Tumgik
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yourfredericstuff · 4 years
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LE FAN
MON PÈRE A LES CHEVEUX LONGS, COMME MOI… (roman, extrait)
Une des scènes qui me rend le plus heureux, à cause de cette absurdité des prénoms, de la place centrale du gamin… De la note d’espoir que je place, précisément, dans la nouvelle génération…
« Séance de dédicaces à World Of Music, sur Augsburger Strasse.
IAN — Bonjour, tu t’appelles comment ?
AUDOUIN — Audouin.
— Pardon, tu dis ? Baudouin ?
— Non, Audouin… comme le roi des Elges…
— Tu es un rigolo, toi !
— Quand on porte un prénom comme le mien, on n’a pas trop le choix vous savez ! Mes parents sont pourtant des gens normaux… mais je sais pas à quoi ils ont pensé quand je suis arrivé. Ah, sur celui-là vous pouvez mettre Pour Cythise ? Ma sœur. Oui, je sais, elle a un nom d’arbuste… Avec un y en premier et ensuite un i… Je pensais pas que vous parliez le français…
— C, y… Et où donne-t-on aux enfants d’aussi jolis prénoms ?
— On est de Liège, je suis venu avec mon collège. Ils font Checkpoint Charlie là, je vais pas traîner. Mais je voulais vous demander… On se demandait… Comment vous fabriquez vos chansons ? Par exemple Zero absolu, c’est un truc de ouf, ça fout les jetons l’ambiance ! On peut pas le passer sur la chaîne à la maison parce que notre petit frère se met tout de suite à pleurer, et le chien grogne et montre les dents…
— Il s’appelle comment, le petit frère ?
— Oh, vous moquez pas ! Glorian…
— Je ne me moque pas… pas du tout.
— Non, c’est vrai, les espèces de gratouillis bizarres sur l’intro de Zero abs, qu’est-ce que c’est les instruments utilisés ? C’est pas des vraies guitares ?
— Sur l’intro de Zero abs on a joué des guitares saturées, mais ensuite on les a mixées en abaissant le volume, et en doublant la ligne avec un synthé.
— Un Roland ? TB-303 ?
— Tout à fait…
— Je le savais ! Et après il y a aussi une boîte à rythmes Roland n’est-ce pas ? Une TR-909 ? Et les sons d’animaux, les orques, les baleines ? Comment vous faites pour les rendre aussi puissants… alors qu’en fait on les entend pas fort ?
Je regarde le visage de ce gosse adorable. Douze ou treize ans…
— Ça, mon grand, c’est la magie du studio ! Tu es musicien ?
— Tambour. Et on fait de la house avec un pote à moi.
— Continuez à vous amuser… et surtout, ne vous prenez pas la tête ! Tiens, ça devrait te plaire ça, c’est inédit. Ouais, des maquettes, des samples…
— Génial, c’est trop, merci !
— Allez, te mets pas en retard.
— Oh, ça ira ! Merci, merci beaucoup ! Au revoir…
— Au revoir…    
Que fait mon Peter à cette heure-ci, cet après-midi ? Met-il un disque sur son lecteur ? A-t-il déclaré à sa mère qu’il avait passé l’âge d’écouter Henri Dès, lui a-t-il réclamé un album d’Étienne Daho ? Si je laisse faire Nadège, elle va lui refiler ses vieux CDs de Goldman, il ne faut pas qu’il ait le goût déformé! Je suis sûr qu’elle se trompe, qu’elle passe du Schumann, du Beethoven dans l’appar-tement, tous les trucs plombants. Qu’est-ce que je pourrais lui envoyer ? Les Beatles, pourquoi pas, il faut commencer par la base ? Mais je suis con, il entend déjà Nirvana à la radio… à huit ans, ça n’a quand même aucun sens ! Oh, je sais, je vais lui envoyer des chansons rigolotes de Petula Clark, de Régine tiens, il va adorer. Henri Salvador, Émilie Jolie, tout ça, c’est bien… Et puis Pierre et le loup, avec la narration de Brel. Pour son oreille, et son esprit… pour la magie de son oreille d’enfant, merde ! »
© Frédéric Le Roux, 2020
photo : Dave Gahan at an albums’ signing
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