Tumgik
#1000 points et mon respect à vie à la personne qui [censuré] Renaud C*ignet
thebusylilbee · 4 years
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“La petite maison de briques rouges, de plain-pied, se niche à la sortie de Pérenchies, une commune au nord-ouest de Lille (Nord), à 3 kilomètres de la frontière belge. Alentour, un dédale de chemins goudronnés sillonne la campagne et ses champs fraîchement labourés. Les volets roulants de la façade sont baissés, le jardin fait triste mine. Lors de nos deux visites, personne ne répond.
Cette maison est néanmoins le siège social d’une association culturelle. Son but officiel : «Promouvoir les traditions ancestrales païennes, plus particulièrement l’odinisme [Odin est le dieu principal de la mythologie nordique, ndlr] avec pour point d’orgue la célébration annuelle du solstice d’été.» Les voisins rencontrés sur place identifient bien le couple de quadragénaires qui habite à cette adresse, mais ils n’ont jamais entendu parler de cette association ni vu la moindre réunion se tenir à cet endroit.
Il faut dire que, pour les grandes occasions, ses membres ont l’habitude de se rassembler à une quinzaine de kilomètres de là, dans un hameau rattaché à Illies, petite commune rurale proche de Béthune. Mais, là encore, personne, pas même à la mairie, ne semble connaître l’existence de la «Communauté de l’Irminsul»… L’Irminsul ? Dans l’ancienne tradition germanique, c’était l’arbre totémique de la divinité de la guerre, Irmin, ainsi que le pilier soutenant la voûte céleste. Mais à y regarder de plus près, on constate rapidement que les festivités et rituels célébrés par cette association, déclarée le 20 septembre 2018 en sous-préfecture de Lens, vont bien au-delà du simple intérêt pour l’ancien paganisme nordique ou saxon.
«Roue solaire»
Ainsi, le 21 juin 2019, ses adhérents et sympathisants se rassemblent sur un terrain privé, à l’occasion du solstice d’été. Une vidéo de seize minutes, filmée par un participant et mise en ligne sur la page Facebook de la Communauté de l’Irminsul, montre le déroulement de la cérémonie. A la nuit tombante, 80 personnes – hommes, femmes et enfants de tous âges – cheminent en file indienne, un flambeau à la main. Ils débouchent dans un champ et forment un grand cercle autour d’un bûcher prêt à être embrasé. Au centre, un homme revêtu d’une cape sombre lit, à la lumière d’une torche, un discours parsemé de références mythologiques. Au sommet du bûcher, il désigne la «roue solaire, d’où part tout mouvement, toute vie». Il s’agit d’un svastika, une croix gammée, à l’origine un symbole très ancien dans différentes civilisations, notamment asiatiques, récupéré par les nazis. L’orateur interpelle les membres du «clan», ses «hommes et femmes de bonne race» : «Votre honneur s’appelle fidélité», martèle-t-il, dans une référence évidente à la devise des SS… Certains participants - en dehors des enfants - peuvent-ils être dupes de ce qui est en train de se jouer ? Difficile à croire, car quelques-uns font le salut nazi à la fin de la cérémonie.
D’ailleurs, des dizaines de photos publiées sur cette page Facebook lèvent toute ambiguïté sur ses références idéologiques. Ce même 21 juin 2019, en journée, le noyau dur – une cinquantaine de personnes – est rassemblé sur le même terrain, entouré par des bosquets. Ces habitués désignent le lieu comme la «Wolfsschanze», la «tanière du loup» en allemand. Soit le nom de code du principal quartier général d’Adolf Hitler durant la Seconde Guerre mondiale.
Autour de rangées de tables et de bancs abrités sous des barnums, les convives partagent un buffet champêtre d’un genre particulier. Les hommes, surtout des trentenaires, arborent presque tous la même tenue, entièrement noire : chaussures, bermuda et polo frappé du nom «Irminsul» sur la poitrine. Certains portent une casquette assortie, accentuant le look paramilitaire du groupe. La plupart ont le crâne rasé et sont abondamment tatoués de motifs guerriers «nordiques». A la ville, ces hommes et femmes sont machiniste dans l’industrie, cariste, employé municipal, étudiant, chômeur… La très grande majorité d’entre eux réside dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres à l’ouest de l’agglomération lilloise, aux confins de la Flandre et de l’Artois.
Calendrier bricolé
Depuis deux ans, les membres de la communauté célèbrent ainsi en famille toutes les fêtes d’un calendrier germano-celtique bricolé : solstices d’été et d’hiver, Halloween, galette des rois ou Ostara, l’équivalent païen de Pâques. Là encore, leurs photos sont édifiantes. On y voit des enfants fêter Yule - la fête du solstice d’hiver, ancêtre païen de Noël - autour d’un sapin et de couronnes de houx surmontées de bougies portant le symbole de l’Irminsul, une colonne stylisée coiffée de deux branches d’arbre horizontales. A l’occasion de Halloween, une tablée de gamins grimés en diablotins ou en sorcières colorient des images de citrouilles, sous le regard de quelques parents ; juste derrière eux, un homme debout, sirotant une bière, est déguisé en… officier de la Wehrmacht.
Pour Pâques, une quinzaine de bambins, dont certains ont à peine quatre ou cinq ans, posent pour la photo, brandissant un sachet d’œufs en chocolat : la distribution de friandises vient d’être effectuée par l’un des leaders, en tenue martiale et casquette noires. «Les enfants se sont amusés, se sont dépensés, ont ri, ont couru. […] Ils en sont tous repartis avec des images gravées à jamais dans leurs têtes. Ils devront transmettre tout cela, car ils sont l’avenir !» souligne un post publié en juin 2019 sur Facebook par un responsable de l’association. Tous les textes et communiqués se terminent par le slogan «Blut und Boden !» : «Le sang et le sol», un concept raciste au centre de l’idéologie du IIIe Reich.
«On peut se revendiquer païen et fêter le solstice d’été sans pour autant verser dans le nazisme. Il s’agit ici d’un détournement d’anciens rites de la religion nordique primitive vers une politique extrémiste, dans la lignée des courants de pensée pangermanistes radicaux des années 20-30, commente le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite. D’ailleurs, cette association se réfère à une organisation militante allemande, qui est incontestablement nazie [la "Artgemeinschaft", créée en 1951].» Il ajoute : «Ce groupe d’Irminsul semble être actuellement un exemple unique, en France, de constitution d’une communauté d’idées et de vie, avec la présence de familles et d’enfants, qui se considère comme une contre-société.»
Deux quinquagénaires sont à la tête de la communauté de l’Irminsul. Le premier, qui se présente sous le pseudonyme de Hathuwolf («loup de combat») Harson, est l’orateur durant les cérémonies «païennes». Nous n’avons pas pu l’identifier avec certitude. Auteur de livres confidentiels sur les symboles païens germano-nordiques, il ne siège pas au bureau de l’association.
Le second personnage, véritable cheville ouvrière de cette communauté, s’appelle Renaud Cuingnet. Président de l’association, tatoueur de profession, il est omniprésent lors des rassemblements. Organisant le cercle autour du feu lors du solstice, paradant au milieu des convives en tenue paramilitaire, une dague à la ceinture, postant sur Facebook des communiqués parsemés de références au IIIe Reich et d’appels au «combat contre les forces ennemies»… Tout cela sans oublier de donner des friandises aux enfants du «clan» : un véritable monsieur Loyal. L’été dernier, Renaud Cuingnet a encore donné l’exemple, en jouant le rôle de l’époux lors du premier «mariage païen» célébré par la communauté.
Skinheads
Notre homme est un vieux routier de l’extrême droite radicale. Il a longtemps été membre de Troisième Voie, un mouvement «nationaliste révolutionnaire» violent. Ce groupuscule a été dissous en juillet 2013, après la mort de Clément Méric, jeune militant d’extrême gauche, lors d’une rixe avec trois skinheads appartenant aux Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), le service d’ordre de Troisième Voie. Naguère, Renaud Cuingnet a fait partie des JNR. Sur des photos datant des années 2000, retrouvées par Libé, il pose en tenue, Bombers noir et tee-shirt siglé, aux côtés d’autres membres, plus jeunes. Deux de ces skinheads néonazis, originaires du nord de la France, ont comparu en justice depuis lors, pour des faits de violences. L’un, Yohan Mutte, a été condamné à une peine de prison avec sursis pour une agression commise en 2013 contre un bar gay de Lille. En 2017, le même a effectué une année de détention provisoire : il était soupçonné d’avoir participé six ans plus tôt à un homicide dont les circonstances n’ont jamais été élucidées. Mutte a été remis en liberté en 2018, faute d’éléments incriminants. L’autre skinhead, Jérémy Mourain, a été condamné en 2017 à neuf ans de prison, pour 35 affaires de violences graves, alors qu’il dirigeait un groupuscule néonazi né sur les cendres de Troisième Voie.
Renaud Cuingnet n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Après un bref échange devant la porte de son domicile-salon de tatouage, dans une ville coquette dominant la plaine de Flandre, il n’a plus répondu à nos sollicitations. Pas plus que les cinq autres membres du bureau de l’association. Deux d’entre eux se contentent d’affirmer en être partis récemment.
Ils étaient en tout cas bien présents, le 15 février 2020, à Dresde (Allemagne), à l’occasion du 75e anniversaire des bombardements alliés de février 1945, qui avaient fait 25 000 victimes. Chaque année, l’extrême droite radicale locale instrumentalise cette tragédie pour dénoncer «l’holocauste» dont auraient été victimes les civils allemands. Ce 15 février, une trentaine de membres de la communauté de l’Irminsul avaient fait le voyage pour défiler – au milieu de 5 000 néonazis venus de toute l’Europe – derrière leur propre banderole, en brandissant des drapeaux français. Renaud Cuingnet marchait en tête, avec deux femmes. Tous arboraient une tenue noire, version hivernale. A mille lieues du solstice d’été et des divinités nordiques.””
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