Il y a des mots qui viennent sans prévenir. Ils ne cherchent ni la perfection, ni le bon moment. Ils arrivent comme la lumière filtre à travers les rouages d’un monde en sommeil. Ils s’installent. Ils demandent juste à être entendus. Je ne sais pas encore exactement ce que ce lieu deviendra. Mais je sens qu’il fallait l’ouvrir. Un passage. Un souffle. Quelque chose que j’ignore encore mais qui veille depuis longtemps. Les dragons ne dorment jamais vraiment. Ils tournent en cercle dans l’espace du cœur, et attendent qu’on leur parle à nouveau. Alors j’écris. Pour eux. Pour ceux qui ne voient pas encore mais pressentent. Pour ceux qui, comme moi, entendent les rouages du monde grincer… et n’ont plus envie de se taire.
Last active 3 hours ago
Don't wanna be here? Send us removal request.
Text
Nuit solitaire
Je t’imagine à la fois loin et près, comme si un voile solide nous séparait. Fin, mais bien présent entre nous. Tu es sûrement à ton bureau, la clarté de la lune éclairant ici et là ta chambre. De ta fenêtre s’échappent les mêmes sons que j’ai chez moi : klaxons sonores irréguliers, rires des passants ou, au contraire, leurs conversations chuchotées comme des secrets confiés tardivement. Assis en fixant le mur, tu manies entre tes doigts ce crayon déjà bien taillé par le temps, mais agacé, tu t’adosses brusquement contre ton dossier en cuir en soupirant.
Rien d’autre que ce plafond blanc et cette odeur de papier qui émane de la pile à côté. Tout est plongé dans le noir, et ça t’arrange. Tu détestes réfléchir en étant déconcentré par des choses aussi simples que la couleur épurée de tes meubles. Tu tournes, tournes et tournes encore sur ton fauteuil.
« Pourquoi continues-tu à me suivre, même quand le monde semble vouloir nous éloigner ? » dois-tu te dire.
Puis, comme secoué par un appel invisible, tu allumes ton téléphone avec cette maîtrise sans faille. Tu aimerais te précipiter, crier tout haut ce qui te hante depuis tout ce temps, pour enfin t’expliquer… Mais c’est encore trop tôt, encore un peu de répit. Quand tu tombes sur mon profil, ton doigt se fige dans l’air, ton dos se redresse. Tu t’en veux de cette réaction instantanée, mais tu refuses de la nier. Tu commences à écrire, effacer, peaufiner, tout supprimer et tout reprendre… pour le reposer sur ta table de chêne. Tu soupires, essayant de faire fuir cette peur qui te paralyse, et cherches au fond de toi le courage.
« Si elle y arrive, à être sincère et vraie… pourrais-je en faire autant ? Ou suis-je obligé de vivre avec mes peurs et mes doutes éternels, qui m’empêchent de tout lui dire ? »
2 notes
·
View notes
Text
Ce que je m'offre à moi même
La lumière s'étend, sans plus se retenir. Je vis, je chante, je respire, sans la permission de qui que se soit. De mes gestes, qui éloignent ou attirent, j'avance sans crainte vers ce qui m'attend. Vers ce but, que j'ai toujours connu. Celui qui va raviver et enflammer la feu au creux de mon âme. Me voici, ancrée et présente, entière. Je ne recule pas et continue toujours d'avancer même en tombant. Car rien ne me renversera.
youtube
1 note
·
View note
Text
Juste un jour de plus (extrait 1)
— Lavande ? Lavande ? me lance Grace.
Le sourire aux lèvres, je n’entends rien et ne cesse de rédiger mon message. Envoyé ! Je me demande ce qu’il va me répondre… J’en ai la boule au ventre !
— Lav ! répète-t-elle.
Je lève enfin la tête, quittant avec agacement ma discussion avec Astre.
— Quoi ?
— Le prof te regarde, meuf !
Levant les yeux au-dessus de mon manuel ouvert en hauteur, je repère monsieur Cuinet. Une main en possession du manuel et l’autre sur ses lunettes carrées, il ne me quitte pas du regard. Oups…
— Mademoiselle Lavande… Je crois que la patience a ses limites. On vous écoute.
Je cherche désespérément un indice de ce que je dois faire dans le regard d’un de mes camarades. Mais tous m’observent, amusés, sachant ce qui m’attend.
— La question 8, Lav ! me glisse Grace.
Je sursaute et repositionne ma mèche derrière l’oreille. J’attrape ma feuille et commence avec une voix claire :
— D’après mes analyses, l’auteur cherche à démontrer dans ce texte l’amour et la détresse que lui procure son amante. Néanmoins…
Néanmoins quoi ? Mince, mes notes s’arrêtent ici. Je tente de me souvenir de la suite, en vain. Mes pensées restent bloquées sur la blague d’Astre à propos de son prof. Je cherche mes mots sur les murs jaunes et les néons clignotants au plafond. Rien à faire. Seul le tic-tac de l’horloge résonne lourdement, interrompu par le rire de certains par intermittence.
— Néanmoins ? me pousse le professeur.
Soudain, la sonnerie résonne et les élèves se jettent vers la sortie par groupes. J’enfouis précipitamment mes affaires et détale avec Grace hors de la pièce.
— Au revoir, monsieur ! lâché-je en évitant son regard.
Il soupire et nous longeons les murs du couloir, direction la cour. Tous se bousculent pour arriver en premier à la cantine. Sauf nous deux, grandes flemmardes que nous sommes.
— J’oubliais, encore merci de m’avoir donné la réponse tout à l’heure. Je t’en dois une bonne.
— De rien, meuf. Mais qu’est-ce que tu fichais ? Le prof a failli te cramer !
— Toujours la même chose, je parlais à Astre, conclus-je.
— Astre ? m’interroge-t-elle.
— Ou Mathis. C’est son pseudo sur…
Partie 2
— Snap, oui, tu me l’as déjà dit. D’ailleurs, on mange avec lui aujourd’hui ?
— Non. Je me suis énervée contre lui en message, avant de nous réconcilier. Puis on s’est encore une fois disputés et après… Je sais même plus si on a fait la paix ! Non, on mange juste toutes les deux.
— Eh bien, ça promet d’être intéressant ! Tu me racontes tout à table.
Suite à une queue interminable, nous nous installons à notre place habituelle, au fond, près de la sortie. La salle au papier peint rayé vert-menthe grouille de lycéens affamés. Notre spot nous permet non seulement d’éviter le bruit de fond, mais en plus d’avoir une vue sur le coin dont s’occupent les membres du club jardin. Le coin rêvé.
— Grace, tu as perdu une perle, je crois.
Elle saisit la tresse que je lui pointe, prise de court, et me répond :
— C’est rien, c’est Lucas qui…
— … T’a encore coupé une tresse ? je termine avec un sourire.
— Oui, encore ! Je te jure, celui-là… me confirme-t-elle en roulant des yeux.
Bien qu’à première vue elle semble irritée, la réalité est tout autre. Elle aime Lucas mais semble le détester, tandis que lui l’adore mais se montre très discret. Pourquoi ? Il n’en parle jamais. J’imagine que c’est leur façon de s’entendre, bien que cette méthode n’est pas sans faille.
Grace est juste parfaite. Sa peau noire fait rejaillir ses lèvres épaisses, colorées de rouge. Ses nattes collées descendent jusqu’à ses hanches, terminées par des perles vert jade. Sans parler de son regard, qui ne perd jamais cette intensité qui transmet l’idée que cette fille vous cerne parfaitement sans qu’elle veuille le faire savoir. Assurance qui s’accorde à merveille avec son style streetwear, composé d’un crop top blanc et d’un cargo vert. Seul défaut : son agressivité et sa franchise ont tendance à faire fuir les gens. Résultat, je suis la seule avec qui elle peut parler plus de cinq minutes sans que ça parte en embrouille.
— Alors, tu m’expliques pourquoi tu parlais avec Mathis en cours ?
— La routine. Il m’envoie un truc con, je fais l’erreur de lui répondre et on parle sans que je réalise que le temps passe, dis-je en me servant un verre d’eau.
— Vous êtes vraiment inséparables, vous deux.
— Pas tant que ça, je contredis.
— Arrête. Il t’envoie un message, tu sursautes. Tu rigoles, il rigole. Quand tu le cherches, il te cherche… Et j’en passe ! souligne-t-elle en agitant sa fourchette.
— Tous les amis sont ainsi…
Elle hausse un sourcil, me demandant rien qu’avec son visage si je plaisante ou non. Puis, un rictus provocateur se dessine sur ses lèvres.
— Tu veux vraiment qu’on rentre dans ce débat ? Qu’on parle de tout ce qui explique que vous êtes TOUT sauf des amis ?
J’y songe un instant, avant de revenir sur ma décision. Personne ne revient vivant d’un débat avec Grace, comment ai-je pu l’oublier ? De plus, à quoi bon cacher mes sentiments à ma meilleure amie ?
— Pfff… J’aurais aimé que l’on reste juste potes, que rien de ce qui est arrivé n’ait existé, me plains-je en coupant mon steak.
— Moi, je vous aime bien comme ça. On est en seconde, et vous vous connaissez depuis le collège. Il était temps que ça bouge.
— Non, j’ai aucune chance avec lui, affirmé-je en baissant les yeux.
— Hein ? D’où tu sors cette bêtise ? s’insurge Grace en suspendant son geste.
Avant que je puisse commencer ma phrase, quatre filles de la table d’à côté se lèvent pour débarrasser leur plateau. À l’instant où elles s’apprêtent à partir, elles tournent toutes leur tête vers moi et éclatent de rire. Je distingue les mots “détraquée”, “tarée” et “bizarre”. Quelle surprise ! Je réplique par mon plus beau regard noir, et fixe Grace.
— C’est de ça dont je parlais, soupirai-je.
— Comment ça ?
— Regarde-moi Grace, et cite-moi un élément normal chez moi.
Elle passe en revue mon trench-coat marron décoré de rouages (posés par moi), ma sacoche surmontée d’une horloge vintage en relief et mes bottes en cuir assorties à mon manteau.
— Tes cheveux roux. Ils sont ondulés et magnifiques. Lav, si tu savais le nombre de filles qui payeraient pour en avoir des pareils.
— Oui, mais je te parle pas de mes cheveux ! Et puis Lavande ! Quelle idée pour un prénom ! J’adore le steampunk, mais c’est loin d’être le cas de tout le monde.
— Attends… Ne me dis pas que tu penses que Mathis ne pourrait pas t’aimer à cause de ton style ! Tu es unique à ta façon. Ceux qui te trouvent moche ou bizarre ont un grain. C’est tout. Ces filles-là sont jalouses, simplement parce que, contrairement à elles, toi tu te démarques. Pour moi, ce ne sont que des meutes de hyènes qui rigolent pour tout et pour rien à longueur de journée.
Je souris, quoique peu rassurée, et nous poursuivons notre discussion sur une note plus légère. Tandis que la salle se vide petit à petit, les commentaires des lycéens à mon sujet fusent à chaque fois qu’ils quittent la pièce. Oh, j’imagine qu’ils souhaiteraient que je me sente honteuse ou gênée à cause de mon style vestimentaire. Mais c’est loin d’être le cas. Je suis juste fatiguée d’être à chaque fois distraite par tel ou tel commentaire. J’essaie d’ignorer les yeux qui, sans cesse, se posent sur moi avec jugement et mépris, et les balaie d’un sourire radieux. Cependant, à force de me concentrer sur eux, j’ai du mal à donner toute mon attention aux paroles de Grace…
— Lav ? Regarde à droite, dans la file… m’avertit-elle en se rapprochant vers moi pour ne pas être entendue.
Comme tirée d’un songe, j’écarquille les yeux. Aussitôt, je pivote la tête sans discrétion et demeure bouche bée. Aperçu : Mathis, qui passe sa carte, gentiment suivi d’une rayonnante blonde qui rit aux éclats.
— Je rêve ou c’est Sofia avec lui ? marmonné-je en serrant les dents.
— Aïe, aïe, aïe… Ils ont l’air de bien rigoler en plus, renchérit Grace.
Je la mitraille des yeux, ce qui ne manque pas de la faire pouffer. Reportant mon attention sur ma cible, je note chaque détail. Sofia, et sa manie stupide de secouer ses boucles en arrière… Et ce sourire débile que Mathis continue d’afficher.
— Ne me dis pas qu’il va manger avec elle ? Sofia ? Et puis quoi encore ? je peste pour moi-même.
— Il faut dire qu’ils sont souvent ensemble en ce moment, intervient une voix dans mon dos.
J’oblique et tombe sur Lucas, chargé de son plateau. Il s’installe à côté de Grace, avec une mine joyeuse qui ne le quitte jamais. Contrairement à Grace, qui, elle, le dévisage de haut en bas.
— Qui t’a invité à venir ? l’agresse-t-elle.
— Moi-même… Et indirectement toi, lui répond-il.
— Il y a d’autres places, on est occupées là, grogne-t-elle.
Tandis qu’une dispute se déclenche, mon attention ne dévie pas. Alors que Sofia “taquine” Mathis en lui envoyant des coups, il montre un visage… parfait. Il affirme son style punk à merveille, avec ses cheveux noirs teintés d’un vert émeraude, couverts par son bonnet rouge préféré. Son t-shirt à rayures noires et rouges sous son bombers agrémenté de multiples broderies liées à des groupes de rock. Sans parler de son cargo noir et de ses bottes en cuir assorties.
S’il y a bien une chose que j’admire chez lui, c’est qu’aucune critique ne semble l’atteindre. Rien n’arrive à effacer son air chaleureux et décontracté qui le caractérise. Bien que ce que je trouve le plus fou et original chez lui, ça reste le skate recouvert de stickers en tout genre qu’il garde constamment accroché à son dos. Il ne le quitte jamais, que ce soit en cours ou à l’extérieur.
Mais retournons sur terre. Alors que Mathis et Sofia tiennent leur plateau et cherchent une place, il croise mon regard. Ses yeux couleur charbon semblent chercher dans les miens quelque chose. Une validation de ma part pour l’inviter à nous rejoindre ? Ou juste une réaction de ma part ? Devrais-je l’appeler ? Lui faire signe ? Ou juste l’ignorer ?
Mais avant même que je puisse faire quoi que ce soit, Sofia le tire par le bras et l’entraîne à sa table, avec ses amies.
Raté.
On peut dire que j’ai laissé passer ma chance.
— Lavande ? Tu regardes dans le vide, constate ma meilleure amie.
— Je suis juste stupide… C’est tout.
— Console-la mieux que ça ! Elle vient de voir son crush lui glisser sous le nez, la réprimande Lucas.
— T’en es sûr ? lui répond-elle.
Ne cherchant pas à comprendre ce qu’elle sous-entend, je fixe mon assiette sans savoir pourquoi. Si seulement j’avais été plus réactive !
— La place est libre ? interroge une voix familière à ma droite.
Je relève la tête et sursaute. Mathis, rayonnant, tire la chaise voisine à la mienne.
— Salut, mec ! Tu racontes quoi ? lance Lucas.
— Comme d’hab… Les cours, du skate de temps en temps…
— Tu devrais faire gaffe… À cause de toi, Lavande a failli se faire attraper par le prof de français ce matin ! raconte Grace.
— C’est vrai ? Raconte ! m’interpelle-t-il.
— Rien de bien intéressant… Mais je m’en suis sortie de justesse, commençai-je.
— Arrête de faire durer le suspense et parle !
À suivre...
0 notes
Text
La danseuse (extrait 6)
Je lui rends son sourire et me jette sur lui. Avant même que j’effleure les feuilles, il saisit sa tasse et me l’envoie en plein visage.
Alors que je m’apprête à en attraper une à mon tour, une main m’agrippe doucement par la taille. Pas brusquement, juste assez pour me retenir.
— Jim ?… je souffle, les yeux écarquillés.
— Je vais les prendre. Assieds-toi, s’il te plaît.
Trop stupéfaite pour répondre, je m’assois sur une chaise du café. Autour de nous, plus un bruit. Tous les clients fixent la scène comme figés. La seule présence de Jim semble avoir arrêté le temps.
Sous sa gavroche favorite, je vois ses sourcils froncés à l’extrême, une ombre sévère entre ses mèches brunes. En face, le blond qui tient encore mes feuilles recule à mesure que Jim s’avance.
— Excuse-moi, je… je ne voulais pas… Je ne savais pas que cette dame avait un amant… tente-t-il.
— Sinon quoi ? Tu ne l’aurais pas humiliée ?
— Non ! Tiens, tiens… Les voici… balbutie-t-il en reposant les rouleaux sur la table.
Jim les saisit, revient vers moi et me les tend.
— J’en ai pour une minute. Tu veux bien m’attendre encore un peu, Line ? demande-t-il en caressant ma joue.
Je hoche la tête. Il me sourit, ce sourire qui illumine tout son visage, creusant ses faussettes. Mais son regard s’assombrit aussitôt.
Il se retourne, fonce vers le blond, l’attrape et le cogne une première fois contre la table, puis une seconde, avant de le projeter plus loin. Tout ce qui s’échappe de l’homme, c’est un faible gémissement.
Jim revient, me tend la main. Je cale les rouleaux sous mon bras, et enlace mes doigts autour des siens.
0 notes
Text
La danseuse (extrait 5)
Mes pas se fracassent contre les dalles anciennes, réchauffées par le soleil étouffant.
Une main appuyée sur la calotte de mon large chapeau noir pour qu’il ne s’envole pas, l’autre plaquant fermement des rouleaux de papier contre ma hanche. Enfin. Nous les avons. Enfin. La preuve ultime. Jim sera tellement content !
Le souffle court, je ne m’arrête pas, sentant le battement sourd de mon cœur dans chaque parcelle de mon corps. Je ne sens même plus mes pieds, tellement ils ont souffert ces derniers jours, entre danse et courses-poursuites nocturnes.
Mes cheveux s’envolent, se mélangent et forment des nœuds entre eux. Autour, les groupes de femmes aux tenues farfelues et aux ombrelles excessivement décorées rient à mon passage. Les messieurs, déjeunant sur les terrasses des cafés surchargés, me dévisagent lorsque mon chemin les frôle.
— Regardez-moi cette délurée… À son âge, toujours pas en robe longue ? lance une vieille femme.
— Mon Dieu, quelle honte ! Et elle ose sortir ainsi ?
— Regardez comme elle montre devant tous ces hommes ses genoux tout écorchés !
— Mais voyez ses chaussons… Serait-ce une danseuse ? Ils sont tout abîmés !
Mais je les ignore sans effort, ne pensant qu’à Jim, caché sous le bar.
Soudain, avant de traverser une route, mon chausson s’emmêle dans un ruban détaché.
Je me renverse de tout mon long, la tête la première. Mes bras et mes jambes s’égratignent contre les pierres polies, lâchant au passage mes rouleaux.
Aïe.
Je mets quelques secondes à ouvrir les yeux, qui voient flou. Je les rouvre à plusieurs reprises, reprenant peu à peu mes esprits.
Alors j’entends.
Je distingue les commentaires de la terrasse la plus proche, les jugements tout près…
Mais surtout, les rires.
Les larmes montent toutes seules — à cause de la douleur ou de l’humiliation ? Moi-même, je n’arrive pas à le discerner. Je me relève, avec toute la peine du monde. Mes jambes, la première fois, manquent de me lâcher, au grand plaisir de tout ce beau monde.
Je ramasse alors mon chapeau, que certains se sont même permis d’écraser à coups de talons.
Avec un soupir, je le secoue et souffle dessus.
— Mes excuses, madame… si vous en êtes vraiment une, se moque l’une des passantes qui l’a piétiné.
Je ne lui accorde pas la moindre attention. Hors de question de lui offrir ce cadeau.
Les rouleaux ? Où sont-ils ?
Je tourne la tête dans tous les sens, sentant la chaleur monter. Oh non, tout mais pas ça. Les mains moites, le corps pris d’une énergie compulsive, je scrute partout. Et aussitôt, je les vois. Dans les mains d’un gentleman, entouré de ses compères, occupant toute une bordure de terrasse.
— Est-ce à vous, madame ? Quelle belle écriture pour une pauvresse de votre genre ! crie-t-il.
Les cinq autres, bien chapeautés, en costumes aux boutons d’or et aux chaussures en cuir ciré, rient à en pleurer, retournant mes rouleaux dans tous les sens.
Je m’approche, ferme et assurée malgré mes boitements.
Le bord de mon chapeau frôle l’un d’eux ; il recule en poussant un cri de dégoût. J’en profite pour lui arracher une de mes pages, puis m’avance vers le second.
— Recule, misérable ! Ne me contamine pas avec ta crasse, gémit-il.
Je souris. Je fais mine de me jeter sur lui. Ça marche ! Il bascule de sa chaise, tombe au sol et lâche ma feuille.
Et vient le dernier.
Un simple coup d’œil me suffit pour deviner que celui-là ne me la laissera pas aussi facilement.
— Viens, si tu les veux vraiment, me lance-t-il avec un sourire narquois.
À suivre...
0 notes
Text
La danseuse (extrait 4)
Bien sûr, me contenté-je en enfonçant ma gavroche.
Elle dépose délicatement son chapeau, et nous nous dirigeons sans un mot à l'extérieur. Et c'est différent, tellement différent. On quitte l'ambiance lourde pour une suite de ruelles vides, uniquement éclairées par des lampadaires, pour seul compagnon le son des gouttes sur les tuiles.
Elle avance, de sa démarche légère et fluide.
Je la rejoins, comme on part retrouver une lanterne silencieuse. À la fois dépassé, mais soucieux de conserver cette lumière.
— C'est fou, on est dehors, loin de l'opéra pourtant... J'ai encore l'impression de te voir danser, lui murmuré-je.
— Un artiste ne s'arrête jamais vraiment d'agir... Mais tu le sais déjà, non ? me réplique-t-elle, une expression mystérieuse.
— Que veux-tu dire ? interrogé-je.
— Tu crois que personne ne te voit, en train d'agiter tes doigts dans l'air, comme si tu pressais les fameuses notes de ton cher piano ? constate-t-elle.
J'éclate de rire, sans pouvoir me retenir.
— Je le fais si souvent que ça ?
— Tout le temps.
Son épaule me frôle, et elle profite de ce contact pour effleurer mes doigts. Une douce brise nous caresse la peau, comme porteuse d'un message doux. Que cherche-t-elle à nous dire ? Elle apporte avec elle ce parfum qui annonce la fin de l'été, à la fois chaud et revigorant.
Dans un geste presque instinctif, j'approche lentement ma main de la sienne et entrelace mes doigts autour des siens. Ils sont si fragiles, et pourtant porteurs d'une force si belle.
Je la sens frissonner, puis resserrer cette prise entre nous.
— Dis, tu penses qu'on va y arriver ? Je veux dire, à rassembler tous ceux qui sont comme nous, pour enfin nous rebeller ? me chuchote-t-elle.
J'arrête soudainement de marcher, et me tourne face à elle. Je saisis doucement ses deux mains, comme des trésors que j'ai longtemps cherchés sans le savoir.
— Tant que tu tiens, je tiens avec toi. On saura faire entendre notre message, à ceux qui doivent le recevoir. Ensemble. Et si je viens à m'effondrer...
— Tu ne tomberas pas, je le sais, affirme-t-elle en posant mes mains sur son cœur.
Cœur qui bat à une vitesse folle, et qui commence à être contagieux.
J'enfouis mon regard dans le sien, nos visages s'attirant l'un vers l'autre. Puis, dans une explosion d'émotions, nos lèvres se touchent, avec une douce pression. Elle attire délicatement mon visage vers elle tandis que je caresse ses cheveux en cascade.
Puis, la pression se fait plus forte, et je me perds complètement dans ce baiser. Je rapproche son corps du mien, mes mains posées sur ses hanches. Je sens son souffle sur ma peau, et ses doigts qui se baladent sur mon visage, traçant le contour de mes traits.
Son parfum m'embaume, comme un rappel d'elle, dansant sous cette lune énorme.
Notre première rencontre.
1 note
·
View note
Text
La danseuse (extrait 3)
Toujours cette pluie déprimante. J'entre dans le bar, mais pas comme la dernière fois. Non, je ne suis pas poursuivi, je ne cherche pas à la rejoindre... Parce que c'est impossible maintenant.
Mes bottes traînent sur le sol poussiéreux du bar, je m'approche du comptoir en ignorant superbement les invitations de connaissances à droite et à gauche. Prenant place, je dépose ma gavroche dégoulinante sur la table et croise les bras dessus. Avec un soupir, je plonge ma tête contre mes mains, ignorant le monde autour de moi.
Des rires sonores, des verres qui se vident et se remplissent, la porte en chêne qui claque, des bonsoirs dépourvus de leur sens...
Puis, une main se pose sur mon épaule droite.
Cette délicatesse dans ce geste si simple, ces doigts hésitants, longs et fins...
Elle. Line.
Je relève doucement la tête, comme pour marquer ce moment dans ma mémoire. Et je croise ses yeux, sombres mais brillants d'une lumière rare. Et ce sourire timide.
— Jim ? Jim, tu m'entends ?
— Quoi ? Non, pas du tout. Enfin, si, je t'entends mais... bégaie-je.
— Mais quoi ? me questionne-t-elle en tournant une de ses mèches autour de son doigt.
J'essaie de ne pas trop prêter attention à son geste, et me concentre. Autour, c'est comme si tous les détails que j'avais notés désespérément s'effaçaient d’eux-mêmes, comprenant leur inutilité dans ce moment coupé du reste.
— Je ne m'attendais pas à te voir... Et surtout pas aussi ravissante.
Elle pouffe un peu, mêlant gêne et un certain quelque chose que je n'identifie pas.
— Pourtant, je t'avais bien dit que je viendrais ce soir, non ?
— Oui, mais avec tout ce qui se passe en ce moment, j’ai bien cru que je n’allais plus te revoir, lui expliqué-je en baissant les yeux.
Je vois son visage passer de la paix à une tristesse profonde. Ses sourcils tremblent, ne sachant comment s'adapter. Ses lèvres s'ouvrent, pour ne rien dire. Et surtout, ses pupilles se troublent.
— Je croyais que mes plans suffiraient à les empêcher de nous nuire. Qu'ils comprendraient le message. Au lieu de ça, on se retrouve à perdre un camarade, sans savoir s'il est perdu ou non.
— Ce n'est pas ta faute, tu as fait de ton mieux. Tu n'étais même pas obligée de participer, mais tu l'as fait, et c'est déjà mieux que tous les membres de la guilde. Personne n'aurait osé faire ce que tu as fait, je lâche en cherchant son regard.
Elle se contente de hocher la tête et de prendre son cabas. Elle en sort son habituel grand chapeau noir, qu'elle a assorti cette fois à un manteau de cette même couleur, ne pouvant porter juste une robe sous cette température.
— Les mots n'ont plus leur pouvoir cette nuit, je n'en peux plus. Est-ce que tu voudrais bien prendre l'air avec moi ? me propose-t-elle en se levant.
Partout où tu iras, j’irai. C’est ce que je lui aurais dit… si j’avais un minimum de courage.
1 note
·
View note
Text
La danseuse (extrait 2)
Clap, clap, clap.
Je rouvre les yeux, sans cesser de marcher. La pluie dégoulinante sur les murs de pierre verdis par la moisissure me répugne. Le clap clap régulier sous mes chaussures éclabousse le sol d'un mélange ocre de terre et d'eau sale. Les rues en pente sont désertes, bien que le soleil soit encore haut dans le ciel, gâché par les nuages sombres qui déversent leurs larmes.
À un tournant, mon trench coat frotte une de ces ruelles misérables, d'où se dégage une odeur indescriptible, causée par le nombre incalculable d'ordures en tout genre qui jonchent la ruelle pavée.
Pas le temps de me concentrer sur ces détails répugnants, surtout quand je distingue dans un coin trois silhouettes encapuchonnées. Pas de doute, c’est moi qu’ils traquent. Disons qu’il y a trois mètres qui nous séparent de potentiels meurtriers.
Le vent gifle mon visage, seulement recouvert par ma gavroche préférée. Je grelotte. Les pieds humides par l’eau qui s’est infiltrée dans mes bottes, et les mains égratignées par le froid, je me rassure en me rappelant que je suis arrivé. J’ouvre la porte du bar et me glisse à l’intérieur rapidement. Le grincement puissant qui résonne dans la pièce à peine éclairée ne me fait même plus sursauter, tant la situation est urgente.
Un regard avec le barman, un hochement de tête, et il m’ouvre la trappe du comptoir. J’ouvre la porte des cuisines, ignorant les cuisiniers qui font de même, trop concentrés à rire à une blague sûrement très drôle, vu leur éclat de rire. Deuxième porte. Une troisième. Escalier. Et enfin... dernière porte.
Au moment où je m’apprête à abaisser la poignée, tremblant à l’idée de la retrouver enfin, de légers grincements se font entendre de l’autre côté.
Je les reconnaîtrais entre mille, ses pas de danse. C’est elle.
J’ouvre l’entrée avec le cœur qui menace d’exploser. Vite, vite, vite !
Alors je la vois.
Elle. Ses boucles descendent en cascade le long de son dos, sa robe bleu nuit lui donne cette allure de fleur. Et son chapeau… Noir, comme tout chez elle : ses cheveux, ses yeux, même son rouge à lèvres.
La pâleur de sa peau me stoppe l’espace d’un instant, mais je ne cesse pas de la fixer.
— Jim...
Sa voix est faible. Elle s’élance vers moi. J’ouvre grand les bras pour l’accueillir.
1 note
·
View note
Text

2 notes
·
View notes