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#Jeanne Barbois
selidren · 3 months
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Printemps 1921 - Champs-les-Sims
5/10
Cependant, il faut comprendre que Madame Eugénie est en odeur de sainteté par ici. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais elle fête cette année ses cent ans. Figurez vous donc ! Elle est née en 1821. Cela me semble si loin. Elle est encore plus âgée que la maison où le père de Constantin ont vu le jour. Elle nous enterrera tous j'imagine.
Moi-même je suis souvent admirative devant tout ce qu'elle a traversé. Elle a perdu presque tous ses enfants (la dernière qui lui reste est la prieure de Notre-Dame-aux-Bois, à Ognolles), nombre de ses petits enfants et a vécu une vie conjugale tout bonnement catastrophique. On ne compte plus ses mérites, et c'est pour cela que je ne peux m'empêcher d'éprouver de la culpabilité quand elle m'agace en se mettant en travers du bien-être de mes enfants. J'ai été d'autant plus active dans l'organisation des festivités. Une partie sera réservée à la (très nombreuse) famille, à la maison, et il y aura même un discours de Monsieur le Maire Musclet (l'époux de l'une de vos nièces par Jeanne) sur la place du village. Il remettra à Madame Eugénie une sorte de médaille, mais sans réelle signification légale il me semble.
Pendant ce temps, elle a continué ses missions familiales telle une ambassadrice de la société des nations. Son dernier exploit en date (et qui augmente d'autant plus la brillance de son auréole) est la réconciliation imminente entre Adelphe et ses enfants, même si le conflit est davantage avec Alexandre qu'avec ses filles. Elle a fait reconnaître ses torts à mon beau-frère avec un certain brio, il faut bien l'admettre, et a initié le dialogue entre père et fils. Ce dernier s'est grandement apaisé. De ce que j'entends, il est beaucoup moins sujet à ses accès de colère et de tremblements qu'auparavant, même si il est certain que personne ne l'en guérira. Il a d'ailleurs assuré à son père que c'est à cause de cela qu'il repousse sans cesse son mariage avec Sylvette. Il pense que cela serait mauvais pour elle de devoir supporter ses propres fardeaux, et je partage ses inquiétudes.
Transcription :
Alexandre « Vous devriez aller vous coucher Grand-Mère, la journée de demain ne va pas exactement être de tout repos. »
Eugénie « J’ai été sommée de débarrasser les lieux dans ma propre maison et voici qu’on veut maintenant me mettre au lit et me border comme une petite fille. Je sais bien que je vais fêter mon centenaire, mais je n’aime pas bien qu’on me traite comme si j’étais en verre. »
Alexandre « Ce n��est pas ce que je... »
Eugénie « Allons bon, je te taquine mon garçon ! Je ne vais pas tarder à aller au lit, mais je voulais prendre un peu de temps pour venir te parler en toute tranquillité. Je ne suis pas la seule à me coucher à des heures tardives semble t-il... »
Alexandre « Vous savez que j’ai du mal à dormir, ne revenez pas dessus. »
Eugénie « Non, je l’ai bien compris. Par contre, j’aimerais que nous discutions de cet autre sujet de litige. »
Alexandre *soupire*
Eugénie « Allons, je sais que ton père est passé vous voir aujourd’hui. Avez-vous parlé ? Sans crier, j’entends. »
Alexandre « Oui, mais ce n’est pas pour autant que tout est réglé. »
Eugénie « Vraiment ? Développe donc ! »
Alexandre « Et bien… Il s’est excusé, ce qui me semble être la moindre des choses, puis il m’a détaillé le récit de toutes ses visites précédentes. Comme si c’était à moi qu’il lui fallait rendre des comptes. »
Eugénie « N’est-ce pas le cas ? Il s’est toujours senti énormément coupable pour ce qu’il s’est passé. »
Alexandre « Ne revenez pas là dessus, je sais bien que j’ai eu tort de l’accuser des pires horreurs. Ce n’est pas de cela que nous devions parler. »
Eugénie « Mon garçon, cesse donc de tourner ainsi autour du pot ! Je t’ai connu bien moins casanier. »
Alexandre « J’admets qu’il a fait des efforts. »
Eugénie « Mais ? »
Alexandre « Mais c’est encore un peu tôt pour le pardon. Mais je lui pardonnerai un jour. »
Eugénie « Tu es un bon garçon. »
Alexandre « Arrêtez avec cela, je ne suis plus un enfant depuis très longtemps. »
Eugénie « Certainement, tu as même la moustache que ton père a toujours rêvé d’avoir. Mais puisque tu mentionnes ton âge, il est temps de revenir sur le dernier sujet de litige qui nous concerne. »
Alexandre « Qui nous concerne ? Je… Ah non ! Cela ne vous regarde absolument pas ! »
Eugénie « Tout me regarde dans cette famille, c’est moi qui ait mis ta grand-mère au monde jeune homme ! Tu devrais le savoir puisque tu n’est plus un enfant. »
Alexandre « Au moins vous ne me donnez plus du « mon garçon »... »
Eugénie « Alors donc, quand vas-tu épouser ta bonne amie Sylvette ? »
Alexandre « Heu… et bien je ne sais pas. Ce n’est pas le bon moment pour moi, c’est tout. »
Eugénie « Alors inutile de la faire attendre si longtemps. Si tu ne comptes pas l’épouser, laisse la avant que son honneur ne soit ruiné. »
Alexandre « Mais… je n’ai jamais dit que je ne voulais pas l’épouser ! »
Eugénie « Fichtre, qu’est-ce que c’est que ces histoires de ne pas être prêt alors ? Ce ne sont que des excuses. Quand nous nous marions, nous ne sommes jamais prêt. Nous sommes prêts quand arrive le premier enfant et que nous sommes devant le fait accompli. »
Alexandre « Je ne suis pas en état de me marier maintenant. Par pitié, ne faites pas semblant de ne pas comprendre... »
Eugénie « C’est toi qui ne comprends pas il me semble. Un jeune homme qui a connu toutes ces horreurs, qui a été si courageux, il ne peut pas s’en sortir sans une femme à ses côtés. La petite veuve Barthélémy par exemple, elle serait bien sotte de ne pas épouser cet anglais venu d’on ne sais où mais avec un bon patrimoine. Tous ce dont ils ont besoin, c’est de se marier. Et c’est la même chose pour toi ! »
Alexandre « Je ne pense pas vous voyez. Et si vous vous inquiétez pour l’honneur de Sylvette, sachez que je n’ai jamais rien fait qui puisse l’entacher. J’attends simplement… d’aller mieux, c’est tout. S’il vous plait, ne nous fâchons pas la veille de votre anniversaire, ça ne me ferait pas plaisir. »
Eugénie « Moi non plus mon petit, moi non plus. Nous en reparlerons plus tard si tu y tiens. »
Alexandre « C’est gentil, mais je n’y tiens pas tant que cela. La manière dont je conduis ma vie me satisfait plutôt bien. »
Eugénie « C’est cela, c’est cela… Nous en reparlerons une autre fois. En attendant, il est temps d’aller se coucher. »
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selidren · 4 months
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Printemps 1919 - Champs-les-Sims
4/4
Par ailleurs, je tenais à vous entretenir d'une affaire qui me touche énormément ces derniers temps, et j'espère que je trouverai en vous une oreille attentive. Vous seriez presque la seule dans mon entourage.
Je ne sais si Jules vous en avait parlé, mais quand ma chère Marie est morte, elle venait de mettre au monde la petite Jeanne, et laissait également derrière elle (en plus de son fils), deux autres filles : Emma et Anne. Adelphe était alors encore hospitalisé à Compiègne et il était si bouleversé qu'à son retour, il est revenu habiter à la Butte-aux-Chênes. Ses filles résident chez leur tante Jacqueline, la soeur de Marie. Quand à Alexandre, il s'est aménagé un appartement dans le petit théâtre où il vit presque comme un reclus. Cet arrangement m'est apparu naturel pendant un temps, sans compter que dès qu'Adelphe et son fils sont dans la même pièce, le ton monte très rapidement. Récemment, les nouvelles rancunes d'Alexandre envers son père sont que ce dernier ne visite pas assez leurs soeurs. Lui-même est à cet égard un frère modèle, et ses soeurs sont la prunelle de ses yeux. Je n'y ai d'abord pas cru, car Adelphe est parti régulièrement de la maison pour les voir, et ce n'est pas son genre de mentir. Mais Jacqueline a pu certifier à Madame Eugénie que cela fait à ce jour des mois qu'Adelphe n'est plus assidu, qu'il manque de nombreuses visites chez ses filles.
Selon Madame Eugénie, Adelphe ne supporte pas de poser les yeux sur la petite Jeanne. Non pas qu'il lui reproche la mort de sa mère, mais plutôt que la petite ressemble tellement à Marie qu'il en a pleuré à plusieurs reprises. Notre matriarche accueille cette situation avec un fatalisme qui est apparemment une sorte d'habitude chez elle. Elle trouve tout cela regrettable, mais gare à qui oserais critiquer Adelphe !
Je pense très sincèrement qu'elle n'en a pas forcément conscience, mais qu'Adelphe est son préféré parmi ses petits-enfants, et au vu de son histoire, c'est compréhensible. Je comprends également que tout cela ait été très dur pour mon beau-frère, et que les expériences qu'il a vécues suffisent à changer un homme, mais je ne reconnais pas le père affectueux qu'il était, celui qui s'asseyait avec son fils pour l'aider à faire ses calculs, qui lui ébouriffait les cheveux avec affection, et qui regardait chacun de ses enfants comme si ils étaient les merveilles qui illuminent son existence. Je suis d'autant plus affligée que personne ne lui dit quoi que ce soit, et qu'en plus, il ne s'agirait pas de le remettre sur le droit chemin. A ce titre, même si je n'ai pas son caractère impulsif et colérique, je rejoins le point de vue d'Alexandre. Peu importe à quel point c'est difficile, les filles ont besoin de leur père. La petite Jeanne a à peine deux ans, et elle ne le voit presque jamais ! J'ai donc adopté une certaines distance et un ton assez froid quand je m'adresse à mon beau-frère, afin de lui faire connaître ma désapprobation. Constantin ne l'a bien entendu pas compris (il ne voit même pas en quoi la situation est problématique), mais j'ai enfin réussi à lui faire comprendre qu'il s'agit là de mes rapports avec Adelphe et que cela ne le concerne pas. Quand à Adelphe, il s'est montré blessé par mon comportement, ce qui était le but de la manoeuvre, mais il lui reste assez de dignité pour me le reprocher. Son visage se pare toujours d'un air profondément honteux quand je m'adresse à lui, et j'espère qu'ainsi, j'arriverai à le faire revenir à la raison.
J'ai conscience que cette situation vous parait bien complexe. Figurez vous par exemple que j'ai songé à plusieurs reprises à écrire une lettre à Alexandre pour lui faire savoir que j'étais d'accord avec lui, mais j'ai finalement renoncé, de crainte que Madame Eugénie n'en entende parler. Je ne tiens pas à ce qu'elle me mène la vie dure au nom de ce qu'elle considère comme un tabou. C'est sans doute à ce moment que j'ai définitivement fait le deuil de l'idée que je serai un jour maîtresse en ma propre maison.
Avec l'assurance de toute mon affection,
Albertine Le Bris
Eugénie « Oh comme elle a grandit ! C’est incroyable ! Bonjour Jeanne, reconnais-tu ton arrière-grand-mère ? »
Jacqueline « Cela fait plaisir de vous voir Madame Le Bris. »
Eugénie « De même Jacqueline, vous ne savez pas à quel point je vous suis reconnaissante de vous occuper des petites. Je ne suis plus de première jeunesse et Albertine est dans la période caporal de la maternité. »
Jacqueline « La période cap… ? »
Eugénie « Oui, vous savez. Ce moment où une mère doit régler les conflits entre un groupe d’adolescents geignards et les mettre au pas comme un sergent chef. Comme tu es mignonne Jeanne ! Tu m’appelleras Grand-Mère, ce sera plus simple. »
Eugénie « Quelle adorable petite. Elle ressemble tant à sa Maman... »
Jacqueline « C’est vrai… C’est parfois difficile de la regarder sans voir Marie dans ses yeux. »
Eugénie « Vous savez Jacqueline, si notre petite Jeanne ressemble tant à votre sœur, c’est de famille ! J’ai pleuré tant de fois en voyant le visage de sa mère dans celui d’Adelphe, tant celui-ci ressemble à ma Lazarine. »
Jacqueline « Adelphe oui… Dites-moi Madame Le Bris, quand Adelphe a t-il prévu de venir voir ses filles ? Je sais que ses relations avec Alexandre sont… quelques peu tendues, mais Anne et Emma n’ont pas vu leur Papa depuis longtemps, et elles le réclament. »
Jeanne « Papa ? »
Eugénie « Je ne comprends pas. N’est-il pas venu vous voir la semaine dernière ? »
Jacqueline « Pour être honnête avec vous Madame Le Bris, cela fait presque un mois que je ne l’ai pas vu. »
Eugénie « Un mois ? Mais c’est bien trop longtemps ! Il a du être pris par les affaires du domaine, je ne vois que cela. Adelphe a toujours été un père exemplaire, et je suis bien placée pour le savoir, c’est moi qui l’ai élevé ! »
Jacqueline « Ecoutez. Avant le décès de Marie, j’étais de votre avis. Mais cet événement l’a profondément changé. Lui plus que tous les autres voit Marie en Jeanne, et à chaque visite, c’est comme si il tentait de toutes ses forces de ne pas la regarder. Il n’a pas levé les yeux sur sa fille de deux ans depuis une éternité Madame ! Il vous a toujours écoutée, je vous en prie... »
Eugénie « Je pense que vous me prêtez un pouvoir que je n’ai sans doute pas. Je… je ne savais pas la situation si grave. Mais cette petite n’a déjà pas connu sa mère, elle a besoin de son Papa. Je ferai ce que je peux. »
Jeanne « Papa ? »
Eugénie « Oui, ma petite chérie. Ta Grand-Mère va te ramener ton Papa... »
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selidren · 6 months
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Automne 1917 - Champs-les-Sims
3/4
Adelphe ne vous en parlera sans doute pas, mais depuis son retour, il ne parvient plus à nous cacher ce qu'il est advenu de son fils. Je connais Alexandre depuis son enfance, et en quelques années la guerre l'a changé comme jamais personne ne l'avais imaginé. Quelque part, je suis heureuse que sa pauvre mère, ma chère Marie, ne l'ai jamais vu ainsi. Cela lui aurait brisé le coeur.
C'est un jeune homme qui a aujourd'hui à peine vingt ans mais l'aigreur d'un vieil homme. Il est toujours fébrile, et nous regarde avec une telle méfiance que je m'en suis sentie presque blessée. Ses gestes, mêmes les plus anodins, sont pleins de brusquerie, parfois de violence, et les bruits forts déclenchent chez lui de temps à autres des tremblements de la main. Il ne fait preuve de douceur qu'avec ses jeunes soeurs, en particulier la petite Jeanne. Les ragots glanés par Madame Legens sur ordre de Madame Eugénie sont très inquiétants : le bruit court qu'il aurait levé la main sur sa "fiancée", la petite Sylvette, lors de sa dernière permission (j'utilise les guillemets car si il parlait d'elle autrefois comme tel, cela ne semble plus si évident aujourd'hui) et Madame Legens a confirmé que la pauvre fille ne sort plus qu'avec son fichu bien serré contre son visage. Je sais qu'Adelphe a échangé des mots très durs avec son fils, mais Alexandre a rétorqué avec beaucoup de violence et ce n'est qu'avec l'intervention de Madame Eugénie que les esprits se sont apaisés. Il semblerait qu'il reproche à son père sa mort de Marie, comme si il y pouvait quelque chose. Voilà ce que la guerre a fait d'un jeune homme qui avait toute sa jeunesse devant lui avant qu'on ne lui mettre un fusil dans les mains !
Ici, l'hiver est un peu en avance. Quand j'écris ces mots, la neige s'attache à la pelouse comme pour mettre d'autant plus mon moral en berne.
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selidren · 6 months
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Automne 1917 - Champs-les-Sims
1/4
Très cher cousin,
C'est un bref courrier que je vous adresse, adjoint à celui de ma belle-soeur Albertine. Néanmoins, cela me semblait important de vous écrire.
J'ai quitté l'hôpital il y a de cela quelques mois, et j'ai bien entendu été réformé. Je n'ai conservé aucune séquelle réelle, mis à part une cicatrice bien laide qui marque ma joue et déforme ma paupière droite. Par miracle, je n'ai pas perdu mon oeil. Il me semblait pourtant, quand j'ai perdu connaissance ce jour là sous les balles boches que s'en était fini de moi. Constantin est toujours là-bas. Aux dernières nouvelles, ils l'ont affecté à la boulangerie, près d'Arcis-le-Ponsart (non loin de Reims). Cela me semble absurde, mais au moins le voici le plus loin possible des combats. Ma blessure l'a dévasté, et ses lettres me prouvent que depuis mon départ, il est plus désemparé que jamais. Je prie pour qu'il s'en sorte sans moi et qu'il me revienne en un seul morceau. Il en va de même pour mon fils, mais je n'en dirai pas plus car je risque à nouveau de sombrer dans un accès de panique.
Vous savez bien sur également ce qui est arrivé à ma chère Marie. Je m'en voudrait toujours de ne pas avoir été là en cette funeste nuit à ses côtés. Je ne me fais pas d'illusions, je ne suis pas médecin et je pense que cela m'aurait encore davantage dévasté. Mais au moins ne serait-elle pas partie seule. Encore aujourd'hui, bien que je sache pertinemment qu'elle n'y est pour rien, j'ai du mal à fixer le regard de ma petite Jeanne. Ma belle-soeur Jacqueline a gardé les filles chez elle, je ne suis pas encore capable d'en assumer la charge et je réside ainsi à la Butte-aux-Chênes, le temps que cela sera nécessaire.
Je sais que vous espérez de moi mon récit du front, afin que nous puissions échanger nos impressions et peut-être apaiser le souvenir qu'il nous en reste et qui nous torture parfois dans notre sommeil, quand il ne nous saute pas à la gorge sans prévenir jusque dans nos activités diurnes les plus banales. Je ne m'en sens pas encore capable. Je sens mon esprit encore trop fragile pour une telle épreuve, alors même que je n'ai jamais senti une telle faiblesse. Un jour, quand ces blessures auront commencé à cicatriser, je serai très heureux de m'en ouvrir à vous. En attendant, le récit de vos déboires domestiques me ravit à un point que je n'aurai jamais cru avant le début de la guerre. Vous savoir vivant et en bonne santé me procure toujours un certain soulagement pendant mes accès de panique.
Votre ami,
Adelphe
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selidren · 7 months
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Printemps 1917 - Champs-les-Sims
2/7
Je ne peux m'empêcher de penser à Marie nuit après nuit en me retournant dans mon lit. Elle n'était en définitive pas tant plus âgée que moi (une dizaine d'années il me semble), et la savoir partie si brutalement nous a tous fait un horrible choc. Le seul réconfort que nous puissions avoir est que la petite Jeanne lui a survécut et se porte comme un charme. Elle et ses soeurs ont été recueillies par Jacqueline, la soeur de Marie, qui est elle aussi seule avec une fille depuis que son mari et son fils sont partis au front.
Pour tromper l'ambiance morose nous avons fait l'acquisition d'un gramophone. Les filles en particulier l'adorent, mais avec ce qui vient de se passer, cela a ravivé l'inquiétude des enfants pour leur père. Même Jean-François, qui va avoir six ans cette année (Seigneur que le temps fuit !), sent sans vraiment comprendre le danger et se réveille la nuit après avoir fait des cauchemars.
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selidren · 7 months
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Printemps 1917 - Champs-les-Sims
1/7
Cher cousin,
C'est avec le coeur lourd que je vous écrit cette lettre. La tragédie que nous redoutions temps a fini par frapper, mais là où ne nous y attendions pas, ce qui ajoute à notre malheur.
Juste après le nouvel an, alors que son régiment stationnait à Avoncourt, Adelphe a été touché par une balle incendiaire au visage. Il n'est heureusement pas mort et n'a même pas perdu son oeil, ce que les médecins considèrent comme miraculeux. Alors que nous étions soulagés qu'il s'en sorte avec une simple cicatrice, c'est alors que le véritable drame a frappé. Le jour où il nous adressait la lettre informant son épouse de son rétablissement, Marie a été amenée à l'hôpital pour accoucher. Aveuglés par notre soulagement, nous avons éclaté en sanglot quand Madame Eugénie est revenue en nous annonçant que ma chère belle-soeur est morte en mettant au monde la petite Jeanne.
Transcription :
Marc-Antoine « Maman ? »
Albertine « Oui, mon petit ? »
Marc-Antoine « Tu dormais ? Tu veux que je te laisse ? »
Albertine « Non, je suis réveillée. Tu veux parler de quelque chose ? »
Marc-Antoine « Tu as des nouvelles d’Oncle Adelphe ? »
Albertine « Il va mieux, mais malheureusement il aura le visage marqué je pense. »
Marc-Antoine « Et par rapport à... »
Albertine « Comme tu t’en doutes, il ne va pas bien du tout. Ce n’est pas le genre de blessure dont il se remet. Voudras-tu bien lui écrire une lettre avec tes sœurs ? »
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selidren · 3 months
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Automne 1921 - Champs-les-Sims
4/10
Il faut dire qu'en ce moment, le regard de Madame Eugénie est davantage braqué sur Adelphe et ses enfants. Figurez vous que mon beau-frère lui a tenu tête il y a quelques temps, il qu'il n'en démord pas. Il s'est finalement complètement réconcilié avec ses enfants et tente de rattraper toutes ces occasions manquées de se comporter comme il aurai du le faire. Il a du être surpris de découvrir que, en son absence, les pressions qui touchent sa progéniture ont changé de source. Le voilà à présent qui bataille contre sa grand-mère pour assurer le bien-être de ses enfants. Je l'admire, mais je suis en même temps morte de jalousie et de honte, car jamais je ne pourrai lui tenir tête comme il le fait.
Transcription :
Eugénie « Tu te souviens de la dernière discussion que nous avons eue ici ? »
Adelphe « Très bien. Cela fait presque trente ans Grand-Mère. »
Eugénie « Trente ans ? Seigneur, que le temps file ! Tu n’étais qu’un adolescent et aujourd’hui, te voici patriarche d’une grande famille. Bientôt grand-père si la chance te sourit. »
Adelphe « Patriarche, quel grand mot. Non, je suis simplement un père de famille, ce qui était déjà sans doute beaucoup à imaginer pour le jeune homme que j’étais. »
Eugénie « Tu n’as pas tant changé que cela ceci dit. »
Adelphe « Vous m’avez bien regardé récemment ? La cicatrice ne cache qu’une partie de mes rides. »
Eugénie « Je parlais de ton caractère mon garçon. Cela fait plaisir de voir ton dévouement et ton sens du devoir intact. »
Adelphe « J’ai consacré ma vie à ma famille. A mon âge, il est trop tard pour changer d’objectif en cours de route, d’autant plus que la routine apporte un certain confort. De quoi pourrai-je rêver encore ? J’ai quatre magnifiques enfants, la plus extraordinaire femme du monde a accepté de partager sa vie avec la mienne, et j’ai même survécut à cette saleté de guerre sans trop de dommages. D’autres n’ont pas eu autant de chance que moi, surtout au regard des cartes qui ont été tirées à ma naissance. »
Eugénie « Tu sembles apaisé, cela me fait extrêmement plaisir. »
Adelphe « J’ai fait mon deuil. Alexandre est un homme fait, mais il a encore besoin de moi, plus qu’il ne saurait l’admettre. Quand aux filles, elles sont encore jeunes, en particulier notre petite Jeanne. Je ne remercierai jamais assez leur tante de s’être occupée d’elles alors que le dernier parent qui leur restait les négligeait. »
Eugénie « Tu as eu une mauvaise passade. Le plus important, c’est que tu sois revenu à la raison. Même Alexandre finira par te pardonner. »
Adelphe « Nous verrons. Et cessez donc de ne lui parler que de mariage quand vous le voyez, je ne pense pas que cela l’incitera à faire sa demande. L’obstination est un trait de caractère qu’on retrouve beaucoup dans notre famille. »
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selidren · 7 months
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Hiver 1916-1917 - Champs-les-Sims
4/7
Cela m'a rappelé d'ailleurs de me renseigner sur le buste Ramesside sur la photographie (vous ne voyez sans doute pas le rapport, mais il a failli arriver malheur à cette oeuvre depuis ce que nous appelons entre nous "l'accident du batracien", donc je l'ai bougé dans une vitrine à l'écart des passage). En tous cas, on peut dire que vous avez l'oeil. L'oeuvre est un peu plus tardive, comme me l'a confirmé Constantin, datant de la XXème dynastie. La titulature étant en partie effacée, et en se basant sur le style un peu moins fin qu'à l'âge d'or des Ramsès, il se pourrait que le pharaon représente soit Ramsès IX ou Ramsès X.
Transcription :
Sélène « Maman, quel âge a grand-mère Eugénie ? »
Albertine « J’avoue que je te ne sais pas exactement. Tu lui as demandé ? »
Sélène « Elle a répondu que ce genre de question ne se pose pas à une femme d’un certain âge. Papa le sait peut-être. »
Albertine « J’en doute. Ton oncle Adelphe gère les affaires de la familles, lui le saura sans doute. Je peux déjà dire qu’il ne s’agit pas de ta grand-mère mais de ton arrière-grand-mère. »
Sélène « Ah bon ? Ce n’est pas la mère de Papa ? »
Albertine « Non, c’est sa grand-mère. »
Sélène « Bon, ça explique pourquoi elle avait l’air fâché quand j’ai posé la question. Je ne pensais pas qu’elle était si âgée. Elle a sa canne depuis longtemps ? »
Albertine « Depuis bien avant ta naissance. Veux-tu que je te confie un secret ? »
Sélène « Oh oui Maman ! »
Albertine « Mais tu ne dois le répéter à personne. Surtout pas à Grand-Mère Eugénie. »
Sélène « C’est bon, je sais ce que c’est un secret. Promis ! »
Albertine « J’ai été boire le café avec la cousine Jeanne hier. Nous avons beaucoup parlé et il se trouve qu’elle m’a raconté sa rencontre avec son mari. C’est Grand-Mère Eugénie qui a, en quelques sortes, arrangé ce mariage. Et elle m’a confirmé que déjà à cette époque, elle avait l’air d’une vieille dame. »
Sélène « Et sa cane ? »
Albertine « Elle avait déjà sa cane. »
Sélène « Mais… la cousine Eugénie, quel âge avait-elle ? »
Albertine « Vingt ans me semble-t-il. C’était il y a plus de trente ans. »
Sélène « Trente ans ? J’ai toujours connu cousine Jeanne vieille ! »
Albertine « Et elle a toujours connu Eugénie Le Bris comme une vieille dame. »
Sélène « Ah oui… Je ne pensais pas qu’elle était si âgée. »
Albertine « Pourquoi cet air contrit d’un coup ? Si c’est à propos de ta question, elle sera encore grognon quelques temps, mais elle n’est pas vraiment fâchée. »
Sélène « Non, ce n’est pas ça... »
Albertine « Sélène Le Bris, pour quelle raison as-tu une mine si maligne ? »
Sélène « Cléo et moi avons peut-être mis une grenouille dans son lit. C’est grave ? »
Albertine « Pardon ? »
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selidren · 3 months
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Printemps 1921 - Champs-les-Sims
10/10
Il s'avère qu'il n'y a nul besoin d'engager des cuisinières canadiennes pour manger un pancake, et il existe même des appareils qui permettent de les fabriquer et de les cuire très facilement qui sont vendus aux Etats-Unis, alors j'en ai commandé un. Cependant, ces petites discussions ont poussé Constantin à parler de beaucoup de choses, de sa jeunesse par exemple.
Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a des noms qu'il vaut mieux ne pas prononcer dans notre maison en présence de Madame Eugénie. Constantin se raidit lui-même toujours quand j'essaie de lui parler de sa mère, et Adelphe reste obstinément évasif sur le sujet de ses tantes ou même de son oncle. Les confidences de Constantin, si elles ont fait rire Cléo et Noé, ont été entendues par Madame Eugénie, qui est aussitôt aller s'enfermer dans sa chambre. Elle ne l'admettra jamais, mais nous savons tous qu'elle est allée y pleurer. Je comprends leur douleur, car il suffit de parler aux bonnes personnes en dehors de la famille pour avoir les bonnes informations, mais je ne peux m'empêcher de me sentir mise à l'écart. Il y a des choses dont ils refusent tous de me parler, des sujets tabous. Mais quelque part, je suis heureuse que ces secrets disparaissent car ils refusent d'en parler aux enfants. Ce n'est pas plus mal. Il y a des choses peu reluisantes dans chaque famille, et je juge qu'il vaut parfois mieux les oublier. J'aime donc à croire que les erreurs de Jules ne laisseront pas tant de traces sur la vie de Lucien dont vous nous dites que c'est un si bon garçon. Votre époux semble juger qu'il manque d'ambition, mais cela est-il donc un problèmes à vos yeux ? Je me trompes peut-être mais je ne le pense pas.
Votre amie, Albertine
P.S. J'allais oublier. Au cas où Constantin oublierait de le mentionner à Jules, pourriez vous nous faire parvenir une recette de crêpe américaine je vous prie ? Connaissant mon mari, il fera la moue si jamais Madame Armadet nous cuisine une recette française.
Transcription :
Arsinoé « Cléo ! Papa s’apprête à raconter des histoires sur son enfance ! »
Cléopâtre « Chouette ! Je veux tout savoir ! J’ai besoin de matière pour nourrir mes textes, et nombre d’écrivains s’inspirent de leur enfance ou de celles de leurs amis pour rendre leur récit plus vivant. Je viens de terminer le livre de Louis Pergaud d’ailleurs. »
Arsinoé « Bien, tu me le prêteras. Alors Papa ? »
Constantin « Alors… Par quoi commencer ? J’ai beaucoup de bons souvenirs de mon enfance. Car j’imagine que ce sont de beaux souvenirs que vous voulez… »
Arsinoé « Oui oui. »
Constantin « Fort bien. Heu… Je n’ai pas vraiment d’idées... »
Cléopâtre « Peut-être quelque chose en rapport avec ces fameuses crêpes américaines. Ce sont des gaufres d’ailleurs, Papa. »
Constantin « Ah voilà ! Je te disais bien qu’elle s’était trompée de recette. »
Constantin « Alors… J’étais un petit garçon assez impatient. J’adorais ces crêpes et malheureusement, nous n’allions pas goûter chez Tante Jeanne autant que je l’aurai aimé. Je devais prendre mon mal en patience. Et une nuit, j’en ai assez d’attendre. »
Cléopâtre « Qu’avez-vous fait ? »
Constantin « J’ai attendu qu’Adelphe se soit endormi, car il allait sans doute descendre pour me surveiller, et je me suis relevé. »
Arsinoé « Vous êtes allé essayer d’en faire à la cuisine ? »
Constantin « J’avais parfaitement conscience que je ne savais ni la recette, ni même comment allumer le poêle, alors j’ai fait la seule chose qui me semblait logique à cet instant : je suis monté en haut et j’ai réveillé la domestique, il s’agissait de Madame Horideau à cette époque. Je lui ai demandé de me faire des crêpes américaines sur le champs. »
Arsinoé « Je n’arrive pas à croire que vous nous racontiez une de vos bêtises. »
Constantin « Et pourtant… Pour une raison que je ne comprends toujours pas, elle a accepté et s’est mise au travail à la cuisine, pendant que j’attendais sur une chaise. C’est alors que Tante Lucrèce est arrivée. Oh elle n’était pas contente du tout... »
Cléopâtre *chuchote* « Attends, LA Lucrèce ? Celle dont personne n’ose même prononcer le nom en présence de Grand-Mère. »
Arsinoé *chuchote* « J’en ai bien l’impression... »
Constantin « Allons cessez ces cachotteries et laissez moi terminer ! Tante Lucrèce m’a sermonné bien sévèrement, et avec raison car je n’ai saisi l’ampleur de ma bêtise que quand mon pèrem’a personnellement corrigé. »
Arsinoé « Et Lucrèce ? Elle ne vous a pas puni ? »
Constantin « Oh si, bien sur. Elle était bien plus douce que mon père, mais elle avait quelque chose d’intimidant et de presque terrifiant quand elle se mettait en colère, même si jamais elle n’aurait levé la main sur un enfant. Elle a raconté l’histoire à Tante Jeanne, qui en a beaucoup rit après s’être honorablement indignée, puis lui a demandé de ne plus me service de crêpes américaines à moins que je ne lui demande la recette. »
Cléopâtre « Mais, alors pourquoi vous n’en avez plus mangé depuis si longtemps ? Vous en êtes tout de même au point où vous engagez une cuisinière de Kingston précisément pour vous faire des pâtisseries ! »
Constantin « Je n’ai jamais demandé la recette... »
Arsinoé « Mais… Tante Jeanne habite littéralement de l’autre côté du pont. »
Constantin « J’avais bien trop honte. »
Arsinoé « Alors pourquoi ne pas la demander à quelqu’un d’autre ? Cousin Jules a bien quelqu’un dans sa famille qui doit savoir les préparer. »
Constantin « Je… C’est une bonne idée Arsinoé. Je devrai le demander à Cousin Jules dans ma prochaine lettre… Je n’y avais jamais pensé... »
Cléo & Arsinoé *rires*
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selidren · 3 months
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Printemps 1921 - Champs-les-Sims
9/10
Même Constantin a consenti à quelques efforts. Car si l'Egypte semble occuper presque tout son esprit, il a commencé à davantage parler avec les enfants. Il a commencé par suivre mon conseil et prend régulièrement le goûter avec eux plutôt qu'enfermé dans son bureau. Les filles sont bavardes et curieuses, alors elles ont fini par parvenir à le dérider. Cette habitude de goûter semble avoir ravivé un souvenir car il a jeté il y a quelques mois un oeil aux lettres de candidature pour engager une nouvelle cuisinière (Madame Legens ne peut plus tout gérer seule) et son attention s'est fixée sur celle d'une femme venue du Canada, et même de Kingston. Je doute que vous la connaissiez, mais elle se nomme Suzanne Armadet. Il m'a expliqué vouloir l'engager car il avait envie de manger ce que vous appelez des crêpes américaines, et que c'est apparemment quelque chose de typique. Il en mangeait autrefois chez Jeanne, la soeur de Jules.
Transcription :
Arsinoé « Alors Papa, qu’est-ce que vous en pensez ? »
Constantin « C’est bon, mais je ne pensais pas que cela aurait ce goût. Et je crois que Madame Armadet s’est trompée de recette. »
Arsinoé « Ce ne sont pas des crêpes américaines ? »
Constantin « Elles sont supposées être rondes me semble t-il. Pas ressembler à un parpaing. Et ce ne doit pas être croustillant. C’est vraiment dommage, car j’ai expressément demandé à ta mère d’engager une cuisinière canadienne. »
Arsinoé « Quel est le rapport ? »
Constantin « Et bien, les cuisinières canadiennes savent faire les crêpes américaines. Elles sont américaines, et elles parlent français, c’était donc idéal. »
Arsinoé « Vu de cette façon… Mais pourquoi des crêpes américaines ? »
Constantin « Je n’en ai pas mangé depuis que je suis enfant. Et cela me manque. »
Arsinoé « Vous en mangiez enfant ? Qui vous les faisait ? »
Constantin « Tante Jeanne. Elle est arrivée du Canada quand j’étais encore très jeune, et il arrivait fréquemment que nous allions prendre le goûter chez elle, durant lesquels elle en servait. Tous ces goûters avec Adelphe, Rose, Juliette et mes cousins me manquent un peu. »
Arsinoé *fixe*
Constantin « Tout va bien Arsinoé ? Ai-je des miettes sur la cravate ? »
Arsinoé « Oh non. Mais c’est bien la première fois que vous me parlez de votre enfance. Tout ce que je sais à ce sujet, c’est ce qu’Oncle Adelphe et Tante Rose racontent parfois. Les petites anecdotes drôles, tout ça... »
Constantin « Oh… Tu veux que je te parles de mon enfance ? »
Arsinoé « Oui, s’il vous plait ! »
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selidren · 1 year
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Printemps 1906 - Champs-les-Sims
3/19
Vous vous demandez sans doute comme nous à l'époque, d'où peut bien sortir une femme si singulière qu'elle pourrait plaire à Constantin, lui qui s'est toujours complètement désintéressé des femmes ou de l'amour.
Il se trouve qu'Albertine est une femme éduquée, avec un esprit acéré et fin, et qu'elle travaillait alors comme préceptrice. Peut-être avez vous déjà entendu son nom par votre soeur Jeanne, car la jeune épouse de Constantin était encore il y a un an celle qui éduquait vos jeunes neveux et nièces. De ce que m'a dit votre soeur, elle manque énormément à Andréa, Paule et Jean-Baptiste.
On ne peut nier qu'Albertine et Constantin sont engagés dans une relation passionnée. Durant les jours suivants les fiançailles, elle nous rendait visite, et il était très difficile pour eux de se tenir l'un près de l'autre sans se toucher, comme si savoir sa fiancée loin de lui provoquait une grande détresse chez mon cousin. Marie ayant été chargée de les chaperonner, je ne peux certifier que tout soit resté parfaitement convenable. Mais au moins, cela a fini par convaincre mon épouse, qui était sans doute celle qui était la plus dubitative devant de telles fiançailles. C'est une femme bien trop pondérée pour admettre que l'amour, ou même la passion, puisse précipiter ainsi les choses.
Transcription :
Marie : Donc vous la connaissez depuis deux semaines.
Constantin : C'est exact. Je ne vois pas ce qui vous gêne Marie. Je suis amoureux d'elle.
Marie : De toute évidence c'est le cas. Mais n'auriez vous pas du attendre un peu avant de mettre un genou à terre et lui demander de vivre sa vie entière à vos côtés ?
Constantin : Je crois que je comprends. Vous pensez que je me précipite.
Marie : Exactement. Le mariage n'est pas un sujet à prendre à la légère. Mine de rien, c'est un engagement à vie.
Constantin : Je le sais bien. Vous n'avez pas de soucis à vous faire, j'ai passé la semaine à peser le pour et le contre. J'ai même demandé son avis à Adelphe, il pense que j'ai raison de déclarer mes sentiments.
Marie : Si Adelphe le dis, cela change tout évidemment...
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selidren · 2 years
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
24/25
C’est sans doute à ce vivier si particulier que nous devons également la personnalité de notre petite Rose. Si j’ai tenu le rôle de figure fraternelle, elle a grandit entourée de figures féminines qui lui ont inculqué à leur insu une certaine indépendance, et j’ai sans doute contribué à la situation. Elle a en outre hérité de la pugnacité de son père, ce qui explique sans doute qu’elle n’accepte de faire que ce qui lui plait. Juliette, à sa façon, est également de cette trempe. Nous formons une fratrie un peu particulière en somme.
Transcription :
Jeanne : Rose ! Où étais-tu donc passée ?
Rose : Pas bien loin cousine. Je suis montée dans les chambres pour me reposer un peu, les conversations de ces messieurs sont épuisantes.
Jeanne : Je ne te le fais pas dire. Ce Monsieur Hautbourg est extrêmement grossier, il n’hésite pas à couper la parole sans vergogne pour orienter la conversation vers ce qui lui plait. Et le pire, c’est que ton frère lui a emboité le pas. 
Rose : On ne peut pas en couloir à Constantin, vous savez comment il est. Il ne pensait pas que cela vous fâcherai.
Jeanne : Oh je ne lui en veux pas, c’est un gentil garçon à sa manière et... attends donc ! Zéphir était avec toi là-haut ? Sans chaperon ?
Jeanne : Vous vous êtes éclipsés un certain temps et... Seigneur Dieu ! Rose !
Rose : Ce n’est rien cousine. Personne ne nous a remarqué. 
Jeanne : En fait si, moi. Mais à pensais-tu ? Bon Dieu, tu es la fille la plus maligne que je connaisse, je n’imaginais pas que tu prendrai de tels risques ! Ce genre de choses ne se fait pas !
Rose : Oh je vous en prie Jeanne, ne dites rien à Grand-Mère ! Je la déçois déjà bien assez comme cela.
Jeanne : Ce n’est pas ce qu’elle *soupir* Bon, ton Zéphir et toi prévoyez de vous marier c’est bien cela ?
Rose : Evidemment. Je n’aurai pas pris ce risque sinon.
Jeanne : Sainte Marie Mère de Dieu... C’es d’accord, je ne dirai rien.
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selidren · 2 years
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
16/25
Quand j’étais plus jeune, il m’est apparu évident que je devais reprendre le flambeau familial à sa place. Il me semblait impensable de vouloir imposer cela à mon cher Constantin qui avait déjà le nez dans les livres et l’oeil brillant de la soif de savoir qui caractérise les érudits. Rien qu’à l’imaginer négocier des contrats, ne serait-ce que rencontrer des clients, j’en avais des sueurs froides. Il va de soi que si il advient qu’il ait jamais des enfants (ce dont je doute car les femmes semblent bien peu l’intéresser), l’héritage familial ira à n’importe lequel d’entre eux qui voudra assumer la charge. Mais moi, de mon côté, que vais-je laisser à mon fils ? 
Marie m’a déjà assuré qu’elle comptait répondre elle-même à cette question. La vie domestique l’intéressant peu, elle s’est mise à écrire dans la presse, comme votre mère en son temps. Rien d’aussi érudit bien sûr, mon épouse n’est pas une grande intellectuelle, mais elle rédige des articles sur l’actualité locale dans la gazette du village. Elle est assez ambitieuse, car elle projette de racheter le journal et souhaite investir dans une attraction de forains appelée le cinématographe. Je vais sans doute vous paraître misogyne et passablement ingrat, mais malgré la grande admiration que je ressent pour elle, j’aurai préféré transmettre à Alexandre une chose que j’aurai bâtie moi-même, de mes propres mains. J’ai toujours pensé que cela était le rôle du père et non de la mère. 
Transcription :
Constantin : C’est tout de même dommage qu’Adelphe n’ait pas pu venir, il aurai appris beaucoup de choses ce soir. Il ne comprend presque rien quand je lui parle de mon travail.
Jeanne : Ton cousin est loin d’être idiot Constantin.
Constantin : Ce n’est pas ce que je voulais dire Cousine. Je voudrais simplement pouvoir en parler avec lui aussi, mais je reconnais qu’il a ses propres champs de compétences. Et je ne le remercierai jamais assez pour avoir repris l’affaire familiale. Père ne s’est jamais rendu compte à quel point cela m’ennuyait.
Jeanne : Il pensait faire ton bien, et d’ailleurs il a fini par se tourner vers Adelphe. Tu sais, ta grand-mère ne l’admettra jamais, mais il arrive que des parents fassent des erreurs en pensant garantir le bien-être de leur enfant.
Constantin : En tous cas, vous êtes bien la seule à le reconnaître. Cela vous est déjà arrivé ? 
Jeanne : Bien entendu, c’est loin d’être aussi peu répandu que tu le penses.
Constantin : Qu’avez-vous fait ?
Jeanne : Quand il était tout petit, j’ai cause sans le savoir beaucoup de tord à mon fils Thomas. Il était mon premier né et mon mari a insisté pour...
Martial : Ah Le Bris ! Vous voilà !
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selidren · 2 years
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
15/25
Mais si il y en a un autre qui n’était pas peu fier en rentrant du Domaine de Chastel, c’était bien Constantin. Je l’ai rarement vu se rengorger autant, et c’est avec beaucoup d’émotion qu’il m’a annoncé son départ imminent pour l’Egypte. J’ai moi-même éprouvé cette espèce de fierté, la même qui m’a étreint quand j’ai vu mon fils faire ses premiers pas, ou quand il a balbutié d’un air hésitant le mot “Papa”. Je suis soulagé de voir que mon cousin, presque mon petit frère, que je couve depuis toujours, enfin bien engagé sur la voie qu’il s’est choisi.
Transcription :
Jeanne : Alors, ce souper a-t-il été à la hauteur de tes espérances ?
Constantin : Et plus encore Cousine Jeanne. J’étais tellement nerveux que j’ai eu peur qu’il voie que mes mains étaient moites. J’aurai aimé garder mes gants pour manger, comme cela il n’aurait rien vu.
Jeanne : Je suis certaines qu’il n’a pas prêté attention à tes mains ne serait-ce qu’une seconde. Tu l’as captivé. Où est-il passé d’ailleurs ?
Constantin : Je crois qu’il est aux commodités il semble, même si il ne l’a pas dit. En revanche, il m’a dit d’apprendre devant la cheminée car il en avait à peine pour quelques minutes. Il veut qu’on poursuive notre conversation.
Jeanne : C’est plutôt bon signe.
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selidren · 2 years
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
14/25
Constantin a attendu quelques minutes après que les choses se soient calmées pour entrer à son tour. Il déteste tout ce qui est cris et conflits ouverts, aussi n’a-t-il pas écouté de quoi il en retournait, mais en admettant lui même qu’il ne fallait pas être un génie pour comprendre ce qui se passait. A son arrivée, Constant et Grand-Mère se regardaient en chien de faïence, “comme si l’un attendait que l’autre daigne céder du terrain, détourner le regard, ou admettre une espèce de défaite” a dit Cousine Jeanne. Elle n’a pas eu à ironiser tant que cela, car sachez que mon cousin tient son indécrottable fierté de sa grand-mère, et que c’est même chez lui, parmi tous les petits-enfants, que cette caractéristique s’est la plus exacerbée. 
Transcription :
Constant : Si vous pensez encore que j’ai besoin qu’on m’explique les choses après tout cela, alors nous n’avons plus rien à nous dire. N’insistez pas, car je ne veux pas devenir méchant avec vous. 
Eugénie : Je voulais simplement t’aider...
Constant : C’est cela votre conception de l’aide ? Jusqu’à preuve du contraire, blesser n’est pas aider. Je ne vous l’ai peut-être pas assez dit pour vous ménager, mais à part nous faire du mal, à Corentine et à moi, vous n’avez pas réussit grand chose dans cette affaire. 
Eugénie : Je m’inquiète pour toi. 
Constant : Il n’y a pas matière. Et quand bien même, vous avez une façon de le montrer très particulière.
Constant : Les noces auront lieu au printemps prochain. Venez, ou ne venez pas, peu m’importe. 
Eugénie : Constant... Bien sur que j’assisterai à ton mariage. Je pense que tu...
Constant : Non, cette conversation est finie. Je dois aller m’occuper de mes invités. Si vous voulez revenir me voir pour discuter ou nous promener, ce sera à votre initiative. Mais vous avez intérêt à vous présenter avec des excuses sincères.
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selidren · 2 years
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
5/25
Les relations entre Rose et Grand-Mère sont de plus en plus hostiles ces derniers temps. Entre une adolescente de quinze ans très individualiste et sure d’elle et une vieille dame toujours inquiète, il est difficile de trouver un terrain d’entente. J’ai bien tenté de me faire parti neutre pour aplanir le conflit, mais rien n’y fait. Grand-Mère ne cesse de brandir comme raison à ses inquiétudes justifiées le sort qui fut celui de ma mère. Cela ne cesse de m’agacer. Les temps ont changé. Et maintenant que Constantin est enfin en train de réaliser son rêve, je dois me charger de Rose.
Transcription :
Zéphir : Rose ! Tout va bien ?
Rose : A ton avis brillant cousin ? Je me suis isolée car la conversation était tellement charmante et stimulante que je n’ai pu la supporter. Non, je suis venue ici pour être un peu seule. 
Zéphir : Alors... tu veux que je te laisse ?
Rose : Excuse moi... Toi tu peux rester bien sur. 
Rose : J’en ai assez de Grand-Mère et de ses angoisses. J’espérais avoir un peu de répit ce soir, je me disais qu’en face de Constant et de Monsieur Hautbourg, elle n’oserai pas. C’était une grossière erreur de lui faire confiance. 
Zéphir : Moi j’ai été cuisiné toute la soirée par Cousine Jeanne. Elle a voulu me faire dire que j’aimais bien le pensionnat, mais comme je ne lui donnais pas satisfaction, elle m’a chapitré sur l’éducation que je suis censé y acquérir.
Rose : En résumé, nous avons tous les deux passé une merveilleuse soirée.
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