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#françois anngelier
uncountry · 3 months
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En cette période de carême, temps où l'exigence du jeûne et de l'aumône le dispute à la fougue sacrée des conférenciers enseignant depuis l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, le prochain, Emmanuel Godo, montera en chair d'ailleurs dimanche 18 mars pour évoquer Léon Bloy.
Alors que s'ouvre aux Archives nationales une exposition sur le sacrilège, sans doute n'est-il pas inutile de se souvenir de l'instructive et fracassante figure de Serge Berna, à qui les éditions du Sandre viennent de consacrer un remarquable album illustré.
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Poète et voyou, il est condamné à six mois de prison en 1949 pour vol de livre, peine qu'il n'effectuera qu'en 1952.
Né à Venise en 1924 et disparu corps et bien à sa sortie de la prison des Baumettes à Marseille en novembre 1960, Berna est resté célèbre pour un certain nombre de hauts faits d'armes qu'il nous faut rappeler.
Fondateur du Club des ratés en 1950, club dont le grand meeting rassembla à la salle des sociétés savantes la fine fleur des incapables et des oisifs. Ami de Guy Debord avec qui il fonde l'Internationale lettriste, crée la revue Ion, un seul numéro, et travaille à son film Hurlements en faveur de Sade. Celui qui se définissait comme un travailleur de force dans le néant, ou encore tel un soldat de fortune du scandale, est resté surtout fameux pour ce que l'on a appelé, et appelle toujours, le "Scandale de Notre-Dame".
À l'origine du "Scandale de Notre-Dame"
Le dimanche 9 avril 1950, alors que la grand-messe de Pâques était en train d'être dite à Notre-Dame de Paris, Serge Berna, flanqué de quelques camarades de lutte, fait monter en chaire l'un d'entre eux, Michel Mourre qui, revêtu de l'habit dominicain, se livre alors à la profération publique d'un discours inouï où le nietzschéisme le plus radical le dispute à l'athéisme le plus intempérant.
Extrait : "Aujourd'hui, jour de Pâques de l'année sainte, ici, dans l'insigne basilique Notre-Dame de Paris, j'accuse l'Église catholique universelle du détournement de nos forces vives en faveur d'un ciel vide. J'accuse l'Église catholique d'infecter le monde de sa morale mortuaire d'être le chancre de l'Occident décomposé. En vérité, je vous le dis, Dieu est mort."
Écrit sur une table de bistrot de Saint-Germain-des-Prés, ce discours déclenche la panique que l'on imagine. Mourre manque d'être lynché par les paroissiens avant d'être exfiltré par la police. Il sera condamné à six jours de prison et 2000 francs d'amende. Le scandale fut de portée internationale.
Serge Berna, sauveur d'un manuscrit d'Artaud
Autre événement important dans la vie et l'œuvre de Serge Berna, le sauvetage — hors la poubelle où il avait été jeté — et l'édition, en 1953, d'un manuscrit important d'Antonin Arthaud : Vie et mort de Satan le feu. Texte important dont la préface de Berna éclaire sans doute au mieux le scandale de Notre-Dame.
Je cite : "Quant à Dieu, nom donné un système de vie et de connaissance de la vie, il s'est éboulé en un simulacre incapable de remplir la fonction à lui dévolue : faire circuler dans les organismes et non seulement dans le concept cet ébranlement à partir d'un centre qui pénètrerait aussi bien la pensée que l'action."
Mort de Dieu ou invention d'une nouvelle forme de sacré au travers du corps et du langage, telle fut sans doute la mission que s'était donnée Serge Berna.
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