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#le lac des corbeaux
alexar60 · 1 year
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Monstres
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Il n’était jamais bon de se promener seul dans une forêt. Après quelques kilomètres, Johannes regretta d’avoir refusé une assistance. Il regarda les arbres à l’apparence humaine pendant que son chariot avançait. En bon marchand colporteur, il ne transportait pas de réelle valeur si ce n’est quelques dentelles ou tissus venu de France. Toutefois, il craignit une attaque de bandits, malandrins ou voleurs de grand-chemin qui n’auraient aucune pitié pour sa vie.
Mais son inquiétude allait surtout sur les légendes que la forêt, celle qu’il traversait actuellement, regorgeait. En effet, nombreux furent ceux qui prétendaient avoir rencontré un monstre, une bête au regard noir et à la forme d’un loup. D’autres parlèrent de farfadets, trolls malveillants qui s’amuseraient avec les visiteurs perdus. Et puis, il y avait les histoires concernant des disparus. Chaque village autours du bois comptait au moins une personne qui n’est jamais revenu de la forêt.
Il aurait pu faire le tour. Seulement, afin de gagner deux bonnes journées,  le marchand voulu traverser cet endroit maudit. Son cheval avança avec une certaine nervosité. Un léger brouillard imposait une ambiance glaciale pendant que quelques oiseaux criaient. Un coucou par-ci, quelques corbeaux par-là. Le vent balançait les cimes des arbres provoquant un sifflement inquiétant. Parfois, Johannes tournait la tête au craquement d’une branche ou au bruissement d’un buisson provoqué par un animal sauvage.
Le cheval n’avait qu’à suivre la route tracée. Cependant, après quelques heures, il s’arrêta brusquement. Son hennissement alerta le commerçant. Dès lors, il se leva sans quitter le chariot, il serra un bâton long et attendit. La peur faisait gargouiller son ventre. Ses tympans battaient son cœur dans un désagréable fracas.
Avance, mon ami, avance, je t’en prie, murmura-t-il afin de ne pas réveiller de monstre.
Mais il n’obtint du cheval qu’un énième hennissement. Il demeura debout, les jambes tremblantes. Il réalisa qu’il n’entendait aucun autre son en dehors de sa respiration, et de celle de son cheval. Il tourna la tête, cherchant à voir à travers la brume. En fait, il espérait la venue de quelque-chose qui puisse le rassurer, même un monstre. Car le silence absolu était la pire des angoisses.
Soudain, un hurlement surgit des profondeurs de la forêt. Le cheval se cabra avant de galoper comme un forcené, provoquant en même temps, la chute de Johannes hors du chariot. Lorsqu’il se releva, il ne put que constater son bien déjà trop loin pour le rattraper. Mais sans attendre, il se mit à courir espérant retrouver son cheval le plus tôt possible.
Il courut au milieu des branches. Un bruit fort et rapide sembla approcher comme un monstre en train de pourchasser sa proie. Il continua de courir sans se retourner. Le froid de la brume giflait ses joues contrastant avec son sang qui bouillait en lui. Il courut pour finalement arriver dans une clairière.
Essoufflé, fatigué, il se pencha pour reprendre une respiration normale. En entendant des rires, il leva la tête et découvrit un lac peu profond et pas très grand. Au bord, sept jeunes femmes s’amusaient de sa présence tout en lavant du linge blanc. Elles se ressemblaient comme des sœurs, la peau blanche comme le lait.  Leur longue chevelure rousse flamboyait telle une torche allumée. Johannes se sentit gêné de se retrouver avec d’aussi belles femmes, dont les robes blanches trempées ne cachaient rien de leur corps désirables.
Qui es-tu, jeune imprudent ? demanda celle qui semblait être la plus vieille.
Je me nomme Johannes Tischler. Je suis un marchand perdu en ces lieux. N’auriez-vous pas vu passer mon cheval tirant un chariot, par hasard ?
Non, répondit-elle. Mais il ne doit pas être bien loin. Si tu veux nous t’aiderons à le chercher plus tard. Mais en attendant, tu pourrais nous aider à frapper ce linge.
Le marchand hésita un instant. « Si monstre il y a, il ne peut attaquer quand nous sommes plusieurs » pensa-t-il. Dès lors, il retira ses bottes et entra dans une eau froide. Une des jeunes femmes tendit un battoir qu’il attrapa. Deux autres s’écartèrent pour lui laisser une place. Il prit un drap et commença à le frapper sous les sourires des lavandières.
Parfois, elles discutaient, murmuraient entre elles tout en regardant Johannes. Il avait l’impression qu’elles n’avaient jamais vue d’homme avant lui. Il battait le linge avec difficulté. Et une fois terminé, une laveuse l’aidait à plier correctement les draps pour les faire sécher. Il avait du mal à empêcher ses yeux d’admirer les formes généreuses de ses coéquipières du moment. Le téton de leurs seins ressortant de sous la robe trempé, Les pubis collant au tissu. Il détourna le regard, dès que l’une d’elle se penchait trop, lorsqu’elle était à genoux, galbant ainsi ses fesses rosies par les reflets du soleil. Il ne s’était pas rendu compte que la brume ne recouvrât pas la mare.
Enfin lorsque le linge fut propre, il retourna au bord pour remettre ses chausses et attendit qu’elles sortissent à leur tour. Le soleil commença à décliner. La plus ancienne s’approcha. Il remarqua ses jolis yeux noirs et son nez fin. Il baissa rapidement les yeux, admirant au passage qu’elle avait plus de poitrine que les autres.
Il se fait tard, je te propose l’hospitalité pour te remercier de ton aide, annonça-t-elle.
Soulagé de ne pas à traverser la forêt en pleine nuit, Johannes accepta. Dès lors, il suivit les sept jeunes femmes sur un sentier qui l’éloignait de la route principale. Sur leur passage, les oiseaux ne chantaient pas, le brouillard se dispersait et un silence immense régnait.
Elles marchèrent sans prononcer une seule parole. Par moment, elles regardaient Johannes, lui conseillant de faire attention à une racine au sol ou aux ronces sur le côté. Elles marchèrent tout en portant leurs paniers de linge. Les arbres étaient si proches les uns des autres que Johannes n’imaginait pas une chaumière dans un endroit pareil. Il suivit les femmes et vit enfin une cabane.
Elle parut grande, cependant il fut surpris qu’elles continuassent de marcher, se dirigeant vers une caverne. Le colporteur aurait voulu demander si la maison en bois était leur domicile. Mais invité par deux des rouquines, il se contenta de les accompagner. Il sentit leurs mains presser ses bras et ses hanches. Décidément, il faisait un grand effet auprès d’elles. Il pénétra dans la grotte. Elle était immense, éclairée par une multitude de bougies. Toutefois, une odeur nauséabonde empoisonnait l’atmosphère.
Viens, nous avons retrouvé ton cheval, annonça une des femmes.
Etonné, Johannes s’enfonça dans la grotte. Comment son cheval pouvait être ici ? Et comment pouvait-elle le savoir alors qu’il ne les a jamais quittées ? Il marcha toujours encadré par deux jeunes femmes. Leurs doigts devenaient de plus en plus entreprenants, et déjà, il sentit leurs caresses de plus en plus sensuelles. La forte odeur putride se fit de plus en plus forte.
Tout-à-coup, le marchand fut saisi d’effroi. C’était une vision d’horreur que de voir un monceau de cadavres. Il y avait des animaux en grande quantité, à moitié putréfiés, des parties dévorées et décharnées, des squelettes attendant de blanchir. Il y avait des chiens, des loups, des chats, des renards, des chevreuils et des cerfs, des lapins, et par-dessus, les restes d’un cheval noir copie exacte du sien, s’il était encore entier. L’animal avait la gorge arraché et exhibait ses côtés encore ensanglantées.
Johannes n’eut pas le temps de crier quand il sentit des pointes enfoncer son ventre. Les doigts de ses hôtesses venaient de se transformer en griffes acérées. Leurs visages n’avaient plus rien d’humain. Elles hurlèrent tout en se jetant sur le pauvre homme. Elles le dépecèrent, arrachant sa viande avec une telle monstruosité. Le sang coula le long de leur menton pendant qu’elles mangeaient sa chair. Et dès que les dames de la forêt se sentirent rassasiées, elles jetèrent les restes parmi le tas de cadavres d’animaux, avant de s’endormir repues et comblées.
Ales@r60 – août 2023
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reflet-de-la-lune · 1 year
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Les traces de trois corbeaux se baladant sur le lac Vermillion en direction du mont Rundle et de la constellation d'Orion
Photographie de Paul Zizka au Banff National Park (Canada).
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Snapshot argentique La Bresse le lac des corbeaux juillet 1952 chien homme femme
8,8 x 6 cm 
(B2)
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mytherbalegwladys · 6 months
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Fluorine: Fluorine est gothique, cool et branchée. Sa passion, c'est le rock et les bonbons. Avec ses gemmes, elle peut transformer ses mains en griffes ou en lames.
Onyx: Onyx est la plus mystérieuse des gemmes de cristal. Elle aime se promener dans la forêt et chanter pendant la nuit. Comme Lapis Lazuli, elle possède un gemme sur son dos qui lui permet de déployer ses ailes. Et en plus, Onyx peut manipuler les corbeaux pour se défendre.
Citrine: Citrine est forte, brave et courageuse. Sa passion, c'est l'escalade, la plage et le sport. Avec son gemme, elle peut faire apparaître un fouet indestructible. Et en plus, Citrine a le pouvoir de géokinésie, c'est-à-dire de contrôler la terre et de transformer la consistance de la terre et des pierres. Elles peuvent utiliser ces pouvoirs pour provoquer des tremblements de terre, canaliser des coulées de lave, et manipuler des formes de pierre. Il leur est même possible de soulever des blocs de pierre en l'air, sur lesquels elles peuvent se tenir pour voler.
Aigue-marine: Aigue-marine est la sage et la calme des gemmes de cristal. Sa passion, c'est la plage, la baignade et les créatures marines. Son gemme lui permet de transformer ses jambes en queue de poisson. Comme Lapis Lazuli, Aigue-marine a le pouvoir de hydrokinésie.
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Perle Magenta (surnommée Maguy) est une prodige de la danse, et elle est fan du Lac des Cygnes.
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La bouffonne de la bande de Jago. Elle peut déployer ses ailes de fée par son gemme sur le dos et comme Spinel, elle peut étirer ses bras et ses jambes.
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Voici la maman de Jago.
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grandeoiedesneiges · 10 months
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La Grande Oie des neiges, d’où vient-elle ? Où va-t-elle ?
Par Marjolaine Naud.
Chaque année, 800 000 Grandes Oies des neiges traversent le Québec, reliant les États-Unis et le Haut-Arctique. Mais que sait-on vraiment de cette migration ? L’une des migrantes, MC61, nous emmène.
On est début mars et les jours s’allongent. Il est temps pour MC61 et ses congénères de quitter la Caroline du Nord où ils ont passé l’hiver dans les marais côtiers. Direction : l’Arctique. Leur avancée est rythmée par le dégel. Il leur faut atteindre leur destination au moment où la neige fond et où les plantes commencent juste à pousser. Ces plantes naissantes sont primordiales pour les oisons (les bébés oies), car elles sont de grande qualité nutritive. Elles leur permettront de grandir vite, car il va leur falloir beaucoup d’énergie pour revenir.
Le moment d’arrivée de MC61 et de ses congénères sur place est une question de survie. « Il peut y avoir un coût à arriver trop tôt : s’il n’y a rien à manger, leur survie est compromise. À l’inverse, si elles arrivent quand l’été est déjà commencé, les jeunes pourront moins profiter. » , explique Thierry Grandmont, doctorant en biologie dans le laboratoire du professeur Legagneux à l’Université Laval.
Le voyage
Première escale : le Québec, où le groupe arrive à la mi-mars pour s’y reposer et faire des réserves. Certains groupes s’arrêtent à la Baie-du-Febvre, d’autres au Cap-Tourmente ou au Lac Saint-Jean.  
Puis, à la mi-mai, MC61 et les autres reprennent leur vol pour le dernier grand segment du périple : 3000 kilomètres jusqu’au Haut-Arctique en survolant la forêt boréale. Parfois, les conditions sont difficiles. Elles essuient des tempêtes, ou bien il y a trop de neige. D’autres fois, les vents sont avec elles, et elles arrivent à destination rapidement.
« La portion du trajet entre le Québec et le Haut-Arctique, c’est environ 3000 km au-dessus de la forêt boréale, précise Thierry Grandmont. Ça peut prendre 3-4 semaines si les conditions ne sont pas bonnes. »
Et si les conditions sont bonnes ? « Grâce à un collier GPS, on a par exemple enregistré une oie qui a fait le trajet en 2 jours ! » ajoute-t-il. Surprise : il s’agit de MC61 !
L’île Bylot et le Grand Nord
MC61 fait partie de la colonie principale qui s’établit à l’île Bylot, au nord de l’île de Baffin. Mais d’autres membres de l’espèce s’éparpillent en petits groupes, plus au nord.
Une fois arrivée, notre oie doit trouver un emplacement pour son nid, pondre et couver 24 jours exactement. L’Arctique compte peu de prédateurs pour la Grande Oie des neiges ; c’est d’ailleurs ce qui explique cette migration. Ses oisons sont en revanche plus vulnérables ; renards arctiques, corbeaux ou encore goélands bourgmestres les menacent.
Une fois les œufs éclos, les adultes muent. Ils perdent toutes leurs plumes de vol et sont cloués au sol comme des milliers d’avions sans ailes. Il faut pourtant continuer à veiller sur les jeunes et les protéger. C’est une période à risque pour tout le monde. « Quand les adultes commencent à muer, ils forment des groupes pour se protéger », indique Thierry Grandmont. Il ajoute qu’ils « se tiennent aussi près des points d’eau, qui sont des refuges ». 
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Photo du réservoir Baudet à Victoriaville, prise en septembre 2022 lors de la migration d'automne. Plusieurs dizaines de milliers d’individus se retrouvent sur les mêmes points d’eau, parfois pendant plusieurs semaines. Photo généreusement confiée par Thierry Grandmont.
Début septembre, une fois la mue terminée et les petits suffisamment grands, la colonie repart pour le Québec. Et dès les premières gelées, elle finira le trajet pour la Caroline du Nord, avant de recommencer ce ballet l’année suivante, puis l’autre d’après.
-30-
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sab-monblog · 1 year
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Journée tranquille à faire la tournée des lacs, et il y a de quoi faire dans le coin !
D’abord, petit dej à Longemer où j’ai passé la nuit avant d’aller faire le tour à la fraîche de Retournemer.
Puis, pic-nic à Gérardmer, non sans être allée faire un tour au marché, avant d’aller piquer une tête au lac des Corbeaux, au milieu des carpes et des truites 😎
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Chroniques irlandaises: signes (3)
« Appel au signe vaut défi»
René Char
Roscoff. Une fin de journée ensoleillée de mai et de nouveau j’attends. Sans doute est-ce dans le prolongement d’une attente qui m’a précédée, l’attente, immémoriale, du retour des bateaux. Elle colore mon allégresse en bleu quand je l’aperçois, placide, les  entrailles béantes. Il est là ! son nom familier inscrit à la proue. Pont-Aven. Il me semble que si nos ennemis héréditaires anglais nous ont offert un cadeau, c’est bien d’avoir donné le genre féminin aux chats et aux navires. Je l’imagine comme une baleine bleue, à l’amarre avec sa lourdeur de cétacé revenu avaler goulûment sa ration hebdomadaire de véhicules et de passagers. La ville éphémère qui se reconstitue sur quelques hectares flottants vivra le temps d’une traversée nocturne, entre un coucher et un lever de soleil. Dynamique singulière qui fait converger vers une île les trajectoires de ceux qui rentrent et de ceux qui partent. Quand le bateau largue et se retourne, pavillon tricolore à l’étambot, les passagers groupés à l’arrière demeurent le plus souvent silencieux parce que s’éloigner d’une côte, c’est s’immerger dans le temps. La baleine ouvre ses évents, souffle. S’estompent dans un jet de vapeur le nid de corsaires, le Vieux Roscoff de Tristan Corbière, le Pays-Pagan, pays des naufrageurs.
La Bretagne de contrebande en moi, je retourne à Inishmaine.
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Une carte d’embarquement, et, pour quelques années d’abonnement l’accueil chaleureux de Don et Peggy autour de la théière ventrue à l’ombre de statues mariales et de photos de communiants, les portulans de James Kelly… J’avais hésité à reprendre le chemin du lac après ma rencontre (possible) avec Lugh et ses corbeaux. Revenir rituellement à Inishmaine me mettait au défi de l’habitude. Toute personne qui a rencontré de façon impromptue un dieu celte ou l’un de ses congénères ou encore une source d’éblouissement non identifiée l’avouera.  Une fois le saisissement passé, il lui faut se confronter à un paradoxe fondamental : citer Kerouac, s’imaginer en fêlé pour laisser passer la lumière mais se précipiter dans l’instant qui suit au magasin d’abat-jour le plus proche pour échanger le lustre solaire contre une ampoule longue durée de faible intensité qu’il appellera, par exemple, le bonheur; ça passe ainsi, avec l’habitude. On est irradié un soir au bord d’un lac et on finit par y saucissonner.
Mais il y avait l’arbre. L’arbre, qui avait migré, le signe qui s’était implanté au milieu de mon sommeil, dans les vagues des saisons. Brumes et détrempes,ses feuilles pourries dans les alvéoles minérales, en vrilles sous le tourbillon des vents d’automne. Durant l’hiver au cœur des montagnes engourdies poudrées de sucre glace, ployant sous les antiques colères qui décochent de la surface du lac des flèches argentées en direction du ciel. Il gémissait sous les montées de sève du printemps, saison de l’agnelage, dégorgeait d’inflorescences et les alvéoles gazeuses s’emplissaient de pétales roses et blancs et de laine d’agneau.
Chaque mois de mai je ferai irrémédiablement renouveler mon titre de séjour auprès des pêcheurs.
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Il n’était pas acquis. Et ce n’était pas parce que ma présence offre d’autant moins d’intérêt que je sais uniquement vider le poisson de mer. Nulle discrimination dans cette histoire. Mais l’abondante production littéraire des écrivains pêcheurs américains le prouve : leurs héroïnes sont plus fréquemment incarnées par des ourses du Montana que par des femmes. Et les accusations de sexisme envers Jim Harrison ont été battues en brèche. Si l’aventure halieutique est essentiellement virile, c’est parce que la pêche à la truite est un art de vivre dans la nature dont j’avais vite saisi les principaux aspects matériels.
Où me mettre le soir lorsqu’une pièce de séjour à l’origine pimpante se transformait le soir en bivouac ? Du sol au plafond de Kate’s cottage cuissardes et moulinets dégouttaient jusqu’aux coussins du canapé dans une fade odeur d’aquarium. Seules la délicatesse des soies et la légèreté des mouches plumeuses évoquaient la grâce du geste  du pêcheur.  Robert Redford n’aurait sûrement pas obtenu un Prix à Cannes pour le film « Au milieu coule une rivière » s’il avait affublé Brad Pitt de cet attirail au lexique ingrat -latex, pneumatiques, néoprène, carbone, kevlar-.Les opérations de maintenance s’étayaient sur un triptyque immuable de feu de tourbe, whisky et chronique détaillée des gobages du jour qui, dans le meilleur des cas, débouchent sur la capture d’un poisson. Depuis ce temps, ma stratégie a toujours consisté à privatiser près du feu un coin pour mes livres et moi, ce qui m’offre parfois une occasion de m’enfoncer dans mes contradictions. Je lance. A-t-on le droit de tuer un poisson si beau que Schubert lui a consacré son seul quintette ? Je ferre la réponse. La beauté n’est pas l’antidote de la mort ! Puis, la succulence de la chair rosée finement irisée d’une truite sauvage épuise mes scrupules.
Je n’ai jamais su y résister.
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Après les Kelly, le cercle des relations de proximité s’était élargi.
Il n’y avait rien à espérer des moutons. Essayer de les dénombrer aurait produit l’effet narcotique bien connu. Mais amplifié! Les corbeaux ? Grâce aux miettes du soda-bread de Mary-Ann -et peut-être de leur intimité avec Lugh?- nous installions progressivement une relation de sympathie réciproque. Il restait Niall, l’autre habitant du sentier. Niall était un émigré revenu au pays enfiler une chemise à carreaux et occuper le temps qu’il ne passait pas à pêcher à. remonter ces murets qui caractérisent le paysage de l’Ouest irlandais. Il m’en avait appris l’origine. Ces murets n’ont jamais eu d’utilité dans le système agraire. Ils sont l’héritage de la faim des pauvres, plutôt de la Famine. Il s’agit d’un principe qui n’a jamais cessé d’être réactualisé au fil des siècles. Attribuer un bol de soupe ou un quignon de pain aux pauvres en échange d’un travail dont la finalité importe peu s’explique par le respect d’une prescription d’hygiène morale.  Des Français du XXI ième siècle qui ramassent les déchets sur les plages ou trient les invendus des supermarchés pour les distribuer à d’autres pauvres aux Irlandais faméliques du XIX ième qui montaient des murs, il n’y a qu’un pas. Et ce n’est pas surprenant qu’il ait été franchi par un écrivain irlandais, Beckett, qui fait dire à Molloy :
« A qui n’a rien, il est interdit de ne pas aimer la merde. »
L’initiative d’une première rencontre interculturelle revenait aux Français dont on connaît la forme de sociabilité élémentaire. Initiée par le chanoine Kir, elle est désignée sous le nom générique d’apéro (dans un registre qui va de l’apéro amélioré à l’apéritif dînatoire). La formule avait stupéfié les invités. Elle se déroule en effet à l’heure du high tea, précisément au seul moment de la journée où on ne boit pas d’alcool. Le reste du temps, c’est apéro à toute heure au pub, deux ou trois pintes de Guinness tenant lieu de repas à tout organisme habilité.
Pour cette première fête des voisins à Kate's cottage j’avais réussi à dénicher un succédané d’anis en plus du vin blanc importé. Les commensaux avaient regardé, ébahis, mettre du sirop de cassis dans un produit qui était si onéreux au magasin Spar de Ballinrobe. Niall avait raconté la triste histoire du « canal sans eau ». Nous avions évidemment chanté en revenant toujours à la coda à Poupée de cire, Poupée de son. A sa grande surprise, l’auditoire de corvidés avait bénéficié des accents d’un chant choral inédit du point de vue phonétique.
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Et pour terminer la nuit par une note doucement mélancolique, nous nous étions émus du sort de Molly Malone à Dublin City et j’avais souri. Je souriais parce que Molly Malone hameçonnait le lointain souvenir d’un matin de Bretagne. Les musiciens étaient partis jouir d’un sommeil récupérateur en abandonnant accordéon diatonique, bodhran et violon sur une petite scène. A cet âge où une nuit blanche voile les cordes vocales sans que les cernes marquent les paupières, on abuse du café au petit-matin. Moins pour se tenir éveillé que parce qu’on pressent, intuitivement, qu’on en aura besoin plus tard. Il y avait là les bruits d’un marché qui s’installe, une chienne encore endormie sous la table, au premier rayon de soleil, la flammèche rousse à la chevelure incendiée d’une toute petite fille… Penchée sur un ménisque de café brûlant, Deirdre, la chanteuse du groupe irlandais, m’apprenait à chanter. Alive Alive Oh !  Je souriais « de même », comme dit Prévert, dans le poème Barbara. De même, parce qu’en réalité nous n’avons qu’un seul sourire. Né avant la parole à l’instant de notre première irradiation, il restera identique de la naissance à la mort. Si nous le perdons à la suite d’un brutal traumatisme ou dans les coulisses du théâtre social, il demeure scellé dans des lieux où il y a des pierres et de l’eau.  
Mais le véritable apéro amélioré se déroulerait quelques jours plus tard chez Les Kelly. Je devais auparavant me procurer la totalité des paroles de Poupée de cire, Poupée de son car la répétition du refrain était lassante, à l’usage. Et à propos de lieu, retrouver le nom de l’auteur qui a écrit :  «  avoir pour but le plus urgent d’agencer de ces faits qu’on peut croire être les lieux où l’on se sent tangent au monde et à soi-même.
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(à suivre)
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ericmie · 3 years
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La petite histoire de RURAL
13) Le Lac des Corbeaux
Niché au milieu des sapins à 887 mètres d’altitude en plein cœur des montagnes vosgiennes, le lac des Corbeaux est sans conteste l’un des joyaux naturels du massif. Petit, j’y allais avec Christian, mon parrain. Lui pêchait tranquillement pendant que je rêvais toute la journée, tout autour. J’ai toujours aimé ce lac. Je lui ai toujours trouvé un air romantique à souhait. C’est une cathédrale gothique ce lac. D’ailleurs il est appelé aussi « l’œil noir des Vosges » tant sa couleur et son atmosphère fascinent depuis toujours. J’avais donc, depuis longtemps, l’idée de lui rendre hommage. Un jour que, comme à mon habitude, je chinais au village du livre de Fontenoy-la-Joûte, en quête d’un ouvrage de ou sur Jean Richepin que je ne possédais pas, je tombe sur une revue littéraire datant de 1912 dont le directeur est Paul Fort : « VERS ET PROSE » tome 30. Je l’achète car je lis le nom de Richepin au sommaire. Arrivé à la maison je m’aperçois qu’il n’y a pas grand-chose de Richepin dedans mais je suis heureux de mon achat tout de même car c’est une chouette revue poétique. Surtout je découvre la première partie d’un conte fantastique signé d’un certain Jacques Nayral dont le titre est « Le Lac des Corbeaux ». Je suis subjugué par la qualité d’écriture et heureux de découvrir que c’est bien du même lac qu’il parle. Déjà en 1912, ce lac inspirait une inquiétude romantique. Je fais quelques recherches sur ce Jacques Nayral mais je n’apprends pas grand chose. Jacques Nayral, de son vrai nom Joseph Houot, était un journaliste, écrivain et poète français né le 15 mai 1876 à Remiremont et mort le 9 décembre 1914 à La Bassée, en tant que « poilu », à 38 ans. Je retrouve aussi un article datant de 1911 qui dit de lui qu’il est un des plus sûrs écrivains de sa génération. Mais rien d’autres. Pas d’autres poésies ni de livres, pourtant il en a publié plusieurs durant sa courte vie. J’apprends aussi que l’Académie française lui a décerné le prix Jules-Davaine en 1915 à titre posthume. Jacques Nayral est surtout connu aujourd’hui pour le portrait cubiste qu'Albert Gleizes a peint de lui en 1911 : « Portrait de Jacques Nayral. » Présentée au Salon d'automne de 1911 puis au Salon de la Section d'Or en 1912, cette peinture appartient un temps à son modèle. Elle est aujourd'hui conservée à la Tate Modern, à Londres. Pourtant, rien que dans ce début de conte, son écriture est envoutante. Et c’est le déclic. Je décide d’écrire une chanson sur ce fascinant lac. J’y relate mes souvenirs d’enfance près de lui et j’imagine que c’est le tombeau de ce poète vosgien oublié. Pendant que RURAL est aux mains de Maël Nesti pour le mixage, je décide de trouver le tome 31 de cette revue afin de pouvoir enfin lire la fin de ce conte. Je le trouve mais les prix sont trop élevés pour un pauvre intermittent comme moi. Par chance je trouve sa version numérique et gratuite sur le merveilleux site de la bibliothèque national de France : Gallica. Je peux lire enfin la fin de ce conte et un frisson me parcours tout le corps. Je retrouve une partie de mon refrain. Le terme « lac sépulcral » est bien dedans et, pire encore, l’idée même de ma chanson fait écho à sa chute. Je ne divulgâcherais pas car j’espère un jour réédité ce conte mais je peux vous assurer que « l’ironie de la vie est parfois bien ironique » comme dirait l’autre. Aujourd’hui je fais des recherches pour trouver les descendants de ce poète pour leur offrir mon disque avec ma chanson hommage et leur parlé de mon idée de réédition. J’ai appris, sur wikipedia, qu’il est le descendant d'une famille Houot originaire des Vosges, précisément de Remiremont, Hadol, Arches et Le Tholy et que son fils, Georges Sylvain Houot (29 août 1913, Paris, France - 7 août 1977, La Garde), fût officier dans la Marine française, et connu mondialement comme le commandant du groupe des bathyscaphes. Si ça vous dit quelque chose…
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massi-arezki · 3 years
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La cascade de la Pissoire... et la pluie
La cascade de la Pissoire… et la pluie
Le 29 janvier 2021, au réveil de cette journée, la pluie était encore au rendez-vous, tout comme la veille au lac des Corbeaux. A Cornimont, notre base pour ce séjour où nous avions louer un appartement, toute la neige était fondue, il ne restait plus de trace, la pluie battait à flot. Décidément, à part le premier jour, ce voyage était placé sous le signe de la pluie. Malgré tout, la pluie ne…
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8 mars 2020 - Le monastere vide
Le monastère surmontait les étendues glacées et turquoises du lac. Il était clos pour hivernage et les neiges ne laissaient parfois apparaître que le haut des grandes portes. Le couvent paraissait vide car il n'était pas habité par les humains, descendus dans la vallée pour prier au chaud, le temps que le soleil du printemps leur permette de moins frissonner dans leurs cellules. Mais il n’en était rien : des murmures le parcouraient et chevauchaient les vents au travers des drapeaux de prières reliés par des lignes célestes ; rouge, jaune, blanc, vert et bleu, ils bruissaient dans les bises qui frayaient dans les hauteurs. 
Et l'arbre était là, avec ses écorces aux allures de peaux ridées par l’age et ses frondaisons portant des drapeaux de prières et des écharpes honorifiques bouddhistes. Le mien était noué à une branche à portée de main. Orange avec des liserés rouges et d'autres jaunes, mon katha dodelinait doucement dans le vent, sous l’œil des Lhas dans les montagnes.
Le monastère était parcouru aussi par de êtres de chair et de sang, dans le secret de la nuit. Car il fallait compter sur les animaux qui le visitaient à la disparition du jour : autour des bâtisses, apparaissaient au petit matin des trace multiples de coussinets de martres et de petit renards, de rongeurs et de corbeaux. Cette multitude empêchait de dénombrer les visiteurs qui foulaient le sol blanc de leurs pattes lestes, dans le bruissement de la neige.
Les vastes étendues blanches entouraient le lac et traversaient aussi les villages. Sans que nous le sachions, les animaux étaient alors bien proches de nos visages endormis...
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alexar60 · 1 year
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Corbeaux
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C’était une nuit calme et douce. Pourtant, je n’arrivais pas à dormir. Je pensais à cette bataille prévue le lendemain. Je savais qu’elle ne serait pas facile car l’ennemi est vicieux, fourbe et revanchard. Leurs guerriers sont connus pour être belliqueux, et ils n’ont pas peur de la mort.
La porte de ma tente s’ouvrit laissant apparaitre une silhouette féminine. J’aperçus, derrière elle, un feu crépiter autours duquel trois légionnaires trouvaient de la chaleur.
Marcus, tu dors ?
Je relevai légèrement la tête pour observer la jeune femme. Macha était une très belle femme brune au teint blanc. Je l’avais rencontré dans d’étranges circonstances. Après un énième combat, j’étais parti m’isoler près d’un lac. J’étais fatigué, alors, je m’allongeais dans une herbe grasse. Je sentais ce court soleil du nord de l’ile de Bretagne réchauffer mon visage en pensant quitter la légion. Tout-à-coup, le soleil disparut caché par un ombre venue de nulle part. Macha me faisait face. Son corps ferme et harmonieux se dessinait légèrement sous une longue robe blanche. Elle me sourit avant de dire:
Ainsi, c’est donc toi !
Je restai abasourdi par la beauté de cette calédonienne. De plus, je fus intrigué d’entendre une voix féminine parler un parfait latin. Nous discutâmes de ce qu’elle voulait dire par cette phrase. Sa réponse me surprit encore plus :
Tu es celui que je dois prendre soin. Avec moi tu connaitras la gloire et la richesse à condition que tu ne parles jamais de moi.
J’acceptais son pacte et depuis, je ne sais comment elle entre et sort du camp, sans être remarqué par les légionnaires. Elle entre comme ce soir, se couche auprès de moi. Nous discutons de tout sauf de la guerre. Nous faisons l’amour puis elle part avant le lever du soleil.
Cette nuit, je regardais sa robe blanche glisser le long de ses hanches. Elle approcha, releva les couvertures et se colla contre moi. Elle me laissa l’aimer. Je sentais ses cuisses me serrer m’incitant à m’enfoncer en elle. Ses ongles lacéraient mon dos. Ses yeux me regardaient avec passion. Sa bouche me réclamait. Elle aimait que je l’aime. Puis, après un long râle de plaisir, nous restâmes exténués. Je repris mon souffle pendant elle reposait sa tête sur mon épaule.
La bataille de demain sera terrible. Les dieux ont décidé de s’en mêler, murmura-t-elle.
Serais-tu une espionne ? demandai-je. Dans ce cas, je serai obligé de te faire arrêter et torturer avant de te condamner à la crucifixion.
Je cours trop vite pour que tu me rattrapes, affirma-t-elle en riant.
J’accompagnais son rire dans demander d’explications. Je ne me sentis pas m’endormir. A mon réveil, Macha avait une nouvelle fois disparu. Mon aide de camps entra alors que j’étais toujours couché. Il annonça que la légion était prête. Soudain, il ramassa quelque-chose au pied de mon lit. C’était une plume de corbeau.
Cela faisait une bonne heure que nous avancions dans une plaine déserte et encerclée de petites montagnes et de collines. Les hommes ne supportaient plus les moustiques qui suçaient leur sang. Ils marchaient à pas lent. Devant la cavalerie revenait lentement. Les chevaux appréciaient mal de galoper dans cette tourbe. Leur chef fit son rapport. Je m’étonnais d’apprendre qu’il n’y avait personne d’autre que nous.
Qui est cette femme, demanda un centurion en pointant son doigt.
En haut d’une colline, assise sur un rocher, une femme dansait avec des oiseaux. Elle écartait les bras imitant leurs ailes déployées. Elle semblait jouer avec eux. J’ordonnai qu’on envoie quatre hommes afin de la capturer pour obtenir de possibles renseignements. Je regardai les cavaliers se diriger vers la belle. Son comportement paraissait étrange, et déjà j’entendais autour de moi qu’elle était dangereuse.
Partout, il n’y avait rien d’autre que de la tourbe. Il n’y avait pas d’arbre, ni le moindre buisson. Cependant, à cause de l’atmosphère pesant, les hommes restaient sur le qui-vive. On pouvait sentir les tensions. Au loin, les éclaireurs étaient à quelques pas de la femme lorsque celle-ci se mit à chanter et à croasser.
Une nuée de corneilles s’envola avant de se jeter sur les quatre cavaliers. Ils chutèrent, hurlèrent sans arriver à se défendre. Les becs et les serres des oiseaux pénétraient et déchiraient leur chair. Le calme revint brusquement pendant que la sorcière dansait tranquillement. Un corbeau se posa sur son épaule. Son bec contenait un morceau de viande arrachée.
Cette scène mortifia les légionnaires. Ils demeurèrent muet devant tant d’horreur. Tout-à-coup, un cri provint de l’arrière, puis un second. La panique s’engouffra parmi les romains. On se débattait ! Des hurlements venaient de sous la terre. L’ennemi était avec nous. Il attendait patiemment enterré dans la tourbe, depuis le matin. Son chef avait jugé le bon moment pour sortir. En effet, nous n’avions pas la possibilité de s’organiser en bataille rangée.
Les pictes étaient pratiquement tous nus, le corps peint de bleu, certains en rouge. Ce qui voulait dire qu’ils ne feraient pas de prisonnier. Le combat fut rude et long. Je me battais au corps à corps. Je voyais mes hommes tomber, s’écrouler sous les coups de haches et d’épées de nos adversaires. Mais nous leur rendions la pareille.
La dame aux corbeaux dansait toujours avec ses oiseaux. Parfois, nous entendions des croassements, des chants venant de sa part. Elle encourageait les pictes à vaincre les soldats de la prestigieuse Rome. Finalement, nous prîmes le dessus. Nous arrivâmes à encercler la dizaine de survivants. De notre côté, je voyais des légionnaires exténués, fatigués. Nous avions perdu au moins la moitié de la légion. Alors, je me mis à parler.
Fiers guerriers de Rome ! Hier, Macha, la plus belle femme du monde m’avait annoncé la bataille serait terrible. Nous en avons payé le prix, mais aujourd‘hui, nous avons vaincu ! Merci Macha !
Les hommes se mirent à scander mon nom.et celui de Macha. Leurs voix résonnaient dans la plaine. La femme de la colline leva les bras et croassa soudainement. Dès lors, des milliers de corbeaux répondirent et j’eus l’impression que le sens de leur cri disait Macha. Nous restâmes surpris, puis tout-à-coup, des milliers de guerriers apparurent en haut des collines. Nous étions encerclés. Ils frappaient sur leur bouclier. Ils croassaient et criaient le nom de Morrigan. Ils hurlaient nous insultaient.
Dès lors, je réorganisais les centuries en trois rangs de chaque côté. Pendant ce temps, le reste de la cavalerie de chargeait des survivants de la première attaque. Le sang collait à mon plastron. J’en avais aussi sur les bras et le visage. Je restai au milieu des cohortes, attendant que les calédoniens chargent. Tout d’un coup, une voix douce susurra au creux de mon oreille.
Je t’avais prévenu de ne jamais parler de moi.
Je me tournai et remarquai au loin, sur la colline, une seconde femme à côté de la fameuse déesse Morrigan. Je reconnus sa longue robe blanche ainsi que ses longs cheveux noirs. Une larme perla sur sa joue. Elle baissa la tête. Brusquement, un corbeau noir atterrit sur mon épaule. Je restai statufié sans savoir quoi faire. L’animal se dressait avec fierté. Et au moment de croasser, les pictes se jetèrent dans la plaine en courant et hurlant le nom de Morrigan, la déesse de la guerre et du massacre.
Ce jour-là, elle fut comblée. Ses corbeaux ont été rassasiés par les milliers de morts jonchant la plaine.
Alex@r60 – août 2023
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Le chef du clan se leva parmi ses guerriers assis dans la grande salle enfumée. Les bruits et les conversations s'arrêtèrent, et tous les yeux se tournèrent vers ce colosse moustachu qui était leur leader. Élevant sa corne remplie d'hydromel au dessus de la cohue, il porta un toast au Grand Dieu, celui qui possède une lance et qui est accompagné par deux corbeaux. Tous clamèrent leur approbation, et un autre guerrier se mit debout, éleva sa corne et loua le nom du Dieu Tonnant. Les autres l'imitèrent, et dans la chaleur de leur camaraderie, ils auraient bien pu être dans la grande salle où vont les guerriers après leur mort, et où les vierges guerrières leur servent le festin d'immortalité.
Une scène tirée de l'histoire des Vikings ? Une beuverie typiquement germanique ? Non -- la scène décrite ici est celle d'un festin chez leurs cousins, les Celtes.
Comme pour la plupart d'entre nous, il n'y avait pour moi rien de nouveau dans le fait que les deux principaux groupes ethniques de l'ancienne Europe du Nord avaient beaucoup en commun. Tous deux font partie de la grande famille des Indo-européens. Leurs mythologies partagent une structure commune, les aspects matériels de leurs cultures sont très proches, et une même conception héroïque de la vie unit les Celtes et les Germains. Mais cela, comme nous allons le voir, n'est que le début !
La distinction que nous faisons aujourd'hui entre ces deux branches de nos ancêtres provient en grande partie des observations de Jules César. En résumé, il donne le nom de Germains aux tribus qui sont sur la rive droite du Rhin, et il nomme Celtes celles qui se trouvent sur l'autre rive. En fait, à l'époque, ce n'était pas aussi simple. Aujourd'hui les spécialistes pensent que quelques tribus que nous avons autrefois appelées Germains, étaient en réalité des Celtes. D'autres tribus auraient pu appartenir à l'un ou l'autre des deux groupes, parce que nous ne savons pas quelle langue elles parlaient !
La conclusion que nous pouvons en tirer, est que les traces matérielles que ces peuples ont laissées sont difficilement définissables, et que la langue est la seule différence marquée entre les deux groupes.
Leur apparence physique n'est pas un critère de différenciation, parce que les auteurs romains décrivent les peuples Germains et Celtes exactement selon les mêmes termes. Tous deux étaient de grande taille, les cheveux tendant vers le blond, et de peau très claire.
Le mot «Teuton», à cet égard, est à rapprocher du mot celtique «Tuath», signifiant tribu; ce qui fait penser à une parenté proche !
Pour moi, la question fut réglée lorsque je lus le livre de Hilda Davidson Mythes et symboles dans l'Europe païenne (Syracuse University Press, 1988). De manière significative, le livre est sous-titré «anciennes religions Scandinave et Celtique». Page après page et chapitre après chapitre, l'auteur présente les similarités entre la mythologie, le folklore et les rituels des peuples germanique et celtique. Je commençai à en faire une liste tout en lisant, et rapidement je remplis plusieurs pages de notes manuscrites. Je n'en garantis pas la minutie, mais quelques comparaisons méritent d'être faites. Pour rendre plus accessible cette masse de matériel, j'ai classé mes commentaires en plusieurs grandes catégories :
DIEUX ET DÉESSES
Le dieu celtique Lug et notre Odhinn sont à peu près semblables. Odhinn est le père des dieux, est accompagné par deux corbeaux, possède une lance magique, et il est borgne. Lug est le dieu souverain dans la famille des dieux celtiques, il est associé aux corbeaux, possède la Lance de la Victoire, et il ferme un oeil lorsqu'il accomplit des actions magiques sur le champ de bataille.
Le dieu germanique Thor, dont le nom signifie «le Tonnant», possède un puissant marteau. Il chevauche dans les cieux, riant dans sa barbe rousse, dans un chariot tiré par des boucs surnaturels. Le Taranis celtique, dont le nom signifie également «le Tonnant», conduit un chariot tiré par des taureaux. Il contrôle la foudre, dont le nom en vieux gaélique dérive de la même racine indo-européenne que le nom du marteau de Thor, Mjöllnir. Taranis est aussi représenté avec une abondante chevelure rousse flottante.
Tyr, comme le racontent les mythes, perdit une main par la morsure du loup Fenrir. Il fut le dieu des cieux, disent les spécialistes, jusqu'à ce que Odhinn prenne sa place. Le dieu celtique Nuada perdit un bras dans la bataille contre les géants Fomoré, et ainsi Lug -- l'équivalent celtique d'Odhinn -- devint le dieu le plus important.
Dans le domaine de la fertilité et de l'abondance, notre dieu Frey apparaît comme le plus important. Un de ses animaux favoris est le cheval, qui est aussi sacré pour le Dagda, le «dieu bienfaisant», qui est l'équivalent celtique de Frey.
AUTRES ÊTRES SURNATURELS
Les géants ? Les Celtes ont les leurs, tout comme les Scandinaves. Ils se nomment les Fomoré, et les dieux celtiques doivent mener une dure bataille contre eux. Plus précisément, le rôle qu'ils jouent est le même que chez les nordiques : ils représentent les forces d'inertie et d'entropie dans le cosmos.
Les Valkyries trouvent leur équivalent dans la déesse Morrigan, féroce déesse qui accorde la victoire sur le champ de bataille, tisse les destins dans la guerre, et sert les héros dans leur vie après la mort. Ces deux aspects jumelés -- le sang et la mort d'une part, l'amour d'autre part -- sont présents dans les deux cultures. De même, les récits celtiques et les sagas scandinaves parlent de femmes guerrières surnaturelles qui instruisent et initient les héros choisis par le destin. Brünhild (Brunehilde) enseigne à Sigurd (Siegfried) la connaissance magique, et la guerrière Scathach («l'ombre») prend en charge le héros irlandais Cûchulain et en fait le guerrier qu'il est destiné à devenir. Ce n'est probablement pas un hasard si Sigurd et Cûchulain sont liés à Odhinn et à Lug, respectivement.
Considérons maintenant les êtres surnaturels moins importants, dont les figures se rencontrent plus rarement dans les mythes et la poésie, mais qui rendent la vie plus supportable aux hommes. Les esprits de la nature, par exemple, sont semblables dans les deux cultures. Les Elfes, et le lien entre ces êtres et les âmes des ancêtres, étaient à peu près les mêmes chez les anciens Germains et leurs contemporains Celtes.
PRATIQUES RELIGIEUSES
J'ai évoqué la ressemblance entre les « paradis des guerriers » dans la scène au début de cet article, mais la ressemblance entre les religions des Celtes et des Germains va bien au-delà.
Les marais de l'Europe du Nord ont reçu les mêmes offrandes des Celtes et des Germains. Armes capturées dans les combats, nourriture et gobelets, et divers objets -- tout cela était déposé dans les lacs et les marais de la même manière, au point qu'aujourd'hui nous ne pouvons même pas dire quels objets découverts sont d'origine germanique et lesquels sont celtiques.
Lorsque les Druides offraient un sacrifice aux dieux, le sang d'un animal était projeté sur l'assistance avec un rameau de verdure, pour que l'énergie divine présente dans le sang puisse être directement transférée aux gens. Dans la religion germanique, nos ancêtres faisaient exactement la même chose pendant le sacrifice, le « Blot ». (Aujourd'hui, les pratiquants des deux religions utilisent de l'hydromel ou quelqu'autre boisson fermentée.)
Dans toute l'étendue de notre patrie européenne, nos ancêtres honoraient les dieux en plein air, parce qu'ils pensaient qu'il était insensé de les enfermer dans des lieux fermés, comme (plus tard) les églises chrétiennes. De la même manière, dans les temps anciens, nos représentations des dieux et des déesses étaient très simples -- souvent gravées sur des morceaux de bois auxquels la Nature avait déjà donné une forme étrange, attendant seulement quelques raffinements de la main des hommes.
Toutes ces coutumes décrivent aussi bien les pratiques des Celtes que celles des Germains.
Les hommes des deux groupes ethniques utilisaient des boissons fermentées dans les rituels religieux. Souvent c'était de l'hydromel, mais ce pouvait être aussi de la bière. Et puisque nous nous intéressons à la modification des états de la conscience, rappelons-nous la folie furieuse des guerriers d'Odhinn, les «Bersekers». Dans l'ancienne Irlande, cette folie des guerriers (les «Fianna») portait le nom de «Ferg».
Les lecteurs des récits nordiques se rappelleront comment Sigurd tua le dragon Fafnir et fit rôtir son coeur. Lorsqu'il se brûla le doigt, il le porta à sa bouche et constata qu'il pouvait comprendre la langue des oiseaux. Le héros irlandais Fergus obtint le même pouvoir lorsqu'il se brûla le doigt en faisant cuire un saumon au-dessus d'un feu. [On peut aussi noter la similarité entre le récit germanique des «pommes d'Idunn» et le thème celtique des pommes de l'île d'Avalon, NDT.]
LA VISION DE L'UNIVERS
Lorsque nous regardons la cosmogonie des Germains et celle des Celtes, nous ne pouvons pas trouver d'équivalence directe, mais nous pouvons voir une ressemblance. Tous deux avaient l'arbre géant, le centre du Cosmos, la structure dans laquelle tous les mondes sont contenus. Chez les nordiques, c'était Yggdrasil. Les Celtes l'appelaient Bile. [Cf. aussi et surtout «l'If de Mugna», NDT].
L'autre clé de l'univers chez les anciens nordiques était le Puits du Destin («Well of Wyrd»), contenant les actions qui constituent le passé. Boire l'eau de ce puits donnait la sagesse, et Odhinn sacrifia un de ses yeux pour obtenir ce privilège. Comme l'on sait, les Celtes avaient un puits presque identique : des noisettes tombaient à l'intérieur et étaient avalées par le Saumon de la Sagesse.
EN CONCLUSION
Les seules vraies différences entre les religions germanique et celtique semblent être les noms donnés aux dieux.
Un Viking du 10ème siècle se serait senti assez à l'aise dans un rituel celtique en Gaule un millier d'années plus tôt.
La religion celtique s'écarte de la religion nordique guère plus que par exemple, une prêtresse de Freya en Islande et un guerrier invoquant Wotan dans la Germanie du temps d'Arminius. En effet, on a envie de dire qu'il existe seulement une seule «religion européenne», et que les croyances germaniques et celtiques en sont deux expressions.
Ainsi quelles sont les implications de tout cela ? Eh bien, cela signifie que de nos jours, un Irlandais n'a pas de raison de se sentir mal à l'aise lorsqu'il invoque des dieux plus souvent associés aux fjords norvégiens qu'aux collines et aux vallées des Iles d'Emeraude. En fait, tous les peuples du Nord sont apparentés aussi bien spirituellement que génétiquement.
Aussi l'unité celto-germanique s'oppose à la thèse parfois entendue que depuis que les européens sont partagés entre des nations différentes, nous aurions des ancêtres différents. Combien de fois avons nous entendu quelqu'un dire «je suis de sang irlandais et suédois, avec un peu de sang anglais et germain» ? En réalité il n'y a là aucun mélange, parce que les peuples de la famille nordique ne forment en fait qu'un seul peuple, à la fois par leur aspect physique et par leurs anciennes religions.
Nous ne devons pas laisser les gens se diviser pour des raisons superficielles !
Enfin, la gamme de nos similarités signifie que nous pouvons en utiliser une pour approfondir notre connaissance des autres. Si nous essayons de reconstituer la tapisserie de nos anciennes croyances nordiques, il y aura des «trous» à cause du passage du temps et des persécutions chrétiennes. Mais si nous en connaissons le fond commun, et de quelle manière il est exprimé chez nos cousins Celtes, nous pouvons alors rapiécer les trous avec une grande confiance.
Assez pour aujourd'hui ! Toutes ces savantes démonstrations m'ont donné soif ! Je vais remplir ma corne avec une bonne rasade de Guiness, et porter un toast à nos ancêtres Celtes et Nordiques.
«Skoal», et «Slainte» !
Stephen McNallen
(Stephen McNallen a fondé l' Assemblée populaire Asatru (AFA), qu'il a dirigé de 1994 à 2016, après avoir été le fondateur de la Fraternité Viking et de l'Assemblée libre Asatru.)
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pauline-lewis · 6 years
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There was nothing lonelier than the moment you realized someone had abandoned you.
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Sandman de Neil Gaiman (Tome 1, Vertigo)
La première fois que j’ai entendu parler de Sandman j’étais dans une librairie d’Édimbourg. Quand j’ai dit au responsable du rayon comics que je cherchais un cadeau pour mon boyfriend il m’a dit qu’il fallait lui acheter Sandman et que s’il n’aimait pas, il fallait le quitter. Ahah. Je lui ai pris autre chose et je lui ai acheté Sandman quelques années plus tard.
Est-ce qu’il aurait fallu que je m’auto-quitte si je n’avais pas aimé Sandman ? En tous cas j’ai fini par le choisir sur ma bibliothèque et à le lire il y a quelques jours et comme j’ai aimé je vais continuer la relation que j’entretiens avec moi-même pour quelques temps. Sandman raconte l’histoire d’un jeune Robert Smith qui aime donner du pain aux corbeaux au milieu de Washington Square Park avec sa sœur la mort. Robert/Sandman est “le marchand de sable”, le gardien des rêves et des cauchemars. Les histoires se passent sur plusieurs plans : dans le monde des rêves, dans la réalité des rêveurs et dans le monde des autres créatures (la Mort, notamment). Sandman n’est pas un super-héros, même si Neil Gaiman joue avec tous les codes du genre en détournant les archétypes et en les déformant. Le personnage n’est ni bon, ni mauvais, fait à la fois du matériau des rêves et des cauchemars, une dualité passionnante qui est travaillée avec beaucoup de profondeur et même d’humour. Sommes-nous bons ou mauvais quand nous rêvons, ou sommes-nous soudainement travaillés par un matériau neutre, hors du temps, arrachés à nos valeurs humaines ?
Au début de la bande dessinée, le marchand de sable est capturé. Après avoir réussi à se libérer en feignant d’être mort, il se lance dans une quête pour retrouver ses attributs et gagner du pouvoir.  Mais Sandman commence à devenir vraiment passionnant par la suite, quand Gaiman se met à tester toutes sortes de techniques narratives passionnantes. Mon histoire préférée de ce tome 1 est sans hésiter 24 heures, où il joue à la fois sur la dichotomie monde des rêves / réalité, mais aussi sur le bon / le mal en nous, sur la temporalité (l’histoire se déroule sur 24 heures) et sur les couches différentes de narration. Le personnage de la serveuse, que l’on voit au début de l’histoire, écrit elle-même des histoires. “Toutes les histoires de Bette finissent bien, parce qu’elle sait où s’arrêter, écrit Gaiman. Elle a compris le vrai problème des histoires... Menées trop loin, elles s’achèvent toujours dans la mort”. Or l’histoire qui se trame dans ce numéro va aller loin, très loin. L’homme qui a volé le talisman du Sandman va manipuler les rêves pour pousser tous les usagers du café dans la folie. À son meilleur, la BD de Neil Gaiman est une passionnante plongée dans la psyché humaine, une réflexion sur la condition humaine, une critique féroce de la société capitaliste et un trip visuel sublime (ce numéro joue par exemple sur l'usage des cases noires qui font des respirations visuelles entre deux violences insoutenables).
Cette rencontre avec le Sandman m’a coûté mon sommeil pendant quelques jours. Totally worth it.
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Yo La Tengo au Cabaret Sauvage (19 mai 2018)
Depuis que j'ai l'âge de comprendre les choses qui m'entourent j'ai tordu ma réalité pour qu'elle prenne les contours des œuvres que j'appréciais. Est-ce que je me suis rapetissée, agrandie, contorsionnée dans tous les sens pour que mes doutes de la semaine épousent la set list parfaite du concert de Yo La Tengo au Cabaret Sauvage ? Probablement.
Un concert de Yo La Tengo, ça n'arrive en moyenne que tous les trois ans. J'ai, on peut le dire, une véritable vénération pour ce groupe donc ce moment est particulièrement important à mes yeux. Avant l'heure fatidique je ressasse dans mon esprit toutes les chansons que j'ai envie d'entendre, et bien évidemment quand le concert commence la set list me convient forcément puisque j'aime 99% de leurs chansons. Les concerts de Yo La Tengo ont fini par rythmer ma vie. D'autant qu'ils ont ce talent assez incroyable pour construire leur set de manière à intégrer une petite poche électrique qui monte comme une vague et qui rend fou de bonheur. Un moment cathartique dont je ne me prive pas, car à défaut de pouvoir hurler quand bon me le semble ou de pouvoir casser des trucs quand j'en ai assez, j'aime convulser en écoutant mon groupe préféré.
Alors voilà quand Yo La Tengo monte sur scène je bois leurs paroles, et redevenant cette ado mal dans sa peau que je n'ai jamais cessé d'être, je suis à la lettre ce qu'ils me disent comme si au bout de la quête il y avait un moyen de me reset pour les trois prochaines années. On efface tous les paramètres et on repart à zéro. Peut-être par pure envie d'apprécier ce concert à l'apogée de mon amour, j'ai passé les six jours précédant cette soirée dans un doux mélange de stress et d'impression de faire de la merde. Je ne sais pas si vous êtes coutumier de ce cocktail, mais je ne le conseille pas, en général on finit par pleurer le vendredi midi en préparant ses nems au tofu.
Donc 24h après avoir pleuré en faisant mes nems au tofu, voilà que je me prends dans la gueule ce concert qui, comme tous les trois ans, était absolument incroyable. On devrait distribuer dans les boîtes aux lettres des petits papiers vantant les pouvoirs magiques de Yo La Tengo. On a commencé par un premier set assez doux, avec des chansons du dernier album où, il faut le dire, I'll Be Around m'a arraché une larme solitaire. C'est bien sûr au second acte que Yo La Tengo a poussé le son assez fort pour me décoller le cœur l'emporter loin, le passer à l'eau, et le remettre à l'intérieur. Georgia Hubley a joué de la guitare, ce qui est assez inhabituel, James McNew a brillé sur Stockholm Syndrome, comme d'habitude et Ira Kaplan nous a arraché un Sudden Organ d'anthologie, juste assez brutal, qu'il avait l'air de faire émerger de son synthé à son corps défendant. Tandis que les gouttes de sueur coulaient le long de mon dos j'avais l'impression que tout le monde avait disparu de la salle et qu'il n'y avait plus que ces mots suspendus dans les airs Everyone's a little worried, you know I am, But I hate to watch the days go by... La tension ne s'est pas relâchée et j'ai attrapé dans les airs, comme les petites citations que je consignais dans mes carnets quand j'étais ado, des bribes de phrases Every day the restlessness takes over me, I can see it as I'm closing my eyes, Resisting the flow, And I'm thinking about the way things are, I'm thinking about the way things are, Resisting the flow en une boucle entêtante jusqu'à ce toutes les intentions, tous les mots se noient dans la distorsion de I Heard You Looking pendant laquelle mon audition s'est envolée sur le dos de mon spleen.
Presque avant de se quitter, tous les trois les uns à côté des autres, ils ont joué Big Day Coming en acoustique, et un temps on n'avait plus besoin de rien d'autre. J'ai pris toutes les notes pour qu'elles prennent la forme d'une envie continuer. Because we're together, and that's somewhere. Rendez-vous dans trois ans.
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A Place in the Sun de George Stevens (1951)
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Je connaissais plutôt George Stevens dans le registre de la comédie (avec Fred Astaire ou Spencer Tracy et Karharine Hepburn). J’ai été surprise de découvrir sa face sombre avec A Place in the Sun mené par Montgomery Clift, Elizabeth Taylor et Shelley Winters. Le film raconte un triangle amoureux tragique sur fond d’ascension sociale. George Eastman (Montgomery Clift), jeune homme issu d’une famille pauvre, renoue avec son oncle riche. Ce dernier le place dans l’une de ses usines et très vite le jeune George tombe amoureux de l’une de ses collègues, Alice (Shelley Winters). Lors d’une soirée organisée par son oncle, il rencontre la flamboyante Angela Vickers (Elizabeth Taylor). Il est ébloui par sa beauté et par l’insouciance que lui offre sa situation privilégiée. Au terme de cette soirée, après s’être parlé environ 10 minutes, ils s’avouent leur amour. George se retrouve donc coincé entre sa première petite amie, qui se trouve être enceinte, et sa fiancée idéale, qui lui promet, en plus du désir brûlant qu’elle lui inspire, une formidable ascension sociale.
A Place in the Sun est un conte assez cruel sur l’ambition et particulièrement juste sur le privilège et tout ce que celui-ci permet. Le personnage d’Alice est extrêmement tragique, accablée par le poids de mille obligations, tandis que l’inquiétude principale d’Angela semble être l’approbation de sa famille. George, au milieu de ces deux univers, est un personnage assez fuyant, qui finira par être puni par sa propre incapacité à se positionner fermement.
Ce que j’ai surtout aimé dans A Place in the Sun ce sont tous ces plans magnifiques, notamment tournant autour de Montgomery Clift et Elizabeth Taylor, le couple hollywoodien archétypal. Stevens joue avec les plans parfaits (ici par exemple la balade idyllique près du lac) dans lesquels germent toujours les drames à venir. Le lac est infesté des idées noires de George. La beauté de l’image nous pousse toujours à réfléchir sur notre propre fascination pour le glamour et pour le désir. Tout n’est qu’apparence. C’est un grand film sur l’illusion, qui atteint son apogée dans la scène de la barque, absolument remarquable sur tous les plans.
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Rapido :
- La nouvelle partie du podcast sur Judy Garland, auquel j’ai eu le plaisir de participer, est par ici ! 
- J’ai fait une playlist si vous ne savez pas quoi écouter.
- Philip Roth est mort et Zadie Smith lui a rendu hommage. “He loved fiction and (unlike so many half or three-quarter writers) was never ashamed of it. He loved it in its irresponsibility, in its comedy, in its vulgarity, and its divine independence.” 
- Damon Lindelof parle de son adaptation de Watchmen ! Franchement je suis hypée.
- Ça y est j’ai enfin trouvé la recette parfaite de cookies vegan (pour moi ça veut dire beaucoup).
- Cette semaine j’ai appris que Salman Rushdie n’aimait pas Toto dans le Magicien d’Oz. Mon cœur a fait un petit bruit en se brisant.
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(Citation issue de The Mothers de Brit Bennett)
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salemaweyard · 4 years
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Évasion vol.7: Lausanne
2010 Le froid et la neige m’accueillirent. Moi qui n’était point habituée à un tel hiver, le choc fut assez brutal et je n’étais clairement pas équipée pour me promener par ce temps. L’air pur, le sol qui glisse et les corbeaux. Non, vraiment, ma vie venait de changer en un instant. Une seule fenêtre, vue sur le cimetière. Un calme parfait. 2011 Ouchy, le lac et ses quais.En hiver ou en été,…
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ptittomtom · 4 years
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Un petit détour sur les hauteurs du lac des Corbeaux, juste à côté de la Bresse. La montée jusque à la roche, un peu difficile, offre un panorama grandiose sur les crêtes vosgiennes. • Photographe : @ptittomtom / @portrait_by_thomas_k • • • • • #nature #foret #paysage #forest #wild #intothewild #panorama #outdoor #outdoors #lac #lake #randonnée #hiking #vosges #jevoislavieenvosges #france🇫🇷 #nuages #paysagemagnifique #sunny #landscape #scenic #beauty #picoftheday #photo #naturelovers #natureaddict #enjoynature #landscape_lovers #montagne #naturephotographer (à Lac des Corbeaux) https://www.instagram.com/p/CAx2xG6JEpa/?igshid=1divft2l4e8uf
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Chroniques irlandaises: Si j'étais Un lieu-dit, je serais Inishmaine (2)
« Dans ses milles alvéoles, l’espace tient du temps comprimé. Gaston Bachelard
S'il y a une question à laquelle je parviens à me soustraire avec de plus en plus d’habileté, c’est bien : « Dans quel endroit vas-tu en Irlande ? » Parce que je ne peux décemment pas répondre que je retourne près de l’arbre à fées qui refleurit chaque mois de mai entre les roches explosées du Lough Mask et les ruines d’Inishmaine Abbey ! Ou plus précisément là où, semble-t-il, après avoir créé le monde Dieu s’est reposé le septième jour en faisant une partie de golf...
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Je réponds donc de façon convenue, en termes de logistique et transport. Quant à la date de mon premier rendez-vous, elle s’est perdue. Mais puisque dans son aimable plasticité la mémoire charrie autant de cailloux blancs insignifiants que de rochers, les images affluent.
Ce serait un diaporama. Il y aurait un fondu enchaîné avec un fish and chips emballé dans une feuille d’Irish Times. Un village frontalier de l’Ulster subitement plombé avec trois jeeps à l’arrêt, six soldats anglais, mitraillette au poing. Une vieille boutique de fishing tackles ; à côté des boîtes de mouches-des séduisantes meurtrières- les portraits noir et blanc de Wilde, Beckett, Joyce, Yeats sur des cartes postales écornées. C’était en tout cas l’année où la maison de Don et Peggy était rose (mais rose ! Malabar !). Rien ne laissait présager qu’elle alternerait chaque printemps, passant avec allégresse du vert menthe au bleu lavande ou à l’ocre jaune.  Et c’était la fin d’une journée de mai. L’arrivée avait été précédée d’une sévère mise en condition grâce à une de ces traversées maritimes nocturnes attentatoires à la latéralité. Rouler ensuite pendant quelques centaines de miles sous une pluie battante au travers de paysages brouillés, passer à la maison rose de Don et Peggy prendre les clés de Kate’s cottage et rencontrer James Kelly avaient achevé le désordre.
La modeste maison de James et Mary Ann Kelly obturait le sentier pierreux qui conduisait à Kate’s cottage, un cottage comme celui d’où sa mère regarde Redmond Barry partir vers son destin mais avec des fenêtres rouges, cerné d’arbres de haute futaie qui abritaient une assourdissante colonie de corbeaux. Quand le vieux fermier était venu apporter un soda-bread pétri par les mains de Mary Ann, il avait commencé à raconter l’Histoire -en haussant le ton pour porter plus haut que les croassements-. C’est une histoire dans laquelle il était notamment question de l’éclosion des Mayflyers. («Bloody butcher today »). De John Fitzgerald Kennedy. Des flancs des embarcations déchirés par les pierres hérissées du lac et d’un certain nombre de noyades depuis l’époque de Cromwell. Des danses irlandaises tous les dimanches soir chez Burke’s and sons. Ses pérégrinations discursives comportaient des phases ascensionnelles et son regard s’élevait en direction des nids de corbeaux et de profonds silences, durant lesquels il regardait ses pieds. A terme, nous avions fini par atterrir en France. Yes ! France ! Lourdes !!! Eurovision ! French kiss ! Nice ! avant de conclure que la capitale de la France était Budapest. Il n’est pas impossible rétroactivement d’imaginer que les corbeaux ricanaient mais sur le moment il avait fallu choisir. Soit continuer vers le Nouveau Monde, soit faire machine arrière en empruntant le chemin vers le lac qu’ouvre, sur la gauche, le cimetière de Ballinchalla. Il figure la période contemporaine. Y reposent à présent Don, James et Mary Ann Kelly à côté de ceux dont la mémoire entrelace au lierre le bruit des fusils.
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La pluie continue avait cessé, cette pluie dont la fonction principale est ici, en Bretagne et en Écosse de laver le paysage et de l’essorer, de faire patienter les gris en attendant l’embrasement du soir et le grain venu du Nord-Ouest. Passé le cimetière, le chemin creuse dans un silence scandé par des grincements, un peu sinistres à cette heure-là. Il fallait sans cesse descendre de voiture pour ouvrir et refermer les barrières métalliques des moutons. Des centaines de moutons épars, pelotonnés sur eux-mêmes sont les seuls occupants légitimes de cette terre bornée de roches éclatées, ébouriffée d’aubépines capables chacune d’héberger une fée malfaisante. Un peu rassurante, une légère note florale mêlée d’odeur de laine laissait supposer que, sachant à quelle cruauté il vouait les hommes et les bêtes, Dieu avait teinté de rose quelques aubépines avant de partir.
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Après deux ou trois barrières, au bout d’une chaussée de dalles taillées à la hache, le chemin se rapproche de la berge et de cette maison géorgienne inanimée sans nul doute hantée par le fantôme d’un land lord (peut-être un ami du honni Charles Boycott qui occupait une propriété à proximité). On n’y vit jamais âme qui vive, seul un filet de fumée suspect sortant de la cheminée signalait un conclave de revenants. Et il y avait cette mystérieuse lessive, perpétuellement étendue sur la corde à linge et puis l’arbre près de l’abbaye de tradition celtique, moins outragée par les siècles que par les témoignages de prospérité des abbayes de l’église catholique et romaine qui lui succéderont.
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Le bêlement aigrelet d’une brebis égarée, un dernier grincement de barrière et il ne restait plus qu’à affronter la traversée du petit bois, un enchevêtrement de troncs nains et roches moussus uniquement accessible à un très menu peuple. Le sentiment d’étrangeté l’avait emporté sur la crainte au débouché sur le lac. Il se déployait dans son écrin de montagnes bleuissantes, tapissé jusqu’aux tréfonds de roches perforées.
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Au-delà du parcours de golf de Dieu, il n’y a plus de moutons, il n’y a plus de chemin et l’Histoire est dite.
Dans les alvéoles rocheuses se love du temps comprimé.
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Je ne pensais plus rien. Avec l’église catholique et romaine, j’avais dû balancer Descartes. Il aurait été capable de nous démontrer que, «Par les soirs bleus d’été », Rimbaud n’était pas parce qu’il pensait «rien ». Pas à rien. Rien. A ce moment-là, je n’avais plus pensé rien jusqu’à ce qu’une fugace éraflure à la surface de l’eau me ramène au monde concret. Une truite venait de gober une Bloody butcher. C'est ce qu'elles mangent today, avait dit James Kelly. Le grain ailé allait s’abattre avec la brutalité d’un vol de corbeaux, oiseaux d’augure aux ailes couleur de nuit mêlées d’indigo, compagnons du dieu celte du passage de l’obscurité à la lumière. Afin de survivre à la sensation indéfinissable d’arriver dans un lieu d’où s’origine la lumière il nous faut nommer. A tout hasard j’avais nommé Lugh, le Grand Corbeau triomphant des ténèbres.
« Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L’Amour infini dans un infini sourire !
Le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d’un immense baiser !
-Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser. »
(Rimbaud)
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Une nuit de sommeil, un premier rayon de soleil sur un vert acide et tendre d’herbe mouillée avaient dès le lendemain matin restauré l’humeur primesautière et remis Paris à sa place dans l’Hexagone. Assise devant la porte du cottage, j’écoutais les corbeaux reprendre une conversation apaisée en entamant le soda bread de Mary Ann. Je tentais prosaïquement d’échapper à ce que je considérerai toujours comme une tentative d’assassinat dont les prémices me parvenaient aux narines : l’odeur de travers de porc et boudin noir frits et des beans sauce tomate du full breakfast. James m’avait fait un grand signe de la main en passant à bicyclette. Il avait cette classe des vieux fermiers irlandais qui enfilent veston et casquette de tweed élimés et portent une cravate pour aller lancer une Black Palmer dans le lac. Mais ce jour-là, dimanche, il allait at church, pub inclus. Et s’il s’était arrêté au retour, c’était pour illustrer l’histoire-géographie de France en chanson. Il s’était agi de quelques onomatopées dans lesquelles ni Gainsbourg, ni France Gall-encore vivants- n’auraient reconnu le Prix de l’Eurovision d’une lointaine année, autant à cause de l’accent gaélique que du shamrock dans la mousse de Guinness de chez Burke’s and sons. Il fallait traduire : Poupée de cire, Poupée de son. En l’écoutant je me disais que j’avais mal compris : ce n’était pas de Budapest que James Kelly voulait parler mais plutôt de Lutèce, du temps où, bien avant le Moyen Âge, il n’existait pas de mots pour désigner l’espace. Comment les mythes, les épopées et la matière de Bretagne serait-il parvenus jusqu’à nous s’ils avaient rencontré des obstacles, des endroits en chemin ? James Kelly avait dégagé le tracé ouvert par le Journal irlandais d’Heinrich Böll . Je pouvais désormais suivre de l’ongle la voie maritime qui prolongeait la falaise où Mary Mac Namara mettait chaque année un enfant au monde. Je pouvais imaginer des moines gallois peu soucieux d’organisation territoriale quittant l’abbaye d’Inishmaine pour embarquer sur des curraghs et venir à la rame disperser dans les landes de Petite Bretagne un foisonnement de Ker et de Lann. De lieux. Locus: la place occupée par une construction, une église, un château mais aussi par un corps, défini par un récit préalable. Il n’y a pas d'endroits, pas de milieu en petite Bretagne, il n’y a que des lieux- « dits », perpétuellement excentrés. Il n’y a pas de milieu non plus à une réalité avec laquelle nous avons rendez-vous parce qu’elle n’est pas équidistante des rêves que nous en avons fait. Inishmaine signifie l’île du milieu. Si j’étais le milieu d’un récit, je crois que je serais Inishmaine.
Le soda-bread presque terminé, j’avais pensé que c’est le type de récit qu’il vaut mieux éviter de raconter si on a, par exemple, des amis psys attentionnés susceptibles de lever un sourcil en y détectant un premier symptôme de dépersonnalisation. La dépersonnalisation, c’est ce moment où la question d’être ou ne pas être devient soluble dans le paysage et la perspective de devoir partir un jour indifférente. Chacun aligne alors par anticipation jusqu’aux regrets les plus infimes qui le rattachent à la vie réelle. Paul Léautaud trouvait difficile de penser qu’il faudra partir alors que tant de gens continueront à faire l’amour. De mon côté je m’étais dit en finissant le soda bread qu’il était triste d’imaginer qu’après mon départ d’autres continueront à manger des crêpes au beurre devant une flambée, à réciter Voyelles de Rimbaud, à faire une longue route de nuit en écoutant du jazz. Ou à accrocher des rubans aux arbres à fées d’Inishmaine. Au plan logistique et transport, je suis encore incapable de dire à quel « endroit » je vais en Irlande. Je suis par contre définitivement dispensée de glisser L’empire des signes de Barthes et La Poétique de l’espace de Bachelard entre les boîtes de mouches, les pieds de menthe et le fromage pour Rosi. (Ah! J'allais oublier que je regretterai aussi de ne plus marcher dans la menthe sauvage en allant saluer le soir les chevaux libres sur les berges plus riantes du lac).
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