Writing by night @maiporennes. #flouartistique #inakale #slampolitique #slampoetry #lesbianofcolor https://www.instagram.com/p/Bxf46ajCfKMw2bpWe3GkpNDc_06LwDg-dtmH340/?igshid=8w47rir5lyfs
Retour, plongée, apnée...les mots et les images comme des wagons qui s’accrochent. #ResiRennes @maiporennes https://www.instagram.com/josambi/p/Bv9NdolAZMoXI29E8T7aQpgcYl7aoWIP5nNtSo0/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=1awvjs98qij0
Il y a des murmures dans les fissures, des cris inaudibles, des effondrements sourds et la lumière qui ne jaillit de nulle part.
Alors je n’ai rien dit.
Je n’ai rien dit, rien
Rien de la douleur qui goutte comme un robinet cassé.
Rien dit rien de la peur, de laisser mon âme sortir, même atrophiée.
Rien dit rien des brèches, des scissures, des pores et des gerçures
Je suis de Mytilène, Amazone matriarche, féministe indomptée.
Entre-deux inavouable et j’ai une bête qui grossit dans la poitrine.
Il y a le bruit sourd des silences et les non-dits qui remplissent mes restes d’espace. Et le passé, les histoires, les on dit, les légendes et les colères.
Il y a les histoires qui s’inventent, les fictions au casting flamboyant de mensonges, les mots qui débordent pour te pousser dans le vide.
Nous sommes. Nous sommes la voix sourde, une déferlante. Militants LGBT+ de la diaspora congolaise. Nous sommes de ces minorités des minorités qui levons le poing rageur, majeur.
Nous sommes communauté. Même s’il y a des bêtes dans chacune de nos béances. Même si le monstre nourrit chacun de nos os. Même si les lumières qui brillent mangent nos ombres.
“Un monstre !” qu’ils disent. Un monstre, un enfant mal fini, miniature inachevée. Je suis un monstre qu’ils disent ni mère ni sœur ni homme ni femme
Je suis le corps sous les décombres de l’ignorance. J’étouffe la gorge serrée, les yeux en feu, le cœur charnier.
Alors je n’ai rien dit.
Je n’ai rien à ma mère pour ne pas m’arracher les lèvres.
Ca y est, ça y est les tambours tonnent.
Frottement des cuivres et bruits de bottes.
C’est la Grande marche de l’automne
Ca y est, ça y est !
C’est la cadance, la vaste fête, l’ignoble transe
Ils ont sorti les boucliers, ils les ont même briqué pour la rentrée
Nos amis…nos amis...
Ca y est, ça y est
Ils se taisent les oiseaux
Pendant qu’on casse de l’arabe, du gitan et du négro
Posés tout fiers, ils annoncent haut
Posés tout beaux, ils déblatèrent
Mais quand même, mais quand même…
La ferme !
La ferme aux femmes, fiente prolo, malfrat travelo, PD,
homo, islamo-bobo, pauvres-gaucho !
La ferme !
C’est la grande enchère des droits-misère
Le fiel, la fiente entre les crocs, le fiel, la fiente de leurs mots
Tout est serré, trop bien rangé
Comme la boucle des Weston, des militaires et leurs
treillis
Comme les glaçons de leur Jameson
Tout est serré, trop bien rangé
Ca y est, ça y est
Seuls croassent les corbeaux
Ils annoncent la fin de la paix.
Ils annoncent la fin de la paix
Mais alors devine qui scrute le blanc de tes yeux ?
Devine qui soudain te regarde dans la file feignant d’être un ami ?
Devine qui se surprend à vouloir être comme toi, près de toi, tout à fait subitement, soudainement frère ?
Devine qui lève le poing, la matraque et l’urne pour te frapper un peu plus fort
Tandis que tu lèves le tien pour fendre la gueule et le cul, saboter les efforts de ceux qui s’obstinent à te maintenir à terre ?
Te maintenir à terre...vulgaire poussière, loin de la cour de ces hommes.
Mais qui un homme souhaite devenir ?
Devine.
Devine qui t’encule, qui t’emmerde, qui t’enferme, qui t’enfoire ?
Qui te propose, t’annonce, te définit , te dit ce que tu es, doit être ou devenir ? Être, devenir, être devenir...
Qui te respecte si peu, si peu, si peu…?
Devine qui fixe ses pupilles et te dénonce, te regarde de haut, te soumet ?
Qui te dit que tu n’es rien, te dit que tu n’es pas
Pas assez, suffisamment suffisant, trop, trop peu ? Devine !
Qui te prend et qui te jette ?
Qui te marche dessus, s’essuie les pieds, efface sa merde et pointe du doigt ta colère ? Ta légitime rage ?
Qui te crache dessus et pointe du doigt ton enfer explosif ?
Qui t’accuse ? Qui abuse ?
Qui te tient, te retient, te soutient ? Si peu, si peu…
Qui s’abstient quand ça arrange ? Qui t’égorge quand tu déranges ?
Qu’est-ce qui te perd…?
Qui s’abreuve de ta misère ?
Qui pense que tu n’es pas assez une sœur pour être
une amie ? Pas assez frère pour être ami ?
Qui te dis que tu es vendue pas un allié, pas une alliée, pas assez forte, assez soudée ?
Mais…devine…devine qui a froid comme toi ? Les cantonniers du bleu trépas.
Qui comme toi a le cœur froid ?
Sculpture cimetière au fond des eaux ! Ôde funeste dans les avions !
Qui comme toi bientôt, pourrit déjà ?
Mort pour une vie qui ne sera pas. Place éternellement vide d’une nation qui ne verra jamais le jour !
Alors devine ma colère, devine ma colère...
Ma rage même éteinte ou tamisée qui Joue les notaires et les huissiers
Et qui compte chaque frère broyés, chaque sœurs noyés.
Et si nos noms sont tourbillon pour chaque vie mal nourrie, chaque vie mal traitée, nous serons la nuit noire de vos culpabilités absentes.
Nous serons les éclosions partagées,
La solitude et la tourmente de vos cœurs charognés !
Devine la bêtise, la foudre, l’inhumain.
Le sang qui coule et les rigoles débordantes.
Devine la haine qui charrie les ablutions
Devine le fleuve qui coule les insultes, les bannissements
Et les prières des hypocrites et les programme des
hypocrates-charlatans
Et la foule qui trace, nette et précise, la collective
mémoire bien propre sur elle.
Et la foule qui trace, nette et précise, la collective
mémoire bien propre sur elle...
Qui proscrit ? Qui définit? Qui tranche ?
Ca y est, ça y est
Ils se taisent les oiseaux
Seuls croassent les corbeaux
Mais qui meurt à la fin ?
Devine.
Ecrase la peine, torture-là, triture les passions et dissèque ton âme.
Explose. Expose ce qu’il reste d’humain et de fierté.
Dégage le coeur et ses lambeaux.
Regarde, ca fait de reflets brillants sur les murs gris de la ville !
Piétine la rétine de l’oeil innocent.
Evacue les choses et les souvenirs, tout ce qui te rappelle un autre monde, qui lui ressemble bien trop. Trop proche de nos rêves et idéaux…de merde.
Lèche le sucre de mes doigts, ceux-là même qui trancheront d’un geste vif et enserreront bien fort, le moment venu. Efface le goût de mes lèvres et avec lui,la tendresse des matins à attendre un regard ouvert sur le mien.
Rien n’est digne, n’est bon, n’est pire ou moins bien. C’est juste vaporeux. Evanescent.
Nous sommes ce que nous sommes : de petits êtres étroits qui pensons créer des mondes, inventer des univers par la simple force de nos rêves amoureux. Nous pensons franchir des océans, les plus brutaux par la simple volonté de nos coeurs à la chamade. Nous peignons les cheveux de l’avenir qui se balade au fond des mers et boude la force de notre petit bonheur.
Dieu n’existe pas.
Que reste-t-il alors ? D’étroits couloirs a traverser et des murs a raser de plus près.
Ne reste que le temps à attendre que passe l’envie de me voir flotter au-dessus de mon propre corps. Dieu n’existe pas. Il n’a pas ma rage. Ne connaît pas ma colère. N’a souffert aucune passion.
Dis-moi que tu m’aimes, que tu m’aimes bien morte. Inerte. Définitivement éteinte.
Aimer c’est arracher le ciel à ceux qui ne le méritent pas et l’offrir dans une petite boîte pour voir que les petites choses sont bien les plus fortes.
Aimer c’est idolâtrer nos propres faiblesses, construire son malheur, bâtir des contradictions et découvrir enfin que l’on n’invente rien. Rien d’autre qu’un amour qui a le parfum et la couleur de milliers d’autres.
Aimer c’est détruire les forteresses des ennuis, c’est lancer des flèches à nos ennemis, ceux qui dessinent pour nous ce qui doit être. Etre dit, être fait. Paraître. Pour refaire le même trajet, la sempiternelle transhumance vers l’absurde.
La trahison n’a de sens que lorsque les liens sont aussi uniques que les dessins tribaux sur un sac Ikea.
C'est qu'il faut marcher dans les clous, sourire toutes dents au vent : à ses collègues attroupés autour de la machine à café.
Trois fois par jour. Trois fois.
Même si c'est déjà la fois de trop, même si ce sont les mêmes collègues et que tu les as déjà croisés dans l'ascenseur, dans le couloir, au 3e étage, en réunion et parfois - pas de chance - à la sortie des toilettes.
Même si tu n’as pas envie,
Que tu n’as plus envie.
Et que tu n’y crois pas à ce teambuilding permanent.
Parce que c’est trop et tu n’en as plus grand chose à foutre de ces discours arbitraires. Coupe taillée - perfecto pour convenir aux patrons. Asseoir la conscience satisfaite des dominants.
Tu n’en veux plus de cette famille au socialisme lointain dont l’odeur fétide de la trahison éclabousse nos idéaux. Elle fait de toi et de tous les autres, un amas de travailleurs militants. Névrosés. Gentrifiés.
Il faut marcher dans les bandes blanches qui traversent les open-space des ruches vitrées scintillantes au soleil : jouer des coudes, pour garder sa place, souligner ses réussites plus que de raison. Et dans la jungle c’est le plus fort qui a raison. Un powerpoint coloré ? C'est moi ! Une introduction ciselée ? C'est encore moi ! Être le meilleur, c'est ça l'enjeu. Être l'esclave moderne le plus averti, le plus intelligent certes, et le plus asservi mais surtout, le plus fier de l'être !
Sala musala qu'ils disent ! Travaillez, prenez donc un peu de peine.
C’est qu’il faut suivre les lignes blanches. Celles qui virevoltent en tornade dans ton billet de 50€ pour se poser en paillettes dans tes narines prolétaires. Soigner l’aspiration et faire place à la déesse Léthé.
Pour oublier.
Oublier les ordres, les abstentions, les injonctions contradictoires, les batailles perdues, la pagaille, le désordre, la petitesse, la vulnérabilité, les misères, la sécheresse, le désarroi, l’injustice et le pouvoir. Les staffs, les échéances, les budgets, les courriels, les pourriels, les agrafeuses et les post-it, les tweet, les buzz, les posts Facebook. Les salamalec, les « aaah », les « ooh ! ». Les courbes en rouge, en bleu, montantes, descendantes. Les tapes dans le dos, les promotions, les primes, les fins d’année, les vœux, les sourires, les rancœurs, les hypocrisies, la décrépitude, les fardes, les badges, les réunions, les nuits, les jours. Le froid, le métro, la STIB, les vélos, les bandes pour vélos, les « Ca va ? », les « Mhm mhm ! ».
La douleur.
Pour oublier la douleur.
La douleur
Oublier l’impression de ne servir à rien, inutile petit matricule presque révolté.
Sala Musala qu’ils disent, prenez donc un peu de peine !
Tout le monde n’est pas arrivé ici dans un bateau rempli d’espoirs déçus, prêts à craquer ! Certains de nous sont étrangers à la vie des morts qui plongent loin dans l’oubli bleu.
Tout le monde n’a pas d’histoire tragique au goût de sel.
Pourtant certains, beaucoup partagent le même ADN de déplacés, le même pedigree de sans racines, de cent racines.
Les gens font chier. Pas souvent que je lâche du “je” bien perso ici. Il y a un début à tout.
Samedi 4h55 du matin, la journée commence comme elle a fini : mal. Bruits de pas, cris, pleurs. Quatre jeunes dans ma rue, deux filles, deux garçons. La première pleure à chaudes larmes, son amie tente de calmer le jeu, le copain de la pleureuse lui hurle dessus et le 4e qui a fini de garder la voiture attend que ça se calme. Puis, le copain hurle de plus belle et force son amie à rentrer dans la voiture, elle refuse. J’ouvre ma fenêtre, j’interviens : “Maintenant ça suffit, si elles ne veulent pas venir avec vous messieurs, partez et laissez-les tranquille”. Fermeté et sang-froid, les quelques conseils de Garance ancrés en tête. Je m’adresse directement aux jeunes filles en leur demandant si elles vont bien, etc.
Ça dégénère, le chauffeur, la même tête que mon petit frère, s’emballe et je me prends dans la tronche : guenon, macaque, rentre dans ton pays ! C’est donc possible.
Plus tôt. Vendredi 19h18 : Bourse direction Churchill. Le tram à Bruxelles, un agglomérat de fin de journée, de début de Weekend. Nous sommes serrés. Lemmonier. Stop. Les gens descendent, on respire un peu. Au début, des baragouinages, forts mais incompréhensibles. Et puis, cela devient plus clair, plus ciblé, plus précis. Le volume bloqué sur “fort et très fort”, casquette vissée sur la tête, l’homme crache sa haine : ces femmes voilées qui sont de vraies fascistes, les étrangers qui l’empêchent de respirer, d’apprécier le trajet dans son tram, ces profiteurs qui ne travaillent pas ! J’ai le cœur qui accélère. J’interviens ? Non, il ne me parle pas à moi précisément, il a bu peut-être et puis j’ai mal a dent...
Porte de Hal, ça résonne de plus belle. Bruxelles lui appartient bien plus à lui qu’à nous. Si on est pas content, on à qu’à repartir chez nous. Il quadrille, cherche du regard un mec, une meuf bien différent de lui et harponne à coup de “casse-toi” ou de “buiten”. En bon bruxellois bilingue. Ça me fout la gerbe. Je dois réagir. Je desserre à peine les dents, il lance : “J’ai un flingue”. Direct ça me calme. Je rêve ou il n’y a que moi qui aie entendu? Je regarde autour de moi. Nous sommes légion à peut-être avoir un “chez nous” quelque part. Sifflements, regards de colère, hésitations. Et l’autre qui vocifère toujours. Parvis de Saint-Gilles, le chauffeur vient voir ce qui se passe. L’homme se barre vite fait. Le silence.
Plus tôt encore. Vendredi 13h06. Je bosse. Préparation du festival Massimadi Bruxelles. Il faut avancer. Après deux semaines d’arrêt maladie, les choses s’entassent. Bonne humeur, il fait beau, ça aide. Puis j’envoie un mail pour demander une information, à une des intervenantes au débat qu’on organise, au passage, je file quelques liens pour lecture. Me casser un bras aurait été plus sage. Retour de flamme de la militante afro féministe qui me répond en mode “j’ai pas de temps à perdre mais je vais quand même prendre le temps de te dire à toi et aux autres à quel point je vous apprécie”. En gros : sa journée a mal commencé, mon mail est celui de trop, et je me mange un tartine d’1m50 de frustrations, de condescendance et de colère. A tord ou à raison. Soit. Sur le coup, je me dis, heureusement qu’Audre Lorde est passé par là car “Je ne peux pas cacher ma colère (...) ni répondre à la colère parce qu’agir ainsi, c’est insulter et banaliser tous nos efforts”. Trois ans que Massimadi existe. Hard work. Je ne banaliserais pas nos efforts. Alors j’écrase...
Sauf qu’on est Samedi 7h48 du matin. Ça fait 3h que je ne dors plus et je ne décolère pas. Après trois coups de bélier, trois échappées entre violence, racisme et crypto féminisme, J’en ai juste un peu marre d’être si souvent, si constamment aux prises avec différentes oppressions.
Mais je me dis, heureusement que Donna Kate Rushin est passé par là...
Ma journée commence. Que la vôtre soit belle.
Laissez tomber
J’en aimarre
J’en aimarre de compenser vos manques
Marre d’être votre assurance contre
L’isolement des limitations que vous vous imposez vous-mêmes
(…)
Trouvez une autre connexion au restant du monde
Trouvez quelque chose d’autre pour vous légitimer
Trouvez un autre moyen d’être politique et branché·e
Je ne serai pas le pont vers votre féminité
Votre masculinité
Votre humanité
J’en ai marre de vous rappeler de ne pas
Vous enfermer trop étroitement pour trop longtemps
Je suis fatiguée de négocier avec votre pire moi
Au nom de vos meilleurs moi
J’en ai marre
D’avoir à vous rappeler de respirer
Avant que vous vous étouffiez
Bouffon-ne-s
Laissez tomber
Etirez-vous ou noyez-vous
Évoluez ou mourez
Extrait du poème “The Bridge Poem” de Donna Kate Rushin (trad. Paola Bacchetta & Jules Falquet)