et verrouillé à double tour les fenêtres de mon imagination et coupé court à toutes les sources d'inspiration. Une fois ainsi isolée de toutes les distractions, je me pensais à l'abri, mais comme on le dit si bien « chassez le naturel et il revient au galop », et aussitôt les yeux fermés, tous ces barrages que je m'étais efforcée d'élever pour contenir mes élans de création ont commencé à céder et les mots sont peu à peu revenus me hanter.
La tentation de les écrire devenait trop grande, mon imagination trop féconde et les mondes de ma création m'apparaissaient mille fois plus accueillant que cette fade réalité qui m'entourait. Les mots me titillaient sans arrêt et mes idées voulaient à tout prix s'exprimer. J'essayais de les ignorer, de les étouffer et de me persuader que je n'avais pas de temps à leur accorder. J'en avais pourtant désespérément envie. Mes histoires grandissaient en moi. Elles enflaient et se sentaient de plus en plus à l'étroit dans mon esprit trop étriqué. Elles n'attendaient désormais plus qu'une seule chose pour s'épanouir : que je commence à les écrire. Mais je ne le faisais pas. J'étais paralysée par la peur d'échouer, effrayée à l'idée de ne pas être à la hauteur et terrorisée devant l'ampleur de la tâche. Je savais lire et apprécier le talent des autres mais j'ignorais comment en faire autant et cette crainte de ne pas réussir m'empêchait de me lancer, elle annihilait toutes mes tentatives. La seule perspective de ne pas produire un texte parfait suffisait à réduire à néant mes débuts peu concluants. J'ai donc fait comme à mon habitude, j'ai tout simplement renoncé.
Mais au bout d'un certain temps, l'écriture n'a plus été qu'une simple envie ou une lubie sans importance, une occupation sans conséquence, elle s'est transformée en un véritable besoin. Elle est brutalement devenue une nécessité pour démêler tout ce que j'avais tenté d'enfouir profondément en moi et qui menaçait maintenant de m'étouffer. Pendant si longtemps, le silence avait été ma prison, l'écriture m'apparaissait désormais comme ma seule chance de délivrance. Je devais faire sortir les voix qui hurlaient dans ma tête mais qui me laissaient complètement muettes. Je devais exprimer tous ces mots douloureux que je ressassais à longueur de journée sans jamais être capable de les prononcer. Je devais assumer ces pénibles vérités qui, à force d'être cachées et ignorées, se rebellaient et me détruisaient à petit feu. Et puisque ma langue était liée, ma plume devait prendre le relais.
Alors, je me suis mise à écrire. Sans aucune prétention ni la moindre ambition, juste pour me soulager et pour me changer les idées. J'y ai pris goût et j'ai continué. Je pensais être éteinte mais écrire a rallumé une étincelle en moi. Toute petite d'abord, une lueur si fragile qu'elle aurait pu disparaître alors qu'elle venait tout juste de naître. Pour la préserver, je l'ai donc attisée par des mots, des bouts de phrases et quelques textes, et très vite, cette minuscule flammèche s'est transformée en véritable brasier qui m'a dévoré tout entier.
Aujourd'hui plus que jamais, j'ai besoin d'écrire pour ne pas sombrer, pour garder cette lumière en moi qui me réchauffe et m'éclaire, une lumière qui chasse l'obscurité de mes journées et qui repousse le froid glacial de mes nuits. J'ai besoin de créer pour ne pas me détruire et pour y parvenir, je m'immerge sans compter dans ces univers imaginaires que j'invente et que je fais vivre au gré de mes envies. Je m'évade et je m'envole vers d'autres réalités pour échapper à mes sombres pensées. L'écriture est devenue mon exécutoire. C'est mon remède contre le désespoir et contre l'ennui. Chaque mot est un baume apaisant qui panse mes plaie et cicatrise les blessures du passé et désormais, ce ne sont plus les larmes qui coulent comme un déluge mais l'encre qui se déverse et qui m'emporte vers un avenir un peu plus radieux.
Bien sûr, mes peurs et mes doutes ne m'ont pas quittée. Ils sont toujours là, bien ancrés en moi et j'entends encore cette voix qui me murmure à chaque instant que je perd mon temps. Elle me rappelle sans cesse que je n'ai pas assez de talent, que je ferais mieux d'abandonner. Parfois, je pourrais presque me laisser tenter, mais je me force à l'ignorer et je continue. Je m'obstine à écrire car j'ai trouvé le secret pour ne pas laisser la peur m'intimider. J'ai mis du temps, mais j'ai enfin compris que je ne dois pas écrire pour plaire mais parce que j'ai plaisir à le faire. Ce n'est pas mon talent qui compte, mais la passion qui m'anime. Ce n'est pas mon envie d'écrire qu'il me faut ignorer et bannir, c'est au contraire cette voix apeurée et défaitiste qui me freine que je dois faire taire.
Alors peu importe mes erreurs, peu importe mes échecs et mes déconvenues, j'écris à toute heure du jour et de la nuit et je continuerai aussi longtemps que l'envie sera là. Mes textes n'auront pas toujours un grand intérêt. Pour beaucoup de lecteurs, ils seront souvent très imparfaits, pas toujours de qualité. Pour certains, ils déborderont de faussetés et de méchants défauts. Ils pourront même parfois être dépourvus du moindre sens, dénués de toute utilité, excepté pour moi : celle qui les imagine et qui les écrit. Pour moi, peu importe leur beauté, ils auront toujours une raison d'être, une raison d'être estimés et d'être appréciés. Car pendant les quelques instants où ils auront empli mon esprit, ils m'auront aidée à m'évader, ils m'auront transportée ailleurs et m'auront permis d'oublier et de vivre un petit moment de bonheur. Cette liberté de créer à l'infini, c'est la seule chose qui compte désormais, et aussi longtemps que les mots me chanteront leur douce mélodie, qu'ils danseront en parfaite harmonie, ma vie aura un sens et j'aurai une raison d'espérer.
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Ne te demande pas pourquoi : fais-le, tu as le droit. Ne te demande pas comment : fais-le tout simplement.
Ptite Scribouilleuse
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Elle voulait juste s’envoler...
Là où elle se tenait, elle pouvait tout voir. Juchée au sommet de sa tour d’ivoire, elle laissait errer son regard sur le vaste monde qui s’étendait à ses pieds. Là-haut, perchée sur son nichoir, elle retrouvait enfin un peu d’espoir. Libérée de ses chaînes, elle pouvait, pour la première fois, rire sans peine de tout, de rien et même de demain.
Elle était si heureuse, la tête dans les nuages. Elle n’était plus la petite fille peureuse qui baissait la tête, honteuse, chaque fois qu’elle n’avait pas été sage. Elle se serait presque crue capable d’affronter des tempêtes, mais en attendant de trouver ce courage, elle préférait lever la tête et admirer les rayons du soleil couchant qui illuminaient l’horizon de leur lumière crépusculaire. La beauté de cet astre chatoyant qui se reflétait dans l’océan miroitant tel des milliers de diamants ne cessait de la subjuguer. Toutes ces si belles couleurs faisaient palpiter son cœur à mille à l’heure et elle sentait peu à peu renaître en elle un feu incandescent qu’elle pensait éteint depuis si longtemps.
Là-haut, dans ce si beau monde d’oiseaux, elle aspirait enfin au repos. Elle retrouvait le plaisir de sentir sur sa peau nue, l’air frais d’une douce nuit d’été. Cette air si bon qui respirait la vie et ne lui donnait plus qu’une seule envie : s’enfuir, partir, pour ne plus jamais revenir. Le léger vent qui soufflait au sommet de cette grande tour isolée faisait virevolter ses cheveux emmêlés, il ravivait sa flamme passionnée et chaque fois qu’un coup de brise venait caresser ses joues exquises, elle frissonnait et sentait l’emprise de ce sentiment si doux de liberté se renforcer.
Dans ce vaste espace où régnaient en maître les plus grands rapaces elle pouvait enfin respirer librement. Elle ne se sentait plus étouffer, comme en bas dans ces villes de papier qu’elle haïssait avec tant d’âpreté. Ces villes si détestables, elle les connaissait et les fuyait du matin au soir car tout, dans les méandres de leurs rues surpeuplées, l’emplissait d’un affreux désespoir. Elle les trouvait si immondes ces rues noires de monde et noires de crasse où elle ne se sentait pas à sa place. Elles étaient bien trop bourdonnantes d’animations ces villes en perpétuelle mutation. Si bouillonnantes et abrutissantes qu’elles vous empêchaient d’��prouver la moindre émotion, si ce n’est une amère déception. De jour comme de nuit, elles étaient emplies de tant de bruits, qu’on finissait par en oublier le silence et sa douce délivrance. Quant au ciel étoilé, ne vous laissez pas dupés, très peu sont les chanceux qui, une fois le soleil couché, parvenaient à l’admirer. Tout ce que l’on pouvait espérer croiser dans les rues grouillantes de ces villes, se résumait à quelques regards froids et obscurs, des regards parfois plein de haine et souvent gorgés d’indifférence des passants qui se permettaient sans aucune gêne de vous scrutez de la tête aux pieds. D’un coup d’œil, ils dédaignaient votre différence, jaugeaient votre intelligence et réduisaient votre assurance. L’effervescence et l’ignorance étaient les reines de ces lieux si ternes et sans saveur, ces villes de malheur qui n’avaient aucun cœur et où les petits coins de verdures étaient plus rares que les monceaux d’ordures.
Alors elle en était certaine, elle avait pris la bonne décision en choisissant de quitter cette prison pour s’élever vers de nouveaux horizons. Sans aucune hésitation, elle avait rejoint ce lieu silencieux où elle n’avait qu’à lever la tête pour apercevoir de jolies alouettes. Ces oiseaux au vol gracile qui pouvait évoluer en toute liberté et voler d’île en île, elle les avait toujours enviées. Déjà petite, elle rêvait de leur ressembler, de les imiter et de partir à la découverte de centaines de contrées lointaines. Mais elle avait fini par oublier ce rêve si cher à son cœur. Toutes ces idées étaient trop futiles et ridicules. Elle les avait donc chassées de ses pensées et s’en était détournée à grand regret.
Désormais, là où elle se trouvait, dans ces hauteurs si dégagées, tout lui apparaissait tellement plus clairement. Elle s’était fourvoyée et n’aurait jamais dû abandonner. Le brouillard qui pendant si longtemps, avait terni sa vision, troublé son esprit et nourri sa dépression, s’était envolé au contact de l’air si pur. Disparues les pensées impures. Elle se sentait invincible et lorsqu’elle levait les yeux vers le ciel, ce ciel d’un bleu limpide qui à chaque regard ensorcelle la moindre parcelle de son corps immobile, plus rien ne semblait pouvoir lui échapper. Alors elle s’était remise à rêver. Elle s’était éprise d’un besoin pressant de s’envoler, de rejoindre les goélands, de flotter au gré du vent, de fondre vers le firmament, de frôler la lune d’argent et d’approcher le soleil brulant. Elle voulait simplement vivre son rêve d’enfant et passer son temps à écouter les oiseaux chantant l’aube naissante. Elle voulait traverser ce monde à la vie si féconde, tutoyer les étoiles et les aurores boréales, planer entre les nuages aux heureux présages, se poser sur les plus hautes montagnes et par-dessus tout, elle voulait sentir cette sensation de totale liberté qu’elle avait si souvent imaginée. Elle en avait tant rêvée. Voler, c’était sa destinée, une obsession, au-delà de toute raison qui, aujourd’hui, pouvait devenir réalité. Chaque cellule de son corps le savait et la poussait à s’élancer. Elle était faite pour s’envoler. Cette certitude, comment avait-elle pu en douter ? Les airs, c’était son univers, le domaine dont elle était la reine. C’était la plus grande évidence de toute son existence. Ses doutes s’étaient envolés mais pour chasser les derniers remords et regrets qui l’habitaient, elle devait vaincre sa peur et exaucer ce vœu si cher à son cœur. Pour cela, il n’y avait qu’une seule solution : elle devait tendre le bras, faire un tout petit pas et oser. Oser défier la gravité.
Alors elle ferma les yeux et sauta. Et pendant un instant, un très court instant, elle avait réussi. Dans un geste grandiose, elle s’était envolée vers ce beau ciel rose. Vidée de toutes ses peines et de toutes ses craintes, elle s’était élevée vers ce monde aux milles teintes. Le cœur léger, l’esprit libéré. Elle était épanouie, comme jamais elle ne s’était sentie et pour la première fois de sa vie elle avait éprouvée cet élan de liberté si parfait. Elle l’avait savouré, s’était sentie comblée comme jamais. Car elle était libre comme l’air, légère comme une hirondelle qui étend ses ailes et parcourt le ciel sans entrave ni réserve. L’amertume, la solitude des jours anciens avaient disparues, remplacées par une plénitude, un bonheur enchanteur et salvateur auquel elle n’avait plus l’habitude.
Mais cette joie si puissante, si enivrante, cette euphorie si grisante, si exaltante, n’avaient été que de courte durée. Ses ailes s’étaient comme enrayées et à vitesse grandissante, elle avait vu cette ville si détestée se rapprocher. Son bitume, sa grisaille, ses rues en pagaille et ses constructions sans âme. La réalité l’avait alors brusquement rattrapée et sur le béton des pavés, son corps s’était violement écrasé. Il s’était brisé, disloqué et sa vie s’était brutalement arrêtée, fauchée en plein vol. Elle gisait désormais dans une mare de sang, méconnaissable. Son corps était broyé, désarticulé, écrabouillé sous le poids des petits tracas ou des gros soucis qui s’étaient accumulés depuis tant d’années. Mais qu’importe. Quoi qu’on dise, quoi qu’on pense, il n’y avait rien à regretter car son rêve s’était réalisé. Elle avait enfin pu voler.

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