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Art, artistes et expositions.
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critiquexpo · 7 years ago
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Benoît Maire -”Thèbes”- CAPC de Bordeaux
Exposition - 08 mars - 02 septembre 2018
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Le site internet de Benoît Maire est en anglais. Normal, car comme il est précisé sur la page Bio : "Born 1978, Lives and works in Bordeaux, France." Or à Bordeaux tous le monde parle anglais comme chacun sait. Qu'on me pardonne de commencer cet article par cette remarque, mais je suis exaspéré par la condescendance de tous ces artistes (français) qui affichent ainsi leur mépris pour le premier public susceptible d'aller vers leurs œuvres en ne daignant pas même doter leur vitrine internet d'une interface en français - quitte à être multiliangue. Ceci étant dit l'exposition du CAPC annonçant d'emblée sur le mur blanc, à l'entrée de la salle, le caractère philosophique de la démarche de Benoît Maire, n'importe quel visiteur non informé peut craindre le pire et s'attendre, au mieux à recevoir des leçons (de morale, d'humanisme, etc.), au pire à ne rien comprendre du tout. Rien de tout cela pourtant. Je partais pourtant ici avec un a priori, sinon négatif, du moins suspicieux et méfiant, certainement un peu chauffé par l'exposition de Danh Vo (voir mon billet précédent). Or, plutôt qu'un sentiment d'ésotérisme ou d'abstraction conceptuelle absconse, j'ai eu très rapidement le sentiment d'entrer dans la singularité d'un regard et, disons-le d'emblée, d'une intelligence. Intelligence des choses, intelligence du monde et d'un positionnement dans le monde. Et tout cela sans pour autant être en mesure d'apporter une explication précise, d'attribuer un sens spécifique à telle ou telle pièce exposée. Sans en avoir, surtout, le désir. Et pourtant, alors qu'il est évidemment toujours de bon ton de "questionner", d' "interroger", de "subvertir" etc . il y a là quelque chose de l'ordre d'une réponse, ou de réponses possibles. L'inverse, en quelque sorte, de ce qu'évoque, comme d'habitude, la note d'introduction qui souligne qu'il s'agit de "questionner le statut de l'objet et, par extension, celui de l'artiste" ; navrant, comme d'habitude lorsqu'on a rien à dire de précis. Heureusement, la note d'intention rédigée par Benoît Maire est beaucoup plus claire et surtout, finalement, beaucoup plus simple. Je n'en ferai pas un résumé ici, mais disons qu'elle peut éclairer d'une façon assez juste les pièces exposées et les relations que la scénographie de l'exposition tente d'établir entre elles. Pourtant, ce texte même n'est pas nécessaire, sinon pour confirmer - a posteriori comme ce fut le cas pour moi - ce que paraissent dire les œuvres, sans que jamais une signification stable et définitive se dégage. Bien sûr on percevra bien quelques redondances dans le discours sous-jacent, par exemple, à la présentation de pages de journaux datant de la seconde guerre mondiale et marqués du tampon rouge de la date à laquelle elles furent lus par Benoît Maire. Tribut conceptuel oblige. Mais il y a aussi ces sculptures étranges parce que trop bien faites, trop proches de l'objet de luxe : ces sphinx-coquillage qui portent leur énigme dans leur forme même et fleurtent avec les associations surréalistes - qui d'habitude m'ennuient. Et il y a surtout ces pièces que benoît Maire nomme les "Châteaux", maigres constructions, structures métalliques à la fois fragiles et tendues, où s'assemblent le cuivre et le jaspe - et dont le sens est paradoxalement parfois trop lisible. Je dis cela parce que, justement, ces objets ne sont jamais aussi "intelligents", pour reprendre le terme qui s'est imposé à moi, que lorsque leur sens semble précisément enfoui dans la richesse et la préciosité de leur forme. Je ne suis pas clair ? Je m'explique : l'intelligence est dans la clarté de la relation qui s'établit entre, par exemple, une fine structure architecturale de laiton, évoquant abri ou maison, et le sol rocheux sur lequel repose un de ses pieds : mais roche rendue ici précieuse et polie comme un bijoux, séduisante dans l'artifice qui garde pourtant intact sont statut de roc. Ou bien dans l'insertion d'un simple niveau à bulle dans une barre de marbre (?) polie et surtout taillée avec la rectitude d'une règle de maçon. Et cela sans discours ; ou du moins sans que le discours - dont on sent la proximité - soit rendu capable de parasiter l’intelligence de la chose, de l’objet, du projet. Bien sûr, on n'évite pas toujours les poncifs du temps : les tas de détritus (indexé certes …), l'alignement-inventaire-confrontation un peu facile avec les objets du passé (chaise de Mallet-Stevens ou fauteuil d'Hoffman) ou bien ces peinture de ciel un peu navrantes à force d'affirmer l'incompétence picturale de leur auteur comme emblématique de la quête artistique (motif pittoresque et maîtrise technique). Passons là-dessus. Je préfère finalement lorsque Benoît Maire laisse à ceux qui savent - possèdent le savoir-faire -  le soin de donner à ses idées une forme capable de leur éviter de n'être que des questionnements.
http://www.capc-bordeaux.fr/programme/benoit-maire
http://www.benoitmaire.com/index.php
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critiquexpo · 7 years ago
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Danh Vo au CAPC de Bordeaux
du 19 mai au 28 octobre 2018
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« Le CAPC s’enorgueillit d’inviter cette année l’artiste danois Danh Vo » ; c’est bien ainsi que le CAPC introduit sur son site internet le projet présenté par l’artiste dans la grande nef. Et de préciser, comme il se doit, que la légitimité et l’intérêt de l’intervention sont a priori posés par sa participation aux plus grandes manifestations artistiques internationales dont la liste suit, par le menu. Et, de fait, nous voici face à une proposition de l’un es artistes les plus en vue du moment. Je me demande si j’ai le droit, dès lors, de dire que je suis passé au milieu de cette installation effectivement monumentale en retenant le soupir que m’inspirait la naïveté du propos et, surtout, de sa mise en scène : des blocs de marbre qu’on dirait fraîchement sortis de la carrière (en réalité extraits dans les années 30), entassés comme ils le sont sur les parcs de stockage, entre lesquels on croise ici, sagement mis sous verre dans des cadres noirs, des photographies de fragments de sculptures de Michel-Ange. Le tout évoquant « un rapport au pouvoir et à la masculinité », si l’on se réfère au texte introductif de la salle. Pas certain que j’ai envie d’approfondir un propos à ce point navrant et littéral. À proximité, une variante du TOC contemporain de la compilation-collection-inventaire sous la forme de rayonnages où reposent moulures et fragments de sculptures et de décors religieux anciens (XVe-XVe siècles). Plutôt que de commenter, je ne résiste pas à l’envie de citer ici ce qu’en dit Didier Arnaudet sur le site d’Art Press, qui voit dans cet alignement rien moins que « l’aiguillon d’un vertigineux émerveillement et la solution apaisante d’un équilibre d’une singulière justesse ». Je ne sais toujours pas ce que cela signifie, mais ça laisse un peu rêveur. Je passe sur le reste de cette exposition où rien de nouveau n’apparait sous le soleil des poncifs formels du moment, habités par de vagues significations qui, sitôt perçues, me font plonger dans des abîmes de perplexité devant tant de faiblesse de pensée tentant de nourrir de si imposants moyens formels. D’autant qu’effectivement, en se frayant un chemin entre ces blocs monumentaux, l’intimité physique du matériau ne peut pas ne pas appeler le souvenir, même vague, des formes qui l’habitent ; si l’on perçoit encore ce que la théorie classique concevait de l’art du sculpteur - sachant seul voir et dégager la figure qui se love dans la matière. Sentiment un peu réac, j’en conviens. Mais alors pourquoi pas rappeler les blocs massifs d’Ulrich Rückriem ou bien les dalles de G. Anselmo .... Comment ne pas sentir également la monumentalité, rapportée à une question d’échelle dans la tension qui s’établit ici avec l’espace de la halle d’une part, et avec la forme architecturale construite d’autre part. Une sorte de poétique des ruines, mais inversée, si l’on pense à ce que l’on peut ressentir en parcourant, aujourd’hui encore, les restes monumentaux du temple de Zeus à Olympie par exemple. Bref, je pourrai ainsi m’étendre, mais je préfère me tourner vers une autre partie de l’exposition, dont j’attendais assez peu, et qui se révèle finalement bien plus riche : « Thèbes », de Benoit Maire. Je me réserve d’aborder cela dans un autre article.
http://www.capc-bordeaux.fr/programme/danh-vo
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critiquexpo · 8 years ago
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Claudie DADU Galerie Barrès Rivet - Toulouse
Exposition du 12 octobre au 25 novembre 2017
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Évidemment l’un des problèmes que rencontre le travail de Claudie Dadu est qu’il n’en reste pour ainsi dire rien une fois réduit à l’état de reproduction (papier ou numérique). Ironie de l’image pour qui travaille justement avec un matériau voué à la disparition, à l’ablation, à la dispersion : le cheveu. Non pas un travail de capilliculture, mais de dessin. Des cheveux utilisés non comme amas, traces de vie ou mise en scène d’une quelconque sécrétion corporelle comme on en trouve fréquemment dans les pratiques artistiques contemporaines depuis les cathartiques explorations des actionnistes viennois en leur temps ; mais, à l’inverse, comme un matériau léger, précieux et doté d’une délicatesse qu’il s’agit de mettre en scène sous sa forme graphique la plus explicite : la ligne. Sinueuse, souple. La même finalement que celle qui traine au fond de la baignoire et que l’on évacue d’un jet d’eau vers la bonde. Et c’est le même fond blanc que celui de l’émail : le fond blanc du papier, qui accueille ces lignes dont la matière même impose sa souplesse au dessin, et résiste parfois aux exigences de la représentation, de la forme, de l’angle, de la rupture et de la discontinuité. Il en résulte une stratégie du parcours de la ligne, cherchant le moyen de circuler dans la forme sans s’interrompre, par circonvolutions, retournements, boucles et chevauchements. Des stratégies qui sont proprement celles du dessin et dont je n’ai pu m’empêcher de les rapprocher du travail d’un Adami construisant la sensualité du trait dans cette même recherche du parcours, du retour, de l’interruption et du glissement. Mais alors pourquoi le cheveux, et pas la mine ? La réponse de Claudie Dadu réside en partie, selon ses dires, dans l’idée de la représentation du corps par le corps lui-même, cette sécrétion capillaire. J’avoue que cette explication ne m’a pas convaincu, parce que je n’en ai finalement rien perçu : le dessin recouvre l’idée ; et si les formes induites par le cheveux appellent certainement plus volontiers l’organique que le minéral par exemple, l’attention du regard est bien plus tendue par la fragilité de ce qui ici ne tient qu’à un souffle que par le discours sur le corps qui s’y superpose parfois.
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La série que Claudie Dadu consacre à des fragments d’images pornographiques, dont elle stigmatise la violence, est à ce titre emblématique. La pornographie, qui a elle aussi envahi depuis longtemps le champ artistique contemporain comme ultime forme de transgression convenue - notamment dès qu’il s’agit de développer un discours sur le corps - est ici immédiatement neutralisée par l’élégance de la forme, de la ligne, et par la précision même du travail qui impose son silence et sa retenue à la forme. La sensualité est celle de la ligne, et nous sommes certainement plus proche ici de l’érotisme de Klimt que de la crispation violente de Schiele qui déchaîne aujourd’hui encore les pulsions de la censure (voir les dernières affiches pour la grande exposition de Vienne). Louis-Sébastien Mercier réclamait, au XVIIIe siècle, des dessins, des dessins, des dessins : parce qu’ils avaient à ses yeux l’immédiateté du discours, la lisibilité du verbe dans l’expression de la forme se faisant, parce qu’il rendaient sensible le travail de l’esprit dans son mouvement même. De la littérature rendue visible en somme. Rien de tout cela ici. Mais bien plutôt la distance de l’image, de l’abstraction du dessin confrontés au désir du regard d’en saisir la matière, de rejoindre la présence physique de cette ligne égale et trop fine ; cette ligne qui ne dépend jamais de la main, jamais de la pression ou de l’outil, jamais du geste. En dépit des apparences : de l’anti-Matisse en quelque sorte. Et c’est bien parce que le discours est congédié qu’il devient parfois gênant lorsque l’intention tend à s’imposer avec trop de force, trop de références ou d’allusions, comme dans cette série où apparaissent les réminiscences de quelques topoi de l’histoire de l’art : Annonciation ou sacrifice d’Isaac, squelettes et crucifixion. On finit par s’y ennuyer, préférant alors retourner aux vulves offertes et aux érections molles. Je finirai par une question, que j’ai entendue et moi-même posée : « comment ça tient ? » Comment sont ainsi fixés ces cheveux ? La question est triviale, certes, parce qu’elle apparait comme un regard porté vers la performance technique, toujours anecdotique, toujours suspecte en ce qu’elle évite de parler de l’essentiel. Secret d’atelier. Et Claudie Dadu n’en dira rien. N’importe. Il fallait la poser parce qu’elle est l’indice de cette fragilité ressentie, de l’élégance, et de la baignoire.
S.P.
http://www.galeriebarresrivet.com/
http://www.dadu.fr/
http://www/stephanepeltier.com
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critiquexpo · 8 years ago
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Medellín, une histoire colombienne - Des années 1950 à aujourd’hui
Les Abattoirs, Musée-FRAC Occitanie - Toulouse 29 septembre - 21 janvier 2018
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CANO, Francisco Antonio, Horizontes, 1913
Qui peut aujourd’hui citer aisément cinq noms d’artistes colombiens vivant ? Pas moi. Et c’est probablement une des qualités de l’exposition présentée au Abattoirs à Toulouse, que d’offrir un aperçu de la scène finalement reculée, lointaine, d’un pays dont l’image est plus volontier associée au trafic de drogue, à la violence et à la guérilla des FARC. Il s’agit pourtant d’une réalité à ce point structurante qu’elle infuse la quasi totalité des œuvres présentées. Pas une pièce en effet qui ne fasse références aux cartels de la drogue, aux spoliations des paysans, aux groupes armés de tous bords, aux violences politiques ou économiques, aux populations déplacées ou aux exécutions sommaires. Comme si toute création artistique venue de ce pays ne devait être, ou ne pouvait être, que le relais et l’expression d’un discours politique, social ou écologique. Et c’est un peu le problème. Car s’il n’y a bien évidemment rien d’illégitime à nourrir une œuvre de l’enracinement de l’artiste dans une réalité et une conscience que l’on dira politique, la question se pose assez vite de la relation de cette conscience à la forme qui la porte. En d’autres termes, l’œuvre peut-elle n’être que l’illustration d’un discours qui la précède et la légitime, jusqu’à la désamorcer en tant que forme et présence singulière ?
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MORA, Pablo, Abandono 1/6, série Folios No.17, 2017.
Un exemple, pour être plus clair. Pablo Mora, né en 1976 à Medellin, est avocat, et fils d’avocat. Mais c’est en tant qu’artiste qu’il présente ici Abandono 1/6, issue d’une série : Folios No.17 qui se présente sous la forme tripartite d’une liasse de documents juridiques visiblement très anciens (des conflits de propriété non résolus), d’une vidéo, et de l’accrochage d’actes juridiques sur lesquels Pablo Mora peint la silhouette des montagnes colombiennes. La liasse, simple readymade, incarne la présence des tensions et des injustices qui minent la société colombienne. Littéralement. De la même façon, les documents accrochés au murs, les montagnes peintes en brun sombre pour signifier la pollution des terres et toujours les conflits dont témoignent les minutes juridiques, apparaissent comme les illustrations littérales d’un discours. La vidéo enfin, affiche une volonté plus métaphorique : un éclairage plongeant sur la liasse de document dont la combustion est évoquée par une mince fumée semblant s’en dégager (en fait une bougie placée derrière). Le sens est transparent. La forme aussi. Et c’est précisément ce qui désigne les limites de l’œuvre : une volonté didactique à ce point présente qu’elle désamorce le pouvoir de la forme à créer, en tant que telle, un sens qui ne se réduise pas au discours qu’elle emprunte. Si l’on ajoute à cela le sentiment que cette forme est a priori contrainte par les poncifs de la présentation contemporaine : readymade, vidéo, accrochage littéral ; on finit par avoir le sentiment d’assister à une mise en scène des codes de l’art contemporain, qui recouvre ou atrophie le sens même du propos artistique.
C’est le grand problème de cette exposition qui oscille trop souvent entre littéralité et anecdote dont seule la mise en forme, qui joue souvent sur la dimension spectaculaire (vidéo, environnement), semble devoir justifier le statut artistique.
Pour autant, le socle commun des préoccupations des artistes ici représentés ne peut échapper au spectateur qui parcourt des salles dont se dégage au final une cohérence, une logique, et une identité réelle. J’ai cherché un mot pour désigner cette impression et, bien qu’il soit usé jusqu’à la corde, il émane de cet ensemble une forme sincérité qui parait négocier en permanence sa présence et son articulation avec les fameux codes de l’art contemporain, que j’évoquais à l’instant.
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POSADA, Libia, Signos cardinales, 2010.
Dans cette logique, quelques œuvres se dégagent, sortent du lot par leur capacité à susciter une réelle expérience, comme une parole intimement liée à la forme dans laquelle elle s’incarne. Je ne prendrai qu’un exemple : l’installation-environnement de Libia Posada, Signos cardinales. Médecin, Libia Posada a photographié les jambes des patientes qu’elle a rencontrées et sur lesquelles elle a tracé à l’encre chirurgicale (celle dont on se sert pour tracer les lignes de découpe du scalpel avant une intervention), le schéma de leur longs parcours, à pied, après qu’elles ont été contraintes de quitter leur terre par des groupes armés ou des conflits territoriaux. Placées au bas du mur, à une échelle légèrement agrandie, ces images se font face, en rang, de part et d’autre du spectateur. Nul besoin ici d’être informé du processus, du protocole de création, pour sentir immédiatement, dans ces portraits anonymes, réduits à ces fragment qui portent à eux seuls les traces de leur histoire et, dans leur anatomie même, de leur singularité individuelle, la charge d’une expérience, d’une présence, d’un parcours souvent dramatique. Mais sans pathos, sans jugement semble-il, tant sur les causes que sur les conséquences de leur histoire. Quelque chose comme l’actualisation, distanciée, d’un état du monde ; du monde colombien. Des femmes réelles dans un monde réel, déplacées dans l’artifice clinique d’une salle blanche vouée à l’anonymat d’une carte géographique évoquée sur les murs blancs par le tracé léger d’une grille orthogonale, et par les roses des vents discrètement dessinées. Faut-il être médecin pour exprimer ainsi, avec des outils cliniques, la douleur du monde ? et sortir d’une fac de médecine plutôt que d’une école d’art ? Je ne peux m’empêcher de penser à la poésie du Jivago de Pasternak pris dans les tourments d’une révolution que la Russie évite aujourd’hui résolument de commémorer.
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critiquexpo · 8 years ago
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Camille Henrot - Days are dogs
Palais de Tokyo - 18 octobre-07 janvier 2017
Voici un moment que je n’ai rien écrit ici. Peu de temps disponible …
Mais je ne résiste pas à la tentation de réagir (sans l’avoir vue) à l’exposition de Camille Henrot au Palais de Tokyo. Pas tellement en raison de l’exposition elle-même, dont je ne pourrai pas dire grand chose, mais plutôt en raison de ce que j’en lis. La critique sans critique qui domine aujourd’hui a ceci d’interessant qu’elle permet d’avoir une image assez claire, non pas de ce qui est vu, mais précisément de ce qui n’a pas besoin d’être vu pour, d’une part saisir ce qui fait le succès d’une exposition ou d’un.e artiste, et d’autre part la forme (pour ne pas dire la formule) générique d’une œuvre contemporaine importante. Lisons. Tout d’abord, remontons un peu dans le temps. Philippe Dagen, dans Le Monde, en 2014 à propos de la carrière devenue fulgurante de Camille Henrot : « Depuis un peu plus d’un an, elle n’habite plus Belleville mais New York ». normal, quand on réussit dans l’art (ou pour réussir), on part à New-York. Soit. Puis une remarque sur son premier succès : Grosse fatigue, Lion d’argent à la biennale de Venise. Les raisons du succès : « l’ambition du projet intellectuel et son extrême actualité puisqu’il s’agit d’une réflexion sur l’organisation, la circulation et la confusion des savoirs de toutes natures à l’ère du numérique. » La terminologie donne facilement les points de repère : « intellectuel », « actualité », « réflexion », « numérique ». Le cocktail contemporain pour qui veut être contemporain (non non pas d’ironie : des faits). Autre raison : « l’extrême dextérité dans l’agencement, la succession et la superposition des images ». La virtuosité, donc. Bon, au-delà du fait que la virtuosité est une qualité technique qui ne garantit jamais l’excellence artistique, ce sont surtout les allusions à la « succession » et à la « superposition » qui sont intéressantes, en ce qu’elles suggèrent une méthode et un tropisme artistique contemporains que j’ai déjà eu l’occasion de relever : l’accumulation comme formule de pensée.
Méthode qui se confirme dans ce second succès de Camille Henrot : « The pale fox » (hé oui, à présent les titres sont en anglais, forcément …) ; plongée dans les mythes et les systèmes perdus de pensée et de représentation du monde « qui pourrait faire croire que l’installation est une démonstration conceptuelle austère » nous dit Ph. Dagen. Mais non, pas du tout ; car cela « a plutôt des airs de foire à tout ou de dépôt-vente, loufoque au premier regard ». Revoilà l’accumulation. Mais Dagen prend soin de préciser immédiatement que « ce fatras est très construit par des systèmes de correspondances et de sous-entendus qu’il faut prendre le temps de décrypter. » Au-delà de l’expression qui frôle l’oxymore, on ne voit pas dans cette description ce qui relève de l’expérience de l’œuvre en dehors de l’exercice de traduction et d’exhumation archéologique d’un sens volontairement englouti sous la profusion des objets. Certes, dira-t-on, l’expérience est là, dans l’égarement face à la profusion. On peut aussi résumer : faites le tri et construisez le sens.
Et Ph. Dagen bien mal inspiré de citer l’artiste : « les artistes sont généralement enfermés dans des catégories – la sculpture ou le film, pas les deux –, mais ces catégories ne sont que des solutions de facilité, nous expliquait-elle dès 2009. L’artiste doit aller vers plus de complexité et d’hétérogénéité. C’est sa façon de lutter contre l’uniformisation qui menace de tout écraser. » Des propos qui témoignent de façon assez navrante de l’absence de complexité de Camille Henrot elle-même quant aux enjeux de la création artistique. Non seulement parce qu’on voit mal en quoi l’utilisation d’un médium unique serait un obstacle à la complexité (à moins de rayer quelques siècles d’histoire de l’art), et ensuite parce que la multiplication et l’articulation systématiques de plusieurs médiums est aujourd’hui à ce point dominante qu’elle apparaitra facilement comme le dernier avatar de cette « uniformisation qui menace de tout écraser » et qu’elle prétend éviter.
Revenons au présent. 16 octobre 2017, Le Figaro Culture ; compte-rendu du vernissage de la Carte blanche à Camille Henrot au Palais de Tokyo. Passons sur la première partie de l’article, le récit mielleux des mondanités VIP de l’événement et le ton obséquieux de Valérie Duponchelle qui se répand en flatteries et courbettes toutes plus ridicules les unes que les autres, essayant surtout de n’oublier personne … Ce qui frappe d’abord, au-delà de la description des œuvres, ces sept jours de la semaine qui constituent l’ossature du projet de Camille Henrot, c’est l’avalanche de références ; non pas artistiques, mais littéraires et théoriques. En tous sens : de Tolkien à D. H. Lawrence en passant par Virginia Woolf et, bien sûr, Roland Barthes. On a évité Deleuze, pour une fois. Mais c’est la forme même de l’article qui est révélatrice : chaque fragments de l’œuvre (construite selon le découpage journalier d’une semaine : à un jour une séquence) est décrit, relié à la référence qui doit lui donner du sens, et parfois nourri d’une anecdote mettant en scène la réaction du public de ce vernissage. Des réactions, mais pas d’analyse. Un peu comme si le sens ayant été éclairé par les références, la question de l’efficacité de l’œuvre, de son expression, en tant qu’œuvre et non en tant qu’illustration d’une idée-référence, n’était pas d’actualité.
Or c’est dans les réactions de ce public trié sur le volet que transpire l’identité de l’œuvre, puisqu’elles expriment moins une lecture qu’une expérience de la forme. Ainsi ces « amoureux de l'art moderne » tout à fait incapables d’assumer les choix de leur sensibilité et exigeant l’anonymat pour avouer suspecter ici «un certain snobisme de l'art»; ou bien cette allusion aux « allergiques épidermiques à l'art contemporain » qui pourraient bien être choqués par ce « film porno au réalisme atténué par la peinture pour devenir plus raisonnable jeu d'ombres et simple exercice de gymnastes ». Attention : transgression-subversion-provocation, mais soigneusement désamorcées et rendues présentables par un traitement chorégraphique.
Bel article au final, qui donne une juste idée de ce que l’on peut s’apprêter à voir en allant visiter cette exposition, et qui rejoint le « fatras » qu’évoquait Ph. Dagen : accumulation séquencée de visuels supportant autant de références littéraires à destination d’un public heureux de pouvoir ainsi reconnaître si facilement « ce raccourci cinglant de notre époque ». Ces mots sont de Jacques Salomon, dont Valérie Duponchelle nous rappelle qu’il est ce « collectionneur à la fois pointu, ouvert et sévère ». Une telle autorité ne saurait se tromper.
Quelques vues de l’exposition :
http://artresearchmap.com/exhibitions/carte-blanche-to-camille-henrot-days-are-dogs/
L’article de Ph. Dagen :
http://www.lemonde.fr/festival/article/2014/08/04/camille-henrot-l-art-du-contretemps_4466572_4415198.html
L’article de Valérie Duponchelle :
http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2017/10/16/03015-20171016ARTFIG00183-fiac2017-vivre-au-jour-le-jour-avec-camille-henrot-au-palais-de-tokyo.php
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critiquexpo · 8 years ago
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Felicità 17
Diplômés félicités et avec mentions
Du 20 mai au 14 juillet 2017 - Palais des Beaux-Arts - Paris
Les étudiants des beaux-arts sont-ils « contemporains » ? Je veux dire : font-ils de « l’art contemporain » ? En cette période où les écoles d’art, et en particulier les beaux-Arts de Paris, font l’objet de polémiques régulières, l’exposition « Felicita 17» est l’occasion d’évaluer les pratiques dominantes en fin de cursus, et surtout leur intérêt (qui par ricochet devient évaluation des ateliers de l’école, de la formation qui y est dispensée, et des orientations du jury).
Je m’attendais un peu à voir pléthore d’installations, de vidéos, de performances ou d’environnements en tous genres, de recherche du monumental ou du spectaculaire comme nous y habituent les grandes manifestations d’art contemporain où l’on attend le nouvel « émergent » qui saura se faire remarquer. Alors certes, des installations, des vidéos, des environnements, il y en a. Mais contrairement à ce à quoi je m’attendais, il ne dominent pas l’exposition de façon écrasante. Beaucoup de peinture aussi, de la photographie (un peu) et des créations mêlant tout ces media de façon inégale, mais parfois heureuse.
Ainsi le travail présenté par Alicia Renaudin, sortie de l’atelier de Patrick Tosani, qui met en place des dispositifs de prise de vue, pouvant s’apparenter à des installations. Les photographies ainsi réalisées sont présentées au côté de clichés des dispositifs eux-même, sur des tirages de grands formats. Mise en scène visuelle intéressante en ce qu’elle place du coup le regard du spectateur entre deux espaces, qui sont en fait deux images, deux fictions maintenues ainsi dans une irrésolution rendue convaincante par la qualité même des prises de vues et des tirages. Réussite à saluer d’autant plus que le discours d’Alicia Renaudin, certes un peu scolaire, reste clair et adapté à ce qui est effectivement montré.
Si j’insiste sur ce dernier aspect, c’est que la plaquette de l’exposition accompagne chaque création d’un court texte de présentation dont certains sont parfaitement abscons ou maniérés de telle sorte que l’on a le sentiment désagréable qu’ils cachent la vacuité même des œuvres. C’est le cas de la contribution de Vécile Serres, une grande installation composée d’un monumental tirage photographique d’une fenêtre, associée à des arceaux jaune fluo, à des fils électriques englués dans une peinture également jaune fluo, des dépouilles molles couchées au sol où sont également posés des sortes de casques ou capuches de ce qui ressemble à de l’acrylique séchée, recouvrant de vagues bustes anthropomorphes. Il doit être question ici de regard. Du moins c’est ce que laisse penser le texte faussement instinctif de la plaquette dont je ne résiste pas à citer les dernières lignes : « Que faire ? Vous aurez ce que vous voudrez, et je m’arracherais [sic] moi-même chaque centimètre carré de cette pellicule de somatisme jusqu’à ce que, devant vos yeux, l’image se dérobe à je. ». Sans commentaire ; si ce n’est que devant nos yeux il ne se passe pas grand chose, au-delà d’un rébus indéchiffrable.
Parmi les dispositifs présentés il en est pourtant qui retiennent l’attention, comme les deux pièces de Paul Descoings. L’une d’elle, le « Grapho-porte », à l’apparence revendiquée d’un sismographe, relié aux portes du lieu d’exposition, enregistre sous forme graphique les mouvements du public. La simplicité du système allié à l’espèce de fascination que peut exercer son apparence épurée d’objet scientifique, ici dévoué à une tache un peu absurde, rencontre pourtant une inquiétude qui renvoie à la surveillance généralisée, mais aussi à la conscience du corps agissant, du mouvement et, par extension, à la présence de l’autre, de l’espace de ces déplacements dans l’exposition. On reste ainsi à attendre que la machine réagisse, indice d’une présence, trace graphique, froide et objective, d’une activité…
L’image, sous toutes ses formes, reste très présente dans cette exposition, de la photographie que j’ai déjà évoqué avec Alicia Renaudin,  au film et à la vidéo chez Laure Tiberghien ou Chloé Mossessian, en passant par les images lenticulaires d’Estrid Lutz & Emile Mold qui font penser à certaines expérience de Sigmard Polke. Pourtant, j’ai noté la forte représentation de la peinture, pratiquée sur un mode fort éloigné de toute forme d’expressionnisme ou de gestualité ; bien au contraire, il s’agit le plus souvent d’une peinture méthodique, construite, visiblement attentive à la qualité de la réalisation - d’un point de vue résolument technique, une recherche de la maîtrise, d’une forme de « métier ». Cette tendance tend parfois à donner des images marquées par des démonstrations de virtuosité certes remarquables mais un peu vaines, et qui recouvrent une difficulté à se positionner par rapport à son médium, comme en témoignent peut-être ces quelques mots d’explication un peu navrant : « « il y a à mes yeux dans un tableau, plusieurs strates de lectures possibles, l’apparence des choses laissant place à la symbolique, elle-même investie par notre subjectivité ». Faut-il vraiment cinq années d’études pour savoir cela ? Bon, soyons indulgent. Éviter en peinture l’écueil de l’image, voilà qui n’est pas chose facile, et s’il est vrai que l’on frôle souvent ce problème, il se dégage par exemple des peintures de Tatiana Pozzo di Borgo (dans une variation de petits formats autour de son atelier où traine une image de Thérèse de Lisieux sur un radiateur), dans celles de Nathanaëlle Herbelin (qui pareillement compose avec son espace proche des images silencieuses et contemplatives d’espaces découpés par la perspective), une forme de sincérité du regard qui s’exprime moins qu’elle ne se traduit en peinture. Le vécu s’accumule, et fait sujet, parfois sur un mode plus complexe comme c’est le cas chez Blaise Schwartz dont les compositions faites de superpositions de fragments d’images et de pure abstraction, convoquent clairement le désir de voir, de défaire le feuilletage des références et des identifications dans un travail qui témoigne d’un réel engagement en peinture.
Je renonce ici à parler de tous les exposants, mais je finirai sur le travail de Lucie Planty qui, dans « Siècle dernier », accroche au mur sous forme de brochures ou de journaux retenus par des baguettes métalliques, des assemblages d’images extraites de la version numérisée du quotidien « La Stampa ». Les photos de presse, numérisées pour être archivées et diffusées sur internet, sont devenues illisibles. Au mieux allusives ; et l’ont feuillette ces pages avec le sentiment croissant d’une perte, mais aussi avec l’impression que ces traces convoquent une mémoire historique commune, connue mais rendue aussi inaccessibles que les bribes d’image que nous cherchons à conserver d’un rêve, au réveil. Aucun commentaire, aucune légende. Soit, le principe est assez simple, voire simpliste. Mais présenté ici sans emphase ni bavardage, il est efficace.
Les étudiants sont-ils contemporains ? Certes, ils le sont. Tous ont visiblement bien compris ce que doivent ou peuvent être les formes que priviliégient aujourd’hui tout à la fois l’institution, les acteur du monde de l’art et la marché. Aucun doute là-dessus.
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critiquexpo · 8 years ago
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Graça Morais
La violence et la grâce
Fondation Calouste Gulbenkian - Paris - 31 mai - 27 août 2017
Connaissez-vous Graça Morais ? Moi non plus. Du moins jusqu'à ce que j'entre dans la Fondation Calouste Gulbenkian, à Paris, qui montre en ce moment une exposition de cette artiste portugaise née en 1948 et qui représentait, parmi d'autres, le Portugal à la biennale de Sao Polo en 1984. C'est un peu ancien, c'est vrai, mais Graça Morais n'a jamais cessé de travailler même si son œuvre semble aujourd'hui plus confidentielle. La fréquentation du lieu tend à confirmer cette impression : j'étais absolument seul dans les cinq salles de l'exposition. Un contexte d'ailleurs très favorable pour regarder ces œuvres le plus souvent de petit format, à l'encre ou au pastel. De nombreux dessins organisés en séries et qui dans la forme traduisent bien l'intimité du projet et des préoccupations de Graça Morais, nourrie de poésie et d'une attention à la proximité des choses et du monde, aux événements parfois fortuits autours desquels se cristallisent le désir et la réflexion. Ainsi en est-il de la série "Métamorphoses", initiée par l'intrusion d'une simple sauterelle dans l'atelier. Sur la forme de l'insecte se greffe un anthropomorphisme du féminin qui pourrait être banal s'il n'était porté par ce que j'ai envie de nommer l'élégance du travail, la finesse des images au trait ciselé et souple articulé aux taches d'encre qui portent la spontanéité du geste. Le format réduit invite à un regard proche, détaillé, et lent. Tout imprégné de sens, l'œuvre de Graça Morais est sans aucun doute littéraire. En témoignent ses collaborations avec des écrivains et poètes. Ici avec Sofia de Mello Breyner pour la série "Orphée et Euridice", où l'on reconnait, vaguement évoqué par les clés d'accordage, la figure d'Euridyce ornant le manche d'un cistre. La série, réalisée sur des portées musicales vierges (empruntées à son mari guitariste), est rythmée par les texte poétiques de Sofia de Mello Breyner (dont la traduction du portugais est heureusement disponible sur la feuille de salle) ; poèmes inspirés par les dessins que Graça Morais lui fournissait au fil de leur réalisation. Dans le même registre de collaboration inversée on trouvera, à l'accueil de la fondation, le petit livre "Les Métamorphoses" de d'Augustins Bessa-Luis rédigé en écho au travail de Graça Morais.
Le sentiment d'une intériorité contemplative et d'une économie de la forme qui veille à n'être pas bavarde imprègne toute l'exposition, jusqu'à la dernière salle qui présente un "Diario com perdiz" (Journal avec perdrix), en écho avec la série "La chasse") où la présence de l'animal - dont on hésite à décider s'il est vivant ou mort - dialogue avec les notes intimes de l'artiste (qui me sont restées malheureusement incompréhensible, ne disposant pas cette fois de traduction).
Les grands pastels de la série "A Caminhada do Medo" (La Marche de la Peur) m'ont semblé moins convaincants, parce que moins tenus dans une forme et une technique rendus instables par un geste aux aspects d'inachèvement volontaire. Il en résulte quelquefois une sorte de mollesse dont on sent bien le contraste avec la tonalité dramatique du sujet, mais qui a quelques difficultés à exister parmi ces petits formats tendus dans le trait et la tache décisive.
Je finirais en notant l'étonnante présence de cette série de dessins des "Chiens", ces lévriers portugais tracés de quelques lignes souples et précises, sans repentir, sans ajout et surtout sans autre discours apparent que leur simple présence à la fois séduisante et parfois inquiétante, rôdant dans le blanc du papier.
Une exposition discrète donc, à voir pour sortir des sentiers balisés par les grandes expositions du moment (notamment Kiefer au musée Rodin, sur lequel j'aurai à revenir).
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critiquexpo · 8 years ago
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Derain, Balthus, Giacometti
Une amitié artistique
Musée d’art moderne - Paris - du 2 juin au 29 octobre 2017
Le titre de l’exposition est une curiosité : « Derain, Balthus, Giacometti - Une amitié artistique ». Qu’est-ce à dire ? Une amitié entre artistes ? Une communauté de conceptions artistiques ? Une proximité esthétique ? C’est bien cela que nous annonce la feuille d’introduction : « c’est une profonde communauté esthétique qui les réunit et constitue les fils conducteurs du parcours de l’exposition ». Ces fils conducteurs, dont les titres laissent souvent songeur, on les cherche en vain, tant les œuvres exposées témoignent au contraires de recherches qui, le temps passant, se distinguent au point de n’avoir plus aucun rapport entre elles. Est-ce là ce que cherche à masquer cette partition thématique de l’accrochage qui force le visiteur à d’incessant retours chronologiques, pour essayer de constituer des nœuds communs qui d’évidence n’existent pas ? On s’y perd et c’est du coup la singularité irréductible de chaque artiste qui s’impose.
C’est d’ailleurs probablement le grand mérite (involontaire) de l’exposition : donner à voir ce qui distingue, voire ce qui sépare et, dommage collatéral, d’établir une sorte de hiérarchie entre les trois amis. De cette confrontation, disons-le clairement, Derain ne sort pas en grand vainqueur. Au fil des salles, lorsqu’on voit se dessiner les contours d’une identité, de la constance et de l’approfondissement d’une recherche qui finit chez Balthus et Giacometti par devenir d’autant plus novatrice qu’elle ne cherche pas la nouveauté ou une quelconque modernité de principe ; dans ce même temps, donc, on voit clairement le malheureux Derain s’enfoncer dans les chimères d’un retour à la tradition, à une forme de classicisme lourdaud dont il ne semble maîtriser ni les principes ni la technique. Je suis allé voir cette exposition, je l’avoue, avec le secret espoir que peut-être elle me permettrait de relativiser le jugement franchement négatif que j’ai toujours porté sur Derain (à l’exception, peut-être, de quelques toiles de la période fauve). Force est de constater que ce ne fut pas le cas, même si j’ai pu retenir de certaines œuvres exposées (comme la « jeune fille pelant une pomme ») le sentiment d’une présence suspendue dans une simplicité formelle qui n’était pas loin de valider l’ambition du peintre d’un retour à une forme de primitivisme Renaissant glissé dans le costume du motif classique (jusqu’à la spirale de la pelure de pomme). Nous sommes dans les années 20 ; et l’on voit à partir de là Derain dégringoler de salle en salle, de sujets en sujets, vers une peinture bourgeoise qui lorgne maladroitement vers Ingres, vers Courbet, vers Poussin avec toute la finesse d’un varan de Comodo.
Cette exposition est donc surtout l’occasion de vérifier le positionnement singulier de Balthus. Occasion d’entrer d’autant plus sensiblement dans l’intimité de sa peinture et de sa rigueur qu’elles contrastent avec les lourdeurs de Derain d’une part, et l’incertitude inquiète et souvent fébrile de Giacometti. Disons-le : je suis allé voir cette exposition aussi pour mettre à l’épreuve de l’expérience mon indécision par rapport à la peinture de Balthus (dont je ne savais réellement quoi penser). Balthus : peintre bourgeois et équivoque peut-être desservi par la contamination surréaliste des années 20 et 30 d’une part, et par le caractère d’image que peut prendre son travail pour un regard plutôt attentif à la matière, à l’immédiateté du geste et à une forme d’expressionnisme auquel il est complètement étranger, d’autre part. Ce cadre qui a largement forgé la sensibilité picturale et critique de l’après-guerre par l’espèce de tyrannie qu’a pu exercer le formalisme d’un Clément Greenberg. L’exposition a le mérite d’éclairer en quoi Balthus doit son statut au fait qu’il échappe à ces injonctions déterminismes tout comme Giacometti a su échapper au dogme surréaliste (un peu malgré lui cependant, puisqu’il fut purement et simplement exclu du groupe).
Si le caractère figuratif et très formel de l’œuvre de Balthus pourrait laisser penser qu’elle se prête aisément à la reproduction, les pièces exposées en sont un démenti permanent. Car c’est bien dans la proximité que se révèlent les raisons qui expliquent l’impression faussée de raideur, de fixité des ses images dès lors qu’on ne les considère qu’à travers leur reproduction. On perçoit alors la façon dont est en permanence rendu sensible le travail du plan, de l’épaisseur, du grain transformant la matité de la surface en grésillement visuel qui contribue à déréaliser cette peinture pourtant potentiellement si narrative. Or de narration, il n’est finalement que peu question. Balthus se révèle un peintre de l’entêtement technique, de la besogne inscrite dans la surface. Le choix technique de la tempera accentue cette impression en jetant un voile irréel et laiteux sur des compositions qui, du coup, se font d’autant plus énigmatiques qu’elles ensevelissent sous ce travail leur origine souvent photographique. J’ai dis ailleurs ce que je pensais de du recours fréquent à la photographie dans la peinture contemporaine. Balthus échappe à ces critiques : la photographie lui fournit paradoxalement la trame figurative qui permet à la peinture de travailler à la disparition de son origine. Reste l’image certes, mais le terme doit alors être pris comme capacité à figurer ; et non pas au sens de représentation figurative indexée sur la reconnaissance, l’identification, la mimesis en somme. C’est sur cet écart que se révèle, dans la représentation, le travail d’abstraction du réel. Dans cette perspective je ne m’étonne pas de l’intérêt de Balthus pour la peinture de Piero della Francesca dont les copies qu’il en a fait sont accrochées dans la première salle de l’exposition : c’est bien cette même abstraction qui est au cœur de bien des œuvres de ceux que l’on a retenus sous le terme de « primitifs » italiens.
En conclusion, voici une de ces expositions-événement dont l’intérêt finalement ne réside pas tant dans ce qu’elle annonce de révélation, mais bien à l’inverse, dans le démenti que l’accrochage apporte à son ambition première ! Reste l’occasion de prendre ici la mesure de la diversité de parcours individuels au sein d’une époque que l’on se contente bien souvent de de définir comme un agrégat ou une succession de mouvements et d’avant-gardes dont l’intérêt se trouve parfois sur les marges : dans ce (et ceux) qu’ils excluent.
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critiquexpo · 8 years ago
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En écho au Nouveau Réalisme
Joël Andrianomearisoa,  Cinthia Marcelle,  Valerie Snobeck Musée des Abattoirs - Toulouse - 02 fév. - 28 mai 2017
Parmi les choses d’intérêt très inégal montrées dans le cadre de l’exposition « En écho au Nouveau Réalisme » aux Abattoirs de Toulouse, je me suis arrêté sur trois artistes dont les œuvres présentées ont en commun de cultiver une forme de littéralité que je qualifierai d’éloquente.
J’avais vu la vidéo « Go Soft » de Valerie Snobeck il y a quelques mois aux Abattoirs, et j’avais été étonné, déjà, de rester si longtemps assis face à cette projection qui ne montrait rien d’autre que le nettoyage méthodique, en plan fixe, d’une antique montre « Shell » (oui oui : la marque de la compagnie pétrolière du même nom). Un objet promotionnel des années 1940, graissé à l’huile … Shell bien sûr. On peut toujours gloser sur le contenu critique et la réflexion politico-économique qui se love dans cette vidéo comme dans le reste du travail de Valerie Snobeck. Mais ce n’est vraiment pas ce qui m’a arrêté ici : je maintiens que les œuvres à programme, les œuvres « engagées » n’ont jamais changé quoi que ce soit et que ce n’est pas sous cet angle qu’il faut les aborder. Comme disait Oscar Wilde « Il n'existe pas de livre moral ou immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, c'est tout ». Et sans être radicalement formaliste, c’est bien ici la forme qui est au cœur de l’expérience de cette création dont le contenu se fait justement oublier par la fascination qu’exerce ce plan fixe zénithal où des mains anonymes opèrent dans une froideur et un calme cliniques les gestes précis du démontage, nettoyage et remontage de la montre. Le temps s’étire, et au-delà de la complexité technique de la tâche, de la minutie, ce minimaliste compose un spectacle qui pourrait aussi bien être qualifié de documentaire, s’il n’était à ce point littéral, exhaustif et tautologique. Alors, bien sûr, la référence à Shell permet peut-être d’introduire a posteriori une dimension historique et donc dramatique à l’objectivité froide du processus technique. Mais elle reste pourtant d’autant plus anecdotique qu’elle ne s’impose véritablement à aucun moment du film.
Cinthia Marcelle est une artiste brésilienne dont j’ignorais jusqu’à l’existence avant de voir cette vidéo intitulée « The century », visible sur le compte Vimeo de l’artiste à cette adresse : https://vimeo.com/38499578. Un plan fixe ici encore, sur un morceau de rue en plongée. Un trottoir. Personne. Un objet jeté depuis une position hors-champ ; puis d’autres, en nombre, puis des fumigènes jusqu’à ce que cette scène soit envahie par un chaos généralisé. Une pause, la place de nouveau nette, puis le même scénario se répète, venu cette fois du bord opposé de l’image. Voilà pour l’anecdote que Cynthia Marcelle présente comme « retaking the conflicts and human passions that life is about, the beauty and horror of a century ». Bon. Mais pourquoi n’ai-je pu échapper, en visionnant ces images, à une impression de burlesque et d’absurdité qui m’a tout simplement fait rire ? Le substrat dramatique qu’évoquent les explications de Cinthia Marcelle ne résiste pas à l’incongruité comique de ces objets volant transformant en quelque minutes la neutralité atone de ce fragment de rue en un capharnaüm ludique et presque pittoresque. Barils, caisses,  cagettes, chaises, pneus, plâtre, seaux et débris en tous genres, jusqu’aux casques de chantier rouges - qui signent peut-être ici l’idée d’une protection dérisoire face au conflit et au cataclysme - voltigent, rebondissent, s’écrasent, s’entassent et nourrissent paradoxalement une impression festive et cathartique. Et il faut vraiment s’arrêter sur ce qui compose ce scénario de 9 minutes (objets, fumigènes renvoyant à une ambiance d’émeute, inversion des plans signifiant l’opposition et le conflit), pour lire dans ces images une intention dramatique ? La littéralité a ceci d’agaçant qu’elle ne l’est jamais (littérale) et peut prendre raisons et intentions initiales a contrario.
Dans la dernière salle de cette exposition est présentée la proposition (il faudra que je revienne sur le choix terminologique qui me fait ici éviter le terme d’ « œuvre ») de Joël Andrianomearisoa, « Sentimental products ». Vue de loin, cette installation s’annonçait comme l’un des innombrables avatars de l’inventairomanie et de l’empilement dans le champ artistique contemporain. Inventaire tenant souvent lieu de projet artistique. Et c’est en partie le cas, puisque les objets ainsi rassemblés sont soigneusement classés et parfois emballés comme des produits de supermarché ; avec ce point commun que tous sont peints en noir, et se voient affublés d’un titre, d’une étiquette de produit qui transforme cet anonymat littéral en figure littéraire. Les jouets-Solex étiquetés « Sentimental promenade », les feuilles mortes de Ginkobiloba  « nature-morte » ou les fagots « Feux de l’amour », pour simplistes que soient les jeux de mots qu’ils affichent, s’inscrivent ainsi dans la tradition des poèmes-objets de Breton ou des jeux de langage dadaïstes de Marcel Duchamp. Rien de nouveau donc de ce point de vue, et l’intérêt de ce dispositif résiste surtout, d’une part dans la bonne part d’humour (parfois potache) qui s’y trouve, mais d’autre part dans le fait même de l’accumulation organisée d’un cabinet de curiosité articulée à la volonté de neutralisation de chaque objet : le noir, mais aussi la neutralité des étiquettes blanches et de la typographie des caractères. Bref, une littéralité assumée dans laquelle il serait vain de chercher autre chose qu’une déambulation ludique, même si l’inévitable feuille de salle prend soin de nous affirmer que ces objets « redonnent de la noblesse au quotidien ».
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critiquexpo · 8 years ago
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Mathilda Marque-Bouaret
Le choix du Printemps - L’adresse du Printemps de septembre Toulouse - 10 mai - 10 juin 2017
Comme d’habitude, je n’ai pas compris grand chose au texte de présentation de l’exposition, sur la feuille de salle. Peu importe. J’ai seulement noté qu’il y est question de narration, de conte. De peinture, assez peu finalement (mais dans un texte si court, reconnaissons-le, ce peut être difficile). Mais il y avait peut-être plus à remarquer que « la matière et la composition qui, dans l’impermanence du style, semble maintenir une hiérarchie des plans instaurée à la Renaissance pour les scènes saintes ». Je ne vois pas bien ce que vient faire ici la Renaissance. Quant à « l’impermanence du style » … j’avoue ne pas savoir de quoi il s’agit. Je passe. Cette exposition d’une jeune diplômée de l’ISdAT a surtout été l’occasion de poser à mes yeux la question de la maladresse. Et je précise d’emblée que le terme n’est pas ici péjoratif. Quelle place en peinture pour la maladresse, qu’elle soit feinte ou réelle ? Les peintures de Mathilda Marque-Bouaret on clairement cette apparence de maladresse : un dessin grossier et schématique voué semble-t-il à une description sommaire des choses, des êtres et des lieux, qui laisse planer un doute quand à son statut. S’agit-il de l’ancrage revendiqué dans une représentation élémentaire, propre à nourrir un monde d’images voué à l’étrangeté et qu’encombrerait plutôt toute démonstration de savoir faire ou de justesse dans la représentation ?  Peut-être. Mais que penser alors de la façon dont la peinture elle-même semble travaillée avec une sorte de désinvolture dans l’inachèvement ? Désinvolture n’est pas maladresse me dira-t-on ; moins encore l’inachèvement. Certes. S’agit-il alors, là encore, d’un moyen de disqualifier par avance tout jugement de valeur fondé dans le champ de la représentation d’une part, et du savoir faire d’autre part ? Dans ce cas, pourquoi pas ? Mais se pose alors immédiatement cette question : pour quoi ?
On connait la maladresse de Cézanne, et j’ai toujours pensé que Matisse était fondamentalement maladroit - au sens d’une absence de facilité dans la virtuosité du geste d’un Picasso par exemple (il n’est qu’à regarder la production de son début de carrière pour constater ses difficultés à dominer une peinture embourbée dans la matière, étouffée, au geste souvent lourd et incapable d’extraire une vision de cette gangue). Maladroit mais paradoxalement habile, et appliqué ; méthodique et besogneux.
Et c’est peut-être précisément ce qui manque à la peinture de Mathilda Marque-Bouaret, qui semble rechercher la maladresse comme une sorte de revendication, ou d’identité visuelle, plus que comme un outil pictural et artistique. Car cette maladresse semble destinée à faire « image », non dans le sens d’une lisibilité accrue à force de simplification à la Philip Guston, mais dans celui de la mise en place d’un flottement du regard qui, ne trouvant pas son compte dans la peinture, se focalisent sur la dimension narrative de ces petites scènes. On frôle alors l’illustration.
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critiquexpo · 9 years ago
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Les insoumis de l’art moderne - Paris, les années 50
Musée Mendjisky - École de Paris - 15°arr.
12 oct. - 31 déc. 2016
Au moment ou l’on célèbre dans le geste tellement audacieux d’une grande rétrospective (que je n’ai pas vue), la peinture de Bernard Buffet, se tient à Paris une exposition bien plus modeste - un brin confidentielle même, si l’on en juge par la fréquentation des lieux - consacrée à quelques figures oubliées de la seconde école de Paris. Bernard Buffet n’est pas absent de cette exposition, mais c’est à mes yeux un des artistes les moins intéressants de cette période, pour des raisons que je ne développerai pas ici. Je préfère parler de ceux qui, regroupés ici sous le label tout de même un peu exagéré d’ « Insoumis de la modernité », ont continué après la seconde guerre mondiale et durant les années 50, à cultiver une peinture figurative attentive aussi bien au sujet qu’à la forme classique du « tableau » dans des dimensions qui, même pour les plus grands, restent assez modestes au regard des formats monumentaux de la peinture américaine d’après guerre qui ne tardera pas à les balayer de la scène artistique internationale (dès lors que New-York aura, comme le formulait Serge Guilbault en son temps, « volé l’idée d’art moderne »).
Certes tous ces artistes ne sont pas tombés dans un oubli définitif. Restent dans nos pages d’histoire de l’art quelques noms : Rebeyrolle, Lorjou, Buffet bien sûr ; mais c’est à peu près tout. Qui se souvient de Guerrier, Cara-Costea ou Françoise Adnet, pour n’en citer que trois autres ? Comme j’appartiens à cette génération sommée en son temps d’admirer sans réserve l’Expressionnisme abstrait, le Pop Art et le Minimalisme américain (que je ne renie d’ailleurs toujours pas), je n’ai jamais vu dans les productions de cette seconde École de Paris qu’une peinture étriquée incapable justement de s’emparer aussi bien des conquêtes de la peinture américaine que des avancées artistiques européennes de la première moitié du XXe siècle. Peinture anachronique au geste ligoté par respect pour une tradition moribonde. Une vision pour partie confirmée par l’introduction de l’exposition qui nous rappelle que ces artistes s’enracinent dans un passé lointain faisant de Courbet « le dernier grand peintre humaniste ». Mais que mettre sous ce terme d’ »humanisme » ? Et peut-on faire de l’opposition au formalisme des années 50/60 une indifférence à la forme et aux enjeux de la modernité en peinture ? Les œuvre exposées ici montrent en effet (avec le recul peut-être) une forme d’inquiétude au regard du tableau comme forme, espace et surface. Des toiles souvent frontales, aux espaces redressés ou bouchés ; une peinture volontiers épaisse emboitant des formes cernées aux couleurs rompus, comme si la couleur pure devaient sembler suspecte. Je généralise un peu abusivement, certes. Surtout si l’on considère la peinture de Lorjou ou de Rebeyrolle. Mais on ne peut se défaire dans cette exposition de l’impression d’une impasse face à des artistes qui, pour rejeter par exemple la violence de l’expressionnisme, semblent parfois lorgner du côté de Schiele (Michel de Gallard) et de Kokoschka (Gaëtan de Rosnay) ou garder la mémoire lointaine des Fauves (Lorjou).
Fallait-il que trente années s’écoulent pour constater néanmoins que certaines des œuvres exposées ici ne seraient pas déplacées sur les cimaises de certaines galeries contemporaines, à notre époque marquée, parallèlement à la domination des nouvelles formes classiques (installations, vidéo, performances, etc.), par un retour à une peinture figurative débarrassée (pas toujours pour le meilleur j’en conviens) des inhibitions, scrupules et complexes que lui avaient infligé les anathèmes des avant-gardes modernes et postmodernes ? Tous ces artistes ne sont pas également convaincants et, comme je le disais, Bernard Buffet inventant le système par lequel il finira par s’imiter lui-même me laisse assez froid. Mais ne serait-ce qu’à titre d’éclairage et de point de départ d’une nouvelle réflexion sur les enjeux contemporains de la peinture, cette exposition mérite que l’on s’y arrête.
Je finirai en insistant d’une part sur l’intérêt de l’architecture du musée, atelier-résidence construit en 1932 pour Louis Barillet par Mallet-Stevens, et d’autre part sur un aspect beaucoup plus décevant de l’exposition : accrochage, éclairage et muséographie ont vraiment quelque chose de bricolé, avec des cartouches vaguement accrochés au murs ou à d’antiques rideaux rose, quand ils ne sont pas carrément glissés entre le cadre et la toile ! Tour cela donne une impression d’improvisation et ne sert pas particulièrement la volonté d’actualisation et de revalorisation contemporaine de cette génération …. Dommage
Le musée : http://www.fmep.fr/index.php
Dossier de presse de l’exposition : http://www.fmep.fr/download/presse/LesInsoumis/DossierPresseLesInsoumisBD.pdf
www.stephanepeltier.com
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critiquexpo · 9 years ago
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HAD hier, aujourd'hui, demain
Haguiko et Jean-Pierre Viot - Espace Écureuil - Toulouse Capitole
Une fois n’est pas coutume, la feuille de salle de l’exposition HAD à la fondation Ecureuil est à la fois précise, simple et claire, nous évitant le jargon légitimant de tant d’expositions. Et c’est d’ailleurs par là que je voudrais commencer ; par une citation de ladite feuille : « HAD n’est pas une exposition de céramiques, mais d’œuvres dont le médium est la céramique. » Et oui, parce qu’il faut bien quand même ne pas confondre l’agrément utilitaire du bel artisanat, avec la légitimité artistique de l’ « Œuvre » ; parce qu’il ne faudrait pas se tromper d’objet, alors répéter, pour éviter tout malentendu, dissiper toute équivoque, qu’il s’agit bien là d’art contemporain. Voilà qui est très intéressant, trahissant ce qui justement fait pour une part l’intérêt de l’exposition, c’est à dire le parti-pris de Haguiko et Jean-Pierre Viot : se situer dans cet entre-deux où les catégories critiques cessent d’agir parce qu’elles se heurtent à la réalité d’une forme d’une part, et à celle d’un matériau d’autre part. Car si les « nuages » d’Haguiko ou les « colonnes » de Jean-Pierre Viot (qui sont d’ailleurs intuitivement plus proches de la termitière ou du tronc,  peut-être …) s’éloignent clairement de l’objet, et en cela d’un quelconque travail utilitaire ou même décoratif, cette origine fait sans cesse retour dans leur travail. Par le matériau tout d’abord. Les effets de matière, de surface, de brillance, de craquèlement et de variation de densité colorée, de transparence, assument clairement le travail de l’artisan, du potier formant au tour sa vaisselle à cuire. Voilà qui n’est pas très art contemporain, mais qui est parfaitement assumé par Jean-Pierre Viot qui fait volontiers référence, dans l’entretien filmé qui accompagne l’exposition, à l’origine archaïque et utilitaire de l’objet qu’il multiplie ici : le bol. Objet archétypique donc, décliné dans une multitude de versions déformées, affaissées ou repliées, aplaties, refermées, ouvertes, etc.. Seconde référence à ce métier, cet artisanat dicté par le besoin, la fonction. Ces bols blancs de porcelaine aux couleurs pures et saturées, accrochés sur les murs comme une constatation colorée, Jean-Pierre Viot les compare à des « pixels », des unités de couleurs, abstraites, purement sensibles en quelque sorte. Concession presque obligée à notre ère « contemporaine » donc « numérique » ? Je ne sais. Mais je suis assez loin de sentir ici cette intrusion du numérique dans l’installation de l’espace Ecureuil. Car ces bols qui s’accrochent aux parois s’animent, lorsqu’on s’en approche, d’une sorte de pulsation organique ; et la souplesse des déformations se fait d’autant plus sensuelle que jamais ne se perd la présence de l’objet, de la forme initiale ; et par conséquent rend plus sensible la plasticité, la mobilité des déformations. La contamination des murs et des parois des colonnes/troncs oscille ainsi entre la tache colorée, le motif décoratif et la plasticité organique du vivant. Tout ici est artifice et appelle ou rappelle l’idée de nature, jusqu’à ces ombres feintes en terre crue couchées au pieds des colonnes (réelles celles-ci) de la « salle des colonnes » de l’Espace Écureuil, sorte de dalles couchées dont la forme renflée rappelle l’entasis des colonnes antiques. Nature aussi, mais lointaine et paradoxale dans les « nuages » d’Haguiko, affaissés comme des roches volcaniques, noirs, et rendus précieux par le brillant de la céramique - et même si je dois dire que cette référence aux nuages est finalement assez peu perceptible : je préfère ici insister sur cette impression d’une présence au contraire lourde et têtu dans ces formes opaques et ramassées, presque informes justement sous les brillances de la céramique.
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critiquexpo · 9 years ago
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Taryn Simon par Lunettes rouges
Exposition au Tel-Aviv Museum of Art
J’ai à plusieurs reprises - et encore récemment à l’occasion de l’exposition de Raphaël Zarka et Aurélien Froment aux Abattoirs de Toulouse - eu l’occasion de m’exprimer sur cette tendance récurrente des artistes à la compilation documentaire. Un article récent sur le blog de Lunettes Rouges me pousse à y revenir, mais pour cette fois remarquer que la méthode documentaire peut parfois donner lieu à des œuvres fortes. Certes, je n’ai pas vu l’exposition de Taryn Simon dont il est question, mais les vues qu’en donne l’auteur du site laissent entrevoir des images dont la littéralité de la mise en scène sur des fond colorés, l’importance des formats, aussi bien que le matériau des cadres ou les courtes explications qui y sont insérés, affirment une présence troublante dans l’écart qu’elle rend sensible entre l’événement et l’histoire d’une part, et l’artifice esthétique du decorum dont la séduction reste ici intacte, d’autre part. Je n’en dirai pas plus, préférant vous inviter à lire l’article « La diplomatie avec des fleurs » sur : https://lunettesrouges1.wordpress.com/2016/11/06/la-diplomatie-avec-des-fleurs-taryn-simon/
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critiquexpo · 9 years ago
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Printemps de septembre 2016 - Toulouse - I
Documenter, compiler, assembler et organiser, puis exposer. Est-ce suffisant pour faire œuvre ? Et surtout pour offrir une expérience esthétique qui ne relève pas seulement pour le spectateur de la tentative de traduction d’un rébus ou d’une énigme dont les œuvres seraient autant d’indices ? L’exposition aux Abattoirs du travail de Raphaël Zarka et d’Aurélien Froment sont pour moi l’occasion de (re)poser cette question, qui devient un peu lancinante tant le sentiment de cette tendance à la compilation devient récurrent et quelquefois pesant. On entre dans le musée et l’on est immédiatement plongé dans un accrochage volontairement labyrinthique, entre des cloisons qui divisent les espaces voués à la présentation de tables quadrillées où trônent des objets, des baguettes ou des petites pièces de bois assemblées qui invitent à la manipulation (mais qu’il est bien sûr interdit de toucher : je me suis fait rappelé à l’ordre …). Sur les cloisons, des images accrochées, photos ou parfois peintures. On sent bien qu’il y a une relation entre les éléments du dispositif et l’on hésite à penser qu’il ne s’agit que d’une relation didactique : illustration d’un mode d’emploi. Pourtant on est pas loin de cela. Je ne détaillerai pas toute l’exposition, ce qui serait bien long et inutile. La déambulation a quelque chose d’erratique, entre images, objets et sculptures. On finit bien par sentir que tout cela relève de préoccupations liées à la pensée scientifique, mathématique, aux objets scientifiques et au désir, finalement « d’en faire quelque chose ». Mais quoi ? C’est bien la question qui reste en suspens tant l’ensemble des pièces présentées par Raphael Zarka semble, par l’accumulation, rendre plus sensible ce que j’évoquais : une déclinaison compilatoire et documentaire. Et l’on n’est pas loin de la vérité sans doute lorsqu’on sait que Raphaël Zarka revendique lui-même cette dimension en désignant ses œuvres par le terme de « sculptures documentaires ». Mais la revendication fait-elle validation par la seule puissance d’une désignation performative ? Il est permis d’en douter, à moins de considérer qu’un document peut, en tant que matériau artistique, faire œuvre, et ceci en provoquant une expérience singulière et proprement étrangère à ce qu’il est précisément en tant que document. Or c’est l’inverse qui se produit : là où le document peut être, parfois, occasion d’associations, de réflexions voire d’errances imaginaires ou affectives, il est recouvert ici de tout le poids d’une intention qui en désactive la charge, voire le sens. Tiraillée entre littéralité et surcharge référentielle, la forme échoue à prendre corps et apparait comme une dépouille, bien souvent anecdotique lors même qu’elle peut apparaitre simplement séduisante, voire belle (je pense aux sculptures modulables par exemple). L’anecdote alourdit, toujours, et la série de photographies de skateurs évoluant sur des sculptures contemporaines est, de ce point de vue, d’un terrible ennui.
Pour finir sur cette tendance au documentaire, on ira jeter un œil sur l’exposition de Vincent Meessen à l’Espace Ecureuil du Capitole : un modèle du genre. Assemblage et compilation de documents, de l’écrit au film documentaire en passant par la photographie de presse pour tenter d’évoquer la diffusion et l’influence de l’Internationale Situationniste au Congo.
Restons-en là pour aujourd’hui. Il reste des choses à voir au Printemps de septembre. J’aurais peut-être le temps d’en parler prochainement.
http://www.printempsdeseptembre.com/fr/le-festival/aurelien-froment-raphael-zarka/27
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critiquexpo · 9 years ago
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“Albert Marquet - Peintre du temps suspendu”
Exposition du 25 mars au 21 août 2016 - Musée d’art moderne de la ville de Paris
L’exposition Albert Marquet s’est achevée hier. Occasion de revenir sur cette peinture qui traine dans la pénombre aux marges des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle. Et pour cause, Marquet n’est pas un artiste d’avant-garde.
« - Je me suis ennuyé … « - J’en étais sûr : te connaissant, tu as trouvé ça trop mou. « - C’est ça. » Voici en quelques mots le contenu d’un échange avec un ami peintre à propos de cette exposition. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : de mollesse. Encore faut-il s’entendre sur les termes. La peinture de Marquet peut en effet paraitre « molle » : pas d’effet spectaculaire, par de réelle audace formelle, aucune nervosité, pas d’impatience ou de fébrilité dans la touche face à l’urgence d’un paysage fuyant ou de la lumière changeante. Pas même un grand format qui s’imposerait ne serait-ce que par ses dimensions. Ajouté à cela le sentiment, rendu très sensible dans l’exposition, d’une incapacité à se renouveler, et l’on aura clairement l’image d’une œuvre « molle ».
Mais il faut y regarder de plus près. Le grand mérite de cette exposition est de permettre d’extraire la peinture de Marquet de l’évidence, de la platitude et du simple statut d’image dont sa capacité à si bien supporter la reproduction l’a recouverte : une carte postale d’un paysage de Marquet, c’est très joli, et c’est très reposant. Et l’on ne serait pas loin de penser la même chose devant les œuvres s’il ne fallait, disais-je, y regarder de plus près : se rapprocher, physiquement, pour s’apercevoir que cette peinture fonctionne à l’inverse de nos attentes. Cette habitude qui nous suggère qu’une contemplation rapprochée révèle tout à la fois identité de l’artiste et la peinture en acte : touche, geste, expression, empâtements, repentirs, etc. … tout ce qui fait le corps de la peinture. Et ici : rien, rien de tout cela. Bien au contraire, le regard est déçu et le désir frustré. Ces petit formats appellent certes une proximité ; et si à cette faible distance qui permet de percevoir la matière, l’image ne disparaît pas complètement, elle se révèle presque affaiblie par une peinture délibérément décevante. Délibérément, car rien ne semble ici vouloir affirmer une quelconque expression autonome de la peinture, de l’expression en peinture. Ni lyrisme, ni virtuosité, ni précision ni, à l’inverse, de volonté de schématisation, voire d’abstraction. Aucun discours ici, semble-t-il. Aucun discours sur la peinture ; aucune démonstration. Quelques aplats, quelques dégradés, quelques cernes et de vagues touches signifiant figures ou fenêtres sur une façade lointaine. Tout cela est mou en effet et sans revendication avant-gardiste. Il faut alors reculer ; reculer quand le format nous invite à nous approcher. Mais c’est la condition pour que le paysage se fixe comme une évidente et une vision du réel dont toutes les aspérités auraient été gommées. Une peinture dans lesquelles les formes fonctionnent par emboitement et dont le rapport descriptif avec la réalité semble perdu au profit d’une vision presque désincarnée. Voilà ce qui crée le désir de la proximité, de désir d’y voir de plus près, de chercher ces détails que la perception d’ensemble interdit. Détails inexistants, on vient de le voir.
C’est dans cette frustration que réside me semble-t-il la valeur de la peinture de Marquet : l’évidence et l’immédiateté se font au prix d’une mise à distance du monde et du renoncement de la peinture à en faire l’inventaire ; ou même à interroger la perception dans ses plus intimes contours. En cela - et bien que sa peinture n’ai formellement que peu à voir avec le maître d’Aix - Marquet est plus proche de Cézanne que de Matisse ou Manguin (dont il était pourtant très proche). Marquet Fauve ? « Notre Hokusai » disait de lui Matisse (les notices de salle nous le rappellent) : façon assez subtile de marquer sa singularité. Et Marquet de revendiquer clairement « peindre comme un enfant sans oublier Poussin ». On ne peut être plus clair : approchez-vous d’un Poussin, pour voir … Est-ce un hasard si ses paysages sont toujours à distance, ses visions si souvent en plongée depuis le retrait de son atelier dominant la seine ou le port d’Alger, si les fenêtres reviennent comme autant de seuils entre le regard et le monde ? Le peintre se tient dans cet espace ; du moins son regard. Les choses sont toujours lointaines, le monde toujours inaccessible dans la distance que lui impose le regard qui le réduit à l’image. J’utilise ici ce mot suspect à dessein : « image », c’est bien de cela qu’il s’agit, dont l’existence et la présence reposent sur l’éloignement du monde, sa réduction. Pour le dire autrement : la peinture produit ce monde en réduction : réduction du format, réduction de la forme, réduction du détail, réduction de ses apparences et, pour finir, réduction de sa présence même. Mais si Marquet reste peintre, c’est justement parce que la peinture peut seule rendre sensible ce caractère ; ce qui peut-être explique pourquoi les peintures de Marquet semblent si peu souffrir de leurs reproductions. Mais il y a là un grand malentendu car - et cette exposition a le mérite de le révéler -  rien de ce que je viens d’évoquer de transparait dans ces reproductions, ces cartes postales ou les images d’un catalogue.
Une dernière chose : Marquet est un grand coloriste. Non pas à la manière de Matisse ou des fauves. Non pas dans la surenchère de couleurs pures mais, à l’inverse, dans la subtilité des tons rompus, les demi-teintes et les couleurs auxquelles ils serait parfois difficile de donner un nom. Si sa peinture donne le sentiment d’un assemblage de formes par ces emboitements que j’évoquais plus haut, c’est en fait par la couleur que se construit le plan. Surfaces et aplats qui renvoient la vision à son abstraction et contribuent à creuser la distance (encore) qui nous sépare par exemple du remorqueur traversant le port de Hambourg (1905) sans nous imposer, en pleine période fauve, la frontalité et la littéralité de la touche ou de la couleur pure. Et sans pour autant nous le rendre accessible…
À l’heure ou il semble que la peinture ne puisse survivre dans les collections d’art contemporain que par la surenchère des formats monumentaux, il y a je crois chez Marquet deux ou trois choses à (ré)apprendre. Notamment que la mollesse peut être une élégance.
http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-albert-marquet-0
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critiquexpo · 9 years ago
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Marie-Laurence de Chauvigny de Blot
Galerie de l’Âne bleu - Marciac - 15 juillet-15 août 2016
Une exposition de peintures séduisantes. Il s’agit du travail de Marie-Laurence de Chauvigny de Blot. Des paysages. Ou plutôt, si j’en crois ce que je lis sur le site de cette artiste que je ne connaissais pas, une peinture de la nature, de l’immersion dans une expérience de la nature. Cela, c’est pour l’intention. Mais comme on sait qu’en matière de peinture l’intention importe peu, il s’agit de voir. De grandes peintures, d’abord, qui s’imposent par leur format et une surface brillante et saturée. D’ailleurs, on a envie de toucher (mais cela, c’est mon problème : j’ai toujours envie de toucher). Une peinture gestuelle, mais des glacis, des surfaces comme un feuilletage de couleurs qui tendent à se saturer, à se densifier dans le cadre mouvant des bords jamais fixés de la peinture. Peignant sur de la toile déroulée au mètre, Marie-Laurence de Chauvigny de Blot limite son son champ d’action par un cadre dessiné : quelques lignes irrégulières qui forment un vague rectangle, comme une frontière instable où s’inscrit la peinture, flottante.
Une peinture séduisante donc, au service de cette immersion dans la nature dont la couleur assure la présence et l’espace. Mais justement, je me demande si la couleur, si le geste, si l’espace ont besoin de ces balises figuratives que l’artiste pose sur ses peintures sous la forme de ces signes, ces taches de couleur qui veulent signifier, représenter, donner de ces points de repère au spectateur comme pour l’assurer que tout cela est bien de l’image, de la représentation, de la figure. Telles taches rouges : coquelicots ; telles autres : épis. Je dis « taches » mais je devrais dire « forme » tant la peinture semble se construire justement au risque de (perdre) la forme ; c’est à dire, ici, le paysage. Est-ce aussi ce qui explique la récurrence des cadrages et de la composition ? Ce point de vue surbaissé qui renvoie en marge un horizon sugg��ré, très haut dans le cadre. L’espace ainsi oblitéré devient alors l’espace propre de la surface, de la peinture donc.
Est-ce pour cela que c’est la peinture la plus marginale, dans cette exposition, qui a retenu mon attention ? Un mur moins éclairé, un peu en contre-jour, prés de la porte. La seule peinture présentée dans une boite américaine, un cadre donc, fixe. Et une peinture qui justement se construit sans ces balises, ces signes que j’évoquais, mais s’architecture par les gestes eux-mêmes. Un espace se déclare ainsi, et d’autant plus présent qu’il est instable, entre la surface et ce qu’on voudrait du coup nommer « paysage ». Mais abstrait ; et de ce fait autorisant peut-être de façon plus sensible et immédiate la perception de cette attention à la séduction du glacis, de la surface et, pour finir, de la peinture qui s’enracine d’autant mieux dans cette nature revendiquée qu’elle sait s’en éloigner.
Et pour conclure : une peinture séduisante disais-je ; mais peut-être trop. Car l’enjeu est-il bien le paysage ? Ne joue-t-il pas ici contre la peinture comme le nu (cette grande autoroute de l’histoire de l’art) jouait contre le corps dans la peinture de De Kooning ? Jusqu’à exiger qu’il se construise en peinture contre l’empire de la tradition, au risque de faire passer cette épiphanie pour la violence d’un démembrement.
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critiquexpo · 9 years ago
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Ugo Rondinone - Becoming soil 
Carré d’art, Nîmes - 15 avril-18 aout 2016
Un résumé pour commencer : l’exposition s’ouvre sur une grande salle occupée par un immense rectangle, une immense dalle de terre comme en lévitation à quelques centimètres au-dessus du sol. Au fond de la salle, une horloge-vitrail, figée. Puis c’est la salle des oiseaux, modelés en argile par Ugo Rondinone puis fondus en bronze, comme les poissons et les chevaux que l’on trouvera plus loin. On déambule entre ces figures simples, volontairement primitives, qui parsèment le sol de la salle. Au fond, sur le sol, une tache blanche faite de petits bouts (de quoi ? papier ?) tombant d’un dispositif accroché au plafond. Une horloge. Salle suivante : de grandes images de paysages à l’encre de chine rappellent des gravures du XVIIe siècle peut-être. Des morceaux de nature et de saisons. Une serrure de bronze dans le mur. Puis la salle des poissons : comme les oiseaux, mais suspendus, disséminés eux-aussi dans toute la salle. Une horloge. Passage ensuite dans un large couloir lumineux, sous une arche de terre, vers la salle des constellations, grandes peinture monumentales noires et blanc figurant des ciels ou des espaces cosmiques. Puis la salle des chevaux, modelés comme les oiseaux, introduite par l’apparition de l’un d’eux au seuil qui sépare les deux salles. Enfin, la salle des ciels, dégradés de bleu sur de grands formats aux formats découpés dans leur partie supérieure en forme de nuages schématiques. Retour à la salle du début : on a fait le tour.
On comprends bien, surtout si l’on a écouté l’entretien d’Ego Rondinone sur le site du Carré d’art, les intentions de l’artiste. La nature, l’espace, les éléments, l’expérience d’une immersion, d’une parenthèse dans l’espace et le temps, la prise en compte (habituelle) de l’espace d’exposition. En fait d’immersion, on a surtout immédiatement le sentiment d’entrer en territoire connu. Non pas celui de la terre, de la nature, mais celui du dispositif contemporain. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, cette volonté, cette nécessité de la prise en compte du lieu, de l’espace d’exposition, entraine ce que l’on voit ici : la dissémination, au sol ou dans les trois dimensions ; ou bien, au contraire, le vide. Et puis le parcours, balisé par ce parterre d’humus d’un côté, et cette porte, cet arc de terre de l’autre côté. Mais voilà : comment ne pas sentir l’artifice, le décalage entre ce cube blanc et ces constructions à l’échelle humaine mais que l’on ne peut néanmoins percevoir que comme des objets désincarnés, ou déraciné, assénant leur propos : « devenir sol! ». Presque un discours, démonstratif (et donc ennuyeux). Tout au plus des signes mais dont la dimension volontairement sensible (la matière, la terre, l’échelle) échoue pourtant à provoquer une quelconque empathie ou sentiment esthétique. C’est grand, certes, mais cela ne suffit pas ; et l’on se prend à rêver à de petites choses qui nous inviteraient à entrer ailleurs, dans une proximité avec cette fameuse nature que l’artiste veux nous tendre et qui est ici définitivement disqualifiée … par le lieu même. Seules peut-être les grandes « peintures » à l’encre parviennent à supporter le vide des ces salles trop grandes : parce que le regard prend du recul, parce qu’il se focalise, parce qu’on ne peut qu’approcher et se perdre dans le réseau infini de ces lignes qui excèdent le regard. Pour le reste, on déambule, sans vraiment s’arrêter même devant les grandes peinture « cosmiques », un peu trop semblables, un peu trop dépendantes du processus répétitif de fabrication (d’ailleurs, je remarque que ces cosmos semblent avoir peur du cadre tant ces taches blanches évitent soigneusement les bords …). Restent ces petites choses : une serrure soufflant un air venu d’on ne sait ou ; cette niche ou brûlait de l’encens, au-dessus de laquelle monte la trace du noir de fumée ; l’empreinte de cette main dans le mur. Et puis les horloges : petits vitraux balisant le parcours, objet presque précieux un peu égarés ici, mais faisant corps avec les murs, le lieu justement. De loin en loin, ceux-là scandent bien mieux le rapport au regard, au temps et au lieu que les installations ou les grands tableaux devant lesquels on s’arrête si peu. Patrick Scemama explique sur son blog (http://larepubliquedelart.com/ugo-rondinone-au-coeur-des-elements/) que « Ugo Rondinone aura semé des indices, qui sont comme les pierres du petit Poucet et qui permettent de mieux intégrer son univers ». Et c’est bien le problème : tout cela ressemble un peu trop à un jeu de piste qui n’arrive pas à choisir entre le sens de l’œuvre comme art total, l’investissement du lieu ou l’existence autonome de chaque création. Alors c’est le spectateur qui fait son choix, et fragmente ce qui se voulait un tout.
« Becomming soil », devenir terre : c’est le titre de l’exposition. Mais la déclaration d’intention ne fait pas l’expérience, et la terre reste loin….
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