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histoire-glitchienne · 1 year

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E.T… Bâtisseur des pyramides?

Figure 1 montage crée par Mélissande Preperier

Introduction

Les extra-terrestres font partie de l’imaginaire collectif depuis quelques années. En effet, à partir des années cinquante,la figure extra-terrestre devient populaire dans le monde cinématographique. Cependant, elle ne se limite pas au monde del’imaginaire. Certains y voient une réalité cachée et cherchent à tous prix la preuve d’une existence autre que la nôtre.D’autres affirment qu’une race extraterrestre existait avant l’apparition de l’être humain sur terre et que ces extraterrestresauraient eu la capacité d’accomplir de formidables choses. Cette théorie est notamment soutenue par RobertCharroux[1]et, plus tard, Erich Von Däniken[2]. Toutefois, si ce dernier semble dissocier, un tant soit peu, les différentescivilisations. Robert Charroux, lui, traite le sujet de manière homogène : « Si l’on se rapporte aux pierres d’Ica, aux Pistasde Nazcas, aux legs de L’Egypte, de l’Empire des Incas, du Mexique, de Lepenski Vir et de Medzamor etc., ces GrandsAncêtres ont développé de hautes civilisations. »[3] Alors que, Lévi-Strauss affirme que les différents peuples doivent êtreconsidérées dans leurs spécificités, d’autres n’hésitent pas à affirmer, sans aucune preuve scientifique, que ces peuples enquestion étaient bien incapables de construire des édifices telles que les pyramides. Néanmoins, nous pouvons nousdemander quelle est l’origine de cette théorie. En réalité, cette origine est hétéroclite. Le premier a mené une réflexion surles extra-terrestres est le philosophe Kant dans son essai Théorie du ciel (1755)[4] dans lequel il imagine des êtreséloignés des humains par leurs caractéristiques spécifiques.[5] « L’extraterrestre kantien ouvre finalement deuxperspectives qui seraient deux des modes d’appréhension de cet objet critique : d’un côté un support d’imagination etd'exploration des mondes possibles8, de l’autre une manière de penser les questions morales et cosmopolitiques (utopiqueou dystopique) »[6]

C’est ainsi qu’au XIXème siècle la figure de l’extra-terrestre fait son apparition au sein de discours critiques ourévolutionnaires. Toutefois, avec Kant, l’extraterrestre reste confiné dans un imaginaire philosophique. Au XIXème siècle,un nouveau phénomène fait fureur chez certains intellectuels : le spiritisme. Dans les années 1850, « les disciples deCharles Fournier- le théoricien de l’association sociétaire et de la coopération découvrirent le spiritisme (…) Ilscherchèrent donc à communiquer par ce biais avec Fourier, mort en 1837. »

Un médium mécanique – reflet de la pensée de l’auditoire ou d’esprit étrangers, peu importe – assure que Fourier est leplus grand génie qui soit venu sur terre. Lui- même s’est manifesté et a promis de venir régulièrement développer sesidées, mieux qu’il n’aurait pu le faire ici-bas, où il était gêné par son corps. Il expliquera la constitution sociale d’Uranus,il a déjà vécu 10 000 ans sur terre et 3000 ans sur Jupiter, sa doctrine n’est qu’une réminiscence de ce dernier pays.[7]

Selon le médium, Fournier voyage de planète en planète s’inspirant de la pensée extra-terrestre afin de théoriser sarévolution sociale. L’extraterrestre serait donc un allié en ce qui concerne l’émancipation sociale. De plus, les extra-terrestres sont perçus comme étant des êtres agenrés invitant davantage les femmes médium à entrer en contact avec eux.C’est le cas par exemple d’Héléna Blavatsky, fondatrice du mouvement théosophique.[8]

Toutefois, Hélène Smith est sûrement la plus fameuse des artistes médium au crépuscule du XIXème siècle. Elle estd’ailleurs l’une des références des surréalistes. Elle peint l’univers martien… Cela n’aurait rien d’extraordinaire si elle neparlait ni n’écrivait leur langue lorsqu’elle est en transe. Bien vite engloutie par les préjugés masculins de son époque.Elle est donc folle comme toutes les femmes d’ailleurs…Mais surtout celles qui ont des caractéristiques hors du commun.Son psychologue, Théodore Flournoy aussi rationaliste que misogyne, se contente de lui diagnostiquée une pathologiedélirante. Il lui consacre même un chapitre d’un de ses livres, chapitre qu’il intitule « le roman martien d’Hélène Smith »[9]. À partir de ce moment, l’extraterrestre perd de sa crédibilité disparaissant petit à petit des discours philosophiques. Àl’aube du XXèmesiècle, les petits bonhommes verts deviennent populaires dans la fiction. Par ailleurs, une « science »consacrée à la recherche sur les extra-terrestres apparaît: l’ufologie. Elle est néanmoins, marginalisée à raison, puisqu’ellene s’appuie que sur des spéculations.[10]

De ce fait, nous pouvons nous demander de quelle manière les personnes telles que Von Däniken exposent leur théoriepara-scientifique ? En quoi l’ufologie « archéologique » dénote-t’elle un rejet de la recherche académique ? Et enfin, dequelle manière suscitent un engouement chez certaines personnes ? Afin de répondre à ces questions, nous allons dans unpremier temps nous nous intéresserons à la théorie des « Grands Anciens bâtisseurs de pyramides » et tenter decomprendre comment ce discours a été construit. Dans un deuxième nous nous intéresserons à la popularisation de cettethéorie notamment à travers les documentaires et les séries-docu.

En 1953, Boris de Rachewiltz égyptologue controversé, publie un article « The Doubt » dans une revue américainespécialisée dans les phénomènes mystérieux dans lequel il présente la transcription et la traduction d’un fragment depapyrus datant du Nouvel Empire. D’après Rachewiltz, cette transcription est originaire[11] de « «from an originalpapyrus of the New Kingdom that I found among other papers and documents of the late Prof. Alberto Tulli [1883-1942,NdA], former Director of the Egyptian Vatican Museum. He brought those documents from Egypt, but his death left themuntranslated and unpublished. It is due to the courtesy of his brother, Mons. Gustavo, of the Vatican Archive that I had theopportuni- ty to translate them». Seguiva una breve descrizione del manufatto: «The present transcription is a part of theRoyal Annals of the time of Thuthmo- sis III (1504-1450 circa b.c.) and the original is in very bad condition. Thebeginning and the end are missing, its writing (in hieratic) is pale and with several lacunae that I have reproduced in myHieroglyphic transcription [...]. Of the whole papyrus (cm. 20 × 18) I have chosen the best preserved and perhaps themost interesting part». Il testo, datato all’anno ventidue- simo di un Faraone (identificato appunto in Thutmosis III),raccontava di cerchi di fuoco apparsi in cielo ed altri fenomeni inspiegabili quali pesci e uccelli piovuti a terra. Ilcommento del traduttore virava decisamente verso l’interpretazione in chiave ufologica: «As you can see from it, flyingsau- cers made their first (?) appearance [...] about 3,500 years ago [12]. Cet article a été relayé par plusieurs revuesufologiques. En 1963, Solas Boncom-Pagni, enseignant follement amoureux des petits bonhommes venus d’ailleurs, sepassionne en particulier pour cet article. Il envoie alors une lettre au directeur du périodique « Semaine INCOM » « Mipare che questa notizia meriti di essere maggiormente conosciuta, anche perché decisiva per l’angoscioso dibattitomondiale sull’esistenza dei dischi volanti[13] »

Figure 2 montage créé par Mélissande Preperier

Nous pouvons donc supposer que les pseudo-scientifiques tels que Von Däniken s’est inspiré de ce genre depublications. Il est malheureusement difficile d’avoir accès à la bibliothèque personnelle de ces ufologistes. Toutefois,nous pouvons nous demander si leurs théories ne sont que le fruit de leur imagination ou s’ils ont été influencés parcertains intellectuels ? quoiqu’il en soit, il est possible que Mircea Eliade ait posé la base de cette pensée extraterrestre duXXème siècle. Il est donc nécessaire d’aller faire un petit tour chez Eliade.

Les travaux d’Eliade se sont largement diffusés hors du monde académique. Ce phénomène s’explique, entre-autre, par le fait qu’il s’est consacré corps et âme à découvrir « la signification des mythes et des rites religieux dans lescultures non-occidentales »[14] Il s’oppose de manière virulente aux anthropologues du XIXème siècle qui n’ont vu, dansles religions « primitives » « que des survivances du passé et des « stupidités » condamnés à être anéantie par l’inévitableprogrès[15] ». L’intérêt d’Eliade est de considérer ces faits religieux comme s’ils possédaient « une série d’affirmationsthéoriques composant une véritable philosophie, commune à l’ensemble de l’humanité pré-moderne[16] ». Pour lui, lesmythes et les rites composent une ontologie « que l’homme primitif aurait consignée dans le langage des symboles[17] ».D’un côté il y a, l’homme moderne ne comprenant plus le sens de la pensée religieuse et complètement hermétique auxanciens symboles de l’ « homme archaïque, traditionnel, l’authentique homo religiosus dont l’historien des religionseliadien se propose de comprendre l’univers mental, afin de le faire connaître à ses contemporains[18] ». Chez lesprimitifs, dit Eliade, il existe l’idée que le monde est dédoublé : il y aurait donc une réalité absolue et sacrée qui «transcende ce monde-ci, mais qui s’y manifeste et, de ce fait, le sanctifie et le rend réel[19] ». La nature et les objets issusde l’industrie ne sont réels que par leur relation avec les modèles sacrés mythiques : toute ces choses ont une originedivine. Un geste banal peut devenir sacré s’il fait allusion à une action primordiale figurant une hiérophanie dans laquellesubsiste une réalité transcendante[20].

« Le monde qui nous entoure, dans lequel on sent la présence et l’œuvre de l’homme-les montagnes qu’il gravit,les régions peuplées et cultivées, les fleuves navigables, les villes, les sanctuaires-ont un archétypes extra-terrestre, conçucomme un « plan , soit comme une « forme », soit purement et simplement comme un « double » existant précisément àun niveau cosmique supérieur[21] ».

En outre, en décrivant les croyances des peuples « primitifs », Eliade affirme que le monde « possède un archétype extra-terrestre[22] ». De ce fait, son œuvre peut être interprétée comme une révélation de vérités cachée sous des aspects decroyances. L’œuvre d’Eliade serait alors davantage une « déclaration de foi[23] » qu’une réelle étude anthropologique. Dece fait, selon Stockwoski, il serait plus judicieux de considérer Mircea Eliade comme venant de la trempe des occultistesque de celui des anthropologues. D’ailleurs, les recherches d’Eliade ont certainement joué un rôle dans le succès de larevue Planète. Selon lui, le succès de cette revue est dû au fait que Louis Pauwels, rédacteur en chef, expose la théorie desAnciens Astronautes tout en faisant allusion à d’autres idées hétéroclites rompant totalement avec le discours essentialistedes année 50 : « à la place du déprimant discours sur l’aliénation et l’absurdité de l’existence humaine, les Françaisretrouvaient « une grandiose ouverture sur un monde de merveille et une exaltante vision de l’évolution cosmique. [24]»

La théorie des Anciens Astronautes connaît un certain succès au sein du mouvement ésotérique des années 50. Toutefois,peu de personnes ont pris la peine de l’expliciter de façon claire. Parmi ces rares personnes, on peut en citer deux : RonaldStory qui a consacré une partie de ses recherches sur les théories d’Erich von Däniken et Jean-Bruno Renard, qui a tentéd’analyser de près à la théorie des Anciens Astronautes ainsi qu’à d’autres touchant les croyances liées aux extraterrestres.De manière unanime, ces deux intellectuels concluent que Charroux et von Däniken créent, à travers leur théorie, unenouvelle doctrine religieuse[25]. Ce qui revient sans cesse dans cette doctrine, c’est la supériorité autant physiquequ’intellectuelle des extraterrestres aux êtres humains[26].

En effet, pour en revenir aux pyramides, von Däniken, dans son Chariots of the gods affirme que les pyramides seraienten réalité un lieu de pèlerinage des extraterrestres. Les archéologues se seraient donc trompés sur l’origine des pyramidesen les attribuant faussement aux Egyptiens[27]. Son principal « argument » se base sur le fait que les Egyptiens n’auraitpas la force physique nécessaire afin de construire les pyramides :

« Even if people with lively imaginations have tried to picture the Egyptian pyramids being built by a vast army of workers using the “heave-ho” method, a similar method would have been impossible on Easter Island for lack of manpower. Even 2,000 men, working day and night, would not be nearly enough to carve these colossal figures out of the steel-hard. [28]»

Théorie raciste ? (conclusion)

Sarah Bond[29], dans son article Pseudoarcheology and the Racism Behind Ancient Aliens, defend l’idée qu’ils’agirait d’une théorie purement raciste. En effet, selon elle, von Däniken est fortement influencé par ses croyancesraciales lorsqu’il énonce sa théorie sur les extraterrestres. L’archéologue britannique, Keith Fitzpatrick Matthew soulignesur son blog Bad Archeology, les fréquentes interrogations de la part de von Däniken : «Was the black race a failure anddid the extraterrestrials change the genetic code by gene surgery and then programme a white or a yellow race? »[30] Ilpostule également que les « races » ont des talents innés : « Nearly all negroes are musical ; they have rhythm in theirblood[31].»

Il est évident que le caractère raciste de cette théorie ne peut pas être niée. Cependant, je crois qu’on ferait uneerreur si l’on se focalisait uniquement sur cet aspect. Il est aussi surprenant que Sarah Bond et les intellectuels qu’elle citene font pas l’effort de contextualiser les propos de von Däniken. Rappelons-nous que dans les années 70, le racismecommençait tout à être perçu comme quelque chose de condamnable au sein de la société et encore, seulement par unepetite partie de la population européenne. De ce fait, est-il judicieux d’analyser cette théorie à travers le concept dumouvement anti-raciste comme semble le faire Sarah Bond ?

Bibliographie

Sources :

Robert Charroux, L’Enigme des Andes, Robert Laffont, 2001.

Erich Von Däniken, Charriots of Gods? Effonic Eletronic Press.

Monographie :

Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Flammarion, Paris, 1999.

Articles :

Louise Hervé, Chloé Mailllet, « critique extraterrestre », images re-vues, n°14, 2017.

Nicola Reggiani, « Il, papiro Tulli :un affaire ettologico tra storia e leggenda », Analecta Payrologica, Università degliStudi Messina, 2017.

Sarah. E. Bond, “Pseudoarcheology and the Racism Behind Ancient Aliens” inhttps://hyperallergic.com/470795/pseudoarchaeology-and-the-racism-behind-ancient-aliens/ (2018).

Blog

Bad Archology. https://badarchaeology.wordpress.com/2014/01/12/is-pseudoarchaeology-racist/

[1] Robert Charroux, L’Enigme des Andes, Robert Laffont, 2001. [2] Erich Von Däniken, Charriots of Gods? Effonic Eletronic Press, [3] Robert Charroux, op.cit., p.140. [4] Louise Hervé, Chloé Mailllet, « critique extraterrestre », images re-vues, n°14, 2017, p.2. [5] Ibid. [6] Ibidem, p.3. [7] Léonce HUGONNET, « Bibliographie », dans La Science sociale, revue bi-mensuelle du socialisme pratique et rationnel, Organe de l’Ecole sociétaire, Paris, 16 mai 1870 in Louise Hervé, Chloé Mailllet, « critique extraterrestre », images re-vues, n°14, 2017, p.3 [8] Louise Hervé, Chloé Maillet, op.cit., p.3. [9] Ibid. [10] Ibid. [11] Nicola Reggisni, « Il, papiro Tulli :un affaire ettologico tra storia e leggenda », Analecta Payrologica, Università degli Studi Messina, 2017, p.218. [12] Rachewiltz 1953 in Nicola Reggisni, « Il, papiro Tulli :un affaire ettologico tra storia e leggenda », Analecta Payrologica, Università degli Studi Messina, 2017, p.218. [13] Boncompagni 1963 1953 in Nicola Reggisni, « Il, papiro Tulli :un affaire ettologico tra storia e leggenda », Analecta Payrologica, Università degli Studi Messina, 2017, p.219. [14] Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Flammarion, Paris, 1999, p.355. [15] Ibid. [16] Ibid. [17] Ibid. [18] Eliade, Le Sacré et le profane, 1965 in Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Flammarion, Paris, 1999, p.356. [19] Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Flammariion, Paris, 1999, p.356. [20] Eliade, Le mythe de l’Eternel retour, in Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Flammarion, Paris, 1999, p.356. [21] Ibid. [22] Wiktor Stockwoski, op.cit., p.359 [23] Ibid. [24] Ibidem, p.72. [25] Ibidem, p.74 [26] Ibid. [27] Erich von Däniken, Chariots of the Gods, Berkley, New-York, 2018 (édition électronique), p.54 [28] Ibid. [29] Sarah. E. Bond, “Pseudoarcheology and the Racism Behind Ancient Aliens” in https://hyperallergic.com/470795/pseudoarchaeology-and-the-racism-behind-ancient-aliens/ (2018). [30] Enrich von Däniken, in Keith Fritzpatrick-Mattew’s blog: Bad Archology. https://badarchaeology.wordpress.com/2014/01/12/is-pseudoarchaeology-racist/ [31] Ibid.

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