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... à aucune époque on ne bavarda autant sur l'art tout en en faisant aussi peu de cas.

F. Nietzsche, Naissance de la tragédie.

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Les mauvais artistes sont comme les bonnes couturières, ils suivent des patrons.

NXF

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Felix Gonzales Torres, Untitled (perfect love), 1987-1990

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Je suis impatient. Vivre à l'heure d'Internet n'a sans doute rien arrangé. Nous sommes entourés de flux, constants, qui ont modifié notre rapport au temps. Je ne porte pas de jugement là dessus, c'est un constat neutre, les choses circulent et se fouttent de notre immobilité. 

FB

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Savoir à obsolescence programmée

Il y a dans la bibliothèque dans laquelle je travaille un meuble dans lequel sont rangés des livres mis en libre circulation. Démagnétisés, ils sont offerts au lecteur qui peut repartir avec eux pour rien. Il a aussi le loisir de déposer les siens. Cette expérience, relevant du "bookcrossing", ré-humanise le rapport au savoir dans ces grosses machines que sont les bibliothèques universitaires, une oasis utopique. Je ne peux m'empêcher de voir une oeuvre d'art ici, très sociologique, très Boltanski. Non pas dans l'échange lui-même, qui relèverait plutôt de l'esthétique relationnelle de Bourriaud, cancer de la pensée artistique des 10 dernières années, mais dans les livres qui restent éternellement. Il s'agit bien souvent de manuels techniques anciens: traités d'économie, essais politiques, théories informatiques. Ces livres, en général issus de la recherche des années 80, sont parfaitement obsolètes. Devenus inutiles, ils ont perdu le droit d'exister, et seul le collectionneur pervers y trouvera un quelconque intérêt. Et pourtant, ils furent à n'en pas douter, à leur sortie, des références, mais même le savoir a une date de péremption. Je ne peux m'empêcher de voir dans cet amoncellement amibien, éternellement inutile, sans volonté, sans ordre, sans justice, une pièce de bien meilleure qualité que beaucoup présentées dans les galeries et les musées.

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ART(IFICE)

L’art existe-t-il en dehors de la vie ?

Si l’Homme a pris la peine d’inventer quelque chose qui n’existe que dans le champ humain, qui ne reprend rien du champ animal/végétal/minéral, c’est qu’il y a une forme d’ajout au réel. Ce réel semble insuffisant à l’Homme pour être celui qu’il est, et qui le pousse à inventer des formes d’expression – le dessin, l’écriture, la danse, la musique. Il est à noter que l’Homme a peint (-500 000 pour les premières utilisations de pigments, -35000 pour les premiers systèmes de représentations établis) bien avant d’écrire (-3500 pour le cunéiforme mésopotamien et les hiéroglyphes égyptiens).

Est-ce quelque chose qui le dépasse ? En associant les premières représentations à un processus rituel, magico-religieux, on bascule dans l’univers du symbole, c’est-à-dire vers l’abstrait, le spirituel. S’agit-il de créer dès ses origines des formes/concepts qui le dépassent, le surplombent, lui survivent et fournissent un cadre à ses successeurs ?

L’art apparaît comme un recadrage du réel. Le dessin le réduit à des formes, l’emprisonne dans des lignes. La danse codifie le mouvement, la sculpture apprivoise l’espace et le volume, la musique donne du sens au son, au bruit. L’art est-il une forme de réel reconstruit, un monde idéal, qui ne serait ni sujet au hasard, au chaos, à l’instinct ( ?), à l’injuste.

L’art apparaît, comme la civilisation-même, comme une excuse métaphysique, un médicament existentiel contre la vie, instable, indéterminée. Le seul moyen pour des êtres conscients d’évoluer dans un univers inconscient.

NXF

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Il n’y a pas d’objectivité. Pour rien, pour personne. Nulle part. Et ce que je justifie à tes yeux ignorants en invoquant des raisons qualifiées comme objectives n’est que la somme des perceptions subjectives fossilisées dans ma chair. Une concrétion de cette matière mystérieuse que les gens autour de toi appellent culture.

  Amitiés,

  FB 

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J’étais parfaitement sincère lorsque j’ai déclaré à quelques personnes autour de moi que j’allais m’attaquer à la rédaction d’un texte « plus ou moins théorique » à propos de la banane mais aujourd’hui, enfin ce soir, cette entreprise me décourage et il 22:55, j’écoute R. Kelly, et il y a dix ans je révisais mon baccalauréat en écoutant certainement déjà la même chose.

Mon premier post pour similae est donc dors et déjà marqué par le sceau de la contradiction mais je m’en fous car me contredire est une de mes activités favorites après celle de faire des projets de textes théoriques – que je n’écrirais probablement jamais – ou des projets de trucs vaguement liés à l’art – que je ne réaliserais probablement jamais. J’ai d’ailleurs décidé de contredire le bon sens de la syntaxe et de faire des phrases longues et finalement assez moches parce qu’écrire juste et bien à en faire cligner les yeux des gamines de 18 ans c’était cool en 2006. Maintenant il faut être dur et se rapprocher de R. Kelly qui sous quelques effets d’élégance n’en a semble-t-il strictement rien à foutre des choses crasses qui ponctuent ultra régulièrement le quotidien de ces mecs qui votent Mélenchon et qui te font chier à te parler des pauvres et des légumes quand tu essayes de noyer ton regard dans les flaques d’eau colorée d’arc-en-ciel de fuel.

Il y a quelques jours j’ai posté ici-même une photographie d’une œuvre de Matt Hinksley, une sorte de concrétion de pate à modeler dont les couleurs évoquent les fruits dans les yoghourts bons marchés. La pièce est fixée sur un mur blanc et sa surface est marquée d’empreintes qui me rappellent simultanément les bactéries d’Ettore Sottsass (dans une version géométrique) et les dessous de mes Stan Smith. Ces deux références visuelles font objectivement de cette pièce une œuvre de qualité et comme il n’y a pas grand-chose de plus à dire, il faut maintenant se taire et percevoir ce texte comme un hommage direct à R. Kelly et au temps qui passe.

Amitiés,

FB

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similae manifesto

Imaginez que le monde est une grande cuisine. Tout ce qui sort du four représente les grands éléments de l’Univers : le temps, la pensée, la matière, l’amour, la peur, un coup-franc de Zidane. Rendez-vous compte que vous êtes prédisposé au choix des ingrédients, à leur préparation et que vous surveillez la cuisson. The World is Yours, comme disait Tony. Quel plat pourriez-vous concocter ? Seriez-vous le pertinent inventeur du camping ? L’éclairé concepteur de l’amour pour les chiens ? L’exquis héraut de la poésie bruitiste ? Pourriez-vous être responsable de la littérature post-Biba type Guillaume Musso ? Ou bien pourriez-vous avoir donné naissance au Moonwalk, au revers de McEnroe, aux lignes de la Countach, aux étonnantes pratiques bonobos ? C’est affaire de savoir-faire. Tout le monde n’a pas les mêmes ingrédients, et tout le monde ne fera pas le même brownie. Nous, chez similae, ci-devant constructeurs de temporalités à venir, avons l’ambition de bâtir un cosme meilleur qu’il ne l’est. Notez que le mot cosme n’existe pas en français, que je fais un rétrologisme à partir du mot grec « cosmos » qui veut dire monde. Notez que le mot rétrologisme n’existe pas non plus. Notez. Notez parce que vous ne lirez rien de mieux aujourd’hui. Notez d’ailleurs qu’en linguistique, on peut utiliser le mot « cosmos » pour désigner quelque chose relevant du « cool » ou « ayant une grande portée ». Je cite wikipédia. Imaginez un monde où les gens diraient « j’ai vu un film complètement cosmos »ou « ce type est cosmos de trop, en fait ». Ce monde serait meilleur que le nôtre. Je referme l’apparente aise avec laquelle je digresse. Nous, chez similae, avons l’intention de féeriser le réel, de transfigurer le banal. Nous, chez similae, avons l’espoir que « humain trop humain » ne soit plus qu’un refrain démodé que le bipède nouveau déglutira avec dégoût. Nous, chez similae, sommes la farine du gâteau qui s’appellera le futur.

(s) similae simiae

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