Wye Downs - Tuesday 19th September
These travel days are very much means to an end, and certainly the English motorways are the busiest and most stressful I have encountered when driving. Not a lot of fun therefore, so it is necessary to insert small moments of amusement, to look forward to amidst the usual drudge of the journey, worsened these two days by heavy rain.
Lancashire County Cricket was washed out today, but the Rugby World Cup podcasts and a couple of others I follow (Classic Ghost Stories, Dylan Album by Album) just about made up for that.
But yesterday morning, after an early drenching walking Roja to Shap Sewage Treatment Works, I was off for lunch with my niece and nephew, Cameron and Annabelle, over from Texas at the moment. They are my brother Nigel’s children, but 22 and 18 years old respectively now, and here with Nigel’s first wife, Angela, who I know well of course, and her husband Ben. We had a good lunch in Wetherall reminiscing on so much fun in Texas, and our various Christmas visits, San Antonio, New Orleans, Austin, in Christmases past.
Then it was a quick pop in to one of my favourite bookshops, Bookends in Carlisle, which has an excellent second hand shop adjoined, to pick up a copy of my good freinds’ book, Extraordinary Places By Bike, hot off the shelves. Hugh and Pauline Simmons have been anticipating the book’s publishing for a while now, and having ‘tested’ a chapter for them I am looking forward to it almost as much as they are.
With my appointment at Hexham Hospital tomorrow morning, I had planned to stay at the Roman Fort of Vindaland, hoping for a good walk in the early evening, and early morning. As great a place to stay as it was, they allow vans for a £5 donation to the National Park, it was hammering down, both in the evening, and the morning, and the night as well, so our hikes were quite brief.
To say the appointment didn’t go as well as I hoped is an understatement. Penrith hadn’t sent the MRI or X Ray through, so the X Ray had to be retaken, and apparently the guy said, no need for an MRI (so what a waste of time and money in the first place). I was then seeing the person equivalent to the same one I had seen in Penrith in January, and went through exactly the same stuff. In January I was told to expect a wait of about 8 months, today, the guy had no record of that meeting, so the wait begins again, this time he estimates, 12 months.
I’ve written to both Cumbria and Northumbria Healthcare, and will see what they say. They do both seem to be in something of a mess though at the moment.
It does however, mean I can get on with travelling, just with a limp, and sticks.. I only really need to home 15th February for the MOT on the van, so it will be an exciting winter. I have some ideas, and will think them over in the next days, but initially, I’m heading to the Dinaric Alps.
The journey was then a 7 hour one down the A1(M) which went as well as could be hoped, except for the M25 at the Dartford Crossing. I knew there was a hold up there, but rather than deviate through London, I opted to sit it out, and in the end I think that was best. Originally it showed as a 2 hour delay, as I joined the M11, but in the end it was only about half an hour.
I’m parked up at a great place also, just 20 minutes from Folkestone, Wye Downs Nature Reserve Car Park. Again it seems, England is catching on to campervan hospitality, the car park offers the night for a £3 donation, either in the cash box, or by telephone magic. There is good walking to, quiet, good paths, and the claim of the ‘best view in Kent’.
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Les Archives Magnus - Episode 9 : L’amour d’un père
ARCHIVISTE
Déposition de Julia Montauk, concernant les actions et les motivations de son père, le tueur en série Robert Montauk. Déposition originale faite le 3 décembre 2002. Enregistrement audio par Jonathan Sims, archiviste en chef de l'Institut Magnus, Londres.
Début de la déposition.
ARCHIVISTE (DEPOSITION)
Mon père était un meurtrier. Je ne peux pas raisonnablement le nier à ce stade ; les preuves fournies par la police étaient accablantes, et j'ai vu sa remise moi-même. Je ne suis pas ici pour essayer de laver son nom. Il n'y aurait pas beaucoup d'intérêt, de toute façon, car je suis sûre que vous savez qu'il est mort en prison l'année dernière. Sept ans, ce n'est pas beaucoup pour une peine d'emprisonnement à vie, mais je doute que ce soit la libération conditionnelle anticipée qu'il espérait.
Désolé, ce n'était peut-être pas de bon goût. Pourtant, sa mort me donne l'impression de pouvoir raconter cette histoire, ce que je m'étais jamais vraiment sentie comme libre de faire avant. Je m'attendais toujours à ce qu'il en parle pendant la frénésie médiatique qui a entouré son procès, mais pour une raison quelconque, il s'est tu. Je pense que je comprends un peu mieux maintenant pourquoi il n'en a jamais parlé, préférant que les gens tirent leurs propres conclusions, mais à l'époque, je ne pouvais pas comprendre pourquoi il restait assis là en silence, laissant les autres parler à sa place.
Mais j'aimerais le raconter à quelqu'un maintenant, et je n'ai que récemment terminé mes séances de thérapie prescrites par le tribunal. Je préfère donc ne pas le dire aux tabloïds et voir "MON PÈRE TUAIT POUR ALIMENTER UN POUVOIR SECTAIRE, DÉCLARE LA FILLE DU MONSTRE" apparaître en page 7 de l'édition du week-end. Il ne reste donc plus que vous. Respectable n'est pas le mot que j'emploierais, mais c'est mieux que rien.
Alors oui, mon père a tué au moins 40 personnes au cours des cinq années qui ont précédé son arrestation en 1995. Je ne vous raconterai pas les détails les plus horribles - si cela vous intéresse, vous pouvez chercher Robert Montauk dans les archives des journaux de n'importe quelle bibliothèque. Il y en aura beaucoup : les journaux ne se sont manifestement pas beaucoup souciés de l'attentat américain, car en avril de cette année-là, ils semblaient ne parler que de mon père. Il y a également quelques livres sur lui, dont aucun ne peut être vraiment recommandé, mais je suppose que "Aucun Corps dans la Remise" de Ray Cowan est le livre le plus proche de ce que je considère comme exact, même s'il implique que j'étais complice, malgré le fait que j'avais douze ans à l'époque.
Honnêtement, j'ai découvert la plupart des détails dans les journaux et au tribunal, comme tout le monde. Mon père a passé les années où j'étais à l'école à tuer des dizaines de personnes et je n'en avais aucune idée. Mais plus je repense à mon enfance, plus je suis sûre que quelque chose clochait. Je n'ai pas de théorie sur ce que cela signifie, mais je dois juste écrire cela quelque part. Et ici me semble être un endroit tout à fait approprié.
J'ai toujours vécu dans la même maison sur York Road à Dartford. Même maintenant, après tout ce qui est arrivé, et tout ce que je sais de ce qui s'est passé là-bas, je ne peux pas me résoudre à partir. Autant que je sache, la remise venait avec la maison ; elle a toujours été dans le jardin. Faite en bois, vieille et silencieuse. Je ne me souviens pas qu'elle ait été utilisée avant la nuit où ma mère a disparu. C'est là que tout a commencé à devenir étrange.
Mes souvenirs des premières années de mon enfance sont vagues - des images et des impressions isolées pour la plupart - mais je me souviens de la nuit où elle a disparu comme si c'était hier. J'avais sept ans et j'étais allée au cinéma ce soir-là pour la toute première fois de ma vie. Nous étions allés voir Les Sorcières à ce qui était alors l'ABC, sur Shaftesbury Avenue. J'avais déjà vu des films auparavant, bien sûr, sur la télévision de notre petit salon, mais voir un film sur grand écran était impressionnant. Mais le film lui-même était terrifiant, et même maintenant, je dirais qu'il est bien plus effrayant que n'importe quel "film pour enfants" a le droit de l'être. Je me souviens que j'ai passé quasi la totalité le film au bord des larmes, mais j'étais fière de ne pas avoir craqué et pleuré. Quand nous sommes rentrés à la maison, je suis resté longtemps éveillée. Cette scène où Luke est transformé en souris n'arrêtait pas de me trotter dans la tête, et pour une raison quelconque, elle me faisait trop peur pour que je m'endorme.
C'est alors que j'ai entendu un bruit sourd venant d'en bas, comme si quelque chose de lourd était tombé. Je n'avais pas d'horloge dans ma chambre, donc je n'avais aucune idée de l'heure, mais je me souviens avoir regardé par la fenêtre et le paysage était sombre et totalement silencieux. Le bruit sourd s'est à nouveau fait entendre, et j'ai décidé de descendre pour voir ce que c'était.
Le palier était presque complètement plongé dans le noir, et j'ai essayé d'être aussi silencieuse que possible pour que personne ne sache que j'étais là. La quatrième marche en partant du haut grinçait toujours, et c'est toujours le cas, mais je ne pense pas l'avoir un jour entendu grincer aussi fort que cette nuit-là, alors que je descendais terriblement lentement. Les lumières en bas étaient toutes éteintes, sauf celle de la cuisine, que je pouvais voir du bas de l'escalier.
Je suis entrée dans la cuisine et l'ai trouvé vide. La porte arrière était ouverte, et une brise fraîche en provenait et me faisait frissonner malgré mon pyjama. J'ai vu quelque chose de brillant posé sur la table. En m'approchant, j'ai vu que c'était le pendentif de ma mère. Le motif m'avait toujours paru beau : il était en argent, une forme abstraite de main avec un symbole dessus qui, je crois, était censé représenter un œil fermé. Je ne l'avais jamais vue l'enlever. Avec mon cerveau d'enfant, je supposais qu'elle l'avait juste oublié sur la table, par accident, et que la porte ouverte ne signifiait rien. Je suis retournée à l'étage, le collier serré fermement dans ma main, pour le lui rendre. Elle n'était pas au lit, bien sûr. La place à côté de l'endroit où mon père était couché, endormi, était vide.
J'ai doucement touché l'épaule de mon père endormi, et il s'est réveillé lentement. Je lui ai demandé où était maman, et il commençait à répondre quand il a vu la chaîne en argent que je tenais. Il est vite sorti du lit et a commencé à s'habiller. En enfilant une chemise, il m'a demandé où je l'avais trouvée, et je lui ai dit, sur la table de la cuisine. En me suivant en bas, son regard s'est immédiatement arrêté sur la porte ouverte, et il a marqué une pause. Au lieu de sortir, il s'est dirigé vers l'évier de la cuisine et a ouvert un des robinets. Aussitôt, un liquide sombre et sale s'est mis à couler et l'odeur salée et fétide de l'eau boueuse m'a frappé le nez, bien qu'à ce moment-là je n'aie pas compris ce que c'était.
La lumière de la cuisine s'est éteinte à ce moment-là et la pièce est devenue entièrement sombre. Mon père m'a dit que tout allait bien, que je devais retourner me coucher. Ses mains tremblaient légèrement lorsqu'il m'a pris le pendentif des mains, et je ne l'ai pas cru, mais j'ai quand même fait ce qu'il m'a dit. Je ne sais pas combien de temps je suis restée allongée, à attendre le retour de mon père cette nuit-là, mais je sais qu'il faisait jour quand je me suis finalement endormie.
J'ai fini par me réveiller. La maison était calme et vide. J'avais manqué le début de l'école de plusieurs heures, mais ce n'était pas grave, parce que je ne voulais pas quitter la maison. Je suis juste restée assise dans le salon, silencieuse et immobile.
C'était presque le soir quand mon père est revenu. Son visage était pâle et il me regardait à peine, il s'est dirigé tout droit vers le placard et s'est versé un verre de scotch. Il s'est assis à côté de moi, a vidé le verre et m'a dit que ma mère était partie. Je n'ai pas compris. Je ne comprends toujours pas, en réalité. Mais il l'a dit avec une telle finalité que je me suis mise à pleurer, et je n'ai pas arrêté pendant un long moment.
Mon père était policier, comme je suis sûr que vous l'avez lu, alors enfant, j'ai supposé que la police avait cherché ma mère et ne l'avait pas trouvée. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai découvert qu'ils n'avaient jamais fait de signalement de disparition à son sujet. Pour autant que je sache, je n'ai jamais eu de grands-parents vivants, et apparemment personne n'a remarqué qu'elle était partie - ce qui est étrange, car j'ai de vagues souvenirs de ses nombreux amis avant qu'elle ne disparaisse. Tout le monde suppose qu'elle a été l'une des premières victimes de mon père, mais il n'y a jamais eu assez de preuves pour l'ajouter au compte officiel. Cela n'a pas vraiment d'importance.
En tout cas, je ne pense pas qu'il l'ait tuée. Je ne nie pas que cela fasse sens, mais je me souviens à quel point il était dévasté lorsqu'elle a disparu. Il s'est mis à boire beaucoup. Je pense qu'il a essayé de s'occuper de moi du mieux qu'il pouvait, mais la plupart des nuits, il finissait par s'endormir sur sa chaise.
C'est aussi à cette époque qu'il a commencé à passer beaucoup de temps dans la remise. Je n'y avais jamais vraiment prêté attention auparavant. En ce qui me concerne, la solide structure en bois n'était pour moi que la demeure d'araignées et d'outils de jardin rouillés que mes parents utilisaient une fois par an pour combattre la végétation sauvage qui constituait notre arrière-jardin. Mais peu après la disparition de ma mère, un nouveau cadenas solide a été placé sur la porte, et mon père passait beaucoup de temps à l'intérieur.
Il me disait qu'il travaillait le bois, et parfois j'entendais le bruit d'outils électriques de l'intérieur, et il me présentait un petit jeton en bois qu'il avait fabriqué, mais la plupart du temps c'était silencieux. Cela aurait probablement dû me déranger plus que cela, les heures qu'il passait là-dedans, et cette odeur étrange que je remarquais parfois, comme celle de la viande en boîte. Mais je n'y ai jamais vraiment prêté attention, et je devais faire face à mon propre chagrin.
Il était également absent la plupart des nuits. Souvent, je me réveillais d'un de mes cauchemars pour constater que la maison était silencieuse et vide. Je le cherchais mais il était parti. Je n'ai jamais désespéré, pour une raison ou une autre, pas comme je l'avais fait lorsque ma mère a disparu. Je savais qu'il finirait par revenir, lorsqu'il en aurait fini avec ce que j'avais décidé être du "travail de police". Parfois, je restais éveillée jusqu'à ce qu'il revienne.
Une fois, alors que je restais éveillée, je l'ai entendu entrer dans ma chambre. J'ai fait semblant de dormir. Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais que j'aurais des ennuis s'il découvrait que j'étais réveillée. Il s'est approché de moi et m'a caressé le visage avec douceur. Ses mains sentaient bizarre. À l'époque, je ne connaissais pas l'odeur du sang, en plus mélangée à cette faible odeur saline d'eau souillée. Il m'a alors murmuré, alors qu'il me croyait endormie, qu'il promettait de me protéger, de s'assurer que "ça ne me prendrait pas aussi".
Il semblait que ses paroles étaient étranglées ; je crois qu'il pleurait. Quand il est parti, j'ai ouvert les yeux juste assez pour le voir. Il se tenait près de la porte, le visage dans les mains, portant une salopette gris clair tachée d'une substance noire et épaisse. J'aurais souvent souhaité lui poser des questions sur cette nuit-là. Je me demande, s'il avait su que j'étais réveillé, si je lui avais demandé dans ce moment de faiblesse... Bon, c'est bien trop tard pour ça maintenant.
Au cours des deux années qui ont suivi, j'ai remarqué que mon père semblait être souvent blessé, et il était rare qu'il n'ait pas de plâtre, de pansement ou d'ecchymose visible. Il m'arrivait aussi de trouver de petites taches de sang sur le sol ou les tables, surtout dans le hall. Je suis devenu très douée pour les nettoyer, et il ne m'est jamais venu à l'esprit de réfléchir à leur origine - j'ai juste supposé que le sang était celui de mon père.
Il a commencé à rester à la maison pendant la journée et m'a dit qu'il avait été affecté définitivement à l'équipe de nuit. Je l'ai cru, bien sûr, et ce n'est qu'après son arrestation que j'ai découvert qu'il avait démissionné de son poste dans la police. Je ne sais pas d'où venait l'argent après cela, mais il semblait que nous en avions toujours assez.
Sachant ce que je sais maintenant, cela semble horrible à dire, mais ce furent quelques-unes des années les plus heureuses de mon enfance. J'avais perdu ma mère, mais mon père s'occupait de moi, et ensemble, nous semblions pouvoir surmonter notre douleur. Je sais que je l'ai fait passer pour un reclus alcoolique qui vivait dans la remise, mais c'était généralement des activités nocturnes pour lui. Pendant la journée, il passait son temps avec moi.
Je ne me souviens que d'une seule fois où il est entré dans la remise pendant la journée. C'était quelques années après la disparition de ma mère, et je devais avoir une dizaine d'années. Le téléphone de la cuisine s'est mis à sonner, et mon père était à l'étage. J'avais récemment eu son l'autorisation pour répondre au téléphone, j'étais donc excitée à l'idée de prendre mes nouvelles responsabilités. J'ai saisi le combiné et j'ai prononcé mon texte mémorisé dans le récepteur : "Bonjour, résidence Montauk !"
Une voix d'homme a demandé à parler à mon père. C'était une voix haletante, comme celle d'un vieil homme, et à l'époque, j'ai décidé qu'il avait un accent allemand, bien que, lorsque j'étais jeune, beaucoup de nationalités et d'accents différents étaient regroupés dans mon esprit sous l'étiquette "allemand". "C'est à quel sujet ?" lui ai-je demandé, car j'avais mémorisé toute une conversation téléphonique et je voulais l'utiliser le plus possible. L'homme a eu l'air surpris et m'a dit avec hésitation qu'il était du travail de mon père. Je lui ai demandé s'il était de la police et après une pause, il a dit "Oui". Il m'a demandé de dire à mon père que c'était l'inspecteur Rayner qui était en ligne, avec une nouvelle affaire pour lui.
A ce moment-là, mon père était descendu à la cuisine pour voir qui appelait. Je lui ai dit, et il a visiblement pâli. Il m'a pris le combiné et l'a placé à son oreille, sans parler mais en écoutant très attentivement. Au bout d'un moment, il m'a dit de monter dans ma chambre, car c'était une conversation "d'adulte". Je me suis tournée pour partir, mais alors que je montais les escaliers, l'ampoule du palier a explosé.
Les ampoules dans notre maison se cassaient souvent - mon père disait que nous avions un câblage défectueux - donc même à cet âge, j'étais assez habile pour les changer. Je donc fait demi-tout et je suis retournée en bas pour aller chercher une nouvelle ampoule. En m'approchant de l'armoire où nous les gardions, j'ai entendu la voix de mon père depuis la cuisine. Il était toujours au téléphone et il avait l'air en colère. Je l'ai entendu dire : "Non, pas encore. Faites-le vous-même." Puis il est resté très silencieux et a écouté, avant de finalement dire d'accord, qu'il le ferait dès que possible. Il a posé le téléphone, puis il a ouvert le placard et s'est servi un verre. Il a passé le reste de la journée dans la remise.
La seule question qu'ils n'ont cessé de me poser pendant l'enquête sur mon père était si je savais où se trouvaient les autres corps. Je leur ai dit la vérité, que je n'en avais aucune idée. Ils ont affirmé qu'ils voulaient confirmer l'identité des victimes, ce qu'ils ne pouvaient pas faire facilement avec ce qui en restait.
Je ne savais pas où se trouvaient les corps, mais je ne leur ai pas non plus parlé de l'autre façon dont ils auraient pu identifier les victimes : les photos de mon père. Je n'ai rien dit, parce que je ne savais pas où il les gardait, et je pensais que ça ne ferait qu'empirer les choses s'ils ne les trouvaient pas, mais, oui, mon père prenait des photos.
Pendant ces cinq années, j'avais progressivement commencé à remarquer qu'il y avait de plus en plus de boîtes de pellicule photographique dans la maison. Cela me rendait perplexe car, bien que mon père et moi allions parfois en vacances, nous ne prenions jamais beaucoup de photos. En lui posant la question, mon père m'a dit qu'il avait essayé d'apprendre la photographie, mais qu'il ne faisait pas confiance aux développeurs pour ne pas abîmer ses films, car il avait apparemment déjà eu des problèmes auparavant.
Je lui ai suggéré de se créer une chambre noire pour les développer lui-même. J'en avais vu une dans Ghostbusters 2 à la télévision le Noël précédent, et j'avais adoré l'idée d'avoir une pièce comme ça. Son visage s'est illuminé, et il a dit qu'il allait transformer la chambre d'amis. Il m'a ensuite averti qu'une fois que ce serait fait, je ne pourrais jamais y entrer sans sa supervision - il y aurait beaucoup de produits chimiques dangereux. Je m'en fichais ; j'étais juste ravie qu'une de mes idées ait rendu mon père si heureux.
Cet été-là, mon père a transformé la chambre d'amis en chambre noire pour le développement de photos. Comme la remise, elle était presque toujours fermée à clé, mais il arrivait que mon père m'emmène à l'intérieur et que nous développions des photos de voitures ou d'arbres, ou de tout ce qu'un enfant de dix ou onze ans avec un appareil photo prend en photo. Mais la plupart du temps, mon père travaillait seul à l'intérieur et gardait la porte fermée à clé quand il y était. Il semblait presque heureux ces deux dernières années.
Ce n'est que quelques semaines avant que mon père ne soit arrêté que j'ai pu jeter un coup d'œil à l'intérieur sans surveillance. C'était un samedi soir à la fin de l'automne et mon père était absent. J'ai passé la journée à regarder la télévision et à lire, mais quand la nuit a commencé à tomber, je me sentais seule et m'ennuyais. En passant devant la porte de ce qui était maintenant la chambre noire, j'ai remarqué que la clé était restée dans la serrure.
Je repense parfois à ce jour et je me demande si mon père l'a laissée délibérément. Il avait été si prudent pendant tant d'années, et puis il avait soudainement oublié ? J'étais consciente du danger, mais quelque chose en moi ne pouvait pas résister à l'envie d'y entrer.
Il n'y avait pas de photos rangées à l'intérieur. Jusqu'à ce jour, je ne sais pas où mon père gardait ses photos développées. Mais il y avait une douzaine d'images suspendues en train de sécher. Elles sont toujours vives dans mon esprit - en noir et blanc et baignées dans le rouge profond de la chambre noire. Chaque photo représentait le visage d'une personne, en gros plan et sans expression, les yeux étaient ternes et vitreux.
Je n'avais jamais vu de cadavres avant, donc je ne comprenais pas vraiment ce que je regardais. Sur chaque visage, il y avait d'épaisses lignes noires qui formaient ces symboles que je ne reconnaissais pas, mais ils étaient clairement dessinés sur les visages eux-mêmes, et pas seulement sur les photographies. Je ne me souviens pas des symboles dans leurs moindres détails, j'en ai peur, mais seulement des visages sur lesquels ils étaient dessinés, même si ce n'étaient pas des personnes que je reconnaissais. Ils ne correspondaient pas non plus aux photos que la police m'a montrées plus tard.
Je ne suis jamais retourné dans la chambre noire après avoir fermé et verrouillé la porte derrière moi ce jour-là. J'ai passé les semaines suivantes à me demander si je devais dire à mon père ce que j'avais vu. Je ne savais pas ce que j'avais vu - pas vraiment - mais cela me semblait être un terrible secret, et je ne savais pas quoi faire.
Finalement, j'ai décidé de le lui dire. Il buvait assis sur le canapé à ce moment-là, et il a éteint la télévision dès que j'ai dit être entrée dans la chambre noire. Il n'a pas dit un mot quand je lui ai dit ce que j'avais vu, il m'a juste regardée avec une expression que je n'avais jamais vue auparavant. Quand j'ai eu fini de parler, il s'est levé et a marché vers moi, avant de me prendre dans ses bras et de me donner la dernière et la plus longue étreinte que je n'ai jamais reçue de lui. Il m'a demandé de ne pas le détester, et m'a dit que ce serait bientôt fini, puis il s'est détourné pour partir. Je n'avais aucune idée de ce dont il parlait, mais quand je lui ai demandé, il m'a simplement dit que je devais rester dans ma chambre jusqu'à son retour. Puis il est parti.
J'ai fait ce qu'il m'a dit. Je suis monté dans ma chambre et je me suis allongée dans mon lit, et ai essayé de dormir. L'air était pesant et j'ai fini par passer la nuit à regarder la rue par la fenêtre. J'attendais quelque chose, mais je ne savais pas quoi.
Je me souviens qu'il était 2h47 du matin quand ça a commencé. J'avais enfin un réveil, et l'image est encore nette dans ma mémoire. J'avais soif et je suis descendue chercher un verre d'eau. J'ai ouvert le robinet, mais il s'est écoulé un épais torrent d'eau boueuse, brune et salée. Cela sentait très mauvais et je me suis figé en me souvenant de la dernière fois que cela s'était produit. Mon père n'était toujours pas rentré, et je suis allé dans le salon pour regarder désespérément par la fenêtre, cherchant dans la rue pour voir s'il rentrait. J'étais terrifiée.
En regardant la rue, j'ai été frappé par la taille des petites flaques de lumière des lampadaires, qui s'étendaient au loin. Mais pas aussi loin qu'elles auraient dû aller. Il y avait moins de lumière qu'il ne devait y en avoir, j'en étais sûre. Puis j'ai vu la lumière au bout de la route s'éteindre. Il n'y avait pas de lune cette nuit-là, et toutes les maisons étaient silencieuses ; quand les lampadaires se sont coupés, il n'y avait plus que l'obscurité. Le réverbère le plus proche s'est éteint. Puis le suivant. Et le suivant. Une lente vague d'obscurité mouvante se dirigeait vers moi en toute tranquillité. Les quelques lumières encore allumées dans les maisons le long de la route ont également disparu à l'approche de la marée. Je suis resté assise là, incapable de regarder autre chose. Finalement, elle a atteint notre maison, et tout à coup, les lumières ont disparu et l'obscurité était à l'intérieur.
J'ai entendu un coup à la porte d'entrée. Ferme, lent et insistant. Silence. Je n'ai pas bougé. Les coups sont revenus, plus forts cette fois, et j'ai entendu la porte cogner sur ses gonds. Plus le bruit augmentait, moins il ressemblait à celui d'une personne qui frappe et plus il ressemblait à... de la viande mouillée que l'on claquait sur le bois de la porte d'entrée.
Je me suis tournée et j'ai couru vers le téléphone. En le décrochant, j'ai entendu une tonalité, et j'aurais pleuré de soulagement si je n'étais pas déjà en train de pleurer de peur. J'ai appelé la police, et dès qu'ils ont décroché, j'ai commencé à bafouiller à propos de ce qui se passait. La dame à l'autre bout a été patiente avec moi, et a continué à insister gentiment pour que je lui donne l'adresse jusqu'à ce que je sois enfin assez calme pour le faire. Presque aussitôt que je lui ai dit où j'étais, j'ai entendu la porte commencer à se fendre. J'ai laissé tomber le téléphone et j'ai couru vers l'arrière de la maison. Au même moment, j'ai entendu la porte d'entrée se briser derrière moi et j'ai entendu un... grognement - ça grondait profondément et respirait comme un animal sauvage, mais avait un timbre étrange que je n'ai jamais été capable d'identifier. Peu importe la direction vers laquelle je me tournais, on aurait dit qu'il venait de l'obscurité, juste derrière moi. Je n'ai pas eu le temps d'y penser lorsque j'ai couru vers le jardin de derrière, et vers une lumière à laquelle je ne m'attendais pas. Devant moi, il y avait la remise. Elle brillait, d'un bleu terne et vibrant à travers chaque fissure. Mais je ne me suis pas arrêté, car j'ai entendu à nouveau ce grognement derrière moi. J'ai couru vers la remise et j'ai tiré la porte.
La remise n'était pas fermée à clé cette nuit-là, et encore aujourd'hui, je ne sais pas si je le regrette. La première chose que j'ai vue en ouvrant cette porte, c'est mon père, baigné dans la lumière bleu pâle. Je ne voyais aucune source de lumière, mais elle était tellement brillante. Il était agenouillé au centre d'un motif de craie orné, griffonné sur le bois brut du sol. Devant lui gisait un homme que je ne connaissais pas, mais il était manifestement mort - sa poitrine avait été ouverte, et il était encore en train de saigner faiblement. D'une main, mon père tenait un effroyable couteau, et de l'autre, il tenait le cœur de l'homme.
Mon père chantait, et alors que le chant résonnait, le cœur dans sa main battait au rythme du chant, et la lumière bleue s'est mise à briller intensément puis a diminué progressivement. J'ai regardé les murs et j'ai remarqué qu'ils étaient couverts d'étagères, chacune contenant des bocaux en verre, remplis de ce que j'apprendrai plus tard comme étant du formol contenant un unique cœur - qui battait au même rythme que celui qui dégoulinait de la main de mon père. C'était une chose bizarre à remarquer à ce moment, mais je me souviens que le mort portait le même pendentif que ma mère - une main en argent avec un dessin d'œil fermé.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée là à regarder. Cela a pu durer des heures ou seulement une minute ou deux. Mais soudain, j'ai entendu ce grognement derrière moi et j'ai senti une présence si proche que je pouvais sentir l'obscurité dans mon dos. Avant que je ne puisse réagir, bouger ou crier, le chant de mon père est monté en puissance et il a plongé le poignard dans le cœur battant. D'un seul coup, la présence a disparu et la lueur bleue s'est éteinte. Je ne pouvais plus entendre les battements des cœurs. Dans le silence, j'ai réalisé que je pouvais entendre les sirènes de police au loin. J'ai entendu mon père me dire qu'il était désolé, et puis il s'est mis à courir.
Vous connaissez la suite. Chasse à l'homme, procès, prison, mort. On dit qu'il y avait 40 cœurs dans cette remise, sans compter sa dernière victime, mais bien sûr, la police n'est arrivée que lorsqu'il ne restait plus qu'une horrible armoire à trophées. Quoi que j'aie vu mon père y faire, ses effets avaient disparu depuis longtemps. Je ne sais pas pourquoi mon père a fait ce qu'il a fait, et je doute que je le sache un jour, mais plus je repense à ces événements, plus je suis sûre qu'il avait ses raisons.
ARCHIVISTE
Fin de la déposition.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter. Les rapports de police sur Robert Montauk sont, comme on peut s'y attendre, complets, et il y a peu de détails à ajouter. La grande majorité des recherches sur cette affaire a déjà été effectuée par la communauté des passionnés de tueurs en série qui, bien que bizarre et profondément inquiétante, s'avère souvent étonnamment utile dans des affaires très médiatisées comme celle-ci.
Outre le corps d'un certain Christopher Lorne, 40 coeurs préservés ont été récupérés dans la remise de Robert Montauk. Ils étaient disposés sur les murs, sur des étagères individuelles, formant des motifs de onze cœurs sur chaque mur intérieur et de sept sur le mur avec la porte. Les photos des motifs correspondent aux différentes formules de la géométrie sacrée mais ne semblent pas correspondre exactement à une école spécifique. Le fait que les autres corps n'aient jamais été retrouvés est également significatif.
Le symbole sur les deux pendentifs est celui de l'Eglise Populaire de l’Hôte Divin, un petite secte qui s'est développé autour du pasteur pentecôtiste Maxwell Rayner à Londres à la fin des années 80 et début des années 90. Je savais que j'avais reconnu le nom dans la déclaration 1106922, mais actuellement, cela ressemble à une coïncidence.
Christopher Lorne était membre de l'église et sa famille n'avait pas eu de nouvelles de lui pendant les six années qui ont précédé son meurtre. M. Rayner lui-même a disparu de la scène publique en 1994, et le groupe s'est fragmenté peu après. La police a tenté à de nombreuses reprises de suivre cette piste dans l'affaire Montauk, mais n'a jamais réussi à retrouver des membres disposés à faire des dépositions.
La maison de York Road est toujours habitée, bien que les propriétaires actuels aient démoli la remise il y a plus de dix ans et l'aient remplacée par un jardin.
Robert Montauk est mort dans la prison de Wakefield le 1er novembre 2002. Il a été poignardé à quarante-sept reprises et s'est vidé de son sang avant qu'on ne le retrouve. Après avoir lu cette déposition, trois points intéressants se présentent : aucun coupable ou arme n'a jamais été trouvé en lien avec le meurtre ; il était apparemment seul dans sa cellule à ce moment-là, qui était censée être fermée à clé ; et au moment de sa mort, on a découvert que l'ampoule de sa cellule avait explosé, le laissant dans l'obscurité.
Fin de l'enregistrement.
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