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Warda Project
7 posts
Dancer artist sent by a Swiss convention to Cairo for 6 months. A Tumblr to help me organise my thoughts, feelings, experiences. To get in touch with people. An open book, continuously exploring, as an entire testimony of the residency. Warda Project - hoping that roses will hatch from it.
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wardaproject-blog · 6 years ago
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AÏD
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Une journée de jeûne dans la chaleur et le bruit, ici la vie ne s’arrête jamais, bien que la ville se soit quelque peu apaisée et que les grandes art��res sont enfin praticables. Ils sont partis à la mer. Une atmosphère euphorique, dans les souks on se presse, on s’entasse, les échoppes en bord de route dégueulent de chaussures en plastiques, de ballons colorés, des mégaphones annoncent les prix en boucle de leur voix surannée, l’odeur est saisissante, pour ne pas dire nauséabonde. Déjà une carcasse gît sous une arcade, des côtes dressées vers le ciel, encore un peu rougies, léchées par les chats. A côté, une vache attachée au milieu des détritus. Un tableau de Bacon.
Sept heures, samedi soir. Le soleil se couche et les estomacs serrés se jettent sur la nourriture. On veut trop, trop vite, comme si l’on avait peur que cette nourriture dont on s’est privé et qui est maintenant sur la table allait soudain disparaître, et le ventre proteste, il se ferme, rejette ce flot qui l’inonde soudain, on le sent qui ne sait pas, qui ne parvient pas à gérer cette ardeur et l’on s’affale sur le sofa, l’abdomen gonflé, lourd, pas vraiment rassasié mais bien garni, on se regarde en coin satisfait de partager ce moment immuable, satisfait aussi de se voir s’enfoncer dans les coussins. Leur tissus synthétiques nous englobe alors, ils nous enveloppent et nous étouffent, notre peau prisonnière de leur étreinte se débat et transpire encore plus, mon dos mouillé colle à ma chemise, qui transpire sur les coussins et cela est si poisseux, tout est moite et la poussière du désert, qui jusque là dormait entre les fibres, s’échappe enfin et voilà que sur ma peau j’accueille une mer de limon, une terre infertile et collante. Plus de dégoût pourtant, le sel et la sueur, la fumée noire des moteurs, tout ça fait partie des jours ici, un grand filtre de suif qui encrasse nos sens, et sous la poussière et le temps les gens qui bougent. 
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La langueur des corps se dissipe peu à peu, la langue collante d’avoir trop attendu, on se secoue, dehors on se jette dans les voitures, dans les rues, on accoure retrouver des amis au café. On y passera la nuit, à boire du thé, à parler de la vie qui coule ici comme un sirop sucré, s’étale sur la table et déjà les mouches et les fourmis, les univers s’entrelacent, au-dessus de nous les étoiles et ici un rat qui s’enfuit au bruit d’un moteur.
Ailleurs, plus loin dans la ville, les enfants jouent dans les rues, on monte sur un âne et c’est la course, le touk touk slalome entre les passants et les chaises en plastique, l’âne renâcle, un groupe de mouton frémit et s’entasse autour de l’auge, un père furieux crie, des tapis lavés trop tard pendent aux fenêtres, la rue est humide, pleine de la boue des grands nettoyages, le coiffeur coupera des cheveux toute la nuit, le pain et les pâtisseries s’entassent à l’air libre sur des échafauds de bois, ils y sécheront dans l’air crasseux, des chichas dans tous les cafés, et englobant le tout, la voix du muezzin qui pénètre chaque fenêtre, chaque porte, et on murmure entre ses lèvres, cette voix qui nous rappelle que nous ne dormirons pas, cette nuit, 25 millions respireront ensemble les appels des minarets, se préparant au lever du jour. 
Quatre heures du matin. On se lave, on se douche. Trois fois les mains, puis le visage, la bouche, les nez, les oreilles, la têtes, les pieds... L’odeur du chlore envahit les salles de bain, des tâches oranges de fer au plafond et au mur, la peinture qui se décolle par plaque, mais nous serons propres. Lavons-nous de cette sueur, de cette odeur d’animaux et d’excréments qui coure dans les rues, de ces journées qui pèsent sur nos nuques trop raides... Je me couvre d’un foulard, ce matin les femmes seront couvertes, soustraites aux regards, mais sous ce voile coloré je perçois la courbe d’une nuque, et un sourire couvert de pigments cherchera un regard approbateur, c’est dans la foule que nous trouverons quelqu’un à marier, parce que sous les tissus et la prière la fête gronde, et c’est la vie que l’on vient célébrer. 
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Cinq heures. Nous sortons. Des petites ruelles, deux par deux d’abord, nous rejoignons les rues, puis les grands axes, le soleil se lève, la lumière du matin est transparente au-dessus des immeubles qui s’affaissent, des nuées de pigeons sortent pour leur première ronde, un groupe de fillettes vêtues de longues robes colorées chantent et tapent des mains. Nous sommes foule maintenant. Nous sommes millions. Le flot ne s’arrête pas, nous nous tenons par le bras, mères et enfants, famille, nous avançons ensemble dans cette marée de corps qui écrase tout, tous ces gens, tous ces corps, le bruit, partout, les appels des muezzins, constamment le bruit et les corps, Allah, les pigeons en nuées, on s’amasse, tout cela grossit encore, une masse, une masse, une masse.
Sur la route, un carrefour, des tapis disposés au sol, les gens arrivent par bus, par voiture, à cheval, à pied, puis on se sépare, les femmes derrière et les hommes devant, on se déchausse, des allées de chaussure qui attendent le ciel, on prend place en lignes, le jour arrive, le bruit, touts ces voix, l’attente fébrile. Un homme passe avec une grappe de ballons colorés. Les enfants crient, on prend des photos, on se filme. Tout cela est très vivant, il y a une grande joie à se retrouver, à sentir cette puissante force d’être unis, des chants s’élèvent, on attend. 
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Cinq heures quarante-cinq. L’imam annonce le début de la prière. D’un seul mouvement on se lève. Silence. L’espace de quelques secondes, la ville est silencieuse. 
Allah o akbar
Allah o akbar
Allah o akbar
Allah o akbar
Allah o akbar
Allah o akbar
Allah o akbar
Sept fois l’appel résonne. Sept fois nous levons nos mains à notre tête, ouvertes, écoutant le nom de Dieu. Sept fois nous plaçons nos mains croisées sur notre ventre. Sept fois un murmure commun frémit, s’élève de millions de bouches. C’est une chorégraphie magnifique, tous ces corps, ces visages, ces vêtements, ces voix, un seul être immense et organique. Baissés, les mains sur les genoux. Puis au sol, le front appuyé sur le tapis, les murmures de chacun formant une vibration, j’entends mes voisines et je perçois toutes celles au-delà, et encore au-delà un autre rassemblement réuni autour d’un autre imam, et partout, partout en même temps, les prières de ces hommes et de ces femmes glissent entre les dents, un souffle de son, du vent, quelque chose qui s’approche peut-être du bruit de la mer qui se frotte sur du sable. 
Six heures peut-être. La prière est terminée. Nous retournons à nos chaussures, le bruit explose à nouveau, décousu, désordonné, un unisson de sons mal accordés. On se retrouve tant bien que mal, hommes et femmes à nouveau mélangés. Certains restent assis, ceux-là bien souvent ont amené leur propre petit tapis et portent un bonnet de crochet, leurs vêtements sont blancs ou bleus, immaculés, clarté très étrange dans ce panorama, certaines ne laissent paraître d’elles-mêmes que leurs yeux entourés de noir. Ceux-là donc resteront encore à écouter l’imam, tandis que la majorité de la foule se presse déjà pour s’éclater dans les quartiers, s’engouffrer dans les ruelles malodorantes et encombrées. On entend une rumeur - le festival disent-ils - et dès qu’on pénètre entre les immeubles les hommes s’unissent autour d’un camion, on a placé des instruments et deux haut-parleurs et on rap sur de la musique orientale, les hommes tapent du pieds et dansent. 
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Juste derrière, des cris. On s’enfonce un peu plus dans les quartiers. Après la lumière du matin et la blancheur des tissus propres, la boucherie. En deux minutes, les rues se sont couvertes de sang. Il a une couleur rouge très vive, et est si épais qu’il recouvre les pavés, le bitume, les détritus. L’odeur est infecte. Une odeur de merde, de boyaux, de bêtes qui se chient dessus, l’odeur de leur peur qui rentre dans la gorge et s’impr��gne dans les habits. Les yeux bandés, affolés, ils sentent le couteau qui tranche la gorge, là dans la rue, tandis que d’autres s’affairent déjà à ouvrir un ventre en deux, et vite, avant que le chaud et les bêtes ne viennent infecter la viande, vite la dépecer, la dépouiller de sa peau, on voit le gras former une couche blanche et crémeuse entre cette peau qu’on arrache et la chair, des hachoirs s’abattent en un bruit sourd sur les membres et les coups, des enfants se saisissent - pour jouer? - plus tard ils seront abandonnés par terre et les chats, les chiens et les rats n’auront plus faim, gloire à Dieu pour eux aussi. Tellement de bouches à nourrir, tellement de familles qui célèbrent, il faut vite tuer encore, et donc on amène dans la foulée une autre vache, un autre mouton, tandis que le précédent tressaille encore, par sa gorge ouverte on tire son larynx, son corps traîné à l’écart, des familles se saisissent déjà des premiers morceaux, ils auront dépensé l’équivalent de leur salaire pour rendre hommage à Dieu, pour célébrer la santé et la vie, et la mort et le sang par terre pour célébrer la vie dedans, à l’abri dans les maisons, et les gens sont heureux dehors, tous s’affairent à amener des seaux, des balais, on lave à grandes eaux ces fluides malodorants, mais pas vraiment d’égouts et les bêtes suivantes qui continuent à s’effondrer, le tout se mélange à la terre sale qui couvre le sol, une boue épaisse et poisseuse qui collera aux chaussures plusieurs jours encore. 
Dedans on boit le thé au lait. Les enfants s’écroulent de leur nuit de jeux et d’attente. On s’affaisse un à un sur les canapés, à même le sol sur le tapis, la tête repose sur un coussin. Il fait vraiment chaud, entassé ensemble dans ce petit salon, et encore les tissus synthétiques qui étouffe la peau, je suffoque, je m’étouffe, la nuque détrempée et les cheveux collants, on se noie ensemble dans un sommeil hoquetant, on entend les pales du ventilateur au-dessus de nos têtes et on se noie, prière et sang, vie et mort, un grand mélange de silence et de bruit, on se noie dans nos corps dissous.
Nous nous réveillons la tête lourde. Le calme au-dehors est frappant. La ville dort et mange, il fait chaud, c’est la première fois que les rues sont vides. La Fata est servie. On mange le riz garni de pain séché, arrosé de sauce tomate aillée. On se partage un bol de bouillon et on se sert de la viande avec les doigts. Dans une torpeur crasse nous jouons aux cartes ,nous écoutons de la musique, buvons du café. Le temps va s’écouler lentement, mais aujourd’hui l’important est de le passer ensemble. 
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Dans la rue à nouveau, je rentre. Il fait nuit. Des carcasses. Un mouton encore tué. Durant quatre jours, nous les mangerons. Les gens sont calmes. Aïd a commencé.  
CAIRO, 12TH OF AUGUST, 4PM
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wardaproject-blog · 6 years ago
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TRAFFIC
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Dans le trafic encore, salam aleikum au bus, d’une même voix ils me renvoient la paix, une petite fille me sourit - amira - petite princesse comme tu es belle, et dans le bus tout le monde rit. La porte devant reste ouverte, un jeune garçon pendu dans les embouteillages crie sans cesse notre destination, tandis que nous entamons un savant ballet de véhicules. Il fait chaud toujours, fenêtres grandes ouvertes je sens les corps moites qui m’entourent, nos odeurs rances et épicées qui se mélangent bien que nous sommes toutes couvertes, nos corps et leurs textures sont palpables. Ils entament une sorte de transe, mous et alanguis dans les sièges défoncés, ils se laissent porter par les chaos de la route. Un garçon traverse en courant, la route sait, d’un même souffle tous ralentissent et s’adaptent, il ne risquera rien aujourd’hui, pas tant qu’il portera son sac d’écolier et son sourire d’enfant. Je fais des grimaces à un mouton sur ma droite, confortablement installé dans le siège d’un minibus il me regarde. Il me nargue de sa hauteur, ses yeux fendus comme un serpent et sa laine grasse et entremêlée. Sais-tu, mon ami, que cette place de chef tu la dois à ta gorge offerte pour Allah? Bientôt c’est l’Aïd, aujourd’hui les moutons sont rois dans les rues, jour et nuit on se relaie pour les garder, les nourrir, en prendre soin et samedi on leur fera la fête, les ventres vides de la journée de jeûne, parmi la famille et la prière, dans un grand élan commun nous mangerons les moutons. 
Devant moi maintenant, au milieu de cette foule de monde qui traverse, voitures et humains mélangés sur cette grande artère cabossée, une scène irréelle. Un homme immense - un géant - courbé vers l’avant, penché sous le poids de son âge, il tient dans chaque main un sac en plastique, ses coudes pliés et ramassés derrière lui en angle droit forment une structure étrange dans ce corps bossu. Son front est mouillé, il brille au soleil et ses yeux grands ouverts roulent d’un côté et de l’autre, à l’affut, il marmonne entre ses lèvres des mots qui se perdent dans la nuée. Il ressemble à ces vaches que l’on a trop attelé, au corps brisé par le travail, affolées on peut voir le blanc de leurs yeux et la salive épaisse débordant de leur bouche - des vaches folles! - on sait qu’elles ne tiennent plus, qu’elles sont presque mortes déjà, et pourtant elles sont là, qui continuent à tirer, et quand on les fouette on souffre de les fouetter, mais tant qu’elles tireront nous fouetterons encore, parce qu’il faut bien que quelqu’un tire et elles sont là, fortes et infaillibles. 
Derrière la vache folle, à deux pas, un homme petit et ventru, la tête renfoncée dans ses épaules et son corps rond déborde devant et derrière lui, le nez pointu vers l’avant il se dandine comme une oie, déplaçant sa masse d’un côté et de l’autre, un axe invisible le coupe en deux, l’empêche de se mouvoir comme un seul homme, un corps divisé mais tranquille, une lutte intérieure quasi inaperçue. Il est assis sur lui-même, penché légèrement en arrière, son poids posé sur la bas de son dos le cloue au sol, regarde c’est toi-même qui t’empêche d’avancer!
Puis vient la dame. Elle porte un foulard sur les cheveux mais ses habits débraillés laissent déborder ses bras fripés, la peau pend et forme des milliers de replis, on voit très bien que si on la touchait ce serait fragile comme du papier sec. Ses seins sont posés sur son ventre flasques, à peine masqué par les fleurs mortes de sa chemise, une étrange masse mélangée de glandes et de boyaux, ses lèvres enflées, trop mordues peut-être. Plus de lumière dans ce corps, il se déplace sans même le savoir, placée exactement là où il devait être derrière la vache et l’oie, liée par cette même force absurde, un collier, chaque perle enfilée formant une oeuvre d’art. Pantagruel. 
Et ce lent cortège fantastique déambule, un dernier éclat des boucles d’oreilles,  nous repartons, je suis épuisée. Il y a quelque chose de vivant dans ces corps meurtris, quelque chose de décadent dans cette vie, une force qui fait tout se mouvoir, électrique, une ville vibrante, une énergie sous le béton chaud et tous, tous, animés par une force, des millions et des millions d’âmes qui se décarcassent - se décarcassent! se démembrent, sortent d’elles-mêmes, se transforment, s’imbriquent et se déboîtent - un chantier ouvert, qui dépasse la raison, une sensation qui prend dans le fond du ventre et qui explose. La fatigue toujours plus grande et pourtant ce magma de bruit et de chaleur, parmi ces pierres, ces bêtes, ces odeurs, tout cela guettent et saisit, broie. Nous sommes broyés, et nous ne formons qu’une masse glaiseuse de corps secoués par la vie. Il y a quelque chose qui ressemble à ça. Les tréfonds. 
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CAIRO, 8TH OF AUGUST, IN THE AFTERNOON
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wardaproject-blog · 6 years ago
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INFINITE BLUE
Je suis hantée par un appartement bleu, caché dans un palais, lui-même caché par les échoppes et la saleté qui bordent son trou béant. Quand on y entre on voit le ciel, et en montant les escaliers sombres tout est si calme. Ici je parle et dehors le ciel encore se meut, mais j'écoute la paix de ces murs et je me vois avec des yeux ouverts et sereins. Parce que chaque jour encore à venir m'est inconnu, et qu'il nous traverse de part en part faisant de nous ce que nous ne sommes pas encore devenus, embrace it, qu'est ce que tu vas faire de la pluie aujourd'hui ?
Cette fois je crois que je suis arrivée. Me voilà, hena, je vais arriver mille fois encore, et à chaque fois je recommencerai une nouvelle histoire sans terminer la précédente. Je ne mourrai jamais ainsi, n'est ce pas? Te souviens tu, ma soeur, de ce conte qui parlait d'Orient ? Laisse-moi t'en conter un nouveau. Car la ville a mille visages et la vie est infinie. Je ne finirai jamais d'arriver, mais hena, ici, je me pose un moment et je vois. Que je suis une femme parmi les autres vivants et que tout est si simple. Quoi qu'il se passe c'est ce qu'il va se passer. Les choses bougent, se meuvent, elles s'amoncellent et parfois il pleut. Alors là pluie me couvre et m'englobe, je la reçois, et ce que j'en ferai m'appartient mais nous sommes tous debout sous le même ciel, et mille fois encore il fera beau, et mille autres fois encore. Et je serai là, à sentir l'eau et le vent, la poussière sur mes cheveux secs, un jour tout cela ne sera qu'un. Le temps ne nous appartient pas, il est immuable et nous ne serons toujours que de passage, nous arriverons ailleurs ou ici, continuellement en mouvement car le vent souffle, ici on le voit avec la poussière, regarde j'ai nettoyé la table ce matin et déjà quand je passe mon doigt il se teinte de gris.
Il fait frais maintenant, au bord du terrain de foot les hommes transpirent encore mais moi je suis sèche, je profite de ce répit rare et précieux, un peu d'air, autour la ville est presque tranquille, je ne vois pas d'autre lumières ici que ces lampes blanches qui écrasent leurs ombres au sol tandis qu'ils courent. Je sais que bientôt nous repartirons dans la foule, les rues chaudes du monde qui ne dort jamais, peut-être que nous mangerons du Kochari, sûrement que nous boirons du thé - cheï ma'a la'a wahda sokar laou samaht.
"Tu vois là, comme c'est absurde? Regarde ces gens qui jouent au foot, ces hommes surtout, on voit que ce ne sont pas des athlètes, ils ne sont pas très entraînés, ils courent et là au milieu il y a une fille, on voit qu'elle n'est pas cairote, ou égyptienne, ou arabe, mais elle a mis ses lunettes pour étudier. Elle écrit. Elle s'est fait son petit bureau au terrain de foot."
CAIRO, 5TH OF AUGUST, 11PM
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wardaproject-blog · 6 years ago
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GUISM
Tout est si lent, empâté dans la chair fondue, dans la sueur qui ne nous quitte pas du soir au matin. Je sens l’eau qui goutte dans mon dos dès que je me réveille. Mon sommeil est noir et profond, le temps est si lourd sur moi qu’il m’écrase dès que je ferme les yeux. Je suis abandonnée aux caprices des temps, ceux qui passent et ceux qui pèsent sur nous. Ici, je comprends pour la première fois pourquoi les gens parlent de Dieu. Tout est si dense, concentré, quelque chose qui vient de dehors et qui s’impose à nous. Je le vois, je le sens dans la démarche des gens, dans leur corps avachi lorsqu’ils boivent le café  - café à la cardamome qui, pour moi, a le goût de cette chaleur. Doux, sucré, épicé, il laisse la langue pâteuse, mais, derrière, on sent le frais, quelque chose qui pétille. Le marc s’amasse en poussière fine au fond de la tasse et c’est ainsi qu’on le boit. Il est très beau. Servi brûlant das des verres que l’on tient avec le pouce, l’index et le petit doigt. Ainsi, je me surprends à saisir le café sans me brûler. Je le bois bouillant et cela me fait du bien - Tout est chaud donc. Tout est lourd et dense. Les gens sont très calmes, et c’est un contraste saisissant que de les voir si tranquilles, car dès qu’on rentre dans une rue la vie explose, de partout sortent des animaux, des bêtes, des véhicules, et le bruit est intense, continu. Les gens crient, klaxonnent, se saluent de loin, mais dès qu’ils sortent du circuit ils flottent. Comme une tâche d’huile sur de l’eau trouble. Je me sens graisseuse moi-même, bien que je ne mange presque pas, peut-être quelques fruits dans la soirée puis mon ventre se ferme. 
La chaleur donc, les corps lourds et Allah partout qui nous écrase dans une lenteur poisseuse, le bruit et les bêtes, l’huile et le ventre vide. Et tout cela, toutes ces matières organiques qui se mélangent, c’est d’une puissance folle et tranquille. Et le temps, le temps toujours, le temps ici existe vraiment. Il est. Je le touche, je le goûte, je le respire et je m’y noie, prends-moi, s’il-te-plaît avale-moi, j’ai déjà oublié ce que je suis, ce que je fais, tâche d’huile sur l’eau trouble je flotte. Je flotte.
Je ne sens rien d’autre que mon corps dans le chaud qui transpire, comment expliquer que je n’existe pas et que je me sens si vivante? Je ne reconnais aucune des sensations qui s’imposent à moi, qui me traversent et me soumettent. Je meurs, je vis. Cet endroit n’attendait que moi pour m’avaler. J’embrasse cette ville polluée qui m’étouffe. J’aime. 
CAIRO, 4th of August, El Gahwa Café, 2pm
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wardaproject-blog · 6 years ago
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BATHROOMS
Destroyed and dirty, yet proud and valiant. How is it that bathrooms reflect my mind? 
I am falling apart, slipping in used waters and drowning through boggy earths. 
This is not bad. This is brilliant. I feel deep inside how all of this is living, thrilling,  toward changes. These are not desperate lands, these are not collapsing cities. Here is life going along with the rotted parts of ourselves, testifying that we evolve, that we move. Death, dirt, garbage and putrefaction are all here with us as part of a process.��
We are continuously moving with our aging flesh. Destroyed and dirty. Proud and valiant.
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wardaproject-blog · 6 years ago
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Umi - أمي
I have been stopped on the street by a woman who said I looked hungry and wanted me to try her dish, and then she offered me a whole meal. She speaks arabic and I English - Life is beautiful
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wardaproject-blog · 6 years ago
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Marhaban - A day to arrive
Le bruit et la poussière, le béton, la fumée et le chaud. Tout est si grand et sale, abîmé. Tout crie et rampe, râle, fourmille. Des chats, et des chiens sur le béton souillé. Tout est si vivant, en mouvement. Merveilleuse cacophonie. Ca vie, ça parle, ça le fait savoir à forte voix, au coin dans le café de cette arrière cour en chantier, de ce carrefour improbable perdu au milieu des autres carrefours improbables de la ville. Des petits fanions bleus, un drapeau rouge blanc et noir flanqué d’un aigle, des lampadaires déjà allumés dans la rougeur du début de soirée. Assis seuls, par deux, en petits groupes, on regarde les voitures passer, on renifle avec habitude leur fumet gris et lourd de plomb brûlé, on sirote un thé à la menthe avec parfois, au centre de quelques hommes couronnés d’un petit bonnet de crochet, une chicha consumant de cônes semblables à de l’argile. De vieilles tables et des chaises de plastiques rouges réparties un peu partout dans l’espace. 
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Je suis arrivée ici il y a deux heures à peine, jetée dans la cohue, en transit comme un camion. Je ne suis plus là-bas et pas encore d’ici. Tout me trahis et je baisse les yeux, je cherche à me fondre dans la masse, dans les corps, dans les étoffes. Je suis repérable entre tous, heureuse élue désignée à attirer leurs regards et j’ai honte de ne pas faire partie des leurs, sans raison. Je mesure toute la démesure, la non-mesure, de ce que je suis et de ce que je vais faire. Je ne suis rien de plus qu’une nouvelle parmi les 25 millions. un corps en plus en mouvement dans cette fourmilière. Je voudrais crier de joie et d’impatience, et pleurer de rage et de tristesse, mon corps n’es pas, je ne suis pas, nous nous sommes perdus ensemble dans un entre-deux de cette chaleur qui nous colle à la peau. Nous flottons, je flotte, dans une sorte de temps ralenti je suis incertaine du comportement à adopter: écouter l’impérieuse envie de manger ou couler dans cette torpeur étrange qui plane autour de moi. Faire comme les gens, ressembler aux autres, les imiter, lorsqu’ils se lèveront pour manger je les suivrai, indécise, et tandis que je pense à ce potentiel repas une brise se lève. Je reçois une feuille verte et épaisse dans ma tasse de thé. Elle est pleine d’une poussière crayeuse, je ne veux plus boire mon thé et maintenant j’attends. Sûrement va-t-il se passer quelque chose qui me fera sortir de ma mollesse. 
Et voilà que je ris. Maintenant on me regarde en coin sur toute la terrasse, je rigole bien toute seule et je crois que pour la première fois je vais apprécier ma compagnie. On va être bonne copine elle et moi ces prochains temps. Bienvenue au Caire
(Appel à la prière #1 résonne)
CAIRO, 31.07, 6.30 pm
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