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#pureté & mélancolie
oviri7 · 4 months
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« Il est difficile de trouver un exemple de ravage intérieur plus profond que celui de la conscience mélancolique pour laquelle le devoir devient un joug ; la volonté de pureté et d'accomplissement prend une forme impossible, sans rapport avec les forces et les conditions réelles. Elle voit la faute, où, pour tout autre, il n'y en a évidemment aucune, une responsabilité où font défaut toutes les conditions qui la déterminent. Elle applique des normes morales là où la nature est seule en jeu. Le danger qui peut naître des valeurs religieuses va peut-être plus loin encore. Le don de soi au sacré, le désir d'accueillir le divin dans sa propre vie, l'effort pour réaliser le Royaume de Dieu - rien que des tendances dont on pourrait pourtant croire qu'elles devraient uniquement libérer, dilater, élever - tout cela peut, chez le mélancolique, conduire à tous les modes d'angoisse et de désespoir, jusqu'aux formes ultimes du fanatisme ou de l'illusion que l'on est damné, ou de la révolte contre le sacré. »
Romano Guardini - De la mélancolie
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havaforever · 9 months
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PAST LIVES - Il y a des œuvres dont on sait qu’elles vont nous plaire dès les premiers instants. Past lives, nos vies d’avant est clairement de cette catégorie. Mieux, elle nous cueille dès le départ pour ne plus jamais nous lâcher. Et il faut souligner que c’est un premier film, ce qui rend cet essai poétique et parfaitement maîtrisé encore plus louable, et plus touchant.
La réalisatrice et scénariste Céline Song a bien sûr mis beaucoup de son expérience dans cette histoire presque autobiographique, ce qui est souvent l’apanage des premières œuvres. Cette immigrée nord-américaine (ou émigrée sud-coréenne selon d’où on se situe) a donc réalisé un film qui lui ressemble. Elle y fait un parallèle fort avec sa propre histoire, nous la fait presque partager, et nous gratifie d’une passionnante et sublime histoire d’amour pas comme les autres. Elle se caractérise par un amour d’enfance qui se transforme en une sorte de relation manquée qui s’étire sur près de trois décennies. Et que c’est beau, que c’est juste, sensible et intelligent, tout en nuances et en délicatesse.
On sort du film plein de baume au cœur. On n’a pas vu le temps passer (hormis quelques minuscules petites longueurs au milieu du film) et on a assisté à quelque chose de presque magique. Quelque chose qui nous fait encore croire à l’amour sous toutes ses formes même quand il n’est pas consommé.
Le titre fait référence à une sorte de légende bouddhiste prônant les âmes liées à travers la réincarnation mais n’a pour autant rien de surnaturel, de spirituel ou de métaphysique. Ce qui est impressionnant, c'est que cette histoire nous fait rêver, mais justement parce qu'il n’y a pas plus terre à terre. C’est juste l’hypothèse invoquée par les personnages, comme une sorte d’espoir ou la promesse de se retrouver dans une autre vie qui suffit à faire décoller le récit, à sublimer la relation inaboutie.
Song déjoue tous les clichés propres aux films sentimentaux en choisissant le réalisme et la justesse de ton et de point de vue. C’est doux comme une caresse, tendre comme une étreinte et souvent beau à se damner. Elle parvient même à rendre les échanges virtuels de la seconde partie intéressants et cinégéniques. Le trio de de comédiens qui incarne ce film sublime est dans la même harmonie. Sans leur précision de jeu, le long-métrage n’aurait pas le même impact...
Mais au-delà de la puissance des sentiments qu’elle convoque, à travers de simples discussions et la dissection d’un amour qui ne dit pas son nom et ne se réalisera pas, Song nous met une claque de mise en scène encore plus impressionnante puisqu’il s’agit d’un coup d’essai. Sans jamais être prétentieuse ou ostentatoire, sa réalisation est dans la même lignée que le fond de son film : belle, pudique, sobre tout en étant parfois majestueuse.
Un plan sur une flaque de pluie à la magie éthérée, un autre d’une pureté aseptisée où on voit le personnage principal assoupi tandis qu’en second plan flouté arrive un homme qui deviendra son mari ou encore celui qui voit deux enfants prendre deux ruelles différentes, symbole d’une séparation qui les marquera à vie. Même sa façon de filmer New York est pleine de goût.
La séquence initiale est aussi fûtée et originale que le film est bon. On y voit nos trois personnages principaux dans un bar tandis que la discussion de deux personnes qu’on ne verra pas tente de savoir quelles sont leurs liens, ce qui amorce un petit suspense en plus bien vu en plus d’être une idée judicieuse.
Et, enfin, cette fin déchirante de simplicité, bouleversante de tristesse et flirtant avec la nostalgie et la mélancolie des plus grands films romantiques achève de nous convaincre. «
NOTE 16/20 - Past lives, nos vies d’avant est un grand film d’amour du même niveau que N’oublie jamais ou In the Mood for love. Un moment privilégié, où quelque chose de fort et de profondément sensible parvient à se dire et à se faire entendre en chacun de nous.
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nuit-pourpre · 3 years
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Lune & l’Autre [Nouvelle]
L’écran de fumée retombe. L’amertume sèche fait tousser la gorge de Lune. Elle franchit la barrière qui sépare le boulevard de l’ancienne voie ferrée. Son souffle est court. Toutes les rues du côté du fleuve sont quadrillées. Il ne reste que la zone industrielle désaffectée.
Résidus d’éjaculat de fond de chiotte… 
Elle crache un filet de bave empoisonné par les gaz. Ses yeux sont noyés, mais elle s’oriente au bruit. Ou plutôt au silence.
Les vagues bruissements des ronces et des feuilles l’attirent comme un maquis providentiel où elle se cache. Elle déambule, parmi les stries métalliques de la vieille gare de triage. Le ciel a toujours sa couleur verte.
L’émeute a commencé tôt, ce matin. Fut un temps où on appelait encore ça une manif. Fut un temps aussi où des gens, des vrais gens de la vraie vie, parlaient encore de “forces de l’ordre”.
À s’en souvenir, elle se sent absurdement vieille d’avoir connu ce temps-là. C’était il y a moins d’un an.
Un coup de feu éclate. Pas comme les autres. Un vrai. D’une arme de poing. Elle jette un œil sur le terrain vague où certain·es se sont dispersæs et y surprend un corps, au milieu de l’espace vide, et les essaims en bleu foncé qui avancent avec confiance. Sa gorge se noue. Elle fuit par le tunnel.
Et le ciel a toujours sa couleur verte. Personne n’a vraiment cherché après ce phénomène, dans le squat. La matinée était chargée. Il y avait autre chose à faire.
Une pluie tombe et les cheveux de Lune se chargent de lourdes gouttes qui évoquent à la fois l’essence et la rouille. Ce ne sont que les odeurs de la friche, rien de plus. Les pluies ne sont pas encore toxiques. Pas à sa connaissance.
Le tunnel l’engloutit dans son calme monstrueux. Elle s’en indignerait presque, tant l’obscurité semble parfaitement indifférente à ce qui se passe dehors.
Ces ruines vivent leur plus paisible vie, un sanctuaire construit jadis par les mêmes capitaux qui sont en train de littéralement tuer tout le monde dehors, en ce moment même. Mais les rails sont toujours là, fonctionnels, bien agencés. Et la galerie… Pas une fissure, pas un seul bruit d’écoulement, une fraîcheur à peine moite. Une pureté d’air digne d’une forêt de montagne. Un appartement avec ces conditions, ailleurs dans la ville, ça coûte un joli loyer de social-traître.
Dans le noir un fracas retentit. Lune tressaille. Autour d’elle les ténèbres se font totales. On vient de refermer à l’entrée du tunnel une très large porte métallique qui rebondit encore sur ses tympans. Elle ne perçoit qu’un très subtil encadrement qui a la forme de l’arche sous laquelle elle vient de passer. Une peur sourde la saisit, irréelle, et elle repense au ciel vert comme à un signe premier de sa folie, dont ce tunnel serait la confirmation. Elle pourrait en parier la vie de ses amours, toutes les vies : il n’y a pas de porte à l’entrée de ce tunnel.
Elle panique, les bottes engoncées dans les cailloux sablonneux qui recouvrent les bois du rail. Elle se précipite, en marche rapide, pour revenir à l’entrée qu’elle a franchie il y a trente secondes à peine. Dans l’ombre, sa main trouve la porte… Une porte sans poignée ni loquet, lisse, bien oxydée, qui vrombit sous ses coups acharnés. Les larmes montent. La panique avec elles.
Elle se retourne. La lumière point de l’autre côté de ce tunnel qu’elle a tant de fois emprunté, mais ce n’est pas une lumière blanche. Elle est verte. Verte comme le ciel d’aujourd’hui. Elle forme, non pas un encadrement bien net, comme d’habitude, mais deux points. Deux phares ? Elle écarquille les yeux, sidérée, le dos suintant d’une sueur froide contre la tôle qui ferme le tunnel. Et un carillon résonne. Comme une petite cloche de tram, pas très forte, mais que l’écho et l’espace confiné rendent assourdissante.
Y’a quelqu’un ?
Elle tremble et balbutie, les yeux s’accoutumant à la pénombre. Le carillon reprend, une seconde fois, plus forte. Presque douloureuse à l’oreille.
Elle s’approche, maîtrisant tant bien que mal les flots puissants d’adrénaline qui parcourent ses tendons.
Il y a un tram, sur ces rails. Il est excessivement long. Une sorte de lumière phosphorescente, très ténue, en remplit l’intérieur, caressant les banquettes d’un tamis verdâtre. Les portes sont ouvertes. L’engin se perd dans une infinité qui lui donne le tournis. Sa perspective sans fin s’allonge, dans l’obscurité.
Elle pose un œil terrifié sur la cabine de tête, et le siège, à côté du bouton de la cloche. Il n’y a personne. Un automatisme désespéré la pousse sur le marchepied. La plateforme grince.
L’odeur dans le wagon a quelque chose de floral. Comme l’air paisible et à peine poussiéreux d’un columbarium entretenu.
Une figure maigre et terne bouge son ombre fatiguée derrière un carré de banquette, depuis un siège du fond.
Lune retient l’air dans ses poumons. Un frisson, comme un coup de matraque électrique, l’immobilise au centre de l’allée.
La chose, surmontée d’un haut de forme élégant, étend sa carcasse indistincte pour découvrir un cou et un visage pâles, une mâchoire osseuse et affûtée qui, dans la pénombre, pourrait tout aussi bien être un grand nez, très effilé. Des doigts griffus et aux mouvements terriblement fluides s’installent sur le dossier et la silhouette se lève sans le moindre bruit.
Son père le flic, merde, merde, merde… articule-t-elle, le ventre noué.
Bonjour, Lune. Vous pouvez m’appeler l’Autre.
La voix est douce, caricaturalement virile. Elle reconnaît la voix de ce comédien de doublage… Celui qui est mort d’un cancer et dont elle a encore oublié le foutu nom.
Bonjour ? Je peux savoir ce que je fais là ?
Elle s’étonne de ses propres mots, prononcés avec la même banalité provocante que les fois où elle s’est retrouvée au comico.
Vous êtes morte, Lune.
Sa certitude flanche. La matinée repasse dans son esprit comme une série en accéléré, avec dans le même temps, certains extraits clés, au ralenti.
L’action commençait bien.
Les courses allaient de rue en rue, le rythme maintenu, mais les instants de répit de plus en plus courts.
Une intersection mal gérée, et la spontanéité collective désagrégeant le bloc. Elle avait suivi cette meuf… Cylie. Carrément son type. Une bombe à enthousiasme révolutionnaire et à phéromones qui lui faisait sous-évaluer l’idée même de discrétion et d’anonymat en guérilla urbaine. Rousse, en veste bordeaux et en jean bien clair, pas en noir comme tout le monde… Grande, charismatique, sans masque ni lunettes de protection. Elle se revoit lui coller le train avec un air un peu amoureux pendant une bonne heure, avant de la suivre jusqu’à un parc, d’où elles devaient allumer les fourgons avec un petit mortier caché à proximité. Sacrée idée de merde. Un flash. Un tir. Elle se souvient de son œil comme d’un petit globe dispersé vers l’intérieur de son crâne avec une douleur lancinante, et elle, voyant Cylie s’éloigner entre les buissons, qui frappe la première silhouette venue à tenter de l’agripper par la manche. Un coup lui est rendu. Elle se revoit perdre connaissance pour de bon avec une sale sensation de rouleau compresseur qui lui déchire la nuque. Elle se souvient, en vérité, que le ciel est devenu vert à ce moment-là.
Et elle n’a pas pu dire au revoir. À personne.
Les longues minutes passent, en compagnie de la créature qui, silencieuse, se tient toujours devant elle, attendant qu’elle digère la nouvelle. Elle se laisse tomber sur une banquette.
Je n’ai pas bu depuis ce matin.
Désirez-vous un verre d’eau ?
Je n’ai pas soif.
C’est un constat tout à fait lucide et pertinent, pour lequel je vous félicite.
Ah… Si ! Je me souviens. Vous faites la voix de Dr House, non ?
Le silence rôde à nouveau.
Il s’installe pour lui faire face. L’allée qui les sépare rayonne toujours très faiblement de ce halo mystique, qui ne semble pas avoir de source, comme si l’air lui-même était… saturé ? Peu importe le terme technique.
J’ai laissé Lou, et Mael, et Saddos… Les autres du squat, le collo, mon frère, ma cousine, tout le monde. Tout le monde m’a perdue, aujourd’hui. À cause de moi.
Oui.
Donc vous êtes là pour autre chose que me réconforter ?
Vous n’avez pas besoin de réconfort. Vous constaterez par vous-même que vos émotions ne sont plus que des coquilles vides qui portent le nom de ce qu’elles contenaient. Ces personnes que vous mentionnez, vous les aimiez, vous aviez peur pour elles, leur pensée vous arrachait un sourire tendre. Vous avez non seulement perdu tout cela, mais vous avez également perdu la capacité à ressentir le regret de l’avoir perdu. Vous êtes, en quelque sorte, un peu décédée, Lune.
Cool. C’est quoi, l’au-delà, du coup ? On part sur une éternité dans un tram qui pue les visites de l’urne de ma grande tante quand j’avais huit ans ? Ou alors ça a été privatisé, ça aussi ? Vous allez m’emmener dans une sorte de paradis néolib où on passe le temps à faire des bilans de compétence avec un coach le temps de trouver quelle prochaine réincarnation nous correspond le mieux ? Quelle angoisse… J’étais qui, avant ? Je suis née en… oh mon dieu, il est mort la même année, ce con ! Je ne suis pas la réincarnation de Sarkozy, hein ?
La créature la regarde. Enfin “regarde”, c’est vite dit. Ses arcades et ses pommettes sont si étrangement saillantes qu’elle ne saurait dire si ces deux zones de ténèbres sous son chapeau en feutre abritent bel et bien des yeux, ou seulement deux trous béants.
C’est étrange, traîne sa voix profonde comme s’il réfléchissait. Quand on traverse ce que vous venez de traverser, on garde toujours une émotion, une seule, une signature personnelle qui reste. Quelque chose qu’on est capable de ressentir à l’exception de tous les autres affects superflus pour un cadavre. On découvre cette émotion quand on prend conscience qu’on est de l’autre côté. Pour beaucoup c’est la peur, pour d’autres, la colère, la mélancolie ou l’agitation. Pour vous, c’est la fierté piquée au vif dans sa pureté immaculée. Vous ne deviez pas être une personne très bienfaisante pour votre entourage.
Pardon ? bondit-elle avec indignation.
Une irrésistible envie de fondre en larmes l’écrase de l’intérieur. Tout se disloque en elle. Le coup fatal sur sa nuque était plus supportable. Elle plisse les yeux et bascule en avant, prenant sa tête entre ses mains.
Vous n’avez pas le droit de me dire des choses pareilles… 
C’est bien ce que je pensais, murmure le passager du tram. Ne vous en voulez pas d’être esclave de ce sentiment qui vous était auparavant un léger désagrément du quotidien. Le reste est parti. Cette émotion va prendre toute la place laissée vacante. Désormais, ce n’est plus que ça, que vous ressentirez, Lune. La douleur de l’ego blessé.
Je vais passer l’éternité comme ça ?
L’enjeu est que vous surmontiez cela. Que vous corrigiez ce qui vous faisait tant défaut de votre vivant, et qui vous hante autant que vous hanterez le cœur de vos êtres pseudo-aimés…
“Pseudo-aimés” ? Mais allez vous faire foutre en fait ! Je les aime vraiment !
C’est là ce que vous ressentirez quand vous aurez accompli votre purification. Et cette fois, vous le ressentirez pour de vrai. Vous méritez le repos. Comme toute âme de ce monde.
Même Sarkozy ?
J’ai grand peine à le dire, mais… oui. Oui, Lune. Même Sarkozy.
La vache… 
Comprenez-vous, Lune ? Il n’y a pas de bon au-delà. Pas de purgatoire. Il n’y a que les démons qui vous empêchaient de vivre pleinement, et que l’oubli, désormais, vous autorise à affronter.
C’est la définition même de l’enfer.
Il existe une alternative, poursuit l’Autre. Deux options s’offrent à vous.
Wow, attendez… J’ai jamais été croyante mais avec toutes les possibilités qu’on a explorées, toutes les merveilles et tous les supplices mythologiques que les religions ont inventées depuis des millénaires, en fait, la mort, c’est juste un “Tu Préfères” ? Allez-y, c’est un sacré jeu de merde mais si on a que ça à faire… 
Vous allez être renvoyée dans le monde que vous connaissiez. Vous vivrez. Vous retrouverez toutes les balivernes sentimentales qui vous faisaient vous sentir humaine.
C’est touchant comme vous avez l’air de tenir à moi. Vous éclaboussez de la bienveillance à chacune de vos phrases, c’est immonde, y’en a partout ! Merci beaucoup !
L’Autre ignore son sarcasme et poursuit son exposé, ouvrant sous ses yeux des paumes craquelées comme du papier qu’on aurait défroissé, et dont la pâleur d’ivoire tranche l’obscurité. Il lève ensuite un doigt, solennel, et annonce :
Vous ressentirez tout. Vous vivrez même les émotions des personnes auxquelles vous penserez, par procuration. Vous ne pourrez plus ignorer vos effets néfastes, et vous en ressortirez meilleure. Peut-être même deviendrez-vous décente.
C’est surévalué, la décence. Mais vous êtes sérieusement en train de me dire que je peux ressusciter ?
Vous pouvez… n’être pas morte dans cette rue.
Un peu tard, camarade. J’ai bien senti le cou sur mes cervicales, au mieux je serai un légume menotté à un lit d’hosto.
Je ne suis pas votre “camarade”.
Super. L’ange de la mort aussi est de droite… 
Non. Je suis apolitique.
C’est ce que je dis.
Et vous utilisez un terme effroyablement validiste. D’autant que vous vous trompez. Nous pouvons faire en sorte que cela ne soit jamais arrivé. Nous pouvons plier le cours des événements passés, raconter une autre histoire, revenir un peu en arrière. Vous retrouverez les gens que vous vous souvenez avoir aimés.
Comment vous comptez faire ça ?
Lune, ma chère… Demanderiez-vous à l’oiseau comment il sait voler ?
Il est arqué, penché vers l’avant comme un vieillard fatigué, mais un magnétisme malsain se dégage de sa carrure, comme s’il avait le poil hérissé. Une aura se diffuse autour de lui, et Lune sent le métal et les joints du tram, comme liés par l’évidence aux mouvements de son squelette, vibrer avec crispation. Comme si l’Autre tenait les rênes de la matière elle-même. Comme si, d’un instant à l’autre, sans un geste, sa volonté seule était capable de compacter le wagon comme une ruine de casse automobile. L’écraser, la disloquer, la démembrer. Réduire l’espace à néant.
Comme si l’écoulement du temps était sa respiration.
Au nom de quoi ? déglutit Lune en fixant l’entité avec bravade.
J’ai décidé de vous laisser une seconde chance. Si vous préférez la mort à la vie, vous serez laissée à votre calvaire. L’ego blessé pour seul affect. Jusqu’à ce que vous appreniez à l’accueillir comme un vieil ami et à l’accepter. Vous rejoindrez alors l’oubli. D’une façon ou d’une autre, vous trouverez la paix.
Et il lui tend sa palme griffue. Un sourire de courtoisie marque ses traits difformes, comme à un bureaucrate à 16h30 passées, qui attend poliment qu’on veuille bien foutre le camp de son bureau pour finir sa journée.
C’est le problème de ne ressentir que son orgueil… soupire-t-elle. Si je choisis la mort, je fuis les conséquences. Je peux continuer à me foutre de celleux que je laisse. Mais je serai seule. Peut-on guérir un ego blessé, et lui apprendre à ne plus avoir mal, si on le prive de ce qui peut lui faire du bien ?
Elle attrape la main de l’Autre. Elle veut vivre, sceller sa décision au plus vite. Il la regarde, presque surpris, un sourire grimaçant tordant la ligne minérale de son menton.
Vous êtes plus rusée que prévu.
C’est souvent ça.
Mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour vous.
Le contact de la main est glacial. L’odeur des égouts saisit ses narines. Les atomes qui composent le tram, la pénombre et le tunnel sont peu à peu aspirés par une sorte de vide, et sa conscience même, avec une désagréable sensation de se transformer en autre chose que soi, se désagrège. Elle aurait préféré qu’il se paie d’un rire machiavélique. Mais seule la compassion transparaît dans la voix de l’Autre.
Elle s’éveille en crachant un liquide rouge, qui lui brûle l'œsophage. Des courbatures la tétanisent dans chaque muscle de son corps allongé sur l’herbe. Une civière repose sous elle, puant la transpiration. Et le ciel gris réapparaît. Sous ses deux yeux nettoyés au sérum phy, se dresse l’encadrement rondelet et attendrissant d’un visage familier. Elle se souvient. Cylie a été arrêtée, jetée dans le fourgon. Ils étaient déjà dans le parc. Elle-même a pris la fuite, trébuché et percuté un plot qui l’a assommée. Elle balbutie en prenant le visage qu’elle voit entre ses mains glacées.
Mael ? On est où ? Tu vas bien ?
Sa voix râpée lui répond en tremblant. Au contact de ses joues mouillées, elle sent un flot d’angoisse la saisir, mêlée d’un bonheur intense. Elle se voit à travers les yeux de son amant·e. Elle ressent avec une folie émue son soulagement de se voir elle-même revenue d’entre les morts. Mael pose une main sur son front.
On va bien, Lune. À part la grande gueule que t’as suivie bêtement, tout le monde a pu fuir. On a rien pu faire pour elle.
Comment est-ce qu’iel fait, pour ne pas exploser en ressentant tout ça ?
Elle réprime le plus possible le tsunami de joie et de peur mêlée qui envahit son cerveau contaminé. Elle se relève, écarte ses mains de son visage et l’embrasse.
Je suis désolée, j’aurais dû rester avec tout le monde. Je me suis jamais sentie aussi nulle.
Tu l’es, sourit Mael avec un rictus provocant. T’es super nulle. Mais t’es sympa quand même, des fois.
La blessure revient, lancinante, sous les affects d’un·e autre qui s’entrechoquent en elle. Elle ressent son amour. Un amour relatif, qu’on sait accidentel et soumis à l’entropie. Un amour à dimension humaine, qui fait d’elle une personne tout juste agréable à fréquenter, comme pourraient l’être tant d’autres individus par ailleurs détestables. Une personne qui était au bon endroit au bon moment pour quelqu’un qui en avait besoin.
Il lui fallait mourir pour prendre conscience de quelque chose que la plupart découvrent à l’adolescence.
Qu’on n’a rien d’exceptionnel.
Elle l’entend, maintenant. En sourdine. En hypothèse.
Le ricanement de l’Autre.
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alaingiorgetti · 5 years
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Arjuna
Ma vie doit être à la fois longue, et courte, comme le jet d’une flèche en plein cœur de sa cible. Ma vie doit tendre qu’à n’être l’arc, la flèche et la cible en même temps. Tout n’est-il pas blanc, immaculé, infini autour de moi ? Blancheur de page ne demande qu’à s’écrire, à être traduite, à être couverte de questions et de réponses comme une armée  ennemis de flèches définitives. J’entends déjà le galop des chevaux dans mon dos. Leur haleine sauvage brûle la base de ma nuque et la tresse de mes cheveux change peu à peu de forme et de nature. Le temps et l’espace brillent à mon front et le nom de mes ancêtres file entre les phalanges de mes doigts comme de l’eau. Désormais, les cordes et les nœuds de mon lignage s’effilochent dans le vent de l’Histoire à chaque fois que Krishna murmure à mon oreille. Lui seul est capable de conduire mon char et mon esprit en même temps. Lui seul a la même forme que mes désirs et mes regrets, mes souvenirs et mes secrets emmêlés. Je ne suis pas qu’un simple fils, un seul frère, un neveu naïf ou un oncle tout puissant. Je ne suis pas un disciple, un élève, un vulgaire bras armé sous l’aile du destin. Je suis cet enfant de soi-même que mes actes mesurés qualifient. Je suis la blessure de cendres au milieu du brouillard des décisions. Je suis l’impureté native qui donne son sens à la pureté native des dieux. Mon bras détient la force de l’éléphant et la vivacité du naja naja. Je peux sourire aux dents du crocodile et percevoir l’œil du poisson dans la mer aux mille bleus. Je vois le ciel, l’arbre, le vent et l’oiseau en même temps. Mais si je tire plus loin et plus vite que mon ami ou que mon ennemi, la source de ma gloire guerrière sera bientôt celle de mon repentir ardent. Chacune de mes victimes est aussi mon âme blessée. De chaque sang versé jaillit une lumière plus aiguisé qu’une épée. Mon destin est de faire croître la lumière au coeur de la nuit. Mon but de rendre la terre à son ordre bafoué. Je n’hésiterai pas à mettre le monde à feu et à sang s’il le faut. A brûler villes, prairies et forêts. Je brûlerai les vivants et les morts. Je brûlerai jusqu’au feu lui-même, puis je retournerai une à une toutes les cendres du désespoir jusqu’à ce que la terre de mon père redevienne pure comme le soleil au zénith. Sans peur, sans haine ni bonté mon destin s’accomplira dans la mélancolie blanche des origines, qui n’a d’égale que celle des horizons.
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camilledef · 5 years
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Emile, encore et toujours Emile / Le cycle des Rougon-Macquart de Zola.
Par une force insoupçonnée, je me suis replongée dans la lecture du célèbre cycle zolien, les Rougon-Macquart. Je dis "insoupçonnée", puisque cela faisait bien longtemps qu'étaient délaissées dans ma bibliothèque les lectures scolaires, les lectures trop classiques, celles que l'on avale souvent sous la force et la pression de mauvais professeurs. Bien que ne négligeant pas les "classiques", je ne me tournais depuis quelques temps que vers ceux qui me paraissaient dignes d'un intérêt personnel, liés à mes goûts et mes envies du moment. Et un Zola, comme un Balzac ou un Proust (quoique Proust...) ne se plaçaient pas en travers de mes lectures. Et puis pouf. Zola réémerge subitement. Un peu comme un oiseau qui frappe un pare-brise et oblige le conducteur (moi en l'occurrence) à s'arrêter, paniqué, pour reprendre sa respiration et observer l'élément perturbateur, attendant bien trop longtemps que de coutume pour reprendre sa route.
Je me suis laissée piégée par l'oiseau libre mais captivant qu'est Zola. Qu'est tout livre de Zola.
Je me souviens de ces moments de terreur à la lecture de Thérèse Raquin. Je dis bien de "terreur", oui. Plus de frissons m'ont traversé l'échine que pour une histoire de Stephen King. J'ai appris, au lycée, avec Thérèse, le glauque et l'horreur des mots et des livres. Tout en étant effrayée, j'ai aimé ça. J'en ai redemandé, plus tard, en suppliant d'autres auteurs et d'autres fictions de me redonner ce goût de l'effroi un livre à la main. Je ne sais pas pourquoi j'ai délaissé Zola aussi longtemps. Disons huit ans. Probablement par paresse, par oubli, et/ou par préjugé. Parce qu'au fond, l'expérience n'avait pas été si mauvaise que cela.
Et voilà que l'autre jour, dans un de mes nombreux détours dans une librairie, je tombe sur La bête humaine. Et que mon intérêt, au lieu de me pencher vers d'autres livres, s'est concentré dessus. De ce petit livre de poche je voulais en être propriétaire et l'avaler le plus vite possible. Ce que je fis en rentrant chez moi.
Probablement est-ce d'abord le titre, plus que le nom cultissime de l'auteur qui m'a poussé à rentrer dans mon nid douillet en sa compagnie. En tant que philosophe, portée essentiellement sur les question de l'être, de l'homme et de ses détours, je ne pouvais que tomber dans une longue chaîne de fantasmes étymologico-sémiotiques, entre bête et homme. Dans un second temps, ce fut le désir insatiable de plonger profondément dans l'univers d'un auteur culte/classique/incontournable mis trop longtemps de côté.
Je ne fus pas déçue. La bête humaine, c'est terrible. Moins terrible que mes souvenirs de jeunesse de Thérèse, mais tout de même assez pour exciter mon imagination. De ces rouages ferroviaires, témoins des plus grandes indécences et des crimes plus ou moins passionnels, je suis tombée sous le charme. Un charme métallique, âpre, gris et poussiéreux. Zola a gagné son pari ici, il m'a récupéré dans son camp. Il m'en fallait donc de suite un deuxième, et si possible, un deuxième qui serait le premier de l'épopée.
La Fortune des Rougon s'est donc imposé tout naturellement. Il est le premier de cette tragédie familiale de grande ampleur. De lui naît une filiation complexe, retors, tragique. La preuve qu'avec un peu de passion et de bonne volonté, on peut tout faire : d'une époque de l'histoire de France qui ne me passionne guère (les soubresauts de la République au XIXe), j'en suis venue à me délecter des histoires de chacun de ces personnages atypiques et de leur environnement social, politique et historique. Pire encore, j'en suis venue à attendre cette colonne des insurgés en marche depuis la forêt de la Seille et à espérer secrètement qu'il envahisse et démantèle le salon jaune de Plassans. Tout en sachant qu'il y aura des morts. Car la mort chez Zola ne se fait guère attendre. Elle rôde toujours, non pas surnaturelle et mystique, mais bien naturelle et froide. Elle est toujours là, à attendre ce moment où elle reprendra ses droits sur l'homme, où elle définira une fois pour toute le rythme et le sens de la vie humaine, d'un jugement sourd et sans appel. Elle n'est pas seulement l'aval de toute vie, la mort est aussi et surtout chez Zola, le barème et l'indice de l'amour. Plus un amour est fort et passionné, plus la mort sera proche. Ce pourquoi les deux adolescents éperdus, Miette et Silvère, sentent presque le souffre froid de la mort sur leur épaules, dans le terrain vague de Saint-Mittre.
Et ce fut ainsi que, pendant près de deux années, ils s'aimèrent dans l'allée étroite, dans la campagne large. Leur idylle traversa les pluies glacées de décembre et les brûlantes sollicitations de juillet, sans glisser à la honte des amours communes ; elle garda son charme exquis de conte grec, son ardente pureté, tous ses balbutiements naïfs de la chair qui désire et qui ignore. Les morts, les vieux morts eux-mêmes, chuchotèrent vainement à leurs oreilles. Et ils n'emportèrent de l'ancien cimetière qu'une mélancolie attendrie, que le pressentiment vague d'une vie courte ; une voix leur disait qu'ils s'en iraient, avec leur tendresses vierges, avant les noces, le jour où ils voudraient se donner l'un à l'autre. Sans doute ce fut là, sur la pierre tombale, au milieu des ossements cachés sous les herbes grasses, qu'ils respirèrent leur amour de la mort, cet âpre désir de se coucher ensemble dans la terre, qui les faisaient balbutier au bord de la route d'Orchères, par cette nuit de décembre, tandis que les deux cloches se renvoyaient leurs appels lamentables.
La Fortune des Rougon, Zola, 2004, le livre de poche, p.309
D'appel lamentable, il y a aussi celui de tante Dide, point de départ à toute cette lignée des Rougon et des Macquart, délaissée par chacun de ses enfants dans sa petite impasse Saint-Mittre. Elle lutte contre l'appel tonitruant du passé. Les souvenirs douloureux de son dernier amour, Macquart, sont toujours pour elle source de douleurs. Seul Silvère, doux et charitable, reste auprès de cette femme meurtrie mais qui n'est pas sans faute, expiant pour elle, par sa pureté et sa générosité et dans une ignorance sincère, les anciens péchés commis. Malgré cela, Adélaïde n'est jamais à l'abri de crises aiguës provoquées par les fantômes du passé, ou de triste lamentations intérieures sur ce qui n'est plus mais qui toujours l'appelle et la retient. Elle apparaît alors comme la lamentable prisonnière de ces méfaits qui ne lui appartiennent plus, mais qui ressortissent désormais aux chemins de la mémoire.
La grand-mère était venue par hasard au puits. En apercevant, dans la vieille muraille noire, la trouée blanche de la porte que Silvère avait ouverte toute grande, elle reçut au cœur un coup violent. Cette trouée blanche lui semblait un abîme de lumière creusé brutalement dans son passé. Elle se revit au milieu des clartés du matin, accourant, passant le seuil avec tout l'emportement de ses amours nerveuses. Et Macquart était là qui l'attendait. Elle se pendait à son cou, elle restait sur sa poitrine, tandis que le soleil levant, entrant avec elle dans la cour par la porte qu'elle ne prenait pas le temps de refermer, la tirait cruellement du sommeil de sa vieillesse, comme un châtiment suprême, en réveillant en elle les cuissons brûlantes du souvenir. Jamais l'idée ne lui était venue que cette porte pût encore s'ouvrir. La mort de Macquart, pour elle, l'avait murée. Le puits, la muraille entière auraient disparu sous terre qu'elle ne se serait pas sentie frappée d'une stupeur plus grande. Et, dans son étonnement, montait sourdement une révolte contre la main sacrilège qui, après avoir violé ce seuil, avait laissé derrière elle la trouée blanche comme une tombe ouverte. Elle s'avança, attirée par une sorte de fascination. Elle se tint immobile, dans l'encadrement de la porte.
Ibid., p. 284
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manieresdedire · 5 years
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Ainsi irait le monde...
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Sept femmes, trois hommes, acrobates, jongleurs, comédiens. Élèves de l’École du Cirque “Le Lido”, une école toulousaine promise à un grand avenir.
Sur l’esplanade du Grand Théâtre d'Albi, ils ouvrent la séance de divulgation d'un long programme de réjouissances.
Ce soir-là, l'âme et l'esprit du cirque sont conviés pour enchanter la présentation de la prochaine saison de la Scène Nationale d'Albi qu'on pressent faste : disciplines circassiennes, danse, théâtre, toutes les musiques.
Qui n'a jamais eu le pressentiment, à la lecture de la première page d'un livre, qu'il ouvrait un grand roman ?
“Enchanter” ? À voir. Parce que si le “Off”, sur le parvis, est presque drôle, le “In” sur les planches, inquiète.
Ils sont jeunes, revêtus d’habits bigarrés, vert criard, orange, marron, rouge ou en noir et blanc. Idem pour les cheveux, le maquillage. Des sourires, de la concentration, l'affaire est sérieuse. Les filles portent des chaussures à talons hauts qui disent l'élégance des femmes, la difficulté à marcher, la détermination à le faire - ce à quoi elles jouent dans de courtes saynètes où elles se battent, rampent vers des chaussures qu'elles n’atteindront jamais -. Les hommes sont plus ou moins mal fringués, peau de bête et survêtement. Elles, sont champagne. Eux, sont, l'un, Monsieur-loyal-caricatural, les deux autres, jongleurs, l'un, triste, l'autre, lunaire et joyeux.
Des allusions critiques, percées à jour.
Dehors, au cerceau aérien, au trapèze fleuri, elles sont flamboyantes, bientôt virtuoses, elles se mettent en danger sur fond musical et chanson chantée à l'envers - pas la chanson, la trapéziste -. Monsieur Loyal harangue, les jongleurs font dans l'économie de gestes, les filles abattent de l'ouvrage.
La foule consentante regarde, se déplace à peine lorsque les artistes se fraient un passage. Puis les portes du théâtre s'ouvrent.
À l'intérieur, une agile funambule vêtue de noir, en pilotage automatique, arpente son fil, indifférente à des gens eux-mêmes inattentifs qui cherchent à se bien placer pour voir ou mieux filer à l'anglaise en cours de partie.
Petit à petit, la scène se peuple, de petits numéros joués à une seule personne, sortes d’ateliers d'expression patiente d'obsessions énigmatiques.
Chacun s'exprime dans sa bulle autistique, sans un regard pour quiconque et sans souci apparent de coordination.
Jonglage lent, retenu, dépouillé, anti-spectaculaire. Acrobatie à la corde, sexy et humoristique - une scène particulière, où la belle acrobate, tête en bas, escarpins en haut, cherche, arrivée près des cintres, à dissimuler sa courte culotte rouge en étirant le bas de sa robe noire qui a du mal à défier la pesanteur et le lien qui retient tout -.
Cordages, quilles et parallélogrammes de jonglage, grand anneau, accessoires qui, comme les briques de l'artiste sur le plateau, construisent, hors le consentement de tous, mais avec eux, un monde absurde et harmonieux.
Car c'est bien une chorégraphie qui s'organise et se déploie. Bizarre, avec des éclairs de drôlerie, de malice et de mélancolie, plus construite que chacun des micro-spectacles veut bien l'exprimer. Avec une lenteur implacable et l'entêtement de celle qui a beaucoup à démontrer.
Une tentative d'aller vers les autres échouera. Petite facilité artistique faisant appel à un mythe animalier, un symbole de grâce, de pureté, de violence et de rêverie. Une histoire, que tente de raconter à tous et à chacun, un comédien-acrobate que personne n'entend, qui rêve d'une mère-licorne caressante-agressive. Il finira par se réfugier dans la solitude, dans un grand anneau de métal bas perché où, devenu araignée, il se contorsionnera.
Une représentation réussie d'un monde peuplé d'individus pas toujours déchiffrables qui concourent à la seule et belle humanité possible…
Yves Rebouillat (in le “Tarn Libre du 5 juillet 2019)
Deux notes (Geaimm et JPS)
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jbgravereaux · 5 years
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Winter sleep / Sommeil d’hiver, de Nuri Bilge Ceylan, PALME D’OR, FESTIVAL DE CANNES 2014
Pierre Murat, Télérama : Autrefois acteur de théâtre, Aydin est retourné dans son village natal dans le but d’écrire une histoire du théâtre turc. Là, il vit en compagnie de sa jeune femme et de sa soeur dans le petit hôtel Othello, qu’ils gèrent. L’hiver s’installe, les derniers clients s’en vont et le confinement obligé exacerbe un malaise diffus entre les trois personnages ...                                                                                                                                                                      Un gamin aux yeux sombres jette une pierre sur la vitre de sa voiture et Aydin se demande pourquoi. Oui, bon, d’accord: quelque temps auparavant, il avait fait saisir par un huissier les maigres biens du père de l’enfant, pour cause de loyers trop longtemps impayés. Mais quoi, il avait, pour lui, le droit et la loi. Devait-il, sous prétexte qu’il était riche, se faire plumer par un provocateur alcoolo, tout juste sorti de prison ?                                                                                                                                                                                                    Aydin est un homme qui se dit, se veut, se croit raisonnable. Logique. Juste. Dans cette petite ville de Cappadoce, en Anatolie centrale, où les maisons, encastrées à même la roche, ressemblent à un étrange et inquiétant décor de théâtre, il tient un hôtel pour touristes, fans d’exotisme : l’Othello. Car, de longues années, il a été comédien célèbre et, selon lui, talentueux. Fier, en tout cas, de n’avoir jamais accepté de se compromettre dans de stupides séries télévisées.                                                                                                                                                                                                                                                Et voilà que cet homme fait, bien fait, peut-être surfait, va, sous nos yeux, doucement se défaire. Avec ce film long et dense, dont l’intensité ne faiblit pas une seconde, Palme d’or incontestable du récent festival de Cannes, Nuri Bilge Ceylan poursuit — comme pouvait le faire Ingmar Bergman, l’un de ses maîtres — une oeuvre de moraliste.                                                                                                                                                                                                                    « Je m’intéresse à tout ce qui se dérobe, dit-il, au monde intérieur des individus, à leur âme, à la manière dont ils se lient ou s’opposent. Les questions que se pose le grand mélancolique que je suis sont celles qui nous travaillent de toute éternité. » (…)                                                                                                                                                                                                                                          On dirait Les Trois Soeurs... Tchekhov, bien sûr. Tchekhov, partout. Tchekhov, toujours. (…) Winter Sleep, inspiré par plusieurs de ses nouvelles, est tout imprégné de son désenchantement, de sa malice, de sa compassion. Même si, par moments, lorsque la violence s’y fait plus explicite, Tchekhov s’efface au profit d’un de ses confrères, russe lui aussi : la scène des billets de banque dans le feu évoque, évidemment, Dostoïevski (L’Idiot), Nastassia Philippovna et son geste d’orgueil qui lui permet — comme au père du gamin aux yeux sombres, ici — de retrouver une dignité et une pureté perdues.                                                                                                                                                            Ce film superbe, dont on ne sort pas indemne, qu’on emporte avec soi pour ne le quitter jamais, provoque, en nous, de la peur et de la mélancolie : angoisse totale à l’idée d’être liés, même de loin, à tous ces personnages en perte d’eux-mêmes. Et tristesse infinie de savoir qu’un jour ou l’autre, on ne leur ressemblera que trop.                                                                                                                                                                                                                            winter sleep - Les Cinémas du Grütli                                                          film:winter sleep ,NB Ceylan - Mots du Clavier : ...Dans Les Climats (2007), il scrutait, déjà, un couple en pleine rupture et l'on avait l'impression, par la méticulosité de sa mise en scène, de n'avoir jamais contemplé d'aussi près l'éclatante lumière des corps et l'inexorable étiolement du désir...                                                                                                                                                  Winter Sleep : ma scène préférée | post-scriptum                                              Winter Sleep. Palme d'or 2014. Les méandres de l'âme humaine ...
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blog-de-brangien · 3 years
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Mes mélancolies discrètes...
La mélancolie m’envahit ces jours-ci. Plusieurs choses se sont produites depuis quelques semaines. Ma chère amie, Iseult, se fait donner comme prix au Roi Marc, et moi, aussi fidèle que je suis, je décide de la suivre. Sa mère, Iseult la Reine, est une femme digne d’un trophée. Elle m’avait donné un philtre d’amour pour que je le donne à Iseult. Je me demande si c’était ce moment qui m’a rendu aussi conflit et misérable que je le suis en ce moment. Mais, c’était partiellement de ma faute. J’ai commis la bêtise de donner le philtre à Iseult et Tristan, le neveu du Roi Marc. Depuis ce moment, j’ai constamment eu le sentiment de nostalgie envers l’Irlande. Iseult, la seule amie que j’ai depuis mon plus jeune âge, m’avait dit de… passer la nuit de noces avec le Roi Marc à sa place. Je ferai tout pour elle, mais pendant ce moment, pendant que je subis les caresses du Roi, pendant que les larmes coulent de mes yeux avec regret et frustration, j’ai haï Iseult. Seulement pour une fraction de seconde, je l'ai haïe et cela me tuait à l'intérieur. Je ne pouvais rien faire à ce moment, car je sais que si je faisais quoi que ce soit, c’était la mort que j’allais subir. Je sais que je suis une servante, que je n’ai pas de valeur, mais je me demande si Iseult le savait. Je me demande si elle le savait, qu’elle pouvait m’utiliser comme elle le voulait. Comme un pion d’échec à sa disposition. Mais au plus profond de moi, je savais que cette situation était de ma faute et qu’elle ne voulait pas me faire du mal. Je savais qu’elle voulait seulement se protéger. Mais même à ce point, j’avais quand même de la haine pour elle. Depuis cette nuit, je passe tous mes sommeils à rejouer cette scène dans ma tête. C’est une habitude constante que je ne peux contrôler. Je commençais à la pardonner, mais chaque fois que je voyais le Roi Marc, je sentais que ma peau était plus petite que mon corps. Je ne pouvais rien dire, je suis qu’une servante et je n’ai pas d'opinion à donner, ni une raison pour parler. Plus les jours passent, plus je dois me contrôler pour ne pas relâcher mes pensées. En plus de toutes ces pensées, chaque soir, je dois toujours prendre le risque de me faire brûler vive juste pour que les deux se réunissent. Je trouve que ma vie est injuste, mais qu’est-ce que je peux en faire? Je suis condamnée à servir les gens pour le restant de mes jours. Des fois, je fais le chemin pour les réunir et je me demande si c’était mieux de juste… mourir. Je sais que je ne retournerais jamais en Irlande avec mon amie, et je sais que je ne vais jamais avoir une meilleure vie. Je sais que si je crie, si je pleure, si je cours, personne ne viendra me secourir. Je sais que même si Iseult est à mes côtés tout le long, elle ne prendra pas le temps de venir me chercher. Comme la fois où elle m’a confié aux cerfs de la forêt. Elle leur demandait de me tuer et j’ai senti le monde se refermer sur moi. J’ai senti l’air s'aplatir, j’ai senti le regard des deux serfs qui voulaient me tuer. Après que j’avais donné mon corps, ma pureté, mon âme, mon temps, ma chemise, mon amitié, mon amour, elle voulait me tuer? Elle voulait que je meure à ses mains après tout ce que je lui ai donné. Elle se réconcilia avec moi après, mais j’ai vu son regard. Son regard infecté d’amour, de manipulation, j’ai tout vu. Je blâme Tristan pour tout ce qui m’est arrivé. S' il ne serait pas venu à la recherche d’Iseult, je n’aurais jamais vécu tout cela. Toutes ces expériences désagréables, tous ces regrets. Mais avec toutes ces frustrations, je pris encore jour et nuit pour que le Seigneur vienne à mes côtés, au lieu de cette mélancolie misérable, euphorique et aussi discrète qu’elle est.
Signé,    Brangien.
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langauchocolat · 6 years
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Associations de couleurs (2/2)
FR - EN - PL
violet
le mystère - mystery - tajemnica (f)
la mélancolie - melancholy - melancholia (f)
le idéalisme - idealism - idealizm (m)
le repos - rest - odpoczynek (m)
rose
la jeunesse - youth - młodość (f)
la féminité - femininity - kobiecość (f)
la séduction - seduction - uwodzicielstwo (n)
le bonheur - happiness - szczęście (n)
marron
la nature - nature - natura (f)
la douceur - softness - delikatność (f)
le calme - calm - spokój (m)
le souvenir - memory - pamięć (f)
noir
la mélancolie - melancholy - melancholia (f)
la perfection - perfection - perfekcja (f)
l’élégante - elegance - elegancja (f)
la mort - death - śmierć (f)
blanc
la pureté - purity - czystość (f)
l’équilibre (m) - balance - równowaga (f)
la sérénité - serenity - pogoda (f) ducha
la fraîcheur - freshness - świeżość (f)
· : la première partie : ·
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cequilaimait · 6 years
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Knut – 1. Dimanche – Un voyage en Suède – 1.1 Le départ (1/2)
SMS du dimanche 11/12/2016 10h23
 *Téléphone de Justin*
 Aaron : Alors, Juju c’est aujourd’hui que tu pars en Suède ?
Justin : Ouiiiiiiiiiii, j’suis trop impatient. Mes parents m’accompagnent à l’aéroport, là !
Aaron : T’es sûr que manquer des cours, c’est une bonne idée ? Oublie pas qu’il y a le bac à la fin de l’année, et les concours… Justin : T’en fais pas Roron, c’est un voyage scolaire ! SCOLAIRE ! Enfin, y a que moi et la prof, mais c’est scolaire quand même ! Le directeur était d’accord ! On y va en reconnaissance avec Madame Duvanel pour voir si c’est possible de généraliser des échanges avec un lycée là-bas, dans le cadre de l’ouverture culturelle, tout ça ! Il fallait un élève volontaire et c’est sur moi que c’est tombé, c’est tout, hihi ! Aaron : Moque-toi de moi ! Avec toi, rien n’est innocent ! On trimbale pas un chaton kromeugnon à l’autre bout de l’Europe sans une idée derrière la tête ! Et j’te préviens, si les Suédois sont méchants avec toi, je monte dans le premier avion avec mon blond et on vient leur casser la gueule ! Non, parce que normalement, pendant les vacances, après, c’est moi qui te récupère, et j’te veux entier ! Justin : Mon héros *____* Mais nan, t’en fais pas, tu peux ranger Kilian à sa place dans son lit, ça va bien se passer ! Par contre, là, je dois te laisser ! On arrive, j’vais devoir m’occuper des formalités, puis couper le téléphone pendant le vol ! On se recapte demain ?
Aaron : Okay ! Amuse-toi bien cette semaine ! Bisous mon chaton ! Justin : Bisous bisous !
 *****
Peu de métiers réclament plus d’attention que celui de vigile d’aéroport. Il faut tout voir, tout analyser et remarquer le moindre danger éventuel. Tout ce qui est louche doit être passé au crible. Les individus seuls qui regardent leur montre. Les couples qui s’engueulent et qui pourraient le faire dans le seul but de détourner l’attention. Les égarés. Les pressés. Les rêveurs. Les barbus. Tous les barbus. De la barbe de trois jours de l’homme d’affaire en plein jetlag à celle hirsute du croyant en robe ridicule déboulant dans l’aérogare avec femmes, enfants et demi-tonne de valises en prévision d’un voyage au bled, en passant naturellement par celle longue et foisonnante des hipsters à chemise et crocs, sans oublier la blanche et douce comme de la neige de ces faux pères noël censés apporter un peu de joie dans ce tarmac terne et gris. Vérifier les barbes, c’est déjà faire cinquante pour cent du boulot. Ça simplifie la vie. Le reste n’est qu’une litanie de paquets oubliés au sol, de comportements suspects – quelqu’un qui ne se sent pas perdu en arrivant devant le panneau d’affichage à la recherche de son comptoir d’embarquement est définitivement suspect –, d’animaux mignons et, parfois, d’adolescents étranges aux cheveux colorés et à l’allure adorable. Ce qui, il faut bien l’avouer, peut par soucis de simplification être rangé dans la même catégorie que celle des animaux mignons. Efficacité avant tout.
Celui-là qui se baladait tout guilleret en ce froid dimanche matin dans l’aéroport international de Genève, il fallait avouer qu’il avait de quoi capter l’attention de tous les vigiles les mieux entraînés du monde. Entraînés, certes, mais pas forcément préparés à un tel déferlement d’innocence et de pureté mêlé à un air de rébellion assumé. Justin était de ces jeunes garçons dont le sourire déjouait tous les systèmes de sécurité et dont l’éclat des yeux à la teinte piégée entre le bleu et le vert faisait vibrer les cœurs avant même de faire sonner les portiques.
Le lycéen venait à peine de fêter ses seize ans, quelques semaines avant, et était déjà en terminale. La faute à sa naissance en fin d’année couplée à un peu d’avance glanée lors de sa plus tendre jeunesse, quand il s’était intéressé à la lecture et à l’écriture avant même d’en avoir l’âge. Le goût des lettres, des sons et du sens des mots ne l’avait pas quitté de toute sa scolarité et l’avait naturellement mené vers une filière littéraire. Son différend assez marqué avec les mathématiques avait aussi, il fallait l’avouer, jouer un rôle dans son choix d’orientation. Mais il était doué, autant pour décrypter un texte et ses sens que pour écrire. Sa plume était légère. Son style faussement innocent. Ses poèmes parfois travaillés et codifiés, souvent libres, drôles et délirants. En tant que rare garçon de sa classe au visage encore poupon, et surtout en tant que chaton autoproclamé, il n’avait eu aucun mal à se faire apprécier des autres. Comprendre ici : des filles. Toutes lui tournaient autour et lui accordaient moults douces attentions comme s’il était la mascotte officielle du lycée dans lequel il était inscrit. Un lycée français en plein milieu des forêts suisse, aux règles particulièrement strictes, surtout au niveau vestimentaire. Des règles que l’adolescent avait décidé de ne plus suivre depuis la seconde, avec la bienveillance d’un directeur qui avait juré d’autant plus fermer les yeux à propos des libertés de son élève qu’il ne l’avait malheureusement trop longtemps fait sur les agissements malsains d’un professeur. C’était leur accord tacite, et à part quelques vieilles peaux enseignants les sciences, personne dans l’établissement n’y avait vu quoi que ce soit à redire. Et dès lors, ses cheveux s’étaient teints de multiples couleurs, au grès de ses humeurs, sentiments et envies.
À l’origine, ils étaient doux, mi-longs et noirs, tombant en de fins filaments sur sa nuque et coiffés comme si une bourrasque les avait chassés en une longue mèche désordonnée sur le côté droit. Parfois, quand ils poussaient trop et qu’il n’avait pas le temps d’aller chez le coiffeur, il se les attachait derrière, au-dessus du cou. Tout le temps, il en variait les teintes, si bien que celle qu’il portait à la naissance ne se voyait plus qu’à travers ses racines. Rose, rouge, vert, jaune, argent, bleu – sa préférée –, chaque couleur trahissait une de ses émotions et restait en place entre quelques heures et deux semaines, avant d’être chassée par une nouvelle formule. Aujourd’hui, en ce froid dimanche de décembre, il avait fait le choix d’un violet éclatant, légèrement dégradé et à la brillance intacte. Ce qui impressionnait le plus la coiffeuse qui d’ordinaire lui coupait ses magnifiques crins et le conseillait sur les formules à y appliquer, c’était le fait que jamais ils ne semblaient s’abimer, perdre de leur douceur ou de leur capacité à réfléchir la lumière, malgré les nombreuses décolorations et recolorations qu’ils avaient pu subir. Justin avait une toile sur la tête, et il y peignait et repeignait encore sa vie. Et cela attirait tous les regards. À commencer par celui des vigiles, incapable de comprendre comment un bout d’chou pareil qui ne faisait pas du tout son âge pouvait briller autant en secouant la tête pour se recoiffer tout en cherchant sur un vieil écran à quel comptoir il devait s’enregistrer.
À décharge de la sécurité, grand de même pas un mètre soixante-dix, Justin jouait de son physique enfantin. Ce n’était pas sa faute à lui s’il avait la puberté aussi douce que tardive et si sa constitution fragile l’avait depuis longtemps rendu chétif. Cela faisait partie de lui et imprégnait son caractère, comme sa douce et triste mélancolie qu’il se trimbalait et qui rejaillissait à chaque fois qu’il regardait un arbre par la fenêtre, tout comme le faisaient ses taquineries, ses rires et sa gentillesse qui se commuait souvent en une bonne humeur communicative. Son petit nez rond, son sourire d’une blancheur éclatante au lèvres roses, fines et charmeuses, ses petites taches de rousseurs sur des pommettes colorées, son visage à la peau lisse de bébé et les coussinets qu’il avait à la place du bout des doigts participait à la définition de son surnom. Justin était un chaton, depuis qu’Aaron, son meilleur ami en seconde, l’avait surnommé ainsi avant de rentrer en France s’occuper de ses propres passions. Et depuis la seconde, s’il avait un peu grandi, ces choses-là n’avaient pas du tout changé.
Petite poupée de porcelaine, il savait aussi s’habiller pour faire ressurgir sa beauté naturelle. Son look n’était jamais extravaguant, que ce soit au niveau des tissus, des coupes ou des accessoires, mais toujours suffisamment chic et mignon pour flatter la rétine et pousser quiconque qui le regardait à admettre qu’il était parfaitement bien habillé. Pour voyager, il avait fait le choix de belles chaussures timberland assorties à un pantalon kaki, d’un sweat rose clair laissant admirer son cou, d’une doudoune bleue sans manche au logo composé de trois ronds orangés et d’un sac eastpak noir sur les épaules… Simple, mais tout simplement classe.
Enfin, dernier signe distinctif, l’adolescent portait toujours au poignet droit un bracelet éponge. Avec le temps, il en avait collectionné des dizaines et en avait toujours plusieurs avec lui, dans ses affaires. Cet accessoire le définissait plus que n’importe quel autre, et rares étaient les personnes qui, depuis qu’il s’était décidé de toujours le porter, pouvaient témoigner avoir vu ce qu’il cachait dessous. À l’autre bras, il lui arrivait d’arborer des bracelets fantaisies qui allaient ou non avec les colliers qu’il portait éventuellement, sans que cela ne soit jamais une généralité. Dans tous les cas, les filles adoraient. Une, Cécile, tout particulièrement, était même tombée amoureuse, et était prête à tout pour le combler, jusqu’à s’effacer à chaque fois qu’il le fallait. Pour être honnête, les garçons aussi n’étaient pas insensible à certains de ses charmes. Aaron le premier avait craqué et considérait son chaton comme sa peluche et son protégé attitré. Même certaines adultes pouvaient parfois avoir des comportements déplacés, devant ce qu’on aurait pu qualifier d’ode à la mignonitude. Une source de néologisme incarnée.
« Justin, je peux savoir ce que tu as encore fait pour te faire contrôler en plein milieu de l’aérogare ? Bonjour Monsieur, j’espère que mon élève n’a pas fait de bêtises. Il ne voyage pas seul, il est avec moi, et oui il a plus de quinze ans. »
Haussant les épaules, le jeune chaton récupéra son passeport, le rangea dans son sac et afficha un large sourire à la femme dans la force de l’âge qui s’était interposée entre elle et le vigile. Ce qui avait poussé la sécurité à lui demander ses papiers ? Il n’en avait aucune idée. Depuis que ses parents lui avaient fait la bise au dépose minute, il n’avait rien fait d’autre que d’errer le nez en l’air à la recherche du bon comptoir, avant de tomber sur cet homme en uniforme qui avait souhaité vérifier son identité. Peut-être parce que, comme le pensait sa professeure, il faisait plus jeune que son âge ? Ou tout simplement avait-il été la victime d’un contrôle inopiné comme cela se faisait au hasard ? Lui s’en fichait pas mal. Il avait simplement obtempéré sans discuter, au nom de la sécurité nationale. Personne ne lui avait jamais expliqué qu’en la matière, il fallait faire attention à toutes les bombes potentielles. Y compris aux bombes hormonales. Le vigile n’avait donc fait que son travail en s’approchant à quelques centimètres à peine de ce visage qui, de loin, avait affolé tous ses capteurs.
« Heu… Je sais pas moi… Miaou, peut-être ? »
Amusée par cette réponse, la femme caressa délicatement la tête de son élève aux airs de chaton. Si l’effleurer était autorisé, il fallait faire attention à ce qu’aucun geste ne puisse être mal perçu. Le rire qu’il lâcha accompagné des mots « par-là » avant d’indiquer en pointant du doigt un dépose-bagage la rassura. L’adolescent n’avait pas été traumatisé par son contrôle et semblait impatient de monter dans l’avion.
Au lycée Danceny, Claude Duvanel était professeure de lettres. Elle enseignait notamment le français à quelques secondes et surtout la littérature aux élèves de la filière littéraire. C’était la troisième année qu’elle avait Justin dans sa classe. Elle avait toujours apprécié ce jeune adolescent aux capacités exemplaires dans sa matière. Il aimait les mots, bien plus que la majorité de ses camarades. Il se passionnait pour la poésie, et aimait autant la lire que l’écrire, avec toute la maladresse due à son jeune âge. Il appréciait ses cours et les voyait comme des occasions de se cultiver et d’échanger, et non pas comme une corvée nécessaire dans l’optique d’un examen final. Il lisait de tout, des romans, des bédés, de l’aventure et de la science-fiction. Son auteur préféré était Victor Hugo, juste devant un garçon de son âge, qu’il appréciait plus pour son humour et la tendresse qu’ils partageaient l’un pour l’autre que pour ses compétences littéraires.
Si seulement cette femme à la taille moyenne et aux cheveux châtains bouclés avait vu. Si seulement cette réelle hédoniste qui avait fait ses études en France avant de suivre son époux en Suisse avait compris. Si seulement cette adulte dans la quarantaine et mère de deux filles n’avait pas fermé les yeux. Si seulement le professeur qu’elle était, avec ses lunettes sur le nez et son bouquin écorné dans le sac avait capté certains signes de détresses caractérisés à l’époque par une chevelure flamboyante… Peut-être alors Justin n’aurait pas souffert. Ou alors, moins. Comme bien des adultes, Claudie, puisque c’était ainsi que ses proches amis l’appelaient, était passée à côté de tout. Elle avait détourné le regard. En un simple conseil de discipline, son monde s’était effondré. Des larmes nourries lui avaient rappelé le sens du verbe « enseigner ». Avant d’apprendre une matière, on devait apprendre à vivre. Donner des raisons aux jeunes de sourires et de croire en l’avenir. Elle avait échoué, lamentablement, et les deux ans qui suivirent, elle s’efforça de se rattraper, nouant une relation particulière avec ce petit bonhomme à l’allure innocente mais à l’esprit déjà si bien formé et mature. Elle lui avait conseillé des lectures. Avait lu et corrigé certains de ses poèmes. L’avait entraîné pour ses concours à venir, afin qu’il obtienne l’établissement prestigieux qu’il méritait d’avoir. Oui, Justin était son chouchou. Elle l’assumait pleinement. Il passait avant tous les autres. Il passerait toujours avant eux. Elle le lui devait pour avoir été, par son inaction, une des nombreuses causes de son tourment.
L’idée d’un échange culturel avec la Suède s’était assez rapidement imposée dans son lycée, grâce à sa seule force de conviction. Elle avait eu l’idée fin octobre en discutant avec une très bonne amie et confrère enseignant le français à Stockholm. Immédiatement, elle était allée voir le directeur pour lui présenter son projet : faire voyager tous les ans pendant une semaine en automne ou hiver une poignée d’élèves, et en recevoir en échange d’autres au printemps, pour promouvoir la langue de Molière dans un pays qui ne l’enseignait que trop peu tout, tout en ouvrant l’esprit de ses petits Suisses à une culture riche et différente. La réponse fut naturellement « non ». Trop compliqué. Pas assez de budget. Il fallait se mettre d’accord avec le lycée partenaire, obtenir les autorisations pour tous ceux qui en avaient besoin, gérer les cours manqués, remplir de la paperasse administrative… Puis la professeure lui avait expliqué qu’elle voulait procéder cette année à une phase de test, et était prête à n’emporter avec elle qu’un seul élève. Justin. La réponse fut naturellement « oui », mais accompagnée d’un très profond soupire.
L’annonce eut lieu quelques jours plus tard, en classe. Claude Duvanel expliqua aux élèves son projet. Elle avait besoin d’un volontaire. Elle ne regarda qu’un adolescent, le fixant de ses yeux jusqu’à ce qu’il daigne comprendre et lever la main pour se proposer. Et tant pis pour les autres qui auraient bien voulu être du voyage. Toute la procédure de sélection était truquée à la base, mais personne ne songea à la contester. Il y avait des privilèges de chaton qui n’étaient pas discutables.
Fier petit minet débrouillard, Justin assura lui-même avec une certaine assurance la procédure d’embarquement à la machine et l’enregistrement en soute du gros sac de sa prof.
« C’est fou, depuis qu’ils ont virés les hôtesses et qu’ils ont imposé l’automatisation et le démerde-toi, les chatons doivent tout faire eux-mêmes ! Dingue ! Hop, attendez, j’vais poser votre sac sur le tapis ! »
À la sécurité, Justin galéra à enlever ses grosses chaussures et oublia de sortir son petit PC portable de son sac, ce qui lui valut un contrôle plus poussé à base de palpation qui le chatouillèrent et le firent rire. Un rire grinçant. Bras écartés et en chaussettes, tout juste s’autorisa-t-il une petite remarque devant la vigile en plein travail :
« C’est dingue, à chaque fois ça m’arrive ! Faudrait que je fasse payer, en fait ! Trois euros la palpation, cinq sans le t-shirt, avec un Kinder Bueno en prime. Putain, si j’fais ça, j’suis sûr que j’deviens riche… En Kinder Bueno. Le début de la fortune ! »
Malheureusement pour le pauvre adolescent, son trait d’humour ne fit pas rigoler la professionnelle de la sécurité, qui ne décrocha pas un sourire, et refusa sans un mot de payer sa dime. En guise de consolation, Claude Duvanel lui acheta un pain au chocolat au café à côté du marchand de journaux, dans lequel il mordit à pleines dents, se goinfrant jusqu’à s’en barbouiller la figure.
Puis, après une demi-heure d’attente, les deux voyageurs purent monter dans l’avion. Quelques recommandations de sécurité plus tard, l’appareil décolla pour un vol de trois heures, entrecoupé exclusivement d’un plateau repas à la qualité plus que douteuse qui fit sincèrement grimacer le lycéen. Lui, il avait signé pour un voyage scolaire, pas pour servir de cobaye à des actionnaires en aéronautique qui voulaient tester de nouvelles manières de faire baisser les coûts, au détriment des papilles d’un animal innocent ! Parce que franchement, cette sorte de tartine pizza mal décongelée à moitié tiède sans goût, elle était dégueulasse.
Entendant ses ronronnements déçus, sa professeure en profita lui tendit un paquet de biscuits, dont Justin s’empara en souriant du bout des doigts. Ce fut l’occasion pour Claude d’aborder un sujet qui lui titillait l’esprit depuis tout à l’heure : les ongles de son jeune apprenant.
« Dis-moi, Justin, d’habitude, au lycée, tu ne te mets pas de vernis, non ? »
Plaçant le dos de sa douce main droite, les doigts écartés les uns des autres, à hauteur de ses yeux, l’adolescent acquiesça d’un air ravi et taquin. Il adorait cette couleur violette légèrement brillante qui allait avec ses cheveux. Fier, il expliqua sans peine la raison de cette petite fantaisie.
« En classe, j’essaie de pas trop abuser ! Déjà, les cheveux, limite je me torche les fesses avec le règlement, et ça en énerve certains qui râlent dans mon dos parce que je me le permets ! Donc si je me ramène avec les griffes colorées, ils ne vont pas supporter ! Mais j’aime bien, je trouve que ça me va bien, donc quand je peux, j’essaie d’assortir un peu ! »
Le large sourire et les yeux pétillants qui accompagnèrent cette dernière phrase poussèrent Claude à acquiescer. En effet, cela lui allait bien. Et même si à la maison, en tant que mère, elle faisait tout son possible pour empêcher ses propres filles – surtout la plus jeune d’à peine douze ans – d’user de ce type de parure, elle ne trouva rien à redire devant le naturel de son élève. À lui, ça allait vraiment très bien. Ne restait plus qu’à espérer que cela ne choque pas trop les Suédois. C’est qu’elle comptait fortement sur son meilleur élève pour faire bonne figure. La réussite de son projet dépendait énormément de son comportement. Ce n’était pas pour rien si elle l’avait choisi lui et son petit rire malicieux et charmeur. Il fallait convaincre le lycée partenaire d’accueillir l’année prochaine une dizaine de jeunes, et d’en envoyer tout autant en échange. Tout en jouant de manière idiomatique à un jeu débile sur son téléphone, Justin écouta toutes les paroles de l’adulte et s’autorisa même plusieurs questions qui lui brulaient les lèvres depuis des semaines et qu’il avait gardés au chaud pour ce petit face à face dans les nuages, histoire d’avoir de quoi s’occuper un peu pendant le trajet. Où dormiraient-ils ? Quel était le programme ? Pourquoi-lui et pas un autre ? Qu’est-ce qu’il devait faire exactement ? Il assisterait à des cours ? Parce qu’il voulait bien, mais il ne parlait pas du tout suédois. Les seuls mots qu’il connaissait dans le dialecte local, c’était « Hej ! » qui voulait dire « Salut ! » et « Mjau », qui voulait dire « Miaou », un terme qu’il connaissait en bon polymiaouglotte dans plus de quinze langues.
Le naturel de la remarque amusa l’adulte, qui répondit à toutes ses questions dans le désordre dans une seule longue tirade seulement interrompue ici et là par quelques ronronnements ou demandes de précisions.
Vu qu’ils n’étaient que deux, ils dormiraient chez sa confrère Franciska Eklund. Claudie l’avait rencontrée sur les bancs de la fac. Amoureuse de la langue de Molière, Franciska avait décidé de l’apprendre directement dans l’hexagone. Les deux amies étaient vite devenues inséparables, et même si leurs amours respectifs avaient fini par les éloigner – Franciska était rentrée au pays enseigner le français dans un lycée de Stockholm, Claude avait atterri en Suisse à la suite de son époux –, elles étaient restées bonnes copines, se parlaient presque tous les mois sur Skype et se voyaient au moins une fois par an, dans leurs contrées respectives ou à l’autre bout du monde, quand elles s’y donnaient rendez-vous. C’était Franciska qui avait eu l’idée de cet échange scolaire. Le français n’était pas la matière la plus à la mode et elle peinait à motiver les troupes. Heureusement, ses deux enfants qu’elle avait biberonnés depuis leur plus jeune âge à Camus, Maupassant, Apollinaire et Jules Vernes avaient intégré le club « francophonie » du bahut, composé de peu de membres mais tous presque bilingues. C’était pour cette petite bande qui manquait cruellement d’occasions de s’exercer en condition réelle qu’elle voulait mettre en place un tel programme. Et le rôle de Justin était tout trouvé : faire bonne figure devant les adultes en lâchant un de ses sourires dont il avait le secret, devenir copain avec la troupe, leur donner envie de voyager en Suisse et, si possible, continuer à correspondre avec eux après ce court séjour. Autant dire que le chaton avait pour consigne de ne pas parler anglais ni de s’exprimer exclusivement en miaulement comme il aimait tant le faire, sans quoi le voyage aurait peu d’intérêt. S’il ne comprenait pas quelque chose, il devait demander à ses camarades une traduction, voilà tout.
« Miaou ! Euh, compris, madame ! »
À côté, si l’intérêt pour les petits Suédois était de pratiquer une autre langue que la leur, il fallait bien que leurs homologues qui usaient leur culotte sur des chaises en Rhodanie trouve un gain culturel à l’échange. Sur les cinq jours à venir, Justin en passerait au moins deux en cours pour découvrir le système scolaire suédois. Pour le reste, le 13 décembre étant chômé en Suède, lui et sa professeure se baladeraient avec la famille Eklund. Enfin, Franciska avait organisé pour le jeudi une journée musée pour ses élèves, à laquelle il était naturellement convié. Le programme était chargé et devait servir de base à Claude pour convaincre le directeur de la richesse culturelle du périple et ainsi généraliser l’aventure les prochaines années.
Pour finir, la professeure de lettres s’attaqua à l’interrogation la plus importante. Pourquoi un adolescent-chaton-rêveur aux cheveux colorés ? Pourquoi celui-là, précisément ?
« Je t’ai choisi pour trois raisons. La première, c’est que tu es mon meilleur élève et du fait, mon meilleur petit ambassadeur. Tu arrives à générer de la sympathie chez les gens. Tu es gentil, calme et intentionné, mais suffisamment caractériel pour assumer ta personnalité. Une personnalité qui ne rend personne indifférent et que, souvent, les gens adorent ! »
Devant tant de compliments, coupés par l’annonce du chef de cabine qui annonçait un atterrissage proche et demandait à relever les sièges et tablettes, Justin vit ses joues se tinter de la douceur de l’ocre, qu’il accompagna d’un « Miaou » timide et surpris, indiquant avec sincérité que les mots le touchaient. Reprenant sa respiration et hésitant quelques secondes, Claude poursuivit son explication :
« Ensuite, tu as déjà une petite expérience des échanges scolaires. J’ai eu d’excellent échos de madame Humbert au sujet de ton voyage l’année dernière à Brighton. Tout le monde sur place semble avoir loué ton comportement. Malgré tes cheveux colorés. »
Ça, c’était bien vrai. Justin avait eu la chance de pouvoir passer plusieurs semaines en Angleterre, en plein milieu de la première. En fait, il avait même été un peu forcé. C’était dans sa période mélancolique où ses professeurs avaient décidé de lui faire voir un peu de pays, dans l’espoir de lui redonner un peu de joie de vivre. Sur place, il s’était fait de nombreux amis et gardait de l’expérience de très bons souvenirs, comme sa visite avec Bryan du Royal Pavilion où de ses parties de jeu vidéo avec Rei. Mais comme disait l’adage, ça, c’était une autre histoire qu’il avait consigné en un poème dans son carnet usé qu’il traînait toujours avec lui dans son sac à dos. « Recueil Justinien de pensées chatonnes et de poésies », qu’il se nommait, comme il l’avait écrit de sa plus belle et ronde écriture dans une profonde encre noire sur la couverture marron clair. L’ouvrage présentait encore plusieurs pages blanches. Justin comptait bien sur son voyage en Suède pour les recouvrir de vers et de rimes.
« Enfin, tout ça, ce sont les raisons officielles. Pour être tout à fait honnête avec toi, Justin, il y a aussi une motivation plus personnelle à mon choix, liée aux gens que tu vas rencontrer. C’est difficile à expliquer, et j’espère que tu ne m’en voudras pas, mais par rapport à ce que tu as traversé, ton sens du contact et ta générosité surtout, je pense que… »
L’adolescent coupa sèchement sa professeure.
« N’en dites pas plus, s’il vous plait… »
Étonnée, Claude Duvanel eut un mouvement de recul, prétendument causé par une turbulence aérienne. Il était rare que Justin soit aussi ferme. Cela détonnait, d’ailleurs, avec son expression. Ses yeux pâles et légèrement humides clignaient doucement. Son regard, rendu inexpressif par l’intense réflexion en cours dans son cerveau fixait le dossier devant lui. Ses lèvres, par contre, étaient toujours aussi souriantes et orientées vers les nuages, qui enfin étaient repassés au-dessus de la lourde carlingue. Il était calme et pensif. Songeur. Toujours aussi doux. Puis, se rendant compte que quelque chose n’allait pas, il eut un sursaut, ou plutôt un petit tremblement, avant de se tourner vers l’adulte qui l’accompagnait. Ses paupières resserrées, il afficha un large sourire enjoué qui accompagna quelques mots rassurants.
« Si ça ne vous dérange pas, je voudrais deviner par moi-même ! Si vous me dites tout de suite ce que vous attendez de moi, je risque de ne pas agir naturellement ! Je préfère comprendre directement à leur contact pourquoi vous avez pensé que je serais le bon. »
Foutue dépressurisation et foutu air sec dans cette cabine aux sièges trop petits. À cause de la gêne provoquée par ces conditions de voyage désastreuses, Claude se retrouva obligée de fouiller dans son sac à main à la recherche d’un petit mouchoir, afin de s’essuyer le coin de son œil. Au moins, elle savait pourquoi elle n’avait jamais douté. En embarquant avec elle ce gamin bien trop intelligent pour son âge et pour son physique chétif, elle avait fait le bon choix.
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canardventriloque · 6 years
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L’angoisse existentielle d’un épouvantail
Un épouvantail est en fuite depuis qu'il a réalisé son existence, il court à vive allure de part les champs. C'est qu'il recherche ses amis les corbeaux. Ils ne viennent plus le voir depuis qu'il s'anime. Il ne faisait pas bien peur avant et les corbeaux ne s'en inquiétaient pas, du reste ils ont l'habitude de ces vieilles farces de paysan. Mais depuis qu'il bouge, c'est une toute autre affaire et tous ont fuis en le voyant arriver. Le pauvre, il était si heureux de pouvoir enfin aller les voir, il avait tant de choses à leur dire, lui qui avait passé tant d'années dans le silence à les écouter croasser, sagement. Il voudrait rattraper le temps perdu ! Seulement voilà, ce n'est pas une mince affaire. Il ne s'en sortira pas, il le comprit bien. Personne ne veut devenir ami avec un épouvantail.
Il alla s'adosser contre le tronc d'un vieux saule, méditatif. Il eut cette réflexion : on m'a conçus pour ressembler à un homme et effrayer les oiseaux, voilà un rôle bien limité. Mes vêtements sont déchirés, mon nez tordu et quand je m'agite de la paille s'éparpille de tous les côtés ! Je ressemble à un navire qui prend l'eau. Du reste, je ne sais même pas ce qu'est un navire. Que vais-je faire de ma vie ?
Comme pour accompagner sa tourmente, le vent s'agite et fait danser les branches du vieux saule. Affolé par ce tumulte bruissant, l'épouvantail se redresse. Il contempla le saule. En absorba toutes les nuances et les détails : du creux de ses racines profondément enfuies à la rainure de ses fines feuilles ployées. Quelle arbre magnifique à l'air si triste pensa t-il. Je crois qu'on appelle cela un saule pleureur ! Un silence plane en guise de réponse. Le vent s'est arrêté de geindre. Quelques feuilles semblent alors tomber à terre.
L'épouvantail eut alors cette pensée : on dirait que ces feuilles qui tombent sont des larmes qui s'égouttent.
Cela en est assez ! Tu n'y es pas du tout jeune insolent !
Effrayé par le vrombissement tonitruant qu'il a perçu du sol et qui répand en lui ces paroles, l'épouvantail ne sait où se mettre.
Qui va là ?
C'est moi le saule !
Le sol ? Comment ça va depuis le temps ?
Mais non écoute sombre crétin, c'est moi l'arbre en face de toi.
Diantre, un saule qui parle à travers le sol.
Oui et alors ? Moi je ne fais pas tout un plat d'un épouvantail vivant.
Les arbres mangent les épouvantails ?
Désolé.
Ressens mes vibrations, écoute et tais-toi. On me surnomme le saule pleureur, pourtant je ne verse jamais une larme, je suis dur et sec comme l'��corce qui me sert d'armure ! Et je suis un arbre fier, l'un des plus beaux qui soient. Alors quand je vois tous ces poèmes et toutes ces métaphores mielleuses qui me réduisent à la plus médiocre mélancolie... Je ne puis supporter davantage cette infamie ! Cette réputation est imméritée et elle ne me sied guère ! Du respect pour les anciens parbleu ! J'ai bientôt 203 ans et on voudrait me faire croire que je pleurs depuis aussi longtemps ? La terre aurait été bien inondée depuis le temps. Ce sont certes mes ancêtres qui ont provoqué le déluge, mais c'était dans un lointain jadis. Nous ne pleurons plus. Nous avons trop soufferts pour pleurer encore. Et nous sommes devenus aride et solide ! Alors, quand je t'entends palabrer ainsi, je ne peux m'empêcher de m'emporter et de vociférer férocement dans le sol !
Les dernières paroles du vieux saule font trembler jusqu'à la paille la plus profondément enfouie de l'épouvantail.
Calmez-vous, vous me faites perdre mon accoutrement...
Je n'en ai que faire ! Du balais ! Ouste ! D'ailleurs, tu serais bien plus utile en balais magique qu'en épouvantail geignant ! Va donc retrouver la sorcière qui vit dans les montagnes, elle se fera un plaisir de te voir et vous serez sûrement très bon amis. Allez, laisse-moi tranquille !
L'épouvantail n'insista pas. Vexé, il se retira jusqu'au ruisseau pour contempler son reflet et verser quelques larmes. En se mélangeant aux flots, les larmes formaient comme de petits joyaux brillant qui s'écoulaient à la surface du ruisseau. Chaque larme qui tombait apportait une mélodie nouvelle à la symphonie de l'eau. Tout était calme et distendu. L'air s'emplissait de soupirs.
Personne ne veut de moi, les corbeaux se sont enfuis au loin et je me fais chasser par les vieux arbres ! Hors de question d'aller voir les humains, je les connais bien trop, ces gredins me brûleraient aussi tôt trouvé. Ils sont bien trop farouches à la magie, comme les corbeaux ! Je n'ai nulle part où aller ! Mon existence prend à peine son départ que déjà je hurle de désespoir. Est-ce donc cela qu'on appelle l'angoisse existentielle ?
Non ce n'est pas ça.
Ah bon.
Oui.
L'épouvantail sursauta en projetant une gerbe d'écume qui troubla le calme de l'eau.
Oh non gros, t'as pourris mon flow, je vais devoir recommencer depuis le début.
Mais qui me parle.
C'est moi, le ruisseau. Je te parle à travers l'eau qui est en toi. Je te suis depuis la dernière pluie à vrai dire, mais on ne peut bien m'entendre que si l'on prête l'oreille à mes abords.
Oh je vois, après l'arbre grincheux, le ruisseau philosophe.
Pourquoi philosophe ?
Vous semblez tout savoir de l'angoisse existentielle.
Ah ça. Tu sais, quand on reçoit autant de larmes en son antre depuis des temps immémoriaux, il est normal qu'on acquiert certaines expériences de la vie et qu'on comprenne beaucoup de choses.
Ah oui ? Moi je ne comprends rien. Ce matin il faisait soleil, j'étais heureux de vivre et je bondissais par monts et par vaux et maintenant j'ai mal à mon âme.
Oh, tu pars loin l'épouvantail...
Il se passe un temps, durant lequel le ruisseau tâtonne à retrouver son flow. L'épouvantail fixe le vide, sans rien dire.
Tu sais l'épouvantail, tout à l'heure tu étais vexé par le vieux saule, mais moi aussi je suis vexé pourtant je n'en fais pas tout un plat.
Vous aussi vous cuisinez ?
Désolé.
Tu m'as appelé le philosophe, mais je ne suis pas un philosophe et je n'ai aucune prétention à l'être ! Moi, je suis un musicien, que dis-je, un chef d'orchestre ! Écoute un peu ma mélodie.
J'écoute.
Le ruisseau compose avec minutie ses gammes aquatiques. L'épouvantail entend des bloubloutements, des coagulations, des petites cascades enchanteresses et des libellules qui se tiennent graves au-dessus de l'eau. Il lui faut tendre l'oreille plus attentivement encore pour discerner la mélodie profonde du ruisseau. Cette tâche l'immerge totalement.  
Alors, qu'en penses-tu ? Les humains eux-mêmes ne peuvent m'égaler ! Ils font, cela dit, de très bonnes musiques ces humains, mais ils ne me maîtrisent pas assez bien pour comprendre toute l'essence de la mélodie dans sa pureté cristalline ! Alors, que réponds-tu ?
Tout cette eau qui coule... éveille un ruisseau en moi...
Que veux-tu dire ?
Je ne sais pas, je n'avais jamais ressentis cela.
Le ruisseau semble réfléchir. Cela est bien difficile pour lui, il ne peut prendre aucune pause pour se plonger dans ses pensées, pour cela il doit attendre l'hiver et le moment du gel. Du reste, un ruisseau qui plonge en lui-même...
Dis-moi, les épouvantails ne peuvent pas uriner j'espère..
Je sens quelque chose de chaud...
Oh non... voilà, je veux être sympathique et comme toujours ça finit comme ça. Hier c'était les vaches, je m'en accommode, mais là un épouvantail s'en est trop ! Va donc retrouver la sorcière, il n'y a que elle qui saura te consoler et te supporter ! Et à l'avenir, fais ça contre un tronc d'arbre comme tout le monde ! Le vieux saule en serait tout content d'ailleurs...
Que veux-tu dire ?
Il est un peu lubrique, tu sais à son âge... allez du balais !
Et l'épouvantail reprit son chemin. Mais quelle chemin ? Il lui fallait en inventer un, alors il bondit à travers champs. Il arriva à une forêt, mais eut peur des arbres et s'en détourna. Il arriva aux montagnes, mais eut peur de la sorcière qui vivait par là-bas et s'en détourna. Il arriva à un pont qui enjambait un fleuve, mais eut peur de le traverser à cause de l'eau en contrebas. Il arriva à une ville pleine de fourmillement, mais eut peur de s'y aventurer à cause des humains qui le terrifiaient et s'en détourna.
Vraiment, je n'ai nulle part où aller.
Il allait se poser sur un rocher mais se ravisa, par peur qu'il ne s'éveille lui aussi et qu'il lui cause d'autres désagréments, aussi il se détourna à nouveau.
Finalement, il revint à son point d'origine, là où il était planté avant et s'y ficha de nouveau, en espérant amèrement pouvoir retourner à son état premier.
C'est un peu comme si je retournais dans le ventre de ma mère, dans le liquide nourricier.
Mais il ne se retransforma pas. La terre était sèche et il eut du mal à s'y maintenir. Il tomba plusieurs fois et finit par renoncer.
La vie est bien difficile. N'y a t-il donc nul lieu où je puisse être en paix ? Je refuse tout le reste : les ami-e-s, la compagnie, les courses folles dans les champs... Pourvu que j'ai au moins un refuge. C'est tout ce que je demande, mais rien ne m'est permis. Je n'ai qu'à aller voir la sorcière, peut-être en balais serais-je enfin heureux.  
Et il se dit du balais à lui-même.
Son périple le mena loin, la sorcière était introuvable et le relief escarpé était une sinécure à son pauvre et unique pied d'épouvantail. Il se brisa et dégringola jusqu'au bas de la montagne qu'il avait péniblement escaladé durant des jours et des nuits entières sans jamais renoncer. Il s'était pris d'un entêtement aveugle. Il avait soif de sens. Sa chute, bien que spectaculaire, ne fut pas mortelle. En revanche, elle le fut pour sa raison. Brisé en deux parties nichées dans le nid de sa propre paille, il se parlait à lui-même.
Alors, on dirait qu'on s'est brisé en deux vieux tas de brindilles et de bouts de bois ?
Il semble bien mon frère.
Au moins nous ne sommes plus seuls.
Oui c'est bien vrai, seulement, nous ne sommes plus qu'une moitié de l'un de l'autre. Ce qui veut dire que non seulement nous sommes toujours seuls, mais en plus nous sommes deux à l'être !
Ce que tu dis là est bien compliqué mon frère, mais, sans que je ne m'explique pourquoi, cela semble prendre sens.
Douterais-tu de ma probité intellectuelle ?
Je n'oserais pas mon frère.
Bien. Qu'allons-nous faire maintenant ? Nous ne trouverons jamais la sorcière dans ces conditions...
Oui je crois bien. Je crois même que jamais nous ne nous relèverons après une chute pareille.
Sacré dégringolade.
Tu l'as dit.
Je crois même que nous avons effrayé une famille d'écureuils à un moment.
Ah oui ? C'était donc ça les petits cris plaintifs... J'espère qu'ils n'ont rien.
Je crois qu'ils s'en tireront. Un écureuil c'est solide !
Tu penses mon frère ?
Évidemment, les écureuils cassent des noisettes. Et les noisettes c'est très dur !
Ah... ne m'en parlez pas.
Alors tu penses bien que pour être capable d'une telle chose il faut être très solide !
Tu dois avoir raison.
Et eux ne se briseraient certainement pas en deux !
Oui, c'est bien vrai... nous sommes bien faibles...
Et oui...
Dis moi mon frère, ne serait-ce pas du sang que j'aperçois là ?
Du sang ? Voyons, un épouvantail ne saigne pas imbécile.
Oui je veux bien te croire seulement, en principe, deux bouts d'épouvantail ne parlent pas non plus.
Je veux bien te croire.
En fait, je pense que c'est une patte d'écureuil arraché que tu as là.
Où ça là ?
Ne vois tu pas ? C'est sur ton front.
Ah bon.
T'as l'air malin.
Comment veux tu que je vois mon front en même temps.
Pauvres écureuils...
C'est le destin...
Oui, peut-être...
Tu crois que les épouvantails causent beaucoup de morts ?
Hm, je ne crois pas, du moins pas à ma connaissance. Ou alors seulement ceux qui tombent des montagnes.
Vous avez des paroles pleines de bon sens mon chère frère.
Les deux frères discutaillaient vainement ainsi et plusieurs mois s'écoulèrent. Ils s'étaient ancrés dans un creux de roche dont leur paille tapissait le moindre recoin. Cela semblait y faire un coin convenable pour une famille d'hirondelles qui passait par là et elle s'y installa pour élever ses petits oisillons qui piaillaient famine.
Les deux frères étaient enfin heureux de n'être plus seuls à deux et ils veillèrent sur leur petite famille avec chaleur et dévotion.
La sorcière, qui vint à passer par là, récolta un peu de paille pour son balais et bientôt ils eurent un troisième frère qui, dit-on, avait fait le tour du monde avec elle.
Les dîners de famille étaient rares, mais chacun pensait à l'autre et sans qu'on ne sut se l'expliquer, chacun savait toujours tout sur ces êtres qu'on aime.
Lorsque finalement, après une longue et heureuse vie, ce qui restait de l'épouvantail fut dispersé au quatre vents et que de son esprit il ne resta plus rien, le vieux saule pleura pour de vrai. Comprenez, l’épouvantail était une de ses branches. Il n'avait pas osé lui dire, trop habitué à être rustre. Sans qu'il n'y eut de déluge, le ruisseau sortit de son lit pour joindre le vieux saule dans son deuil. Et depuis, dans ce coin du bout du monde, on peut voir le spectacle étrange d'un saule pleureur réconforté par un cours d'eau. Quand vient le printemps, le pollen du saule se répand jusqu'à l'océan. À ce moment là, on dit que si l'on tend suffisamment l'oreille au cours de la rivière, on peut entendre l'eau et le pollen souffler en chœur des poèmes d'un doux mielleux. 
- écrit dans la nuit du 18/01/2018 au 19/01/2018 -  
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ulysse-m · 6 years
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Sweeney Todd: le diabolique barbier de Fleet Street
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Il s'agit du treizième long-métrage de Tim Burton, le sixième avec Johnny Depp en tant que premier rôle masculin. Il a la particularité d'être une comédie musicale et est tiré d'une pièce musicale de 1979 inspirée de la légende londonienne éponyme.
Synopsis
Benjamin Barker (Johnny Depp), barbier londonien, est jeté injustement en prison par le juge Turpin (Alan Rickman) qui lui vole femme et fille. Quinze ans plus tard, il parvient à s'échapper avec l'aide d'Anthony (Jamie Campbell Bower) et souhaite se venger. Mrs Lovett (Helena Bonham Carter) lui apprend que sa femme est morte et sa fille, Johanna, est enfermée dans le manoir de Turpin. Baker se renomme Sweeney Todd et fera tout pour retrouver sa famille, quitte à égorger les badauds londoniens pour qu'ils se retrouvent dans les tourtes de Mrs Lovett...
1 /Un film d'apparence fidèle à l'univers de Burton
A. Une esthétique burtonienne au service de la mise en scène
Sweeney Todd semble être à première vue un pur film burtonien qui reprend des caractéristiques propres au style du réalisateur : humour noir, décors victoriens, visages cireux et émaciés, brume et paysages torturés... Les décors nous mettent dans le bain dès le début, grâce au talent de Dante Ferretti avec un Londres étouffant dans un brouillard permanent, les chaumières lugubres poussent notre regard vers les rues, sombre dédale rempli de Londoniens miséreux ou trop riches. Tout est gris et aucune lumière ne parvient à combattre l'obscurité de la ville.
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Le travail esthétique mené dans Sweeney Todd n'est pas une exception aux films de Burton. Déjà, dans les Noces Funèbres la vie était morne et froide tandis que le monde des morts était régi par les couleurs fluorescentes et des jazzmen squelettiques. Les seules lumières qui émanent dans Sweeney Todd sont celles des souvenirs de Mr. Todd (avec l'utilisation forte du sépia) et les désirs de famille de Mrs Lovett : ces plans lumineux ne sont pas fait pour durer car prennent racine dans la nostalgie ou dans des rêves. Cette évanescence lumineuse renforce le contraste avec la réalité amère (un enfant roux de onze ans est pendu pour vol, sans preuve) où seul le rouge du sang déteint sur le noir et le gris.
Cette esthétique semble corroborer avec le message voulu de Burton : les rêves de Mrs Lovett rappellent les maisons pastel et la superficialité de la petite bourgade dans Edward aux Mains d'argent qui cache les maux de la société : cette dernière, dopée à la consommation dans Edward aux Mains d'argent est mauvaise et corrompue face à la pureté d'Edward quand, Mrs Lovett, est incapable de concilier ses rêves familiaux avec son amour pour Mr Todd.
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B. Les idéaux-types burtoniens rassemblés
Sweeney Todd regroupe également les grandes idées propres à tous les films de Burton : le mystère, le conte, les images canoniques du romantisme et les légendes médiévales...
En effet, Sweeney Todd n'échappe pas à l'idée du conte : Johanna est enfermée dans une tour (maison du juge Turpin) avec une unique fenêtre par laquelle on peut la voir, qui attend éperdumment son prince charmant (Anthony). Elle bafoue les règles comme la princesse en donnant la clé de sa maison au prince pour qu'il vienne la sauver. De plus, à ses côtés, se trouve l'image canonique de l'oiseau en cage i.e la princesse qui attend de s'envoler (Johanna chantera Green finch and linnet bird). Cela a un écho particulièrement intéressant si on pense au personnage de Sally dans L'étrange Noël de Mr. Jack (de Selick, avec Burton au scénario) qui sera dans la même situation.
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Par ailleurs, les lieux sont également importants dans l'univers de Burton. Ici, le grenier sert de scène de massacre dans Sweeney Todd, lieu où le barbier peut satisfaire ses pulsions meurtrières. Dans Edward aux Mains d'argent, le grenier est également le lieu du marginalisé, de l'homme-machine et qui se transformera aussi en scène de crime avec la mort de Jim. Bref, Sweeney Todd répond aux axiomes burtoniens.
2/ Un film qui arrive à s'émanciper de cet univers
A. Une forme atypique de mise en scène et de scénario
Burton a pris le risque de faire un film musical et ceci accompagne tout le film (vingt chansons au total). Certains ont pu être déçu mais cette idée de mise en scène rajoute de la profondeur aux personnages : ainsi la relation Johanna-Anthony sera plus convaincante, la noirceur d'esprit de Turpin se verra être nuancée par sa volonté d'être bien vu par autrui, etc... C'est par les musiques que le fil directeur de la musique se fait : l'amour de Mrs Lovett, la nostalgie de Mr. Todd et sa haine pour Londres... Tout ceci contribue à faire de Sweeney Todd le chef-d'oeuvre de Tim Burton (je reviendrai dessus plus tard).
A contrario des autres films de Burton, Sweeney Todd parvient à convaincre le spectateur de la volonté de Burton à créer un univers sombre et tragique, idée qu'il a toujours eu mais qui était peu exploitée du fait des happy-end récurrents : Les Noces Funèbres se termine par la victoire de l'amour, Edward aux Mains d'argent sur une fin douce-amère avec un retour à la marginalisation d'Edward teintée d'amour, Sleepy Hollow par la résolution de l'enquête etc. Sweeney Todd est le plus convaincant de tous et ceci passe par la volonté d'ôter toute joyeuseté (si ce n'est dans les chansons) dans la trame de l'histoire avec une violence omniprésente (Sacha Baron Cohen tué à coups de théière et de rasoirs bien sentis) où le sang sort de l'aorte en un feu d'artifices groseille. Mr Todd est le personnage burtonien torturé le mieux réussi (chapeau bas à Johnny Depp). De ce parti pris, on peut ressentir une certaine jouissance jusqu'alors cachée, puisque tout ce qui animait l'univers burtonien est à son paroxysme par cette volonté de se départir de toute retenue : les Londoniens se régalent en mangeant leurs pairs, ignorants l'origine des tourtes made in London.
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B. Un film beaucoup plus riche que les autres films de Tim Burton
La force de Sweeney Todd est d'alterner la légèreté des chansons (The worst pies in London) et le tragique qui grossit peu à peu, annihilant toute gaieté : on comprend assez vite que Toby devra mourir par exemple. Mais cette profondeur tragique prend racine dans deux idées qui s'enchevêtrent : une influence shakespearienne et le dénouement final.
Déjà, on peut rapprocher Sweeney Todd du Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas dont l'histoire est étrangement similaire. De plus, en restant dans la littérature canonique, il semblerait que Sweeney Todd ait été influencé par l'oeuvre de Shakespeare et ceci se retrouve dans le dénouement final. En effet, Mr. Todd se venge en parvenant à égorger Turpin mais le voilà qui rencontre la mendiante de la rue qui lui dira « don't I know you ? » avant qu'il ne l'égorge. Puis, Anthony amène Johanna chez Mr. Todd (pour la mettre en « sécurité ») qui la tue presque, interrompu dans son action. Le voilà qui descend dans les fours de Mrs Lovett et tombe sur le cadavre de la mendiante, il s'aperçoit que c'est sa femme et que Mrs Lovett lui avait menti. Sans ménagement, il la jette dans le four et pleure sa défunte femme avant que Toby l'égorge : sa vengeance est belle et bien finie. Ce dénouement sanglant ressemble à celui du dernier acte d'Hamlet où tout le monde meurt, ou encore l'idée d'un Roméo et Juliette, que ce soit l'histoire de Johanna et Anthony, ou plus prononcée, le geste inconscient de Mr Todd : il tue sa femme sans le savoir (croyant qu'elle l'était) avant de mourir à ses côtés. Il serait donc un Roméo actif, porté par ses actions qui le mènent à sa perte comme le capitaine Macbeth dans Macbeth de Shakespeare. On pourra également penser à Tristan et Iseut où Mrs Lovett serait Iseut aux Blanches Mains. Quoiqu'il en soit,  Burton a réussi à immiscer les grandes trames tragiques de la littérature dans son œuvre permettant à cette dernière d'avoir une portée bien plus significative que dans les autres long-métrages du réalisateur.
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C. Sweeney Todd : un pari spinoziste ?
On pourrait prolonger l'analyse sous l'angle de Spinoza en voyant le personnage de Sweeney Todd comme le corps humain augmenté de potentialités i.e un corps augmenté avec une plus forte puissance permise par une hiérarchie ascendante pour reprendre Nietzsche, mue par la vengeance et reniant l'instinct de sécurité : sa volonté de puissance se retrouve augmentée. Ou, plus intéressant encore, Sweeney Todd est plein de puissance car son corps est prolongé et augmenté par ses rasoirs (jusqu'à leur trahison en tuant sa femme), ainsi il dira lorsqu'il les retrouvera pour la première fois « enfin mon bras m'a été rendu en entier ! » ; c'est peut-être là que réside la force du personnage : il ne fait appel à aucune fragilité (repousse l'amour de Mrs Lovett) et ne jure que par les rasoirs qui sont ses plus fidèles amis (My Friends sera une des chansons de Mr Todd) : il ne répond que par leur pouvoir libérateur, il peut (au sens spinoziste) se libérer grâce à l'action de ses rasoirs (l'assouvissement de sa vengeance). A partir de cette observation, on peut voir que la puissance permise par les lames de rasoir trahit Mr Todd et le mène à sa perte et, donc, l'humain augmenté n'est pas plus appréciable que l'humain dans ce film selon Burton (là où il était encensé dans Edward aux Mains d'Argent). C'est peut-être là que réside la beauté de Sweeney Todd : Burton nous montre que ses rêves d'humains et créatures augmentés ne sont pas épargnés des défauts humains. Finalement, la mélancolie et le merveilleux burtoniens ne sont que de vaines illusions.
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                                 Note: 10/10
Sweeney Todd de Tim Burton, 116 minutes
2007, Dreamworks SKG et Warner Bro.
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artmonielunaire · 7 years
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Tu sais, t'as l'air idiot comme ça, quand tu fais le dur, le donneur de leçons. Oui, t'as l'air idiot, quand tu fais le sans cœur, le sans émotions. Je le vois bien moi, que t'es tout sauf ça. Je ne sais pas ce qu'on est toi et moi, je ne le sais plus, peut-être ne l'ai-je jamais vraiment su. Je sais pas de quelle façon tu le fais, pourquoi tu le fais ou comment mais tu me fais du mal et tu me rends heureuse avec la même intensité. C'est fou, c'est dingue et ça me fait peur.
Je me souviens quand on s'est rencontré, je n'allais pas bien, peut-être que je ne vais toujours pas mieux, je n'en sais rien. C'est confus dans mon âme, dans mon cœur. Tu vois, je crois bien que toute ma vie j'aurais cette partie de moi qui criera, cette petite part d'ombre qui me soulèvera le cœur parfois, mon âme a connu la perte, la douleur, l'abandon peut-être à une trop grande intensité, je n'en sais rien. Mais voilà, j'ai cette part de tristesse en moi, cette mélancolie et elle fera toujours partie de moi, je le sais. Je crois que c'est ça qui a changé, ce n'est pas que ma douleur a disparu, c'est juste que j'ai appris à vivre avec. Je ne la vois plus comme une menace mais comme une part entière de mon âme. C'est ainsi la vie m'a touché, j'ai trébuché, je suis tombée mais je me suis relevée et c'est une grande victoire. Je crois bien que tu fais parti de ces personnes qui m'ont aidés sans même le savoir, alors merci pour ça.
T'es rentré dans ma vie sans que je ne le demande, sans que je le veuille d'ailleurs. Tu as juste été là et tu as attendu, je ne sais pas ce qui t'as pris, pourquoi tu l'as fais. J'ai tout fais pour que tu t'en ailles, je voulais que tu partes, je voulais que tu dégages. Je ne voulais pas penser à l'amour à toutes ces choses qu'on pouvait ressentir, tout ces bonheurs auxquels je ne voulais pas m'habituer, à ces malheurs que je redoutais. Je ne voulais pas penser à ça. Mais pourtant, t'as pas bougé. T'es resté là, à m'attendre, à écouter le silence chargé de mots que je te laissais. T'es resté et malgré tout mes efforts, tu n'as pas bougé. Je me suis rendue compte que je t'aimais un peu tard alors que toi tu le savais depuis longtemps. J'ai fais des erreurs, surement. Je suis humaine après tout. J'ai compris que je t'aimais et j'ai eu tellement peur de cela. Je ne voulais pas m'engager là-dedans, je ne voulais pas souffrir, je ne voulais pas de tout cela, j'avais cette peur qui me tordait le ventre, qui s'infiltrait dans mon esprit, qui me retenait au-dessus du vide mais pourtant, j'ai sauté.
J'ai sauté dans le vide et j'ai pensé m'écraser sur le sol, violemment, l'amour ça tue tu sais ? J'en ai vu des personnes se déchirer, se détruire, se haïr à en crever. J'ai vu les ravages de l'amour, j'ai vu les horreurs qu'il causait mais pourtant. Tu étais là pour me rattraper. C'est là que j'ai vu le beau coté de l'amour, ce coté que je connaissais, dont j'avais déjà entendu parler, j'avais écris dessus même. Mais je ne voulais pas y croire. Jusqu'à toi. J'y ai cru, de toutes mes forces, de toute mon âme. Tu m'as donné envie d'y croire. Tu m'as pas laissé le choix parce que t'étais là et t'étais beau, dieu qu'est ce que t'étais beau avec ton beau sourire confiant, tes beaux yeux et puis ta jolie petite âme. T'avais un sourire à illuminer le ciel même lors d'une éclipse solaire. C'est pour ça que je t'ai appelé mon soleil. Tu sais que ton prénom signifie l'homme qui dort au soleil ? Je l'ignorais jusqu'à maintenant comme quoi le foutu hasard fait parfois bien les choses. T'étais si lumineux et pourtant tu le voyais pas, tu ne pensais même pas être assez bien.
Tu m'as toujours trouvé mieux que toi, tu m'as toujours mise en avant, au dessus de tout le monde, de toi y compris. Mais je peux te le dire maintenant, tu es magnifique. Je ne parle pas seulement de la superficialité de ton enveloppe charnelle, je parle de ton âme. Je sais que tu en as douté et peut-être que tu en doutes encore et peut-être même que c'est de ma faute. Mais tu es merveilleux. Tu es un bel homme avec une belle âme. Tu n'es pas parfait. Loin de là même et c'est ce qui fait toute ta beauté. J'ai toujours aimé les défauts, les imperfections. Je leur trouve une telle pureté dans leur crainte d'être découverts. Comme si ils s'excusaient d'exister. Mais c'est beau un défaut c'est ce qui fait d'un être toute sa rareté. Tu m'as rendu heureuse, vraiment heureuse. Peut-être que je ne te le dis pas assez alors maintenant écoute moi bien, tu m'as rendu heureuse. J'ai été la plus heureuse des femmes. Ton amour m'a sauvé, il m'a rendu folle aussi, folle d'amour. Je t'ai aimé de toutes mes forces et de toute mon âme. Si tu savais à quel point, je ne sais même pas si tu l'imagines ou si tu t'en rends compte. Je t'ai aimé comme je n'ai jamais aimé. Tu vois tu n'es pas mon premier amour, le premier homme que j'ai aimé, mais tu es le seul qui a compté. Je te l'avais déjà dis, pour moi le premier amour n'est pas nécessairement le premier qui arrive sur ta route. T'es mon premier amour, c'est une place que tu auras toujours et que je ne pourrais jamais t'enlever.
J'ai cru que tu serais le dernier, je voulais avoir des enfants avec toi, une famille, une maison, peut-être un chien. C'est idiot n'est-ce pas ? C'est tellement pas moi. Moi qui aime le doux froid de l'hiver, la solitude, les longs textes et les silences qui s'éternisent. Moi qui ne voulais pas laisser quelqu'un entrer dans mon cœur comme tu l'as fais. Regarde ce que tu tu m'as fais faire. Je t'ai ouvert mon cœur et pire que tout, je t'ai invité à y entrer. Je ne voyais que toi et je n'aimais que toi. Je ne voyais mon avenir qu'avec toi. Je ne l'imaginais pas autrement. Tu sens le mais qui arrive ? Accroche toi, je te promets, ça ne va pas être si terrible.
La vie s'est compliqué, c'est pas un conte de fée, c'est pas facile, ça dépend pas de baguette magique ou de poussière de fée. Pour survivre à la vie il faut te battre, de toutes tes forces, avec tout ton courage. On s'est battu toi et moi, si fort. Mais la vie, cette cruelle vie nous a bousillé. Tu m'as fais du mal tu sais, beaucoup de mal et je t'en ai surement fais autant peut-être même plus. J'en suis tellement désolée. On dit que l'amour nous fait perdre la tête et c'est surement vrai. On est devenu complètement fou d'amour, on s'est détruit, on s'est anéanti. On ne supportait pas de se perdre alors on s'est fait encore plus de mal pour être marqué à jamais dans la peau, dans l’âme de l'autre. Je peux pas t'oublier. Je le sais, je le sens au fond de mon cœur. Je ne peux pas, j'y arrive pas. Tu m'as fais quoi ? Je fais la femme forte, qui passe à autre chose mais c'est complétement faux, j'y arrive pas, je ne veux pas. Je ne peux pas m'imaginer ma vie sans toi. J'suis idiote n'est-ce pas ? Faut croire que j'aime souffrir. C'est peut-être vrai, j'en sais rien, je sais plus.
Tu me fais mal. Si mal. T'as des mots qui me détruisent, t'as des paroles qui m'assassinent et des comportements qui me donnent envie de mourir. Je ne sais pas comment tu fais, tu sais appuyer là où ça fait mal. Exactement à l'endroit précis. C'est comme si il y avait une pancarte qui te disait, « c'est là, c'est juste là». Parfois, j'ai envie que tu dégages, que tu sortes pour de bon de ma vie mais ensuite je regrette parce que je me sens vide sans toi. J'sais pas comment tu fais pour jouer avec mon cœur ainsi. T'y arrives si bien, j'sais même pas si tu le fais exprès. J'ai mal mais sans toi, j'ai encore plus mal. C'est idiot, j'ai dis au monde que je te détestais et j'ai des milliers de raisons de le faire, j'en ai tellement. Mais pourtant, j'ai des milliards de raisons de t'aimer. Je t'aime et je te hais. Si fort, si passionnément. J'ai dis à tout le monde que je ne voulais plus jamais te voir qu'un truc c'était cassé, détruit en milles morceaux. Je leur ai dis. Je l'ai pensé. Tu m'as mis dans des colères monstres, dans une rage folle trop souvent. Je ne supportais plus de te voir ainsi.
Mais d'un autre coté, je ne peux pas imaginer ma vie sans toi, je ne sais même pas si j'arriverais un jour à aimer quelqu'un comme je t'ai aimé, je ne sais même pas si j'en ai l'envie, si j'en ai la force. Tes mots me transpercent le cœur et me le réchauffent en même temps. Tu peux me faire rire comme tu peux me faire pleurer et je te déteste pour cela. Je te déteste d'être aussi horrible et doux en même temps. Je te déteste parce que je t'aime malgré toutes tes erreurs, toutes tes horreurs. Je te déteste parce qu'on est tellement différents tout les deux et pourtant si semblables. Je te déteste toi et tes expressions bizarres, je te déteste toi et tes mots, je te déteste toi et ton sourire, je te déteste toi et ta manie de reprendre mes chansons préférées, je te déteste parce que parfois t'es vraiment qu'un sale gamin, je te déteste parce que tu as blessé certains de mes proches et moi aussi, je te déteste parce que t'es un manipulateur, je te déteste, je te déteste, je te déteste mais je t'aime.
Je t'aime et je peux pas m'en empêcher. Je crois bien que t'es le grand amour de ma vie, mon amour épique. Je crois bien que je ne peux rien faire contre cela. On est pas fais pour être ensemble, on ne doit pas être ensemble. On le sait pourtant. Mais voilà, je t'aime. Je t'aimerais toute ma vie, malgré mes doutes, malgré nos erreurs, malgré la douleur et les malheurs, malgré tout mes dires, malgré tout mes efforts pour te faire partir. Je t'aime et je ne sais plus quoi faire. Mais bordel, je t'aime.
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l-entremelemaux · 4 years
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Intimité d'un reconfinement #17#
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Chemin d'écume
Sentier de senteur
Le passage des sens
M'ouvre son coeur
son oeuvre
Traversée de pureté
De vapeur de volupté
Suivant ce son
Encore lointain
De ce voyage
De mélancolie
Mêlée de flûte
Les boutons de fleurs
Chuchotent à mon âme
Le chant du soleil
De la nuit
Elles me racontent
Leurs silences
Leurs différences
Ô Douce prêtresse orchidée du destin
Parle-moi
De la fleur d'or
Aux pétales lumineux
Tendre pensée
D'un chrysanthème
Reine mère nourrissière
Qui cède en sa bonté
Bouton d'or
Bouton d'amour
Bouton de paix
Bouton de soie
En soi
#texte et image protégés#
#Stéphanie Rodriguez#
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slevanatova-blog · 7 years
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Ce matin, je voyais encore et toujours la cruauté, la vengeance, l'hostilité, le sadisme, la brutalité, ou tout au mieux l'indifférence. Je ne parvenais plus à trouver la faille de la douceur dans la férocité de leur moue dure et barbare. J'aurais voulu trouver l'empathie, la compassion, la tendresse, ou au pire la nostalgie, la mélancolie ou la tristesse mais pas la brutalité de cette méchanceté qui vint me frapper au visage.
J'avais eu tord de penser qu'ils n'étaient pas tous pareils, je voyais autant d'humains pour si peu d'humanité; et je voyais dans le peu de cœur qu'il leur restait les mécréants enragés de la rancœur et de l'acharnement.
J'étais heureuse d'être ce que je suis, et il serait un crime d'oser clamer l'envie que je pouvais parfois porter sur leur médisance, et qui plus est, leur ignorance. Ceci dit, j'avoue avoir parfois voulu me mélanger à eux, être une de leur semblable, et ne plus sentir le poids de la différence, la sueur de mon incompatibilité, de mon manque d'aisance, de cette distance grandissante.
Je n'avais pas peur, je n'avais plus peur, ni honte de ne pas leur ressembler. Je les voyais parfois me regarder étrangement, ou utiliser les défenses de l'arrogance ou du mépris pour se protéger de l'inconnu tant redouté. Je mentirai si je disais que je ne leur en voulais pas, que je ne leur en voulais plus. Parce qu'au fond de moi j'avais toujours l'espoir qu'ils ouvrent les yeux sur la furie monarchique qui régnait dans leur cœur.
Dès que j'avais cru voir la mêmeté dans une attitude, ce fut un leurre; des que j'avais cru à l'exception, s'en était également un, car la différence se vit, se subie cruellement, elle ne se clame pas. Ces illusions étaient pour la plupart dues à cette fâcheuse habitude par laquelle j'imprégnais les âmes les plus douces de la noirceur bienveillante de la mienne, de sa mélancolie coulante, recouvrant avec plaisir les fresques de la banalité.
Les autres et quiconque clame sa singularité se veut en réalité être la plupart du temps un Homme des plus banals, qui par quelques situations disparates se sent un être à part, alors qu'il n'en est rien.
Le malaise est palpable, et pas toujours agréable. Les paysages flottent, les paroles vous glissent dessus sans ne plus vous atteindre, l'espoir se veut dilué dans la vase de l'ingratitude.
Je n'étais en sécurité nul part, et chacun de mes pas raisonnait différemment, chacune de mes paroles, meme la plus sure, était hésitante. Apeurée de se retrouver face à la consternation, l'inconnu, je mesurais tout, pourtant jamais assez puisque continuait de transparaître la profonde distance qui me séparait des autres.
A vrai dire ce qui était autre fois un malaise, devenait juste peu à peu de l'agacement intérieur. Meme devant l'arrogance ou la méchanceté, ma reponse ne sera jamais telle. Seulement j'étais fatiguée, exténuée de subir,d'infliger à la pureté de mon âme la doléances et la mécréance des leurs.
Accepter l'altérité des personnes qui m'entouraient étaient tout à fait différent que de devoir constater et observer la violence avec laquelle je devais accepter les fléaux de leur indignité : l'ignorance, La stupidité, La cruauté.
Mon pardon a toujours été accordé et il le sera toujours. Seulement a ce jour, ce n'est pas que je ne voulais plus pardonner, c'est juste que j'étais profondément lassée d'avoir à le faire.
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ownerzero · 4 years
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Série photographique « The bright shadow » par Marietta Varga
La série photographique de Marietta Varga intitulée The bright shadow est une réponse intime à l’interruption de sa vie professionnelle due à la pandémie de la Covid-19. Mélangeant les thèmes de la mélancolie et de la pureté, cette série onirique révèle … … Lire la suite facebook twitter pinterest Google + Source: journal-du-design
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