Tumgik
#comme autant de vrais trésor de cette belle planète
marioinby · 4 years
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romainjobert · 4 years
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Dans tous les cas je suis pas pressé, pas plus pour faire du vélo que pour écrire, donc je repasse aux US par l'état de Washington et je glande entre la côte et les îles de San Juan, quand je vous disais que c'était le début des vacances.
Je profite de l'occasion pour revoir un pote et une heure après il m'emmène sauter d'une falaise dans une rivière, j'ai fait un saut et ai réattéri un peu en biais, juste un peu, juste assez pour me couper la respiration 5 minutes et m'empêcher de lever les bras pour 1 semaine, me voilà trentenaire depuis 2 semaines et je réalise déjà que je suis trop vieux pour ce genre de conneries, mais apparemment pas encore assez vieux pour arrêter d'être tout à fait con parce que le lendemain j'étais quand même reparti à vélo.
Et comme un malheur n'arrive jamais seul (je vous rassure je déteste cette expression mais enfin, là c'est plutôt bien adapté vous allez voir) quand je commence à me dire que c'est bon je peux ré-attaquer un peu et qu'il s'agit d'aller tourner un peu dans le coin du parc national de Rainer, je crève un pneu après une matinée de montée. Crever n'est évidemment pas dramatique, c'est pas le premier ni dernier (oh que non, mais j'y reviendrais) là où ça se complique c'est le moment où après avoir réparé la chambre à air je réalise que ma pompe est cassée. Pour le coup c'est plus compliqué, j'écarte vite l'hypothèse de gonfler à la bouche une chambre à air de vélo et me reporte sur celle plus réaliste de l'autostop, et je suis en train de me demander dans quel sens le faire, revenir en arrière ou continuer, quand un gars me voit en galère et me demande si j'ai besoin d'un coup de main, Et moi qui critique toujours ces con de ricains je dois bien admettre qu'il y en a quand même des sympas car il me ramène jusqu'à mon point de départ du matin et me prête une pompe chez lui pour regonfler mon pneu, Le lendemain je vais au magasin de vélo de la ville pour acheter une nouvelle pompe, il est hors de question que je prenne le risque de repartir sans pompe, j'ai eu de la chance une fois faut pas pousser,
Bon, le magasin ouvre à 13h, c’est mort j'attends pas, et statistiquement c'est quoi les chances que je crève encore aujourd’hui ?!
Je vais vous le dire, c'est 100% ! 100% de chance que je recrève car 24h plus tard c'est comme ça que l'histoire continue, Là j'ai beau vouloir tendre au je m'enfoutisme du bouddhisme pour les nuls, il s'avère que cela m'agace un brin,
Nouvel autostop, nouvel individu, Au moment de mettre le vélo dans le camion je vois un petit autocollant « Trump 2020 », ha super y aura pas besoin de la radio pour se marrer pendant le trajet, Dire que ça n'a pas manqué serait un euphémisme (et un bien rêche, pas question de douceur pour celui-là) le mec a mis dans le mille à chaque phrase, Un sans-faute, un grand Chelem, un perfect, plus réussi que l'alunissage d'Apollo 11 (dont il doute).
J'irais presque jusqu'à dire que ça valait le coup qu'il m'arrive mes problèmes car, nom de Dieu, pour moi, rencontrer un mec comme ça c'est comme trouver un gisement de pétrole dans son jardin, un trésor dans sa cave et hériter d'un château, le tout dans la même journée,
Trêve de préliminaires et je balance en vrac, je vous parle d'un climatosceptique, pro life (contre l'avortement) religieux jusqu'à la racine des cheveux, contre le gouvernement sous toutes ses formes car il lui vole son argent pour tout donner aux pauvres, et lobotomise ses gamins quand ils vont à l'école avec des sottises comme la théorie de l'évolution, Les USA devraient, selon lui, enfin arrêter de donner autant d'argent à tous les pays pauvre de la planète qui ne font que profiter (encore les pauvres), Les musulmans si ils veulent essayer d'envahir les US seront reçus par ce bonhomme et ses potes qui n'attendent que ça. Il avait un flingue avec lui, rien de choquant par contre les AK-47 qu'il avait chez lui sont déjà plus litigieux en termes de légitime défense,
Maintenant si vous croyez que je me suis offusqué et que je suis monté au créneau vous vous trompez. J'avais droit à des tours de manège gratuit, il suffisait de relancer un peu dans son sens pour le voir tout content de repartir de plus belle, Magnifique. Enfin, surtout parce que je vis pas dans ce pays, sinon oui, c'est un peu inquiétant, Après, lui c'était une belle synthèse faut quand même l'admettre,
Une fois l'amusement fini il faut aussi bien dire que le mec était super sympa et m'a bien aidé (bon si j'avais été noir, ou pire, mexicain, ça aurait été une autre histoire, ou en tout cas une histoire très courte vu qu’il ne se serait pas arrêté haha).
En vrai j'étais vraiment heureux de le rencontrer parce que j'ai pas eu trop l'occasion de bavarder avec des républicains/néoconservateur/évangeliste et que c'est quand même important pour comprendre un pays de parler avec tout le monde, si j'étais reparti après avoir juste rencontré des démocrates je serais passé à côté de ce que sont les US maintenant (Trump n'est pas un accident).
Tout cela nous mène déjà aux frontière de l'Oregon, terre qu'y m'a été vendu tout le long du voyage comme un paradis de route cotière, Force est de reconaitre que oui, ça claque plutôt pas mal,
Tellement de plages interminables à longer toute la journée, tellement de soir qui se termine par un soleil plongeant dans l'océan, Tout ça tombait bien vu que je me remettait gentiment de mes déboires physique (dos en vrac tout ça tout ça) puis l'humidité de la côte apportait une fraicheur bienvenu, Peut d'évènement mémorable si ce n'est les crevaisons occasionels, y a eu la journée ou j'ai crevé le pneu avant le matin et l'arrière dans l'après midi, Puis le matin ou après avoir tout remballer je me fais un petit thé et j'enjoy tranquillement la vie quand mon regarde ce porte sur la punaise planté dans mon pneu avant, j'aime les nouvelles de ce genre au réveil, ça met toujours de bonne humeur,
La dernière frontière sera donc un retour en Califorie d'où j'étais parti 5 mois auparavant mais où je n'étais passé que brièvement, Même mode opératoir que pour l'Oregon, c'est partie pour bouffer de la côte, en tout cas jusqu'à ce que l'attrait du Yosemite ce fasse sentir,
Fin de journ��e je traverse un bout de bourgade et je m'apprête à aller à l'office du tourisme histoire de regarder une carte du coin et de trouver mon camping spot du soir, Au moment de monter les escalier vers l'office une dame en descend et me dit qu'ils ont fermé pour la journée puis me demande si j'ai besoin d'informations, donc je dis que non je voulais juste voir une carte. Puis elle voit mon vélo et demande si je sais ou je dors ce soir. En général si c'est un flic je dis que je vais en camping municipal et sinon que je serais en sauvage en espérant une invitation (pour être franc mon ratio d'efficacité avec cette tactique est absolument nul), et elle retourne ouvrir le bureau pour prendre un papier sur lequel il y a un contact pour des gens qui accueillent des cyclos. Un hébergement tombé du ciel en somme. Et quand je dis tombé du ciel ce n'est pas qu'une image car l'endroit en question n'est autre que la maison de sweet baby Jesus, une église quoi, enfin une des (trop) nombreuses églises qui existent ici. Je ne comprend rien à toutes les déclinaisons du Seigneur et c'est pas aujourd'hui que je vais m'y attaquer, je préfère me contenter d'accepter ce qu'on me donne, et si en plus je peux sauver des âmes en perditions au passage je trouve que tout le monde y gagne (bon moi j'y gagne dans l'immédiat et eux faudrat déjà commencer par mourir avant d'en voir la couleur). Bref je me retrouve avec les clefs d'un endroit qui sert de réfectoire et de salle d'accueil pour des sdf, je correspond donc au profil de la clientèle (sans l'addiction au cristal meth).
A deux heures du mat je renonce à dormir, de toute façon les nuits en intérieur ne servent qu'a avoir une douche et/ou à laver du linge pas à avoir une « bonne nuit de repos », et je décide de faire un tour par l'étagère de bouffe qu'on m'a indiqué en entrant et de profiter un peu d'internet pour chercher de la musique. Le résultat sera édifiant, je me retrouverais dans la cuisine à faire des pancakes en écoutant du black métal russe, sûrement le meilleur usage d'un édifice religieux qu'il me soit possible de faire, après quoi je retournerais me coucher pour cette fois dormir du sommeil de l'homme au devoir accompli. Ce sera donc plein comme une pute au petit matin (je me serais refait des pancake avant de partir) que j'attaquerais la traversé du parc des redwood
Je cache pas qu'on m'en avait également beaucoup parlé et je m'était dis « bon ça va c'est des arbres quoi, ok des gros arbres mais bon, on peut pas dire que ce soit un saut dans l'inconnu »,
Erreur, trois fois erreur car j'ai passé mon temps dans ces forêts la tête en l'air à dire (à haute voix, et oui, la solitude rend fou) « putain c'est quoi c'est truc de fou ! C'est énorme ! », J'ai deux trois clichés mais franchement ça rend par compte du bordel, parce que c'est pas juste un arbre immense dans une forêt mais une forêt d'arbres immenses et là réside toute la différence. Puis comme souvent le fait d'avoir voyagé lentement rend plus réceptif aux changements du paysage, même les plus infimes, alors là je vous dis pas la claque. Je veux dire que je connais le sentiment de se sentir tout petit en face d'une montagne ou d'un espace vide aussi loin que porte le regard mais en face d'une forêt c'est une première.
Je me féliciterai donc de ce choix d'avoir prit la côte et poursuivrais mon chemin sans encombre (avec toujours des crevaisons quand même mais comme je finis bientôt mon voyage je me convainc encore que « ça va le faire »). Il y a bien aussi une nuit campée sur un trail juste avant le golden gate bridge à descendre une bouteille de Côtes du Rhône en bonne compagnie (tout seul quoi) qu'on m'avait offert dans la journée, San Francisco je m'en contre bat les couilles vu que j'y connais personne, je traverse juste pour retrouver la côte un temps avant de bifurquer pour l'intérieur des terres.
Je n'irais pas grimper mais tout de même je ne me vois pas passer à côter du parc du Yosemite sans aller y faire un tour. L'idée est louable, un petit détour pour un changement de décor, mais le chemin est plus compliqué que prévu. Le long de la côte je me répétais sans cesse qu'il faisait pas si chaud tout compte fait mais bordel de pute, après une demi journée plein est et les 45° atteints sans le moindre vent à l'horizon je revois ma technique et poursuivrais mon incusrsion vers l'intérieur en me levant à 5h pour profiter de la relative fraicheur du matin, faire une pause de 3h et pousser jusqu'aux limites de ce que le soleil m'offre. Fait intéressant, il s'avère que le nord de la Californie entre la côte et les montagnes est un territoire d'agriculture peuplé presque exclusivement de mexicains. En tout cas je dors de plantations d'amandiers en plantations d'amandiers pour atteindre le début du relief. Après un classique tour dans un parc national, encore plein de trafic et plein de monde de partout, je continue en me disant que oui c'est joli mais en même temps est ce que vu depuis la selle ça compte vraiment ? (spoiler alerte : Non pour les montagnes ça compte pas).
Retour sur la côte pour finir ce voyage tranquillement, je roule, je me pose et me repose tout en profitant des plages pour finir à Los Angeles.
Comme le chapitre se clos il est temps de parler du peuple américain. Pas dans son ensemble et pour plusieurs raisons. Déjà parce que j'ai silloné que la partie ouest et que l'est est apparement très différent, parce que tous les gens avec qui j'ai parlé étaient blancs donc enlever la partie afro et hispanique du peuple ricain c'est quand même pas rien et puis plus important c'est qu'on est loin du relevé scientifique, c'est juste mon expérience qui est donc forcément biaisée. Pour commencer par enfoncer les portes ouvertes, eux ne le sont pas, ouverts je veux dire, Enfin surtout pas sur le reste du monde, c'est vraiment frappant de voir à quel point ils pensent être les maitres de toute chose et un idéal que les autres doivent nécessairement imiter ou jalouser. Le monde en dehors des US est une anecdote, un passe temps ou un repère de communistes (ici ils disent "socialiste"). Le rapport à l'argent est bien différent aussi, ça ce claque plus vite ou en tout cas disons qu'il y a moins d'économies sous le matelas mais plus d'investissement en bourse mais ça faut dire qu'avec le système de retraite et de santé qu'ils ont (chacun pour sois et Dieu pour tous) c'est presque une évidence. En suivant sur le système d'aide social je peux vous dire que le nombre de sans abris est un truc de malade, j'ai jamais vu autant de sdf dans aucun autre pays que j'ai pu traverser et après en avoir parlé avec quelques personnes sur place c'est encore assez "nouveau", dans le sens ou évidemment il à toujours eu des sans abris mais sur la dernière décennie les graphiques ont pété le plafond et les parcs ce sont remplis. Rien n'est simple est il y a plein de choses à dire là dessus mais c'est ce qui, sur le plan social, m'a le plus surpris. Ok j'en savais pas mal mais de voir la pauvreté à ce niveau là et rencontrer des gens qui ne démordent pas du rôle de "leader of the freeworld" que serait sensé représenter ce pays est incroyable d'incohérence. Alors on a la réputation de se plaindre tout le temps et de faire grève pour un oui ou pour un non mais pour le coup je me dis que c'est nécessaire sinon on se réveillera un matin et il fera toujours nuit car à force d'avoir la tête si prêt du cul des ricains (baisse des taxes sur les grandes fortunes, écoles à but lucratif, retraite sauvage j'en passe et des meilleures) on finira bien la tête dedans.
Fin de l'instant Gilets Jaunes et fin du voyage,,,
En tout cas fin du voyage en solo, parce qu'il y a une surprise..
Finir ? Ha oui mais non, y a un détail que j'ai (volontairement) omis c'est que j'ai rendez vous.
Quelques mois avant mon départ un pote est parti dans un autre périple à vélo mais axé sur l'Asie et l'Océanie et à force de hasards et autres éléments scabreux de la vie il s'est trouvé que l'option de faire un bout de chemin ensemble en Amérique est venue sur le tapis.
La première évocation de pareilles aventures se fera au Canada et se mutera en "et pourquoi pas le Mexique ?".
C'est pas con ça, pourquoi pas le Mexique ? Me voila donc de retour à Los Angeles pour récupérer mon pote à l'aéroport. Pour la petite histoire on s'est rencontrés en Uzbékistant à vélo et après quelques péripéties (dont la traversé de la Chine) et malgré (ou grâce) à des modes de vie un brin nomades il se trouve qu'on arrive à se voir de temps en temps, un voyage d'habitués, c'est pas pour se faire brosser mais presque le contraire car si pour certains l'expérience rime avec préparation et organisation dans notre cas ça serait plutôt "jusqu'ici tout va bien".
Et dès le départ ça s'annonçait comme quelque chose de grand car voici à peut de choses près l'intégralité de notre conversation sur les préparatifs de nos retrouvailles :
-"J'arrive le X à l'aéroport à 22h"
-"ok je m'arrange pour être là avec des bières"
-"impec"
Et c'est en arrivant dans le trafic de l'aéroport et en zigzaguant entre les taxis que je me suis dit "au fait je sais pas à quel terminal il arrive et je sais pas avec quelle compagnie ?! Rajoutez que mon pote n’a pas de téléphone et vous avez l'étendue de notre expertise. Mais là où c'est beau c'est qu'on s'est quand même retrouvés (et que cela ne nous aura donc absoluement pas servi de leçon). Le temps de remonter son vélo et de descendre un pack (et d'en racheter un autre) on est partis pour squatter la plage le temps d'une nuit.
Le lendemain c'est donc direction le Mexique, on y va tranquille vu qu'on papote quand même pas mal et chaque soir assez tard. Pour finir on aura dormi à la belle tous les soirs sur les plages avant de passer la frontière comme des pros, c'est à dire sans choper de tampon d'entrée ! On penserai qu'après avoir plusieurs années de voyages au compteur on aurait quand même appris les rudiments du passage de frontière ? Comme quoi, faut jamais douter de toujours pouvoir se surprendre soi-même.
On a quand même réussi à se convaincre que c'était normal et c'est deux jours plus tard au milieu d'une discussion avec d'autres cyclos qu'on s'est rendu compte de notre erreur, Allez, un petit coup de covoit pour traverser la frontière à pieds et revenir pour payer un petit papier qui nous légalise nos status de migrants.
Mieux maintenant que trop tard hein !
A part ça, le Mexique c'est top, trop de gens sympas, ça fait plaisir. Le choc de la frontière est quand même marqué on va pas se voiler la face, poubelles en vrac et chiens errants. Ca aura été un grand bol d'exotisme après autant de temps à voyager dans un pays sans trop de surprises. C'est à dire un pays dont on parle pas la langue et où chaque arrêt bouffe est une petite découverte. Le paysage change aussi, je dis pas qu'il n'y a rien de semblable aux US mais en tout cas rien que j'ai fait et donc c'est avec un putain de grand sourire qu'on défile à coté de rangé de cactus haut comme des sapins…enfin, jusqu'a l'accident,
Là suite au prochain et dernier épisode concerçant l'arc nord ouest Américain,
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cequilaimait · 6 years
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CdV8 – 2. L’avènement d’un nouvel ordre
À midi, quand vient l’heure de me mettre à table
La valse des nuages et de l’astre, leur rixe
Incessante, m’attendrit et me rend prolixe
À même la nappe, j’écris, insatiable
Deuxième strophe du poème « L’obsession du soleil », d’Aaron Arié, archives personnelles.
*****
Lorsque le brun et le blond s’eurent aimés plus que la nature ne l’avait prévu dans ses lois, une singularité nommé « Résonnance » changea les lois de la physique telles que les espèces vivantes les connaissaient. Des portails s’ouvrirent vers de nouveaux mondes. Les premières années, les Humains firent le choix de n’en visiter que deux. Le premier, nommé S1-Solruben, était le royaume des Kémèts. Le second, S2-Solsiméo, avait connu une grande civilisation à présent disparue. Les Hommes avaient choisi de commercer avec l’un et de coloniser l’autre, et s’installèrent sur Susanoo, nouvelle base avancée de l’exploration spatiale.
Une fois cette première mission achevée, l’OHU – Organisation de l’Humanité-Unie, en réalité un consortium de quelques pays puissants et d’entreprises fortunées – décida de lancer son grand plan « Expansion Santa Maria », ou ESM. L’ESM prévoyait de mener l’exploration méthodique des douze systèmes stellaires pouvant accueillir la vie les plus facilement accessibles. La priorité fut donnée aux systèmes 3 et 4, S3-Soljude et S4-Solissacar. Plutôt que de partir de la Terre, les missions s’élancèrent de Susanoo, dont l’autorité et l’autonomie se faisaient de plus en plus certaines. L’objectif de protéger le vieux monde d’éventuelles agressions extérieures avait pesé dans cette décision.
Parallèlement à cela, l’ESM se vit accompagnée de la création d’un groupe de recherche dont l’objectif était d’étudier les causes de la singularité originelle et d’essayer de la reproduire en laboratoire. Après de nombreux échecs, les conclusions s’imposèrent d’elles-mêmes : personne n’était capable de dupliquer l’expérience, si ce n’était les adolescents à l’origine de la première Résonnance, ou tous êtres dotés de leur âme. Mais refusant de se faire instrumentaliser par un groupe violent et prétentieux, ils s’étaient scellés, en confiant à un de leurs plus proches amis la tâche d’assurer à leurs réincarnations futures la suprématie sur l’Humanité et le contrôle de ses velléités.
Malheureusement, ce dernier échoua à empêcher l’OHU de mettre la main sur le deuxième garçon portant en lui l’âme brune. Le fils qu’Aaron, dans l’incapacité de féconder son bien aimé, avait choisi d’avoir avec une Humaine. Avant de partir, le brun avait confié à l’enfant son prénom, une partie de son âme et son amour, tout en rejetant le plus loin possible ses faiblesses, afin qu’elles ne limitent pas son successeur dans la réalisation de son destin.
Conduit sur Susanoo pour y être étudié et utilisé, malgré son absence évidente de capacités surnaturelles, et présenté à l’ensemble de l’Humanité comme un Messie pour mieux pouvoir l’instrumentaliser, le jeune Aaron s’était vu confié à la garde d’un Kémèt, Da’mien, dont les efforts pour le rapprochement entre son espèce et les visiteurs avaient été longuement salués par toutes les autorités. Ces dernières s’étaient naturellement bien gardées de lui préciser l’importance réelle de ce qui lui avait été simplement présenté comme un pantin de paille. Sauf que lui ne la connaissait que trop bien. Ses recherches et discussions l’avaient mené droit à une seule conclusion : le garçon était la clé qui avait le pouvoir de changer la face de l’univers à tout jamais. Et c’était bien lui, Da’mien, qui la tenait entre ses mains.
Le plus dur avait été de convaincre l’OHU de lui confier un rôle dans l’opération « ESM » et, surtout, d’amener le jeune adolescent aux avant-postes lors de l’exploration de Soljude. Il avait dû mentir à ses maîtres, leur faire croire que la présence symbolique de ce jeune brun n’avait pour seul but que de motiver les soldats face à l’inconnu, tout en essayant d’écrire une légende fictive qui servirait forcément leurs intérêts pour les siècles à venir. Il fallait voir loin ! Autant pour s’étendre que pour se venger…
– Wha, c’est beau ! – s’émerveilla le jeune Aaron en observant les étoiles à travers le hublot de la navette censée le mener jusqu’au fameux système S3.
– Calme-toi ! – lui intima Da’mien. Arrête de te comporter comme un enfant devant les hauts gradés de l’OHU. N’oublie pas ce que je t’ai appris. Tu dois toujours paraître droit et fier ! Tout le monde cherchera à t’utiliser, pour ce que tu représentes. Ton rôle est de leur donner l’impression qu’ils te contrôlent, tout en poursuivant ton propre but.
Ouvrant sa paume pour mieux observer son trésor blond, le petit brun laissa s’échapper un soupir de son sourire, puis adressa un regard à son tuteur :
– Tu crois que je trouverais celui qui m’est destiné pendant ce voyage ?
Se caressant le menton de manière ravie, Da’mien étouffa un rire, puis caressa de ses doigts ressemblant à des serres d’aigle la tête de l’adolescent.
– J’en suis persuadé…
Après plusieurs jours de voyage – minimum nécessaire à l’Humanité pour rejoindre les portails et les traverser, malgré l’amélioration constante de leur technologie –, la navette franchit le Vortico menant à Soljude, avant de rejoindre le cargo amiral qui, suite au succès d’une première mission, était stationné en orbite autour de l’étoile gigantesque Grannos. La suite consistait à explorer les premières planètes et lunes que la spectrographie avait révélés viables. Une réunion se tint au sommet. Elle comprenait le chef de l’armée d’exploration, un vieil homme froid et sec nommé Eisenhower, qui devait principalement son poste à son sang, lui qui descendait en ligne droite d’un des héros de la dernière grande guerre qui avait secoué le Terre. À côté de lui, ses deux adjoints aux dents longues, un représentant de l’OHU, une femme qui commandait aux opérations de l’ESM, le représentant du gouvernement de Susanoo et Da’mien accompagnant son jeune protégé. Lui faire assister à cette rencontre n’avait pas été chose facile. Personne ne voulait dans ses pattes de ce jeune brun, dont le seul rôle était de jouer les prisonniers aimables. Da’mien avait dû jouer sa plus belle composition diplomatique pour faire comprendre aux autres que, symboliquement, cela avait son importance. Finalement soutenu par le représentant de l’OHU, il avait vu sa requête acceptée, à condition que le gamin n’ouvre pas la bouche et reste gentiment à sa place.
Cela, l’adolescent en fut incapable. Bien trop intéressé par les conquêtes et les découvertes, il ne put s’empêcher de poser des questions et de donner son avis. Il voulait absolument être le premier homme à fouler le sol de cette planète étrange, nommée Lug, dont la faible gravité semblait être un appel au rêve de tout Humain, celui de pouvoir voler comme un oiseau. Cela malheureusement ne correspondait pas aux plans d’Eisenhower :
– Nous commencerons l’exploration du système S3 non pas par la planète S3E3, mais par la lune S3E3L3. La gravité et l’atmosphère y sont similaire à Susanoo. Nous y installerons une base, puis ensuite, nous nous attaquerons à S3E3.
Se balançant nerveusement sur sa chaise en tripotant entre ses doigts sa petite mèche blonde bien aimée, Aar’on soupira. Il détestait cet autoritarisme débridé s’accompagnant de conventions de nommage ridicule. Dans un carnet hérité de son père, il avait découvert les vrais noms de ces astres inconnus. Lug pour la planète, Katubodua pour la lune. Tellement plus poétique que des suites de chiffres et de lettres censés données un ordre à toute chose !
Lorsque vint enfin l’heure de la mission, Aaron et Da’mien se rapprochèrent de l’unité d’élite de l’armée d’exploration chargée d’offrir à l’Humanité ses premiers pas de gloire. La présence d’un Kémèt surpris plus d’un soldat, mais la gentillesse, la curiosité et la volonté de l’adolescent aux cheveux noirs eut des effets positifs sur les troupes qui se prirent rapidement d’affection pour lui. Il était sage, il écoutait les conseils et semblait volontaire. Sa motivation était d’autant plus touchante que lui-même avait du mal à l’exprimer. Il « savait » qu’il y avait quelque chose de merveilleux pour lui derrière l’inconnu, et il en connaissait simplement la couleur : jaune ou dorée, selon le point de vue. L’alunissage se déroula sans encombre. Les Héros de l’exploration spatiale s’avancèrent. L’adolescent fit parti des premiers à se lancer hors du minuscule croiseur qui les avait conduits jusqu’à cet endroit nouveau. Lorsqu’il vit l’horizon se dégager devant lui, il s’émerveilla, comme jamais avant :
– C’est mon paradis !
Les plus grands savants peuvent parfois se méprendre, de la plus drôle des manières. Tous avaient considéré que la couleur blanche, jaune et marron du sol de Katubodua était lié à une haute teneur en sel, en souffre et en fer. Personne n’avait songé qu’il s’agissait en réalité de la teinte de l’espèce indigène la plus invasive qui soit. Celles de sortes de grosses volailles plutôt pacifiques, mais très curieuses. Les plus jeunes étaient dotés d’un plumage réfléchissant à merveille l’or du soleil, à la teinte assez similaire à celle d’une certaine mèche de cheveux.
– Bon, en fait, c’est pas le paradis, c’est l’enfer…
Après avoir essayé d’embrasser une de ces créatures qu’il avait affectueusement nommées « Chiqueuns » en référence à une note de son papa, le jeune Aaron dut prendre ses jambes à son cou : non seulement, la pauvre bête n’avait pas du tout aimé se retrouver avec une langue qui n’était pas la sienne dans le bec, mais surtout elle courait vite et détestait qu’on l’embête pendant qu’elle couvait. Et par un effet de masse similaire à celui des moutons terriens, ce fut une armée de galinacéiens qui se rua sur le pauvre brun pour le picorer de toute part et le courser tout autour de la lune. Prenant ses jambes à son cou, l’adolescent courra et hurla à qui voulait l’entendre que c’était n’importe quoi, que plus jamais aucun Aaron ne remettra jamais les pieds ici et qu’il avait faim.
Heureusement pour lui, les soldats de l’escouade d’élite vinrent très rapidement à son secours – dès qu’ils eurent fini de rigoler, ce qui prit quand même plusieurs heures – en aspergeant les poursuivants de belles flammes rouges. Certes, ce fut sans doute là un des premiers quasi-génocide de l’espèce Humaine en dehors de sa propre planète, mais le repas fut somptueux. Heureusement que les Chickeuns avaient une capacité reproductive supérieure à la moyenne, sans quoi ce festin aurait été le dernier du genre.
Plusieurs semaines après la colonisation de Katubodua, il fut décidé d’enfin se lancer à l’assaut de Lug. Parfaitement intégré à son escouade, Aaron était devenu la coqueluche des soldats. Cette proximité gênante ne tarda pas à irriter Eisenhower, qui s’imposa à la tête de la prochaine expédition. La planète P3 était parfaite pour accueillir une vie développée et civilisée. Il voulait être le premier à s’adresser aux autochtones, afin que son nom reste à jamais dans l’histoire. Devant une telle velléité, l’adolescent aux cheveux sombres haussa les épaules. Il n’avait pas forcément envie de lui piquer la vedette, d’autant moins qu’il avait encore des traces de bec sur les fesses qui n’avaient pas encore bien cicatrisé. Cependant, lors du grand débarquement, il se tint à nouveaux aux avant-postes, sa mèche bien serrée dans sa paume. S’il y avait quelque chose de blond sur cette étrange planète douce et nuageuse, c’était forcément pour lui.
Ce fut ainsi que l’Humanité fit la connaissance de deux espèces intelligentes, les premières à croiser leur route depuis leur rencontre avec les Kémèts. La première se nommait Galos. Ses membres ressemblaient à de très gros Chickeuns, peut-être plus proche des lions de par leur physique, malgré les ailles et le bec. Une certaine sagesse et douceur irréelle se dégageaient de leur prestance. Moins avancés que les Humains sur un point technologique, vivant comme de gros animaux en haut des gigantesques montagnes de leur planète, ils semblaient pourtant intellectuellement supérieurs, et bien plus fort physiquement. Face à un groupe compact entourant un des leurs Eisenhower hésita à lancer l’assaut, de manière préventive. L’adolescent aux cheveux noirs s’interposa et s’approcha, main tendue, vers les créatures qui lui faisaient face.
– Arrêtez ! C’est une femelle qui couve un œuf…
Race fière et élégante, les Galos avaient comme particularité de vivre très longtemps, et d’avoir des cycles de reproduction particulièrement lents. Pour qu’un bébé puisse naître, il lui fallait se développer pendant parfois des dizaines ou centaines d’années à l’intérieur d’un œuf, qui devait à tout instant bénéficier de l’attention et de l’amour d’une mère. La rareté de la procréation poussait toujours les anciens à protéger les génitrices, afin de s’assurer qu’un nouveau membre de l’espèce puisse naître. Cette maman-là venait de pondre. Son œuf ne contenait encore que les prémices d’une vie future. Reconnaissant l’adolescent pour sa douceur, les Galos l’invitèrent à caresser la coquille. Aaron y sentit presque un cœur battre, ce qui l’émut au plus haut point. Timidement, il demanda comment se nommerait le bébé lors de sa naissance. On lui glissa à l’oreille le nom d’Éduan. Le garçon rigola. C’était un bien joli nom. Il espérait grandement que d’autres que lui pourraient l’entendre, et pourquoi pas jouer avec…
Ce premier contact réussi prouva à ceux qui en doutaient que la paix était possible partout dans l’univers, à condition de vouloir se donner la peine de songer à elle avant de se battre. Ce succès fut grandement mis sur le compte de la prestation du jeune brun et causa la colère de ceux qui souhaitaient tirer la couverture à eux. Un soldat, dont le front était couvert d’une capuche violette, ne put s’empêcher de sourire en voyant le jeune Aaron prendre de l’assurance et devenir réellement important au sein de cette mission. Furieux, Eisenhower dut faire contre mauvaise fortune bon cœur et tolérer l’adolescent à ses côtés lors du deuxième contact avec une espèce locale. Bien moins intelligentes que les Galos, les Fames avaient comme particularité d’être plutôt bien gaulées et d’avoir des mœurs particulièrement débridées. Exclusivement féminins, ses membres avaient besoin de se reproduire avec d’autres créatures pour donner la vie. Un système de réarrangement chromosomique à l’intérieurs de leurs organes génitaux permettant de réagencer le génome de leurs partenaires afin qu’il devienne compatible avec le leur. Si comprendre ce point fut indéniablement un immense progrès pour la science, les désavantages imprévus furent plutôt nombreux : presque la totalité de l’armée se retrouva papa en quelques mois ! Certains soldats, dont celui à la capuche, durent même s’échapper à toutes jambes afin de fuir les conséquences de leurs actes en matière de pension alimentaires. Même le jeune Aaron se fit littéralement sauter dessus par une bande de Fames parce qu’il était « trop mignon », ce qui causa ses larmes et son désespoir et le poussa à prendre une des plus importantes résolutions de toutes sa vie : dès qu’il arriverait au pouvoir, il promulguerait un code sexuel afin de mettre de l’ordre dans ce bazar et éviter à l’Humanité les méchants désagréments qu’avaient connus l’armée d’exploration.
Plusieurs semaines, faites de rencontres et d’échanges, passèrent ainsi. La mission de l’ESM installa sa première colonie, en accord et sous le contrôle des indigènes, afin d’éviter toute tension. Pour fêter ce succès, Eisenhower décida d’organiser une immense réception, officiellement pour fêter la naissance d’un gouvernement humain local dont il avait décidé de prendre la tête, officieusement pour célébrer sa propre gloire, à ses yeux hautement plus importante. L’adolescent aux cheveux noirs ne moufta pas. Il n’était pas en position de jouer les révolutionnaires. Et puis, tout ce qui lui importait vraiment, c’était de mettre la main sur le blond qui lui était destiné, et qui une fois encore semblait loin de lui, caché.
Sortant de sa salle de bain après s’être mis sur son 31 pour la cérémonie du soir – une simple tenue noire comme la nuit qui affinait sa silhouette –, il chercha du regard sa chère mèche dorée qu’il avait posé sur son lit juste avant de prendre son bain. Ne la voyant pas, il remua toute sa chambre, sans réussir à la trouver. Pris d’un stress énorme, il suffoqua. Quelqu’un était entré pendant sa toilette pour la lui voler ? Non, seul Da’mien possédait un double des clés. Jamais il n’aurait pu… Et pourtant, livide, blafard, le garçon ne put s’empêcher d’imaginer le pire. Une amère tristesse se déposa sur son visage. Il suffoquait. Il était comme orphelin. Alors qu’il meuglait de rage, une immense sirène hurla encore plus fort dans ses oreilles, le faisant sursauter. C’était le symbole que quelque chose de grave s’était passé.
Accourant vers la salle de réception, il observa des taches de sang sur le mur. Un sang rouge comme la haine. Un sang humain. Au milieu de l’estrade gisait un corps sans vie, décapité et recouvert d’une couronne de papier.
– Ei… Eisenhower ? – s’exclama le brun en plaquant sa main sur sa bouche pour ne pas vomir…
– Il est mort… – suffoqua un soldat étendu à côté.
Aaron compta. Ils étaient quatre à avoir été mis au tapis à côté du macchabé du jour. Tous étaient dans un sale état, mais étrangement vivants. L’adolescent se jeta au cou de celui qui semblait le plus lucide et hurla en le secouant :
– QUI A FAIT ÇA ?
– Da… Da’mien… – murmura le combattant en réunissant ses dernières forces pour raconter ce qui venait de se passer. Le généralissime était en train de répéter son discours pour ce soir. Nous étions quelques-uns à assurer sa protection personnelle, quand le Kémèt est arrivé… Nous pensions qu’il voulait simplement discuter… Il n’a pas dit un mot. Il… Il a tué le généralissime, puis s’est enfuit en direction des navettes…
Incrédule, choqué, fou de rage, Aaron lâcha le col du malheureux puis, les bras flasques le long du corps, explosa d’un rire nerveux et humide. Le seul en qui il croyait, son précepteur, l’être qui l’avait élevé ces dix dernières années et soigné quand il était malade… Un seul mot s’échappa de sa bouche tremblante et recouvertes de larmes :
– Pourquoi ?
Pour obtenir une réponse, il ne lui restait plus qu’une seule chose à faire. Se lever et poser directement la question au concerné. L’adolescent piqua ainsi un sprint dans les couloirs, laissant ses larmes s’évaporer derrière lui, jusqu’à atteindre l’embarcadère. Là, sur une passerelle, prêt à embarquer, l’y attendait le Kémèt. Da’mien lui présentait son dos, couvert d’une longue cape grise, taché de sang rouge. Sa respiration, lourde, résonnait dans le hangar. Dans sa main, il tenait fermement le plus grand de tous les trésors. Aaron en reconnut immédiatement la couleur. De rage, il héla le traitre :
– POURQUOI ? POURQUOI T’AS FAIT ÇA ?
Soupirant, Da’mien fit claquer ses dents, signe de nervosité autant que de contentement. Il répondit aussi sec :
– Tuer le vieux fou ? Je l’ai fait pour l’avenir de notre galaxie… Tu devrais me remercier…
– Pas ça ! – coupa le jeune Humain. Je m’en fiche de lui ! Je veux savoir pourquoi tu m’as volé ma mèche de cheveux ! Rends-la-moi ! C’est à moi ! C’est mon trésor !
Cette fois-ci, Da’mien ne put s’empêcher de sourire. Tournant légèrement son visage vers son interlocuteur, il ricana. Bien qu’il en mourrait d’envie, il était encore trop tôt pour répondre franchement.
– Tu la veux ? Viens la chercher ! Poursuis-moi ! Je t’attendrai dans le quatrième système, Solissacar. À bientôt, jeune garçon !
L’adolescent n’eut pas le temps de rétorquer. Déjà, le Kémèt s’était jeté à l’intérieur de sa navette, dont le souffle des moteurs eut vite fait de projeter l’Humain contre le mur. Impuissant en la voyant disparaître dans l’immensité de l’espace, Aaron hurla :
– JE TE RETROUVERAI ! JE TE LE PROMETS ! JE TE RETROUVERAI ET JE TE TUERAI DE MES MAINS !
La mort surprise du généralissime plongea l’OHU en crise. Cette agression Kémèt couplée aux nombreux différents quant au taux de change Or–Nutella causa immédiatement une crise diplomatique profonde entre les deux peuples. Les tenants du pouvoir furent accusés d’avoir mal géré la situation. Pour se défendre, ces derniers pointèrent du doigt l’armée d’exploration ainsi que les responsables du programme ESM. Une réunion de crise fut organisée sur Susanoo. Elle réunissait les plus grandes pontes de l’Humanité. Les grands dirigeants, les industriels, les responsables de l’armée régulière… Ils étaient tous là, afin de décider des suite à donner à l’assassinat cruel et barbare de l’un des leurs. Personne, alors, n’avait songé à convier à la table des négociations le jeune Aaron. Enfin, nul besoin d’invitation quand on possède en soit une détermination à même de changer toutes les règles. Accompagné des soldats d’élites de l’armée d’exploration qui lui avaient juré fidélité sur Lug dès le lendemain des évènements, il pénétra avec violence, grâce et fracas avec sa longue cape noire dans la salle du conseil située tout en haut du palais d’Heian-Kyo. La main levée, ses seuls mots furent pour les militaires qui l’accompagnaient :
– Tuez tous ceux qui résistent, passez les fers à ceux qui se soumettent.
Le massacre ne fut connu dans les livres d’Histoire sous aucun nom. L’Humanité n’avait pas besoin de savoir. Le sacre qui suivit, le lendemain, par contre, resta pendant longtemps le symbole de la naissance d’un nouvel ordre politique, tout du moins jusqu’à sa chute et son remplacement plusieurs générations plus tard par une Fédération. Ce nouvel ordre, c’était celui de la RHI, République Humaine Interstellaire, se substituant aux gouvernements de l’OHU dans tous les systèmes explorés, à l’exception de la bonne vienne Terre, toujours indépendante. Recevant son diadème de la main de ses plus fidèles soldats, ceux-là même avec qui il avait participé à l’exploration de Katubodua et Lug, le jeune Aaron proclama les poings serrés et le visage ferme et tendu sa toute-puissance d’une élocution fameuse, l’élocution de l’an 1 du nouveau monde :
– Moi, Aaron, fils d’Aaron, dirigerai mon espèce à travers le temps et l’espace pour lui assurer avenir et prospérité. Ma première décision est d’interdire le gauchisme. Comprenez-moi, je ne me suis pas tapé un coup d’État sanglant pour me faire chier avec des mecs qui me contredisent. Ma deuxième décision est de partir à la conquête de Solissacar. Et je mènerai moi-même cette expédition, pour la grandeur de l’Humanité.
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utopiedujour · 7 years
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CHINE – Sur les traces du taoïsme (2) : lieux de culte et panthéon, par DH & DD
Billet invité. Second d’une série de trois.
À tous ceux et celles qui y ont pris goût, proposition est faite de poursuivre le voyage en Taoïsme : embarquement immédiat ! Il va nous falloir cette fois aller un peu plus loin dans le détail de cette religion qui comporte des lieux de culte, un panthéon, un clergé, des cérémonies et offices et des pratiques magico-ésotériques. Pour la clarté de l’exposé, nous proposons de suivre pas à pas cet ordre, un peu scolaire et simplificateur, mais offrant quelques chances de ne pas perdre trop de nos randonneurs en chemin !
Les lieux de culte.
Nous en connaissons déjà pour avoir « escaladé » le Taishan ensemble : les plus antiques et originels sont les montagnes. Au-delà des Cinq Pics divinisés, toutes les montagnes sont des lieux sinon officiellement consacrés, à tout le moins « magiques ». Elles sont en effet imbibées en permanence d’une rosée céleste (yin), celle que la fraîcheur de l’aube y dépose et celle qu’y laissent les écharpes de nuage qui le plus souvent les enveloppent. Le « qi » qui anime vigoureusement leur relief (yang) est plus puissant et pur qu’où que ce soit ailleurs et, à ce titre, il a des vertus purificatrices et énergétiques qui circulent non seulement dans l’air qu’on y respire, mais aussi dans les plantes, racines et champignons qu’on y récolte (et qui jouent un rôle très important dans la pharmacopée chinoise). On connaît bien aussi la place primordiale faite aux montagnes dans la peinture de paysage en lavis d’encre qui prédomine très largement à l’époque classique (à partir des Tang et très abondamment sous les Song) : épouser par le truchement du pinceau la majestueuse grandeur de la montagne et être en mesure de mettre le spectateur en communication avec les souffles vitalistes qui l’animent est un exercice tout autant « taoïste » que pictural. La même constatation vaut bien sûr pour la calligraphie. Dans les deux cas, il s’agit de « retourner à la racine » pour capter quelque chose de l’Un primordial authentique (dont tout être porte en lui la « signature »).
Les montagnes comportent généralement dans leurs flancs des grottes et cavernes. Celles-ci disposent en Europe aussi d’une symbolique très riche : depuis la Préhistoire (Lascaux, Chauvet…), elles ont été investies d’un rôle magique qu’on retrouve dans beaucoup de nos contes et les légendes. Tantôt elles sont associées à des passages entre deux mondes (chez Virgile et bien d’autres), tantôt à des trésors cachés à l’abri d’une formule magique (caverne d’Ali Baba, allégories alchimiques de la quête du « lapis », etc.), tantôt à la vision-révélation de mystères (grotte de Montesinos dans « Don Quichotte« ). Dans de nombreuses légendes de chez nous, elles sont liées à d’étranges phénomènes de contraction ou dilatation du temps (thème récurrent : les grottes où des bûcherons, croyant n’avoir été retenus prisonniers qu’une nuit par des lutins, ne reconnaissent plus personne au village parce qu’un siècle a passé), sans parler des grottes lieux privilégiés des apparitions surnaturelles comme celle de Lourdes. En Chine, les grottes ont joui d’une aura assez semblable, mais elles ont été plus explicitement associées, par leur forme et par leur enfouissement dans le ventre de la terre, à autant de matrices (et leurs éventuelles stalactites à autant de « tétons de la Cloche céleste ») propres à enfanter « l’embryon d’immortalité » que les taoïstes aspirent à faire, comme on le ferait d’une graine, littéralement germer et pousser en eux. La grotte yin, où l’on se retire en vase clos, permet de faire retour à l’état premier de la spontanéité de la nature. La vie y est repliée sur elle-même mais elle s’y régénère : imitant le monde naturel dont ils sont de fins observateurs, les taoïstes ont toujours essayé de calquer leur conduite sur ce modèle. Les ont inspirés les animaux hibernants qui, sortant des tanières où ils se sont enclos tout l’hiver, semblent dotés d’un surcroît de vitalité ainsi que les papillons qui ont besoin d’un séjour dans leur étroit et hermétique cocon, pour réaliser leur destin, insoupçonné jusque là, de créatures ailées ! On peut dire qu’une grotte symbolique accompagne le taoïste dans ses pérégrinations : la coloquinte-calebasse avec laquelle il est généralement représenté n’est autre qu’une « grotte en petit« , pour reprendre la formule de Rolf A. Stein. Comme celui-ci le note : « Les grottes qui constituent un monde paradisiaque à part ont l’entrée difficile ; on y entre par une porte étroite. Ce sont des vases clos, au goulot étroit en forme de gourde. (…) La calebasse figure un monde complet, mystérieux, clos en lui-même. » La calebasse de l’iconographie taoïste est censée, on s’en doute, contenir l’élixir d’immortalité.
Il est bien évident que l’aspect « lieu de culte » des montagnes est rendu généralement encore plus explicite par la présence de temples. La religion taoïste (comme le bouddhisme) dispose en effet en Chine de nombreux sanctuaires implantés de très longue date dans des massifs montagneux. Outre le Taishan déjà évoqué et les quatre autres Pics Célestes, outre les monts Qingcheng (Sichuan) déjà signalés aussi, citons les monts Wudang (Wudangshan) au Hubei qui hébergent à leur sommet le plus grand temple/foyer des arts martiaux taoïstes (concurrents de ceux de Shaolin d’obédience bouddhiste), les monts Lao (Laoshan) au Shandong, lieu de culte de la secte de la Perfection Totale et les monts Mao (Maoshan) au Jiangsu, lieu de naissance de la secte de la Grande Pureté. La liste n’est évidemment pas exhaustive… Tous les temples taoïstes (ou assimilés) que l’on trouve dans les villes et les villages sont, en ligne plus ou moins droite, reliés à des montagnes. On l’a vu pour les « Dongyuemiao » qui, partout en Chine, sont rattachés au Pic de l’Est (le Taishan) et en sont pour ainsi dire des émanations, mais cela est vrai des autres temples aussi. La filiation entre un « temple-mère » et un « temple-rejeton » s’effectue selon un essaimage fondé sur le partage des cendres d’encens du brûle-parfum de l’un vers celui de l’autre. Ensemencé par les cendres du temple protecteur, le brûle-parfum du nouveau lieu de culte pourra recevoir ses premiers bâtonnets d’encens tandis qu’un daoshi procèdera à l’ « animation » de ses statues, leur « ouvrant » symboliquement les yeux en les aspergeant avec un pinceau trempé dans le sang d’un coq.
En conclusion de ce premier point à notre ordre du jour, pourrions-nous trouver plus belle et plus explicite illustration du lien constitutif entre le taoïsme et la montagne que cette encre sur soie de Liang Kai (peintre des Song du Sud, actif vers 1200) intitulée « L »immortel » où tout le « qi » que peut restituer un pinceau est mobilisé pour rappeler avec vigueur que l’idéogramme « xian » (immortel) est formé par association de « homme » et de « montagne ».
Le panthéon.
Nous jetons l’ancre sur les rivages d’une contrée extrêmement peuplée, mais aux contours un peu flous et à la végétation touffue, qui va nous obliger à jouer de la machette ! Le panthéon taoïste est multiforme, haut en couleurs et fluctuant selon les époques. Nous ne pourrons faire autrement que nous contenter de ses grandes lignes et de ses personnages les plus emblématiques. Le monde des dieux obéit aux lois d’organisation d’une bureaucratie calquée sur le modèle de l’Empire. Hauts fonctionnaires célestes, les divinités et esprits sont à la tête de ministères d’où ils administrent avec plus ou moins d’équité et de justice les affaires de l’univers. Ils ne sont pas plus infaillibles que leurs homologues humains et les Chinois sont toujours prêts à tabler sur leur propension à se laisser graisser la patte ! En fait, ces dieux « délèguent » beaucoup et ont sous leurs ordres des légions de subalternes et d’acolytes, guerriers, sbires, gratte-papier et autres teneurs de registres que les daoshi ont le pouvoir d’enrôler au bénéfice de qui a recours à leurs services.
Au sommet de la hiérarchie cependant, apparus au VIe s., trônent côte à côte « Les Trois Purs » (« san qing« ) : le Vénérable céleste de l’Origine première, le Vénérable Céleste du Joyau sacré et le Vénérable Céleste du Dao (qui n’est autre que Laozi divinisé siégeant au centre de cette trinité). Comme le bouddhisme (mais aussi, somme toute, le christianisme), le taoïsme affectionne cette distribution ternaire qui est celle de l’équilibre (la forme tripode est une des formes privilégiées des bronzes archaïques). Les Trois Purs ne sont autres que le développement d’une trinité plus ancienne (déjà présente au IIe s. dans le panthéon de la secte des Cinq Boisseaux), »Les Trois Officiels » (« san guan« ) respectivement en charge du Ciel, de la Terre et de l’Eau. À côté, au-dessus ou un peu en-dessous des Trois Purs selon les époques et les textes pris en compte, se situe « L’Auguste de Jade » (Yuhuang Dadi) dont nous avons vu comment, au XIe s., un coup de pouce de l’empereur Song Zhenzong le propulsa à cette place de premier plan. Un très haut rang est également dévolu à la « Reine Mère de l’Occident » (« xi wang mu« ) ainsi nommée parce qu’elle réside dans un palais de jade au sommet du Kunlun (l’axis mundi terrestre de la cosmogonie taoïste). Elle y possède un verger de pêchers donnant tous les 3000 ans des fruits qui confèrent l’immortalité. Elle a une consœur en la personne de « Dou mu », la « Déesse du Boisseau du Nord » (la Grande Ourse), celle qui pivote au fil des saisons autour de l’axis mundi céleste qu’est l’étoile polaire. Les planètes, étoiles et constellations jouent un rôle éminent dans la mythologie taoïste : elles sont presque toujours figurées sur les talismans comme sur les robes de cérémonie des officiants qui ne manquent d’ailleurs jamais de les invoquer au cours des rituels. Chacune d’entre elles a sa ou ses divinités. Trois « Étoiles » sont particulièrement populaires et représentées un peu partout : les « san xing » de la longévité, de la fortune et de la réussite par l’accès au mandarinat. Pour embrasser l’ensemble du panthéon taoïste (mais « taoïste » se confond là avec « chinois »), il suffit de s’imaginer la foule que représentent des divinités qui président à l’ensemble des phénomènes naturels visibles et invisibles (tonnerre, feu, vent, pluie..), à la gestion du royaume des morts (juges et autres intervenants des Enfers) et aux activités des vivants dans l’éventail infini de leur diversité ! L’immortalité étant, comme on l’aura compris, un thème central dans le taoïsme, ceux (et celles) qui y ont accédé ont leur ticket d’entrée dans le panthéon où ils (et elles) jouissent d’une grande popularité. Les plus représentatifs sont connus sous l’appellation de « Huit Immortels » et chacun des huit a sa propre légende et ses propres pouvoirs magiques, mais il ne faut pas imaginer pour autant que l’accès à ce statut n’est pas ouvert à d’autres. Ainsi, dans son roman « Beaux seins, belles fesses« , Mo Yan évoque comment une des sœurs du héros-narrateur se métamorphose en « immortelle-oiseau » et va, pour le reste de ses jours, vivre dans une « pièce de silence » et être honorée par un autel. Mo Yan ajoute : « Dans la courte histoire du canton du Nord-Est de Gaomi, six femmes étaient devenues des immortelles — renarde, hérisson, belette, serpent blanc, blaireau et chauve-souris — à cause d’amours empêchées ou de fiançailles qui avaient mal tourné et elles avaient vécu une existence mystérieuse forçant le respect. » Les immortelles-renardes sont particulièrement présentes dans le corpus des légendes chinoises : les renards (animaux de tanière eux aussi) sont censés jouir de nombreuses vies parce qu’ils possèdent le pouvoir de s’emparer du corps de filles attirantes pour séduire des jeunes gens afin d’absorber leur influx vital. Il est très probable que ces histoires d’immortelles, comme celles de Gaomi évoquées par Mo Yan, sont une forme d’éclairage irrationnel et superstitieux sur les manifestations d’un désordre mental soudain consécutif à un choc émotionnel violent. La folie donnant la main au sacré n’est pas si étrangère à nos propres anciennes croyances !
Ajoutons enfin que le panthéon taoïste s’est très largement et facilement ouvert à des personnages historiques illustres qui y occupent des places de choix dans la mesure où ils sont jugés par les simples gens plus proches et plus accessibles aux prières que les sommités « d’en haut ». « Cette déification fut facilement admise dans le peuple à cause de la nature ouverte du panthéon qui englobait n’importe quel esprit si son efficacité et ses manifestations pouvaient laisser croire qu’il avait été nommé à une charge par la bureaucratie céleste. Ces personnages historiques purent être considérés comme des dieux parce qu’on pensait qu’ils étaient en fait des esprits divins, des puissances célestes qui avaient dû s’incarner à une certaine époque. » (Jacques Pimpaneau). C’est dans cette catégorie que l’on trouve l’omniprésent Guanyu/Guandi, le guerrier au grand cœur au service du royaume de Shu à l’époque des Trois Royaumes devenu pourfendeur de démons pour l’éternité ou le juge Bao Gong qui incarne pour tous la rectitude et la justice. C’est également dans ce fouillis que l’on peut faire l’inventaire de tous les patrons des différentes guildes et corporations (on se souvient que celui des horlogers n’est autre que le jésuite Matteo Ricci) et beaucoup d’entre elles ont plusieurs patrons (toujours l’histoire des œufs dans plusieurs paniers !). Parmi les divinités de ce panthéon fourre-tout pour lequel les lettrés confucéens ne professaient que mépris (officiel ! car beaucoup en honoraient quelques unes en douce !), il en était qui s’imposaient tout de même bon gré mal gré à leur vénération : les dieux de la Littérature et des Examens ! Dans presque toutes les villes s’élevait un temple ou au moins un autel dédié à Wenchang, dieu de la littérature, qui règne sur une constellation de six étoiles à côté du Boisseau du Nord et qui, au ciel, est « assisté du Sourd Céleste et du Muet Céleste, grâce à qui ceux qui savent ne peuvent pas parler et ceux qui parlent ne peuvent comprendre, de façon que les voies du Ciel restent impénétrables. » (Jacques Pimpaneau) À ses côtés, plusieurs étoiles appartenant au Boisseau du Nord étaient plus spécialement chargées de favoriser la réussite aux examens : Wenquxing (patron des examens civils), Wuquxing (patron des examens militaires) et, plus éminent encore, Kui xing qui jouissait de la popularité la plus universelle. Est-il vraiment besoin d’ajouter que nous venons de parler à l’imparfait, mais qu’aujourd’hui encore les effigies de ces personnages, dans toute la Chine, respirent beaucoup d’encens aux mois de mai et juin à l’approche des fins d’années scolaires ?
Pour ne pas abuser de la patience de ceux qui nous ont suivi jusqu’ici, nous proposons de recourir aux vieilles recettes du feuilleton pour un… « la suite au prochain numéro » !
=========================================== Ouvrages cités
 » Chine, mythes et dieux« , Jacques Pimpaneau, Éd. Philippe Picquier (1999)
 » Le monde en petit« , Rolf A. Stein, Éd. Flammarion (1987)
 » Beaux seins, belles fesses« , Mo Yan (prix Nobel de littérature) Éd. Points Seuil (2005)
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cequilaimait · 7 years
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CdV2 – 5. L’étrange pouvoir du chaton noir
Encore un jour glorieux pour notre chère Fédération ! Après de nombreuses heures de lutte sans merci, les armées de l’Aar’on, dirigées par le très talentueux et génialissime Mathuz, sont venues à bout des dernières poches de résistance du système Soldane. Tour à tour, ce sont Pozidono, Clito et Critias qui ont rendu les armes ! Dès la fuite des derniers Ashtars vers le système Solphéra, les représentants des Atlans ont signé leur reddition, avec une seule et unique revendication : qu’on leur foute la paix. Représentant l’Aar’on, Mathuz a accepté cette requête à condition que des cohortes d’Humains Aquatiques et d’Humains Souterrains puissent venir coloniser et gouverner nos nouvelles possessions afin, d’y apporter prospérité et progrès.
C’est ainsi un grand jour pour la Fédération, qui se voit rejoindre par un nouveau système allié, et ce, sans même que nous ayons besoin de compter sur un Kili’an au bout d’une laisse, une première dans notre grande histoire commune ! À l’heure où nous écrivons ces lignes, seule une petite poche de résistance menée par les reliquats de l’anti-humanité subsistait encore sur Ris, le tout étant sans doute lié au flash lumineux qui a éclairé la galaxie toute entière. Nul doute que leur extermination définitive n’est plus qu’une question d’heures.
Extrait tiré de l’article « Soldane est tombé ! » paru dans « Le matin de Vojolakta », par notre reporter de guerre M.A.’thuz.
*****
Il était beau, le chaton, sous sa forme humanoïde et adolescente. Vraiment beau. Sa grâce semblait même être une de ses meilleures armes. Nul être doté d’un cœur n’aurait pu imaginer lui faire du mal.
Cela faisait malheureusement bien longtemps que l’anti-humanité avait perdu le sien.
À peine Kémi se fut-il redressé sur ses guiboles que le combat reprit de plus belle. Un seul coup de griffes suffit à faire voltiger Cé’cil contre un mur. Ainsi encastrée, elle ne put que vomir plusieurs litres de sang avant de tomber dans les pommes. Son rêve d’un jour être fécondé par un Aar’on semblait destiné s’évanouir en même temps que son esprit. Elle était lasse. Ce combat l’avait épuisée. Le brun aurait préféré mourir pour son Néko plutôt que de lui offrir sa vigueur. Pire, l’animal en question partageait ces sentiments d’affection. Elle se sentait rejetée. Regroupant ses dernières forces, elle tourna la tête vers Aki’to, le dernier être en qui elle croyait, son allié dans cette étrange aventure, son ami, son amant. Il ne la regardait déjà plus.
Tenant difficilement sur ses jambes, le maître du rouge n’avait d’yeux que pour une seule merveille. Au diable cette femme qui l’avait accompagné ! Elle pouvait mourir. L’anti-humanité et les espoirs que ce groupe portait pouvaient disparaitre avec elle. Leur combat ne revêtait plus la moindre importance. Il avait enfin les moyens, devant-lui, de tout recommencer. Il n’y avait plus que cette petite merveille aux cheveux si doux et au pouvoir si puissant. Kémi. Il le voulait. Il le désirait plus que ses mots ne pouvaient l’exprimer. Son cœur battait plus fort que son esprit n’arrivait à le concevoir. Il ne lui restait plus qu’une seule chose à accomplir pour libérer la puissance cachée du Néko. Une dernière, et tout serait enfin effacé. D’une voix tremblotante, il le somma d’accepter ce destin en lui tendant une main amicale.
– Viens Kémi… Viens dans mes bras. Choisi-moi, et tu ne souffriras plus jamais. Tu n’auras plus à subir le manque, la peine et l’enfermement. Tu seras enfin tout. Le monde, ce monde, mon monde tournera autour de toi. Laisse-moi goûter à ta force. N’ai pas peur, approche…
Les poings toujours serrés, le corps toujours aussi nu, Kémi tourna trois fois autour de l’Aar’on et d’Aki’to, les reniflant tous deux avec curiosité, avant de se poser au milieu de la pièce, les bras croisés. Le front et le nez levés de manière fière et un peu orgueilleuse, il ne prononça qu’un seul son.
– Nya ~
Une main derrière le crâne, Aki’to bredouilla.
– Heu, ça veut dire quoi ?
– Ça veut dire que je ne veux pas ! – reprit le chaton en criant cette fois-ci avec une douce voix humaine. Je suis un des chatons de l’Aar’on ! Depuis toujours ! Je me suis incarné en Néko pour rester auprès de l’âme du tout premier ! J’veux pas changer ça ! Je l’aime ! Les méchants qui utilisent les chatons, ce sont tous des méchants, d’abord ! Et j’aime pas les méchants ! Mais j’aime bien les câlins gratuits. Tu veux me faire un câlin gratuit, toi ? Non, bah voilà, c’est que tu es méchant alors ! Donc non !
Aki’to ne réussit pas à répondre que si, il ne demandait que cela, depuis toujours, sans rien obtenir en échange. Cette vérité ne pouvait s’échapper de sa gorge. Sa fierté l’empêcher d’admettre que son plan pour sauver son espèce passaient après ses vrais désirs, tellement Humains. Alors, faisant voltiger sa cape rouge sur son dos, il se dressa le plus fièrement du monde et menaça l’animal du doigt. Si Kémi ne voulait pas lui donner ce qu’il recherchait, alors il le prendrait par la force.
– Ton pouvoir… Tout de suite… Déclenche-le pour moi !
Le combat semblait inévitable. Le Néko ne mit que quelques secondes à le comprendre. Il l’acceptait. Il n’avait pas peur. Au loin, un jeu de lunes, de planètes et d’étoiles faisait briller le ciel de Ris de toutes les couleurs. L’univers était un trésor qu’il fallait protéger. Après tout, rien n’était plus beau qu’un simple coucher de soleil. Le premier Aar’on lui-même avait longtemps caressé le rêve d’en observer une infinité avec le chaton, à l’époque où ce dernier était toujours Humain. Sa maladresse si typique chez les bruns l’avait poussé à cacher ses véritables sentiments dans d’étranges mots, dont un, joyaux, résonnait encore dans l’immensité de Vojolakta. Peut-être Kémi avait-il fini par comprendre. L’Aar’on n’avait jamais cherché à savoir. Seuls comptaient les baisers qu’il pouvait lui déposer sur le crâne.
Sortant griffes et crocs, Kémi se jeta avec toute sa vigueur sur Aki’to. Il devait le tuer. Il ne le put pas. D’un geste violent de la main, le rebelle gifla le chaton, qui s’écrasa à ses pieds. De sa voix la plus colérique, il lui hurla dessus :
– Pourquoi tu me résistes ? Pourquoi ? Tu veux mourir, c’est ça ?
Le « Nya ~ » sonné que lâcha Kémi cette fois-là voulait autant dire oui que non. Lui-même ne savait pas. Les coups de pieds qu’il se prenait dans le ventre lui faisaient trop mal pour réfléchir. Jamais il n’aurait pu croire qu’Aki’to ferait preuve d’autant de rage. Pourtant, les larmes qui coulaient abondamment sur les joues de l’antihumain montraient bien que le crime qu’il commettait le faisait souffrir tout autant que sa victime, peut-être même plus encore. Immobile, allongé au sol en train de se vider de son sang, l’Aar’on ne pouvait qu’observer impuissant le drame qui se jouait sous ses yeux sombres. Roué de coups, couvert d’hématomes et de coupures, Kémi subissait, sans rien dire, la hargne et fureur d’un être dépassé par ses sentiments. Au bout de plusieurs longues minutes de cet horrible spectacle, Aki’to hurla en se griffant son propre visage. Le chaton humanoïde gisait à ses pieds, inconscient. L’avait-il tué ? Il n’en savait rien. Si près de son but, comment pouvait-il accepter cette amère déception ? Se passant sur le visage sa main couverte du sang de l’animal, il explosa d’un rire gras et grossier qu’il assimila immédiatement à la folie qui l’avait gagné. Attrapant Kémi par les cheveux, il souleva sa carcasse fumante au-dessus du sol, puis, une grimace humide remplaçant son sourire torturé et une goutte orpheline coulant sur sa joue, il le jeta près de l’Aar’on, histoire que ces deux-là soient réunis dans la mort.
Le coup final eut cependant du mal à sortir. Pis, il ne vint jamais. Comme tétanisé par ce qu’il avait fait, Aki’to resta de longues secondes immobile, les yeux fixés sur ses mains sanguinolentes, un cri hurlant son désespoir. Réunissant ses dernières forces, le dixième Aar’on attrapa Kémi par le flanc et le tira avec lui jusqu’au bouillant bain sulfureux. Là, immergeant leurs deux corps, il fit ce que seul un Aar’on était censé pouvoir faire. De ses doigts, il caressa la joue de son chaton. De ses lèvres, il lui offrit le plus doux des baisers. Ce don de tendresse provoqua chez Kémi tout d’abord un tremblotement, puis un clignement de paupière. Enfin, le Néko vit ses iris se dilater et son organisme tout entier se réchauffer. Dans une explosion lumineuse encore plus puissante que la précédente, il laissa son pouvoir se libérer. Aki’to n’eut même pas le temps de le réaliser. Avant-même qu’il ne puisse bouger un cil, l’antihumain se retrouva paralysé. Chaque grain de poussière et de matière se vit immobilisé. Les planètes et étoiles arrêtèrent leur course folle. Les particules élémentaires, des électrons aux photons, stoppèrent toute activité. L’univers bouillant avait perdu toute sa chaleur. Le temps s’était figé. Seuls restaient conscient l’Aar’on ainsi que le chaton qu’il embrassait. Plus leur étreinte dura, plus l’énergie qui s’en dégageait sembla folle. À un point tel que, plutôt que de rester en son état immobile, le temps sembla commencer à reculer. Particule par particule, grain après grain, tout sembla remonter en avant, d’abord à un rythme lent, puis de plus en plus fou et soutenu. En dix secondes, Ris recula de plusieurs minutes en arrière. Les blessures se refermèrent. Tout redevint comme à l’instant où Céc’il, de sa lame, menaçait la vie du chaton, à cela près qu’il avait disparu de ses bras pour se retrouver sous sa forme humaine dans ceux de l’Aar’on. Et le combat pu reprendre de plus belle.
Seul le brun, son tendre animal et Aki’to avaient réalisé ce retour en arrière. Pour le reste de l’univers, seul un étrange sentiment de déjà vu parcourut certains esprits.
De rage que sa proie lui échappe, Céc’il se jeta en sa direction. Elle fut arrêtée d’un coup sec par l’Aar’on lui-même. L’histoire ne pouvait pas éternellement se répéter. Laissant Kémi reprendre ses esprits après l’explosion de son pouvoir qui l’avait vidé de toute son énergie, le Malheureux se dressa contre Aki’to. C’était épée contre épée, Regard contre Regard, Humanité contre anti-humanité. La lutte éternelle du bien contre le mal, sans que personne ne puisse réellement déterminer qui jouait vraiment quel rôle. Après quelques insultes et coups échangés, l’affrontement tourna rapidement à l’avantage de l’Aar’on. Porté par l’amour éternel de son chaton, il semblait indestructible. Aki’to eut beau user de toute sa force, rien n’y fit. Son esprit était vidé. Il était résigné. Tombant à genoux devant son adversaire, il lui présenta son cou sans trembler. Il se sentait à bout. C’était sa fin. Il voulait l’accepter. Jusqu’au bout, il avait tout raté. Son dernier sourire fut pour Kémi. Ses derniers mots pour l’Aar’on :
– Vas-y, qu’on en termine. Notre haine mutuelle n’a que trop durée. Tue-moi !
Levant fièrement son épée, le brun s’apprêta à appliquer lui-même la sentence qu’il avait décidée. Son mouvement ne se termina jamais. Il ne pouvait pas abattre son arme. Kémi l’en empêchait.
Les yeux tremblotants et les lèvres humides, le chaton s’était dressé, les bras écartés, entre l’Aar’on et Aki’to. De tout son corps humanoïde, il avait décidé de faire rempart. Ses cheveux décoiffés et son visage éreinté donnèrent une teneur toute particulière à son gémissement sincère. Il avait une dernière prière, qu’il adressa au brun sous la forme d’une ultime requête.
– Arrête s’il te plait… Nya ~. Ne le tue pas ! Ce… C’est à moi de mettre fin à tout ça. C’est ma responsabilité.
Les jambes molles, l’Aar’on posa un genou à terre. Ses pieds ne le portaient plus. Il n’avait pas la force nécessaire pour lutter contre les désirs de son joyau. Impuissant, il observa Kémi coller sa peau nue aux vêtements d’Aki’to. Immobile, il le regarda se frotter contre son torse en miaulant. Incrédule, il assista à ce qui ressemblait à l’impossible.
Du bout de son museau, Kémi s’était rapproché des lèvres du rebelle, qu’il avait fini par caresser des siennes. Aki’to lui-même sentit une étrange chaleur parcourir son corps et le libérer de toutes ses souffrances. Il ferma les yeux. Il n’arrivait pas à y croire, et pourtant, enfin, le chaton lui offrait son pouvoir. Une nouvelle fois, une lumière indescriptible recouvrit tout Vojolakta. Encore, le temps se figea. À nouveau, il sembla repartir en arrière, avec une différence notable avec ce qui venait de se passer plusieurs instants plus tôt. Cette-fois ci, le pouvoir de Kémi ne se contenta pas de reculer de quelques minutes. Ce furent des années, des décennies, des siècles mêmes qui se retrouvèrent effacés en quelques secondes. Partageant l’étreinte du chaton, Aki’to vécu d’un seul coup à l’envers tous les souvenirs du petit être aux doigts fragiles. Comment il était resté sagement à jouer son rôle de compagnon dans les appartements de son maître ; comment sous le septième Aar’on, un Aki’to déjà avait tout fait pour le récupérer ; comment il avait vécu avant cela ; ce qu’il était encore lors de l’avènement du tout premier brun, un simple adolescent à la peau doucement ambrée, au sourire sincère, à la douceur exacerbée et à la gentillesse tendre et unique. Là, Aki’to se redécouvrit. Il se croyait le quatrième à porter son nom. Il était en réalité le cinquième. Le baiser qu’il recevait, ce baiser qu’il vivait, n’était qu’un reliquat du passé. Depuis toujours, il avait inutilement souhaité que le chaton le choisisse. Cela s’était en réalité déjà réalisé des siècles avant sa naissance. Kémi l’aimait. Kémi l’avait toujours aimé. Tel était le secret caché au fond de son cœur. Le secret des temps anciens.
À la fois acteur et spectateur de la scène, Aki’to sentit son cœur trembler. À ses côtés, une ombre brune souriait. Les mains dans les poches, elle parla avec la voix du tout premier Aar’on.
– Je suis heureux pour lui. Son bonheur est tout ce qui compte, quelques soient les bras qui le lui apportent, quel que soit le garçon qu’il aime. Quelques soient ses choix, je serais toujours fier de mon petit Néko-chan.
Puis le temps se figea à nouveau, puis reprit sa course folle en avant. Vojolakta reprenait ses droits. Les années passèrent à la vitesse de secondes, les siècles ne durèrent pas plus de quelques minutes. Quand Aki’to rouvrit les yeux, il se tenait mourant, allongé sur le sol des bains de Ris dans les bras de Kémi. Il était bel et bien trop tard pour être sauvé, même en revenant en arrière. Réunissant ses dernières forces, le rebelle rapprocha ses doigts du visage du Néko et les lui passa une ultime fois sur sa joue humide, tremblante et irrité.
– Ne pleure pas, Kémi… Merci de m’avoir permis de revivre tout ça à tes côtés, même si ça n’a duré que quelques instants. Merci de m’avoir aimé… Mais c’est terminé maintenant. Je t’ai trop couru après… Je ne me réincarnerai plus.
Ses derniers mots s’accompagnèrent d’un dernier geste d’honneur. Attrapant son épée qui gisait à ses côtés, Aki’to se la glissa dans l’abdomen, lâchant ainsi son dernier souffle dans les bras du chaton qu’il avait tant désiré. Sa dernière sensation fut celle des larmes nourries de Kémi chutant sur son visage. Une seconde plus tard, il repartit à la poussière.
La lignée des Aki’tos à la tête de l’anti-humanité venait de s’éteindre, et avec elle un des plus grands dangers qui planait sur Vojolakta et le dessein brun.
Quelques instants plus tard, menés par Mathuz, les secours arrivèrent à la rescousse. Sur tous les autres fronts, les combats s’étaient terminés. La victoire de le Fédération était incontestable. Le bilan n’en restait pas moins lourd.
Transporté en toutes urgences sur la station orbitale Thot, l’Aar’on ne se réveilla dans son lit qu’au bout de trois jours de réanimation. Son premier réflexe fut de chercher Kémi du regard. Son chaton allait bien. Miaulant contre son flanc, il avait repris son apparence féline, comme si rien ne s’était passé. Assis sur un siège à côté, Mathuz l’observait en souriant.
– On a gagné, alors ? – demanda le brun en caressant tendrement son animal.
– Oui ! – répondit le militaire. Soldane est à nous. Mais ne te réjouis pas trop vite, mon grand. Il s’est passé beaucoup de choses pendant ton court sommeil.
Tremblotant, l’Aa’ron eut bien du mal à en croire ses oreilles. Profitant que la Fédération abandonne Solphéra à son sort, le peuple Ashtar y avait lancé un assaut massif. Les Kekchis s’étaient fait décimés et avaient dû se rendre. C’était un prêté pour un rendu. Les Ashtars avaient sciemment abandonné Soldane pour se concentrer sur un territoire bien plus riche et stratégique. Seuls les efforts monstrueux de tous les journalistes avaient réussi à faire passer cette véritable catastrophe pour un simple rebondissement dans une guerre partie pour durer encore plusieurs générations.
– Et Aki’to et les siens ? – murmura péniblement le brun.
– Tous morts – expliqua son conseiller sans frémir après s’être levé pour observer les étoiles à travers la grande baie vitrée des appartements. Enfin, presque. Il semblerait que leur princesse ait réussi à s’enfuir. Nos soldats ont perdu sa trace aux abords du système Solgad, un territoire contrôlé par les Ashtars. Nous avons renoncé à la poursuivre. Seule, elle ne pourra pas faire grand-chose. Par contre, dans les décombre de Ris, nous avons découverts de nombreuses choses intéressantes.
– Par exemple ? – questionna l’Aar’on sans trop y prêter attention.
Les mains dans le dos, Mathuz révéla ses informations avec une satisfaction non dissimulée.
– Leur plan ! Écrit de la main de leur leader lui-même, celui que tu as réussi à déjouer.
– Je le connais déjà… – se lamenta le malheureux. Le projet d’Aki’to était d’utiliser le pouvoir de Kémi. Un pouvoir tellement puissant et dangereux que même les bruns successifs, malgré leurs regrets, ne l’ont jamais utilisé.
– En effet… – poursuivit le petit Khass-kouil. C’était le même projet que sous le septième Aar’on. Pousser par un choc violent le petit Néko à reprendre son apparence véritable, et user de son pouvoir d’infléchir la course du temps pour revenir jusqu’à l’époque du premier Aar’on et assassiner lâchement le premier Kili’an. Ainsi, tout aurait été effacé. Jamais il n’y aurait eu la première Résonnance ni apparition des Vorticos et du Regard. L’Humanité serait restée pendant encore des millénaires accrochée à Canaan…
– Tu connais beaucoup de choses…
– Je suis moi-même originaire de Canaan… Et je ne suis pas stupide. Même si le peuple autour de nous l’ignore, je sais que Kémi a utilisé son pouvoir pour revenir aux prémices de notre histoire. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi finalement nous sommes revenus au point actuel sans que rien ne change…
– Peut-être voulait-il simplement lui montrer quelque chose… – songea l’Aar’on, les yeux perdus dans la voute étoilée. Enfin, ce qui est fait est fait ! Maintenant, il faut aller de l’avant. Je ne compte pas rester le Malheureux toute ma vie.
– Des projets ? – s’étonna Mathuz.
– Oui ! – affirma le brun, un sourire en coin. Je compte lancer très prochainement la saison trois de l’émission « La Fédération a un incroyable Kili’an ». Ensuite, dès que j’aurais trouvé mon bien aimé, nous partirons à l’assaut pour libérer le système Solphéra ! Je peux compter sur toi pour intégrer à nouveau le jury ? Je sens qu’on va avoir droit à une édition d’anthologie !
Surpris par cette demande, le haut gradé hésita puis fit un signe non de la tête. Il avait d’autres priorités.
– C’eut été avec plaisir, mais je pense abandonner mes charges actuelles et tout reprendre à zéro. Militaire, journaliste, scientifique, juré d’émission télé… J’ai essayé de mener à bien toutes ces missions de front, mais je n’ai plus deux cent ans, il faudrait que je commence à faire attention à ma santé. Et puis, je suis encore touché par l’échec de mes dernières expériences… Si je suis plutôt fier de mes Humains aquatiques et souterrains, mon Humanité blondinienne est un fiasco complet. Aucun de ses membres n’a survécu à l’attaque de Soldane ! À peine créée, l’espèce est déjà éteinte ! J’ai besoin de temps pour moi, pour réfléchir. Peut-être vais-je m’intéresser à l’élevage d’enfants où à l’Histoire. Qui sait ce que l’avenir nous réserve !
– C’est dur ce que tu m’annonces, mais je comprends… – déplora l’adolescent. Il ne peut y avoir qu’un seul Kili’an à la fois, nous avons sans doute été trop vaniteux en pensant pouvoir en créer d’autres. Que cela serve de leçon à mes successeurs, et j’espère de tout cœur que tu pourras les servir comme tu l’as fait avec moi, mon ami. Enfin, ce n’est pas grave. Pour les audiences, c’est bon aussi d’amener un peu de sang frais dans le jury.
Se dirigeant vers la porte, Mathuz acquiesça. Après tout, son histoire personnelle était fortement liée à celle de la lignée brune. Il reviendrait sans doute très vite aux avant-postes. En attendant, il avait une dernière information à transmettre à son jeune dirigeant.
– Si j’étais toi, je lancerais des auditions dans Solzabul. Un vieil ami m’a indiqué y avoir vu traîner un adolescent aux cheveux dorés il y a très peu de temps. Qui sait s’il ne s’agirait pas de celui que tu recherches tant !
Mathuz ne croyait pas si bien dire. Au même moment sur la planète Marama, un jeune blond battait son record à la course de fond. Quel idiot aussi il avait été de demander son chemin au premier Ashtar qui passait par là ! Enfin, comment aurait-il pu savoir que l’inconnu voulait lui rôtir les fesses ? De toute manière, c’était comme si l’univers entier lui en voulait. Pour preuve, alors qu’il était à deux doigts de réaliser son petit numéro sur Horus, un lâche concurrent avait osé l’attaqué par derrière ! Sans doute un jaloux. Quand il s’était réveillé, le jeune garçon s’était retrouvé tout seul au milieu des gravats, à deux doigts de se faire becter par un Tyrafailinisaure déchaîné. Heureusement, le monstre n’était pas inconscient. Il savait que, pour sa ligne, il était préférable de ne pas trop manger entre les repas. Le jeune blond avait beau être apetissant, il était préférable de le garder pour le souper.
Forcément, l’adolescent l’avait plutôt mal pris. C’était qu’il était persuadé d’avoir très bon goût, et il ne comprenait pas du tout pourquoi on refusait de le manger tout de suite. C’était vexant, peut-être tout autant que de réaliser que l’Aar’on n’avait même pas attendu son passage pour filer mener une guerre contre le système Soldane. En réaction, le petit blond décida de se lancer dans les deux activités qu’il maitrisait le mieux au monde : bouder et faire du tourisme. Ces passions étant parfaitement conciliables, il se rua vers la navette la plus proche et prit immédiatement un billet pour Solzabul. Certes, le système conquit par la Fédération sous le huitième Aar’on était passé aux mains des Ashtars sous le neuvième, mais la lune sacrée Tapu orbitant autour de la planète Marama était toujours considérée comme une des sept merveilles de l’univers, à absolument voir avant de se reproduire. Même si le jeune Humain ne se sentait pas concerné par ce dernier point, il voulait quand même prendre des photos. Dès son arrivée, pour se fondre dans la masse des différentes tribus Maors, il jeta ses habits dans un trou et se peignit des motifs guerriers locaux sur le corps. Puis il s’assit dans le désert en attendant que tombe la nuit et apparaisse la lune.
Il ne la vit malheureusement jamais. L’hiver était arrivé il y a peu sur cette partie de Marama, la seule qui connaissait parfois la neige. Grelotant de froid, l’adolescent se décida de faire un petit jogging pour se réchauffer. Ce fut à cet instant-là précisément qu’il commit son pire impair : demander à un Ashtar en garnison où il pouvait trouver un café servant de la tisane au Nutella. Manque de chance total : le monstre lisait le Matin de Vojolakta. Un témoignage d’un de ses pairs agressé sur la planète lointaine de Critias l’avait mis en garde contre tout ce qui était un peu trop blond. Pensant à tort que l’Humain voulait coucher avec lui, le monstre sonna l’alerte et se lança avec une centaine de ses congénères à sa poursuite, histoire que tout le monde puisse en profiter ! Prenant ses jambes à son cou, le jeune garçon piqua le plus merveilleux sprint de sa vie. Avoir une aventure avec un Ashtar, pourquoi pas, il était curieux. Mais se taper toute la tribu, ça non ! Il n’était pas suicidaire. Enjambant des gouffres à toutes vitesses et slalomant entre les arbres, il s’amusa de voir ses poursuivants s’arrêter au loin et abandonner la course ! Il était trop fort ! Et peut-être un peu trop distrait aussi. S’il avait regardé devant lui, peut-être aurait-il vu la véritable raison qui avait poussé les Ashtars à rester en retrait.
En même temps, à sa décharge, la probabilité de tomber sur le dernier Kongélateur vivant sur Marama était plutôt faible. Réputée disparue et légendaire, cette espèce avait une façon très particulière de se nourrir : immobile, elle attendait qu’une proie passe à côté de sa bouche pour l’avaler toute entière. S’en suivait une très longue digestion pouvant durer des dizaines et dizaines d’années, voire des siècles, pendant laquelle la victime n’était pas dissoute, mais simplement congelée. Possédant un organisme à sang très froid, les Kongélateurs ne s’intéressaient en effet qu’à la chaleur de leurs victimes. Et à la toute fin, ils chiaient des glaçons.
Au loin, observant avec dépit la disparition dans le ventre du glouton du garçon qu’il avait reconnu comme le Kili’an du dixième Aar’on, un étrange Chérub ailé se plaqua de manière désespérée la main sur le visage avant, d’un haussement d’épaule, de s’envoler à dos de Galos vers de nouvelles aventures.
Fin
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cequilaimait · 7 years
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Akémi - 3. L’équipe des chercheurs d’or
« Crois-moi, Akito-kun, je suis sûr que le trésor est caché dans un château. C’est marqué noir sur blanc, « sur l’île des châteaux de pierre ». En plus, le mon doré doit sans doute faire référence à l’emblème des Tokugawas. Ça colle parfaitement ! La triple rose trémière est inscrite dans un cercle, et ce sont les Tokugawas qui ont soumis Edo. « Soumise et rattachée à Edo », c’est clairement une référence à eux ! Donc il ne reste plus qu’à trouver le château, et ça sera dans la poche ! »
La tête plongée entre ses paumes, Akito soupira lourdement. Akémi était bien gentil, mais il était un peu chiant sur les bords avec son stupide poème ! Depuis la fin des vacances d’été, il n’avait que le texte d’Aaron à la bouche, le récitant à tue-tête jusqu’à l’overdose. Même là, alors que l’automne et ses feuilles jaunes et rouges avaient laissé leur place à quelques flocons de neige, et alors que tous les couples se préparaient à fêter Noël en amoureux, il radotait comme un perroquet. Des mois que cela durait ! Mais malgré ses certitudes, il n’avait pas avancé d’un pouce.
Akito ne voulait pas en parler. Tout ce qui faisait référence à Aaron lui provoquait des frissons d’angoisse. Et puis, Akémi ne choisissait jamais le bon moment. Par exemple, le cours de Physique de Madame Legrand, professeure principale de leur troisième et expatriée depuis son coup de foudre pour un Japonais de dix ans son cadet, c’était clairement être à contre-temps. Surtout quand l’enseignante souffrait d’une migraine et exigeait du calme de la part de ses jeunes apprenants s’ils en voulaient pas se retrouver avec une interrogation écrite surprise sur le dos.
« Akémi, Akito, vous viendrez me voir à la fin du cours. J’en ai assez de vos bavardages incessants ! Et toi aussi, Ydaï. À force de te pencher sur ta chaise pour écouter tes petits camarades, tu vas finir par te casser la figure ! Collés tous les trois ! »
Aux rires nourris de la classe, Akito répondit par un grincement de dents. Et voilà, grâce à ce couillon d’Aké-chan, il était bon pour une retenue ! Protester en public ne servait à rien, en plus. Madame Legrand était plutôt du genre psychorigide. Lui faire remarquer qu’elle était injuste ne pouvait que la rendre encore plus sévère. Forcément, le malheur des uns faisant le bonheur des autres, un élève ne put s’empêcher de se gausser. Jean. Il n’était même pas loin de jubiler. Et pour cause, Madame Legrand avait l’habitude d’imposer ses heures de colle sur les horaires réservés aux activités sportives.
Entre Jean et Akito, la rivalité dépassait très clairement le cadre du base-ball. En compétition pour le poste de lanceur titulaire et de capitaine dans leur club, ils se faisaient la guerre aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du terrain. Cette année était leur dernière du collège. Ils voulaient briller. Tous deux n’avaient qu’un seul objectif : le tournoi d’été.
Alors forcément, quand un adversaire de taille se retrouvait privé d’entrainement, l’occasion pour l’autre de s’affirmer et de lui chopper la place était trop belle. Le coach avait été clair : au bout de trois absences hors maladie, les sanctions tomberaient et les fautifs verraient leur position dans l’équipe remise en cause. Avec la punition de Madame Legrand, Akito en était à sa deuxième faute. La première, cela avait été quand Elsa l’avait plaqué. Parce qu’elle avait succombé aux charmes de son rival. Jean. Ce jour-là, Akito avait sécher l’entrainement pour pleurer seul sur le toit du collège.
Après qu’Akémi eut rompu l’année dernière, le jeune vietnamo-japonais avait fréquenté et charmé l’adolescent jusqu’à lui demander de sortir avec lui à la fin de l’été. L’idylle avait duré plusieurs semaines. De l’avis des autres élèves, ce couple était plutôt mignon. Mais il n’était malheureusement qu’un couple de cours de récréation. À quatorze ans, les sentiments sont volages. Les garçons cherchent les meilleures filles pour assurer devant leurs potes, les filles cherchent les meilleurs garçons pour rendre jalouse leurs copines. Un simple brin d’herbe peut tout faire voler en éclat.
Jean n’était même pas amoureux d’elle. S’il l’avait draguée et s’il avait réussi à la pousser à le choisir, c’était uniquement pour causer du tort à un adversaire qu’il ne pouvait même pas voir en peinture. Cela avait parfaitement fonctionné. Akito avait vu sa fierté mouchée et avait mis un certain temps à s’en remettre. Le plus blessant, peut-être, avait été de constater qu’un seul de ses camarades avait essayé de le réconforter. Le pire de tous dans une telle situation, Akémi. Akito n’avait pas du tout compris pourquoi le frêle adolescent à la douceur exacerbée avait fait le choix de sécher l’entrainement pour le rejoindre sur le toit du collège. Cela lui avait peut-être fait plus de mal que de bien. En tous cas, il l’avait très copieusement engueulé et lui avait intimé de garder ses distances. Ils n’étaient pas amis et ne l’avaient jamais été, tout juste pouvaient-ils se considérer comme des partenaires avec le même objectif sportif.
Malheureusement pour le lanceur, son receveur ne partageait pas vraiment cette opinion. Akémi était du genre « câlin ». Il avait besoin de quelqu’un à coller, quelqu’un avec une forte personnalité qui pouvait le protéger des « méchants ». Depuis qu’Aaron était rentré en France, il avait un vide à combler. Quoi de mieux qu’une terreur repentie pour jouer ce rôle ? Cette attitude était la deuxième chose qu’Akito détestait le plus chez son camarade, après son sourire craquant. Il ne supportait pas cette impression de n’être qu’un simple palliatif. D’où la distance qu’il cherchait toujours à mettre entre eux. Distance dont Akémi, obsédé par le poème du brunet, n’avait rien à faire. D’où les discussions en cours de physique. D’où l’engueulade de Madame Legrand.
« J’en ai vraiment assez de vos bavardages ! La prochaine fois, je vous fais changer de place ! »
« Faites, faites ! », supplia presque Akito avant de soupirer à nouveau en levant les yeux au ciel devant l’air triste d’Akémi.
Le pauvre garçon, rouge de honte, serrait des poings en baissant la tête. Sa gorge était prise d’un hoquet et ses yeux de quelques larmes. On aurait presque dit un ourson en sucre en train de fondre. Son air triste et culpabilisateur était surtout sa meilleure arme pour faire craquer ses professeurs. Prise au dépourvu, Madame Legrand se passa la main dans ses cheveux grisonnant et renvoya les élèves à leurs occupations.
« Bon, passons pour le changement de plan de classe, mais vous resterez tous les trois en retenus jeudi pendant deux heures ! »
Tous les trois… Il y avait bien un autre puni dans le lot. Ydaï… De son vrai nom, Yves-Daisuke. Akito l’avait presque oublié, celui-là. Quelle idée il avait eu, aussi, de faire le zouave sur sa chaise ! Ce camarade avait tout de la bonne poire. Japonais pur souche, il avait eu la « chance » de naitre dans une famille de fêlés. Sa mère, fanatique jusquauboutiste de la France, était une grande admiratrice d’un certain Yves Duteil, chanteur et acteur Français, ainsi que de Daisuke Asakura, compositeur et pianiste Japonais célèbre pour son style inimitable. D’où ce prénom composé aussi étrange qu’improbable qu’elle avait attribué à la chair de sa chair. Tous ses camarades et même ses professeurs avaient préféré le diminutif Ydaï, bien plus court à prononcer et moins grotesque. L’adolescent était un ovni aux cheveux noirs hirsutes et à l’air toujours plus rêveur. Souvent seul dans son monde, il n’avait pas beaucoup d’amis dans sa classe. Personne ne l’appréciait vraiment, mais nul ne le détestait pour autant. Il était juste placé de fait dans la catégorie « bizarre », du genre à venir cosplayé en geisha en cours, à lire des mangas cochons devant tout le monde, à dépenser tout son argent de poche en jeux vidéo et à se passionner pour des thématiques aussi étranges que le théâtre kabuki ou la pratique du shamisen, instrument à corde traditionnel nippon. De par sa personnalité haute en couleur, Ydaï faisait la fierté de sa mère, ce qui le réjouissait. Pour tout son entourage, c’était une preuve de plus qu’il était complétement taré. Au collège, seul Akémi ne le jugeait pas trop. Lui aussi, à sa manière, était désigné comme une sorte d’extra-terrestre par les autres. Du coup, même s’ils ne venaient pas de la même « planète », il ne pouvait que le respecter. Cela énervait passablement Akito, qui avait bien du mal à supporter l’hurluberlu de service. Déjà que se retrouver coller à cause d’Akémi l’insupportait, alors devoir en plus partager cette punition avec Ydaï, c’était plus qu’il n’en fallait pour provoquer sa grogne.
Le jeudi, donc, les trois élèves se retrouvèrent ensemble consignés dans une salle de classe, au plus grand désarroi d’Akito. Non seulement, Akémi remit le couvert avec son foutu poème d’Aaron, mais en plus, Ydaï y alla de ses petits commentaires personnels. Après tout, s’il s’était fait lui aussi chopper par Legrand, c’était bien parce qu’il avait eu l’oreille un peu trop baladeuse. Cette histoire d’énigme poétique avait très clairement cueilli son intérêt.
« Par rapport à ce que vous vous disiez, la dernière fois, il n’est pas noir, le mon des Tokugawas ? Le doré, ça ne serait pas plutôt le chrysanthème impérial ? »
Ravis d’avoir trouvé un compagnon de discussion qui s’intéressait à sa quête, Akémi afficha sur son visage un large et sincère sourire. Ses yeux s’illuminèrent d’une lueur éclatante qui mit mal à l’aise Akito et qui le poussa, à contrecœur, de se rapprocher de ses camarades pour suivre la conversation.
« Je ne pense pas… », répondit le franco-japonais d’un air enjoué. « Pour moi, Edo, ça fait référence à l’ère Edo, donc au shogunat. L’empereur, c’était du folklore à l’époque. Et le mon des Tokugawa est très souvent représenté en doré. Suffit de trouver un endroit où il est de cette manière et ça sera gagné ! »
« Ouais, pas bête… », poursuivit Ydaï en se frottant le menton. « Du coup, si on parle d’un château de pierre, c’est peut-être le château d’Osaka… Il est blanc et son toit est vert, comme une émeraude ! »
« Ridicule ! », coupa Akito en se balançant sur sa chaise, son téléphone entre les mains. « Le château d’Osaka est le siège de la famille Toyotomi, les ennemis des Tokugawa ! Ça n’a strictement aucun sens. »
« Ouais, mais là, on parle justement d’un château soumis à Edo ! », s’enflamma son camarade aux cheveux en pétard. « Donc justement, ça colle ! Et en plus, le fils d’Ieyasu Tokugawa, Hidetada, le deuxième shogun du clan a reconstruit le château, et ce sont encore ces fondations en pierre qui existent aujourd’hui ! »
Devant un tel argumentaire, Akito grogna. Forcément, si Ydaï était aussi passionné par l’histoire du Japon qu’il ne l’était du théâtre traditionnel, le débat était foutu d’avance. Cela ne l’empêcha pas de mettre Akémi en garde :
« En attendant, ça ne résout pas ton énigme à la con. Si j’en crois le poème de cet imbécile d’Aaron qui, entre nous, aurait pu te filler directement les coordonnés GPS de son truc, on se serait bien moins fait chier, il faut y aller au printemps regarder les fleurs de cerisier et revenir en été. Ce qui ne veut rien dire du tout ! Et encore, là, c’est la partie la plus claire de son texte ! Moi, j’te dis, laisse-tomber. C’est un con qui se fout de ta gueule depuis le début. On va pas fuguer à Osaka pour chercher un logo et des pierres précieuses ! »
Se mordillant le bout du pouce pour ne pas rire, Akémi dévisagea de joie son camarade. Il avait dit « on ». Donc il se sentait impliqué. Akito se sentait impliqué dans sa quête, c’était déjà une victoire.
« Arrête de râler Aki, et aide-nous à piger le truc… Je suis sûr que tous les trois, on pourrait faire une super équipe de chercheur d’or… »
Grinçant des dents, Akito se replongea sur son téléphone pour surfer sur le web, écouteur sur les oreilles. Lui, faire équipe avec les deux mecs les plus tordus du collège ? Et puis quoi, encore ! Déjà qu’il était collé par leur faute… Non, il n’avait aucune envie de participer à cette aventure. Il ne voulait même pas les écouter parler ! Cela ne l’empêcha pas, cependant, de les entendre. Après tout, il était dans la même pièce qu’eux, et aucune musique ne lui faisait envie. Pendant plus d’une heure, Akémi et Ydaï échangèrent des théories loufoques et improbables sur le poème d’Aaron, sans vraiment avancer. À la fin de la punition, ils convinrent de continuer ensemble leur réflexion. Le plus fou des deux avait une bonne idée :
« Jeudi prochain, on se rend au CDI et on fouille tous les bouquins sur le château d’Osaka ! »
La proposition était alléchante. Mais il y avait un mais. Akémi avait un entrainement de base-ball à ne surtout pas louper. C’était sa place de receveur dans l’équipe qui était en jeu s’il en manquait encore un. Ydaï le rassura et lui promit que tout se passerait bien : le CDI fermait à cinq heures et il n’était attendu sur le terrain qu’à cinq heures trente. Cela lui laissait tout juste le temps de se pointer, s’il courrait assez vite.
Ainsi, la semaine suivante, les deux compères passèrent toute une partie de l’après-midi à fouiller ensemble dans des manuels et des livres d’images à la recherche de trace du mon des Tokugawa dans le château d’Osaka. Isolés derrière un mur et complétement absorbés par leur investigation, ils ne virent pas les autres élèves s’en aller un à un, ni même la responsable du CDI, en retard pour en rendez-vous médical, quitter précipitamment les lieux en verrouillant la porte derrière elle. D’ordinaire, elle vérifiait toujours que la salle était vide. D’habitude, elle ne devait pas se rendre de toute urgence chez son dentiste pour soigner une couronne qui se faisait la malle. Quand Akémi vérifia l’heure sur son téléphone, il était déjà dix-sept heures dix. Quand il essaya de sortir en toute hâte, la serrure resta tristement bloquée.
« Merde… »
Complétement pris au dépourvu, l’adolescent essaya de contacter au plus vite amis, famille et accueil du lycée. Peine perdue. Pour s’assurer qu’aucune sonnerie ne vienne perturber le travail dans la bibliothèque, l’administration avait eu la judicieuse idée d’installer un brouilleur, comme ceux qu’on trouve parfois dans certaines salles de cinéma. Akémi et Ydaï étaient bel et bien enfermés. Et nul ne semblait en mesure de venir les libérer de leur prison scolaire.
« Merde, merde, merde ! Kuso ! J’vais rater l’entrainement… Fait chier ! »
Devant l’air de nervosité absolu de son camarade de classe, Ydaï lui posa la main sur l’épaule. Il n’y avait rien de dramatique. Au pire, il suffisait d’attendre la nuit, et il avait du soda au melon dans son sac pour tenir. Face à cet argumentaire, Akémi laissa éclater sa frustration. Il n’était pas loin de pleurer. Seule la colère qui avait fait se teinter ses joues de rouge bloquait ses larmes à la surface de ses yeux. Après avoir tambouriné des poings plusieurs secondes, il les écrasa ainsi que son front sur la porte.
« URUSAI ! Ferme-là ! Putain, nan… »
Estomaqué, Ydaï resta pantois un long moment. Akémi était tellement connu pour sa douceur qu’il était presque choquant de le voir s’énerver de la sorte. C’était comme si la peluche de la classe avait été remplacée en secret par une boule de nerfs. Une telle réaction nécessitait des explications. Le jeune adolescent accepta d’en donner quelques-unes après s’être complétement affaissé le dos contre un mur. Ses mains le brulaient jusqu’au bout des doigts, sa gorge le piquait et sa poitrine lui faisait mal. Son désarroi avait fini par irriter son visage.
« Akito-kun comptait sur moi… Si je me fais virer de l’équipe, il ne pourra plus me lancer des balles. Il va me détester… »
Pendant une demi-heure, laissant leurs recherches de côté, les deux prisonniers discutèrent. Là où Ydaï expliqua rapidement pourquoi il s’en fichait qu’on le prenne pour plus cinglé qu’il ne l’était car cela l’amusait, Akémi parla bien plus. Après avoir récité une nouvelle fois le poème d’Aaron à voix basse, il révéla à son camarade toute l’histoire. Comment il était tombé amoureux du brun entre la sixième et la cinquième. Comment son départ lui avait fait plus mal encore qu’un coup de pied dans les précieuses. Comment Akito, qui était méchant avec lui au tout début, était devenu au fil du temps plus gentil, même s’il continuait à grogner tout le temps. Comme leur relation particulièrement ambiguë pour l’un comme pour l’autre lui était importante. Comment il lui faisait peur, aussi, quand il se mettait en colère, et comment il allait être furieux contre lui. C’était obligé, Akémi le savait. Il était bon pour une soufflante des plus violentes. Au moment-même où il le murmura, la porte s’ouvrit comme par magie. Il était dix-huit heures quinze. Derrière elle, le concierge du collège rigola et tapa de la main sur l’épaule d’un jeune adolescent qui l’accompagnait. Ce dernier soupira lourdement et lâcha un râle s’échapper de sa gorge. Il avait entendu la toute fin de la discussion. S’accroupissant devant Akémi, il lui passa tendrement la main dans les cheveux et lui caressa le front. Enfin, alors que le Franco-japonais écarquillait les yeux en baragouinant un charabia incompréhensible, il éleva la voix :
« BAKA ! Comme si j’allais t’engueuler ! Enfin… Oui, j’vais t’engueuler, tu le mérites, mais ça va, j’vais pas te bouffer ! Tu m’as fait peur, couillon ! Quand j’ai vu que tu n’étais pas à l’entrainement, j’ai eu envie de te tuer ! Alors je t’ai appelé, mais ton téléphone ne répondait pas. Heureusement que je savais que tu avais prévu de venir ici, j’ai tout de suite pigé que t’avais dû te retrouver enfermé par accident ! Mais franchement, Aké-chan, faudrait que t’arrête d’être bête un jour, ça finira par te causer du tort ! Heureusement que Monsieur Nikata est sympa et m’a cru, sinon, t’étais bon pour passer la nuit ici, et là, tu te serais vraiment fait engueuler, mais par le directeur, pas par moi ! Ah, et toi aussi, Ydaï… Mais je ne suis même pas sûr qu’on puisse t’en vouloir, toi. Bon, on y va Aké ? J’te paye un Ramen sur la route si tu veux… »
Complétement sous le choc de ce sauvetage imprévu, Akémi hocha doucement la tête. Il tremblait comme un agneau apprenant à peine à marcher. Même en y réfléchissant, il n’arrivait pas à y croire. Après avoir salué Ydaï qui se confondit en excuse en se frottant l’arrière du crâne, le petit adolescent attrapa Akito par le bras et ne le lâcha pas jusqu’à l’échoppe la plus proche. Là, devant son camarade qui le regardait en soupirant, le coude sur la table et son menton posé sur sa paume, il commanda un plat de nouilles avec du bœuf et de l’œuf, qu’il dévora en un instant, comme si rien d’autre n’avait d’importance. La chaleur du bouillon irrita les yeux d’Akémi. En tout cas, ce fut de cette manière qu’il expliqua pourquoi ils étaient aussi humides. Il avait honte. Il y avait une chose qu’il n’arrivait pas à comprendre. Après avoir descendu cul-sec un verre d’eau glacée, il murmura enfin la question qui lui brulait les lèvres.
« Du coup… Pour venir me chercher, t’as aussi séché l’entrainement ? Ça fait trois fois ? On va se faire virer tu crois ? »
Passablement agacé, Akito ferma les yeux, souffla par le nez et crispa la mâchoire. En effet, certaines choses s’étaient plutôt mal passées, même si la situation n’était pas à ce point désespérée.
« Ça va, le coach n’est pas con à ce point, il sait qu’on peut être utile à l’équipe, surtout qu’on forme un bon duo. Par contre, faudra pas espérer jouer les trois prochains matchs, ça, il me l’a très clairement fait comprendre. Quand je lui ai dit que je m’en foutais, que j’allais te chercher, il s’est énervé et m’a dit que si je faisais ça, il confierait le capitanat à Jean à la place de moi. L’abruti ! J’lui ai répondu qu’un bon capitaine ne laisserait jamais les membres de son équipe dans la merde et je me suis cassé. Il peut se le mettre où je pense, son capitanat ! »
Le visage crispé par la culpabilité, Akémi replongea dans sa soupe de nouilles. Il s’en voulait. Bêtement, il chercha à se justifier en évoquant une nouvelle fois Aaron et la mission que ce dernier lui avait confiée, comme quoi il se devait de trouver ce trésor pour se libérer une bonne fois pour toute de ses sentiments et que cela comptait plus que tout pour lui. Furieux, Akito tapa du poing sur la table. Rien ne pouvait l’énerver plus que ce genre d’excuses. Sans même s’en rendre compte, il laissa exploser sa frustration et lâcha même quelques vérités qu’il n’avait jamais dites auparavant.
« Mais tu me fais chier avec ton Aaron ! Il est où ton Aaron, là ? Franchement ? Parce que moi, j’le vois pas ! Il s’est cassé. S’il t’aimait, il ne t’aurait jamais abandonné ! Alors que moi… Moi, j’suis toujours là pour ta gueule ! Alors arrête de me casser les couilles avec lui et fini tes ramens. »
Autant sa voix tremblotante que son mouvement du bras sur ses yeux indiquaient sa sincérité. Une sincérité qui laissa Akémi immobile la bouche béate. Le petit franco-japonais en laissa même tomber ses baguettes sur le comptoir. Jusqu’à présent, il avait toujours cru qu’Akito détestait Aaron car ils étaient trop différents. Là, même si ni l’un ni l’autre ne voulurent le dire et l’admettre de cette manière, il découvrait que son camarade était tout bonnement jaloux. C’était, de loin, la plus mémorable gifle qu’il s’était prise depuis des années, mais elle n’était pas désagréable. Admirer cette tête qui bouillait de rage et de frustration toucha Akémi au point qu’il laissa son plus beau, naturel et naïf sourire envahir ses lèvres. Puis avec douceur, il s’en servit pour effleurer la joue de son camarade. Surpris, Akito, grimaça, se recula de quelques centimètres et laissa son sang colorer son épiderme. D’un geste ferme de la main, il repoussa Akémi, puis détourna le regard vers le fond de l’échoppe. Un simple petit mot murmuré s’échappa de sa gorge :
« Okama… »
Plongeant ses yeux dans son bol, l’adolescent aux yeux de chat en amande répondit simplement « Wakatteru… » puis, le visage toujours souriant, termina silencieusement sa pitance.
Sur le chemin, du retour, les deux collégiens parlèrent surtout de séries animées et de jeux vidéo. Tout juste, au moment de se dire au revoir après avoir déjà tourné le dos à son camarade et juste avant de franchir le porche de son immeuble, Akémi déclama une nouvelle fois un passage du poème d’Aaron :
« Un simple râle te guidera… »
Le ciel était couvert. La lune paraissait à peine visible entre les buildings. Le sol était recouvert d’une sorte de neige boueuse marronâtre. Un léger courant d’air se glissa dans le cou d’Akito et le fit frissonner.
« Pourquoi tu me dis ça, encore ? »
Se retournant une dernière fois, Akémi se passa la langue sur la lèvre. Son visage était à la fois calme et radieux, comme s’il avait compris quelque chose. De sa voix claire et encore un peu enfantine, il révéla ce qu’il avait en tête :
« Vu que depuis qu’on se connait, t’as jamais cessé de râler, j’me demande si Aaron ne parlait pas de toi… Comme s’il voulait que ça soit toi qui me guide… Non, oublie, c’est complétement stupide en fait ! Merci Aki, à demain… »
Les pieds et les mains gelés, l’adolescent resta plusieurs minutes seuls dans la rue et le froid, la bouche entrouverte. Connaissant Aaron, il avait la certitude que ce passage n’était pas une référence à sa personne. C’était forcément beaucoup plus terre à terre, et c’était sans doute bien pour cela que personne dans leur groupe haut perché n’arrivait à comprendre. Ce qui l’avait laissé complétement muet, c’était tout simplement Akémi, sa candeur, et la manière dont, gêné, il s’était précipité dans l’entrée de son immeuble et avait disparu. Une dernière fois, Akito murmura…
« Baka… »
Le lendemain, en cours de Physique, Madame Legrand annonça une excellente nouvelle à ses élèves. Le collège avait débloqué des fonds pour une visite extra-scolaire de plusieurs jours pendant la Golden week pour que les jeunes puissent visiter un peu le Japon, et ce en limitant les frais pour les familles. Naturellement, elle pensait amener sa classe en priorité à Kyoto et à Nara, mais elle cherchait une dernière ville dans la région du Kansaï à visiter avant de rentrer à Tokyo. Une main, dans l’assistance se leva.
« Oui, Akito ? Une suggestion ? »
Se raclant la gorge, l’adolescent toussota quelques instants avant de prendre la parole d’un air assuré.
« On pourrait aller à Osaka, non ? C’est pas loin de Kyoto, et il y a des Shinkansens en pagaille, donc ça serait pratique pour rentrer. C’est quand même la ville rivale de Tokyo et celle avec le château le plus célèbre de tout le Japon… »
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