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#Hélène Carrère d'Encausse
justforbooks · 9 months
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L'historienne Hélène Carrère d'Encausse est morte à l'âge de de 94 ans, a annoncé sa famille à l'AFP, samedi 5 août. "Elle s'est éteinte paisiblement entourée de sa famille", précise le communiqué rédigé par ses enfants. Elle était, depuis 1999, secrétaire perpétuel de l'Académie française, un poste qu'elle était la première femme à occuper. Russophone et russophile reconnue, celle qui était devenue “Immortel” (elle tenait au masculin) a longtemps été la référence en la matière, incontournable conseillère des politiques et oratrice hors pair des universités les plus prestigieuses.
Spécialiste reconnue de la Russie, elle a notamment écrit L'Empire éclaté (1978), un ouvrage dans lequel elle prédit avec plus d'une décennie d'avance la dissolution de l'URSS, souligne le jury. Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres (1996), Grand-officier de la Légion d'Honneur (2008), Grand Croix de la Légion d’honneur (2011)... Hélène Carrère d'Encausse a aussi revêtu le costume de députée européenne entre 1994 et 1999. Mais certaines de ses prises de position, parfois trop indulgentes à l’égard de Vladimir Poutine, lui ont valu des critiques ces dernières années.
Naturalisée française à 21 ans
Le 6 juillet 1929, Hélène Zourabichvili naît dans une famille cosmopolite, exilée à Paris depuis la révolution bolchevique de 1917. Sa mère Nathalie von Pelken est une aristocrate russo-allemande. Son père, l’économiste et philosophe Georges Zourabichvili, est géorgien. Parmi ses ancêtres, l'historienne compte aussi de grands serviteurs des tsars comme de virulents protestataires de l'Empire, le président de l'Académie des sciences sous l'impératrice Catherine II et pas moins de trois régicides.
Élevée dans la langue russe, la future historienne apprend le français à quatre ans. Poursuit sa scolarité au lycée Molière, dans le cossu XVIe arrondissement. Et obtient la nationalité française à 21 ans. Un “cas d'intégration parfaite”, assure-t-elle à Libération en 2019. “Dans l'identité, je me sens française. Mais j'ai deux cultures.”
Pendant la Seconde Guerre mondiale, son père travaille avec les Allemands grâce à sa maîtrise des langues. Il est assassiné à la Libération, en 1944, “enlevé et probablement tué” par les résistants comme “collaborateur”. Secrets de famille dont le fils de l’historienne, Emmanuel Carrère, tirera son Roman russe, paru en 2007. Une version romancée de la réalité selon elle. Mariée en 1952 à l’assureur Louis Carrère d'Encausse, elle a deux autres filles, Nathalie (avocate) et Marina (médecin et animatrice de télévision).
Spécialiste de la Russie des tsars et de l'URSS
Après de brillantes études à l’Institut d’études politiques de Paris, Hélène Carrère d’Encausse devient professeur d’histoire à l’université Paris-1, et directrice de la Fondation nationale des sciences politiques. Grande spécialiste de la Russie tsariste puis du monde soviétique, elle est invitée aux quatre coins du globe pour donner des conférences et poursuivre ses recherches. Notamment au Japon et en Amérique du Nord, où les universités Laval et de Montréal au Canada lui décernent le titre de docteur honoris causa.
Auteure d’une vingtaine d’ouvrages, récompensés par plusieurs prix, elle bouscule le monde intellectuel avec la sortie d’un essai très remarqué : L'Empire éclaté (1978), en pleine guerre froide. Elle y prédit la chute de l’URSS, conséquence de la montée en puissance des républiques asiatiques de l’Union, incompatible avec le fonctionnement du régime. L’Histoire lui donnera en partie tort. Qu’importe : le best-seller s’écoule à une centaine de milliers d’exemplaires en quelques semaines et l’écrivaine est récompensée des prix Aujourd'hui (1978) et Louise-Weiss (1987). Reconnue pour son œuvre, elle entre à l'Académie française en 1990, devenant ainsi la troisième femme à prendre place sous la coupole, après Marguerite Yourcenar (1980) et Jacqueline de Romilly (1988).
À la fin des années 1980, l’historienne se fait politique. Elle rejoint la Commission des sages pour la réforme du Code de la nationalité en 1986. Huit ans plus tard, elle est élue au Parlement européen sur la liste UDF-RPR. Parallèlement à ses activités de députée européenne, elle occupe la vice-présidence de la Commission des archives diplomatiques françaises, et préside la Commission des sciences de l'homme au Centre national du livre entre 1993 et 1996.
Madame le secrétaire perpétuel
Nouvel hommage de l’Académie : en 1999, l’historienne devient la première femme secrétaire perpétuel de l’institution. Un titre qu’elle refuse de féminiser car “le secrétaire du roi, c'est noble, alors que la secrétaire, c'est une bonne à tout faire”, explique-t-elle à Libération en 2019. Mais l’historienne est fréquemment accusée de ne pas promouvoir la candidature des femmes quai de Conti. En 2023, elles étaient seulement neuf à prendre place sous la coupole, contre 32 hommes… “Je fais ce que je peux, mais je ne peux pas inventer des candidatures. Il y a des femmes de très grande qualité mais qui sont réticentes car elles savent qu'en ce moment on cherche des femmes, et ne veulent pas venir pour cela.”
Mais c’est surtout pour son discours hésitant sur Vladimir Poutine que “Madame Russie” s’est fait épingler. En 2014, l’historienne déclare au JDD à propos de l’annexion de la Crimée : “Certes, le basculement de la Crimée dans le giron russe n’a pas été légal au regard du droit international, mais je ne parlerais pas pour autant d’annexion”. Davantage d’une modification des frontières qui n’a pas été réglée par le biais d’un accord international.” L’invasion russe en Ukraine, moins de dix ans plus tard ? Impensable pour elle, “jusqu’au 24 février au matin”. Longtemps perçue par les politiques et les intellectuels comme “l’académicienne qui parlait avec Vladimir Poutine et qui rapportait le récit du Kremlin en France”, selon la politiste Marie Mendras, Hélène Carrère d’Encausse nageait depuis “en plein brouillard” avouait-elle.
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jloisse · 1 year
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« Vladimir Poutine attend manifestement la suite, il a l'espace et le temps. »
Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, historienne et spécialiste de la Russie
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ifreakingloveroyals · 6 months
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Through the Years → Maria Teresa, Grand Duchess of Luxembourg (465/∞) 3 October 2023 | The Grand Duchess participated at the Hôtel des Invalides in Paris, in the national tribute paid to the writer Hélène Carrère d'Encausse, in the presence of the President of the Republic, Emmanuel Macron and numerous guests from honor. (Photo by Présidence de la République/Ghislain Mariette/Maison du Grand Duc)
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zehub · 7 months
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Culture. Un hommage national rendu à Hélène Carrère d'Encausse ce mardi
La cérémonie, en hommage à l'historienne et première femme secrétaire perpétuel de l’Académie française, se déroulera aux Invalides, à partir de 17h30.
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coulisses-tv · 9 months
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Hommage à Hélène Carrère d'Encausse sur France 5 avec la diffusion du documentaire "Pour l'amour des mots"
http://dlvr.it/StPjxx
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Rest in piss Hélène Carrère d'Encausse you Putin shill.
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hapapycollectorturtle · 9 months
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L'historienne Hélène Carrère d'Encausse, première femme élue à la tête de l'Académie française, est morte à l'âge de 94 ans
🌹🌹🌹🌿🌿🌿🌹🌹🌹
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thierrylidolff · 9 months
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Hélène Carrère d'Encausse, intellectuelle immense, s’en est allée
Première femme à la tête de l’Académie française Fine connaisseuse des cultures russe et européenne, l’historienne, qui fut la première femme à la tête de l’Académie française, est décédée à l’âge de 94 ans. « Il faut faire vivre le français, l’enrichir, faire de sa préservation le devoir de toutes nos vies » CITATION DU FIGARO QUI POURSUIT ; « Hélène Carrère d’Encausse était animée par cette…
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Hélène Carrère d'Encausse nous a quittés. Attachée au pays dans lequel elle a grandi, à sa langue et à son héritage, elle devient française à 21 ans. Éminente historienne, elle fut la première femme secrétaire d'État à l'Académie française. Ses jambes, comme elle, sont immortelles.🇫🇷
Cher Président, nos sincères regrets pour cette perte viennent du fond de nos cœurs ! Nous partageons votre peine !
Veit Schwiertz
Culture Block Humanity ❤️
💚THE GREEN LINE💚
TEAM FRANCE 🇫🇷🇪🇺🇩🇪
🕊️🌐🕊️
Hélène Carrère d'Encausse hat uns verlassen. Verbunden mit dem Land, in dem sie aufgewachsen ist, mit ihrer Sprache und ihrem Erbe, wird sie im Alter von 21 Jahren Französin. Als bedeutende Historikerin war sie die erste weibliche Staatssekretärin der Französischen Akademie. Ihre Beine sind wie sie unsterblich.
Sehr geehrter Präsident, Unser aufrichtiges Bedauern über diesen Verlust kommt aus tiefstem Herzen! Wir teilen Ihren Schmerz!
Veit Schwiertz
💚THE GREEN LINE💚
TEAM FRANCE 🇫🇷🇪🇺🇩🇪
🕊️🇺🇳🕊️
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manualdehistoria · 9 months
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Ha muerto Hélène Carrère d'Encause, historiadora francesa especializada en historia rusa y soviética.
Primera mujer en ser electa para encabezar la Academia Francesa.
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Je vais peut-être passer pour une grosse débile mais c'est pas grave.
l'Ukraine résiste pour l'instant. Kiev devait tomber cette nuit, ça n'a pas été le cas.
Au niveau des condamnations à l'international, le nombre de pays soutenant la Russie est minime, et pas de grosses puissances.
La Chine ne soutient pas l'invasion russe (abstention a l'ONU plus un peu comme des sanctions financières j'ai pas compris).
On a une opposition en Russie de la population, ce qui est extrêmement rare, malgré l'oppression. Et si mes souvenirs sont bons les élections en octobre dernier ne s'étaient pas si bien passé que ça pour Poutine.
Et sur le plan historique si j'ai bien compris, au final, la Russie a souvent perdu quand elle a cherché à s'étendre vers l'Ouest (entretien avec Hélène Carrère d'Encausse sur France 2 en janvier).
Ça pourrait précipiter la fin de Poutine. D'une manière horrible et l'Ukraine en payerait cruellement le prix, mais qui sait.
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kommunalka-blog · 3 years
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PRINCIPALI BIOGRAFIE DI LENIN. Robert Service, Richard Pipes, Robert Conquest, Hélène Carrère d'Encausse, Victor Sebestyen, Stéphane Courtois, Robert Payne, Dmitri Volgokonov, Paul Le Blanc, Louis Fischer, Tariq Ali, Ronald Clark, Christopher Hill, Paul Mourousy, Nikolai Valentinov, Vladlen Loginov, Tamás Krausz, Leon Trotsky.
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Hello ! Maria Feodorovna wife of Paul I of Russia ¿Which of all daughters or sons was her favorite? . ¿How was your relationship with your children? .Thank you
Oh that’s difficult because depending on the sources we have different information as to who was her favourite daughter or son. And Maria asked his son Nicholas to burn all her letters and diaries after her death.  
Alexander and Constantin were taken away after birth by their grandmother Catherine II. She wanted to supervise every aspects of their upbringing. Suzanne Massie in her book Pavlovsk talks about how the imperial couple scarely saw their eldest sons, and when they were allow to visit, it was only for a number of hours. They had to address their children as “Your Highness”. However Hélène Carrère d'Encausse who went to the archives didn’t notice a change of vocabulary from Alexander and states that most of his youth he had a good relationship with his parents. The fact remains that Maria maintained a “close” relationship with all her children througout her life. And when Alexander had to met Napoleon at Erfurt he received several letters from his anxious mother who was afraid of his safety.
Four of her daughters died before her and each time she was struck by grief. Speaking of her daughters she was the one who supervise their education, and they grew up to be intelligent women.
On the other hand other sources suggest more distant relationship than the whole "loving mother" leitmotiv and according the Court’s journal she spent less than seven hours with Nicolas during the entire month of 1798.
The probem is we don’t have enough sources on Maria and the ones we got either are too over-indulgent or too extreme. When I visited Pavlovsk I was amazed to learn how intelligent and artistic she was. She deserves her own biography that’s for sure! As to know who she favoured I’m afraid I can’t exatly tell you.
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zehub · 7 months
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Académie française : Amin Maalouf et Jean-Christophe Rufin s'opposeront pour le poste de secrétaire perpétuel
L'élection visant à succéder à Hélène Carrère d'Encausse, décédée le 5 août, se tiendra jeudi après-midi à Paris.
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osobypostacieludzie · 6 years
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Emmanuel Carrère - francuski pisarz, scenarzysta i reżyser. Jest synem Louisa Carrère d'Encausse i francuskiej historyczki Hélène Carrère d'Encausse.Carrère studiował w Instytucie Nauk Politycznych w Paryżu. Wiele jego książek zostało sfilmowanych. W 2005 roku wyreżyserował adaptację swojej powieści La Moustache.
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reseau-actu · 6 years
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Se réconcilier avec l'Europe ou se tourner résolument vers l'Asie : le choix de l'hôte du Kremlin, dont le nouveau mandat débute aujourd'hui, sera lourd de conséquences pour le Vieux Continent, explique le secrétaire perpétuel de l'Académie française.
Le 7 mai 2018, Vladimir Poutine va prêter serment, inaugurant ainsi son quatrième et dernier mandat de président de la Fédération de Russie. Pour nombre d'Occidentaux qui préfèrent la caricature à la réflexion, ce sera le triomphe d'un dictateur, l'assurance du statut de démocrature de la Russie et d'une menace pesant sur les pays voisins, voire sur la paix mondiale. Hillary Clinton n'avait-elle pas comparé naguère Vladimir Poutine à Hitler?
Pourtant, la réélection de Vladimir Poutine témoigne de l'accord de la majorité de ses compatriotes à ce nouveau mandat. Les sondages l'annonçaient, les électeurs l'ont confirmé, plus de 60 % d'entre eux approuvent l'action de leur président.
Ce qui compte avant tout pour la société russe, c'est la stabilité politique du pays. Le souvenir du chaos des années 1990, la hantise d'une décomposition du pays ou de nouveaux désordres intérieurs expliquent son soutien au président. Les Russes pensent aussi que l'immensité du territoire russe, l'hétérogénéité de la population près de cent cinquante nationalités, trois grandes religions et d'innombrables cultes - justifient la gestion centralisée, voire autoritaire que revendique leur président. De surcroît, stabilisée, la Russie a aussi retrouvé le statut de puissance qu'elle avait perdu en 1991. Pour les Russes, le rôle joué par leur pays en Syrie, sa capacité à participer au règlement des grands problèmes internationaux rachètent enfin l'effondrement si humiliant des années postsoviétiques où la Russie n'existait plus sur la scène du monde.
En politique, le bilan des années Poutine est contrasté
Pour autant, nul en Russie, et Poutine moins que quiconque, n'ignore les faiblesses du pays. Économiques d'abord. La Russie vient de traverser une longue crise due avant tout à la chute des cours de l'énergie et, à un moindre degré, aux sanctions. Mais la véritable cause en est l'échec du pouvoir russe depuis 2000 à accomplir les réformes indispensables: diversification de l'économie, investissements, lutte contre la corruption. Poutine et Medvedev n'ont cessé de déplorer cet échec, mais sans y remédier. La rente pétrolière est restée la principale ressource russe.
En politique, le bilan des années Poutine est aussi contrasté. L'opposition de 2012, les manifestations spectaculaires n'ont pas donné naissance à de véritables forces alternatives. En revanche, la crise ukrainienne, la confrontation avec l'Occident ont favorisé la montée dans la société et dans la sphère du pouvoir d'un courant conservateur. Le discours patriotique, un certain repli sur le passé en témoignent.
Où se situe Poutine dans cette évolution? S'il semble dans son discours en accord avec ce conservatisme, il a multiplié aussi les signaux contraires. Depuis deux ans, le président de la Russie a ouvert les organes du pouvoir régional à une nouvelle génération, véritablement postsoviétique, étrangère souvent aux structures de sécurité et plutôt liée au secteur privé. Ces gouverneurs de région, fraîchement promus, détenteurs d'une autorité réelle peuvent annoncer la relève «post-Poutine». Il a aussi appelé à l'administration présidentielle une figure historique du mouvement libéral, l'ancien premier ministre Kirienko.
À ces signaux qu'on ne peut négliger s'ajoute que les propos tenus lors de l'Adresse annuelle aux deux chambres du Parlement, le 3 mars, résonnent comme un programme pour lemandat à venir. Poutine y annonce un train de réformes d'inspiration libérale, insistant sur la numérisation de l'économie, l'élargissement de l'espace des libertés et la valorisation du capital humain. Ce programme est orienté vers deux priorités: progrès social et rattrapage technologique. Au premier point figurent la santé, l'éducation et les infrastructures, notamment les voies de communication essentielles pour cet immense pays. Et Poutine insiste sur son objectif final, diviser par deux le nombre de pauvres en Russie. Les hausses de salaire très conséquentes accordées ces derniers mois témoignent de l'attention prêtée aucitoyen et confirment ces orientations sociales et politiques.
À l'aube de ce mandat, Poutine doit décider de la voie qu'il entend suivre
Mais la seconde partie du discours-programme prononcé le 3 mars n'est pas moins importante, elle traite de la sécurité et des intérêts internationaux de la Russie. Comme dans son discours de Munich en 2007, Poutine avait alors insisté sur l'idée que les Occidentaux - c'est-à-dire les États-Unis - ne pouvaient prétendre régenter le monde. Depuis lors, la relation de la Russie avec le monde occidental guidé par les États-Unis n'a cessé de se dégrader. Le «reset» («remise à zéro» des relations entre Washington et Moscou, NDLR) voulu par Obama a échoué, la crise ukrainienne de 2014 a isolé la Russie de l'Europe autant que des États-Unis. L'élection de Donald Trump, qui semblait, a priori, favorable à un rapprochement Moscou-Washington, a abouti au résultat contraire. L'establishment américain a fait de la Russie, supposée avoir manipulé l'élection, un marqueur de la politique du président. Toute idée de «reset» est pour l'heure abandonnée.
Les Européens de leur côté doivent décider s'ils persévèrent dans une ligne proaméricaine et antirusse qui leur est coûteuse, en termes d'économie d'abord. Si le commerce russo-allemand reste prospère et l'Italie suit la même voie, la France souffre particulièrement de la situation présente. Et Poutine a pu interpréter l'invitation du président Macron à se rendre à Versailles comme un signal de volonté de rééquilibrer la relation russo-européenne.
À l'aube de ce mandat, Poutine doit décider de la voie qu'il entend suivre. Ancrer la Russie en Europe, coopérer avec l'Europe - indépendamment de la difficile relation avec les États-Unis - ou bien se tourner résolument vers l'Asie et développer son projet eurasien. La Russie a déjà noué un partenariat étroit avec la Chine que l'on résume trop souvent au schéma: un milliard et demi de Chinois en quête de terres face à cent cinquante millions de Russes incapables de peupler leurs terres. La réalité est autre. La Russie n'est pas seule face à son partenaire chinois, elle a noué des liens avec le Japon, l'Inde et plusieurs pays de l'Asie du Sud-Est. Elle copilote aussi avec la Chine le groupe de Shanghaï, une imposante union stratégique, tout en s'insérant dans diverses instances multilatérales d'Asie. Le partenariat russo-chinois est d'autant plus séduisant pour une fraction de l'élite russe, incarnée par le ministre des Affaires étrangères Lavrov, qu'elle s'appuie sur le constat en ce début de XXIe siècle du basculement géopolitique vers l'Asie, renforcé par le grand projet chinois de «nouvelles routes de la soie», dont l'Europe n'a pas encore pris la mesure. Jusqu'à présent, Poutine a suggéré que l'orientation asiatique n'était pour lui qu'une hypothèse et que la ligne prooccidentale restait à l'ordre du jour. Mais il dépend désormais des Européens qu'il la maintienne ou qu'il juge un avenir asiatique plus favorable à la Russie.
La Russie doit trouver un environnement où sa volonté d'exister avec un statut de puissance, mais aussi sa spécificité une volonté démocratique qui ne soit pas en rupture avec la longue histoire et la culture russe , soit acceptée
Il pourrait d'autant plus être tenté par ce choix que les relations de la Russie avec ses anciennes possessions de l'URSS - l'espace postsoviétique - constituent un des grands échecs ou une des grandes déceptions de ce début de siècle. Presque tous les anciens États de l'URSS ont adhéré à l'Otan - États baltes - ou rêvent de le faire - Ukraine, Géorgie -, se plaçant ainsi sous le parapluie américain contre la Russie ; pour la plupart des autres, ils se tournent vers l'Union européenne et affichent leur méfiance à l'égard des Russes. Les États alliés de Moscou supposés les plus sûrs - Kazakhstan ou Biélorussie - sont à peine moins distants. Ayant échoué à créer un espace postsoviétique amical, voire une zone d'influence russe, la Russie doit trouver un environnement où sa volonté d'exister avec un statut de puissance, mais aussi sa spécificité - une volonté démocratique qui ne soit pas en rupture avec la longue histoire et la culture russe -, soit acceptée. Lavrov a résumé cette ambition en évoquant «un ordre international démocratique postoccidental dans lequel chaque pays est défini par sa souveraineté». Cette ambition est présente dans la plupart des pays qui aujourd'hui constituent cette Asie émergente. La tentation peut être grande pour la Russie de lui accorder sa préférence. S'il en était ainsi, l'Europe serait amputée d'une part d'elle-même - car la Russie est d'Europe avant tout - et serait isolée de l'Asie, centre désormais du grand jeu international.
Espérons que le programme qu'amorcera Vladimir Poutine après le 7 mai soit celui qui réconcilie la Russie avec l'Europe. Mais son choix dépend aussi des signaux que lui enverront les Européens.
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