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alexandrebleus · 1 month
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L’implacable Réel ! (Alexandre Bleus)
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Chers amis,
Dans la topologie élaborée par Jacques Lacan, nous vîmes que le Réel ne saurait être appréhendé isolément mais plutôt qu’ il s’inscrit dans une relation dialectique avec les deux autres registres de l’expérience humaine : le Symbolique et l’Imaginaire. Ces trois ordres, inextricablement liés, constituent la structure même de la subjectivité et déterminent les modalités d’interaction du sujet avec le monde et avec lui-même.
Pour faire bref, on peut dire que le Symbolique, pour Lacan, est le domaine du langage, de la loi, de la culture. Il est l’ordre de la signification, là où les mots et les symboles organisent notre expérience et lui donnent un sens. C’est par l’entrée dans le langage que l’enfant accède à la dimension symbolique et devient sujet. Le Symbolique est aussi l’ordre de l’interdit, de la castration, qui limite le désir et le soumet à la loi du père.
L’Imaginaire, quant à lui, est le domaine de l’image, de la représentation, de l’identification. C’est l’ordre du moi, où le sujet se construit une image de lui-même à travers le regard de l’autre. L’Imaginaire est aussi l’ordre du fantasme où le sujet tente de combler le manque et de retrouver une unité perdue.
Face à ces deux ordres, le Réel se présente comme ce qui résiste à la symbolisation et à l’imaginaire. Il est l’impossible à dire, l’irreprésentable, l’irréductible à toute forme de maîtrise. Le Réel est le lieu du trauma, de la perte, de la castration. Il est ce qui fait retour dans notre vie sous la forme du symptôme, de l’angoisse, de la répétition.
Ces trois ordres (Réel, Symbolique et Imaginaire, le fameux trio RSI) ne sont pas séparés mais s’interpénètrent et se conditionnent mutuellement. Le Symbolique structure l’Imaginaire et tente de maîtriser le Réel. L’Imaginaire donne une forme au Réel et cherche à le combler. Le Réel, quant à lui, fait irruption dans le Symbolique et l’Imaginaire, les déstabilisant et les mettant en crise. Cette dialectique des trois ordres est au cœur de la formation du sujet et de sa relation au monde. Le sujet est pris dans un jeu constant entre ces trois ordres, cherchant à trouver un équilibre précaire entre le désir et la loi, entre l’illusion de la maîtrise et la confrontation avec l’impossible.
Le Réel, en tant qu’impossible à symboliser et à imaginer, constitue un point de butée pour le sujet. Il est ce qui résiste à toute tentative de totalisation, de clôture, de maîtrise. Le Réel est ce qui nous rappelle notre finitude, notre incomplétude, notre contingence. Si la réalité, comme le dit Lacan, n’ est qu’ un fantasme, le Réel en est le bord irréfragable !
C’est dans cette confrontation avec le Réel que le sujet peut accéder à une véritable subjectivation. En acceptant l’impossible, en reconnaissant la limite, le sujet peut se dégager des illusions de l’Imaginaire et des aliénations du Symbolique. Il peut alors accéder à une forme de liberté, une capacité à inventer sa propre réponse face à l’incontournable réalité du Réel. Toute pathologie trouve sa genèse dans un dérangement du sujet relativement au Réel, à cette limite qui signe, en fait, la contingence de l’ existant qu’ est l’ humain. L’ humain est malade de sa finitude et le Réel, dans son inflexible logique, vient lui rappeler qu’ il n’ est qu’ un être contingent.
Le Réel, s’il est un point de butée, est aussi une source de création. C’est dans la confrontation avec l’impossible que le sujet peut inventer de nouvelles formes de symbolisation, de nouvelles modalités d’existence. Le Réel est ce qui pousse le sujet à se dépasser, à créer, à innover. Et c’est dans cette perspective que Lacan parle de la sublimation comme une manière de transformer la jouissance du Réel en une création artistique, intellectuelle, ou sociale. La sublimation est une façon de répondre au Réel, non pas en le niant ou en le fuyant, mais en le mettant au travail et en le faisant servir à une production qui enrichit le sujet et le monde. Le Réel est donc bien ici la cause efficiente de plusieurs symptômes : de la psychose causée par la forclusion, de la névrose causée par un désir irrationnel de maîtrise totale, enfin, de la sublimation menant à la création.
Il me semble que l’ humain n’ est finalement toujours malade que d’ un défaut de logique. En effet, si le Réel est la logique (au sens hégélien du terme), tout ce qui s’ en distancie (le symbolique et l’ Imaginaire) en violant ses règles implacables est d’ ores et déjà pathos.
(https://www.alexandre-bleus.org/limplacable-reel/)
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alexandrebleus · 1 month
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Si pour Lacan le Réel est la logique, ne peut-on y voir une conception hegelienne introduite dans le corpus analytique ? (Alexandre Bleus)
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Mes chers lecteurs,
Continuons nos pérégrination dans la majestueuse forêt des concepts lacaniens et allons aux sources de ses concepts afin de mieux comprendre la construction du noeud borroméen. Comprendre cette construction topologique toute particulière ne peut se faire que si l’ on s’ interroge sur la question du Réel chez Lacan ainsi que sur l’ inspiration hégelienne qui participe de celle-ci.
La question de l’influence de Hegel sur Lacan, en particulier concernant la conception du Réel comme logique, est une interrogation absolument légitime qui, selon moi, mérite d’ être posée afin de mieux appréhender les outils conceptuels qui permirent à Lacan de façonner sa théorie. En tant que lecteur attentif du corpus lacanien, je m’attacherai ici à examiner cette hypothèse, en m’appuyant sur les écrits de Lacan et de Hegel, ainsi que sur les interprétations proposées par d’autres chercheurs.
Pour commencer, il est essentiel de rappeler que le concept de “Réel” chez Lacan est complexe et polysémique. Il ne s’agit pas d’une simple réalité objective, mais plutôt d’une dimension de l’expérience humaine qui échappe à la symbolisation et à l’imaginaire. Le Réel est ce qui résiste à toute tentative de représentation, ce qui est impossible à intégrer dans le langage et dans les images. Il est l’indicible, l’insaisissable, l’impossible à nommer. Rappelons que dans ses Ecrits datés de 1966, Lacan affirme cependant que “La structure, c’est le réel.” Cette déclaration suggère que le Réel est structuré comme un langage et qu’il est donc régi par une logique propre. Il ne faut point voir ici de contradiction chez Lacan mais plutôt une subtile distinction car le Réel est conçu comme structuré, il n’ est pas affirmé qu’ il est un langage. Il est aussi affirmé que cette structure est la logique. La structure du Réel est donc logique ou est donc la logique elle-même. Lacan affirme ainsi à plusieurs reprises que le Réel est structuré comme un langage, qu’il est régi par une logique propre. Cette affirmation semble faire écho à la philosophie de Hegel, pour qui la réalité est le déploiement d’un Logos, d’une Raison universelle qui se manifeste à travers l’histoire et la pensée. Pour Hegel, la logique n’est pas seulement un outil de la pensée, mais la structure même du réel. Ainsi le philosophe affirme t’ il clairement en 1821 que “Le réel est rationnel, et le rationnel est réel.” (Principes de la philosophie du droit, § 1) Cette citation illustre la conception hégélienne de la réalité comme étant intrinsèquement logique et rationnelle.
On pourrait ainsi voir dans le Réel lacanien une sorte de Logos hégélien, une logique immanente à la réalité qui échappe à notre saisie symbolique et imaginaire. Tout comme le Logos hégélien, le Réel lacanien est ce qui structure le monde, ce qui donne sens à notre expérience. Cependant, il est important de noter que Lacan ne se contente pas de reprendre la conception hégélienne de la logique. Il va plus loin en affirmant que le Réel est une logique paradoxale, une logique qui se dérobe à notre entendement. Le Réel est une logique de l’impossible, de l’incomplétude, de la contradiction.
Cette dimension paradoxale du Réel est absente de la philosophie de Hegel. Pour Hegel, la logique est certes complexe, mais elle est toujours rationnelle et compréhensible. Elle est le déploiement d’une Raison universelle qui se manifeste dans le monde. Ainsi, si l’on peut voir dans le Réel lacanien une certaine filiation avec la logique hégélienne, il faut également souligner les différences importantes qui les séparent. Le Réel lacanien est plus qu’une simple logique, il est une logique paradoxale qui échappe à notre compréhension. Il le dit lui-même dans son deuxième Séminaire : “Le réel, c’est l’impossible.”
Il est nécessaire de souligner que Lacan introduit la dimension de la jouissance dans sa conception du Réel. La jouissance est cet excès qui échappe à la symbolisation, cet impossible à dire qui pourtant se fait sentir dans le corps et dans la parole. Cette dimension de la jouissance est absente de la philosophie hégélienne, qui se concentre sur la raison et la logique. Voilà une seconde distinction entre les deux penseurs.
La conception lacanienne du Réel comme logique est bien influencée par la philosophie de Hegel à ceci près (et ce n’ est pas rien) que Lacan va plus loin que Hegel en affirmant que le Réel est une logique paradoxale soit une logique de l’impossible. De plus, comme nous l’ avons vu, Lacan introduit la dimension de la jouissance dans sa conception du Réel, une dimension absente de la philosophie hégélienne. Mais, au fait, pourquoi Lacan introduit-il la Jouissance comme partie essentielle de son Réel ? Ne faut-il point y voir une volonté de décrire un symptôme dont la cause efficiente serait de l’ ordre de l’ indicible ? Le Réel serait donc une faille au sein de la réalité mais une faille symptomatique.
(https://www.alexandre-bleus.org/si-pour-lacan-le-reel-est-la-logique-ne-peut-on-y-voir-une-conception-hegelienne-introduite-dans-le-corpus-analytique/)
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alexandrebleus · 2 months
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Qu’est-ce que le Réel chez Lacan ? (Alexandre Bleus)
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Poser la question du Réel chez Lacan, c’est mettre en lumière, me semble-t-il, un concept central de la pensée de ce grand maître qui n’est jamais loin de Kant et de Hegel. C’est que le réel lacanien est une notion complexe et polysémique qui a évolué tout au long de son enseignement. Il ne s’agit pas d’une réalité objective, tangible, mais plutôt d’un concept limite, d’un impossible à saisir, d’un manque inhérent à la structure même du sujet et du langage. On voit là la marque laissée par les concepts kantiens de noumène et de phénomène.
Dans mes premières explorations de la pensée lacanienne, j’ai été frappé par l’ambiguïté de ce terme. Lacan lui-même le qualifie d’”impossible à dire”, “d’impossible à supporter”. Il s’agit d’un concept qui échappe à toute tentative de définition précise, qui résiste à la symbolisation et à l’imaginaire. Le Réel n’est pas ce qui est, mais ce qui n’est pas, ce qui fait défaut, ce qui manque, ce qui n’est toujours que de nous échapper et, paradoxalement, ce qui reviendra sans cesse à la même place dès lors que l’on tentera de l’éviter.
Pourtant, ce Réel lacanien n’est pas un simple vide, une absence : il s’agit d’une présence insistante, d’une sorte de force pulsionnelle qui se manifeste dans les failles du symbolique et de l’imaginaire. Il est ce qui perturbe, ce qui dérange, ce qui fait trou dans l’ordre du langage et de la représentation. Il est la rencontre avec l’impossible, l’irruption de l’imprévu, l’expérience de la contingence. Notons également que le Réel de Lacan est intimement lié à la notion de trauma. Il est ce qui ne peut être intégré dans l’ordre symbolique, ce qui reste en dehors du langage, ce qui ne peut être dit ni représenté. Le trauma est une rencontre avec le Réel, une expérience de l’impossible qui laisse une trace indélébile dans le sujet. Le choc traumatique est une sorte de “black out”, un “sans image” si j’ose dire.
Le Réel est également lié à la jouissance. Il est ce qui échappe à la prise du symbolique, ce qui ne peut être réduit à la signification. La jouissance est une expérience de l’excès, de la démesure, qui dépasse les limites du langage et de la représentation. Elle est une rencontre avec le Réel, une expérience de l’impossible qui procure une satisfaction intense mais éphémère ! Le Réel, enfin, est lié à la question du sujet. Il est ce qui résiste à l’identification, ce qui ne peut être assimilé à l’image du moi. Le sujet est divisé par le Réel, il est marqué par un manque fondamental qui le pousse à chercher une complétude impossible. Le Réel est la source du désir, il est ce qui pousse le sujet à aller au-delà de lui-même, à chercher ce qui lui manque. La lecture attentive et lente des œuvres de Lacan nous fait petit à petit comprendre que le Réel n’est pas une entité extérieure au sujet, mais une dimension constitutive de son être. Il est ce qui fait de chaque sujet un être singulier, unique, irréductible à toute catégorie ou définition. Le Réel est ce qui donne à chaque existence son caractère contingent, imprévisible, ouvert à l’inattendu.
Permettez-moi dès lors de comparer le Réel lacanien à une sorte de trou topologique comparable au signifiant insignifiable qu’est le Nom du Père. Insignifiable et irreprésentable mais source et cause de toute la structure et de sa cohésion.
(https://www.alexandre-bleus.org/quest-ce-que-le-reel-chez-lacan/)
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alexandrebleus · 2 months
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L’articulation du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire chez Lacan : prélude à la topologie du noeud borroméen. (Alexandre Bleus)
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Continuons, chers lecteurs, si vous le voulez bien, notre périple au pays de la topologie lacanienne et, après avoir abordé deux figures centrales au sein de nos précédents articles, penchons nous un instant sur la structure qui est aussi et d’ abord le symbolique, le réel et l’ imaginaire. 
Dans son exposé fondateur de 1953, “Le symbolique, l’imaginaire, le réel”, Lacan introduit la triade RSI comme cadre conceptuel pour appréhender la réalité humaine. RSI désigne trois registres distincts mais interdépendants qui structurent notre expérience du monde et de nous-mêmes. Sans compréhension profonde de ces trois concepts opératifs, on ne peut saisir correctement la pensée du maître.
Le Réel (R) représente l’insaisissable, l’impossible à symboliser, ce qui se situe hors du champ du langage et de la représentation. Il est souvent décrit comme “l’inconscient réel”, la dimension brute et chaotique de l’existence. Chez Hegel comme chez Lacan, il est irreprésentable car il est la logique. C’ est à dire la trame invisible, pour ainsi dire nouménale, qui organise la réalité.
Le Symbolique (S) est l’ordre structuré par le langage et les conventions sociales. Il englobe les systèmes de signification, les lois et les codes qui régissent notre communication et notre interaction avec le monde. Il est le champs du langage qui a définitivement altéré le rapport naturel de l’ humain au monde.
L’Imaginaire (I) est le domaine de la perception, de l’illusion et de la formation de l’identité. Il se caractérise par la relation duelle entre le sujet et l’Autre, et par la constitution d’une image de soi souvent idéalisée. Il est le lieu du fantasme car il est d’ abord le lieu des représentations.
Lacan va utiliser l’image d’un nœud borroméen pour illustrer l’articulation entre ces trois registres. Les trois anneaux du nœud sont entrelacés de manière telle que si l’on coupe l’un d’entre eux, les deux autres se détachent également. Cette métaphore met en lumière l’interdépendance fondamentale des trois dimensions : la structure de l’expérience humaine repose sur l’intrication du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. On notera que l’articulation entre ces registres est complexe et mouvante. Le sujet navigue constamment entre eux, et ce,en fonction de ses expériences et de ses interactions avec le monde. Il est important de noter que cette articulation n’est jamais harmonieuse : il y a toujours une tension, une faille entre les registres, ce qui peut générer des conflits psychiques et des symptômes. D’ ailleurs, la cure analytique vise à dénouer cette articulation pathologique et à permettre au sujet de reconstruire un rapport plus harmonieux au Réel, au Symbolique et à l’Imaginaire. Il s’agit d’un processus long et complexe qui implique de travailler sur les différentes dimensions de l’expérience du sujet en tenant compte de son histoire personnelle et de ses structures inconscientes.
L’introduction de la triade RSI par Lacan a, non pas révolutionné la théorie et la pratique psychanalytiques, mais plutôt porté les travaux relatifs à la seconde topique freudienne vers un nouvel accomplissement en les rendant visibles dans l’ ordre très spinozien de la géométrie. Elle a permis de conceptualiser de manière plus précise la complexité de l’expérience humaine et d’offrir un cadre pour comprendre les processus psychiques inconscients. Cependant, il est important de souligner que la conception de RSI a évolué au fil du temps dans l’œuvre de Lacan. Il n’a jamais cessé de revisiter et d’approfondir cette notion, en explorant ses différentes facettes et ses implications cliniques.
Ainsi, avant d’ aborder en profondeur la topologie borroméenne, permettez moi de revenir encore sur cette délicate articulation entre le Réel, le Symbolique et l’ Imaginaire. 
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alexandrebleus · 5 months
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Le tore est un dérivé de la sphère et ce n’est pas par hasard ! (Alexandre Bleus)
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Après avoir quelque peu parlé voici plus d’une semaine du sujet-tore lacanien, interrogeons-nous sur les transformations topologiques que la sphère connaît afin de devenir un tore. Cette exploration nous permettra de saisir les implications géométriques de ce concept psychanalytique fondamental et d’apprécier la complexité inhérente à la structuration du psychisme au sein de la pensée lacanienne.
Une sphère est tridimensionnelle et est une surface familière et intuitive se présentant comme un objet clos et sans bord où chaque point est à égale distance du centre. En topologie, elle est définie comme une surface homéomorphe à une boule pleine c’est-à-dire qu’elle peut être déformée en continu en une boule sans déchirure ni collage. Le tore, en revanche, se caractérise par une structure plus complexe. Il s’agit d’une surface obtenue en identifiant deux points opposés du bord d’un rectangle. Cette identification crée un « trou » central, donnant au tore son aspect caractéristique de beignet.
Maintenant, afin de comprendre la transformation de la sphère en tore, il faut imaginer le rectangle comme un « patron » à partir duquel la sphère sera façonnée. En identifiant les deux points opposés du bord du rectangle, on crée un « tunnel » qui traverse la sphère, reliant deux points initialement distincts. Ce tunnel devient le trou central du tore. Cette identification topologique implique une modification fondamentale de la structure de la surface. La sphère, initialement sans bord, se dote d’un bord unique et fermé. Le tore, par conséquent, ne peut être déformé en continu en une sphère sans déchirure ou collage ! Voilà qui va nécessairement nous inciter à croire que d’ un côté nous aurions la représentation toute particulière d’ un sujet non analytique du côté de la sphère et celle d’ un sujet du langage du côté du tore ! On aura bien compris que le tore manifeste la perte de l’ objet a qui marque l’ entrée du sujet dans le monde, c’est à dire dans le langage.
La transformation de la sphère en tore met en lumière des propriétés géométriques importantes. Le tore possède une dimension de surface de 2, comme la sphère, mais il n’est pas orientable. Cela signifie qu’il n’est pas possible de définir une direction « vers l’extérieur » et une direction « vers l’intérieur » de manière cohérente pour toute la surface. Cette non-orientabilité du tore présente des analogies frappantes avec la structure du psychisme humain, telle que décrite par Lacan. Le tore lacanien, symbole de l’inconscient, est également non-orientable, reflétant la complexité et l’ambivalence des processus inconscients. Voilà une clef pertinente de lecture de cette géométrisation de l’ esprit puisque c’ est bien à cette oeuvre que Lacan procède dans les pas de Freud et de Spinoza.
En effet, Cette affirmation mérite une exploration plus approfondie afin de saisir pleinement les implications de la non-orientabilité du tore dans la représentation de l’inconscient.
La non-orientabilité du tore constitue un élément clé de sa puissance métaphorique car, bien entendu, cette propriété géométrique reflète parfaitement les caractéristiques fondamentales de l’inconscient tel que décrit par Lacan. L’inconscient étant un « lieu de vérité » où les signifiants ne sont pas ordonnés de manière linéaire, mais plutôt liés entre eux par des associations libres et parfois contradictoires, cette absence de structure orientable traduit la complexité et l’ambivalence des processus inconscients où les désirs et les représentations se mêlent et se confondent dans un enchevêtrement inextricable dicté exclusivement par les lois métaphoriques et métonymiques.
La non-orientabilité du tore signifie qu’il n’est pas possible de définir une « face » et un « revers » de manière cohérente pour toute la surface. Cette absence de distinction symbolise la nature insaisissable de l’inconscient, qui échappe aux catégories binaires du conscient et se présente comme un « entre-deux » énigmatique. L’inconscient lacanien n’est ni intérieur ni extérieur à l’individu, ni positif ni négatif. Il se situe dans une zone grise, un espace paradoxal où les contraires se confondent et où les vérités se cachent derrière des illusions. Il n’ est donc pas possible d’ y distinguer de manière dichotomique en harmonie avec la rigueur des syllogismes aristotéliciens. Et c’ est alors que l’ on comprend que c’ est en choisissant le tore comme métaphore de l’inconscient que Lacan met en lumière la complexité et l’ambivalence inhérentes à la structure psychique humaine. Le tore, avec sa non-orientabilité et son absence de structure linéaire, représente parfaitement l’inconscient comme un lieu de contradictions, de désirs refoulés et de conflits internes.
Mais alors, que serait un sujet dont la représentation serait celle d’ une sphère ? serait-ce un sujet ? Voilà la question que nous ne manquerons pas de nous poser dans notre prochain article…
(https://www.alexandre-bleus.org/le-tore-est-un-derive-de-la-sphere-et-ce-nest-pas-par-hasard/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 5 months
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Le sujet lacanien et sa forme topologique : le tore. (Alexandre Bleus)
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Continuons donc, chers lecteurs, notre petit cheminement au cœur de la topologie lacanienne. Je vous parlais, la semaine passée, du ruban de Moebius dont le bord est homéomorphe à un cercle et dont le paradoxe de la face unique qui, optiquement se laisse voir comme deux faces, symbolise les rapports entre l’ Inconscient et le conscient.
Dans son séminaire « L’identification » qui couvrait les années 1961 et 1962, Jacques Lacan utilisa, pour la première fois, la topologie du tore pour conceptualiser le sujet et son rapport à l’Autre et à la pulsion. Le tore, surface fermée en forme de beignet, nous offre ici une représentation abstraite et géométrique du psychisme humain. Très intéressant car le tore du sujet se caractérise par deux éléments clés : d’ une part, un trou central qui symbolise le manque, la castration, qui, bien sûr, est au cœur du désir inconscient car le sujet est en quête d’une complétude impossible, cherchant à combler ce manque par l’objet a, objet symbolique qui représente la satisfaction pulsionnelle. D’ autre part, la surface du tore représente le champ de la conscience et du Moi. Le sujet se construit et se structure sur cette surface, en s’identifiant aux signifiants qui le constituent. La surface représente bien le discours du Sujet de l’ Inconscient.
Notons que l’ objet a est un concept central dans la psychanalyse lacanienne. Il désigne l’objet du désir inconscient, objet qui est toujours Autre et inaccessible. Le sujet est en quête de cet objet, mais sa recherche conduit à un échec permanent et sans cesse répété car l’objet a n’ a laissé que la trace de sa perte originaire. La relation entre le sujet et l’objet a été représentée par la spirale qui se déroule sur la surface du tore. Cette spirale symbolise la métonymie du désir, qui se déplace constamment d’un objet à l’autre, à la recherche d’une satisfaction impossible.
Il me semble évident que la représentation torique du Sujet est excellente en ce sens qu’ elle souligne la finitude du Sujet confronté à la contingence que je me permets de définir comme la conscience de l’ infini qui sépare l’ Etre de langage de la totalité du monde dans lequel il se pose. Et cet infini est à la fois du côté de la surface convexe du tore que, paradoxalement, de sa surface concave. Oui, c’ est bien l’ infini qui nous sépare spatialement du monde, allusion discrète à la phrase pascalienne qui suggère que le silence (et la distance) des espaces infinis effraient. Quant à l’ infini relatif à la surface concave du tore, il est celui de l’ irréfragable perte de l’ objet petit a, de la fusion originaire, soit de ce qui pourrait faire de nous quelque chose de complet. Le tore manifeste dès lors une incomplétude fondamentale, celle de l’ être contingent au sens où Aristote l’ entendait.
Contingence matérielle en ceci que nous sommes une portion du cosmos, contingence formelle au sens ou nous sommes limités en terme volumique, contingence finale au sens où nous mourrons et, enfin, contingence efficiente au sens où nous sommes causés. Être « causé » est d’ ailleurs un terme très intéressant pour un être de langage ! Je fais bien sûr allusion aux quatre causes aristotéliciennes qui soulignent présentement les limites du sujet parlant.
(https://www.alexandre-bleus.org/le-sujet-lacanien-et-sa-forme-topologique-le-tore/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 6 months
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Poursuite de nos petites réflexions au sujet de la topologie lacanienne. (Alexandre Bleus)
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Chez notre penseur, il semble évident qu’ une volonté toujours plus accrue d’ abstraction se laisse à voir spécialement depuis le discours de Rome où une référence à la figure géométrique tridimensionnelle du tore est à relever. Après avoir élaboré les mathèmes qui sont, à mon sens, les premières figures abstractives desquelles la topologie sortira, Lacan déclare, en 1965, au sein de son Séminaire numéro XII, que nul n’ y entre « s’ il n’ est topologiste » ! Allusion à la célèbre inscription hellène et touche platonico-pythagoriste s’ il en est. Cette évolution de la pensée du grand maître finit par atteindre sa plénitude dans « L’ Etourdit » en 1972 : là se trouve récapitulée la première forme de topologie lacanienne.
D’ ailleurs, le simple titre « L’ Etourdit » est déjà une allusion signifiante à l’ idée selon laquelle tout peut être dit dans le détour d’ un tore et de ses déformations qualitatives : propre de la topologie. Je note également que si Lacan choisit le tore comme lieu d’ abstraction d’ un « dit » ( L’ E-Tore-Dit), c’ est parce qu’ il estime que les représentations bidimensionnelles ne suffisent pas à abstraire correctement la complexité du dire analytique. Ainsi ajoute t’ il une dimension supplémentaire visant à mieux figurer l’ abstraction. Qu’ on se le dise, la pensée de Lacan est trine.
Pour Lacan, le recours à la topologie permet de penser le champ de l’ inconscient au delà de la logique purement binaire du in/out. Les déformations continues des figures tridimensionnelles suggèrent une logique plus complexe qui est justement celle des signifiants s’entrelaçant dans l’ esprit humain et dont les formations de l’ Inconscient sont les attestations formelles. Freud aborde ce thème avec la plus grande profondeur dans sa « Psychopathologie de la vie quotidienne. » Lacan est bien là, de nouveau, un lecteur fidèle de Freud. La topologie permet aussi à Lacan de figurer les liens qui unissent les dimensions du Réel, de l’ Imaginaire et du Symbolique.
Ainsi émerge, en 1962, le ruban de Möbius dans le Séminaire sur « L’ Identification ». Figure remarquable qui, dans un espace possédant trois dimensions est une surface ne possédant qu’ une seule face et un seul bord. Ici, la subversion de l’ inconscient ainsi que son lien tout particulier au conscient sont parfaitement figurés par cet être géométrique dont l’ envers est l’ endroit coprésent. Figure également dont le dehors est le dedans ! Ceci permet de penser l’ être de langage comme sujet de l’ Inconscient.
Cet acte conceptuel que pose Lacan en faisant usage de la topologie est une postulation qui s’ inscrit dans une volonté abstractive visant à figurer l’ esprit humain de manière objective et par-delà le discours. Nous en avons déjà parlé dans nos précédents articles. Si l’ on prend un certain recul historique et que l’ on contemple la marche de la pensée à travers les siècles, on peut postuler que Lacan reste appuyé sur la pensée cartésienne qui dans son « Traité des passions » introduit la mécanisation et la description causaliste de l’ esprit humain. La topologie, telle que l’ utilise Lacan, est une tentative de cartésianisation de l’ Inconscient freudien que Lacan ramène au sein de la structure. Ainsi, derrière les aspects baroques du personnage Lacan se trouve une volonté absolue de systématisation scientifique de la psychanalyse.
(https://www.alexandre-bleus.org/poursuite-de-nos-petites-reflexions-au-sujet-de-la-topologie-lacanienne/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 6 months
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La topologie lacanienne est-elle une métaphore totalisante ? (Alexandre Bleus)
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Que Jacques Lacan, dans sa volonté permanente de revenir sans cesse à Freud, ait voulu représenter de la manière la plus claire et minimale la deuxième topique freudienne et la sublimer de manière structurale en lui donnant les allures du langage universel des mathématiques est, pour moi, une évidence.
La topologie lacanienne est le fruit d’une volonté de transcender le langage, c’est-à-dire les signifiants, en représentant géométriquement la deuxième topique qui, elle même, fut dépassée par le trio RSI.
On notera au passage que la deuxième topique de Freud représente le système psychique d’un individu alors que le trio RSI qui Subsume la deuxième topique ne représente plus un système psychique mais la totalité de ce qui existe. Le sujet est donc complètement volatilisé structurellement par la représentation lacanienne de celui-ci. De même que le sujet est soumis à l’inconscient chez Freud, de même, le sujet n’est plus qu’une production du trio RSI chez Lacan. Du moins telle est mon interprétation.
Ainsi Jacques Lacan rejoint son ami le philosophe Spinoza en voulant tout réinterpréter de manière géométrique. Et s’il n’existe pas de métalangage, il existe au moins ce langage universel des mathématiques qui peut être compris par toutes les langues particulières apparues au cours de l’histoire. Ainsi représenter ultimement tout son système par la voie de la topologie constitue l’acte ultime de création et de synthèse destinée au futur psychanalyste. Tel fut le voeux de Jacques Lacan : transmettre avant de disparaître, transmettre avant la dissolution.
La géométrie est une discipline des mathématiques et par conséquent c’est bien sur les mathématiques considérées comme métaphores qu’il faut désormais interroger lorsque l’on veut mieux comprendre la raison pour laquelle Jacques Lacan s’est servi d’ elles. Je crois pouvoir penser que les mathématiques sont la métaphore du désir. Ce désir est celui de l’objet petit a. C’est donc à jamais un désir échoué car un désir d’absolu toujours répété pour être toujours inassouvi. Les mathématiques laissent à croire qu’elles peuvent totaliser le réel, ce que des épistémologues ont démontré comme étant faux, mais cependant elle s’emploient à le faire envers et contre tout. Elles représentent donc le fantasme de l’unité bienheureuse qui se récapitule en elle-même tout en se calculant. Si elle peuvent être la métaphore d’un désir d’absolu, dès lors l’emploi de la topologie relève d’une volonté totalisante chez Lacan malgré son dire de l’objet petit a. Il s’agit donc d’un fantasme d’absolu qui n’est pas dupe de lui-même.
Ajoutons dès lors que la métaphore totalisante de la topologie lacanienne est un système, une systématique de l’absolu au sens du philosophe Hegel, A ceci près que celui-ci n’ignore pas l’impossibilité de capter l’objet petit a qui, lui, est du côté du Réel. Il y aura donc toujours quelque part une faille, une béance, un trou dont les bords seront structurants pour l’ensemble du système. Tout est donc bâti sur un manque, un vide, un bord.
(https://www.alexandre-bleus.org/la-topologie-lacanienne-est-elle-une-metaphore-totalisante/)
Alexandre Bleus.
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alexandrebleus · 7 months
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Entre Savoir, Jouissance et Écriture dans la structure ! (Alexandre Bleus)
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Continuant à explorer le champ des concepts clefs de Lacan, je voudrais aujourd’hui aborder brièvement avec vous une réflexion profonde sur la nature de l’inconscient, ce lieu qui, comme un réservoir de savoir sans qu’un sujet en soit directement conscient, sait sans le savoir. Cet étrange paradoxe où le savoir existe indépendamment de la conscience de celui qui le détient nous invite à repenser la relation entre le sujet et son inconscient. Lacan, avec sa perspicacité habituelle, propose une inversion intrigante : au lieu de considérer l’inconscient comme simplement un lieu de savoir caché, il le conçoit comme un espace où le savoir se manifeste en dehors de la conscience du sujet, un « savoir sans sujet ». Il semble clair que Lacan inaugure ici un changement de paradigme faisant de l’ Inconscient une structure.
Cette idée nous emmène au cœur du transfert, où le concept de « sujet supposé savoir » prend toute son ampleur. Le transfert se définit par cette attribution d’un savoir au psychanalyste par le patient, mais ce qui fascine ici, c’est la déconstruction de cette supposition : l’inconscient lui-même devient un agent actif, détenteur d’un savoir qui lui est propre, indépendamment du sujet conscient. La question du sujet de cet inconscient devient alors centrale, car si le savoir existe, à qui ou à quoi appartient-il réellement si le sujet conscient en est ignorant ? Lacan joue avec cette idée en introduisant la notion que ce savoir inconscient agit sur la jouissance corporelle, un concept fondamental pour comprendre les mécanismes de désir et de manque qui animent le psychisme humain. L’objet petit a, cette cause du désir toujours insaisissable, émerge comme un effet direct de cette dynamique, marquant profondément notre discours et nos symptômes. Ceux-ci, en tant qu’ »événements de corps » singuliers, témoignent de la manière dont l’inconscient imprègne notre être le plus intime. Ainsi la chair se définit comme le corps écrit par des signifiants et sa lecture peut faire effet de guérison.
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La proposition audacieuse de Lacan, « je parle avec mon corps », soulève la question cruciale de l’articulation entre le sujet en quête d’existence et de vérité, et l’inconscient. Ce dialogue complexe entre manque et jouissance se révèle être au cœur de notre rapport au monde où le corps devient le théâtre d’une lutte incessante pour donner sens à ce qui nous échappe fondamentalement. Lacan nous guide vers une compréhension où le savoir inconscient n’est pas neutre car, en effet, celui-ci il engendre une jouissance spécifique mais se heurte à l’impossibilité du rapport sexuel, une limite intrinsèque à la condition humaine au sens logique du terme. Cet axiome lacanien selon lequel « il n’y a que de l’Un », résonne comme le constat d’une solitude fondamentale du sujet, condamné à une jouissance solipsiste, qui définit en partie la tragédie du sexuel.
La répétition et le symptôme sont alors vus comme des tentatives de circonscrire cette jouissance de l’Un, dans un effort d’écriture qui défie les limites du symbolique. Lacan érige l’écriture et la lettre en principes fondamentaux pour naviguer dans cet espace où le réel et le symbolique se rencontrent et se confrontent. Son séminaire « D’un discours qui ne serait pas du semblant » pose les jalons d’une réflexion sur le pouvoir de l’écrit, non pas comme simple transcription du parlé, mais comme acte qui engage le réel. Cette perspective ouvre un champ de réflexion immense sur la manière dont nous comprenons et interagissons avec notre inconscient, dans une tentative sans cesse répétée de saisir l’insaisissable et d’écrire l’inécrivable. Ainsi, je pense que le concept de Jouissance chez Lacan est un complément conceptuel permettant d’ éclairer encore mieux la notion de contingence.
(https://www.alexandre-bleus.org/entre-savoir-jouissance-et-ecriture-dans-la-structure/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Le « Nom du Père » est le pilier fondamental de tout l’édifice structurel lacanien. (Alexandre Bleus)
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Poursuivant ma petite et courte analyse de quelques concepts clés de la théorie de Jacques Lacan, il est évident que l’ on ne peut passer à coté du concept fondamental du « Nom du Père ». Cette notion ne fait absolument pas référence au père biologique mais bien plutôt à la structure. Et quelle structure ? Celle du langage qui est la seule réalité qui émerge de la logique qui, elle, est du côté du Réel. Cette référence se caractérise comme étant le principe organisateur qui agrège les signifiant au coeur de l’ automaton. L’ automaton étant l’ ensemble des signifiants qui tournent dans le « disque » du Symbolique (si j’ ose cette métaphore quelque peu audacieuse !).
Le Nom-du-Père désigne une fonction symbolique qui représente l’interdit et la loi. Cette fonction peut aisément ne pas être incarnée par le père biologique mais bien aussi par des institutions ou des concepts ou, bien entendu, par le langage bien structuré lui-même grâce à quoi ? mais grâce au principe du « Nom du Père », bien sûr ! Le « Nom du Père » est structurel chez Lacan car, dans la pensée lacanienne, la structure l’ emporte haut la main sur la nature qui n’ en est que la conséquence logique. On retrouve la quelques concepts dérivés immédiatement de la pensée de Hegel et l’ on peut même ajouter que Lacan est plus du côté de Platon que d’ Aristote malgré les nombreuses références qu’ il fait de celui-ci dans ses nombreux écrits et Séminaires.
On peut comprendre que l’ interdit (qui n’ est autre que la conséquence négative de la loi) est un inter-dit en ce sens que la loi est écrite et que l’ écrit est le dépôt du langage.
Le Nom-du-Père est donc le signifiant indicible et organisateur qui permet l’entrée dans l’ordre symbolique, cet univers régi par le langage et les conventions sociales. C’est par l’interdit et la loi que le sujet du langage apprend à différer ses désirs et à entrer en lien social avec les autres êtres de langage.
Le complexe d’Œdipe, étape cruciale du développement psychosexuel, constitue un moment charnière dans l’intériorisation du Nom-du-Père. En confrontant l’enfant à l’interdit de l’inceste et à la rivalité avec le père, ce complexe lui permet de renoncer à la satisfaction immédiate de ses désirs et de se situer dans la lignée du dire généalogique et social. Mais, à titre personnel, je pense que le complexe d’ Oedipe n’ est que l’ effet de l’ intériorisation du Nom du Père et, plus précisément encore, n’ est que la concrétion orchestrée par le Nom du Père lui-même lorsque celui-ci est mis en contact avec l’ automaton. On peut comparer ce principe organisateur à de la glace qui s’ agrégerait autour d’ un bâton plongé dans de l’ eau se refroidissant progressivement sous la température de zéro degré centigrade. Plongez le signifiant indicible (mais possédant bien un signifié) dans le champ des signifiants et vous organiserez le langage de manière signifiante ! On saisit mieux maintenant la raison pour laquelle la forclusion du Nom du Père est cause de la psychose. Nous éclairerons quelque peu le concept de forclusion dans un futur article.
Le Nom-du-Père doit donc être associé à la notion de castration symbolique qui représente l’abandon de la jouissance pulsionnelle et l’acceptation des limites imposées par l’ordre dur Surmoi.
Références bibliographiques
Lacan, J. (1953). Le Séminaire, Livre I : Les écrits techniques de Freud. Paris: Seuil. Lacan, J. (1957–1958). Le Séminaire, Livre V : Les formations de l’inconscient. Paris: Seuil.
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Avant d’aborder la topologie chez Lacan, définissons les termes de manière correcte ! (Alexandre Bleus)
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Avant de nous aventurer dans les méandres de la topologie lacanienne, il me semble crucial de clarifier la notion même de topologie en mathématiques. C’est en effet en appréhendant ses fondements et ses concepts clés que nous pourrons saisir pleinement sa pertinence dans le champ de la psychanalyse. Les étudiants qui se consacrent à la lecture des textes topologiques de Lacan devraient tout d’ abord approfondir leurs connaissances en mathématiques afin d’ éviter les nombreuses aberrations que l’ on rencontre trop souvent dans les textes de « topologie » des disciples de Lacan.
Commençons donc par définir les termes. Nous en isolerons trois : topologie, espace topologique et notion locale de voisinage.
La topologie se définit comme une branche de la géométrie qui s’intéresse aux propriétés intrinsèques des objets géométriques, celles qui demeurent inchangées lors de déformations continues sans déchirure ni recollement. En d’autres termes, elle étudie les caractéristiques topologiques qui subsistent lorsqu’on étire, tord ou compresse un objet sans le briser.
Un espace topologique se définit comme un ensemble muni d’une structure permettant de caractériser la notion de voisinage pour chaque point. Cette structure peut découler d’une distance préexistante entre les points, définissant ainsi un espace métrique. La droite réelle, le plan et l’espace tridimensionnel en sont des exemples, tout comme leurs sous-ensembles tels que le cercle, la sphère ou le tore. Vous vous souvenez certainement que, dans un espace euclidien, une seule droite passe par deux points, un seul plan par trois points et que, par quatre points n’ appartenant pas à un même plan, les volumes peuvent se construire.
La notion locale de voisinage peut être supplantée dans un espace topologique par la notion globale d’ouvert, caractérisant un ensemble contenant tous ses points adjacents. L’ensemble des ouverts constitue la topologie de l’espace.
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Il faut aussi noter que la topologie générale pose les bases et les outils fondamentaux de l’étude des espaces topologiques. La topologie algébrique s’attache à associer à chaque espace des invariants algébriques, tels que des nombres, des groupes ou des anneaux, permettant de les différencier. Cette approche trouve une application particulière dans la théorie des nœuds que Lacan affectionnait tant. La topologie différentielle, quant à elle, se focalise sur l’étude des variétés différentielles où chaque point possède un voisinage homéomorphe à une boule de dimension finie. Mais qu’ est-ce à dire exactement ? Eclairons cette dernière phrase.
Imaginez que vous ayez une boule en plastique. Vous pouvez la déformer, l’étirer, la compresser, la tordre, mais sans la déchirer ni la coller. La topologie différentielle s’intéresse aux propriétés de formes géométriques qui, comme cette boule, peuvent être déformées continûment les unes en les autres. Donc on comprend que les formes étudiées par la topologie différentielle s’appellent des variétés différentielles. Elles sont comme des surfaces lisses et courbes sans angles ni plis. Prenez, par exemple, la surface d’une sphère ou d’un ballon de rugby.
L’idée centrale de voisinage homéomorphe repose sur la comparaison des formes en les déformant les unes en les autres. Imaginez que vous ayez une sphère et un cube. Vous pouvez déformer la sphère pour obtenir un cube en étirant et en aplatissant certaines parties ! On dit que la sphère et le cube sont homéomorphes car ils peuvent être transformés l’un en l’autre sans déchirure ni recollement. La phrase « chaque point possède un voisinage homéomorphe à une boule de dimension finie » signifie que si vous regardez de très près n’importe quel point sur une variété différentielle, vous verrez une petite zone qui ressemble à une boule. C’est comme si vous zoomiez sur la surface et que vous voyiez toujours une petite portion ronde, quelle que soit la forme globale de la variété. Permettez-moi de vous donner un petit exemple : on peut dire que la surface de la Terre est une variété différentielle. Si vous regardez de très près, vous verrez une petite zone qui ressemble à un plan. Mais si vous vous éloignez, vous verrez que la Terre est une sphère. C’ est aussi clair que cela. Par conséquent, la topologie différentielle est un outil mathématique puissant pour comprendre les formes courbes et régulières. Comme nous l’ avons vu, elle permet de comparer des formes en les déformant les unes en les autres et de les analyser en zoomant sur de petites zones. Cette discipline a de nombreuses applications dans divers domaines scientifiques et techniques comme, par exemple ,dans les domaines de la physiques et même de l’ informatiques. Elle intervient dans l’étude des courbes, des surfaces, des variétés et des espaces abstraits, contribuant à la compréhension des structures géométriques complexes.
En physique, la topologie joue un rôle crucial dans la théorie des champs quantiques et la cosmologie, où elle permet d’explorer les propriétés géométriques de l’univers et de ses constituants fondamentaux. En informatique, notamment la géométrie computationnelle et la robotique, on utilise la topologie pour analyser la forme et les propriétés des objets numériques ainsi que pour planifier des mouvements et des interactions dans des environnements virtuels.
On comprend mieux maintenant pourquoi Lacan a voulu employer la topologie afin de traduire de manière objective l’ architecture complexe de sa pensée. Il était nécessaire pour lui de traduire de manière conforme à la pensée structurale la deuxième topique de Freud en réalisant un pont interdisciplinaire entre psychanalyse et mathématiques.
(https://www.alexandre-bleus.org/avant-daborder-la-topologie-chez-lacan-definissons-les-termes-de-maniere-correcte/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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L’Autre est miroir du désir et énigme du Sujet. (Alexandre Bleus)
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Après avoir exploré les méandres du retour à Freud, les reflets du stade du miroir, les structures de l’ordre symbolique et les labyrinthes du désir, il est temps de m’ aventurer sur un terrain encore plus complexe : l’Autre lacanien. Cette entité énigmatique, à la fois semblable et Autre, hante la psychanalyse et éclaire d’un jour nouveau la question du sujet et de son désir. Je note également que ce concept central du système lacanien est souvent mal compris et, pire encore, mal interprété du fait que Lacan distingue clairement deux conception de l’ « Autre » : l ‘Autre, avec une majuscule, se distingue de l’autre, avec une minuscule. L’autre désigne l’individu concret que nous rencontrons, tandis que l’Autre représente l’ordre symbolique et la norme sociale. Cette distinction est fondamentale pour comprendre la complexité de la relation à l’Autre. J’ insiste car confondre l’ ordre symbolique et un être de langage dit « sujet du langage » (le langage est donc maître), c’ est confondre l’ effet et la cause. Car, d’ un point de vue strictement lacanien, notre « semblable » n’ est qu’ une conséquence du langage !!! Il faut aussi noter que l’autre est d’abord perçu comme un miroir, une image de nous-mêmes. C’est dans son regard que nous cherchons la confirmation de notre existence et de notre valeur. Mais l’autre est aussi un rival, un autre qui convoite les mêmes objets que nous et qui menace notre propre désir. La relation à l’autre est donc toujours ambivalente car elle oscille entre l’amour et la haine, l’identification et la rivalité.
L’Autre (avec un grand A) est, quant à lui et comme nous le disions, le lieu du langage et de la loi. C’est dans l’Autre que se constitue le système symbolique qui structure notre pensée et notre réalité. La loi, qui nous interdit et nous limite, est également le prix à payer pour vivre en société et pour accéder au langage. L’Autre est donc à la fois source de frustration et de liberté car il nous permet de canaliser nos pulsions et de construire des relations durables avec les autres.
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Quant au désir, selon Lacan, celui ci est toujours médiatisé par l’Autre. Nous ne désirons pas un objet en soi, mais l’image de cet objet dans le miroir de l’Autre. Le désir est donc une quête de reconnaissance et d’amour, une tentative de combler le manque que nous ressentons face à l’Autre. Cela peut se comprendre aisément dans le sens où nous ne sommes que des conséquences de l’ Autre, que des effets de l’ ordre symbolique qui, lui-même, peut être considéré par le sujet du langage comme le lieu d’ un tout fantasmé qui serait le lieu imaginaire d’ une impossible fusion bienheureuse.
Le désir est aussi une force vectorielle qui nous pousse à transgresser les interdits et à explorer de nouveaux territoires. Il est le moteur de l’évolution psychique car il nous incite à dépasser nos limites et à nous confronter à l’inconnu. On voit ici la parfaite logique (soit le Réel) de la pensée lacanienne et son concept de subjectivation nous le démontre car la subjectivation est un processus qui se déroule dans le champ de l’Autre. Et c’ est bien évident car le sujet se construit en s’identifiant aux signifiants et aux valeurs de l’Autre. Il intériorise la loi et les interdits, ce qui lui permet de se constituer comme une personne à part entière. Notons que ces lois et ces inter-dits sont écrit dans l’ ensemble des signifiants qui constituent l’ Autre : ils ne sont qu’ une combinaison possible des signifiants en l’ Autre ; combinaison qui renvoie à du signifié (ce qui n’ est pas le cas de toutes les combinaisons possibles).
L’Autre lacanien est également le lieu de l’ énigme car étant à la fois le lieu du langage et de la loi, le miroir dans lequel nous nous réfléchissons et le rival qui convoite les mêmes objets que nous : il présente dès lors plusieurs natures Le désir est une quête de reconnaissance et d’amour, une tentative de combler le manque que nous ressentons face à l’Autre. La subjectivation est un processus qui se déroule dans le champ de l’Autre et qui vise à la fois à s’identifier à lui et à se différencier de lui. L’Autre est un horizon qui se déplace sans cesse et une énigme qui nous invite à un voyage sans fin dans les profondeurs du langage.
L’exploration de l’Autre nous conduit par conséquent à questionner les limites du langage. L’Autre est-il simplement un ensemble de signifiants, ou est-il une réalité qui dépasse le langage ? Je pense que s’ il y a un principe à l’ autre, il ne peut s’ agir que du Nom du Père. Cette question causale est fondamentale en ce sens qu’ un principe organisateur est nécessaire pour que les combinaisons de signifiants signifient. Ainsi, la clef de voûte de toute la structure signifiante est un seul signifiant ordonnateur. A suivre…
(https://www.alexandre-bleus.org/lautre-est-miroir-du-desir-et-enigme-du-sujet/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Le désir chez Lacan est le fruit d’ une conception hégélo-heideggerienne qui reconsidère l’objet comme point structurel et non matière. (Alexandre Bleus)
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Il appert que le désir, chez Lacan, se voit remanié conceptuellement, s’inspirant des philosophies de Hegel et Heidegger. Il ne s’agit plus d’un simple désir d’objet, mais plutôt d’un désir du désir lui-même. Cette approche, typiquement lacanienne, selon moi, vise à dématérialiser l’objet du désir et à le placer dans le champ de la structure.
Le désir, dans la perspective lacanienne, n’est pas une simple pulsion biologique orientée vers un objet naturel car l’objet du désir est fantasmatique, ce qui rend le désir lui-même extravagant et insaisissable. Lacan s’éloigne ainsi de la conception freudienne du désir comme instinct biologique et le replace dans un cadre symbolique et structural.
Le désir ne se satisfait jamais. Sa nature insatiable le rend comparable à un processus hégélien de négation dialectique. Le sujet, en quête de satisfaction, désire l’objet, mais une fois l’objet atteint, le désir se déplace vers un nouvel objet. Ce cycle incessant constitue le « désir du désir » car l’ objet est ici évacué par le simple fait d’ une régression linéaire aussi infinie que l’ insatiabilité du désir lui-même ! 
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L’influence de Heidegger sur la conceptualisation du désir chez Lacan se manifeste dans la notion de « manque ». Le « manque » heideggerien, qui est à l’origine de l’être, se retrouve dans le « désir du désir » lacanien. Le sujet, en quête d’une satisfaction impossible, est toujours en manque, ce qui le propulse dans une dynamique incessante de recherche. En privilégiant le « désir du désir » par rapport à l’objet du désir, Lacan opère une « volatilisation » de la matière au profit de la structure. L’objet n’est plus central, mais devient un élément secondaire dans le jeu du désir. Ce qui importe, c’est la structure symbolique qui sous-tend le désir et qui le rend possible. C’ est un point de vue que je ne manque pas de développer dans le cadre de la rédaction de mon prochain livre que je ne manquerai pas de publier et de vous offrir gratuitement sur mon site web.
En dématérialisant l’objet du désir et en le plaçant dans le champ de la structure, Lacan ouvre la voie à une nouvelle compréhension du fonctionnement psychique humain. Ainsi, pourrait on dire, les objets passent et les êtres passent mais la structure demeure…
(https://www.alexandre-bleus.org/le-desir-chez-lacan-est-le-fruit-d-une-conception-hegelo-heideggerienne-qui-reconsidere-lobjet-comme-point-structurel-et-non-matiere/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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L’importance du Symbolique chez Lacan. (Alexandre Bleus)
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Alors que je vous écris ces lignes au sujet d’un concept fondamental qui est au centre de la pensée de Jacques Lacan, je suis pris moi-même au cœur du registre dont je veux exprimer plus clairement la définition à votre intention. Ainsi est-il paradoxal de vouloir expliciter et analyser un champ dans lequel on se débat soi-même de part la simple utilisation du langage. L’ordre symbolique, selon Lacan, constitue une structure essentielle de notre psyché, tissant de manière intrinsèque le lien entre le langage et l’inconscient. Comme il le disait très bien, tout est fondé et construit sur l’ ordre symbolique.
L’ordre symbolique est avant tout le monde des signifiants, des lois, et des conventions sociales qui façonnent notre réalité subjective. Il représente le système par lequel les sujet du langage communiquent, échangent et se situent les uns par rapport aux autres dans la société. Ce registre est enraciné dans le langage, lequel n’est pas simplement un outil de communication mais le fondement même de notre structure psychique et de notre accès au monde. L’importance du symbolique repose dès lors sur sa fonction de médiation entre l’ être parlant et le monde extérieur. C’est à travers le prisme du symbolique que je donne un sens à mon expérience et que je vais catégoriser et interpréter mon environnement. Le symbolique est donc ce qui nous permet de nommer les choses, de leur attribuer une valeur et une signification et de les intégrer dans une chaîne de signifiants qui dépasse largement le cadre de l’immédiateté d’ un pur présent.
L’un des aspects les plus cruciaux de l’ordre symbolique est son rôle dans la structuration du désir. Lacan postule que le désir est toujours le désir de l’Autre, inscrivant ainsi le manque au cœur de l’expérience humaine. On notera que ce concept lacanien est inspiré de la conception hégélienne de la réflexivité telle que décrite dans la « Phénoménologie de l’ Esprit ». Ce manque n’est pas un vide à proprement parler mais plutôt un moteur, une force qui pousse l’individu à chercher ce qui lui est inaccessible parce que déjà toujours déjà médiatisé par le langage et par l’ordre symbolique. L’ acte final d’ inscription du sujet dans le tissu symbolique n’ est autre que le moment du complexe de l’Oedipe qui, s’ il est dépassé correctement, va implémenter le sujet de manière régulée dans l’ ordre des signifiants. J’ entends par là que l’ être de langage va pouvoir, après ce passage délicat par l’ Oedipe, reconnaître les interdits (inter-dits) et les lois qui régissent de manière normatives les relations sociales et donc accepter sa place dans l’ ordre du Symbole.
On pourrait disgresser longtemps sur ce point crucial car, de fait, il s’ agit bien pour nous tous d’ accepter, in fine, notre contingence. L’ entrée dans l’ ordre des mots est la signature irréversible de l’entrée définitive dans le registre de la finitude. Je développerai ce point ultérieurement.
(https://www.alexandre-bleus.org/limportance-du-symbolique-chez-lacan/)
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Jacques Lacan, concepteur analytique du stade du miroir.
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Le stade du miroir est bel et bien un concept clef qui permet de comprendre en profondeur (la profondeur d’ un reflet ?) la construction progressive que Jacques Lacan va faire de la notion de moi imaginaire et d’ imaginaire du moi ainsi que d’ Imaginaire au sein de la triade RSI. Penchons nous dès lors quelque peu sur cette notion typiquement lacanienne qui nous permettra ultérieurement de mieux comprendre le noeud borroméen.
Le stade du miroir, tel que conceptualisé par Jacques Lacan, représente une pierre angulaire dans sa théorie psychanalytique, offrant une réinterprétation profonde du développement du sujet. Décrivons tout d’ abord quelque peu ce moment développemental. Cette phase, cruciale dans l’édification de la subjectivité, est revisitée par Lacan avec une finesse herméneutique qui puise à la fois dans la psychologie du développement, l’éthologie et la phénoménologie, pour réévaluer le narcissisme freudien sous un nouveau jour. Ce processus, loin d’être une simple fascination pour son reflet, est intrinsèquement lié à la formation de l’identité et à l’émergence du moi chez le jeune enfant. Lacan identifie dans le miroir bien plus qu’une surface réfléchissante : il y voit le théâtre, où plutôt la scène d’une reconnaissance fondamentale, un moment décisif où l’enfant, pour la première fois, se perçoit comme un être séparé et distinct, bien qu’à travers une image qui n’est pas lui. Et c’ est bien parce que cette image n’ est pas lui qu’ une béance de signification va voir le jour et engendrer un débat qui ne trouvera pas de fin tant que le sujet sera pris dans le signifiant. Ce moment de re-connaissance optique, où l’enfant se surprend dans le miroir, se produit généralement entre six et dix-huit mois et marque l’entrée dans l’ordre symbolique. C’est une étape où l’illusion d’une unité et d’une maîtrise corporelle précède la capacité physique réelle de l’enfant à se contrôler, illustrant une anticipation structurante de son devenir.
Cette reconnaissance n’est pas sans ambivalence : elle s’accompagne d’une aliénation fondamentale, car l’enfant s’identifie à une image extérieure à lui, préfigurant ainsi les dynamiques de rivalité, de jalousie et de tension qui caractériseront plus tard les relations interpersonnelles. Lacan, en revisitant le mythe de Narcisse à travers ce prisme, souligne le caractère à la fois constructif et trompeur de l’image miroir, révélant une tension entre le moi et l’alter ego, qui bien que provenant d’une même origine, peinent à se dissocier pleinement. Dès ses premières explorations du stade du miroir, Lacan s’appuie sur les travaux de figures éminentes telles que Wolfgang Köhler et James Mark Baldwin, sans oublier Henri Wallon, précurseur dans l’observation de l’épreuve du miroir. Ces références théoriques enrichissent sa thèse, permettant à Lacan de dessiner une trajectoire où le jeu et la jubilation de l’enfant face à son image miroir révèlent une étape fondamentale dans le développement humain.
L’originalité de Lacan réside dans sa capacité à lier ce moment à une dimension ontologique et libidinale plus large, où la libido n’est plus seulement envisagée comme une énergie circulant dans le corps, mais comme étroitement liée à la prégnance de l’image. Cette perspective offre une nouvelle lecture des identifications humaines où l’assomption d’une image par le sujet déclenche un investissement libidinal complexe, révélant ainsi les fondements imagés de la structure désirante humaine.
Le stade du miroir, loin d’être une simple anecdote développementale, se révèle donc bien évidemment être un concept pivot, éclairant la manière dont l’individu s’insère dans le monde, noue ses premiers rapports aux autres et construit sa réalité psychique. Cette phase inaugure le long processus par lequel le sujet se constitue, se débat et se réinvente dans le langage et à travers les méandres de l’inconscient. On se doit de constater que toute la vie humaine ne sera qu’ un long débat entre le sujet et son image, débat qui ne s’ apaisera que lorsque le sujet deviendra insignifiant, c’ est à dire retournera dans un autre lieu d’ avant le langage qui fait le corps.
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Jacques Lacan où le retour à Freud
Le retour à Freud, c’ est-à-dire la tentative et la volonté de retrouver le texte sous les décombre des couches de commentaires qui en ont obscurci la signification, est bien le mouvement que Lacan a initié. En ce sens, Lacan est bel et bien un homme du vingtième siècle puisqu’ il amorce un chemin placé sous le double signe du retour et de la structure. Ce retour lacanien aux sources des textes originaux fait penser à un terme qui trouve son origine dans la langue italienne : le substantif « aggiornamento ». Ce terme signifie exactement non pas une « mise à jour » (terme qui serait négation délétère de certains éléments des origines) mais bien plutôt une « mise au jour ». Il ne s’ agit donc pas ici pour Lacan de rénover le discours freudien et encore moins de le moderniser mais, plus exactement, de le retrouver tel quel en faisant abstraction de la foule des commentaires et des tonnes de commentaires de commentaires dont il a fait l’ objet. 
Le but de Lacan n’ était autre que de retrouver la théorie fondamentale de Freud et de réexaminer son enseignement ainsi que la pratique de la clinique. On notera aussi très aisément que Lacan a ouvert la psychanalyse à d’ autres disciplines en se mettant tout à fait dans les pas de Freud qui, lui, avait déjà largement enraciné l’ analyse au coeur de l’ histoire, de la littérature et des arts. Le retour à Freud que Lacan opère avec brio est aussi paré d’ un effet de boucle puisque le texte même du discours freudien va devenir objet de l’ analyse de Lacan. Ainsi, Lacan montre que le discours est l’ homme et que le texte, qui est dépôt du même discours, peut faire l’ objet d’ une analyse freudienne. Ainsi, les méandres du texte freudien sont eux-mêmes interprétés comme des formations de l’ inconscient. Ce mode de faire lacanien va permettre de mettre au jour la structure du dire freudien : immense avancée dans l’ ordre analytique. 
Le fondement de cette relecture de Freud part d’ une observation fondamentale faite par Lacan selon laquelle l’ inconscient est structuré comme un langage. Et c’ est grâce aux apports des concepts issus de la linguistique que l’ analyse des textes freudiens va être entamée par Lacan. Les travaux de Ferdinand de Saussure et de Roman Jakobson seront employés et remaniés afin d’analyser la façon dont Freud abordait les rêves, les lapsus, les actes manqués et les mots d’ esprit comme des formations de l’inconscient qui révèlent la structure linguistique de celui-ci.
Je me permets donc de dire que, pour Lacan, l’ homme est le texte car, d’ une part, son langage a pour dépôt son écriture et son inconscient est structuré comme un langage et aura donc également comme dépôt une inscription qui peut se donner à voir comme une écriture. D’ autre part, sachant que l’ écriture est la forme qui recouvre le réel de la logique, Lacan pourra en analyser les mouvements ! Le retour à Freud est donc bien chez Lacan un retour à l’ intuition freudienne de la deuxième topique et non une glose scolastique comme certains de ses détracteurs le supposent ou l’ affirment.
Références bibliographiques:
Fink, B. (1997). The Lacanian Subject: Between Language and Jouissance. Princeton: Princeton University Press. Fink offre une introduction accessible à la théorie lacanienne, en mettant l’accent sur ses fondements linguistiques et son rapport à Freud.
Dor, J. (1997). Introduction à la lecture de Lacan : Le désir
Alexandre Bleus
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alexandrebleus · 7 months
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Éditorial de février 2024 : Uniquement mon cerveau et mes mains !
Depuis peu de temps, nous sommes confrontés à la disruption technologique que constitue l’ arrivée des intelligences artificielles au sein de notre société. Celles-ci sont apparues à la fin de l’ année 2022 par leur mise à disposition publique. Toutes l’ année 2023 fut une période où l’on ne parla plus que de cela dans la sphère technologique et industrielle. Ce sont essentiellement les algorithmes générateurs de textes qui, en l’ occurrence, fascinèrent les esprits. Pour ma part, il m’ ont fait plutôt méditer. Je pense, en effet, que ceux-ci vont s’ avérer très nocifs pour la population qui viendrait à s’en servir en abondance car je crois que l’ usage répété de ce genre de technologie va anesthésier les capacités rédactionnelles naturelles des êtres humains et participer, par la nonchalance qu’ ils vont engendrer chez ceux qui s’ en servent, d’une destruction lente mais sûre des capacités rédactionnelles naturelles tant sur les plans orthographique que sémantique et syntagmatique. 
On peut donc s’attendre à la création de deux classes sociales qui résulteront de l’ usage immodéré de ces dites « intelligences artificielles » : d’ une part, une classe minoritaire qui continuera à lire des livres, écrire à la main et étudier ainsi que travailler les textes et, d’ autre part, une autre classe majoritaire qui perdra l’ usage naturel de l’ écriture et de la langue. 
En ce qui me concerne, je puis assurer que tous mes textes sont écrits à la main et sans usage de ces algorithmes générateurs de textes. Vous lisez donc un véritable écrivain au sens traditionnel du terme. Mes textes sont purement le fruit de mon esprit et de mes mains. Je mets quiconque au défi de pouvoir démontrer solidement et rationnellement que mes écrits sont issus de ce genre de tricherie. D’ ailleurs, aussi perfectionnées soient-elles, pour l’ instant, ces machines ne sont pas en mesure d’ imiter à la perfection le mode d’ expression nuancé et complexe d’ un amoureux de la langue.
Je voulais vous préciser ce point qui me paraît absolument crucial afin que vous sachiez que vous avez bien affaire à un rédacteur qui, comme vous, est humain. Mes articles et mes livres sont des originaux rédigés totalement par moi-même. C’ est d’ ailleurs pour cette raison que je ne suis pas en mesure de publier quotidiennement.
Enfin, je tiens à vous remercier pour la lecture que vous faites de mes écrits. Celle-ci m’ honore.
Je vous souhaite un heureux cheminement au coeur des textes qui, comme l’ affirmait avec clarté Jacques Lacan, sont le dépôt du langage.
Alexandre Bleus
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