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Un autre velu est apparu
Pour un p'tit blondinet qui n'a pas toujours eu beaucoup de chance dans sa vie et que j'aime fort ^.^
"Dans la ville, King Kong écrase tout sur son passage. La civilisation qu'on voyait se construire au début du film se détruit en très peu de temps. Cette force qu'on n'a ni voulu apprivoiser, ni la respecter, ni la laisser là où elle était, est trop grande pour la ville qu'elle écrabouille rien qu'en marchant. Avec une grande tranquillité. La bête cherche sa blonde. Pour une scène qui n'est pas érotique, mais relève plutôt de l'enfance: je te tiendrai dans ma main et nous patinerons ensemble, comme pour une valse. Et tu riras comme un enfant dans un manège enchanté. Il n'y a pas ici de séduction érotique. Mais un rapport sensuel évident, ludique, où la force ne fixe pas de domination. King Kong, ou le chaos d'avant les genres."
"Certaines femmes aiment la puissance, ne la craignent pas chez les autres. La puissance n'est pas une brutalité."
"[…] Question d'attitude, de courage, d'insoumission. Il y a une forme de force, qui n'est ni masculine, ni féminine, qui impressionne, affole, rassure. Une faculté de dire non, d'imposer ses vues, de ne pas se dérober. Je m'en tape que le héros porte une jupe et des gros nibards ou qu'il bande comme un cerf et fume le cigare."
Ceci est une énième ode à la puissance. A la force. Au contraire de la domination, qui s'assure en aval que la proie est suffisamment faible ou à moitié morte pour frapper et s'affirmer, la puissance est toute autre. La puissance, c'est ouvrir la bouche et plaider en plein épuisement mental pour ne pas laisser un seul putain de centimètre de rhétorique à un discours pourtant traversant toutes les strates sociales; c'est accumuler les stigmates, les digérer, les recracher et s'en faire des pin's; c'est poursuivre sa marche le plus naturellement qui soit en récoltant les jugements des drones du coin; c'est se draper de la cape du pouvoir pour en exposer l'absurdité; c'est devenir juriste pour faire exploser le système managerial, après en avoir dévoré tous les fruits; c'est être une entreprise qui actionne en justice sa maison-mère qui ne semble pas trop être étouffée par ses désirs de collaboration avec un État génocidaire; c'est attaquer la coque d'un tank au couteau et le décheniller avec les dents; c'est tenter de ravager la modernité à l'heure de la thermocratie; c'est avoir la violence en soi pour "[…] tranche[r] et fai[re] face […]"; c'est avoir "[…] l'audace de se déterminer hors du stationnaire".
La lecture de ce Kinkg Kong théorie m'a probablement plus troublée que je n'oserais jamais l'admettre publiquement. Ce texte a résonné en moi et rejoint donc ceux qui, avant lui, m'ont changée. Réellement et profondément.
D'abord parce que les problématiques abordés, 18 ans auparavant, sont toujours vivement d'actualité et il ne cessera pas d'en être autrement avant un long moment, la doctrine féministe en matière de domination masculine venant d'être atrocement confirmée par l'affaire des viols de Mazan. Les autres viols n'apparaissaient-ils pas, déjà, comme assez de condamnations à mort en sursis ? Faut croire que non. Il y a quelque chose de pourri depuis des siècles. A défaut de pouvoir réparer, il ne reste plus qu'à documenter le plus copieusement possible pour que les négationnistes retournent à l'ombre lorsque reviendra le temps de relativiser les atrocités du passés.
Ensuite parce que je n'aurais jamais cru trouver en la personne de Despentes une punk, ni un gorille, d'ailleurs. Réputée argneuse, froide, agressive - réputation qu'elle endossait pleinement à l'époque où elle écrivait ces lignes - je n'y ai vu qu'une personne déterminée, dotée d'une ferveur qui ne va à aucun dieu ni aucun culte mais à l'espoir de fracturer quelques articulations au genre, ainsi qu'à notre splendide système capitaliste, à défaut de ne pas pouvoir se débarrasser de l'édifice.
Enfin car, en tant que femme trans fraîchement sortie du placard, je me retrouve à avoir ce "pied dans les deux mondes", qui sont ici dépeints: celui des hommes et des femmes. Le premier a essayé de broyer tout ce qui pouvait bien rester de magnifique en moi, et je ne cache pas qu'il m'en aura dégraissée d'une partie. Le second ne m'accepte que partiellement. Les migrant·e·s du genre sont, de fait, apatrides pendant de longues années, si ce n'est le reste de leur vie pour certain·e·s.
Je fais partie de ces folles choses qui ont décidé d'abandonner leurs privilèges de dominantes pour la caste des proies. Quelle espèce de tarée ferait une chose pareille, franchement ? Quel désir morbide peut-on bien couver pour décider, en son âme et conscience, de porter toutes ces marques de "féminité" qui n'ont été historiquement que des marques de soumission glamourisées ? Quel esprit profondément malade voudrait d'une perte en puissance économique, d'un abandon silencieux de son cercle social et d'un rapport au sexe, à l'amour et à la famille complètement chamboulé, pour rester euphémisante ?
Tu es né·e dans la caste qui est promise au pouvoir dans sa forme la plus pure, pourvu que tu sois valide, et toi, tu jettes tout ça aux flammes pour… quoi, au final ?
Voici toutes les interrogations nauséabondes qui me sont remontées pendant cette lecture.
A cela, je répondrai en la laissant parler à travers moi: "[v]ouloir être un homme ? Je suis mieux que ça. Je m'en fous du pénis. Je m'en fous de la barbe et de la testostérone, j'ai tout ce qu'il me faut en agressivité et en courage. Mais bien sûr que je veux tout, comme un homme, dans un monde d'hommes, je veux défier la loi. Frontalement. […] Je ne veux pas fuir le conflit pour ne pas dévoiler ma force et risquer de perdre ma féminité."
Toutes les femmes qui ont eu la force de me mettre au monde et de me protéger sont aujourd'hui les représentations qui me permettent de porter ces "marques de soumission" non pas en tant que telles mais bien en guise de "[…] allez tous vous faire enculer, avec votre condescendance à notre endroit […]". Je suis le gorille que l'on veut réassigner chez les mâles, qui aurait perdu tout repère, toute boussole "masculine", le père, qui serait le seul à me ramener sur la virilité. A ceux-là, je leur répondrai, qui ils puissent être: j'ai tué le père. Je l'ai bouffé lui et sa virilité. Mais continuez à vouloir me réassigner. Je porterai ces "marques de soumission" toujours plus hautes, toujours plus nombreuses et les défendrai avec toute la puissance et toute la condescendance que vous réservez initialement aux femelles. Vous verrez en moi votre reflet; j'userai des mêmes armes sans aucun scrupule pour vous faire goûter à votre propre soupe à la merde.
Fait le 20 novembre 2024 à Charleville-Mézières.
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Le bottom et la reproduction des stéréotypes de genre
Comme à mon habitude, j’étais en train de doomscroller sur Insta. Et je sais pas très bien pourquoi mais je me suis décidée à rédiger des petits commentaires, en dehors de cette application des enfers, pour tenter de démonter des argumentaires, explicites ou non, que j’estime problématiques car pouvant tous·tes nous impacter au quotidien. Un peu comme ce que fait Le dessous des images de Arte mais sans se limiter à elles, quoi.
Ici, il s’agit d’une publication collaborative postée par gayswhomemewell et itslitgayshitt, deux comptes ayant fait de l’humour autour de l’homosexualité comme fond de commerce. Comme pour beaucoup d’autres, leur principal objectif est de faire de l’humour mais également de renverser les stigmates éventuellement ou effectivement accolés aux personnes homo ou perçues comme. Assez drôlement, ces publications portent en elles une revendication politique sans jamais en arborer les formes classiques, ce qui est d’autant plus efficace et audible. Enfin, cerise sur le gâteau, elles ont pour effet de faire sortir les relents homophobes, transphobes et misogynes environnants, les rendant alors davantage identifiables aux yeux de toutes et tous.
Bref, il s’agit, disais-je, d’une publication mettant en scène un chaton, caressé par son ou sa care giver. En réaction à la caresse, le bébé chat place sa propre patte sur sa joue, « telle une diva » ; un peu comme cette expression du « oh you! Stop it! ».
L’auteur·ice ajoute à cette petite vidéo la légende suivante : « « animals can’t be gay » okay well how do you explain this cat who is obviously a bottom ».
Je ne développerai pas davantage tant cette « sexualisation » me paraît complètement hors de propos, le chat n’étant qu’une manière d’illustrer l’absurdité de l’essentialisation de certains aspects de l’homosexualité.

Ce qui m’intéresse est l’argumentaire avancé par un·e autre internaute, défendant le point de vue que le bébé chat n’était pas sexualisé. L’argumentaire avancé prouve que, même pétri·e de bonnes intentions, nous conservons notre tendance à genrer absolument tout, y compris des animaux qui ne saisissent pas du tout ce concept.
En effet, la personne qualifie le bébé de « extremely effeminate [...] », là où l’animal ne fait que réagir à une caresse ; s’agissant d’un tout petit, il a encore le réflexe de vouloir « papouiller » le ventre de sa mère. Mais ce qui rend la défense encore plus « problématique », c’est bien que, ici, le « oh you! » serait une expression réservée aux femmes ou majoritairement exécutée par les femmes, ce qui renvoie immédiatement à l’imaginaire du bottom dans la culture gay masculine.
Le bottom est maniéré, ondule, roule dans les pétales de fleurs, bref : il « fait la femme ». C’est d’ailleurs « à ça qu’on le reconnaît ». Et tout ce qui ondule de la sorte est évidemment efféminé, quand bien même il pourrait s’agir d’un chaton, une chaise de jardin ou un corps céleste.
Fallait-il un énième essai médiocre pour arguer que les stéréotypes de genres étaient tout aussi misérablement fondés que peut bien l’être l’astrologie, à la différence près que cette dernière ne forme pas les fondements de nos existences sociales ? Probablement que non, mais ça m’a soulagée !
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