Laurence De Cock défend les savoirs comme « leviers d’émancipation collective » et l’école comme « expérience de la solidarité et de la délibération, ... propédeutique de la vie en démocratie ». En redéfinissant l’école, Laurence De Cock interroge sa place et son rôle dans la société. Son texte éclaire les enjeux des débats (et des réformes) actuels, au-delà des polémiques souvent caricaturales.
#LaurenceDeCock dénonce une crise démocratique, l’inscrivant dans l’histoire de l’institution, réformes après réformes, postulant « que l’#école a pour mission non pas de préparer au monde déjà là mais d’accompagner celui qui vient, et partant de contribuer à le transformer ». Plaidoyer « contre la vision politique responsable du brouillage actuel des repères pour penser l’école comme espace de démocratisation, de justice sociale et de partage des connaissances. » L’idéologie #néolibérale semble avoir installé ses évidences jusque dans les écoles et recoupe désormais « la fameuse #méritocratie républicaine : amener les individus à sortir de leurs zones de confort et à se surpasser, jouer de la concurrence, classer, hiérarchiser, récompenser et sanctionner. La méritocratie relève du mythe de l’égalité des chances offerte aux enfants. Elle « instaure des inégalités perçues comme justes par les enfants en échec. » La note, « outil de base », instrument de classement : « monnaie de l’école et sa valeur n’est fonction que de l’organisation de l’économie scolaire. La note est donc la valeur attribuée à un travail fourni en contexte concurrentiel. » Les élèves qui s’en sortent, sont « ceux qui se conforment le plus aux attendus d’un système », et transmettant une « perpétuation d’un système scolaire qui assigne à résidence sociale ses participants ». L’école n’est pas la source unique de la reproduction des #inégalitéssociales. Les gouvernements successifs, depuis 30 ans, n’ont su trancher entre accompagnement individuel et compensation collective.
#CélineAlvarez, couplant #Montessori et les #neurosciences, illustre une « dérive patente de ces pédagogies alternatives devenues les adjuvants d’un système #néolibéral, où tout pousse à la performance et passe par la croyance en les vertus magiques des objets et de la techniques ». « La pédagogie de #Freinet est conçue pour l’école publique, centrée sur le travail et la coopération. Rien à voir avec le simple épanouissement individuel par la réussite prôné par des pédagogies plus individualistes et technicistes. »
L’émancipation, selon la définition « réjouissante » de #PaoloFreire, passe par « la conscientisation des rapports de domination dans le cadre des interactions sociales » et par « le dépassement de ce rapport de domination pour l’abolir, condition première de l’égalité et de la démocratie ». Ce terme est actuellement dévoyé, mot prétexte de l’entreprenariat. « Émanciper reviendrait donc à favoriser la libre entreprise de soi-même, se dépasser, chercher (et jouir de) l’espace de liberté construit dans l’émulation par la concurrence. S’émanciper serait donc un projet individuel visant à quitter sa condition préalable pour rejoindre le cercle des puissants.» Pour Freire, l’émancipation ne peut être que collective et « ne vise aucunement à s’élever dans la hiérarchie puisqu’il s’agit d’en abolir l’existence ». Une école émancipatrice est publique, gratuite, obligatoire et laïque, c’est une « responsabilité collective de garantir le droit à l’école sans condition ». La laïcité doit « redevenir un principe d’ouverture à l’altérité et d’accueil généreux et bienveillant de la différence #culturelle » et non pas « un blanc-seing donné à un traitement #discriminatoire des élèves ». Un « racisme structurel » prive d’école des enfants rendus « invisibles » par un système complexe de rejet par l’administration française. Un enfant rom sur deux, par exemple, n’est pas scolarisé. La catégorisation culturelle essentialise, autour du postulat de la perpétuation de la « culture d’origine », et a remplacé le prisme social et fait disparaître la priorité donnée à une politique sociale destinée à compenser les #inégalités.
Depuis #Bourdieu, la sociologie éclaire l’origine des inégalités : un enfant socialisé tout petit dans un contexte saturé d’apprentissages maîtrisera parfaitement les codes scolaires, comprendra d’emblée les consignes d’exercice et l’implicite de ses professeurs avec qui s’instaurera une connivence culturelle. L’enfant dont les apprentissages en milieu familial ne recoupent pas les codes scolaires n’arrive pas avec moins de « capacités » ou d’ « aptitudes » mais il aura besoin d’une explication des attentes de l’école.
« ... [ne pas] réduire l’école à son rôle de transmission des savoirs, [mais plutôt] comme espace de socialisation politique ; mais à trop surinvestir l’école comme une antichambre de la société, on oublie la puissance émancipatrice des savoirs. »
Les réformes néolibérales des deux derniers quinquennats ont creusé les inégalités. Les gouvernements successifs se sont accommodés de l’échec de milliers d’élèves. Ils ont fait de l’éducation un marché, de l’élève un client, des enseignants des exécutants, portant atteinte aux principes républicains d’égalité, gratuité et laïcité. Vision minimaliste et utilitariste des « compétences », les directives européennes organisent la subordination de notre système éducatif à « l’économie de la connaissance ». Les finalités de l’école ont été inversées. Alors qu’elle doit éduquer des consciences libres et auto-nomes, elle s’est vue assigner l’objectif de formater des individus employables et adaptés au marché.
Condorcet : « former des citoyens qui ne s’en laissent pas conter mais qui entendent qu’on leur rende des comptes [...] La société doit au peuple une instruction publique : comme moyen de rendre réelle l'égalité des droits... est un devoir de la société à l'égard des citoyens... L'état social diminue nécessairement l'inégalité naturelle, en faisant concourir les forces communes au bien-être des individus. Mais ce bien-être devient en même temps plus dépendant des rapports de chaque homme avec ses semblables, et les effets de l'inégalité s'accroîtraient à proportion, si l'on ne rendait plus faible et presque nulle, relativement au bonheur et à l'exercice des droits communs, celle qui naît de la différence des esprits. »
Pour diminuer l'inégalité qui naît de la différence des sentiments moraux.
Il est encore une autre inégalité dont une instruction générale également répandue peut être le seul remède. Quand la loi a rendu tous les hommes égaux, la seule distinction qui les partage en plusieurs classes est celle qui naît de leur éducation ; elle ne tient pas seulement à la différence des lumières, mais à celle des opinions, des goûts, des sentiments, qui en est la conséquence inévitable. Le fils du riche ne sera point de la même classe que le fils du pauvre, si aucune institution publique ne les rapproche par l'instruction... Il existera donc une distinction réelle, qu'il ne sera point au pouvoir des lois de détruire, et qui, établissant une séparation véritable entre ceux qui ont des lumières et ceux qui en sont privés, en fera nécessairement un instrument de pouvoir pour les uns, et non un moyen de bonheur pour tous. Le devoir de la société, relativement à l'obligation d'étendre dans le fait, autant qu'il est possible, l'égalité des droits, consiste donc à procurer à chaque homme l'instruction nécessaire pour exercer les fonctions communes d'homme, de père de famille et de citoyen, pour en sentir, pour en connaître tous les devoirs.
Pour augmenter dans la société la masse des lumières utiles.
Plus les hommes sont disposés par éducation à raisonner juste, à saisir les vérités qu'on leur présente, à rejeter les erreurs dont on veut les rendre victimes, plus aussi une nation qui verrait ainsi les lumières s'accroître de plus en plus, et se répandre sur un plus grand nombre d'individus, doit espérer d'obtenir et de conserver de bonnes lois, une administration sage et une constitution vraiment libre. C'est donc encore un devoir de la société que d'offrir à tous les moyens d'acquérir les connaissances auxquelles la force de leur intelligence et le temps qu'ils peuvent employer à s'instruire leur permettent d'atteindre. Il en résultera sans doute une différence plus grande en faveur de ceux qui ont plus de talent naturel, et à qui une fortune indépendante laisse la liberté de consacrer plus d'années à l'étude ; mais si cette inégalité ne soumet pas un homme à un autre, si elle offre un appui au plus faible, sans lui donner un maître, elle n'est ni un mal, ni une injustice ; et, certes, ce serait un amour de l'égalité bien funeste que celui qui craindrait d'étendre la classe des hommes éclairés et d'y augmenter les lumières.
La société doit encore l'instruction publique comme moyen de perfectionner l'espèce humaine
C'est par la découverte successive des vérités de tous les ordres, que les nations civilisées ont échappé à la barbarie et à tous les maux qui suivent l'ignorance et les préjugés. C'est par la découverte des vérités nouvelles que l'espèce humaine continuera de se perfectionner. Comme il n'est aucune d'elles qui ne donne un moyen de s'élever à une autre ; comme chaque pas, en nous plaçant devant des obstacles plus difficiles à vaincre, nous communique en même temps une force nouvelle, il est impossible d'assigner aucun terme à ce perfectionnement. C'est donc encore un véritable devoir de favoriser la découverte des vérités spéculatives, comme l'unique moyen de porter successivement l'espèce humaine aux divers degrés de perfection, et par conséquent de bonheur, où la nature lui permet d'aspirer ; devoir d'au-tant plus important, que le bien ne peut être durable, si l'on ne fait des progrès vers le mieux, et qu'il faut, ou marcher vers la perfection, ou s'exposer à être entraîné en arrière par le choc continuel et inévitable des passions, des erreurs et des événements ... l'instruction peut devenir un bienfait public ; elles n'étaient qu'une espèce de loterie, offrant à quelques êtres privilégiés l'avantage incertain de s'élever à une classe supérieure ; elles faisaient très peu pour le bon-heur de ceux qu'elles favorisaient, et rien pour l'utilité commune. En voyant ce que le génie a su exécuter malgré tous les obstacles, on peut juger des progrès qu'aurait faits l'esprit humain, si une instruction mieux dirigée avait au moins centuplé le nombre des inventeurs ... les véritables progrès des sciences ne se bornent pas à se porter en avant ; ils consistent aussi à s'étendre davantage autour du même point, à ras-sembler un plus grand nombre de vérités trouvées par les mêmes méthodes et conséquences des mêmes principes. Souvent ce n'est qu'après les avoir épuisées qu'il est possible d'aller au-delà ; et, sous ce point de vue, le nombre de ces découvertes secondaires amène un progrès réel. Il faut observer encore qu'en multipliant les hommes occupés d'une même classe de vérités, on augmente l'espérance d'en trouver de nouvelles, parce que la différence de leurs esprits peut correspondre plus aisément à celle des difficultés, et que le hasard qui influe si souvent sur le choix des objets de nos recherches, et même sur celui des méthodes, doit produire alors plus de combinaisons favorables. De plus, le nombre des génies destinés à créer des méthodes, à s'ouvrir une nouvelle carrière, est beaucoup plus petit que celui des talents, dont on peut attendre des découvertes de détail ; et la succession des premiers, au lieu d'être souvent interrompue, deviendra d'autant plus rapide qu'on aura donné à plus de jeunes esprits les moyens de remplir leur destinée. Enfin, ces découvertes de détail sont utiles, surtout par leurs applications ; et entre le génie qui invente et le praticien qui en fait servir les productions à l'utilité commune, il reste toujours un intervalle à parcourir, que souvent on ne peut franchir sans ces découvertes d'un ordre inférieur ... Les révolutions amenées par le perfectionnement général de l'espèce humaine doivent sans doute la conduire à la raison et au bonheur. Mais par combien de malheurs passagers ne faudrait-il pas l'acheter ? Combien l'époque n'en serait-elle pas reculée, si une instruction générale ne rapprochait pas les hommes entre eux, si le progrès des lumières toujours inégalement répandues devenait l'aliment d'une guerre éternelle d'avarice et de ruse entre les nations, comme entre les diverses classes d'un même peuple, au lieu de les lier par cette réciprocité fraternelle de besoins et de services, fondement d'une félicité commune ?
Motifs d'établir plus de degrés dans l'instruction commune
1 ̊ Pour rendre les citoyens capables de remplir les fonctions publiques, afin qu'elles ne deviennent pas une profession.
Je trouve trois motifs principaux pour multiplier le nombre des degrés de l'instruction commune.
titution se détruirait d'elle-même après quelques orages, et dégénérerait en une de ces formes de gouvernement qui ne peuvent conserver la paix au milieu d'un peuple ignorant et corrompu. Nécessité d'examiner à part chaque division et chaque degré de l'instruction. Pour chacune des nombreuses divisions qui viennent d'être établies, il est nécessaire d'examiner,
1 ̊ quels doivent être les objets de l'instruction, et à quel terme il convient de s'arrêter ;
2 ̊ quels livres doivent servir à chaque enseignement, et quels autres moyens il peut être utile d'y ajouter ;
3 ̊ quelles doivent être les méthodes d'enseigner ;
4 ̊ quels maîtres on doit choisir, par qui et comment il faut qu'ils soient choisis. En effet, ces diverses questions ne doivent pas être résolues de la même manière pour chacune des divisions qui viennent d'être établies. Le véritable esprit systématique ne consiste pas à étendre au hasard les applications d'une même maxime, mais à faire dériver des mêmes principes les règles propres à chaque objet. Il est le talent de comparer, sous toutes leurs faces, toutes les idées justes et vraies qui s'offrent à la méditation, d'en faire sortir les combinaisons neuves ou profondes qui y sont cachées, et non l'art de généraliser des combinaisons formées au hasard du petit nombre d'idées qui se présentent les premières. Ainsi, dans le système du monde, les astres soumis par une loi commune à une dépendance réciproque se meuvent chacun dans une orbite différente, suivent des directions diverses, et, entraînés avec des vitesses qui changent à chaque instant, présentent, dans le résultat d'un même principe, une inépuisable variété d'apparences et de mouvements.
Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791) suite p 33 : http://classiques.uqac.ca/classiques/condorcet/cinq_memoires_instruction/Cinq_memoires_instr_pub.pdf
http://classiques.uqac.ca/classiques/condorcet/cinq_memoires_instruction/Cinq_memoires_instr_pub.pdf#%5B%7B%22num%22%3A401%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C0%2C792%2Cnull%5D
http://classiques.uqac.ca/classiques/condorcet/cinq_memoires_instruction/Cinq_memoires_instr_pub.pdf#%5B%7B%22num%22%3A445%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C0%2C792%2Cnull%5D
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ed.asp
À ces arts il faut joindre la musique. Lorsque les sons se succèdent par intervalles mesurés, lorsque ceux qui se suivent ou qui s'entendent à la fois sans se confondre, répondent dans le corps sonore à un système de mouvements simples et réguliers, ils excitent naturellement sur l'organe de l'ouïe un sentiment de plaisir qui paraît influer sur l'ensemble de nos organes, et qui peut-être, de même que cette influence, a pour cause première cette régularité de vibration à laquelle tous nos mouvements tendent alors à se conformer en vertu des lois générales de la nature. Il y a plus : les sons, et par leur nature et par leur distribution ou l'ordre de leur succession, excitent et réveillent en nous des sentiments et des passions. Si la musique ne nous entraîne pas, si elle n'imprime pas à notre âme les mouvements qu'elle doit exciter, elle nous distrait, nous sépare de nous-mêmes pour nous porter vers de douces rêveries. Enfin, son influence est plus forte sur les hommes rassemblés ; elle les oblige à sentir de la même manière, à partager les mêmes impressions. Elle est donc au nombre des arts sur lesquels la puissance publique doit étendre l'instruction, et il ne faut pas négliger ce moyen d'adoucir les mœurs, de tempérer les passions sombres et haineuses, de rapprocher les hommes en les réunissant dans des plaisirs communs.
1792 :
Sur la nécessité de l’union entre les citoyens
1792 :
De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre
1793 :
Ce que les citoyens ont droit d’attendre de leurs représentants
1793 :
Que toutes les classes de la société n’ont qu’un même intérêt
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