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tif-p · 4 months ago
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Hello,
Est-ce que vous pouvez me donner des avis sur mon premier chapitre svp ?
Chapitre 1
Le silence feutré de mon bureau, en cette fin de journée, était presque une caresse après la symphonie nerveuse des téléphones et des idées qui avaient empli l'agence toute la journée. Vingt-huit ans. Déjà. Parfois, lorsque je m'arrêtais un instant devant la grande baie vitrée de mon bureau, dominant le tumulte de la ville, une pensée fugace me traversait l'esprit : tout ça, je l'ai construit. Seule. Et cette solitude, paradoxalement, était devenue mon plus sûr rempart.
Ce soir, après une réunion particulièrement éprouvante avec un client aux exigences irréalistes, j'avais dénoué le chignon strict qui disciplinait mes longs cheveux blonds. Ils ondulaient librement sur mes épaules, une cascade claire que je laissais rarement s'exprimer en public. Devant le reflet sombre de la vitre, j'ai croisé ma silhouette. La fatigue se lisait légèrement sous mes yeux vert noisette, habituellement si vifs. La robe de soie bleu nuit, que j'avais portée pour l'occasion, moulait ma silhouette élancée, une présence que j'avais appris à imposer dans les salles de réunion. Il y avait une assurance dans mon maintien, une détermination dans le léger serrement de mes lèvres, qui dissuadait souvent les tentatives de familiarité excessive. C'était mon armure, celle que j'avais forgée à force de travail et de méfiance.
La porte de mon bureau a timidement grincé, et Aymeric est apparu, son éternelle mèche rebelle tombant sur ses yeux bleus rêveurs. Il tenait son téléphone à la main, un air presque suppliant. Aymeric, avec son talent brut et sa loyauté sans faille, était une de ces rares exceptions à ma règle d'or. Je lui accordais une confiance instinctive, peut-être parce qu'il semblait aussi désarmé que moi face aux cynismes du monde.
« Amalia, il faut que tu voies ça », a-t-il dit, son enthousiasme habituel teinté d'une pointe d'hésitation. « C'est… un jeu. King’Pic. Toute l'équipe s'y est mise. »
J'ai levé les yeux de mon écran, où s'affichaient les prévisions de budget pour le trimestre prochain. Un jeu ? Sérieusement ? « Aymeric, tu sais que mon temps est… »
« Je sais, je sais », a-t-il coupé, son regard de cocker battu redoublant d'intensité. « Mais attends. C'est pas juste un jeu. C'est… stratégique. Ça nous force à collaborer, à penser différemment. Et puis… on rigole bien. » Il a insisté, me montrant l'écran de son téléphone où des petits royaumes virtuels s'affrontaient dans un joyeux chaos coloré. « Ça nous aiderait vraiment à décompresser, tu sais ? À créer des liens… autrement. »
Un soupçon de curiosité, une braise que je croyais éteinte depuis longtemps, a timidement crépité en moi. L'idée de voir mon équipe sous un autre angle… et puis, il y avait le regard insistant d'Aymeric. Qu'avais-je à perdre, après tout ? Quelques minutes de mon temps si précieux ? Un micro-sourire a dû trahir ma pensée, car le visage d'Aymeric s'est illuminé.
« Juste un essai, Amalia. Promis. Tu verras, c'est… addictif, en fait. »
Mon doigt a glissé, presque à mon insu, sur l'icône de l'application. L'écran de mon téléphone s'est illuminé, dévoilant un nouveau monde. Des châteaux aux couleurs vives, des armées miniatures prêtes au combat, des messages qui clignotaient. Au début, c'était un chaos incompréhensible. J'errais dans mon nouveau royaume virtuel, me sentant aussi perdue qu'une voyageuse débarquant dans une métropole inconnue sans carte ni guide. Mais petit à petit, la logique du jeu s'est dévoilée. J'ai commencé à comprendre l'importance de chaque ressource, la subtilité des alliances, la satisfaction de voir mes modestes troupes remporter une escarmouche. Une petite flamme de fierté s'est allumée en moi à chaque nouvelle construction, à chaque défense réussie.
Et puis, il est apparu. "Behemoth". Un nom qui résonnait avec une force tranquille dans le flux incessant des messages du jeu. Nos royaumes étaient voisins, et au lieu de déclarer immédiatement les hostilités, un message a surgi dans ma boîte de réception virtuelle.
"Votre défense semble… étonnamment solide. Stratégie offensive ou simple prudence d'une reine avisée ?"
Le ton m'a fait sourire. Un mélange d'observation perspicace et d'une pointe d'audace. J'ai répondu, mes doigts tapotant rapidement sur le clavier virtuel.
"Disons que c'est la prudence d'une dirigeante qui a appris que la meilleure attaque est parfois de laisser l'adversaire se casser les dents sur des murs bien épais."
Sa réponse ne s'est pas fait attendre. "Une philosophie que je ne peux qu'approuver. Peut-être pourrions-nous échanger quelques stratégies plus… pacifiques, avant que nos armées ne se rencontrent de manière moins courtoise ?"
Nos échanges ont commencé ainsi, par des conseils sur l'optimisation de nos productions de bois et de pierre, puis ont glissé vers des blagues échangées tard dans la nuit, des confidences timides sur nos journées respectives – sans jamais dévoiler de détails personnels. Sa façon d'écrire était… captivante. Chaque phrase était ciselée, pleine d'une intelligence vive et d'un humour subtil qui me surprenait souvent par sa justesse. Je me surprenais à sourire devant mon écran, une sensation rare en dehors des quelques dîners animés avec mes amis les plus proches. Un soir, alors que la fatigue de la semaine pesait sur mes épaules, un message de Behemoth est apparu :
"J'imagine votre royaume illuminé ce soir. J'espère que sa souveraine profite d'un repos bien mérité."
Un frisson a parcouru ma nuque. Il y avait quelque chose dans cette simple phrase… une attention délicate. J'ai hésité un instant avant de répondre :
"Le royaume est calme, en effet. Et sa souveraine savoure le silence après une longue journée de conquêtes… d'un autre genre."
"Des conquêtes plus ardues, sans doute. Mais j'imagine aussi plus gratifiantes, à leur manière."
Qui se cachait derrière ce pseudonyme énigmatique ? Un jeune homme passionné de jeux vidéo ? Un homme mûr cherchant une distraction ? Un concurrent curieux ? Mon esprit, toujours en alerte, échafaudait des scénarios. Mon instinct, cette petite voix intérieure qui m'avait si souvent guidée, me murmurait de rester vigilante. Amalia, ne baisse pas ta garde. Tu connais la rengaine. On ne se dévoile pas, on ne se livre pas à des inconnus derrière un écran.
Et puis, il y avait cette autre barrière, celle que j'avais érigée il y a longtemps, après une blessure que le temps n'avait pas complètement cicatrisée. Mon cœur, mon corps… je les avais mis sous cloche, réservés pour celui qui saurait voir au-delà de la femme que j'étais devenue, au-delà de la cheffe d'entreprise déterminée et indépendante. Celui qui saurait toucher cette part de moi que je protégeais farouchement.
Alors, me voilà. Mon royaume virtuel prospère, mes échanges avec Behemoth se font plus fréquents, plus personnels, et cette petite voix intérieure, d'habitude si prompte à sonner l'alarme, se fait étrangement… douce. Presque curieuse, elle aussi. Est-ce le début de quelque chose d'inattendu ? Quelque chose qui pourrait enfin ébranler mes certitudes, fissurer mes murs protecteurs ?
Peut-être, juste peut-être, étais-je en train de me laisser croire à nouveau en la possibilité d'une connexion sincère, tissée entre les lignes de messages virtuels et le silence qui suivrait le départ d'Aymeric. L'avenir, je le sentais confusément, était en train de s'écrire, pixel après pixel, mot après mot.
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