En voiture, s'il vous plaît
Les albums "Quel train incroyable!" et "Aller bon train" sont parus récemment. Mais on le sait : un train peut en cacher un autre!
Léo et sa maman attendent sagement sur le quai l’arrivée de leur train. Ils ont un peu d’avance. Une annonce les avertit du passage d’un convoi qui ne s’arrête pas. Et effectivement, un beau train orange traverse la gare à toute allure. A son bord, on aperçoit une quantité d’oiseaux de toutes espèces et de toutes tailles. Le petit garçon en reste bouche bée.
La maman n’a rien remarqué, elle cherchait quelque chose dans son sac. Voilà qu’un autre train arrive qui, cette fois, est rempli d’animaux terrestres. Le quai s’est rempli entre temps, mais Léo est toujours le seul à avoir remarqué l’étrangeté de la situation. Enfin, leur train arrive. Les passagers montent à bord, le voyage commence. Quelle n’est pas la surprise du garçon quand, en passant sur un pont, il découvre qu’en contrebas, tous les animaux sont réunis et prennent un bain.
Léo n’a pas rêvé! il a juste la capacité de voir ce que d’autres ne voient plus. Mais d’ailleurs, le jeune lecteur lui aussi a été témoin du passage de ces étranges trains. Il a pu observer les animaux, voir voler deux plumes après le passage du premier train et déchiffrer les destinations inscrites sur les wagons. Et de s’immerger dans la double page qui se déplie à la taille du train et surtout du vaste plan d’eau où s’ébattent les animaux.
Comment ne pas penser à l’incroyable Règlobus dans lequel prennent place toutes sortes d’animaux ? Ils sont conduits par une rainette au caractère bien trempé qui a concocté un règlement strict sur la façon de se conduire à bord, lequel règlement n’est de loin pas toujours suivi par ses passagers. Pour ce premier album, Pierre Alexis, a reçu en 2022 la Pépite du livre illustré du SLPJ en Seine-Saint-Denis.
Une petite fille et sa mère partent en vacances en train. Le voyage sera long puisque, partant le matin, elles n’arriveront que le lendemain. Mais quelle excitation à cette idée ! Le récit commence la veille du départ avec les derniers préparatifs. En plus de son doudou, de son carnet et de ses crayons, la petite a choisi d’emporter un abécédaire à l’intention des voyageurs. Et puis nous, car nous faisons partie de ce périple tout au long duquel nous voyagerons en immersion à travers le regard émerveillé de la gamine. Nous l’observerons, elle et sa maman, mais aussi les passagers, leurs activités, l’intérieur du train, les paysages qui défilent, les arrêts dans les gares. L’album est documenté, copieux. Que ce soit aux niveau des illustrations ou du texte, il prend son temps, à hauteur de ce long trajet.
En filigrane sous les images, un autre récit prend place en résonance, constitué des aphorismes contenus dans l’abécédaire. Sous forme d’un rail sans fin qui traverse le livre, il amène de la poésie et un peu de magie grâce à des dessins libres, griffonnés par Cati Baur.
L’album suivant a été présenté dans Le Temps du 20 mai 2023
Demain, à l’aube, nous partons en voyage. Nous verrons le soleil se lever, la ville disparaître. Les décors défileront. A un moment donné, brièvement, nous apercevrons la mer. Il faudra encore attendre qu’elle apparaisse dans toute sa grandeur. Et là, nous serons arrivés. Jusque-là, il te faut dormir.
Un adulte décrit à un enfant leur voyage à venir, ce qu’ils verront par la fenêtre, une fois assis dans le train qui les mènera au bord de la mer. Mais pour l’instant, ils sont dans la chambre à coucher et ça, le lecteur ne le sait pas, qui les suit au fil des pages dans les décors qu’ils imaginent, et n’entend que le dialogue entre les deux protagonistes, sans les voir. Les paysages qu’ils décrivent sont parfois ponctués de détails qui rappellent le contenu d’une chambre d’enfant : ici, des briques de construction, là un ourson en peluche. En regardant de plus près, on découvre que la lune et les montagnes ont un visage. Entre rêve et réalité, l’album se clôt en silence dans la chambre où l’enfant est endormi dans son lit. A ses pieds, un train en bois ; près de la porte, une valise avec son ours en peluche, chaussé de lunettes à soleil, prêt à partir. La lune, aussi, a fermé les yeux ; les livres – tous en lien avec le voyage – sont bien rangés dans la bibliothèque.
Simon sur les rails ? Oui, au sens propre ! Le lapin ayant terminé son travail à l’usine de marteaux, il se rend à la gare pour prendre le train de nuit qui le mènera chez son grand frère où il va passer le week-end. Mais le train est annulé. Alors Simon court, il court le long des rails qu’il quitte ensuite pour prendre un raccourci qui le fait escalader une montagne. Enfin, le village et la gare apparaissent. Simon arrivera-t-il à temps ? Car voilà que le train surgit.
En 2012, tout nous surprenait avec cet album : la thématique, le rythme, les cadrages, les couleurs en aplats, le choix des paysages dans lesquels ce lapin blanc semblait tout petit, mais bien courageux. Ce n’était que le début, Adrien Albert n’a cessé depuis de nous surprendre.
Et d’ailleurs, il nous mène en train dans un autre album, paru plus tard : Train fantôme. Et mieux encore, il continuera à nous embarquer puisqu’en janvier 2024 devrait paraître : ChocoTrain. Affaire à suivre…
De mémoire, car je ne le possède pas, que vous dire de cet album paru en 2012, sinon qu’il m’avait marquée ? Alors voici ce que dit La Joie de lire de Ligne 135 :
« Dans ce livre, inspiré d’un voyage au Japon, le lecteur suit le parcours d’une ligne de monorail du coeur d’une mégapole jusqu’à la campagne. À l’intérieur du train, une petite fille que sa maman vient de quitter sur le quai et qui va rendre visite à sa grand-mère. Les paysages se succèdent, et les pensées de la fillette défilent à leur rythme : quartier des affaires, quartier populaire, banlieue industrielle, no man’s land, forêt…
Un livre sur le temps, son appréhension, mais aussi une critique en douceur et par petites touches de notre monde moderne, un monde qui va vite, trop vite peut-être, engendrant inégalités et pollution… Entre paysages réels et allégoriques, dessinés au rotring par Albertine, en noir et blanc, avec juste une touche de couleur pour le monorail, ce livre est une sorte de mélodie philosophique. »
Et Brigitte Andrieux dans La Revue des Livres pour Enfants :
« Pourquoi vouloir faire le tour du monde quand il est déjà si difficile de faire le tour de soi-même ? La petite fille ne comprend pas toujours très bien ce que lui disent sa mère et sa grand-mère mais elle est bien décidée à leur prouver, une fois grande, qu'il est possible de réaliser ses rêves. Un minutieux dessin au trait en noir et blanc d'où ressort le beau train (un monorail) en couleurs nous emmène avec ravissement sur ce chemin des possibles, de la ville à la campagne. Une ode au voyage et à la vie. Un texte juste et concis, à la première personne, un format à l'italienne parfaitement adapté au propos, beaucoup de détails à voir dans l'illustration et une formidable invitation à prendre le temps de savourer l'instant présent et à mordre la vie à pleines dents… ça fait du bien ! »
Autant on peut hésiter à faire une croisière sur un paquebot géant, autant on prendrait un billet pour voyager dans le train d’Hubert Poirot-Bourdain! Ils ont en de la chance ces deux enfants d’y embarquer. Curieux, ils vont parcourir la rame et s’arrêter dans chaque wagon. Imaginez qu’on y trouve un aquarium, une galerie d’art avec, accrochés aux cimaises, des portraits de personnalités (y figurent, entre autres, Babar, Gaston, un maximonstre de Toni Ungerer et le Bon Gros Géant de Quentin Blake), une piscine, un jardin botanique, une bibliothèque, un cinéma, une cuisine, des couchettes et j’en passe. Arrivés en bout du train, nos deux espiègles s’asseyent sagement. Mais serions-nous à destination car voici la gare ? Heureusement, il faudra bien rentrer et reprendre le train.
L’utilisation du leporello se prête particulièrement bien à cette histoire. En carton et sans texte, il offre, une fois déplié, une vue en coupe sur l’intérieur du train du dernier wagon à la locomotive. Empreint d’humour et à l’aspect un peu enfantin, on apprécie l’utilisation d’un trait noir jeté et rapide et de belles couleurs en aplats.
On citera encore :
Un Train passe, de Donald Crews. Paru pour la première fois en 1981, ce cartonné sans texte aux couleurs arc-en-ciel est un classique toujours édité.
Le Train des souris où, pour décider ses sept petits à aller à l'école, Maman Souris a une idée formidable: elle invente une voie ferrée qui passe sous un tunnel. Tous les matins, elle se met sur les rails et fait la locomotive. Ses sept enfants et tous les amis s'accrochent à elle, comme des wagons. Là encore un classique, ce d’autant plus qu’on trouve la Famille Souris dans dix albums.
Boréal-Express. Il y a longtemps, une nuit, la nuit de Noël, un train s'arrête dans la rue devant la fenêtre d'un petit garçon. Invité à y monter, celui-ci y retrouve quantité d'autres enfants vêtus de pyjamas ou de chemises de nuit. Commence alors un voyage fantastique à travers bois, sur des montagnes enneigées, jusqu'au Pôle Nord, le pays du… Père Noël ! Rêve ou réalité?
Enfin, rendons hommage aux A.T.I. (Les Ateliers du Texte et de l’Image), à Liège, qui abritent le fonds Michel Defourny, et à Brigitte Van den Bosche, sa responsable. Ils ont monté, en 2022, la belle exposition Trains en jeux.
Ce dernier article, écrit également par Michel Defourny, est paru dans le numéro 26 (janvier-février 2022) de la revue Lectures Cultures
Bibliographie:
Quel train incroyable!, Tomoko Ohmura, L’Ecole des loisirs, 2023 - Dès 3 ans
Règlobus, Pierre Alexis, La Partie, 2022 - Dès 3-4 ans
Aller bon train, Pauline Delabroy-Allard, ill. Cati Baur, Thierry Magnier, 2023 - Dès 5 ans
Notre Voyage, Romain Bernard, La Partie, 2023 - Dès 4 ans
Simon sur les rails, Adrien Albert, L’Ecole des loisirs, 2012 - Dès 3 ans
Train Fantôme, Adrien Albert, L’Ecole des loisirs, 2015 - Dès 3 ans
Ligne 135, Germano Zullo, ill. Albertine Zullo, La Joie de lire, 2012 - Dès 6 ans
Le Train, Hubert Poirot-Bourdain, La Joie de lire, 2022 - Dès 3 ans
Un train passe, Donald Crews, L’Ecole des loisirs, 0-3 ans
Le Train des Souris, Haruo Yamashita, ill. Kazuo Iwamura, L’Ecole des loisirs, 1986 - Dès 3 ans
Boréal-Express, Chris Van Allsburg, L’Ecole des loisirs, 1986 - Dès 8 ans
Et Sophie van der Linden de rappeler les trains d'Anne Brouillard, du premier Voyage (1994), chez Grandir, au Voyage d'hiver (2013), chez Esperluette.
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