Tumgik
#les trucs bizarres de l'écriture
nvminnd · 8 months
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Je viens de revoir KV1 pour la 1ere fois depuis sa sortie en salle et voici quelques random thoughts :
Venec le Fenec 💯💯
Je trouve que le jeu de Guillaume Gallienne va pas trop avec l'écriture de AA, ça a l'air un peu forcé (le perso en lui-même est sympa par contre)
Loth est complètement à bout, prions pour un putsch dans KV2 sinon j'ai peur pour sa santé mentale
Le Duc d'Aquitaine est incroyable, manupilation émotionnelle tout en délicatesse
Bohort et Gauvain ces petits choux à la crême avec leur petite table ronde je les aime
Fière de Bohort et de son évolution capillaire
Calo se fait toujours tailler parce qu'il est trop chiant j'aime ce running gag
Lui par contre je comprends moins son cheminement capillaire, d'où il sort ces cheveux ?
Séli et Élias : wlw et mlm BFFs 🏳️‍🌈
Galessin a sûrement passé ces 10 dernières années à bronzer sur un rampart et franchement mood
Gareth a la même manière de parler que Gauvain 🥹
Les filles de Karadoc qui ont AUCUN PROBLÈME à l'idée de buter leur mère 😃
D'ailleurs Mevanwi est incroyable, l'attitude, le costume, une reine
Toujours aussi déçue des retrouvailles entre les semi-croustillants, les resistants de Gaunes et Arthur. Ça fait 10 ans que vous vous êtes pas vus, vous étes censées être proches (surtout Perceval et Arthur), où est la grande séquence émotion ?
Ah pardon, non, on a quand même de très jolies retrouvailles entre Léodagan et les catapultes 🥰
Guenièvre. Juste Guenièvre 💜
D'ailleurs y'a quand même un gros progrès au niveau des personnages féminins par rapport aux debuts de la série
J'aime beaucoup la nouvelle génération, même si je suis pas toujours convaincue par leur jeu
Je trouve que les flashbacks sont pas super utiles niveau narration ou même développement du personnage d'Arthur. Ca nous apprend pas grand chose de plus. À voir si ça a de l'importance plus tard.
La partie de robobrole j'aime bien, c'est l'évolution logique des jeux bizarres de Perceval
Je suis pas fan des répliques qui sont là pour le fan-service, mais y'en avait moins que dans mon souvenir
J'aime bien le running gag des frères et soeurs qui ont l'air de sortir de nulle part (alors qu'ils ont tous été mentionnés à un moment dans la série si je me trompe pas ? À part Gareth peut-être ?)
Du coup j'attends la nièce et la soeur de Galessin et la tatan de Karadoc dans KV2 hein.
Dagonet je me demande ce qu'il a fait pour mériter être à peu près au même rang que Loth, Blaise et le Jurisconsul, et pas sur les ramparts avec Galessin
La bataille finale est parfaite, que ça soit le plan avec les burgondes ou le duel Lancelot/Arthur
Conclusion j'ai beaucoup plus apprécié le film lors de ce deuxième visionnage. J'avais peut-être trop d'attentes quand je l'ai vu au cinéma. Il se passe un peu trop de trucs, y'a un peu trop de nouveaux personnages pas toujours utiles, mais ça pose bien les bases pour la suite. En espérant un retour d'Yvain, et aussi d'Anna parce que je me demande ce qu'elle a foutu pendant 10 ans 🫡
(et puis c'est grâce à ce film que j'arrive enfin à peu près à reconnaître Sting donc c'est toujours ça de prix)
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shakeskp · 16 days
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Des nouvelles de l'écriture
oui on est déjà le 8 septembre mais personne a dit que je devais faire un vrai rapport mensuel
Août a été un peu moins chaotique que juillet, mais ce n'est pas encore ça, et septembre ne va pas être beaucoup plus simple, mais on va faire avec !
Du coup, août, ça a été du bidouillage sur des petits projets du type l'Obikin same age UA et le mpreg théorique, et beaucoup de Springbreak. Cette fic qui était donc censée être pépère est en train de partir en sucette, le quota angst est largement dépassé /o\ J'espère vraiment réussir à en faire un truc dégoulinant de romance à un moment et pas seulement un truc dégoulinant d'angst et d'Anakin carrément borderline Vader.
J'ai aussi commencé (et entre temps avancé, mais ça c'est septembre) les prompts donnés par @trinitrine (Anakin qui obsède sur les taches de rousseur d'Obi-Wan, bizarrement ça part en PWP XD) et @sky-kenobye (fake fake dating, qui devient du 5 fois où personne n'a cru qu'obikin était un couple et une fois où ils ont pas eu le choix)
ça m'a fait un mois à un peu plus de 17 000 mots, c'est quand même pas mal :D
Aussi, je vais bientôt cliquer sur les boutons "publier" des vieilles fics que j'ai préparées pour être archivées sur AO3, mes excuses d'avance, je vais tenter de limiter les mails d'alerte /o\
Et si ça vous tente, un bout d'Obi-Wan en mode #thirst tiré du projet Freckles :
Anakin, qui avait cessé son exploration, prit l'air songeur. Obi-Wan en profita pour le détailler, un plaisir qu'il s'accordait rarement. En partie pour ne pas nourrir l'ego déjà bien établi de son compagnon, en partie parce qu'il s'en était empêché si longtemps. Les boucles châtain aux reflets dorés qui ornaient son front, les sourcils épais qui lui donnaient si facilement l'air ombrageux. Ses yeux clairs, invisibles à cet angle, mais qu'il imaginait si bien. Son profil parfait, avec ce nez miraculeusement encore droit, le trait marqué de sa mâchoire où Obi-Wan aimait tant passer la bouche entrouverte. Ses lèvres pleines, encadrées de sillons triangulaires qui se creusaient quand il souriait, et qui révélaient déjà quel serait le dessin de son visage vingt ans plus tard.
Obi-Wan espérait le voir, de tout son cœur.
Il serait magnifique, son Anakin, avec des rides au coin des yeux.
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swedesinstockholm · 2 months
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10 juillet
ça y est, je commence à me demander pourquoi je suis là, ça m'aura pris trois jours. pour pas refaire la même erreur qu'hier et éviter de me sentir comme une merde amorphe je suis repartie chez ikea pour échanger ma lampe mais quand je suis arrivée à südkreuz un gigantesque orage a éclaté, le ciel était noir et la pluie tombait par rafales, c'était très beau mais j'ai rebroussé chemin sans être allée à ikea. quand ça s'est calmé j'ai décidé de partir à la recherche de la réglisse rouge avec mon nouveau pass. j'écoutais une interview fleuve de laura vazquez sur arte radio et ça donnait des situations surréalistes où j'errais à travers les rayons de nourriture de luxe au sixième étage du kadewe avec des extraits de performances de christophe tarkos dans les oreilles. j'ai bien aimé la superposition des deux. en plus il y faisait bien frais. évidemment j'ai pas trouvé de réglisse rouge alors j'ai repris ma route et je me suis arrêtée au magasin de bonbons tapageur un peu plus loin mais je suis pas rentrée parce que ç'avait l'air nul et y avait personne à l'intérieur.
dans mes oreilles laura vazquez disait que quand on lisait un texte à voix haute il fallait se mettre derrière le texte et ne surtout pas interpréter. rester le plus neutre possible. je me suis dit qu'elle trouverait mes lectures à chier. elle dirait que je fais tout à l'envers. mais moi je veux pas servir le texte. je veux que le texte me serve moi. je suis plus importante que mes textes. je crois. c'est peut être ça mon problème. elle disait aussi qu'elle était absolument pas intéressée par l'autobiographie/l'autofiction et à chaque fois qu'une autrice dit ça j'ai l'impression qu'elle est supérieure à moi. que ce qu'elle écrit est plus important, plus légitime, mieux. parce qu'elle a pas cédé à la facilité de l'autobio. mais est-ce que faire de l'autofiction c'est céder à la facilité? c'est pas parce que je me vois faire rien d'autre que c'est forcément plus facile. c'est une matière comme une autre.
elle disait que ses textes avaient toujours comme point de départ les textes des autres, à travers les notes qu'elle prend en lisant des livres notamment. pour son dernier livre elle traduisait des extraits de journaux en japonais avec google et ça donnait des phrases bizarres. je me demande si elle fait le jeu des poèmes-radio aussi. elle disait qu'à la fin de l'écriture de son dernier livre elle avait failli perdre la tête parce qu'elle écrivait jour et nuit et qu'elle avait trop laissé sa narratrice entrer dans sa tête. sa narratrice a une sensibilité démesurée et l'esprit perturbé. tout la touche et tout lui fait mal. elle disait que ça l'avait transformée en zombie fragile et triste. moi je me sentais comme un zombie fragile et triste cet après-midi en écoutant laura vazquez sous la canicule dans les grandes artères commerciales de berlin ouest. pas vraiment triste, plutôt neutre, un zombie n'ayant pas d'émotions. un zombie est concentré sur sa mission (manger les vivants) moi j'étais concentrée sur ma mission: trouver de la réglisse rouge.
après le kurfürstendamm je me suis attaquée au pire des endroits: le alexanderplatz. quand je suis sortie du métro sur la place il devait faire au moins 45 degrés et quand je suis arrivée devant le magasin américain les rayons étaient à moitié vides et y avait personne à l'intérieur, alors j'ai de nouveau passé mon chemin et j'ai continué jusqu'au centre commercial à côté pour manger un truc parce que j'étais au bord de l'évanouissement. j'ai pas trouvé de boulangerie alors j'ai pris deux petits pains chez edeka pour 94 centimes et je me suis assise sur un banc dans la galerie en face d'un magasin de bijoux cheap à côté d'un garçon qui jouait sur son téléphone en attendant sa mère. dans mes oreilles laura vazquez disait que ses parents regardaient beaucoup la télé. quand ils se sont rencontrés ils étaient tous les deux employés de supermarché. laura vazquez elle a fait plein de petits boulots parce qu'elle a jamais voulu de vrai travail. elle durait jamais plus d'une semaine parce qu'elle détestait travailler, mais elle a toujours trouvé des combines pour toucher des bourses. c'est la reine des bourses. après avoir vécu plusieurs années en espagne sur les bourses erasmus elle s'est installée à marseille à cause du centre international de poésie et parce que c'était quand même mieux de rentrer en france pour faire des lectures et tout ça. tout d'un coup je me suis dit oh putain mais qu'est-ce que je fous là? est-ce que je prends pas ma carrière assez au sérieux? est-ce que je suis en train de faire n'importe quoi?
comme ma mission était terminée j'ai eu l'idée saugrenue d'aller voir un lac qui avait l'air joli et paisible au nord de la ville parce qu'y avait un tram direct pas loin et que les pass illimités pour les transports en commun c'est mon équivalent des buffets all you can eat: j'en veux pour mon argent et j'ai les yeux plus gros que le ventre. mais il faisait cinquante degrés dans le tram et il avançait pas donc je me suis dit qu'il était temps de rentrer et de mettre fin à cette journée absurde. et puis ce soir j'ai dit à n. que j'avais oublié d'acheter des trucs pas sains et elle m'a dit tu veux de la glace menthe chocolat en dessert? j'en ai un pot au congélateur, et ça a tout remis en perspective. peut être que ma vraie mission pour berlin c'est d'apprendre à être plus douce avec moi-même. d'arrêter de me juger sans arrêt, même quand je prends des décision à la con. de pas trop me mettre la pression, de me faire plaisir, de trouver de la légèreté et de me laisser vivre, mais de pas m'en vouloir si j'y arrive pas. c'est déjà assez gros comme programme. et de finir mon livre obvs. j'ai pas écrit aujourd'hui, alors qu'il me tardait de rentrer pour écrire à force d'écouter laura v. je suis pas assez obsédée par mon texte. il faudrait qu'il m'obsède. il faudrait que je pense à rien d'autre.
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12-edition · 1 year
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Conversations V : Part I
22/07 -Bon anniversaire A, un petit quelque chose pour marquer le coup, c'est pas grand chose tu as déjà tout lu, mais c'est pour avoir tout dans l'ordre et je crois que j'ai toujours voulu que ça soit un bouquin, et qui sait, si tu regardes bien il a peut-être quelque chose en plus. (désolé d'envoyer ici mais ça ne passait pas par sms) A : Merci Alex, merci pour ce cadeau, comme toujours tu sais manier les mots, même si certains seront sans doute difficile à lire Merci😊 -Pas aussi bien que j'aimerais mais c'est gentil
31/07 A : Tu publieras peut être un jour? J'aime bcp l'idée -Ouais, j'ai pas le niveau littéraire, je sais bien. Mais ça à besoin d'exister quelque part, vraiment, et un bouquin c'est un très bon moyen de le faire, le meilleur. Je me suis déjà renseigné sur l'auto-édition. Je sais pas on verra, de toute façon pour l'instant c'est pas terminé. Sinon t'as pas eu de soucis pour la lecture ? A : Non, pas sur la lecture Plutôt sur le contenu… -Encore désolé, mais bon il y a pas grand chose d'inédit A : Non non mais c'est quand même une partie de notre histoire -C'est vrai et j'aime ça
2/08
A : Je crois que j'aime aussi savoir que c'est écrit qq part, même si nous sommes les seuls à lire bien que, d'autres ont peut être lu tes post aussi
L'écriture c'est quand même notre moyen de communication et il est vrai qu'il est le plus beau
-C'est surtout toi, l'écrit c'est toi, je sais pas pourquoi, quand tu es parti, les bouquins ont pris ta place, je ne lisais quasiment pas avant.
J'ai pensé à les publier en privé (comme pour le post de ton anniversaire, c'est à dire que seul la personne qui a le lien peut le voir, parce que c'était personnelle) mais je les laisse comme ça, c'est vrai n'importe qui peut lire, même si je ne pense pas que ce soit si intéressant que ça pour quelqu'un d'extérieur.
A : J'aime savoir que les mots sont là, qu'ils restent malgré le temps qui passe, et que n'importe qui peut lire l'histoire sans jamais savoir vraiment
Tu as raison, j'ai toujours aimé l'écrit
-C'est quoi l'expression "Les paroles s'en volent, les écrits restent." Un truc comme ça.
Ils resteront là bas, peut importe si quelqu'un lise ou pas, du moment que tu lises, toi.
A : En vérité, il est toujours plus difficile de dire, et puis avec le temps, le sens de nos mots peut changer 
L'écrit, c'est silencieux et délicat, je préfère de loin lire qu'écouter
-Oui je suis assez d'accord, enfin, ça dépend
A : De?
-Ça fait bizarre de recevoir un message en écrivant sur le prochain chapitre
A : Ah ... en plein dedans donc
-Bah j'aime bien écouté aussi
A : Je sais
-Il n'y a pas que moi qui sais des choses, et tant mieux
A : Je ne suis pas très sûre de ce que je sais
Je me suis si souvent trompée
-Fait toi confiance alors, tu sais tu me dis souvent que je sais des choses mais de mon point de vue, je sais que dalle 😅 A : Aujourd'hui il n'y a bien qu'à moi que je fais confiance à vrai dire! -On ne peut faire confiance qu'à soi-même, encore plus maintenant.. A : C'est ça Bon ça nous mets un peu seuls quand même mais bon🤷‍♀ -Perso j'étais donc un précurseur 😅 A : C'est sur!!
-Pas sûr que ce soit positif d'ailleurs mais bon, on fait ce qu'on peut A : Ça l'est souvent, ya que les moments tristes ou c'est relou -Je sais bien A : Comment tu fais? -En général je regarde Kaa A : Pareil tu t'en doute Mais parfois c'est dur Et en ce moment j'enchaîne le ciné -Kaa marche pas tout le temps Pas mal le cinoche c'est vrai Mais bon soyons honnête, des fois rien n'y fait A : Faut juste patienter… Je lis, ça me permet de partir loin, pendant un moment je ne suis juste plus là, rien ne me fait revenir, j'aime ces moments à vrai dire -Depuis quelques temps, j'écris, je me sens mieux là bas Chacun ces trucs pour surmonter C'est un peu grâce à toi du coup A : Ou à cause de moi… Mais on n'est tous les 2 ressortis abîmés de cette période
-Non grâce clairement. Pas abîmé à cause de toi, enfin pas tant que ça Tu m'as aidé plus que tu ne le crois, ça sera en quelques sortes expliquer dans le prochain chapitre. Bonne nuit A, si t'as envie parle moi de ce que tu vas voir et de ce que tu lis, j'ai toujours aimé ça.
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beatlesonline-blog · 2 years
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lilias42 · 2 years
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De nouveau CF avec le pré-Duscur mais, développé cette fois !
Et voilà ! J'ai enfin fini de développer et de relire les chapitres avant Duscur ! J'espère que ça te plaira @ladyniniane !
Pour ceux qui viennent d'arriver, j'avais publié il y a quelques temps une sorte de brouillon sur les évènements d'avant Duscur tel que je les imagine dans ma version de CF car, je ne savais pas si je le développerais ou non, même si j'ai fini par le faire. Pour les détails et plus de contexte, je vous renvoie à ce billet d'ailleurs, vu que celui-ci est déjà assez long vu que bon... de quatre pages, je suis passé à trois puis quatre chapitre car l'un d'entre eux était trop long et que je l'ai coupé. Normalement, tout est dans le prélude du brouillon alors, je vais juste ajouter des rappel sur les personnages qui apparaissent ici et pas avant :
Jacques = roturier, le soldat qui était chargé de surveiller les enfants quand Arundel a brûlé Félix. Il n'était pas là car, l'ordre de sa mission était de surveiller Dimitri mais, étant donné qu'il était seul pour le faire et que le groupe d'ami s'est séparé, il a dû le suivre et laisser Félix seul avec Arundel; même s'il se méfiait de lui (comme tout le monde d'ailleurs). Il s'en ai voulu terriblement alors, il a demandé à Rodrigue et Alix de le prendre à leur service pour réparer sa faute, notamment en se mettant à genoux devant eux alors qu'ils ne sont "que" duc et pas roi. Il éprouve un immense respect envers les jumeaux, mais il respecte aussi Lambert en tant qu'homme.
=>Je pense ajouter un chapitre où on verrait les conséquences de l'affaire de "l'Adrestien brûleur d'enfant" où les jumeaux deviennent plus indépendant mais très respecté par les roturiers de tous le royaume et pas seulement de leur fief, pour montrer que Félix guérit avec ses amis et sa famille, l'évolution de l'état d'esprit de Glenn qui reste méfiant envers Lambert même s'il a fini par faire ce qu'il devait faire et que leur fief est vraiment sain et uni derrière eux mais, à côté de ça, cela ferait beaucoup d'ambitieux et d'envieux qui voudrait en profiter pour les faire tomber car, ils prennent trop de pouvoir (plus une discussion avec Patricia qui leur en veut aussi à mort d'avoir déclenché l'exil de son frère dans sa tête, vu que les trois ne se supportent pas)
Estelle Duchesne = roturière, capitaine d'un régiment de troupe fraldarienne et proche des jumeaux. Elle est très opposé à Lambert et considère que le roi cause plus de problème qu'autre chose à Fraldarius car, ils sont quasi autonome et qu'elle voie bien où est la raison dans le groupe des dirigeants (soit pas chez Lambert). Elle est d'une fidélité sans faille à ses ducs et à son fief
Bernard Parjean = roturier, adjudant d'Estelle, ils sont toujours en équipe pendant leur travail et en-dehors, même s'il n'y a rien de romantique entre eux. C'est juste des compagnons d'armes qui ont beaucoup d'estime l'un pour l'autre. Il est moins vocal qu'Estelle sur son opposition au roi et la freine souvent pour qu'elle n'ai pas d'ennui mais, il voie également Lambert d'un mauvais oeil, bien qu'il respecte Dimitri
Nicola Terrail = roturier, meilleur ami de Guillaume, le père des jumeaux, et son plus fidèle soutien avec Aliénor, puis le plus proche conseiller d'Aliénor quand son mari est assassiné. Fils de domestique qui a accédé à la noblesse grâce à tous les loyaux services qu'il a rendu au couple ducal, il est également le compère de Rodrigue et Alix (l'équivalent d'un parrain au sens médiéval du terme ; il arrive quelque chose aux parents, c'est les parrains et les marraines d'un enfant qui s'en occupent). Il est d'une fidélité sans faille envers les jumeaux et considèrent les Fraldarius comme faisant partie de sa propre famille, au même titre que sa fille, son gendre et ses petites-filles surnommé les lapines (car elles adorent les lapins et que la plus âgé en a adopté un). Il commence à être très âgé pour un tel voyage et devrait bientôt être à la retraite si les circonstances ne l'obligeaient pas à reprendre la route pour protéger son petits-fils de coeur Glenn et surveiller Lambert. A une très mauvaise opinion de ce dernier, même s'il tient le roi Ludovic en haute estime
Ludovic III Blaiddyd = noble, le père de Lambert et Rufus. Tenant plus que tout au Royaume, il a commencé à comploter vers quatorze, quinze ans pour renverser son père, a réuni toutes les oppositions (dont les Fraldarius et les Charon) et a fait un coup d'Etat pour mettre fin au règne sanglant de Clovis qui faisait guerre sur guerre l'année de ses dix-huit ans. C'était un homme très froid et assez inexpressif, même s'il montrait plus d'émotion quand il a une confiance absolu envers son interlocuteur. Il considère Guillaume comme son grand frère et Aliénor comme sa belle-soeur étant donné que le couple ducal lui a tout appris en politique (et encore heureux pour le Royaume), et il a une tendresse certaine pour les jumeaux, surtout qu'il se sent responsable de la mort de Guillaume et qu'il les trouve très doué comme dirigeants. Même si Rufus prétend le contraire, il aime aussi ses fils de sang mais, reste lucide sur leurs capacités. Il a travaillé toute sa vie pour instaurer une monarchie héréditaire afin que le règne de Clovis ne se répète pas, et d'être plus sûr qu'une personne compétente s'occupe de Faerghus mais, Rufus a volé le testament de son père et ses travaux pour éviter que la couronne échappe à son petit frère qu'il considère comme digne du poste. Il est mort de la tuberculose, ce qui fait que beaucoup de gens mette son idée de la monarchie élective sur une folie de sa maladie, même s'il avait publiquement ce projet en tête depuis son accession au trône. Il reste tout de même respecté et craint de tous même hors des frontières
Héléna Charon = noble, première épouse de Lambert, mère de Dimitri et sixième enfant Charon. Elle est une juriste accomplie et une prêtresse guerrière qui combat avec des gantelets (même si je trouve le nom "clerc de guerre" plus classe, je vais essayer de respecter la terminologie du jeu), ce qui résume assez bien sa personnalité. Elle était également une fine politicienne et c'est une des raisons pour laquelle son mariage a été arrangée avec Lambert, afin qu'il y ait une personne capable de le gérer au quotidien en plus des jumeaux si Ludovic échouait à mettre en place la monarchie élective. Dimitri ne l'a jamais connue car elle est morte de la peste quand il n'avait que quelques mois mais, il lui ressemble beaucoup dans le caractère. Il s'en est rendu compte trop tard mais, Lambert était très amoureux d'elle et a mis un peu de temps à faire son deuil d'elle, même si elle reste une des femmes les plus importante de sa vie.
Clovis IV Blaiddyd = noble, grand-père de Lambert et Rufus. Il a mené énormément de guerre au mépris de son propre peuple, au point que même Areadbhar le rejetait et que Ludovic a dû faire un coup d'Etat pour arrêter le massacre. C'est l'exemple-type du mauvais souverain en Faerghus et c'est toujours une critique quand quelqu'un est comparé à lui.
Rufus = évidemment grand frère de Lambert, mais le mien ne ressemble pas du tout à celui de Nopes. Il est très content d'avoir échappé à la responsabilité du trône et considère son petit frère comme apte à ce poste, surtout qu'il l'adore et il le soutient toujours. Sa relation avec Ludovic est par contre bien plus compliqué et il accuse notamment son père de faire du favoritisme pour les Fraldarius car, il tenait en trop haute estime Guillaume et Aliénor. Il le trouve notamment trop dur envers Lambert, Ludovic ne cachant absolument pas que même s'il aime son fils et trouve que c'est un homme bien, il trouve qu'il ne ferait pas du tout un bon roi. Rufus vole le testament de son père pour empêcher que la monarchie élective se mette en place par amour et confiance envers son petit frère. C'est la seule personne qui peut faire changer d'avis Lambert quand il s'obstine et n'écoute personne.
Fregn dite l'Ombre chez elle = mère de Sylvain et Miklan, c'est une sreng et la soeur de leur reine la plus importante de leurs territoires depuis son élection. Elle était éclaireuse (donc, grosso modo une espionne, on ne va pas se mentir) pour les srengs donc, c'est une femme avec une grande capacité d'adaptation et qui sait attendre son heure mais, sa patience a ses limites. Elle a un système de valeur sreng donc, elle s'oppose très vite et facilement aux personnes qu'elle estime indignes de respect. Elle a par exemple beaucoup de mal avec le système héréditaire de Fodlan qu'elle trouve dénué de sens contrairement à Sreng où on est sur un système électif. Plus j'y pense, plus je me dis que Ludovic aurait pu faire exprès de choisir l'espionne dans la fratrie de quatre soeurs, afin d'avoir un élément plus imprévisible qui viendrait s'opposer à Lambert si son projet de monarchie élective échouait ou s'il mourrait avant de réussir à le mettre en place. Comme le vouvoiement n'existe pas dans la langue sreng, elle utilise des surnoms pour parler des personnes qu'elle estime (par exemple "Loups Inséparables" pour parler des jumeaux) mais tutoie les personnes qu'elle méprise en utilisant leur prénom, ce qui ne se fait que dans ce contexte ou par familiarité chez les srengs
Lachésis, Thècle, Myrina et Kimon Charon = nobles, frère et soeurs de la reine Héléna, membre de la grande fratrie de douze enfants des Charon, enfants de la matriarche Catherine. Ils occupent tous des postes importants dans l'administration du Royaume, notamment dans la justice, sauf Myrina qui est la seigneuresse de leur fief, même si ce n'est pas l'ainé et la plus disposée à tout ce qui touche au combat. C'est la mère de Cassandra (future Catherine qui a pris le nom de sa grand-mère par respect envers elle étant donné qu'elle a participé au coup d'Etat contre Clovis).
Félicia = noble, la mère de Félix et de Glenn, ainsi que la femme de Rodrigue. Fille d'un comte de Leicester, elle était une femme d'une grande joie de vivre mais, qui souffrait de très gros problèmes cardiaques qui la condamnaient à mourir jeune (c'est à peu près sûr qu'elle ne passera pas les trente ans) alors, elle a pris le parti de vivre à fond avant la date fatidique de sa mort, même si c'était dangereux pour elle. Sa gentillesse, sa capacité à prendre soin des autres, le bon placement géographique de son fief (l'ile où transite toutes les marchandises du nord, notamment celle qui passe par Fraldarius), ses excellente relations avec énormément de marchands, son don pour le négoce, et le fait que son coeur défaillant vienne surement d'une malformation et non d'une maladie héréditaire ont convaincu Aliénor d'accepter le mariage d'amour entre elle et Rodrigue malgré sa maladie et son côté inconscient. Elle est morte de septicémie en mettant Félix au monde deux mois trop tôt car, son corps la lâchait (pas forcément à cause de la grossesse, même si c'était un facteur aggravant), d'où le fait que Félix porte son nom, surtout que ça correspond à son voeu que ses fils soient heureux (Félix = "celui qui a bonne chance" en latin). Rodrigue l'aimait profondément et ne se remariera jamais par amour pour elle, faisant même le voeu pieux envers la Déesse de tenir sa promesse envers elle et de lui rester fidèle. Félix ressemble beaucoup à sa mère, même s'il tient ses yeux de chat de son père.
"Grand-père" dit par Félix = il s'agit de Fraldarius (de son nom complet Lucius Fraldarius Pertinax), là où il appelle plus Guillaume et Nicola "papi". Il le surnomme ainsi depuis qu'il l'a sauvé des brûlures infligées par Arundel / Thalès. Il est attaché à son ancêtre, même s'il le rejettera après Duscur et sa dispute avec Rodrigue, justement à cause de son rejet en bloc de sa famille, l'énergie de Pertinax qu'il ressent parfois lui faisant trop penser à Rodrigue entre autre.
Maintenant que tout le monde est là et que les relations sont posés, bonne lecture à tous !
(suite sous la coupe, comme toujours !)
Chapitre 29
« Merci d’être tous venu aussi vite. Comme vous le savez, l’heure est grave, nous sommes au bord de la guerre avec Duscur…
Lambert posa directement l’ordre du jour dès le début du conseil, réuni peu de temps après le nouvel an. Tous ses membres étaient présents ou représentés par des proches de confiance. Le benjamin de la fratrie Charon et le chargé de la diplomatie et des relations avec les autres états, Kimon, se leva et résuma la situation, afin d’être sûr que tout le monde avait les mêmes informations et commencer sur de bonnes bases, deux scribes prenant en note la séance pour en garder une trace.
– Il y a de cela trois mois, un chatelain de Mateus se trouvant sur la frontière avec Duscur s’est mis à attaquer nos voisins sans raison préalable. Il s’agit du sieur Kleimain, un vassal des comtes de Mateus. Apparemment et après la première enquête dirigée par les missi dominici, il n’attaquerait pas pour se défendre mais, pour agrandir sa châtellenie en rognant sur la frontière et essayerait de prendre une de leurs mines afin d’augmenter ses revenus. Visiblement, son fief est trop petit pour lui. Il va s’en dire que le conseil de chef de Duscur est furieux et a immédiatement envoyé des plaintes en demandant à ce que les agressions sur son territoire cessent.
– Vous m’apprenez que c’était pour des raisons aussi matérielles que Kleiman a agis, déclara vaguement Mateus. Il a prétendu devant mon ban et le plaid de mon comté n’avoir envoyé que des prédicateurs, afin d’emmener les païens de Duscur à vénérer correctement la Très-Haute, plutôt que de l’abaisser à côtoyer plusieurs fausses divinités et démons, mais que devant l’hostilité des agneaux à ramener dans Son grand troupeau, il avait été forcé de les faire escorter par des frères d’une congrégation militaire. Je l’aurais su, je l’aurais sévèrement réprimandé.
– Même sans cela, il aurait fallu agir dès le départ, » rétorqua Rodrigue, Alix lui laissant le soin de répondre. C’était le plus crédible des deux pour parler de religion. « Il a tout de même envoyé des hommes sous son commandement prétendre dans leur pays que leurs divinités sont fausses et qu’ils honorent mal l’une d’entre eux, encore plus quand il les a faits escorter par des hommes d’armes, ayant prononcé des vœux ou non. Après tout, il n’y a rien dans les Écritures ou les Cinq Commandements de Seiros contre le polythéisme ou le fait d’intégrer la Déesse au sein d’un autre panthéon, que ce soit la version originale en latin ou la version traduite officielle. Leur manière de lui rendre un culte respecte également les Écritures tout en l’adaptant à leurs pratiques, comme le fait chaque pays de Fodlan. Il n’y avait donc aucune raison d’envoyer des prédicateurs dans un pays étranger, un pays ami de surcroit.
– Il est vrai que cela était… un peu maladroit et malavisé de sa part, et je lui ferais les remontrances qu’il mérite. Cependant, il est clair que si on suit ses dires à la lettre, il n’avait pas pour objectif d’envenimer nos relations avec Duscur, seulement de les guider vers le chemin de la Seule et Unique Vraie Foi, nuança faussement Mateus. Cependant, il est clair qu’en poursuivant des objectifs aussi terrestre et vils, il n’a rien fait pour la Déesse et n’a agi que pour lui-même.
– C’est clair que c’est la meilleure manière de détruire nos relations avec Duscur. Il y a peu de risque que cela dégénère en guerre, ce serait suicidaire pour les duscuriens vu qu’ils ne sont pas nombreux et moins bien équipés que notre armée mais, même s’ils tentent toujours de rester pacifistes, ils se défendront car bon, honnêtement, qui ne défend pas ses gosses quand on les attaque pour voler leurs terres et leurs ressources ?! Et tu parles de prédicateurs ! Ils ont quand même eu le temps de tué une vingtaine de personnes ! Et c’est le chiffre connu ! Congrégation ou pas, ils ont oublié qu’il y a écrit en toutes lettres « tu ne tueras point » dans les Écritures ! Ajouta Alix avec plus de virulence. Cela risque aussi d’envenimer nos relations commerciales avec eux, et ils sont nos premiers pourvoyeurs de métaux rares. On se débrouille plus ou moins pour le fer mais, ce serait compliqué de trouver d’autres fournisseurs, surtout à ses prix.
– Il est vrai que leurs prix sont extrêmement raisonnable grâce à la paix entre nos deux pays, permises par l’action de la Dame du Vent Lucine Dominic qui était elle-même duscurienne par moitié, ajouta Gustave, représentant son frère ainé qui n’avait pas pu se déplacer à cause de tension entre deux de ses villes qu’il devait régler. Ils respectent encore les traitées datant du Roi Loog le Lion et nous de même. Les attaquer risquent de briser les accords et de commencer une ère de méfiance, et cela se ressentira sur les prix, surtout que nous ne sommes pas leurs seuls clients. Albinéa et les srengs font également beaucoup d’affaire avec eux. Les duscuriens tiennent à leurs terres qui est un don de leur dieu de la Terre et veulent qu’on les respecte, comme toute personne vivante. Ne pas respecter cette terre sacrée risque de nous attirer les foudres du dieu du ciel selon leurs croyances…
– Oui, je suis bien d’accord, ajouta Lambert. Nous avons déjà envoyé un avertissement à Kleiman. Nous devons aussi nous rendre dans son fief afin d’effectuer des contrôles et voir si tout est en ordre avec le concours de Thècle Charon qui est en charges des affaires fiscales, comme nous l’avions convenu dès que l’enquête préliminaire a pris fin, déclara-t-il en regardant sa belle-sœur ainée. Il semblerait qu’il y ait de graves irrégularités dans ses comptes donc, cela permettra de fouiller dans tous ses documents ainsi que son courrier.
– Oui, nous avons commencé à mettre en place notre conseil d’enquête ainsi que notre méthode et notre plan d’action une fois dans la châtellenie de Kleiman, afin d’être le plus efficace possible dans nos recherches. Elles pourront commencer dès le quinze de cette lune, déclara-t-elle en posant sa main devant son cœur pour prêter serment. L’ensemble des contrôleurs royaux jure solennellement d’effectuer ses investigations avec la plus grande rigueur possible dans le bien de notre Royaume. Si nous découvrons la moindre irrégularité qu’il soit, nous jurons d’en informer Sa Majesté ainsi qu’à la Justice, elle qui était si chère au Flutiste des Glaces Blaiddyd.
– Merci pour toute votre dévotion Thècle, sourit Lambert. Je sais que je peux vous faire confiance, autant à vous qu’à Lachésis.
– Merci Votre Majesté, le remercièrent les deux sœurs.
– Bien. Maintenant, nous sommes au clair sur la marche à suivre avec Kleiman. Une fois que les scribes auront fini de retranscrire nos dires et fait une pause, nous pourrons débattre de la manière dont nous pouvons résoudre les tensions avec Duscur, déclara Rodrigue en regardant le duo noter aussi vite que possible tout ce qui s’était dire, le remerciant d’un regard de leur laisser un instant pour reposer leur main et boire un peu.
– Oui, prenez votre temps, continua Lambert alors que les rapporteurs posaient leur plume pour nouer la première partie du procès-verbal, ainsi que plonger leur main dans l’eau. Même si je ne pense pas que cela soit bien long, j’ai déjà commencé à parlementer avec eux et ils sont d’accord pour une rencontre diplomatique entre nos deux pays.
Un silence très lourd tomba dans le conseil, tous se regardant avec étonnement, les jumeaux les premiers. Ils n’avaient jamais entendu parler de ça ! Même les rapporteurs en posèrent leur verre d’étonnement, alors que c’était ceux qui rédigeaient tous les procès-verbaux du conseil royal. Si même eux n’étaient pas au courant, cela voulait dire que personne ne l’était ou presque.
– Que… que dites-vous ? Lui demanda Rodrigue, priant de toutes ses forces pour avoir mal entendu ou compris.
– Une rencontre diplomatique est prévue entre Duscur et Faerghus, répéta Lambert. Je leur ai écrit dans ce sens.
– Tu… Vous leur avez écrit Votre Majesté ? Se corrigea l’ainé des jumeaux dans son effarement. Vous ne l’aviez jamais mentionné auparavant… quand cela a été fait ? Et avec quel représentant des duscuriens ?
– Dès que j’ai eu vent de ces attaques. J’ai échangé plusieurs lettres avec le conseil des chefs, ainsi que la famille Zaindari, chargée d’entretenir la Grande Maison des Dieux étant donné qu’ils sont chargés de représenter leur pays.
– Je ne suis pas non plus au courant ! Ajouta Kimon, furieux d’aussi l’apprendre que maintenant. La chancellerie ne m’a rien transmis de tel ! Ils sont pourtant chargés de tous les documents officiels de la couronne ! J’aurais dû être prévenu si une telle correspondance avait eu lieu ! Ne me dites pas que vous êtes passé par des messagers privés pour une affaire aussi importante ?!
– Et bien… oui, confirma-t-il avant de se justifier. Cela allait beaucoup plus vite que de passer par l’administration et la chancellerie.
– Il est vrai que cela peut être un peu long mais, cela permet de contrôler que rien ne risque de blesser le destinataire, surtout dans un moment aussi tendu que celui-là, lui rappela Francis Galatéa, essayant de garder son calme tant bien que mal.
– Oui, surtout que lorsqu’elle était encore parmi nous, vous faisiez relire toutes vos lettres officielles et vos ordres à notre chère petite sœur Héléna, ajouta Lachésis, contenant mieux sa colère que son benjamin. Comment cela se fait-il que vous soyez passé de plusieurs relectures, même à titre privé, à l’envoie direct de missive à caractère officiel à des pays étrangers sans relecture ?
– Je vous rassure, je faisais très attention à ce que je disais et je m’exprimais en duscurien pour montrer ma bonne volonté de trouver un compromis, ainsi que la paix entre nos peuples. De plus, comme nous venons de le dire, nous nous entendons bien depuis toujours avec Duscur. Une des fondatrices du Royaume, Lucine Dominic, était elle-même à moitié duscurienne du côté de sa mère.
– Ouais, des accords de plus de quatre cents ans suffisent à assurer le fait que tout ira bien, ironisa Alix avant d’exploser. Sérieusement Lambert ?! T’as pris un risque pareil pour ça ?! On est déjà sur le point de s’entretuer sur la frontière ou au moins de perdre nos principaux fournisseurs de métaux ! Le moindre mot de travers peut ruiner des siècles d’entente ! Il a fallu que quelques attaques par un type qui avait la mauvaise idée d’avoir une garde armée pour qu’elle se fracture ! Tu devrais le savoir, on te traite encore de complice de brûleur d’enfants vu que tu as mis trois plombes à agir contre ce monstre ! Être diplomate ne s’improvise pas ! Et t’as toujours été nulle en la matière sans te faire plumer !
– Bien sûr que non Alix ! Répondit-il, un peu étonné de sa fureur. J’ai aussi pensé à ce que tu as avancé toi-même : Duscur possède un territoire beaucoup plus petit que le nôtre, ils sont moins nombreux, moins bien équipé et ils sont pacifistes. À part ce différent à la frontière, tout s’est toujours bien passé entre nous. Ils n’ont pas intérêt à nous attaquer, argumenta-t-il. Et nous nous sommes plutôt bien sortis pendant les négociations avec Sreng après la guerre ou Adrestia.
– Ouais, car t’as eu une chance de cocu, avec les révoltes qui ont éclaté de partout dans l’Empire et t’ont arrangé le coup, lui renvoya le cadet des jumeaux en pleine figure. On ne va pas aller bien loin si tu comptes juste sur ta chatte pour t’en sortir à chaque fois.
– J’ajouterais que les traités de paix avec les différents territoires srengs ne tiennent pas grâce à toi Lambert mais, surtout grâce aux Loups Inséparables qui ont su se montrer dignes de notre respect et de bons adversaires, en particulier pour le Kænn, intervient Fregn avec froideur, représentant son mari toujours posté à la frontière. Ne t’en enorgueillit pas à leur place, ce serait du vol. On peut voler, il n’y a rien d’immoral à le faire si cela est fait avec talent ou pour nourrir sa famille mais, il ne faut pas se faire prendre, et on ne vole pas un ami. De plus, ne rêve pas, avec le coup de poignard dans le dos que tu viens de donner à tes propres alliés, personne ne respectera quelqu’un comme toi alors, cela se sait, tous les srengs jetterons les traités à la mer et si on ne le fait pas, ce ne sera pas pour toi mais, seulement pour tes conseiller. On pariera aussi tous sur quand ils vont te renverser.
– Vous êtes surement un peu pessimiste Dame Fregn. Votre peuple et votre sœur les ont toujours respectés à la lettre depuis plus de sept ans, pourquoi ne le feraient-ils plus d’un coup à cause d’une tension avec Duscur ? La questionna Gustave avant de la rappeler à l’ordre. De plus, vous vous devez de respecter Sa Majesté, comme vous l’avez toujours fait.
– Respecter des personnes irrespectables revient à s’insulter soi-même. Cela signifie que vous considérez comme égale ou supérieure une personne inférieure à vous. Je refuse de me rabaisser car, il a une couronne dans les veines », rétorqua-t-elle en faisant ressortir son accent dur et en relevant ses manches pour exposer ses tatouages de runes, un signe d’hostilité chez les srengs, que les gardes ne loupèrent pas non plus, un ou deux mettant leur main sur leur épée. Même si la plupart des runes avaient été barrées et modifiées pour qu’elles soient inutilisables, elle pouvait toujours rappeler son poignard avec celles sur ses mains. « Je vous parle honnêtement, et je ne dirais rien de ce camouflet qu’il vient de vous faire à part à mon mari, pas même à mon fils cadet alors qu’il commencera bientôt à entrer dans les affaires politiques. Je ne veux pas que mes enfants soient menacés par mes propres camarades, le Royaume a déjà assez de problème. Mais rappelez-vous bien la Pierre Stoïque que pour nous, seules les personnes qui nous ont offerts un bon défi pendant les négociations sont dignes de respect, ce qui n’a pas été le cas de Lambert. On a accepté de signer en tant que peuple avec un autre peuple uniquement pour cela, cela reste de personnes à personnes dans notre esprit. Il est respecté en tant que guerrier mais, un roi doit être plus que cela, il ne peut pas se contenter d’avoir un corps fort, son esprit doit l’être aussi. Ma réaction serait celle qu’aurait n’importe quel sreng se respectant lui-même un minimum en apprenant tout ceci. Je tenais juste à tous vous mettre en garde, et pas par respect ou sympathie, juste parce que le pays où je vis avec mes enfants dépends de ce que cet homme fait et que je ne veux pas que mes fils soient en danger… et j’espère pour vous que les duscuriens sont moins regardants que nous à ce sujet. Pour nous, ce serait appeler du pied des raids sur Fhirdiad pour récupérer toutes ses richesses et tenter de le tuer. On n’attaquera pas la terre des loups car, ils ont notre respect et celle des goupils étant donné que mes fils et moi-même y vivons mais, on ne se gênera pas pour celle des lions. Tuer un homme avec la force d’un troll est un exploit qui vous fait entrer dans la légende et les sagas. La plupart de nos guerriers les plus respectés ont un emblème de Blaiddyd parmi leurs trophées.
– Dame Fregn… » hoqueta Lambert avant d’ajouter, essayant de faire redescendre l’hostilité dans l’air d’un cran. « Je comprends votre appréhension et vos doutes mais, je vous jure que je ne voulais pas manquer de respect au conseil, ni à qui que ce soit. Il me semblait simplement plus pertinent d’agir au plus vite et directement, et cela ne me semblait pas dangereux pour le Royaume. Comme nous l’avons déjà dit, les duscuriens sont pacifiques et personne ne veut la guerre. Nous devons simplement faire en sorte que Kleiman comprenne qu’il n'a pas à attaquer les duscuriens, et agir en conséquence s’il s’obstine. Il va déjà surement passer devant la justice si on se fie à l’enquête préliminaire, c’est un bon début et étant donné qu’ils ont eu vent de cela grâce à la proximité, cela a mis les chefs duscuriens en confiance. De plus, si cela peut vous rassurer, je peux vous montrer mes brouillons, je les ai tous gardés.
– Y a intérêt, histoire de savoir ce que tu nous as réservés, mordit Alix. Espérons que ce ne sera pas à vomir d’amateurisme…
Rodrigue roula les perles de son chapelet dans ses doigts, très mal à l’aise et anxieux. Pourquoi Lambert avait fait une chose pareille ? Il savait pourtant que c’était des affaires délicates et que le moindre faux pas aurait d’énormes conséquences pour le Royaume ! Son optimisme sans borne empirait avec l’âge mais, cela n’avait jamais été à ce point, et la dernière fois qu’il avait pris une décision aussi dangereuse dans leur dos, c’était…
« Non ! Non ! Allez-vous en ! Papa ! Glenn ! Alix ! Pitié ! Ça fait mal ! »
Chassant les mauvais souvenirs couverts de brûlures maudites, le duc fit tout ce qu’il put pour garder le contrôle de lui-même et demanda, priant de toutes ses forces pour que sa voix ne tremble pas.
– Est-ce que vous avez décidé d’autres choses sans nous en parler ? Nous devons tous nous adapter en vitesse pour que maintenant, tout se passe bien et dans les règles. Nous devons tous tout savoir.
– Oui, nous avons également décidé de la date de l’entrevue, ajouta-t-il et visiblement, il essayait de ne pas trop le bousculer. Ce sera pour leur nouvel an qui tombe le quatre de la lune des Guirlandes cette année.
– Le quatre de la lune des Guirlandes… ?! Kimon devient livide une seconde, puis s’empourpra à nouveau de colère. Vous avez perdu la tête ?! C’est dans deux mois ! Les ambassadeurs n’auront jamais le temps de bien préparer le dossier ! C’est des mois de travail ce genre de choses ! Vous allez bien trop vite !
– Nous aussi, nous n’aurons jamais fini notre enquête ! Ajouta Thècle, tout aussi véhémente que son petit frère. Vous allez vous pointer chez les duscuriens et leur parler de choses qui vont se faire ?! On ne sait même pas ce qu’on va trouver ! Oui, ce n’est pas net mais, ça peut être des manœuvres de comptes pour en donner le moins possible à la couronne ! Pas très moral mais, cela joue sur la fine limite de l’illégalité et la légalité ! C’est aussi très long à détricoter ! Enfer ! Je pensais en avoir pour un an d’enquête ! Et on va devoir tout faire en même pas deux mois ?! C’est à peine le temps de rassembler et organiser tous les documents ! C’est impossible ! Il faut qu’on la finisse pour que le procès complet se tienne ! On ne peut pas faire une parodie de justice avec une enquête à moitié cuite ! Même le pire des avocats de Faerghus pourra le tirer de là en argumentant que rien de tangible n’est dans le dossier et que donc, les autres preuves qu’on a de son comportement violent ne sont pas recevables !
– Mais ne vous en faites pas pour les ambassadeurs, je compte me charger de ces négociations moi-même, leur indiqua Lambert. C’est pour cela que je me rendrais moi-même en Duscur afin de rencontrer l’assemblée des chefs, ainsi que la famille Zaindari. La nouvelle année est un moment extrêmement important en Duscur, qui marque le renouveau et le début d’une nouvelle air. C’est également un grand moment religieux où les dieux sortiraient rendre visite aux humains et se mêleraient aux festivités. À l’issue des négociations et pour sceller la paix, nous les aiderons dans les rituels en lien avec la Déesse afin de marquer la bonne entente entre nos peuples. Le rituel veut que le premier enfant Zaindari fasse une offrande et un vœu de paix avec un autre enfant mais, originaire de Fodlan. Dimitri l’accompagnera donc pour effectuer cette cérémonie et marqué le renouveau de la paix entre Duscur et Faerghus en plus de la nouvelle année.
Cette fois, Rodrigue se crut en plein cauchemar ! Ce n’était pas possible ! Cela devait en être un ! Il allait se réveiller ! Lambert voulait se rendre en personne en Duscur ? Avec Dimitri en plus ?! Le roi lui-même et l’unique héritier de la couronne en territoire étranger et pendant une période de tension ?! C’était de la folie ! Une folie éveillée ! Ce n’était pas possible ! Et il semblait être parfaitement confiant vis-à-vis de cette décision ! Non… il ne pouvait pas être aussi… aussi…
« …Idiot… ce n’est qu’un chien idiot qui ne sait que remuer la queue et s’aplatir devant tout le monde. »
Les mots de sa mère résonnaient dans sa tête, toutes les mises en garde et les fois où elle répétait qu’heureusement, Ludovic voulait en finir avec la succession héréditaire car sinon, le Royaume allait hériter d’un imbécile fini comme roi… il ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose qu’elle ne soit plus là…
– Votre Majesté… ces négociations pourraient très bien mal tournées, vous en êtes conscient ? Reprit-il en priant de toutes ses forces pour que Lambert l’écoute. Après tout, c’est un seigneur du Royaume qui a débuté les hostilités et qui a tué des duscuriens. Le conseil des chefs et la famille Zaindari doivent être sur leurs gardes. Ils craignent surement que cela soit qu’une manière de leur assurer que tout va bien sans rien faire de plus mais, si Kleiman s’approche à nouveau de la frontière avant votre arrivée, ils vont tout de suite penser que nous ne tenons pas nos engagements. Ils sont également garants de la sécurité de leur peuple, ils vous réclameront forcément des comptes pour les villageois assassinés… de plus, ce temple se trouve en plein cœur des montagnes duscuriennes. Il sera difficile pour votre garde d’avancer facilement sans être à découvert, ou de pouvoir réagir rapidement à la moindre attaque. Nous connaissons peu ce terrain et il est parfait pour une embuscade. Cela arrive, les renforts auront beaucoup de mal à arriver pour vous aider et d’un autre côté, nous ne pouvons pas nous permettre aussi d’envoyer trop de troupes avec vous, pour ne pas donner l’impression d’envahir Duscur, surtout pendant une fête religieuse. Vous allez emmener votre fils en plein dans les montagnes duscurienne, sous escorté, et pendant une période de crise. Êtes-vous conscient d’à quel point cela est dangereux ? À la moindre erreur, les négociations ont de très grandes chances de mal finir, vous vous en rendez compte ?
– Bien évidemment, c’est une possibilité mais, je suis sûr qu’il n’y aura aucun problème, lui assura Lambert, ses mots glaçant le sang de Rodrigue, trop conscient de tout ce qui pourrait mal tourné. Nous voulons tous la paix, il n’y a pas de raison que les uns ou les autres envenimions la situation. Je suis sûr que nous trouverons une solution qui satisfera tout le monde…
– Ouais, comme la dernière fois où ta solution qui devait contenter tout le monde a brûlé à mort notre louveteau », le coupa Alix, le criblant du regard. Tout le monde autour de cette table connaissait une grande majorité de l’histoire, mis à part le fait qu’Arundel était son beau-frère, surtout pour éviter que les Charon deviennent fous de rage en apprenant qui avait remplacé leur sœur et servait de belle-mère à leur neveu. Dans une situation pareille, les jumeaux se diraient presque que ce serait limite mieux qu’ils pètent une amarre, rien que pour obstruer les actions royales grâce à leur contrôle de l’administration et de la justice. « Tu fais des folies Lambert, et tu es surement sur le point de ruiner nos relations avec Duscur ! Félicitation ! Tout le monde est fier que tu te sois débrouillé tout seul comme un grand pour tous nous foutre dans la merde jusqu’au cou ! On ne peut même pas déplacer la date ou le lieu de l’entrevue à cause de toute cette symbolique à la con avec la nouvelle année et le reste ! On ne peut même pas tirer Dimitri de ce merdier à cause de ça ! Donc bon, tu finis de nous vomir à la figure toutes tes conneries, donnes-nous tes putains de brouillons, toutes les réponses que tu as reçues et si tu as prévu quelque chose de plus que ton baluchon pour aller à pied à Duscur, et nous, on va passer derrière toi pour tout nettoyer comme d’habitude ! Lui ordonna-t-il en montrant les crocs, hors de lui. Et magnes-toi ! À ta différence, on n’a pas tout le temps du monde pour tout organiser ! »
Alix semblait être sur le point de lui sauter à la gorge, furieux, et Rodrigue n’avait pas assez d’énergie pour le calmer. Il avait l’impression d’avoir un énorme creux dans la poitrine, un mélange d’appréhension et de terreur poisseuse en coulant pour le remplir entièrement. Et l’expression de Lambert… il ne s’attendait surement pas à des réactions aussi extrêmes… il venait de tous les poignarder dans le dos et il s’attendait à ce qu’ils ne se plaignent pas ?! Par pitié… c’était un vrai cauchemar ! Et tout ça avec deux lunes pour limiter la casse ! Deux lunes… deux lunes pour préparer tout l’arsenal des négociations, rassembler les anciens traités et compiler tout ce qui avait été déjà fait, les arguments, contre-arguments, une défense, les gages de bonne foi, les éventuelles menaces voilées… ainsi que tout le convoi royal qui l’accompagnerait soit l’intendance, les chevaux, les palefreniers, la domesticité, les cuisiniers, les médecins, les fournisseurs de nourriture, les gardes chargés de la sécurité du convoi, le corps expérimenté des Lions pour protéger le roi, la garde rapprochée pour compléter et protéger le prince…
La garde rapprochée… la garde royale ! Elle allait forcément faire partie du convoi qui irait en Duscur ! Glenn en ferait forcément partie ! Encore plus vu qu’il était affecté à la garde rapprochée de Dimitri ! Il y serait ! Il serait dans cette mascarade complètement folle que Lambert leur imposait ! Lambert allait le trainer en Duscur sans préparation sérieuse !
« Non ! Non ! N’emmène pas mon fils là-dedans ! C’est trop dangereux ! »
L’horreur de Rodrigue fut coupée par Lambert qui retrouva de la voix pour présenter ses premiers préparatifs, bien incomplet et qu’ils devraient aussi revoir… ça, ce serait un de ses boulots à lui… en plus de superviser tout le reste… il attrapa la main de son jumeau pour garder pied, tant pis pour leur stature, personne ne volait bien haut dans le conseil de toute façon après avoir entendu des choses pareils… les réactions allaient de l’horreur à la colère mais, personne n’était satisfait de tout ce qu’ils venaient de se prendre en pleine figure… heureusement, Alix comprit très vite ce qui se passait dans sa tête et resserra l’étreinte de ses doigts autour des siens, tentant de lui donner de sa force et de sa rage pour tenir. Déesse… merci de les avoir faits jumeaux…
À la fin, Lambert leur donna ses brouillons qu’il avait pensé à apporter au conseil. Alix lui arracha des mains, puis les posa sur la table du conseil en grognant qu’ils feraient mieux de tout recopier, car c’était un peu leur seule base de travail pour le moment. Ils prirent du papier et de l’encre sur la table des rapporteurs qui en allèrent chercher plus de matériel d’écriture pour eux tous rapidement, puis les conseillers se mirent au travail, demandant souvent au roi d’éclaircir plusieurs points pour mieux comprendre. Heureusement que les chefs duscuriens et les Zaindari avaient eu l’amabilité de continuer à écrire leurs missives dans les deux langues, leur faisant gagner un temps précieux. C’était d’usage depuis la fondation du Royaume mais, ils auraient pu arrêter afin de marquer leur hostilité après ce qui s’était passé… Rodrigue prit à peine le temps de comprendre ce qu’il écrivait, il recopiait juste aussi vite et bien que possible et réfléchirait après… il se sentait si fatigué d’un coup… comme vidé de ses forces…
Une fois tout recopié correctement, le conseil prit fin pour que chacun puisse commencer à réfléchir et travailler de son côté. Ils devaient tout faire en catastrophe, ce serait difficile de travailler tous ensemble. Les jumeaux entendirent Kimon marmonner à ses sœurs que les diplomates allaient très mal prendre la décision de Lambert de les exclure, et que ce serait bien sûr lui qui allait se prendre leur mécontentement en pleine figure, pas Lambert. La plupart d’entre eux avaient travaillé toute leur vie sur Duscur et d’un coup, le roi décidait qu’il serait mieux qu’il négocie lui-même sans passer par eux, les laissant de côté… évidemment, ce serait pris comme une insulte à leur labeur… et la chancellerie aussi allait être en colère de ne pas avoir été consultée pour ces échanges diplomatiques… ça sentait le souffre cette histoire…
« Vos Grâces… Nicola les rejoignit vite à la sortie du conseil, il avait dû s’occuper de leurs soldats présents à Fhirdiad pour voir si tout se passait bien, visiblement inquiet en les voyant. Vous êtes livides… Déesse, qu’est-ce qui vous est arrivé ?
– On va t’expliquer… c’est promis… mais tu peux demander à Glenn de venir s’il te plait ? Lui demanda Rodrigue, trop conscient de sa voix minuscule d’épuisement et d’abattement. Lui aussi est concerné…
– …Bien. Je vous raccompagne à vos chambres et je vais le chercher, répondit-il en comprenant qu’il aurait vite tout l’histoire.
– Merci beaucoup… par contre, tu peux éviter que Félix te suive pour le moment ? On ne veut pas l’inquiéter et on préférerait qu’il reste en dehors de ça…
– Je comprends. »
Leur compère les suivit jusqu’à leur chambre où il les laissa tomber sur une chaise avec une tasse de thé fait en vitesse pour se calmer un peu, même si les jumeaux ni touchèrent pas, faisant le point dans leur tête. Ils ne se réveillaient toujours pas de ce cauchemar… c’était trop horrible pour que cela en soit un… ils essayèrent de mettre tout dans l’ordre ensemble, relisant leurs notes et copies des documents que leur avait donné Lambert… leur tête traitait trop d’information en trop peu de temps… et ils devraient le faire en vitesse… leurs papiers seraient difficiles à utiliser, ils étaient allés vite et avaient abrégé beaucoup de choses. Rodrigue avait même écrit à l’envers pour éviter d’étaler l’encre dans sa précipitation, il faudrait un miroir pour le relire… il faudrait surement tout recopier au propre et dans l’ordre… ça allait demander du temps… et c’était tout ce qu’ils n’avaient pas…
La porte grinça un peu sur ses gonds, laissant entrer la voix de Glenn.
« Papa ? Alix ? Nicola m’a dit qu’il y a urgence et que vous n’alliez pas bien… eh ! Il se précipita vers eux en les voyant, n’ayant surement pas regagner des couleurs entre temps. Par les Braves ! Qu’est-ce qui vous est arrivé ?! On dirait que vous êtes blessés !
– Ce n’est rien, on t’assure, tenta de le rassurer un peu son père avant de bégayer, totalement perdu dans le fil de ses pensées. C’est juste… Déesse… trop d’informations… trop peu de temps… on n’aura jamais assez de temps… c’est trop dangereux… beaucoup trop…
– En plus, faut qu’on vous explique tout efficacement… grrrr… ce con nous laisse deux lunes pour tout organiser… et on ne sait même pas par où commencer pour vous raconter ce bordel… grogna Alix en passant sa main sur son visage.
– Pour l’instant, le plus important est que vous vous reposiez une seconde pour vous calmer et retrouver quelques forces, intervient Nicola qui ajouta, conscient de ce qu’ils allaient dire ensuite. Vous mangez un peu et vous restez au calme quelques minutes, et il n’y a pas de mais qui tienne. Qui veut voyager loin ménage sa monture, vous n’arriverez à rien si vous êtes épuisés. Vous êtes déjà maigres de constitution, ne forcez pas trop sur vos forces.
– Il a raison, ajouta plus doucement Glenn en prenant une de leurs mains chacun pour les ancrer un peu plus, même s’il s’inquiétait. Vous avez besoin de reprendre des forces…
– M… hein… vous avez raison, souffla Rodrigue, reconnaissant. Merci beaucoup… et pardonnez-nous de nous comporter comme des enfants pressés…
– C’est normal de s’occuper des gens qui en ont besoin, rétorqua son fils. En plus, vous ressortez d’un conseil avec le chien idiot de Faerghus, c’est normal d’être épuisé.
Aucun des deux n’avait l’énergie ou l’envie de rectifier le surnom.
Nicola partit aux cuisines pour récupérer de quoi les requinquer, laissant le temps aux jumeaux le temps de se vider un peu l’esprit alors que Glenn décryptait leurs pattes de mouches. Au vu de son expression, il comprenait tout ce qui se passait… ça allait être compliqué…
Le vieux chevalier revient assez vite avec un plateau et un panier, rapportant un bouillon fumant, du pain noir, du fromage et quelques pommes. Tout ce qui fallait pour les remettre d’aplomb. Le conseil s’était arrêté après midi et ils n’avaient pas pensé à manger. Heureusement que Félix dinait avec ses amis à midi, il avait surement pu se restaurer sereinement. Les jumeaux remercièrent leur compère avec reconnaissance, puis se mirent à manger leur repas en se concentrant dessus, savourant comme ils purent la nourriture. La chaleur du bouillon et de la mie fraichement sortie du four faisait un bien fou… Rodrigue croquait dans une pomme bien acide quand Alix lui montra une tranche d’emmental très troué, tenant plus d’air que de fromage, les mots silencieux sur son visage, ce à quoi il répondit de la même manière, avant que son frère ne morde dedans après une autre déclaration faite d’expression après l’avoir un peu fixé, la discussion se poursuivant avec un hochement de tête de l’ainé.
« Ça ne te rappelle pas quelqu’un ?
– Oui, c’est son portrait craché pour le coup.
– Ce serait bien si on pouvait gérer ça aussi facilement que ça.
– On est bien d’accord…
– …Surtout qu’il est tout aussi con », conclut-il en finissant de l’avaler.
Comme Nicola l’avait prévu, le simple fait de manger et se poser quelques minutes leurs fit un bien fou, les idées s’ordonnant un peu dans leur esprit alors qu’ils pensaient à autre chose, et Glenn et lui avaient eu le temps de lire eux-mêmes leurs notes. Une fois sûr d’avoir tout compris eux-mêmes, ils leur résumèrent le conseil d’aujourd’hui, essayant de rester le plus neutre possible pour ne pas les influencer, bien que leurs avis transparaissaient toujours et qu’ils savaient pertinemment quelle serait leur réaction. À la fin de leur récit, Glenn ne put s’empêcher de taper son poing sur la table de frustration, Rodrigue devinant aisément qu’il aimerait le mettre dans la figure de Lambert.
« Crétin ! C’est ça ce qu’on se tape comme roi ?! Il discute au calme avec les duscuriens, fixe un rendez-vous et n’en parle à personne ?! On n’est même pas au courant dans la garde ! Alors qu’on devrait s’entrainer à se battre en pleine montagne ! Et j’ai entendu personne dans le corps des diplomates dire qu’ils étaient au courant !
– Car personne ne l’était, toutes ces tractations ont été faites par Lambert seul, lui rappela son père.
– Et ça se voie vu à quel point il s’écrase facilement face aux demandes des chefs duscuriens et des Zaindari. Heureusement qu’elles étaient raisonnables… je n’ose même pas imaginer si on avait eu Ionius en face… je préfère même pas tenter en fait, marmonna Alix. En plus de dix ans de règne, c’est à pleurer qu’il ne sache toujours pas négocier.
– Voir même à son âge… Ludovic négociait mieux que lui à une quinzaine d’année… il lui donne entièrement raison quand il disait qu’il ferait tout pour que ses fils ne portent jamais la couronne… Déesse… si seulement… grommela Nicola avant de se reprendre. Enfin, ça ne sert à rien de marmonner sur cela. Heureusement que les duscuriens ont été modestes et ne demandent que la fin des hostilités, mais ils demandent aussi une renégociation des prix d’amis qu’ils nous accordent sur leurs métaux… c’est leur manière de dire « on ne vous fait moins confiance », c’est évident.
– …Et il a pas compris visiblement… il a juste compris que ce serait mieux qu’il se charge un des plus gros dossiers diplomatiques avec eux, alors qu’il est nul en négociation et en diplomatie, grogna Glenn. Et pour les préparatifs ? Ça ne se fait pas comme ça un tel voyage… il a commencé ?
– – Néant absolu, répondirent en chœur les jumeaux.
– Il a juste fait la liste des choses à faire, et à nous de nous débrouiller avec… en deux putain de lunes… marmonna Alix. Il veut notre mort à tous…
– Et encore, nous, on peut se débrouiller pour que cela tienne, même si c’est de bric et de broc. L’enquête de Thècle va devoir bâcler ses premières conclusions car, elle n’aura jamais le temps de tout finir avant l’échéance… ajouta tristement Rodrigue. Il va devoir annoncer le sort de Kleiman aux duscuriens avant la fin de l’enquête…
– Il est plus pressé avec Kleiman qu’avec son putain de beau-frère… pesta pour lui-même Glenn, serrant son sachet entre ses doigts pour tenter de se calmer un peu.
– Il ne peut pas se permettre de ne pas leur donner de réponse, alors que c’est lui qui a débuté les hostilités et qu’il a déjà tué plusieurs duscuriens… le conseil des chefs demande même son extradition entre les lignes pour le juger eux-mêmes, ajouta Nicola en relisant les lettres.
– Car tu crois que ce chien idiot sait lire entre les lignes ? Répliqua le jeune loup. Il voie « nous aimerons beaucoup pouvoir mettre fin à cette affaire par nous-mêmes donc, pouvez-vous faire venir le responsable dans notre pays afin qu’il s’explique devant nous », il va juste amener Kleiman comme invité et dire qu’on peut tous discuter en chantant gaiement tous ensemble ! Il en serait capable à ce stade !
– Par pitié, ne le dit jamais devant lui… lâcha son père à bout de force et de patience.
– …Ne lui donne surtout pas de mauvaise idée… continua son oncle.
– Promis, je ne veux pas votre mort d’épuisement à sa différence. Grumhf… en plus, on est bloqué, pensa tout haut le jeune homme en se mettant à tourner en rond, incapable de rester immobile dans une situation pareille. On ne peut pas changer la date ou l’emplacement car, c’est symbolique, et ça entraine aussi Dimitri dans cette histoire alors que ça le met en danger et que ça peint une autre cible sur le convoi. Lambert connait tout le dossier et pas les diplomates donc, il est malheureusement le plus calé dessus car, ils n’auront jamais le temps de bien tout préparer en si peu de temps, comme tout le monde. On peut à peine leur livrer Kleiman car il ne sera pas jugé de notre côté… et même niveau organisation, ça va être un gâchis complet. Il nous a mis dans une de ces merdes…
– Ajoute à cela que d’après Fregn, ce genre de décision se sait, les srengs ne le respecteront plus car, il n’est pas un roi complet selon eux et donc, les traités de la dernière guerre ne tiendront que par les personnes qu’ils estiment encore. Elle nous a prévenus que si l’inconscience de Lambert se savait, il y aurait sans doute des raids sur Fhirdiad car, ils ne le considéreraient plus comme dangereux mais, comme un défi à celui qui le tuera le premier car, il a une force surnaturelle…
– Il ne manquait plus qu’eux… ou pas… s’ils décident de s’ajouter à ce bordel, ça ferait une excuse pour ne pas aller là-bas… on doit balayer leurs attaques alors, on ne peut pas se rendre au rendez-vous et pour le prochain, c’est vous qui décider, grommela Glenn. Enfin bon, c’est toujours un problème d’avoir des raids donc, je l’espère pas… mais comment on peut limiter les dégâts ?
– A part tout faire pour tout préparer à temps afin de limiter les risques, tout en essayant de mobiliser un maximum d’opposition pour qu’il renonce devant la pression, on ne sait pas… avoua son père. Il faut qu’on prépare sérieusement le convoi et la rencontre sinon, on ne fera que rendre tout cela plus dangereux pour tout le monde, même si on est formellement contre. Ce n’est pas que la sécurité de Lambert et Dimitri qui est en jeu, c’est celle de toute personne qui va les suivre…
– Et on va devoir en même temps essayer de tout faire pour convaincre un maximum de monde qu’il ne faut pas l’encourager, et tout faire pour le dissuader d’y aller. Il faut qu’on arrive à mettre Rufus de notre côté en lui faisant voir à quel point c’est dangereux pour son frère et son neveu. S’il est contre et intervient, Lambert l’écoutera forcément, comme il l’a fait avec Arundel, ajouta Alix. On va devoir être au four, au moulin et au pressoir en même temps mais, on ne voie pas d’autres solutions. À part que vraiment, Fregn en ait marre de sa tête pleine de vide et décide d’écrire à ses sœurs pour leur dire que respecter Lambert, ça revient à s’insulter soi-même et qu’elles prennent ça comme une porte ouverte pour attaquer, une révolte ou une opposition générale, ou un coup d’État car quelqu’un veut arrêter les conneries deux secondes, on ne voie pas vraiment comment s’en sortir… vu comment il s’obstinait et la situation dans laquelle il nous a foutus, on est fait comme des rats…
– Le tout en trouvant un moyen de te sortir de là, même si tu fais partie de la garde rapprochée de Dimitri, ajouta Rodrigue en regardant Glenn. C’est beaucoup trop dangereux, il est hors de question qu’il te traine dans sa folie. J’irais à ta place étant donné qu’un d’entre nous devra être présent, cela entre dans les clauses du Kyphonis Corpus. Nos deux familles doivent toujours se soutenir, et s’il lui arrive quoi que ce soit alors que nous ne sommes pas là pour remplir notre rôle de bouclier, cela aura de très lourdes conséquences sur notre famille. Nous pourrions être accusé de haute trahison.
– Ou j’irais plutôt, intervient Alix. Que ce soit toi ou moi, ce sera exactement la même chose, sauf que ce ne sera pas le duc en titre qui viendra vu que c’est toi, et ça permettra aux louveteaux d’encore avoir un père et qu’ils ne se retrouvent pas sans parents. Surtout Félix, il est trop jeune pour être duc et il est toujours collé à toi, il ne supportera surement pas de te perdre, que ce soit toi ou Glenn.
– Et ni l’un ni l’autre ne supportera de perdre son frère, rétorqua le Jeune Loup. Le Royaume a besoin de personnes qui réfléchissent, et vous êtes ces personnes avec les Charon pour le moment, tout en ayant suffisamment de marge de manœuvre pour agir efficacement grâce au Kyphonis Corpus, même si c’est à double tranchant. En plus, on ne peut pas ne pas l’accompagner. Comme tu l’as dit, on doit toujours se soutenir et être les boucliers du roi. Si on ne l’ait pas et qu’il y a le problème qui doit arriver car vous avez du tout faire en deux lunes au lieu d’un an, ça nous retombera forcément dessus car, on n’aura pas rempli notre rôle et à cause des liens de notre famille avec les Blaiddyd. On pourrait tous finir exécuter pour haute trahison, surtout s’il arrive quoi que ce soit à Lambert ou Dimitri. Le seul épargner sera Félix mais ça, ce serait parce qu’il est mineur. En plus, je suis majeur dans notre fief maintenant, on ne peut plus se cacher derrière ça pour me tirer des pétrins où nous jette Lambert. Ce serait encore plus suspect si ce n’est pas moi qui y vais alors que je fais partie de la garde de Dimitri, pour que vous y alliez à ma place. Il arrive quelque chose à ce chien idiot, ou Dimitri, ou on se fait vraiment prendre dans une embuscade où l’un ou l’autre ou les deux y restent mais pas nous, ce sera suspect, nos ennemis pourraient dire qu’on a trempé dedans et que c’est pour ça que le bouclier a survécu à son porteur au lieu du contraire. Dans tous les cas, on est coincé entre la peste et le choléra alors…
– Pour le domaine royal et les duscuriens, tu l’es encore, la majorité est à vingt-et-un ans pour eux… répliqua son père avec le filet de voix qui lui restait, avant de se rendre à l’évidence, ne pouvant pas se permettre de l’ignorer contrairement à Lambert. Cependant, tu as malheureusement raison, on est complètement coincé entre deux maux… et nous devons penser au bien du Royaume avant nos propres désirs personnels… c’est notre devoir envers lui… Rodrigue se leva pour prendre ses mains en le suppliant, déjà inquiet comme si Glenn partait demain matin avec juste une chemise et une canne en bois pour se défendre. Fait attention, je t’en prie… rentre à la maison entier… je ne veux pas que tu ailles là-bas, et je veux encore moins que tu y restes… fait très attention à toi, je t’en supplie…
– Je te le promet papa… il posa son front contre le sien malgré la différence de taille, essayant de le rassurer avec le contact. Je suis toujours rentré et vous m’avez tous bien formé, je reviendrais. Je protégerais Dimitri de toutes mes forces, et je me ferais violence pour protéger Lambert aussi, même s’il mériterait de se prendre une conséquence dans la gueule pour tout ce qu’il fait. Le petit a la tête sur les épaules, ça motive à tout donner pour le protéger, et un peu pour protéger le chien idiot vu qu’il ne veut surement pas perdre son père et que ça lui ferait beaucoup de mal si cela arrive, même si le père en question a confiance en des brûleurs d’enfants. J’irais et je reviendrais, rien que pour protéger Dimitri de son père et de ses comparses.
– J’irais également pour protéger le Jeune Loup et surveiller de plus près les agissements politiques de Lambert, ajouta Nicola en argumentant. Étant donné la situation et le peu de temps accordé à la préparation de ce voyage, personne ne voudra y aller sans y être forcé alors, cela permet d’avoir une personne en plus pour lui, et des yeux pour le surveiller à votre place pour nous. Mes mots auront également plus de poids étant donné que je suis plus âgé et expérimenté que lui.
– Même si tu es dans les personnes qu’on ne veut pas voir aller là-bas, tu n’as pas tort… marmonna Alix avec dépit. Les Charon aussi seront là-bas, au moins Kimon vu que normalement, c’est son boulot les relations internationales, et Myrina pour le défendre étant donné que c’est une de leurs meilleures combattantes. Ils ne vont surement pas envoyer Cassandra vu son âge. Mais dans tous les cas, faut quelqu’un pour le surveiller et être sûr qu’il ne nous refasse pas un autre coup dans le dos… on a pas envie de t’envoyer mais bon, tu es le plus qualifié pour ça… mais c’est comme pour Glenn, tu dois revenir Nicola. Revient vite toi aussi et en entier…
– Je vous jure de faire tout mon possible pour protéger votre louveteau et revenir vivant avec lui. J’ai bien l’intention de mourir de vieillesse au lieu d’avant l’heure, encore moins pour ce chien idiot et incompétent.
Rodrigue essaya de sourire un peu à la tentative de Nicola de les rassurer mais, son visage ne faisait que se tordre de manière difforme. Tout sauf les voir tous les deux là-bas… tout sauf qu’ils partent aussi en Duscur… tout sauf ça… il serait si loin… loin du lac et de la protection de Fraldarius… Glenn ne pourra même pas prendre Aegis ou Moralta… emmenez une Relique serait vu comme un signe d’agression et il n’avait pas d’emblème pour la manier… leur ancêtre ne pourrait pas lui venir en aide directement, que ce soit par l’eau du lac ou son bouclier… et Nicola vieillissait bien et était toujours aussi fort mais, il avait tout de même soixante-cinq ans, comme Guillaume et Aliénor s’ils avaient vécu ou survécu plus longtemps… il mériterait de juste laisser son marteau de guerre dans son armoire, ne plus reprendre la route dans ses conditions, et plutôt passer du temps avec ses petits-enfants…
« Déesse… Déesse de pitié et de miséricorde… je t’en supplie, fais en sorte qu’ils soient préservés de la folie de Lambert… je ne veux plus voir de boite sortir de la voiture plutôt que la personne vivante… par pitié, protège-les tous les deux… protège les tous… »
Ils se mirent à discuter de leur organisation pour les semaines à suivre, tout en décidant d’un mot d’ordre : pas un mot de tout cela et de leur opposition à Lambert à Félix. Il était trop jeune pour être mêlé à tout cela, ils devaient tous le protéger de l’agitation politique ambiante et lui éviter de se retrouver dans ils ne savaient quelle querelle. Félix était le futur duc, mais ses ainés feraient tout pour lui permettre de rester un enfant un peu plus longtemps qu’eux. En plus, il avait encore du mal avec Lambert après qu’il n’ait pas chassé Arundel dès le départ, alors qu’il aurait aussi pu s’en prendre à Dimitri. Mieux valait ne pas aggraver sa méfiance, même s’ils savaient que le louveteau sentirait que quelque chose n’allait pas, il était assez perspicace pour le voir. Au moins qu’il puisse lui épargner le plus grave…
Les seigneurs étaient en train de planifier ce qu’ils devaient organiser au plus vite pour le convoi, quand la porte s’ouvrit sur Félix, suivit des chats de Glenn qui devaient le chercher pour avoir à manger. Ils n’avaient pas vu le temps passé tellement ils avaient de choses à faire, la nuit était déjà tombée. Une journée de moins pour tout préparer… ils ne pourraient pas se permettre d’en gaspiller une seule… le louveteau se figea une seconde, puis pris un air résolu au visage en s’avançant dans la pièce alors qu’il déclarait.
« Vous êtes épuisé, ça se voie et vous travailler trop. Vous êtes comme tout le monde dans le palais qui courre partout. Y en a un qui est tombé dans les escaliers car il courrait dedans avec deux tonnes de papiers dans les mains.
– Il va bien ? Le questionna Rodrigue avant de lui expliquer, espérant que ces justifications vagues lui suffiraient et ne l’inquiéterait pas aussi. C’est que nous allons avoir beaucoup de travail pour les prochaines semaines alors, tout le monde doit déjà courir pour être dans les temps. Ce sera difficile de tenir les délais. Déesse, il y a déjà des personnes qui se blessent en essayant d’aller trop vite !
– Oui, le papier a amorti sa chute. Mais vous, vous allez vous reposer ! Je ne veux pas que ça vous arrive ! Humf !
Il attrapa les petits de Fleurette et les posa sur leurs genoux, espérant surement les ancrer sur leur chaise sous leur poids ou le manque d’envie de déranger les chats, puis partit en courant lui aussi en leur recommandant encore de ne pas bouger. Après une seconde, un petit éclat de rire allégea un peu l’atmosphère tendue, touché par l’intention de leur cadet. Il revient assez vite des cuisines avec leur repas, aidé par Estelle et Bernard pour tout porter. Ces deux derniers restèrent manger avec eux, bavardant des dernières nouvelles entendues dans le palais et la capitale. Visiblement, la nouvelle de leur départ pour Duscur dans deux mois ne s’était pas encore répandue… tant mieux, moins de personnes savaient, moins il y avait de risque que cela tombe dans les mauvaises oreilles, que ce soit celle d’ennemi du roi à l’intérieur du Royaume, des srengs, ou pire encore de l’Empire… cette situation était vraiment un vrai champ rempli de pied-de-corbeau…
Cependant, Rodrigue essaya de ne pas trop y penser et plutôt de profiter de son repas. Ce serait surement sa dernière soirée où il aurait de l’énergie jusqu’à ce que cette histoire se finisse, il voulait en profiter un peu… simplement écouter Félix lui raconter sa journée avec Sylvain, Ingrid et Dimitri alors qu’ils s’entrainaient en disant qu’ils seraient aussi forts que leurs ainés et leurs ancêtres, lui expliquant comment il arrivait à entourer sa lame avec ses éclairs à présent. Il pouvait encore profiter de l’enthousiasme de son cadet sans avoir l’esprit embrumé par la fatigue.
Il l’embrassa avant qu’il aille se coucher, faisant encore une prière à la Déesse pour le préserver encore un peu de tout cela et de la bêtise de Lambert.
« Qu’il puisse encore un peu rester un louveteau… »
*
« Tout le monde n’arrête pas de courir en ce moment… je me demande ce qui se passe… mon père et mon oncle sont toujours fatigués depuis qu’on est arrivés… Glenn aussi s’entraine et les aide beaucoup plus que d’habitude …
Félix arrêta, regardant les personnes de l’administration et les gardes courir de partout dans le couloir, ce qui était le quotidien à l’intérieur du palais depuis deux semaines. Ingrid fit de même en posant sa lance, pensive.
– Mon père et mon grand frère aussi… j’ai essayé de leur demander ce qui se passe mais, ils n’ont pas voulu me répondre et m’ont juste dit qu’ils avaient tous beaucoup de travail… j’ai aussi essayé avec Glenn mais, il n’a rien dit non plus… il a l’air très énervé en ce moment…
– Oui, il grogne souvent, même s’il essaye de le cacher, ajouta le magicien. Tout le monde a l’air vraiment mal et angoissé… les jumeaux dorment à peine et ils sont encore fatigués quand ils se réveillent…
– Oui, ma mère aussi est bien remontée, ajouta Sylvain. Elle sait le cacher et elle doit garder la plupart des choses qu’elle pense pour elle mais, ça se voie qu’elle est furieuse. Elle s’est mise à appeler Lambert par son prénom, même si elle ne le fait que quand on discute en sreng et seuls.
– Elle le tutoies ? ça veut dire qu’elle ne le respecte pas, c’est ça ? Lui demanda Dimitri pour être sûr.
– Oui, soit ça, soit de la familiarité mais, c’est clairement pas ce cas de figure à sa tête et à sa manière de parler. Je suis sûr que ça a un lien avec l’agitation et ces « moins de deux lunes » qu’on entend partout.
– Mmmmhhhhnnn… je pense, mon père aussi travaille beaucoup avec les diplomates en ce moment, même si Kimon a l’air sur le point de l’étrangler dès qu’il lui parle. Hum… Dimitri hésita un peu avant d’ajouter, passant au sreng, ce qui confirma à ses amis qu’il n’était pas sensé en parler, il ne devait pas vouloir que les gardes de Blaiddyd et de Fraldarius comprennent ces dires. Je crois que cela à avoir avec le voyage qui se prépare. On doit se rendre en Duscur pour leur nouvel an, c’est le quatre de la lune des Guirlandes cette année. On doit aller dans leur ville sainte pour la visite diplomatique et effectuer un rituel qui marque le renouveau et l’entente, pour signer la fin des tensions.
– Vraiment ?! Tu ne nous l’avais pas dit ! S’exclama Félix dans la même langue.
– C’est ce que tu travailles les après-midis ? Ajouta Ingrid.
– Oui, mon père m’a dit d’éviter d’en parler car, ça pourrait tomber dans les mauvaises oreilles. C’est pour ça que je le dis en sreng, vu que peu de personne le parle.
– C’est clair que c’est risqué… marmonna Sylvain, pensif. Normalement, on évite d’envoyer le roi et son seul héritier à l’étranger. En plus, si j’ai bien compris, on est sur le point de s’entretuer avec eux, vu qu’un seigneur les a attaqués pour agrandir son territoire sur la frontière, et qu’il a tué des leurs.
– Pourtant, on est ami avec Duscur grâce à Lucine Dominic, lui rappela Ingrid. Il n’avait aucune raison de les attaquer ! C’est indigne d’un chevalier !
– D’après mon père, ça devrait aller justement parce qu’on est amis avec Duscur. Et il va aussi régler les problèmes avec Kleiman d’après lui. Ma tante Thècle travaille beaucoup dessus en ce moment pour faire en sorte qu’il ne fasse plus de mal à personne.
– Oui mais, son enquête a commencé il n’y a pas longtemps non ? Lui demanda le rouquin, l’air de plus en plus inquiet. C’est comme pour ce voyage, tu sais depuis combien de temps ils travaillent dessus ?
– Il y travaille depuis des mois avec le conseil de chef et la famille Zaindari, mais la chancellerie et les diplomates n’étaient pas au courant. Il a tout fait lui-même pour réduire les délais et qu’on trouve plus vite un terrain d’entente. Pour ce qui est du convoi, je crois que les préparatifs ont vraiment débuté que quand il l’a annoncé au conseil, même s’il avait aussi commencé à travailler dessus de son côté.
– Et bien… honnêtement, je sais qu’on s’entend avec Duscur mais bon, ça me semble vraiment rapide… il a fallu des mois de préparation avant que les rois srengs et Lambert se rencontrent, et c’était chez nous… ma mère m’a aussi raconté qu’il avait mis trois ans avant que mes grands-parents et le roi Ludovic tombent d’accord sur le contrat de mariage entre mes parents, raconta Sylvain. Ça m’a l’air assez précipité comme histoire…
– Mon père m’a dit le soir où est arrivé qu’ils allaient tous avoir beaucoup de travail dans les prochaines semaines, et qu’ils auraient des délais très courts et difficile à tenir… ma main au feu que c’était pour ce voyage à Duscur vu que c’est dans deux lunes… grogna Félix, le nez froncé, sentant l’énergie de la marque irradier dans son dos pour le rassurer. Rassure-moi, Lambert ne fait pas une autre connerie…
– Ta langue Félix ! Le rappela à l’ordre la blonde avec sévérité.
– T’appelle le sale coup avec Arundel comment ? Rétorqua-t-il, se souvenant de la morsure des brûlures dévorant sa peau et son cœur. Après les deux lunes que j’ai mis pour guérir, il ne l’avait toujours pas chassé loin de Dimitri ! Je ne veux pas qu’il risque encore la sécurité de Dimitri, de Glenn ou des autres ! Mon père et mon oncle aussi étaient mal ! Et plus personne n’a confiance en lui en Fraldarius à cause de ça ! Estelle est loin d’être la seule à dire qu’on serait mieux sans roi ! Faut qu’il fasse gaffe ! Rodrigue et Alix s’épuisent avec tout ça ! Nicola aussi !
– Moi aussi, j’ai de sérieux doutes, admit à son tour Sylvain. Je connais mieux les manières de négocier et de discuter avec les srengs, et leurs réactions sont forcément différentes de celle des duscuriens vu que leurs cultures sont différentes mais, ça me semble beaucoup trop rapide pour des négociations aussi importantes. Si je me fie à ce que tu dis, les préparatifs du convoi ont commencé il y a à peine deux semaines pour partir à la fin du mois prochain, c’est vraiment court, surtout si personne n’était au courant. Je comprends pourquoi ma mère était comme ça d’un coup… c’est la première fois que je la voie exprimer aussi sincèrement ce qu’elle pense, sans prendre deux tonnes de précautions pour que cela ne retombe pas sur Sreng… pour un sreng, voir quelqu’un qui ne parle à personne de ce qu’il va faire pour quelque chose d’aussi important et qui concerne tout le territoire, avant de les mettre au pied du mur où ils ne peuvent plus objecter sans créer d’autres problèmes, ce n’est pas très responsable, et encore moins respectable alors, elle ne le respecte pas en retour. Le faire, ce serait comme si elle s’insultait elle-même en se mettant à son niveau.
– Hum… elle n’a pas tort dans un sens, je n’aimerais pas non plus qu’on me dise du jour au lendemain quelque chose d’aussi important, surtout que tout le conseil doit aussi travailler dessus… admit Ingrid. Mon père aussi est épuisés… Frédérique a également beaucoup de travail alors que c’est encore qu’un scribe de la chancellerie… je comprends mieux… et je comprends mieux qu’il n’ait rien dit avant, il ne savait pas… tu es sûr que ça ira Dimitri ? Car honnêtement, ça me semble bizarre tout ça… je veux dire… quand on part pour Fhirdiad, on doit se préparer, et les préparatifs de la campagne de Sreng ont été beaucoup plus long alors, ça m’étonne que ce soit aussi court pour se rendre en visite diplomatique, surtout qu’un convoi royal mobilise beaucoup de monde…
– Hum… mon père assure que tout ira bien et que tout était normal quand je lui ai demandé alors, je pense… Cornélia ne donne pas vraiment son avis dessus et Patricia aussi… Cornélia dit que c’est parce qu’elles sont de l’Empire alors, elles ne peuvent pas trop donner leur avis sur les affaires faerghiennes. Je crois aussi qu’elle veut éviter d’énerver mon père car, il l’a beaucoup aidé et qu’elle lui en ait reconnaissante… j’ai aussi demandé à Rufus et il m’a dit de ne pas m’en faire, et que je devais faire confiance à mon père car, il faisait toujours tout pour que tout le monde soit satisfait…
– Ouais mais là, il fatigue tout le monde surtout, grogna Félix, le souvenir de ce jour au fond de la tête, accompagné par le visage fatigué de son père et de son oncle. J’espère pour lui qu’il ne recommence pas comme avec Volkhard sinon, je vais m’énerver s’il fait encore mal à papa et Alix ! Comme Glenn !
À la fin de leur entrainement, quand ils se séparèrent pour retourner dans leurs appartements respectifs, Félix le trouva vide, comme presque tous les jours depuis deux semaines. Glenn aidait les jumeaux et Nicola aujourd’hui, ils rentreraient tous tard. Il n’y avait que les chats qui déambulaient à gauche à droite, entrant et sortant par la petite trappe dans la porte. Aux vues du soleil, il ne rentrerait pas avant la nuit, et surement sans rien avaler ou pas grand-chose… il n'y aurait plus personne en cuisine quand ils finiraient… et en général, ils sautaient simplement leur repas, ce n’était pas des gros mangeurs dans la famille… ils lui avaient même dit de ne pas les attendre pour souper, même s’ils faisaient tout pour manger le matin avec lui, pour avoir au moins quelques instants en famille…
« Ils ne m’en ont pas parlé alors, ils ne doivent pas vouloir que je m’en mêle… mais au moins… »
Il ressortit tout de suite de leurs appartements, une idée en tête.
Le soir, alors qu’ils rentraient bien après la sonnerie des vêpres, Rodrigue, Alix, Glenn et Nicola trouvèrent leur repas sur la grande table, tous les plats fermés avec couvercle pour éviter qu’un des chats ne mettent son nez dedans, avec une théière pleine à l’odeur, gardée au chaud dans une grosse écharpe. Félix était allongé sur le banc encore assez large pour qu’il y tienne sans difficulté, ayant aussi hérité de la petite taille de Félicia, endormi dans ses vêtements du soir. La seule assiette sale était près de lui, Lunaire lapant encore la surface, même si elle fila quand ils rentrèrent, prises sur le fait.
Malgré la fatigue, l’inquiétude et la tension dû au travail, ils arrivèrent tous à sourire, touché par l’intention. Rodrigue s’approcha de son cadet, lui embrassant la tempe pour le réveiller doucement. Félix frissonna un peu, puis ouvrit ses grands yeux d’ambre, avant d’assurer en les voyant, ce qui fit sourire son père.
« Je viens juste de m’endormir, je jure…
– Ne t’en fais pas, on comprend, lui assura Alix avec la même expression que son jumeau. On devrait tous être au lit depuis longtemps… tu es allé chercher tout ça ?
– Hum… oui, vous rentrez toujours trop tard pour qu’il y ait encore quelqu’un et soit vous ne mangez pas, soit vous mangez à peine alors, je suis allé chercher votre souper…
– C’est très gentil petit frère, lui assura Glenn. Surtout que tout ça ouvre l’appétit, je meure de faim maintenant !
– Alors, oublie pas de manger… rétorqua-t-il en rassemblant ses forces pour se redresser et s’asseoir correctement.
– On va essayer. Merci beaucoup pour nous avoir amené notre souper, le remercia à son tour son père. J’espère qu’on ne t’a pas trop fait attendre.
– Non… j’ai juste eu le temps d’avoir un peu faim alors, j’ai mangé, c’est tout. J’ai même pas eu le temps de ranger mon coffre… je le ferais demain, promis… marmonna-t-il, même s’il savait tous que son coffre resterait un bazar soigneusement organisé et ignoré tant qu’il s’y retrouvait. Vous êtes tous tout le temps fatigué ces derniers temps, je voulais aider.
– C’est vrai que nous sommes débordés, admit Rodrigue, un peu gêné. Pardonne-nous de t’inquiéter… on préférerait ne pas t’impliquer là-dedans…
– Raison de plus pour que je m’occupe de monter le souper. Vous avez assez de travail comme ça.
Nicola arriva à rire un peu, touché et nostalgique.
– Cela me rappelle d’autres petits loups qui voulaient toujours aider leur mère débordée… merci beaucoup louveteau.
Les adultes s’assirent autour de la table et dévorèrent leur repas après l’avoir fait réchauffer avec un sort de feu, n’en laissant aucune miette tellement la journée les avait affamés. Ils n’avaient pratiquement pas touché terre depuis ce matin… entre les réunions, les ordres à faire, les commandes, l’établissement de l’itinéraire le plus sûr, les préparatifs purement politique et diplomatiques, les arguments, les discours… le tout en essayant de convaincre un maximum de monde de faire barrage à cette folie, ils avaient à peine le temps de respirer… trouver un repas frais leur mettait du baume au cœur…
Félix luttait vaillamment contre le sommeil afin de rester un peu plus avec eux mais, c’était évident qu’il allait s’endormir dès qu’il serait dans son lit, comme eux tous. Personne ne fit attendre sa couverture, trop fatigués pour ça.
Félix se glissa sous ses draps, soufflant à son père et son frère juste à côté de lui.
« Dimitri nous a dits… il nous a dits qu’il partirait pour Duscur à la fin du mois prochain… et que ça faisait même pas deux semaines que vous étiez au courant… c’est pour ça que vous travaillez autant ?
Rodrigue eut du mal à cacher sa gêne, ne voulant pas impliquer son cadet, pas encore plus mais, c’était trop tard maintenant… il savait l’essentiel après tout…
– Oui, admit-il. C’est sur ça qu’on travaille, même si c’est tenu au secret normalement…
– Hum… c’est trop court pour tout faire, non ? D’après Sylvain, pour les négociations avec Sreng, les préparatifs étaient beaucoup plus longs… pas juste deux lunes alors que là, c’est notre faute si des gens sont morts… pourquoi vous n’avez pas plus de temps ? Vous ne pouvez pas déplacer ?
– Non, la date est trop chargée symboliquement pour qu’on la déplace alors, nous n’avons pas d’autres choix que de faire en sorte que tout soit prêt pour le départ…
– Et Dimitri doit forcément y aller ? C’est dangereux… et tu vas aussi y aller Glenn ?
– Oui, encore à cause d’un symbole pour dire que l’amitié entre Duscur et Faerghus revit ou quelque chose comme ça. Et oui, je vais aussi y aller, confirma Glenn avant de lui expliquer. Un d’entre nous doit être présent et je fais partie de la garde rapprochée de Dimitri après tout. Nicola aussi vient.
– Tu ne peux pas rester ici ou à la maison ? Nicola aussi ? Ça a vraiment l’air de sentir mauvais… d’après Dimitri, Rufus dit qu’il faut faire confiance à Lambert mais bon, il est pas malin et Lambert, j’ai pas envie de lui faire confiance… pas après Volkhard… et s’il tombait sur un autre type comme lui ?
– C’est justement pour ça que j’y vais aussi, pour protéger Dimitri des types du genre d’Arundel. En plus, ça lui ferait de la peine s’il arrivait quelque chose à son père alors, je le protégerais au passage. Nicola sera aussi là pour le rappeler à l’ordre et l’empêcher de faire de trop grosses conneries à l’heure. Avec Kimon et Myrina Charon, on devrait réussir à le garder sous contrôle, lui assura son grand frère avec autant d’aplomb que possible.
Félix hocha un peu la tête, vaincu par le sommeil alors qu’il s’endormait en marmonnant.
– D’accord… mais tu reviens… et tu t’entraineras encore avec moi…
– Bien sûr petit frère… souffla-t-il en remontant la couverture sur ses épaules, le protégeant de la fraicheur du printemps.
Glenn resta immobile un instant, regardant son frère déjà profondément endormir, un léger ronron sortant de sa poitrine.
– Il a encore un visage d’enfant… souffla-t-il à voix basse, grave. Il a les joues toutes rondes et une voix aigüe… il est aussi si petit…
– Oui, la puberté arrive souvent assez tard dans notre famille, tu n’as fait la tienne que quand tu avais pratiquement quatorze ans… peut-être pour cette année… après tout, il n’a treize ans que depuis deux mois, et normalement, il devrait les avoir ce mois-ci s’il était né à l’heure, lui rappela Rodrigue. Même si pour la taille, c’est surement parce que vous tenez de Félicia, elle était toute menue…
– Oui… je me souviens un peu que quand elle était encore là, tu pouvais la porter sans soucis à travers toute la forteresse si elle se sentait mal… dire qu’il va avoir quatorze ans à la fin de l’année… je m’entrainais pour entrer dans la garde royale à ce moment-là… s’il ne devait pas être le prochain duc, je suis sûr que lui aussi serait en train de s’entrainer pour y entrer, il progresse à une vitesse folle en magie… je m’arrête une seconde de m’entrainer et il va me battre à plat de couture tellement il travaille… sourit-il avec fierté avant d’ajouter, plus sombre. Mais, j’ai l’impression qu’il grandit trop vite… il est encore tout petit… c’est encore un louveteau…
– Vous grandissez tous à votre rythme, même si vous semblez aussi avancer toujours trop vite. Tu as toujours été pressé, et Félix aussi… même si on préférerait tous qu’il reste encore un peu un louveteau, admit leur père.
Le regard de Glenn se perdit un peu dans l’obscurité, la faible lueur de la chandelle luisant dans ses yeux bleus mais, elle ne suffisait pas pour cacher l’inquiétude qui troublait ses prunelles d’eau.
– Dire que dans quatre ans, il va aller à Garreg Mach, puis il t’aidera avec le fief puis, il sera déjà adulte chez nous et pourra devenir duc… ça semble être pour demain… encore plus en ce moment… on courre tellement que le temps semble aller plus vite…
– C’est vrai… même s’il deviendra surement duc quand il sera plus vieux, j’ai encore quelques années devant moi… on ne vit pas très vieux dans la famille mais… pas pour des raisons de santé… je prie la Déesse pour qu’il vive sa jeunesse aussi tranquillement qu’il le pourra…
– J’espère… souffla-t-il en passant sa main dans les cheveux nattés de son frère. Même si… hein…
Il se tut, les yeux à nouveau dans le vague. Rodrigue pouvait presque l’entendre réfléchir à toute vitesse d’ici.
– Qu’est-ce qu’il y a Glenn ? Quelque chose te tracasse, je le voie bien, lui demanda-t-il, attentif et inquiet. Qu’est-ce qui t’arrive ?
– C’est juste… hum… son ainé se renfrogna un peu. Ça ne va pas te plaire…
– Te voir dans cet état me plait encore moins. Tu peux tout me dire, toujours. Même si cela me déplait, je t’écouterais et j’essayerais de t’aider autant que possible, que ce soit pour te conseiller de persévérer ou pour t’en dissuader.
Son fils ainé hésita encore une seconde avant de lâcher, regardant un peu de côté avant de le fixer dans les yeux.
– Je me disais que lui aussi, il devra servir Lambert et subir ses caprices. Ce chien idiot a une santé de fer, et les idiots ne tombent jamais malades, c’est à ça qu’on les reconnait avec le fait qu’il ne change jamais d’avis… et si la santé tient, les Blaiddyd vivent vieux à notre différence… Félix va devoir le subir lui aussi… sa main se resserra en poing sur son genou. Je ne veux pas qu’il mette mon petit frère en danger ou dans une situation pareille… Félix sera aussi au service de Dimitri mais, si on est sous ses ordres à lui, on est forcément sous ceux du roi dont les ordres prime sur ceux du prince… dans tous les cas, si on sert Dimitri, on sert aussi Lambert… … … Félix mérite mieux que de servir un chien idiot pareil, finit-il par lâcher après avoir pesé ses mots, regardant à nouveau son petit frère, en train de dormir tranquillement. Il est emporté, borné et s’inquiète facilement pour ceux qu’il aime mais, il est perspicace, déterminé, travailleur, dévoué à la tâche et à ses amis, tenace même face à la mort, et il n’hésite pas à appeler un chien un chien. Je ne veux pas que ses nerfs craquent car, il est obligé de servir un roi comme Lambert… cet idiot vous fait déjà assez de mal à vous deux en ne vous écoutant jamais, et il a fait assez de mal à Félix en défendant Arundel… les loups ne devraient pas servir un chien errant qui sait juste donner la patte à tout le monde… il ne vous mérite ni vous deux, ni lui… vous êtes trop compétents pour lui…
– Je n’ai pas l’intention de le laisser faire ce qu’il veut de Félix. Jamais.
Glenn releva les yeux vers son père. Il avait répondu sans attendre, sans une once d’hésitation. Son regard était comme sa voix, rempli de détermination, le calme dissimulant soigneusement les crocs prêts à être utilisés, prêts à mordre la moindre menace envers leur famille, l’attitude droite et inflexible tourné vers quelqu’un qui n’était pas là, protectrice avec eux. La dernière fois que Glenn avait vu son père comme ça, c’était quand ce maudit Arundel avait tenté de tuer Félix, toute personne essayant de les « calmer » avait été accueilli de cette manière, mélangeant cette froideur calme et l’attitude inflexible d’un loup défendant sa meute et sa tanière. Il ne se souvenait pas de sa grand-mère Aliénor et n’avait jamais connu Guillaume mais, d’après Nicola, Rodrigue ressemblait beaucoup à ses parents, surtout dans des moments comme celui-là.
« Les gens trouvent que c’est surtout Alix le loup de la famille et que Rodrigue est plus apprivoisé… s’ils savaient à quel point il se trompe, ils le sont tous les deux… papa est juste plus discret quand il commence à s’énerver… et il est comme Félix, quand il mord, il ne lâche pas… »
– Même si nous sommes toujours tous sous les ordres du roi, Félix ne rentrera pas dans la garde royale étant donné qu’il est mon héritier, continua-t-il, aucun de ses mots ne semblant hésitant. Il pourra rester plus facilement à Egua sans que nous ayons à nous justifier ou en appeler au Kyphonis Corpus. En tant que futur duc, il restera à mes côtés pour m’aider à m’occuper du fief tout en continuant sa formation. De plus, même s’il sera surement appelé par Dimitri en cas de besoin ou pour des occasions comme celle-ci, il sera surement plus âgé et il aura la force nécessaire pour refuser l’inacceptable avec notre soutien à tous, surtout que ce n’est pas dans les habitudes de Dimitri de faire quelque chose d’aussi important dans le dos des autres… » Il tourna ses yeux vers lui, les plantant dans les siens. « Et dans tous les cas, il sera bien plus difficile pour Lambert de forcer Félix à le suivre dans ses folies. Je ne le laisserais jamais faire, et lui apprendre une leçon en le laissant se débrouiller seul a déjà réussi une fois, il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas à nouveau. La situation ne serait pas aussi grave, Alix et moi l’aurions déjà fait avec les Charon mais, cela reviendrait à abandonner le Royaume et à le trahir. Néanmoins, je ne compte pas le laisser faire ce qu’il veut de notre famille. Pas avant que Lambert ne se reprenne pas et arrête d’agir ainsi au mépris des conséquences…
Cette dernière phrase fut la seule tremblante, toutes les autres étant claires et sûres, déterminées. Et encore, Glenn sentait bien que son hésitation venait surtout du fait qu’il était triste d’en arriver là. Après tout, malgré ce qui était arrivé avec Arundel, Lambert restait leur ami de toujours et les jumeaux étaient très attachés à lui, même si le fait qu’il n’ait pas agi contre ce brûleur d’enfant les ait légitimement éloignés les uns des autres. Glenn sentait que c’était dur pour eux de savoir comment agir avec Lambert, et Alix avait perdu presque toute patience avec lui.
« Quand il lui disait qu’il ne voulait pas gérer une autre affaire « de l’asdrestien brûleur d’enfant », il ne plaisantait pas mais, ce chien idiot ne l’a évidemment pas compris… »
Pour son père, c’était plus difficile à cerner. Il était toujours très patient avec lui mais, c’était dans la nature de Rodrigue de l’être. À part avec Arundel et dans le bordel actuel, Glenn ne l’avait pratiquement jamais vu perdre son calme. Cependant, il ne laissait plus Félix ou Sylvain seuls avec des soldats de Lambert ou chargé de la surveillance de Dimitri, il y avait toujours un de leur fidèle pour veiller sur eux. Les gardes de Fhirdiad l’avaient pris assez mal pour les plus hauts-gradés ou ceux issus de la noblesse mais, les roturiers et les petites mains comprenaient parfaitement le mouvement après ce qui s’était passé, Jacques le premier. Pour les nobles, leur famille devait être constitués de gentils toutous, tout juste bon à remuer la queue devant le roi sans réfléchir, obéissant à ses moindres désirs en attendant une caresse ou une petite récompense… ils oubliaient que l’animal sur leur blason était un loup bien avant la naissance de Guillaume, depuis Kyphon qui était très protecteur avec sa fille unique Clothilde, et que leur famille restait quand même la deuxième plus puissante du Royaume, avec un fief grand et sain, de plus en plus proches de la famille royale… il y aurait même eu des rumeurs selon laquelle le roi Ludovic espérait que ce soit l’un des jumeaux qui soient élus pour lui succéder… la famille du loup n’avait de compte à rendre qu’à son fief et à ses ancêtres au final. Ils pouvaient être dévoués mais, c’était un dévouement qui se gagnaient à la sueur du front royal. Ludovic l’avait eu de Guillaume et Aliénor, et Lambert l’avaient eu des jumeaux pendant un temps mais, il fallait qu’il reste à la hauteur pour le mériter.
– Tant mieux, finit-il par déclarer. Il sera en sécurité comme ça, et il est déjà un louveteau qui réfléchit bien, quand il ne fonce pas pour aider ses amis ou quand on le provoque. On n’est pas des chiens dans la famille, mais la meute s’entraide toujours.
– C’est le portrait de Félicia jusqu’au bout, arriva à sourire Rodrigue, passant ses doigts sur son alliance en les regardant tous les deux avec tendresse. Elle pouvait foncer sans réfléchir à sa propre sécurité ou à son cœur pour aider les autres, tant qu’elle était la seule à se mettre en danger. Je suis sûre que Félix et elle se seraient très bien entendu s’ils avaient pu se rencontrer…
– De ce dont je me souviens, ça ressemble bien à maman… lui rendit Glenn.
« Mmmmmhhhhnnn… Félix remua dans son sommeil, s’étalant comme un chaton dans son lit en ronronnant. Glenn… vient jouer… papa… Alix… aussi… »
Ses ainés rirent à ses mots, fondant encore et encore pour leur cadet. Glenn se redressa et l’embrassa en soufflant, passant sa main sur sa tête.
– Promis, on jouera tous ensemble dès que cet enfer sera fini…
Rodrigue le reborda, remontant la couverture jusqu’à ses épaules pour le protéger de la fraicheur du début du printemps, tout en priant pour lui.
– Que la Déesse et Félicia veillent sur toi jusque dans tes rêves, et puisses-tu encore rester un louveteau au sommeil tranquille pendant quelques années de plus.
Il posa à son tour un baiser sur son front, espérant encore et encore que bientôt, plus rien ne perturberait leur sommeil à tous et n’inquiète son louveteau.
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Chapitre 30
Même si les jours s’allongeaient à cette période de l’année, les journées semblaient désespérément courtes pour les Fraldarius mais, d’un autre côté, elles devenaient de plus en plus éreintantes alors que la date fatidique se rapprochait. Encore trois semaines avaient cavalé à toute vitesse… eux aussi… tout le monde… ils avaient tous tellement de travail qu’ils en dormaient à peine la nuit…
Rodrigue et Alix faisaient ce qu’ils pouvaient pour tout organiser, même si leur répugnance à le faire, à juste l’idée que cette rencontre ait lieu, d’envoyer Glenn, Nicola et leurs fidèles ayant accepté de se sacrifier à la cause dans une rencontre aussi dangereuse les ralentissait, rendait leur travail plus bâclé encore que la course perpétuelle qu’ils courraient depuis plus d’un mois. Ils cavalaient de partout pour essayer de tout faire correctement, afin que le convoi soit le plus sûr et le mieux préparer possible, le tout en essayant de convaincre un maximum de monde de faire barrage. Cependant, plus ils se rapprochaient de la fin du mois, plus il serait difficile et risqué de refuser d’aller en Duscur. Ils en étaient au stade d’au moins empêcher que Dimitri parte mais, Lambert refusait d’écouter en disant que sa présence était nécessaire pour le rituel, alors qu’il serait si simple de le prétendre malade… ils soupçonnaient même certains Charon d’hésiter à glisser un peu de poison dans la nourriture de leur neveu, afin qu’il ne puisse pas se rendre en Duscur mais, c’était bien trop dangereux. La nourriture de la famille royale était goûtée avant qu’ils ne la mangent et même s’ils arrivaient à le faire, ils risquaient leur tête s’ils se faisaient prendre, et la faute de dosage n’était jamais loin. C’était bien trop dangereux pour eux, même si ça aurait pu fonctionner.
Nicola les aidait autant qu’il pouvait mais, il fatiguait également, surtout à son âge, et Glenn était soit avec eux pour les assister, soit au terrain d’entrainement pour s’exercer et entrainer les personnes de leur fief qui avaient accepté d’être dans le convoi ou avaient été désignés. Tout était tellement fait en catastrophe et au dernier moment que personne ne voulait y aller, il avait fallu tirer les malheureux au sort… leur fief devait envoyer beaucoup de soldats et d’aide dans ce convoi en vertu de la réciprocité du Kyphonis Corpus, même s’il n’était pas le seul dans ce cas. Dans certaines petites baronnies ou comtés pauvres, les seigneurs rechignaient tellement à envoyer une partie des quelques gens qu’ils avaient à leur service, qu’ils étaient allés chercher dans leurs prisons des criminels en attente de la corde ou des travaux forcés pour les envoyer là-bas. Même les mercenaires ne voulaient pas y aller, bien que le salaire soit intéressant, mais les Fraldarius comprenaient. Même pour tout l’or du monde, ils ne seraient pas allés en Duscur s’ils avaient eu le choix…
Rodrigue faisait ce qu’il pouvait pour tenir entre deux entretiens avec des fournisseurs, des envoyés des différents fiefs, vérifier le travail des autres, le sien, celui de Lambert… il était exténué… dormait très mal quand il pouvait… ni lui ni aucun d’entre eux ne savaient comme ils faisaient pour tenir… l’inquiétude et la prière que tout se passe aussi bien que possible surement… mais il fallait bien continuer et tout faire pour que tout se passe bien.
En plus, Félix était maintenant impliqué dans cette maudite histoire… pas en tant que personne qui décidait – la Déesse le préserve d’une telle responsabilité ! – mais, il s’occupait beaucoup d’eux, allant consciencieusement chercher leur repas, voir leur apportant dans leur étude quand ils travaillaient trop tard et que les domestiques étaient rentrés chez eux, mettaient les habits de nuit sur leur oreiller pour qu’ils n’oublient pas de se changer en se couchant, courraient de salle en salle pour leur apporter un peu de thé ou du pain pour leur redonner de l’énergie, voir poser la couverture qu’ils laissaient dans leur étude sur leur épaule quand ils s’endormaient dans leurs parchemins… son cadet dormait même plus en journée que pendant la nuit, la passant souvent à courir de partout pour leur apporter ce dont ils pourraient avoir besoin… Rodrigue avait eu beau lui dire qu’il n’avait pas à travailler ainsi, qu’il devrait retourner jouer ou s’entrainer avec ses amis, son louveteau n’en faisait qu’à sa tête… les Galatéa, Fregn et les Charon avaient les mêmes problèmes avec leurs plus jeunes qui s’impliquaient bien trop dans cette histoire, courant de partout pour aider leurs parents. Le seul qui écoutait son père qui lui disait qu’il n’avait pas à travailler là-dessus, c’était Dimitri mais bon, comme le dirait Alix : « Lambert est le seul qui pense que c’est une bonne idée et qui est content de travailler sur cette rencontre alors, c’est le seul à dormir sur ses deux oreilles. ».
Fregn faisait tout ce qu’elle pouvait pour les aider mais, elle était dans la même position que Cornélia en pire, c’était trop risqué qu’elle prenne part aux préparatifs. Elle pouvait perdre patience et prévenir ses sœurs si les choses tournaient encore plus mal, ce qui était déjà le cas en ce moment, même si elle gardait du mieux qu’elle pouvait son calme après sa mise en garde lors du premier conseil sur Duscur. Cornélia les aidait aussi dans la mesure du possible mais, elle ne pouvait guère donner son avis ni trop s’impliqué à cause de ses origines adrestiennes.
En fait, les pires à gérer en plus de tout le reste, c’était Lambert et Rufus. Le premier à cause de son optimisme démesuré qui le faisait croire que tout se passerait bien, même si tous les roturiers qui feraient partie du convoi et les seigneurs de l’Est étaient vent debout contre ce voyage, et le second pour soutenir mordicus son frère alors que si lui intervenait, son cadet se remettrait surement en question et arrêtait de s’obstiner… en attendant, il fallait tout faire pour que ce convoi soit le plus sûr possible…
Rodrigue ressortit d’entrevue avec les fournisseurs de vivres du convoi en compagnie d’Alix. Il se massa l’arête du nez, ses yeux le piquant de fatigue. La déesse soit louée, elle avait duré moins longtemps que prévu… peut-être que les marchands les avaient pris en pitié à cause de leur tête à faire peur. S’ils avaient dormi à eux tous plus de deux heures cette nuit et celles d’avant, cela tiendrait du miracle… ils marchaient tous les deux à peine droit…
« On a dix minutes de battement… Lambert aussi doit avoir fini sa propre entrevue avec les diplomates… je vais aller le voir…
– S’ils ne l’ont pas encore tué à coup de plumes d’oie… ils l’ont accueilli avec des chiffons imbibés d’encre quand ils ont su pour ses tractations avec Duscur, tellement sa « correspondance diplomatique » était un travail de tâcheron… lui rappela Alix avant d’ajouter. Tu veux tenter de lui parler ?
– Oui, je crois encore aux miracles… il nous a déjà écouté dans le passé, peut-être qu’il recommencera… j’espère surtout le convaincre de laisser Dimitri ici. Lambert, je me doute qu’il sera du voyage vu que c’est lui qui a tout orchestré mais, j’espère lui faire entendre raison sur Dimitri… c’est beaucoup trop dangereux que le roi et son unique héritier se rendent en territoire étranger, surtout dans une période pareille…
– Espérons-le…
– Vos Grâces ! Estelle les appela, accompagnée de Bernard, Jacques devant s’entrainer avec les autres soldats désignés pour accompagner le convoi, même si lui était volontaire. On a une délégation d’un comte de l’Est qui vient pour dire qu’ils seront trois à aller en Duscur au lieu de trente. Apparemment, leur seigneur « n’aurait pas assez d’homme à sacrifier dans cette balade stupide en Duscur ».
– Ce qu’on l’envie de pouvoir se permettre dire ça… on pourrait envoyer personne, on le ferait… grogna le cadet des jumeaux avant d’ajouter. Bon, je m’en charge, Lambert t’écoute souvent plus que moi et je suis plutôt doué pour ce genre de situation.
– D’accord, fait attention à ne pas trop les mordre, lui souhaita Rodrigue, alors que Bernard guidait Alix vers la délégation.
Lui-même prit le chemin inverse mais, son pas tremblant fit qu’Estelle le rattrapa un peu avant de demander, inquiète.
– Vous vous sentez bien ?
– Oui, ne vous en faites pas Estelle… je suis juste un peu fatigué…
– Juste un peu ? Vraiment ? On est tous sur le pont, même le louveteau mais, vous quatre avec le seigneur Alix, le Jeune Loup et le sieur Terrail, c’est nuit et jour. Vous devriez vous reposer un peu.
– Nous ne sommes pas les seuls à travailler autant, nous pouvons tenir. Vous faites également beaucoup d’effort, alors que vous êtes aussi contre ce voyage. Vous-même, vous ne faites rien pour alléger votre peine, alors que vous êtes la première à critiquer Lambert et son idée de se rendre en Duscur.
– Nous, on dort la nuit à votre différence, rétorqua-t-elle. Et c’est vrai, je déteste ce mec à ce stade. Il fait que mettre son propre peuple en danger pour faire ce qu’il veut. Je sais que c’est lui qui a fait les grands travaux d’assainissement, qu’il essaye de prendre parti pour les communes et les parlements bourgeois contre les seigneurs mais, il essaye toujours d’arranger tout le monde pour ces derniers, et je vais pas me faire aveugler par une mesure pour dire « ouais, le roi a toujours raison ». Depuis l’affaire du brûleur d’enfant, il enchaine les pires idées les unes après les autres, et la Déesse seule sait à quoi ressemblerait le Royaume si vous n’étiez pas là pour le contenir. Il pourrait crever, si ce n’est pas Rufus qui le remplace, très honnêtement, ça ne pourrait pas être pire à mon avis. Je lui obéis car vous le faites mais, le jour où vous arrêtez, j’hurle « à bas le roi » la première. Je vous respecte bien plus que lui, et je vous considère comme mes seuls seigneurs. C’est pour cela que je m’inquiète pour vous et votre santé, je n’ai pas envie qu’ils vous arrivent quoi que ce soit.
– Estelle… souffla Rodrigue, ne sachant pas trop quoi répondre à ses mots.
Qu’elle détestât Lambert n’était plus un secret pour personne dans leurs rangs à ce stade, tout comme le fait qu’elle pensait que leur duché serait bien mieux sans le roi mais, l’admettre aussi ouvertement était autre chose. Cela se savait, elle pourrait se faire attaquer et poursuivre pour rébellion et haute-trahison, et les jumeaux ne pourraient pas faire grand-chose pour la défendre, de peur que cela retombe sur eux et leur fief, ce dont elle était aussi parfaitement consciente. Qu’elle ose le dire avec autant de force et d’assurance devant lui était une marque de confiance. Vu la situation et le fait qu’ils n’arrivaient pas à faire changer d’avis Lambert, il n’était bien sûr de la mériter mais, même si ce n’était pas le cas, il continuerait à travailler de toute ses forces pour faire en sorte d’en être digne.
– Merci beaucoup pour votre sollicitude capitaine Duchesne. Je vais de nouveau tenter de faire entendre raison à Sa Majesté, afin qu’elle laisse Son Altesse à la capitale au lieu de l’emmener dans ce voyage périlleux. Prions pour qu’il accepte au moins de faire cette concession à l’opposition.
– Que la Déesse soit avec vous Votre Grâce, lui souhaita-t-elle en le laissant partir.
Rodrigue lui fit un signe de tête avant de se détourner, allant vers l’étude consacré aux relations étrangères d’où sortait Lambert. Encore heureux, il n’aurait pas à lui courir après dans le palais… et visiblement, l’entrevue s’était aussi bien déroulé que les autres, il en ressortait avec une joue maculée d’encre et quelques tâches sur ses habits, qu’il tentait d’essuyer avec son mouchoir, sans encore plus étalé le liquide noir coupé avec de la sève pour le rendre plus collant. Les diplomates avaient dû recommencer à lui envoyer des chiffons imbibés de leur outil de travail principal en le traitant de tâcheron… bref, comme quasiment à chaque fois que Lambert venait travailler avec eux, quand ils n’avaient pas passé une autre nuit blanche à tenter de rattraper toutes les erreurs que le roi avait faite dans sa correspondance… même alité pour cause de surmenage, Kimon continuait à travailler pour réparer les dégâts… Déesse… les Charon les lâchaient, toute l’administration du nord et de l’est lâchait Lambert au passage tellement tous étaient exténués… mais personne ne voulait laisser tomber les pauvres désignés forcés d’aller en Duscur… lâchez le voyage serait une haute-trahison envers le roi et le devoir des seigneurs de protéger les plus faibles et ceux dépendants d’eux… ils étaient tous comme des mouches piégés dans une toile d’araignée, soigneusement construite par Lambert à ce stade…
« Ah ! Rodrigue ! Le salua ce dernier en tentant de sourire, malgré le fait qu’il bataillait encore à enlever l’encre. Il y a un problème ? C’est rare que tu ne sois pas avec Alix depuis le mois dernier…
– En ce moment, tous les jours. Et justement, je voudrais te parler de ce voyage et de… de son Altesse », se corrigea-t-il. Même si la discussion était informelle, cela restait au sujet d’un voyage officiel, il devait rester proche de l’étiquette même s’ils se tutoyaient…
Lambert fit un peu la moue, l’air profondément ennuyé qu’il revienne à la charge pour encore tenter de le raisonner mais, Rodrigue refusait de laisser tomber. Pas si cela pouvait protéger plus de personne de cette folie et mettre Dimitri et toute sa suite avec lui en sécurité. Glenn, Nicola et la plupart de ses hommes seraient aussi en sécurité si le prince n’était pas du convoi… qu’aucun d’entre eux ne soit en danger… que ce jour ne se répète pas… qu’aucun d’entre eux ne rentre à la maison avant l’heure… qu’aucun d’eux ne rentre en dormant dans une « boite »…
– Rien de ce que tu pourras dire ne me fera changer d’avis, lui rappela-t-il dans un soupir, alors qu’il allait dans une petite cour à part pour discuter tranquillement. Tu le sais pourtant.
– Rien ne m’empêche d’essayer et de prier pour que mes mots te fassent entendre raison. La situation est trop grave pour que je n’essaye pas.
– Vraiment, tu te fais toujours beaucoup de trop de souci mon ami… rétorqua-t-il, essayant d’être apaisant même si son impatience se sentait toujours dans sa voix. Nous nous sommes toujours bien entendus avec Duscur, non ?
Rodrigue pouvait presque l’entendre penser « Ce n’est pas comme avec Albinéa. Cela ne se passera pas comme ce jour-là. » Évidemment, ce n’était pas historiquement comme avec Albinéa mais, les tensions d’aujourd’hui étaient toujours très fortes, autant que plus de trente ans auparavant. Il avait besoin de plus que des paroles creuses, dont il savait pertinemment qu’elles n’étaient suivies de rien de solide… beaucoup plus… surtout quand son propre fils était parmi les condamnés à y aller… Il fallait toujours bien se préparer dans les réunions diplomatiques, encore plus pendant les rencontres entre deux souverains, tout préparer au grain près, penser à tout et anticiper la moindre action possible des opposants, mêmes les plus inoffensifs et les plus fous… il fallait vraiment penser à tout, comme Ludovic, Guillaume et Aliénor l’avaient fait trente ans auparavant. Ils avaient pensé à tout… mais ça n’avait pas empêché Guillaume de revenir chez eux dans une boite… une zone d’ombre existait toujours… et à cause d’elle, son père était…
Le duc essaya de s’extirper de ses souvenirs, repoussant encore et encore le souvenir trop précis de la cour et le visage de Ludovic qui leur annonçait le pire, rester parfaitement net malgré les années alors que la voix de Guillaume avait été emporté comme du sable par les vagues du temps… évidemment que ce n’était pas les souvenirs heureux qui étaient impérissable… évidemment que c’était les pires, même quand on essayait de les enfermer dans une « boite »… et le voilà qui dérivait à nouveau… essayant de reprendre autant que possible son calme malgré tout, autant malgré sa fatigue que sa peur, Rodrigue ne cacha pas son scepticisme, Lambert continuant avec l’évidence et les chaines auxquels il les avait tous attachés.
– Tu es le mieux placé pour comprendre l’importance de ces négociations.
– Bien évidemment, mais… », admit-il malgré tout en tentant de contrôler au mieux sa voix, de garder son calme, de rester aussi maitre de ses émotions qu’Aliénor ou Ludovic. Déesse… si oncle Lud… si Sa Majesté Ludovic voyait dans quelle situation les avait mis son fils… il ne saurait imaginer sa réaction, mais il savait que Lambert aurait eu des chances de ne pas s’en ressortir en entier. « … que le roi en personne se déplace… comprend bien que c’est dangereux, lui rappela-t-il avant d’enchainer sur ce qui le comptait le plus aujourd’hui. De plus, Son Altesse est encore jeune. Si le pire devait arriver…
« …Il risque d’être blessé ou pire. Il risque de te perdre aussi. Dimitri est bien trop jeune pour être exposé à de tel danger, pour régner, et encore plus pour perdre son père et le voir lui aussi dans une boite… il a déjà perdu Héléna, il n’a jamais pu connaitre la femme et la reine brillante qu’était sa mère, ne le prive pas de son père et ne le force pas à subir une régence… … … Héléna ne voudrait pas que tu fasses cela… elle aurait été contre ce voyage en Duscur… elle aurait travaillé avec l’ensemble des diplomates nuit et jour s’il le fallait mais, elle aurait fait autrement, et tu le sais… elle aurait tout fait pour prendre le moins de risque possible… et surtout, si elle savait que tu emmenais votre fils unique que vous avez eu tant de mal à concevoir et qu’elle aimait tant droit dans le danger, elle se serait opposé à toi de toute ses forces… quitte à se battre à mains nues pour protéger son lionceau… »
Cependant, Lambert ne le laissa pas continuer, le coupant avant qu’il puisse dire tout cela, tout ce qu’il avait à lui dire avant que ce ne soit trop tard. Il déclara alors avec une assurance indécente, comme une évidence qu’il devrait connaitre alors que tous deux savaient que ce n’étaient jamais aussi simple.
– Même si le pire devait arriver, tout ira bien. C’est un garçon intelligent Rodrigue. Même s’il devait perdre son père, je sais qu’il deviendrait un homme bon et respectable.
Rodrigue ne sut pas vraiment ce qui lui arrivait, tout défilant dans son esprit d’un coup, les mots de son ami se répétant encore et encore dans sa tête en l’espace d’une poignée de seconde. Lambert aurait pu le poignarder à mort, le tuer encore et encore avec un percemaille semblable à un harpon, finir ce que ce sreng avait commencé et échoué à faire grâce à sa propre intervention miraculeuse, et brûlé ce qui restait de lui, que Rodrigue se serait senti mieux. Tout se mélangeait, la fatigue amalgamant autant ses réactions et les souvenirs de ce jour maudit…
« Même si le pire devait arriver, tout ira bien. C’est un garçon intelligent Rodrigue. Même s’il devait perdre son père, je sais qu’il deviendrait un homme bon et respectable. » Que… comment… comment pouvait-il dire une chose pareille ?! Il était roi ! Il ne pouvait pas parler ainsi ! Quel homme respectable pouvait seulement formulé des mots aussi atroces ?! Quel ami dirait cela à son ami d’enfance qu’il savait orphelin de père ?! Quel père pouvait parler ainsi de l’avenir de son enfant ?! Qui pouvait penser cela à part un chien idiot ou un chien errant qui se fichait de tout ?!
Le bruit du convoi sous les remparts, la joie de penser que papa reviendrait plus vite que prévu… qu’il arrivait avec la fin des ancolies au lieu du début des capucines… inconscient qu’ils ne trouveraient qu’une boite froide et silencieuse au lieu de sa chaleur et sa voix mélodieuse…
Même si le pire devait arriver… mais Lambert les jetait tous dans le danger ! Il courrait à toute vitesse dans le pire ! Il courrait sans réfléchir dans un territoire hostile ! Sans préparation ! Sans prévenir personne ! Sans demander à personne ! En se faisant presque haïr de tous ceux qui réfléchissaient un peu ! Il se jetait dans le danger et il emmenait tout le monde avec lui marcher sur des pieds-de-corbeaux chauffés au rouge ! Il emmenait toute une suite ! Il emmenait toute une escorte ! Il emmenait son propre fils unique ! Il emmenait son ainé à lui ! Lambert emmenait Glenn ! Il emmenait Nicola qui protégeait Glenn ! Il emmenait le fils ainé et le compère de l’orphelin dans cette folie ! Il n’y allait pas tout seul ! Et il agissait avec autant d’inconscience ?!
Cavaler dans les couloirs, descendre plus prudemment les escaliers trop hauts pour leurs petites jambes, se mettre d’accord sur leur plan pour mettre des fleurs dans sa longue natte toute douce, changer les fleurs qui la décorerait vraiment cette fois… inconscient qu’ils ne reverraient jamais les longues mèches noirs identiques aux leurs, enfermé pour toujours dans la boite…
C’était un garçon intelligent… mais… mais… d’où tout cela avait un rapport avec l’intelligence ?! D’où cela aidait quand on t’arrachait une des personnes à qui tu tenais le plus au monde ?! La personne que tu aimais de tout ton cœur et qui t’aimait avec le même amour démesuré, comme un loup avec sa portée, prêt à tout pour défendre la meute ?! La personne que tu aimais et admirait le plus avec sa compagne ?! Depuis quand l’intelligence… ce n’était même pas une question d’intelligence ! C’était une question de ne pas comprendre quand une boite arrivait à la place de son père ! Que son père soit dans une boite ! D’avoir l’impression d’être seul au monde en étant toujours deux ou trois ! Et Dimitri était tout seul ! Rufus serait détruit sans son petit frère ! Et ce n’était pas Patricia non plus qui pourrait remplacer Lambert ! Pas après qu’elle le repousse autant en lui interdisant de la voir sans Cornélia comme entremetteuse ! Pas dans ces conditions ! Jamais ! Dans aucune ! C’était juste se retrouver au milieu de chiens errants et de vautours voulant profiter de l’occasion trop belle pour s’engraisser ! Seule une louve avec des crocs et des griffes pouvaient faire face ! Pas une petite chienne incapable de comprendre avec quoi elle s’était aussi mariée en épousant Lambert, et ce à quoi elle avait consenti à renoncer en se mariant au roi du pays ennemi de son ancien époux ! Qu’est-ce que Lambert croyait ?! Que lors d’une régence, on ne voyait pas sa mère être sur le point de se faire enlever pour être marié de force afin de récupérer la tutelle de ses enfants et de leur fortune ?! Que des enfants ne voulaient pas aider à tout prix leur mère pour préserver l’héritage de leur père ? Quitte à agir comme des adultes alors qu’ils jouaient encore avec des chevaux en bois et que le chat était le cheval Mallet ? Que ce n’était pas vivre dans la peur de perdre quelqu’un d’autre ? Déesse ! Qu’est-ce que Lambert croyait ?!
La douleur de Ludovic… toutes ses difficultés à leur dire que leur papa ne sortirait pas de la boite… ne sortirait pas et ne souriait plus… ne chanterait plus… ne serait plus avec eux… que leur père ne reviendrait pas… qu’il resterait dans la boite… ne pas comprendre ses mots si vagues et abstraits, croire que leur papa dormait dans la boite et allait se réveiller… eux qui ne comprennent que quand Oncle Ludovic leur dit vraiment qu’il était mort… que Guillaume est mort comme un vrai chevalier… ils ne comprennent que la vérité et la réalité brute tellement ils voulaient que leur père soit là…
Même si Dimitri perdait son père, Lambert savait qu’il deviendrait un homme bon et respectable… mais il le serait aussi avec son père ! Sans connaitre la douleur de ne plus l’avoir à ses côtés ! Il lui arrivait quelque chose pendant le voyage, Dimitri risquait de le voir en plus ! Il risquait de voir son père être blessé ou pire ! C’était pourtant déjà une torture de le perdre sans le voir ! De n’avoir pas d’autres espoirs à part qu’il était auprès de la Déesse et veillait sur eux de loin ! Le désespoir de se dire qu’il ne veillerait plus sur eux en étant tout près, assez pour lui prendre la main et vivre avec lui ! À quel point cette réalité était difficile à accepter et à vivre !
Leurs petits poings se serrent, tapent contre la grande poitrine d’Oncle Ludovic, le traitant de menteur, qu’ils allaient le dire à papa, que papa arriverait pour le disputer, que papa sortirait de la boite pour le faire… niant qu’il ne ment jamais, toute sa peine de leur dire cela, de leur annoncer que Guillaume resterait dans la boite… le couvercle de la boite qui reste désespérément immobile et leur père silencieux pour la première fois de leur existence si longue à leurs yeux d’enfant… l’année qu’ils ont mis à comprendre tout cela… ces maudits feux follets qui les trompent en jouant sur leur vœu le plus cher de revoir leur papa encore une fois… au moins une dernière fois… s’accrocher aux mots de Ludovic pour que l’absence de papa ait un sens… que Guillaume est mort comme un vrai chevalier… pas loin pour rien… qu’ils feraient tout pour le rendre fier d’eux, autant lui que maman… que lui et Alix seraient d’aussi grands duc qu’eux…
Toute sa tête tournait si vite, s’enchainait dans son esprit en quelques fractions de secondes. Comme un moulin à aube dont les roues étaient entrainées dans un courant trop fort, brûlant la précieuse farine à l’intérieur, ne gardant que les pires parties sous les meules avec des cendres… la poussière prête à exploser à la moindre étincelle de trop…
Comment Lambert pouvait-il dire des choses aussi horribles ?
Comment pouvait-il nier le danger qu’il revienne dans une boite ?
Comment pouvait-il se moquer que son fils le voie dans une boite ?
Comment pouvait-il mettre en danger son fils à ce point ?
Comment pouvait-il lui dire cela avec autant d’assurance ?
Comment pouvait-il lui dire alors que Lambert savait que son propre père avait fini dans une boite ainsi ?
Comment pouvait-il lui dire alors qu’il avait eu ses deux parents jusqu’à l’âge adulte ? Qu’il n’avait jamais subi le deuil en étant enfant ? Qu’il n’avait jamais eu à subir une régence ?
Comment pouvait-il…
Et d’un coup, tout s’arrêta. Comme le meunier qui mettait la calle dans la dérivation pour bloquer l’eau en trop et stopper les roues, avant que les étincelles ne fassent exploser la poussière de farine. Rodrigue avait l’impression que son esprit était vidé, ses pensées trop saturées étant évacué d’un coup avec tout le reste. Il ne se souvenait même plus comment bouger… tout son corps refusait de le faire… comme enfermer dans une boite à sa taille… comme le ferait Glenn et Nicola si eux aussi ils finissaient dans une boite… comme le ferait Dimitri… comme le ferait tout le monde… Rodrigue avait l’impression de suffoquer tellement il n’avait plus de souffle ni de volonté, tout son esprit étant seulement tourné à faire fonctionner à nouveau ses poumons et son cœur malgré tout, malgré tous les coups de poignards donnés par Lambert et ses propres souvenirs qui le trahissaient. La seule chose qu’il avait encore en tête était une phrase, qu’il n’eut même pas la force de dire jusqu’au bout.
– Lambert… tu me fais peur…
Mais celui qu’il appelait pourtant encore son ami d’enfance malgré tout, malgré le temps, les difficultés, les brûlures et les Arundel… celui qu’il considérait comme son ami le plus proche après son propre frère jumeau… celui-là même qui lui avait sauvé la vie ne semblait pas remarqué son trouble, continuant comme si de rien n’était… comme si les pensées de Rodrigue ne venait pas de le lâcher, son corps avec… comme s’il n’était pas sur le point de se mettre à trembler de terreur en imaginant le moindre de ses mots et quelles nouvelles horreurs il allait lui vomir dessus…
– Toutefois… S’il devait un jour s’écarter du droit chemin et que je n’étais pas là pour le sermonner, promets-moi de t’en charger à ma place.
Rodrigue arriva à peine à traiter sa question… sermonner Dimitri à sa place… si Lambert ne le pouvait pas… si Lambert ne le pouvait plus… il savait lui-même que c’était dangereux… il ne lui demanderait pas ça sinon… il ne lui demanderait pas de prendre son rôle auprès de son fils s’il était si sûr de revenir vivant… pourquoi lui demander s’il était persuadé du contraire ? Il se sentait trembler de partout… tout se disloquait… l’orphelin crut qu’il allait s’effondrer… tomber aussi profondément qu’était la boite où dormait les os de son propre père assassiné… remplacer ses traits de peinture se substituant à ceux de chair perdus dans l’oubli et le temps par la blancheur de ses os et de son crâne, par ses côtes tailladé par la dague de ce fanatique, cassé et coupé à la place de celles du roi… Rodrigue était incapable de s’enlever cette image de la tête…
Ses frissons de terreur durent ressembler à un hochement de tête, une soumission silencieuse à sa volonté… un soulagement ignoble apparut sur le visage de Lambert, glaçant encore plus l’orphelin de l’intérieur, avant qu’il ne parte en le saluant d’un ton trop léger quand on l’appela pour régler une affaire. Surement une autre de ses conneries qu’il devait expliquer… en tout cas, il partit, le laissant seul…
Rodrigue n’avait aucune idée du temps qu’il avait passé là, presque immobile dans cette cour, l’esprit vide et le cœur poignardé… il finit par arriver à tenir ses bras tout contre lui, les serrant contre son corps avec ses mains pour tenter d’arrêter les tremblements de plus en plus forts… ce ne fut guère concluant… c’était même pire qu’avant…
Ces pieds finirent par accepter de bouger, retroussant chemin et avançant mécaniquement dans les couloirs du palais, heureusement vide… il n’arriva même pas à penser que c’était parce que tout le monde s’épuisait pour rendre la folie de Lambert moins dangereuse… avec le ballotement de ses pas incertains, une pensée arriva à émerger de l’abysse de son esprit… Alix… il devait trouver Alix… il devait absolument le trouver, il avait besoin de lui… et ne surtout pas tomber sur Félix ou Glenn… il refusait que ses louveteaux le voient dans cet état… il refusait de les inquiéter… il avait juste besoin de son jumeau… seulement lui… Déesse merci de lui avoir donné le trésor d’avoir un frère comme lui… il le retrouverait vite… il le retrouvait toujours… comme s’ils se tenaient encore par la main…
Il déambulait quand il entendit la voix d’Alix l’appeler, puis vit son frère courir vers lui… Nicola aussi… mais il ne voyait que son jumeau… Déesse, il se sentait déjà un tout petit mieux peu mieux rien qu’en le voyant venir vers lui.
« Rodrigue ! Par les Braves ! Tu es blafard ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Le questionna-t-il en le prenant par les épaules pour le soutenir. Je te cherchais de partout ! Je sentais que quelque chose n’allait pas ! Tu mettais tellement de temps !
Comme réponse, son frère s’accrocha à lui, s’encrant à lui comme un navire en pleine tempête, ne pouvant faillir quand il était avec lui…
– Parler… arriva-t-il à formuler, incapable de penser des phrases complètes. Juste toi… important… il a… Félix… Glenn… pas… surtout…
Il se tut, sentant le sel lui monter dans la bouche et sur la langue malgré la présence d’Alix, se débattant pour que tout ne déborde pas après cet enfer d’un mois pas encore terminé. Heureusement, son jumeau comprit, comme toujours et traduisit en le tirant avec lui vers leurs appartements.
– Dites qu’on est malade, on ne l’a pas encore fait et on doit parler tous les deux. C’est grave et ça concerne Lambert. Et s’il te plait Nicola, fait en sorte que Félix et Glenn ne viennent pas nous voir, pas avant qu’on se soit bien parler en tout cas.
– Bien sûr, répondit leur compère sans hésitation.
Rodrigue tenta de le remercier mais, aucun son ne sortit de sa bouche. Pas avant qu’Alix les ait ramenés, ait vérifier qu’ils étaient seuls et fermé la porte à clé, alors que son ainé s’accrochait toujours à lui comme quand ils étaient petits, puis qu’ils se soient assis tous les deux sur le banc. Rodrigue avait cru sentir un regard venant de leur chambre, mais elle était vide, Félix n’y rattrapait pas sa nuit… Déesse… son louveteau devait rattraper ses nuits à cause de la folie de Lambert… quel père horrible il faisait pour que cela arrive…
Alix passa sa main dans son dos, dans un geste simple vraiment apaisant, restant silencieux jusqu’à ce que les tremblements cessent enfin. Les pensées de Rodrigue arrêtèrent enfin de s’entrechoquer à cause d’eux, s’ordonnant légèrement pour que la discussion d’à l’instant redevienne claire… Déesse, ça faisait encore si mal, même en souvenir… après qu’il soit arrivé à lui faire boire un peu d’eau, Alix lui demanda, comme un écho de sa propre voix dans ses pensées… même s’ils entendaient des différences quand ils parlaient, les jumeaux savaient que leur voix était la même, c’était dur de savoir qui parlait s’ils disaient la même chose… toujours… toujours identique jusqu’au plus petit morceau d’eux-mêmes…
– Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Raconte-moi… Qu’est-ce que Lambert t’a dit pour te mettre dans cet état ?
– Je… je lui ai parlé de Duscur… comme je te l’avais dit… j’ai essayé de lui dire de ne pas emmener Dimitri… que c’était dangereux… encore… mais il m’a dit… que je m’en faisais trop… et surtout, il m’a dit… il m’a dit… Déesse… comment a-t-il pu dire une chose pareille… il… que…
Rodrigue se tut, sa langue refusant de prononcer de tels mots… il s’accrocha à Alix, trouvant du courage dans ses yeux, la force de les prononcer dans ses doigts liés aux siens depuis qu’ils dormaient dans le ventre de leur mère… avant de les vomir vite, comme si tout cela le rendait malade.
– « Même si le pire devait arriver, tout ira bien. C’est un garçon intelligent Rodrigue. Même s’il devait perdre son père, je sais qu’il deviendrait un homme bon et respectable »… … … sans hésiter ou douter une seule seconde…
Alix en devient aussi muet que lui, son visage passant de l’effarement, au blanc livide, avant de passer au rouge écarlate de la colère mélanger à la pâleur de l’inquiétude alors qu’il lui demandait, nouant ses mains avec les siennes.
– Il t’a dit ça ? À toi ?
Incapable de parler de peur de perdre encore plus ses moyens, son ainé hocha la tête, confirmation silencieuse de tout.
– Il te l’a dit alors qu’il sait qu’on est orphelin de père ? Et que lui ne l’est pas justement car, papa a donné sa vie pour protéger le sien ?
Un autre hochement de tête, les tremblements revenant sournoisement dans son dos, le piquant encore et encore en remontant le long de son échine.
– Et il ne voyait pas le problème ? Il ne se rendait pas compte qu’il venait de te vomir une horreur pareille dessus ?
– Non… arriva-t-il à articuler. Et… et il m’a demandé de remettre Dimitri dans le droit chemin s’il ne pouvait pas le faire lui-même…
– Ce qu’on peut traduire « si je finis tuer par ma connerie, fait mon boulot de père à ma place » ! Il a osé dire ça ?! Après t’avoir vomi que ce n’était pas grave de perdre son père ?! Alors qu’on a perdu Guillaume ?! Il se fout de notre gueule ! Et il prétend être notre ami ?! Ô Déesse… je comprends pourquoi tu es dans cet état… ajouta-t-il plus doucement, compréhensif comme jamais. Personne ne devrait entendre des horreurs pareilles…
– Je… je n’ai rien pu dire contre ça… j’avais l’impression que… que j’étais paralysé… je crois qu’il a pris mes tremblements pour une acceptation de le faire… évidemment, je le ferais s’il lui arrivait quelque chose et que Dimitri a besoin de moi mais… mais… mais ça fait tellement mal… je n’aurais jamais cru que…
Sa voix se brisa alors que les larmes le vainquirent et envahir ses joues, l’impression pitoyable d’être complètement impuissant contre elles et le roi le terrassant alors que Rodrigue s’affaissait, cachant son visage misérable dans ses mains.
– Lambert me fait peur…
Alix l’entoura de ses bras, formant un bouclier avec sa chaleur et son soutien. L’ainé s’attacha de toute ses forces à lui, cherchant cette protection toute simple et si forte contre son cadet en laissant toutes ses émotions, son anxiété, son inquiétude et sa fatigue avoir raison de lui et couler hors de son corps en nageant sur ses pleurs. Heureusement qu’il était là…
Aucun des deux ne savaient combien de temps cela avait duré mais, les jumeaux se figèrent à nouveau en entendant la dernière voix qu’il voulait entendre ici et maintenant, toute petite.
– Papa…
Rodrigue essaya d’essuyer ses larmes en vitesse avant de se retourner vers la porte de la chambre. Félix se tenait dans l’entrebâillement, visiblement peiné, ses propres larmes retenues de toutes ses forces… Déesse, il n’avait jamais voulu que son louveteau le voie dans cet état et angoisse encore plus !
– Félix… mais…
– Je… je venais de me réveiller quand vous êtes revenus… tu n’allais pas bien alors, je m’inquiétais pour toi… mais, Alix allait me faire sortir alors, je me suis caché dans mon coffre… il y a assez de bazar pour qu’on ne me voie pas dessous…
– Faut vraiment que tu le ranges celui-là… tu as donc tout entendu, soupira Alix.
– Je pense… et vue… mais c’est vrai ? Lambert t’a vraiment dit tout ça ? Il t’a dit tout ça alors que papi est mort quand vous étiez petit pour protéger le roi Ludovic ? Alors que tu lui disais de ne pas emmener Dimitri ?
– Oui… hein… je suis désolé… je n’aurais pas dû perdre mon sang-froid comme ça… je dois surement beaucoup t’inquièt…
– Non ! C’est pas à toi de t’excuser ! C’est Lambert qui agit mal ! Pas toi ! S’écria-t-il en le coupant. Et inquiète-toi pour toi ! C’est toi qui es blessé !
Son fils se précipita de la porte jusque dans ses bras, l’enlaçant de toutes ses forces… comme pour lui en donner un peu… lui qui en avait toujours eu tellement, même quand il était au plus mal… Rodrigue devrait prendre plus exemple sur sa ténacité… il lui répondit en lui rendant son geste, tentant de l’apaiser comme il pouvait et de le rassurer un peu…
Le père sentit un courant doux et apaisant le traverser, l’onde claire et fraiche lavant ses angoisses, délogeant les pensées sombres de son cœur et de son esprit par sa présence et son mouvement, lui rappelant son enfance à respirer l’air sain mêlé à l’eau toujours pure… la magie de guérison de Félix… plus il grandissait, plus elle ressemblait au lac et à leur ancêtre… sa magie était si forte… nul doute qu’il serait un des meilleurs magiciens de sa génération et un des plus fins bretteurs… son corps était aussi fort que lui…
– T’en veux pas papa… souffla-t-il en se serrant encore plus contre lui, la voix étouffée par la veste de son père. Tu fais tout correctement, c’est Lambert qui fait tout de travers et trop vite… tu es le meilleur papa… tu te débrouilles bien mieux que lui… pleure pas… je n’aime pas quand tu as mal…
Les mots de son louveteau lui mirent du baume au cœur, pansant un peu toutes les plaies que lui avait fait Lambert avec ces mots et sa présence… même si cela devrait plutôt être lui qui disait à son fils que ça irait, cela lui donnait des forces qu’il soit à ses côtés…
– Merci Félix… merci d’être là… souffla-t-il en lui rendant son étreinte, retrouvant un peu de calme en le serrant contre son cœur. Merci d’être là mon louveteau… merci pour tout…
Rodrigue garda Félix contre lui, se calmant petit à petit à ses côtés. S’il ne pouvait empêcher cette folie, il devait tout faire pour tenir, que tout se passe bien et que tout le monde ait le plus de chance de revenir en entier de ce voyage… que son louveteau n’ait plus jamais à s’inquiéter comme ça…
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     Chapitre 1
Lambert arriva à trouver quelques minutes pour discuter avec Patricia entre deux entrevues pour le voyage, heureux de pouvoir simplement parler avec elle seul à seul, sans qu’elle n’impose Cornélia entre eux. Elle semblait heureuse, plus souriante que jamais depuis qu’Arundel avait été exilé de Faerghus et avait ramené Edelgard dans l’Empire avec lui. Peut-être que tout s’améliorerait après le voyage… ils discutaient tranquillement, s’étant à peine vue ces dernières semaines quand soudain, on se mit à tambouriner à sa porte, les coups de poings faisant crier de douleur le bois avant que ses protestations ne soient couvertes par la voix d’Alix.
« Lambert ! Ouvre cette porte ! Je sais que t’es là ! T’as des choses à expliquer ! Ouvre-moi tout de suite !
– Oui ! J’arrive ! Répondit-il en se dirigeant vers la porte. Arrête de tambouriner comme ça ! Tu vas la casser !
– C’est ton nez que je vais casser oui ! On a beaucoup de choses à se dire !
Bon, au moins, ça confirmait qu’il était dans une colère noire… surement à cause du voyage diplomatique. Si Rodrigue arrivait à garder son calme, Alix était très souvent énervé contre lui en le traitant d’inconscient, même s’il ne l’avait jamais vu entrer dans une telle fureur pour quoi que ce soit, à part à cause d’Arundel. Cela devait vraiment être très grave…
Alix en était presque méconnaissable. Dès qu’il le vit, son visage se ferma, contenant à peine sa rage, ses yeux se plissèrent, focalisé sur lui comme ceux d’un loup sur sa proie, prêt à la courser pendant des jours et des nuits jusqu’à ce qu’elle tombe d’épuisement. C’était très grave et ça allait être très compliqué…
« Nicola serait là, je suis sûr qu’il dirait que tu ressembles à Guillaume comme deux gouttes d’eau… »
La voix d’Alix était basse, presque un grondement quand il déclara, froid comme un lac gelé alors que la fureur bouillonnait sous la surface.
– Faut qu’on parle. » Son regard coula dans toute la pièce, même si son corps restait complètement immobile, avant de se fixer sur Patricia, toujours assise dans son fauteuil. « Toi, tu sors, Cornélia aussi si elle te chaperonne encore, ordonna-t-il en entrant finalement, le pas sûr et silencieux, s’imposant dans la pièce sans se gêner. Je dois dire deux mots à ce qui nous sert de roi… seul. À ta différence, je lave mon linge sale avec juste la personne concernée sans ajouté un troisième parti.
Sa voix ne tolérait aucune réponse. Déesse, celle de Ludovic n’aurait rien eu à envier à une telle froideur !
Évidemment, Patricia obéit sans protester, filant vite avant de se prendre un autre coup de croc gratuitement. L’homme aux cheveux noirs la regarda s’exécuter en silence avant d’ajouter quand la porte dissimulée claqua, sans cacher une once de son mépris.
– Prends du bon temps ? Quelle chance. Tu t’en autorises un peu alors que de notre côté, on est tellement débordé qu’on ne dort plus la nuit et que même le louveteau rattrape les siennes. C’est bon ? J’espère que je n’interromps rien de plus important que de s’assurer que tout le monde revienne en entier de ta connerie…
– Ne commence pas comme ça Alix… soupira Lambert devant son attitude déplorable et ses insinuations calomnieuses. Je travaille aussi beaucoup sur la rencontre diplomatique avec Duscur et je fais tout mon possible pour que tout se passe bien. Je ne veux pas non plus que vous vous épuisiez tous ainsi. Je vous ai déjà dit mille fois à tous de prendre du repos.
– Oh… quelle gentillesse et grandes attentions de ta part, se moqua-t-il. Nous devrions tous dormir tranquillement sur nos deux oreilles comme tu le fais. C’est vrai, il ne nous reste plus que trois semaines pour faire… quoi ? L’équivalent de six mois à un an de travail ? Minimum ? Nous avons effectivement tout le temps du monde devant nous. Quelle prévenance…
– Car vous êtes tous persuadés que cette rencontre va tourner au fiasco…
– D’après les diplomates et Kimon, le désastre diplomatique est déjà acté. Tu es toujours aussi nul pour négocier et tu as fait montre de tes talents. Je sais que Félicia et Ivy sont de très bonnes négociatrices et marchandes mais, Félicia te plumait sans problème en étant très gentille avec toi, et Ivy, laisse tomber, elle te rachèterait le Royaume pour dix pièces d’or en deux minutes, et pour une noix en plus, elle se paye ta chemise en prime tellement elle te roulait dans la farine quand on s’entrainait à négocier à Garreg Mach. Son perroquet lui donne plus de fil à retordre que toi ! Héléna te tordrait le cou devant une incompétence pareille, encore plus si elle savait que tu emmènes son fils dans une embuscade gratuite pour tous nos ennemis. Ludovic aussi. Tu mets tout son royaume en danger pour rien.
– A force de le répéter, ça va vraiment arriver, surtout que vous êtes bien durs avec ceux qui sont historiquement nos alliés commerciaux et nos amis.
– On parle normalement. T’as pas d’amis en politique, t’as juste des alliés et des chiens errants qui veulent ta peau. Faut bien qu’on ramasse ta merde que t’as bien étalé de partout…
– C’est bon ? Tu as fini ? Le coupa-t-il, perdant déjà patience devant ses yeux méprisant et son venin. J’ai compris, t’es encore en colère à cause de ce voyage à Duscur. Dis-moi ce qui cloche que…
– Ce qui cloche ? Tout Ta Majesté.
– Tu vas me laisser finir ? De quoi tu veux me parler précisément ?
– De quoi je veux te parler précisément ? Répéta-t-il, de plus en plus furieux avant de le dire à nouveau. De quoi je veux te parler précisément ?! Car c’est pas évident ?! T’es encore plus stupide que je ne le pensais ma parole !
– Alix… marmonna-t-il en essayant de garder au mieux son calme devant son attitude. Non, je ne voie pas ce dont tu veux parler… Je ne lis pas dans les pensées, je ne suis pas ton vrai jumeau qui peut deviner ce à quoi tu penses car, vous êtes toujours collé et si tu n’as pas remarqué, tu ne me fais que des reproches ces derniers temps !
– Car tu le mérites pour nous avoir mis dans un merdier pareil et d’y entrainer tout le monde ! Je viens à cause de ce que tu as osé vomir sur Rodrigue ! Rugit Alix, tout croc dehors.
– Ce que j’ai… mais on a parlé normalement ! S’étonna-t-il.
– Oh ? Vraiment ? C’est pas ce que j’ai constaté ! Je l’ai retrouvé en état de choc ! Tu l’as complètement tétanisé !
– Quoi ?! Mais… mais non ! Je n’ai rien dit de si terrible ! Je t’assure ! Lui jura Lambert sans comprendre, et en essayant de se souvenir plus précisément de leur conversation de tout à l’heure. Il s’inquiétait pour Dimitri mais, je lui ai rappelé que même s’il y avait un problème, il s’en sortirait toujours et que…
– Justement, gronda-t-il.
– Justement quoi ?
– Rappelle-toi ce que tu as dit… fouille dans ta tête pleine de vide et rappelle-toi ce que tu as osé vomir sur mon frère…
Lambert ne voyait pas vraiment pourquoi ces mots avaient autant d’importance mais, devant le regard acéré d’Alix, il essaya de se souvenir de ce qu’il avait dit en début d’après-midi. Hérissé comme son ami l’était, il lui arracherait surement une main s’il voyait qu’il ne faisait pas d’effort pour se souvenir correctement de cette conversation.
– Hummm… il s’inquiétait pour Dimitri si le pire arrivait pendant le voyage. Vous le faites beaucoup tous les deux, surtout dans ce genre de situation alors, je lui ai rappelé que même si le pire arrivait, Dimitri s’en sortirait toujours, il a l’esprit vif d’Héléna. Je crois que je lui ai dit… « Même si le pire devait arriver, tout ira bien. C’est un garçon intelligent Rodrigue. Même s’il devait perdre son père, je sais qu’il deviendrait un homme bon et respectable »… ou quelque chose comme ça. Puis je lui ai demandé de veiller sur Dimitri et de le sermonner à ma place si je ne peux pas, ce qu’il a accepté d’un hochement de tête. Il n’y a aucune raison que cela se passe mal mais, comme vous le dites tout le temps, on ne sait jamais alors, je lui ai demandé de me rendre ce service. Je ne voie pas ce qui aurait pu le mettre en état de choc au point de le tétaniser…
– Car tu es un chien stupide. Putain… ! Tu ne voies vraiment pas ?! Y a rien qui te choque ?!
– Pas vraiment, je veux juste dire que Dimitri…
– Tu viens de dire que tu t’en fiches si Dimitri devient orphelin ! Que même s’il vit quelque chose d’aussi horrible que de perdre son père, il va s’en sortir ! Et tu oses dire ça à Rodrigue ! Tu le dis à nous alors qu’on l’est aussi !
– Mais… mais non ! Alix ! Là, c’est vous deux qui extrapoler et ramener tout à la mort de Guillaume ! Je voulais juste dire que j’avais confiance en Dimitri ! Je sais que même s’il me perd, il…
– Tu penses ça car toi, tu as la chance d’avoir perdu tes parents quand t’étais adulte ! Et les deux de maladies ! Aucun n’est mort assassiné… oh attend ! Ludovic n’a pas été assassiné car c’est notre père qui a pris le coup de poignard à sa place ! Lors d’une réunion diplomatique pour signer un traité de paix ! Aucune ressemblance avec la situation actuelle ! Et pas quand on avait vingt-cinq ans ! Nous, on en avait six et on s’est bouffé une régence dans la gueule ! C’est pas une question d’intelligence ou de sensiblerie ! C’est une question que c’est la pire chose au monde d’avoir pour seul souvenir clair de son père une boite de sapin !
– C’est parce que vous étiez petits, et vous vous en êtes très bien sorti. Regarde-toi et Rodrigue, vous êtes d’excellents ducs, des hommes respectables et aimé de tout votre fief et de Faerghus. Vous vous en êtes sorti malgré tout, tenta-t-il de le calmer malgré tout. Même si le pire devait arriver, Dimitri arriverait à se souvenir de moi autrement que dans un cercueil.
– Tu parles, c’est surtout qu’on avait la meilleure mère du monde et un excellent compère, ainsi que des personnes de confiance, même si on s’en est bouffé des chiens errants d’entrée de jeu ! Ça forge le caractère de faire son premier plaid à huit piges pour que ton fief ne se fasse pas dépecer car, t’es plus légitime que ta mère qui n’a pas le sang de son mari et du Brave dans les veines et que t’as une horde de chiens errants qui veulent son veuvage pour te voler ta tutelle, ton héritage et tes terres, voir ta vie en prime pour mettre leurs gosses à ta place ! Notre père a vécu la même chose en pire car lui, il était seul avec sa nourrice, les roturiers de notre fief, un tuteur jamais là, un Clovis assoiffé de sang qui aurait surement adoré que notre fief se retrouve sans duc pour le récupérer et il vivait chez les habitants d’Egua pour tenter de survivre aux voleurs de terres et aux profiteurs ! Bizarrement, ça lui a forgé le caractère de survivre comme ça ! Et c’est ça que tu veux pour ton fils ?! Tu veux lui infliger de vivre dans la peur constante de se faire assassiner ou voler en permanence ? Il arrive quelque chose pendant le voyage, Dimitri va le voir en plus ! Il t’arrive quelque chose, ton fils le verra ! Allez, dis-le juste que tu veux qu’il te voie te faire trouer la peau, ce sera plus honnête ! À ce stade, je serais presque tenté d’y croire !
– Alix ! Ça suffit ! S’exclama-t-il, outré par ses paroles. Tu dépasses les bornes !
– Je me met juste à ton niveau ! Tu as osé dire à mon frère que c’était pas grave d’être orphelin ! Qu’on peut s’en sortir aussi bien sans un de ses parents, voir sans les deux pour Dimitri car, si tu ne l’as remarqué, Héléna est morte depuis des années ! Alors que tu sais à quel point ça nous a faits souffrir quand Guillaume est mort ! T’étais aux premières loges ! T’étais aux premières loges pour voir à quel point c’était dur et que même avec la meilleure mère du monde, on est obligé de grandir à toute vitesse pour empêcher de se faire dévorer par des chiens errants ! Même un chien idiot comme toi devrait le comprendre ! Tes mots ont fait tellement de mal à Rodrigue que ça l’a ramener au jour où Ludovic a ramené la boite chez nous pour l’enterrer ! Tout s’est rejoué dans sa tête Tu l’as tétanisé ! C’est pas Rodrigue qui te disais « oui, je vais ENCORE faire ton travail à ta place quand tu te seras jeté dans la mort » ! C’est toi qui étais tellement égoïste et inconscient que tu ne l’as pas remarqué et a juste vu ce que tu voulais voir ! Lui, il tremblait de tous ses os tellement tu l’horrifiais et que tu lui faisais peur ! On a mis des heures à le calmer jusqu’au bout ! Félix l’a vu dans cet état en plus ! Il s’en fait déjà assez pour nous, on ne voulait pas en rajouter une couche ! Et t’as réussi à rendre Glenn encore plus furieux contre toi qu’il ne l’ait de base depuis qu’Arundel a tenté de tuer notre louveteau !
– Je sais, je sais que ça a été dur, et je te jure que je ne voulais pas lui faire mal à ce point, je te le promets Alix, et à Rodrigue aussi », lui assura plus doucement Lambert en essayant de poser ses mains sur ses épaules pour le calmer, comprenant un peu que ses mots avaient eu plus d’impact qu’il ne le pensait, ce n’était que des mots après tout… « Je ne m’en étais pas rendu compte… il était plus pale que d’habitude mais, il n’avait pas l’air de trembler à ce point… je ne voulais pas… et je suis désolé que Félix ait dû voir Rodrigue dans cet état… je te promet que je ne voulais pas que…
– C’est toujours la même chose et la même excuse avec toi, gronda-t-il en le repoussant sans hésiter, les bras croisés devant sa poitrine en signe de fermeture. « Je ne voulais pas », « je ne pensais pas », « je ne m’en suis pas rendu compte », « je ne recommencerais plus », « je vous écouterais la prochaine fois »… et à chaque fois, tu refais les mêmes conneries qu’on doit balayer derrière. C’est notre boulot de t’empêcher de faire des conneries dans la famille mais, c’est aussi le tien d’apprendre de tes erreurs pour ne plus les répéter au lieu de les refaire encore et encore en te disant que ça va encore passer par chance ! Et c’est pas qu’avec nous ! Tout le monde dit que ce voyage, c’est la pire idée du siècle ! Tout le monde est unanime à ce sujet et toi, au lieu de lâcher l’affaire car bon, après avoir lu ta correspondance, c’est bon, on va forcément les énerver quand on va dire que non, finalement, on ne peut pas tout leur céder et encore heureux, les duscuriens n’ont pas demandé notre chemise, tu t’obstines alors que tu vas jeter tout le convoi dans le danger, ton propre fils, Nicola et Glenn les premiers ! T’es pas tout seul à partir ! T’aurais pu partir tout seul avec juste ton baluchon, honnêtement, à ce stade, je ne t’en aurais pas empêcher histoire que tu te bouffes le mur une bonne fois pour toute mais, ça ne marche pas comme ça ! Tu vas avoir des gens avec toi ! Des gens qui ne veulent pas y aller mais qui se dévoue quand même car, faut le faire et que t’es le roi ! On ne peut pas te laisser partir tout seul ! Trouve-moi une personne – juste une personne ! – dans tout le Royaume qui veut de bonne foi que tu partes en Duscur, au lieu de juste enfin jeter Kleiman au cachot et de parlementer avec les duscuriens une fois que les enquêteurs lui auront fait un sort ?! Un ordre d’arrestation de ta part, il finit sous les barreaux avec ses hommes de mains, Thècle et ses collègues peuvent faire leur boulot correctement avec tout le temps qu’il leur faut au lieu de bâcler, on a une idée claire de tout ce qu’il a fait, on le juge et ensuite, là on va voir les duscuriens ! Voir on leur envoie vu que bon, le mec a quand même le sang de vingt-et-un de leurs frères et sœurs sur les mains, tu m’étonnes qu’ils doivent vouloir sa tête ! Voilà ! Simple, efficace et t’emmène personne dans un territoire qu’on connait mal et parfait pour une embuscade en période de tension !
– Les ordres d’arrestations avant une enquête et un procès, c’était la manière de faire de Ludovic, pas la mienne…
– …Qui avait bien raison de ne pas vouloir te laisser la couronne, il avait senti que t’allais être un putain d’incapable inconscient et égoïste ! Il avait bien raison de vouloir une monarchie élective ! Si je tenais le voleur de son testament et de ses travaux ! On les aurait eus, on ne serait pas dans cette situation pareille ! Tu n’emmènerais pas Glenn et Nicola à l’abattoir car, personne n’aurait été assez con pour t’élire roi !
– …Et, continua Lambert sans prendre compte de l’insulte, il y a des seigneurs de l’Ouest qui sont d’accord…
– Oui, les girouettes de l’Ouest qui te crachait dessus y a pas deux mois pour ne pas brûler de l’hérétique et d’en être un, d’un coup, ils sont d’accord avec ce voyage pacifique chez les polythéistes honorant le ciel et la terre de Duscur, et de participer à une fête religieuse à eux très loin des croyances intégristes de l’Église Occidentale. C’est pas du tout suspect ça. Ils n’auront surement rien à gagner là-dedans quand les négociations auront échoué et que le ton montrera encore. Je suis sûr qu’ils ont plein de très gentils bons bergers heureux de partir en mission pastorale, et qui vont se faire une joie d’aller expliquer le sens de la vie et de la paix de Seiros à coup de crosse aux païens duscuriens, comme Kleiman était censé le faire au lieu d’attaquer la frontière pour agrandir sa châtellenie selon Mateus. C’est d’excellents alliés, on est au niveau d’Arundel là ! Là où nous, on se prend des tombereaux d’insultes et de menace à peine voilées de leur part car soi-disant, on est des mauvais fils de Fraldarius vu qu’on ne te mange pas dans la main ! Comme si une maison comme la nôtre devait être au pied de qui que ce soit sans raison ! Comme si c’était dans les habitudes de notre famille d’être des chiens !
– Patricia aussi est d’accord pour dire que c’est une bonne idée. Elle est tellement enthousiaste à cette idée qu’elle va même nous accompagner, en tant que nourrice de Dimitri, je te rassure. Elle dit aussi que ce sera l’occasion de prendre un nouveau départ avec la nouvelle année.
– Attends… quoi ?!
Un instant de silence passa, avant qu’Alix ne se redresse d’un coup alors qu’il réalisait, hors de lui comme s’il venait de lui envoyer du poison en pleine figure. Tous ses muscles étaient tendus, comme prêt à lui bondir dessus pour l’égorger à mains nues, le foudroyant du regard avec un mélange de mépris, de colère et de détestation, les yeux plissés, les crocs découverts… un vrai loup fou de rage sur le point de lui arracher la gorge…
« Tu n’as pas les épaules pour être un roi ! Tu n’es pas fait pour ça ! Jamais je ne laisserais le Royaume entre les mains d’un inconscient comme toi ! Jamais ! »
– Non mais je rêve ! Dis-moi que j’ai mal entendu ou que je fais un cauchemar ! Tu as fait quoi là ?! Tu vas faire une réunion diplomatique pour sauver nos relations avec Duscur ou c’est un rendez-vous galant pour sauver ton couple ?! Tu vas emmener Glenn et Nicola en territoire hostile et dangereux car tu veux… rah !
Il leva d’un coup le poing dans sa direction mais, au lieu de le frapper comme Lambert sentait que le loup voulait le faire, il se contenta de le rabattre sur la table, la lumière de son emblème sortant de lui alors que le bois craquait en mille morceaux sous le poids de sa fureur. Son poing était rouge de son propre sang, blessé par les échardes mais, Alix ne lui laissa pas le droit de s’inquiéter, hachant avec une froideur mortelle.
– Je ne te l’ai pas mis dans la gueule juste parce que tu es le roi, car tu as eu l’excellente idée de céder aux traditionnalistes « pour que tout le monde soit satisfait » et a remis le crime de lèse-majesté en même temps que tu donnais plus de droit aux communes car bon, la cohérence dans ta politique, ça fait longtemps qu’on ne la cherche plus, alors que Ludovic l’avait aboli à la fin de sa vie car à ta différence, il allait au bout de ses idées. On a déjà assez d’ennemi qui persiffle qu’on est trop indépendant avec Rodrigue, alors qu’on ne fait notre devoir de duc envers notre peuple et qu’on te dit quand tu fais de la merde. Je tiens à ma tête et à ma famille. Je ne suis pas comme toi, je ne ferais rien qui pourrait la menacer.
– Alix… tenta-t-il encore. Ce n’est pas ce que tu crois… oui, Patricia vient mais, elle ne me l’a demandé qu’une fois qu’elle a su que cette réunion allait avoir lieu. Elle l’a su un peu avant vous mais, pas tant que ��a, un mois ou à peine plus, grand maximum. Je te jure que…
– Tait-toi, on l’aurait su un mois avant, on aurait pu annuler plus facilement, gronda-t-il, le défiant du regard de le couper. Je ne veux plus rien entendre de ta part. Je vais sauver ce qui me reste d’estime pour toi et croire que tu profites juste de l’occasion, que tu ne l’as pas créé de toute pièce pour faire ce que voulait une femme qui défend un brûleur d’enfant, quitte à entrainer tout le monde dans ta folie… mais tu ne m’ôteras pas de l’idée que tu t’obstines à y aller justement parce que tu veux juste faire plaisir à ta chienne qui agit vraiment bizarrement car bon, y a pas deux mois, tu te lamentais encore que tu ne pouvais plus la voir sans Cornélia. Grrr… Héléna doit se retourner dans sa tombe ! Même au-delà de la réincarnation ! Elle s’est fait remplacer par une chienne irresponsable qui te pousse à mettre tout le monde en danger ! Votre fils compris ! Elle doit rêver de l’expulser de sa place et très loin de son fils de là où elle est, et de te refaire le portrait par la même occasion ! C’était pas une sœur guerrière et la descendante de la Flamme Passionnée pour rien ! Et Ludovic… Déesse, que tu fais honte à Ludovic ! Il a toujours fait passer le Royaume avant tout, même ce que lui voulait ! Il a toujours été un roi consciencieux et prudent, qui ne prenait jamais de risque inconsidéré et malgré tout, il a quand même perdu l’homme qu’il admirait le plus au monde et ça l’a tourmenté toute sa vie ! Il était même prêt à détrôner son propre père pour arrêter ses carnages, et à changer tout le système de succession pour ne plus avoir de roi comme Clovis ou toi sur le trône ! La tuberculose ne l’aurait pas vaincu avant, on serait dans une monarchie élective et tu ne serais surement pas roi à l’heure qui l’est ! On ne serait pas dans une situation pareille où quoi qu’on fasse, on fout en l’air quelque chose ! Tu lui fais honte alors qu’il n’est surement pas mort tranquille de base ! Tu m’étonnes qu’il se soit accroché à ce point alors qu’il souffrait le martyr… et maintenant, le royaume à qui il a tout donné est gouverné par… hum ! On est dans une farce grotesque ! Cracha-t-il en se détournant.
– Alix… tenta de le rattraper Lambert mais, le regard de loup qu’il lui lança de derrière son épaule le figea sur place, laissant une trainée écarlate derrière lui.
– Ne m’approche pas, lui ordonna-t-il. Tu ne serais pas roi, je ne perdrais plus mon temps avec un chien idiot comme toi. Je vais faire mon devoir car, faut bien que quelqu’un réfléchisse un peu dans ce foutu Royaume, même si tu mériterais qu’on te laisse finir de ruiner ton règne tout seul et de battre le cadavre de ton père à coup de pied. Rodrigue le fera aussi le connaissant car il est dévoué à la tâche, malgré le fait que tu viens de le poignarder avec un harpon et de cracher sur les os de notre père en te foutant des conséquences de tes actes sur tout le monde, que ce soit ceux sur ton peuple, tes amis, et même ton propre fils, mais ne t’attend à rien de plus de ma part que du professionnalisme et du mépris. Tu ne mérites rien de plus. »
Alix partit en claquant la porte sans attendre de répondre, laissant Lambert réfléchir à ses actes s’il en était capable, et il ne voulait pas respirer le même air que ce type plus longtemps. Entre ça, Arundel et le reste, il avait déjà été trop patient avec lui.
Il trouva Rodrigue avec Nicola et Glenn, ainsi que Félix qui somnolait sur ses genoux, afin de le forcer à ne pas bouger et de se reposer un peu. Quand leur compère était arrivé un peu plus tard dans l’après-midi avec le jeune loup après avoir échoué à le laisser en dehors de tout ça, et dès qu’il avait su ce qui s’était passé, il leur avait recommandé de rester un peu au calme cette après-midi, ce que les jumeaux avaient accepté. Ils ne l’avaient pas fait depuis le début de cet enfer et ils n’étaient pas en état pour prendre des décisions aussi importantes… ils avaient toujours été fusionnels, l’état émotionnel de l’un avait toujours un impact sur l’autre. L’un était vraiment l’autre, et l’autre était l’un…
Les yeux de son jumeau s’écarquillèrent en voyant son humeur et encore plus d’inquiétude en remarquant l’écarlate sur sa main. Alix lui assura tout de suite pour ne pas l’angoisser encore plus… enfin pas au sujet de la mauvaise chose.
« Mon poing a fini dans une table. Je voulais le mettre dans la gueule de ce connard mais, je me suis retenu, je tiens à ma tête et à notre famille, à sa différence, cracha-t-il.
– Je vais te soigner », dit-il tout de suite, s’agitant autant qu’il pouvait avec la tête de son cadet calé contre lui. Déesse, ce n’était qu’un louveteau… il était trop petit pour devoir se coller à son père afin qu’il se repose… mais au moins, il avait la chance d’en avoir un qui se souciait des conséquences de son comportement sur lui… déjà qu’il allait s’inquiéter à nouveau… il semblait trop épuisé par sa journée pour réagir mais, Alix voyait encore l’éclat de l’ambre dans ses yeux entrouverts, il avait forcément tout entendu… il faudrait attendre que la fatigue ait raison de lui pour s’expliquer, il en avait déjà trop dit en sa présence…
« Bouge pas, j’arrive. »
Après avoir dérangé un peu Glaïeul qui alla continuer sa sieste sur le dos d’Écharpe, il s’assit à côté de son frère et lui tendit son poing gauche. Rodrigue nettoya la plaie avec un peu d’eau qu’avait apporté Glenn, puis fit circuler sa magie de guérison dans sa chair. Même si c’était rarement une bonne nouvelle d’en avoir besoin, Alix avait toujours aimé la sensation de ses soins. Il avait l’impression qu’elle mêlait la fraicheur du lac et la chaleur humaine qui émanait de son frère, ça lui faisait penser à tous les bons moments avec lui… c’était apaisant…
Une fois l’os réparé et remis en place, son jumeau ne le lâcha pas, lui demandant en essayant de ne pas trembler après toutes les émotions de la journée, et avoir bien vérifié que le louveteau dormait vraiment sans faire semblant. C’était devenu sa spécialité ces dernières semaines quand il voulait savoir ce qui se passait pour mieux les aider.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? »
Alix soupira en résumant l’échange qu’il venait d’avoir avec ce qui leur servait de roi, contenant au mieux qu’il pouvait sa rage et gardant sa voix basse. Félix dormait profondément à présent, ronronnant un peu sur les genoux de son père, il ne voulait pas risquer de le réveiller en parlant trop fort ou en le déplaçant et l’inquiéter encore plus pour eux à cause de des deniers évènements avec Lambert.
« … il me dégoute encore plus… cracha-t-il à la fin de son récit. Sa chienne savait pour cette catastrophe un mois avant nous, et il l’emmène pour renouer avec elle… il dit que ce n’était pas elle qui l’a poussé à y aller mais, je suis persuadé que le fait qu’elle veuille être du voyage le motive encore plus à y aller. Il n’a toujours pas compris que la situation de Patricia ne serait pas un tel bordel, elle l’aurait surement quitté après qu’il ait exilé à vie Arundel de Faerghus. Il ne veut pas l’admettre et il s’accroche à l’espoir que ça aille mieux alors que bon, le fait qu’elle refuse de lui parler seul à seul, c’est un énorme signal pour dire que leur couple est quasi mort, même si je ne suis pas spécialiste à ce sujet.
– C’est vrai que même s’ils se sont surement aimés, cela s’est détérioré entre eux au fil des années, surtout après qu’il ait exilé Arundel, ce qui a emmené sa fille loin d’elle. D’un côté, je ne peux que la comprendre, je n’aurais jamais pu supporter de vivre sans mes louveteaux, encore plus quand Félicia est morte, concéda Rodrigue en regardant ses fils, les bras de son cadet enroulé autour de sa taille. Cela doit être très dur pour elle de vivre loin de sa fille et de ne pas la voir grandir. Elle a frôlé l’espoir de pouvoir vivre à nouveau avec elle avant qu’elle ne lui soit arrachée à nouveau, je ne peux que comprendre sa colère… mais d’un autre, Edelgard ne pouvait pas rester, ce n’était qu’une autre excuse vivante pour Ionius d’attaquer, c’était beaucoup trop dangereux. Et les fhirdiadiens étaient déjà sur le point de se révolter car, Lambert avait mis trop de temps à décider du sort d’Arundel. Les deux devaient partir, et elle peut s’estimer heureuse que les habitants de la capitale n’aient pas fait justice eux-mêmes en allant chercher son frère chez lui pour le pendre. C’est normal qu’elle soit en colère d’avoir à nouveau perdu sa fille mais, elle a épousé le roi du pays ennemi au sien, elle savait que le Royaume allait passer avant ces désirs personnels. Elle a épousé deux souverains, elle devrait savoir que la raison d’État doit toujours primer sur les intérêts personnels, tout comme Lambert devrait aussi le savoir.
– Surtout qu’il a eu l’exemple de Sa Majesté Ludovic pour apprendre cette réalité, ajouta Nicola. Le Royaume comptait plus que tout pour son père, il est allé jusqu’à renverser le sien pour le protéger. C’était très risqué pour lui et ses soutiens qui comptaient tout de même Guillaume et Aliénor mais, il l’a fait car, il fallait que ce bain de sang s’arrête. Mais lui, il a plus souvent payé les conséquences de ses actes au lieu d’avoir une chance insolente…
– Là où Lambert fait tout l’inverse de son père, souligna le cadet des jumeaux. Quand je lui ai parlé de la solution qu’il enferme Kleiman avec un ordre d’arrestation pour que tout le monde travail plus facilement et avec plus de temps, il m’a dit que c’était les méthodes de son père, pas les siennes.
– Il oublie que si Sa Majesté Ludovic agissait ainsi, c’était qu’il avait de bonnes raisons, et surtout une politique claire qui ne déviait pas tous les jours selon qui lui faisait les yeux doux, marmonna leur compère.
– Donc, c’est aussi ça Duscur… on va tous partir dans ces montagnes, tous perdre du temps, de l’argent, de l’énergie, être loin de nos familles, risquer notre peau, être sur le qui-vive pendant des semaines… et on va aller là-bas, juste parce que le roi veut conter fleurette à sa femme ? Femme qui met tout le Royaume en danger si son ex sait qu’elle est là et veut la récupérer pour nous envahir ? Tout ça car, pour une fois, le roi a agi en roi responsable en chassant un criminel qui a failli tuer un gamin sur un coup de tête mais, ça a pas plu à sa chienne car l’exilé était son frère ? Il va mettre en danger tout le monde, dont son propre fils unique qu’il a eu avec une autre femme qu’il a aimé aussi, juste pour sauver son couple ? Il se fout de notre gueule ! Il se fout de la gueule de tout le Royaume ! C’est pas un roi ! C’est juste un chien idiot et le toutou de sa femme ! Autant dire tout de suite que c’est Patricia qui décide tout dans le Royaume ! À ce stade, ça ne m’étonnerait plus ! Fulmina Glenn en gardant sa voix aussi basse que possible, Félix remuant un peu sur les genoux de leur père.
Rodrigue passa sa main dans les cheveux de son cadet, espérant l’apaiser et attendit qu’il soit de nouveau profondément endormi pour prendre la parole. Il était très fatigué en ce moment, il ne mettait pas beaucoup de temps à sombrer à nouveau. Il s’angoissait trop pour eux… et bien trop pour un enfant…
– Pas qu’elle décide tout mais, elle a un pouvoir d’influence certain, le corrigea-t-il. Il l’écoute beaucoup donc, ses mots peuvent facilement le convaincre ou le faire changer d’avis.
– Déjà que c’est simple… marmonna son fils ainé. Je m’écouterais, je lui renverrais mon épée en pleine figure… j’ai juré de servir le Royaume, pas les caprices d’un chien idiot et de sa maitresse irresponsable, et la Déesse seule sait si elle ne reçoit pas des conseils de son cher et tendre frère qui s’amuse à brûler des gosses. Mais bon, le faire maintenant, ce serait comme demander à ce qu’on me coupe la tête pour haute trahison, je vais éviter. Je ne suis pas comme lui à me dire qu’un deuil ou la mort, c’est pas grave.
– Je comprends que le servir puisse vous dégouter à présent Jeune Loup mais, nous devons encore tenir, au moins jusqu’à la fin de ce cauchemar, lui conseilla Nicola. Pour le moment, la situation est trop délicate pour que l’on puisse s’autoriser des mouvements trop brusques et inconsidérés, surtout seuls. Il faudrait que d’autres grandes maisons nous suivent pour pouvoir tenter de jouer ce coup de dé, et nous ne pouvons guère compter sur la chance… pas sans préparation en tout cas. Les Charon pourraient être nos alliés tout comme Fregn peut être un atout imprévisible mais, nous sommes trop désorganisés pour pouvoir être efficace et le temps joue encore contre nous. C’est un coup de cartes bien trop risqué pour nous tous.
– Nicola a raison, le soutient Rodrigue. Nous marchons sur des œufs, il faut que nous restions prudents pour qu’ils ne nous arrivent rien, autant à notre famille qu’à notre fief. Nos ennemis sont nombreux à envier nos privilèges et notre place près du roi. Ce serait l’occasion rêvée pour nous détrousser. De plus et surtout, nous risquons beaucoup si nous nous opposons au roi dans une situation critique comme celle-ci. On pourrait nous accuser de ne pas respecter le Kyphonis Corpus et de haute-trahison, ce qui nous vaudrait à tous une condamnation à mort, autant notre famille que nos plus proches conseillers, lui rappela-t-il. Le seul épargné serait Félix car, il est mineur mais, la Déesse sait ce qui lui arriverait… il risquerait d’être envoyé dans une « bonne famille » afin de « l’éduquer correctement » ou laissez à son sort en portant le sceau des traitres à cause de nous… Nous devons au moins attendre que cet enfer passe pour commencer à nous concentrer sur cette question.
– Il n’a pas tort, chaque chose en son temps. En plus, Patricia nous déteste et c’est réciproque donc, elle sautera sur l’occasion pour se débarrasser de nous, il l’écoutera surement à ce stade si elle dit que nous sommes dangereux pour le Royaume. Il arrive quelque chose à notre famille, la couronne pourra récupérer nos terres pour les intégrer au domaine royal, et avoir un meilleur contrôle de point stratégique comme la côte du côté de l’Alliance. Nous sommes presque complètement autonomes de la couronne à ce stade, et nous pouvons être un contre-pouvoir sérieux alors, la disparition de notre famille et de notre fief pour le transformer en élément du domaine royal, se serait s’enlever une potentiel très grosse épine du pied pour les Blaiddyd. Je ne sais pas si Lambert voudra le faire mais, si on applique la loi, c’est ce qui arrivera, et il ne pourra pas trop abuser de son véto ou de sa capacité à gracier les condamnés sinon, il risquerait de se prendre des représailles de ses nouveaux alliés en pleine gueule… Même si bon, je suis sûr que nos sujets seront ravis d’avoir un ami de brûleurs d’enfants comme seigneur et que ça ne provoquera pas du tout des révoltes internes, rien que pour se tirer très loin de lui… cela pourrait provoquer le chaos et un état de guerre civile si cela arrivait alors, nos ennemis et ceux qui veulent notre perte doivent surement être aussi prudent que nous alors, ça nous laisse un peu de marge de manœuvre, même si nous devons aussi redoublé de vigilance. Tout Fraldarius veut mettre une mandale à Lambert mais, on le fera une fois le fiasco finit… marmonna Alix.
– Ce sera plus sage, confirma Nicola.
– Hum… bien, je vais serrer les dents, concéda Glenn. Je ne veux pas vous mettre en danger.
Rodrigue hocha la tête, avant de passer la main dans les cheveux de Félix qui se blottissait contre lui dans son sommeil. Un vrai petit chaton… son tout petit louveteau trop jeune pour connaitre un tel enfer… comme Glenn… il était adulte mais, il ne devrait pas avoir à subir une telle situation… personne…
– Il faut qu’on vous mette en sécurité dès que cela sera possible… murmura le père en passant ses bras autour de son petit pour le protéger de tout ce qui pourrait le menacer.
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       Chapitre 32
Lambert ouvrit les yeux devant un grand miroir, ne se reconnut pas. Un lion remplaçait son reflet, alors que des souris et des mulots s’affairaient derrière lui.
« J’ai l’impression d’être dans le roman de Renart… songea-t-il en fermant sa chemise pour continuer son rêve. C’est surement à cause de la fatigue et de la dispute… »
Il avala sa bile et ses regrets, se jurant encore d’aller s’expliquer dès que possible avec les jumeaux demain matin… s’ils acceptaient de vouloir l’écouter… pour Alix, c’était mal parti et pareil pour Rodrigue s’il avait été si choqué de ça par ses propos… il ne pensait vraiment pas que…
Enfin, son rêve ne le laissa penser plus loin, ses pieds bougeant tous seuls pour gagner le couloir. Il vit un ours qu’il reconnut comme étant Gustave qui l’attendait, déclarant d’entrée de jeu.
« Nos troupes ont été contraintes de reculer Votre Majesté.
– Nos troupes ? Répéta-t-il sans comprendre. Mais pour…
– Elles se sont fait piéger par une ruse de Nicola le Blaireau. Il s’est servi d’une sombre superstition pour effrayer nos hommes et les repousser alors qu’il faisait le siège de son fortin. Les loups Fraldarius étaient également en embuscade prêt à nous sauter à la gorge dès que nous avons perdu du terrain. Les pertes sont assez faibles mais, c’est surtout à cause du fait que beaucoup de nos hommes sont passés à l’ennemi.
– De… de quoi ?! Gustave ! Excusez-moi mais, je ne comprends rien ! Les Fraldarius ont toujours été à nos côtés ! On s’est disputé mais jamais…
– Vous êtes mal réveillé Votre Majesté, soupira-t-il. Après ce qui s’est passé à Duscur, ils se sont rebellés et ont décidé de faire sécession du Royaume.
– Ce qui… mais…
– Comme vous le savez, continua Gustave sans l’entendre. Le convoi a été attaqué, et si Son Altesse et vous-mêmes vous en êtes sorti, la grande majorité des nôtres a été décimé. Glenn et Nicola s’en sont sortis de peu et encore, le blaireau a perdu un bras et le jeune loup l’usage de ses jambes. Seul Fraldarius a réussi à le faire remarcher grâce au don de sang de son petit frère, même si cela l’a énormément affaibli, il est encore en convalescence d’après nos renseignements. Les Charon aussi ont pris leur suite et ont décidé de rejoindre leur félonie, le tout en entrainant Galatéa qui est bloqué entre leurs deux fiefs. Ils ont également emporté Son Altesse avec eux.
– Ils ont Dimitri ?! Ils m’ont pris mon fils ?! Mais comment !
– Oui, même s’ils ont obtenu légalement sa garde exclusive en tant que membre de sa famille maternelle. Ils prétendaient que vous le mettiez en danger inutilement et que vous étiez aussi irresponsable qu’inconscient et donc, inapte à l’élever. Cela n’aurait pas dû brouiller l’ordre de succession mais, les martres ont décidé de rejoindre la rébellion des Fraldarius alors, cela pose d’autant plus problème… avec ceci, l’hermine Fregn a décidé de divorcer et de rentrer chez elle avec Sylvain mais, devant le refus d’Isidore de mettre fin à leur mariage, elle a décidé de divorcer à la sreng. Ses sœurs sont descendues de leurs fjords et ont mis à sac la capitale des Gautier. Elle en a profité pour filer avec son fils pour rentrer chez elles. Les raids srengs menacent à présent tout le nord de Faerghus, surtout que ce sont des alliés des loups et des martres à présents… nous devons être extrêmement prudents.
Lambert ne comprenait plus rien… pourquoi son esprit lui faisait croire une chose pareille ?! Ce n’était pas possible ! ça n’arriverait jamais ! Les Fraldarius et les Charon ne pourraient…
« Es-tu satisfait ? »
Lambert se retourna et vit son père, le teint gris et les joues creusés, du sang tout autour de la bouche comme s’il venait de tousser à s’en arracher les poumons, son regard terne rempli d’inquiétude et de regret, tel qu’il était avant de mourir… non… il y avait autre chose… de la colère… de la déception… du mépris… dès que le lion l’avait réalisé, en un instant, Ludovic se métamorphosa. Il n’était plus courbé sous le poids de la tuberculose, mais droit et vaillant, le regard rempli de détermination et de morgue, portant l’habit traditionnel de Fhirdiad, Areadbhar à la main, la couronne de Loog ceignant ses cheveux d’or, à nouveau un jeune premier que la maladie n’avait pas encore miné de l’intérieur pour le faucher avant qu’il ne sorte de la force de l’âge… à nouveau, son père avait dix-huit ans, brandissait la Relique de leur famille qui semblait revivre entre ses doigts et hurlait, la voix forte et ferme, déterminé, sa froideur devenant un instant une flamme gelée et mortelle dans ses yeux, alors qu’il le défiait du regard après des années à recouvrir patiemment de glace froide à en brûler la peau sa colère et sa détermination, puis de les unir à celles d’autres afin accomplir ce qu’il estimait être son devoir de prince et de futur roi.
« Je suis prêt à tout pour le Royaume ! Je ferais n’importe quoi pour lui ! S’il faut que je marche sur le palais pour stopper le bain de sang de tes guerres, je le ferais sans hésiter pour le bien de mes sujets Père ! »
Il lui fonça dessus, s’élançant avec Areadbhar pour le transpercer comme cela avait failli arriver lors du coup d’État, une lueur meurtrière dans son regard, mélangeant détermination et désespoir que cette guerre perpétuelle s’achève enfin. Mais contrairement à son père, Lambert ne put que fermer les yeux en attendant le coup, incapable de s’opposer ainsi à Ludovic, encore plus de lui faire du mal. Ils se disputaient beaucoup et leurs personnalités étaient diamétralement opposées mais, malgré tout, il aimait son père et refusait de lever la main sur lui, même pour se défendre alors qu’il le prenait pour Clovis, même dans un cauchemar.
Cependant, aucune lance ou douleur ne le transperça, le sang ne coula pas. Quand le lion rouvrir les yeux, il n’était plus dans le palais en compagnie de Gustave, il était aux abords d’Egua, près du lac et du ponton de pierre où Félix emmenait souvent ses amis jouer et où il nageait tout le temps. Le petit, maintenant vrai louveteau, était là, en compagnie de Dimitri semblable à un lionceau, d’Ingrid l’oiselle et de Sylvain le goupil, ainsi que de Glenn, également devenu loup avec l’emblème de Fraldarius sur sa patte gauche. Ce dernier marchait difficilement dans l’eau, soutenu par sa fiancée et le rouquin, ce dernier étant habillé à la sreng mettant en valeur sa pelisse rousse, pendant que Dimitri tenait Félix immergé dans l’eau alors qu’il somnolait dans ses bras. Il ne semblait pas avoir assez d’énergie pour bouger seul, encore plus pale que d’habitude. S’il avait vraiment donner du sang à son frère pour que leur ancêtre sauve ses jambes, cela expliquait surement cette pâleur… il n’avait pas dû donner deux gouttes pour qu’un tel miracle ait lieu…
Lambert allait s’approcher pour tenter de leur parler et de comprendre ce qui se passait dans son rêve mais, un grondement l’en empêcha.
Les jumeaux venaient d’apparaître sous la forme de grands loups noirs, encore plus semblables qu’à l’ordinaire, une expression de fureur et de rage sur le museau. Lambert venait de trouver leur nid et leurs petits, et ils allaient lui faire payer pour cet affront en l’égorgeant en punition.
« Rodrigue… Alix… je vous jure, je peux vous expliquer…
– Toujours pareil… gronda Alix, reconnaissable à son habit vert, ses crocs et ses griffes brillants comme l’acier de ses flèches. On ne veut rien entendre ! On ne veut rien entendre ! On ne veut rien entendre !!! Pas de ta part ! Pas de la part d’un connard égoïste ! Tu as osé t’approcher de nos petits ! Tu nous le paieras ! »
Il se jeta sur lui et le mordit, lui arracha chair et os, faisant couler le sang sur le sol de la forêt. Le lion avait beau tenté de le repousser, il n’arrivait qu’à frapper dans le vide, incapable de contrer la fureur du loup noir qui le déchiquetait en mille morceaux. À nouveau, Lambert était incapable de se défendre, refusant de le faire. Un seul de ses coups de poings mal placé pouvait tuer un homme, rompre une nuque aussi facilement qu’on cassait une tige de fleur, il refusait de risquer d’arracher le crâne à Alix par mégarde ! Il leur avait fait assez de mal à tous les deux pour le restant du siècle hier !
Le grand loup noir finit par disparaitre, laissant Lambert étendu au sol, le corps entier à vif…
« Es-tu satisfait ? »
Cette fois, ce n’était pas la voix de Ludovic mais, celle de Rodrigue qui résonna autour du rêveur, lui posant la même question que le précédent roi. Il se redressa et le vit face à lui, à nouveau humain mais à présent, une couronne d’or ornait sa tête à la place de l’anneau ducal en argent, contrastant avec ses cheveux noirs, droit, calme comme toujours, le visage complètement neutre comme pouvait l’être celui du précédent roi… ce que son père aurait souhaité comme successeur… il ne faisait pas trop de mystère à ce sujet et il comprenait ce souhait… un roi calme et réfléchi, prudent, avisé, qui savait prendre des décisions difficiles et trancher les problèmes épineux, ayant une ligne politique claire proche de la sienne : le bien du plus grand nombre presque à tout prix… tout le contraire de ce qu’était Lambert… il ne voulait pas laisser le calcul et la froideur le guider comme pour Ludovic, même si cela le rendait plus erratique… il savait que son père avait régné d’une main de maitre et que son tempérament l’avait beaucoup aidé mais, il savait aussi que ce n’était pas la seule manière de faire… qu’il y avait d’autres moyens d’être un bon roi… une voie où il pouvait s’en sortir en arrangeant tout le monde autant de fois que cela était possible, et en écoutant toujours son cœur et ses émotions plutôt qu’une logique froide et implacable, comme une main de fer dans un gant de velours… Rodrigue était bien plus chaleureux que Ludovic, et de très loin mais, il savait aussi n’écouter que sa raison sans se faire distraire par ses émotions, tout comme Alix même si leur manière de l’exprimer différait…
S’approchant de lui, Lambert posa doucement ses mains redevenues humaines sur ses épaules en lui soufflant, sincère avec lui… il faudrait tellement qu’il lui dise quand il se réveillerait…
« Je suis désolé de t’avoir dit des choses aussi horribles et de ne pas m’être rendu compte que je te faisais aussi mal… ce n’était pas mon intention… tout ce que j’essayais de te dire, c’était que j’avais confiance en Dimitri, même si je m’y suis pris de la pire des manières possibles… je ne voulais pas te faire de la peine ou te rappeler la mort de Guillaume, je te le jure… je suis vraiment désolé de t’avoir ramené à ce jour-là… juste… juste… je veux juste te demander de me faire encore un peu confiance, d’accord ?
Rodrigue le repoussa, appuyant sa main sur sa poitrine pour le faire reculer, l’autre sur son propre cœur, le sachet de Félicia entre les doigts. Lambert obéit, ne voulant pas lui faire encore plus de mal.
Des larmes naquirent dans ses yeux, roulant sur ses joues alors qu’il lui demandait, le visage rempli de tristesse et de déception.
– Est-tu satisfait de mettre à nouveau en danger ma famille ?
Cela brisa le cœur de l’homme blond. Il détestait le voir pleurer, il détestait voir ses amis pleurer et être mal, surtout quand c’était de sa faute. Il n’avait jamais voulu leur faire autant de mal !
– Non ! Non ! S’il te plait Rodrigue ! Ne pleure pas ! Je ne voulais pas…
Il essaya de l’étreindre pour tenter de le consoler mais, ces bras ne trouvèrent que du vide, Rodrigue se dissolvant tout autour de lui dans un nuage de brume salée, le laissant seul dans un espace vide.
Des pas se fit entendre derrière lui, résonnant dans le noir… il se retourna et vit la silhouette éthérée d’Héléna avancer vers lui, sa longue crinière de boucles blondes auréolant sa tête, portant son armure de sœur guerrière frappé aux armes des Charon, comme son ancêtre Sybilles Charon lors de la guerre du Lion et de l’Aigle, comme aurait combattu Charon elle-même, à main nue et sans armure à part ses habits tissés avec ces propres cheveux, ses flammes faisant fondre tout ce qui entrait en contact avec elle. Ses protections métalliques couvraient tout son corps ferme et tonique, musclé par la pratique du corps-à-corps, celles de ses jambes dissimulées par sa robe de juge, les pièces d’aciers suffisamment articulées pour lui permettre de se battre à mains nues, ses poings entourés des gantelets qu’il lui avait offert pour leur mariage, mêlant l’emblème de leur deux familles, son visage complètement neutre et fermé, surement elle aussi remplie de reproche, droite et digne, le pas d’une reine, ces yeux bleus azur comme des aigues-marines lisant en lui comme dans un livre…
Lambert sentit son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, enflammé par des souvenirs vieux et tendres, quand il n’avait pas réalisé assez vite à quel point elle était chère à son cœur… à nouveau, ils étaient tantôt à Garreg Mach, s’entrainant tous les deux au combat aux gantelets, Héléna menant sur le plan technique, lui la complétant avec sa puissance brute… tantôt en train de travailler côte à côte à Fhirdiad, la patience d’Héléna quand elle lui expliquait des notions de droits et de diplomatie complexes qu’elle arrivait à rendre simple à comprendre… elle n’aurait pas été reine, elle aurait fait des merveilles comme professeure… tantôt en train de déjeuner tous les deux, elle dévorant un plat de fromage, appréciant la texture coulante des différentes spécialités de Faerghus, Lambert ne pouvant s’empêcher de sourire en voyant le contraste entre son attitude toujours très droite et digne, et sa joie simple de racler de la meule la raclette ayant fondu sous l’action d’une flamme pour l’étaler sur du pain, comme on le faisait souvent dans les piémonts de Charon… Dimitri tenait son gout pour eux de sa mère, il adorait à peu près tous les types de fromages… elle aurait survécu, l’homme était sûr qu’ils se seraient très bien entendu… Dimitri avait beau lui ressembler comme deux gouttes d’eau, à l’intérieur, il tenait de sa mère… ils se ressemblaient tellement…
Il ne pourrait jamais oublier son soulagement quand elle fut sûre d’être « enfin » enceinte, sa peur de rêver pendant les premiers mois, de juste trop vouloir l’être et que son corps lui jouait un tour cruel, demandant tous les matins si ce petit être en elle était bien là, jusqu’à ces coups de nourrisson, se sentant légèrement plus tôt grâce à son emblème, ne balaye tous ses doutes, même si la peur de la fausse couche restait toujours dans son esprit… dans ces moments-là, Lambert la prenait dans ses bras et restait avec elle en lui assurant que oui, qu’ils avaient réussi, qu’ils allaient vraiment avoir un enfant et que ce bébé serait aussi formidable que sa mère… il la revoyait sourire, son fredonnement qui sonnait comme un rire alors qu’elle n’avait pas l’amusement facile… ces moments tout doux qui commençaient à lui faire réaliser qu’elle avait une place si particulière pour lui… même s’il avait compris bien trop tard…
La revoir maintenant, même après les années, le deuil et le temps qui avait passé, c’était comme approcher son doigt d’une bougie… on se rapprochait pour mieux y voir, avoir plus chaud et être rassuré par sa lueur mais, à trop s’en approcher, on s’y brûlait à cause de vieux sentiments gelés par le temps mais, qui semblait revenir à la vie à sa lumière… il se maudit à moitié en sentant son cœur retomber à nouveau amoureux de sa première épouse, malgré ses sentiments pour Patricia toujours vifs… la chercher à nouveau… cette douce chaleur qu’il pouvait suivre les yeux fermés, sachant qu’elle le guiderait toujours à bon port en temps et en heure, même si elle le brûlait parfois… tout le contraire de Patricia alors qu’elles se ressemblaient comme deux jumelles, mise à part qu’Héléna était blonde comme les blés et Patricia brune comme certaines feuilles d’automne… elles ne s’entendraient surement même pas toutes les deux…
À son arrivée, Rodrigue lui avait demandé s’il voyait Héléna ou Patricia en regardant la seconde… c’était pourtant impossible de les confondre… si Héléna était une bougie, Patricia était un feu de forêt une fois la gêne et la peur du début évaporer, toujours vif, toujours fort, enrageant de plus belle dès qu’on négligeait de le contenir ou de l’entretenir, sachant parfaitement dans quel sens il voulait progresser… impossible à ignorer, il ne pouvait y résister… Lambert aimait les deux femmes, aimait Patricia et ne voulait pas que leur histoire s’arrête, avait accepté de faire son deuil d’Héléna mais à l’instant, dans ce rêve… son cœur voulait juste se souvenir de cette flamme qui lui réchauffait doucement les mains… même si Patricia pouvait être jalouse, comme cela arrivait parfois quand il parlait de sa mère à Dimitri, qu’il mentionnait à quelqu’un que son fils avait toutes les qualités d’Héléna… Lambert osait à peine fermer les yeux de peur que la bise autour d’eux ne la souffle à nouveau et qu’il la perde encore à jamais…
Cependant, après avoir longtemps lutté, il fut obligé à un moment de battre des paupières… cela ne dura qu’un instant mais, Héléna fut remplacer par Patricia, en grande robe adrestienne, alors que le rêveur maudissait son cœur de pleurer la perte de la première… mais il eut à peine le temps de le faire.
Sa deuxième épouse se déforma, se changeant en énorme chien de chasse, un sourire aux babines alors qu’elle se jetait sur lui, lui arracha la gorge en riant, se moquant de lui… la douleur le foudroyait sur place mais, contrairement avec Alix où il n’avait pas voulu contre-attaquer de peur de le blesser, il sentit sa main se serrer en poing, puis se lever pour la frapper en pleine tête selon une technique d’Héléna, sûr de la tuer sur le coup à cause de la force de son emblème… la tête de Patricia qui replonge pour…
« Tu n’as pas les épaules pour être un roi ! Tu n’es pas fait pour ça ! Jamais je ne laisserais le Royaume entre les mains d’un inconscient comme toi ! Jamais ! »
Lambert se réveilla en sursaut, haletant et couvert de sueur. Déesse ! Quel cauchemar ! Il n’en avait jamais fait des comme ça ! Qu’est-ce que cela voulait dire ?!
« C’est à cause de la dispute… songea-t-il en passant ses mains sur son visage. Il faut que j’aille m’excuser… »
Il but à grandes gorgées et se passa de l’eau sur la figure pour bien se réveiller et enlever le gout de cendre de son rêve de son être, puis se leva, ayant beaucoup à faire aujourd’hui.
L’homme vit Areadbhar luire sur son présentoir, comme certains minéraux luisant dans le noir, droite et fière, entouré de son aura gelée… elle semblait un peu différente aujourd’hui, son froid ne ressemblait plus à la neige comme quand il la maniait mais, aux glaciers trônant silencieusement au-dessus des montagnes, comme son père en était encore le porteur… il s’en occuperait plus tard, il allait avoir une journée chargée…
En sortant, Lambert rejoint Gustave pour s’occuper de ses obligations du début de journée, gérant autant qu’il pouvait les colères des diplomates et de la chancellerie, semblant découvrir de nouvelles erreurs chaque jour dans sa correspondance, ainsi que gérer les vassaux du Royaume. Encore quatre délégations de petits fiefs qui annonçaient que leurs seigneurs ne pourraient envoyer personnes à Duscur, manquant eux-mêmes de bras dans la vie de tous les jours, mais ils voulaient bien envoyés ceux qui croupissaient dans un cachot pour compléter le convoi si nécessaire… ils étaient nombreux dans ce cas…
Vers midi, après avoir avalé son déjeuner en deux bouchées, Lambert trouva cinq minutes pour tenter d’aller voir les jumeaux, autant pour s’excuser que pour le travail. Ils étaient chargés de la coordination entre les différents corps de métier présents dans le convoi, de l’organisation, fixait l’approvisionnement… le roi devait vérifier que tout se passe bien. En plus, ils étaient débordés, et comme l’avait fait remarqué Alix hier, ça passerait mal s’il s’interrompait dans son travail pour quelque chose qui pourrait sembler trivial, et le leur par la même occasion…
Il laissa passer un messager qui sortait en courant de leur étude, puis entra. Lambert les entendait discuter à toute vitesse entre eux, se comprenant malgré les mots mâchés ou oublié pour aller plus vite, sachant que l’autre arriverait à traduire. Au moins, personne ne pouvait espérer grapiller des informations en les écoutant, c’était trop incompréhensible pour être espionné… même s’ils lui rétorqueraient surement que quelqu’un de motiver à grapiller des informations ferait tous les efforts du monde pour les comprendre. Nicola leur faisait face, notant en silence les résultats de ses comptes tout en maniant avec habilité et habitude son abaque.
« Les jumeaux ? Demanda l’homme blond en entrant, s’annonçant avec un léger coup à la porte. Est-ce que je peux…
Leur échange s’interrompit brutalement quand il entra, leurs visages se fermant complètement, devenant lisse comme de l’eau, même si l’expression de colère restait sur celui d’Alix. Comme toujours, celui de Rodrigue était plus neutre, impossible à lire mais, il ne pouvait cacher ce que reflétait ses yeux : de la tristesse, de la déception, et à sa grande honte, un peu de peur… Lambert ne voulait vraiment pas lui faire mal à ce point ! Nicola ne disait rien, relevant à peine les yeux de son travail avant de retourner à ses calculs, bien que le roi sache qu’il écoutait toujours attentivement et ne laisserait pas passer la moindre faute.
– Qu’est-ce que tu veux ? Lui demanda le cadet avec froideur. Si c’est pour le ravitaillement du convoi, on est allé racler de partout pour que les marchands arrivent à tout fournir pour le jour du départ mais bon, ça a un prix la précipitation.
– D’accord, je l’ai aussi vu, et Maxine Sully m’en a parlé, les agents du trésor se chargeront de cela avec elle, tout en évitant d’acheter à crédit le plus possible pour ne pas avoir d’intérêt à payer plus tard…
– Tiens ? Un soupçon de bon sens dans cette farce, ça change, rétorqua-t-il, le silence de son ainé toujours aussi lourd de sens.
– Alix… Lambert mordit un peu son envie de répliquer, ne voulant pas encore plus foutre en l’air leur amitié qu’il ne l’avait déjà fait en moins de vingt-quatre heure, avant de tenter de commencer. Rodrigue, Alix, écoutez… je voulais vous dire pour hier que je suis vraiment…
– Vos Grâces ! Un soldat de la troupe ordinaire rentra en trombe dans l’étude, visiblement paniqué alors qu’il hurlait. Venez vite ! C’est les troupes des Blaiddyd et celles de Fraldarius ! Elles sont en train de se battre dans la cour d’entrainement principale ! Le Jeune Loup a été pris dans la bagarre quand il a essayé de les séparer !
– Quoi ?! Hoquetèrent les jumeaux.
Sans hésiter, ils sautèrent de leur siège et se précipitèrent sans attendre là-bas avec leur compère, Lambert les suivant sans hésiter. Les choses ne faisaient qu’empirer si leurs troupes se battaient entre elles ! C’était pas le moment d’être divisé à ce point !
La cour d’entrainement ressemblait à un champ de bataille, les soldats en sarcelle et ceux en bleu roi se battaient sans retenir leurs coups sur le sable, même heureusement, la Déesse soit louée, il ne semblait pas avoir pris leurs armes de bois ou utiliser la magie, ça ferait moins de dégâts.
« Assez ! »
La voix de Rodrigue retentit comme un coup de tonnerre dans la cour, soutenu par un éclair lancé vers le ciel pour figer tout le monde. Les soldats retrouvant leur calme après s’être fait prendre, ils se séparèrent de chaque côté des sables, même s’ils se foudroyaient tous du regard, des insultes marmonnés dans les deux troupes. Bernard tirait une Estelle hors d’elle en arrière, le sang coulant de son nez cassé, alors que Glenn aidait Jacques à se retirer, ce dernier ayant le visage tuméfié et ayant du mal à marcher comme s’il avait été roué de coups.
Lambert s’avança pour essayer de savoir ce qui s’était passé mais, Nicola le retient d’un bras, soufflant simplement des mots froids.
« Restez en arrière, regardez et apprenez lionceau. »
Les jumeaux se redressèrent, droit et calme, même si leur mécontentement était impossible à ignorer, le regard sévère. Ils s’avancèrent au milieu du terrain d’entrainement, Alix questionnant les deux côtés du conflit pendant que Rodrigue soignait Jacques, le plus blessé de tous.
« Qu’est-ce qui se passe ici pour que vous vous battiez comme des ivrognes dans une taverne ? Vous faites honte à votre fonction !
– Cette bande de… Estelle se retient d’être grossière en voyant le regard de loup sur elle, devenant plus mesurée. On s’entrainait chacun de son côté à la base, puis Jacques est allé voir d’anciens compagnons d’armes, mais des co… des nobles lui sont tombés dessus et ils se sont mis à le rouer de coups ! On est venu pour les séparer mais, d’autres sont arrivés et oui, on s’est mis à se battre ! Mais bon, entre ça et cette folie furieuse d’aller en Duscur, au bout d’un moment, faut pas pousser les gens à bout !
– Qu’est-ce que vous vous êtes dit exactement Jacques ? Demanda l’ainé des jumeaux en finissant de remettre son nez droit, même s’il garderait probablement une bosse dessus, le visage et la voix toujours aussi lisse que la surface du lac.
– Merci Votre Grâce… je leur parlais de mon travail à votre service, et je disais que j’en étais très content car, je comprenais mieux la logique des ordres et de vos actions… que c’était plus cohérent donc, je savais mieux qui je protégeais… j’ai aussi dit que même si j’avais accepté d’aller en Duscur, c’était plus pour remplacer une personne désignée car, je ne pense pas que ce soit une bonne idée, expliqua-t-il, honteux de les avoir mis dans une situation pareille. J’en parlais à des amis roturiers quand des soldats de la noblesse de l’Ouest sont venus pour me dire que vous étiez trop remuant pour des Fraldarius… … … que vous vous comportiez presque en roi dans votre fief car, vous appeliez Sa Majesté sur ses erreurs et vous vous opposiez souvent à lui ces dernières années, que ce soit dans l’affaire de l’Adrestien brûleur d’enfant ou pour cette rencontre diplomatique à Duscur… et que je n’avais pas à m’agenouillez devant vous quand je vous ai demandé de me prendre à votre service pour payer ma faute car, on ne pose les deux genoux à terre que devant le roi ou les prêtres… même si je l’ai plus fait en signe de repentance que de soumission… ils voyaient cela comme un signe de rébellion et d’arrogance de votre part… j’ai un peu haussé le ton pour leur dire que c’était faux mais, je me suis retrouvé à voir des étoiles à cause d’un coup de poing en pleine figure… je vous demande humblement pardon pour vous causez autant de tort… je ne pensais pas que cela tournerait aussi mal… je n’aurais pas dû parler ainsi… le Jeune Loup et la Capitaine Duchesne ont voulu nous séparé quand ils ont vu qu’ils m’avaient frappé mais, ils se sont pris des coups aussi alors, ils les ont rendus, puis d’autres des deux côtés sont venus soutenir les premiers… ce n’est pas leur faute Vos Grâces, je le jure… tout est de mon entière responsabilité, j’aurais dû mieux me tenir… tout le monde est à cran ces dernières semaines à cause du voyage qui se prépare, je n’ai fait qu’attiser inutilement les tensions entre les différentes factions. Je suis prêt à en assumer toutes les conséquences.
– Hun ! Vous avez tous un problème de comportement chez les Fraldarius ! Vous vous comportez avec vos ducs comme si c’était les rois alors que quand Sa Majesté vous ordonne quelque chose, vous devez obéir ! Mais non ! Il faut que vos chers ducs répètent l’ordre pour que vous le fassiez ! S’exclama un des soldats en bleu roi, un fils de seigneur mineur de l’Ouest s’il ne se trompait pas.
– C’est vrai ! Et quand vous recevez le roi, tout votre fief est froid à en geler l’air avec lui ! Ajouta une autre, également une petite-fille d’un châtelain de l’Ouest. On sait, vous lui en voulez pour ce qui s’est passé y a quatre ans mais, passer à autre chose ! Surtout que vous avez eu ce que vous vouliez ! Il est chassé à vie votre dangereux assassin de gosse ! Vous pouvez réobéir aux ordres maintenant ?! Et on sait que Loog a été très généreux avec son conseiller Kyphon et sa famille mais tout de même ! N’oubliez pas qui est le roi dans ce Royaume !
– Votre Majesté ! L’appela une autre soldate d’origine noble, apparenté aux Rowe s’il ne se trompait pas. Vous devriez vous méfier d’eux ! Sérieusement ! Leurs terres sont immenses, leur duché riche, ils tiennent la côte est, et leurs sujets leur obéissent sans discuter ou réfléchir ! Vous devriez vous méfier qu’ils ne tentent rien contre vous ! Après tout, ils sont quasi indépendants grâce aux Kyphonis Corpus !
– Qu’on leur mette un chien à la place de leur loup sur leurs armoiries ! Ils comprendraient surement mieux quel est leur vrai rôle ! Cracha un autre.
Lambert vit les soldats de Fraldarius se raidirent, se retenant de leurs renvoyer leur venin en pleine figure mais, un regard et un signe de tête de leurs ducs suffit à les empêcher de répondre.
– Nous respectons toujours le principe fondamental du Kyphonis Corpus, nos deux familles se soutiennent et s’entraident en toute réciprocité avec interdiction de prendre les armes l’une contre l’autre, ainsi que celle de protection familiale, qui nous donne le droit de nous retirer si un membre de notre famille est menacé par l’autre, rétorqua Rodrigue, imperturbable. « Que nos deux familles se prêtent un appui mutuel et s’aident réciproquement suivant les occasions contre les ennemis du Royaume, de son peuple et de la Sainte-Église de Seiros. ». « Que personne n’ose, pour un quelconque sentiment de cupidité, ruiner ce traité de paix dans l’un quelconque de leurs domaines : que si quelqu’un l’ose faire, qu’il encoure le châtiment commun de tous les deux. », tels sont les mots rédigés par Sa Majesté Loog le Lion lui-même à la faveur de son plus fidèle ami, alors qu’il n’était encore qu’un bâtard ayant passé sa vie à errer dans le nord pour nourrir sa fille Clothilde. La protection de la famille à tout prix est un des fondements de notre lignée, remontant même jusqu’à Fraldarius lui-même. Le Brave de la persévérance a toujours travaillé d’arrache-pied pour protéger son peuple qu’il nommait lui-même la « maison de son père », est toujours rentré chez lui afin d’accomplir sa tâche, même après plus de quinze ans d’esclavage, et aujourd’hui encore, il protège son sang des maux qui le menace.
– De plus, même si nous sommes fidèles à la couronne, fidélité ne signifie pas fanatisme, ajouta Alix, la voix plus dure que celle de son frère. Nous avons notre propre ligne politique, nos propres opinions, nos propres pensées, nos propres devoirs en dehors de la couronne… il est normal et même sain que nous nous opposions à ce que nous trouvons dangereux pour le bien commun. Nous sommes contre ce voyage en Duscur, cela n’est un secret pour personne, mais nous continuons à remplir au mieux nos devoirs envers toutes les personnes faisant partie du convoi royal, afin que tout se passe du mieux possible, soit ce que nous devons tous faire, conclut-il en regardant tous les partis présents sur le champ d’entrainement.
Il eut un instant de silence d’acceptation, avant que Rodrigue ne le rompe en tapant dans ses mains, regardant à nouveau Lambert avant de déclarer.
– Bien. Maintenant que nous savons ce qui s’est passé, nous devrions parler de tout cela chacun de notre côté pour mettre les choses au clair, afin que ce genre de situation ne se répète pas. Comme l’a très justement fait remarquer Jacques, la situation est tendue, nos relations avec Duscur dépendent de ce voyage alors, nous devons éviter de nous diviser, même si les circonstances rendent cela très difficile.
Nicola laissa alors Lambert partir, marmonnant dans sa barbe en rejoignant ses seigneurs pour sermonner leurs hommes et Glenn. Le roi fit de même avec sa garde, leur assurant que les Fraldarius lui étaient bien fidèles et qu’ils ne faisaient rien contre la loi, leur rappelant aussi qu’ils ne feraient rien qui mettrait en péril la sécurité de leur famille, ce qu’une trahison ferait étant donné qu’à cause des immenses privilèges des dix lois du Kyphonis Corpus, ils avaient des peines plus lourdes s’ils manquaient à leurs obligations, tout comme la famille royale, même si on ne pouvait plus les condamner à mort contrairement à leurs conseillers, même si c’était des ajouts plus tardifs au texte de Loog. Heureusement, les roturiers comprirent assez vite mais, les soldats d’origine nobles n’avaient pas l’air convaincu, surtout ceux de l’Ouest. Malgré les contreparties, les privilèges accordés à Kyphon par Loog faisaient énormément d’envieux, tout comme leur position…
Une fois les esprits un peu apaisés, Lambert retourna dans son étude pour se remettre au travail, ayant encore des courriers à envoyer et des actes à lire, ainsi que des demandes d’appel à traiter… bref, il allait bien être occupé… et il ne s’était toujours pas excusé… pour demain… une fois que tous les esprits se seraient refroidis…
Il travailla jusqu’à tard avec Gustave, avant de finir quand les cloches de l’église sonnèrent les vêpres. Posant sa plume et refermant son encrier en veillant à ne pas les casser dans sa fatigue, il se leva en gardant juste encore quelques dossiers à traiter avec lui, il s’en occuperait après avoir mangé avec Dimitri, il se réservait toujours du temps pour passer au moins dix minutes avec lui tous les soirs, même s’il devait rogner sur sa nuit et travailler dans sa chambre. Le roi, accompagné de son maitre d’arme, se rendit donc dans l’aile du palais où son fils et lui dormaient mais, au lieu d’être tout seul comme souvent en ce moment, Dimitri l’attendait avec Félix, ce dernier ayant le nez et les sourcils froncés de colère alors qu’il marmonnait.
« …et moi je te dis qu’il dépasse les bornes ! Il agit vraiment très mal avec eux en ce moment !
– Mais non ! Je te jure que mon père ne pense pas à… ah ! Papa ! S’écria son fils en le voyant. Félix voudrait te dire quelque chose !
– J’entends ça, répondit-il, devinant un peu ce qu’allait dire le louveteau. Qu’est-ce qu…
Félix le coupa brutalement en lui donnant un coup de pied dans les jambes, son emblème majeur brillant autour de lui. Elle s’activait déjà très souvent mais, elle intervenait presque à chacun de ses coups sérieux depuis que Fraldarius l’avait sauvé. C’était peut-être à cause de sa marque dans son dos… Le louveteau s’écria, furieux.
– T’es méchant ! Pourquoi tu fais du mal à mon père, à mon oncle, à mon frère et à Nicola ?! Ma famille ne t’a rien fait ! C’est toi qui nous as fait mal le premier avec Volkhard ! Pourquoi tu continues à être aussi mauvais avec nous ?!
– Mais enfin Félix ! Pourquoi il serait méchant avec eux ? Ils sont amis ! Les amis ne sont pas méchants et ne se font pas de mal les uns les autres ! S’exclama Dimitri sans comprendre, Lambert se rappelant douloureusement ce qu’Alix lui avait dit, que son neveu avait vu son père après qu’il se soit tétanisé à cause de leur discussion.
– Alors, c’est le pire des amis ! Feula-t-il en le regardant. Il a dit des choses horribles à mon père et l’a fait pleurer ! Mon oncle était furieux après avoir parlé avec lui ! J’appelle pas ça un ami !
– Félix… hum… Gustave ? Tu peux emmener Dimitri à la salle où on a dressé la table ? Lui demanda-t-il. Je vous rejoints très vite pour souper, c’est promis. Tu veux bien Dimitri ? Je parle un peu avec Félix de ce qui se passe, je ne devrais pas en avoir pour très longtemps, d’accord ?
– Hum… d’accord… » répondit son fils en suivant Gustave, même si tout cela l’étonnait et qu’il s’inquiétait déjà. Il devait également se demander ce qui se passait. Il avait l’esprit vif d’Héléna après tout…
Une fois qu’il fut hors de portée d’audition, Lambert se baissa à la hauteur de Félix en soufflant, espérant se faire comprendre du louveteau.
« Je te promet que je ne voulais pas les blesser Félix. Je n’y ai juste… pas pensé, même si j’en ai honte maintenant. Je n’ai pas du tout pensé à Guillaume quand je l’ai dit. C’était extrêmement maladroit de ma part mais, je voulais juste dire que j’avais confiance en Dimitri et en l’avenir, surtout que je pense que tout se passera bien. Personne n’a d’intérêt à ce qu’une guerre se déclenche, même si je comprends pourquoi ça les angoisse autant. Je te promets que ce n’était pas volontaire et que je ne voulais pas leur faire du mal. Je n’ai pas pu le faire aujourd’hui mais, je vais aller m’excuser et m’expliquer avec eux.
– Même ! Tu aurais dû y penser avant ! Nous, on fait attention quand on parle ! Personne ne dira à Sylvain que c’est bien que les frères se battent, à Ingrid que ça endurcit de vivre dans un fief pauvre, ou à Dimitri ou moi que ce n’est pas grave de ne pas avoir de mère ! Pourquoi t’as dit que c’était pas grave si tu mourrais ?! Dimitri t’adore ! Tu ne vas pas lui faire ça ?! Comment tu as pu leur dire ça alors que leur père est mort quand ils étaient petits ! Tu as fait pleurer mon père à cause de tout ça car lui, il n’est pas un idiot insensible comme toi ! T’es juste trop bête pour ne pas y avoir pensé ! Tu fais rien à la bonne vitesse en plus ! Tout le monde dit que tout va trop vite pour aller à Duscur mais quand c’est pour ton copain Volkhard, là, tu vas lentement alors qu’il aurait pu brûler Dimitri aussi ! T’es vraiment stupide ! Tu connais mon père et mon oncle depuis que t’es né non ? Comme nous quatre ?! Pourquoi tu les écoutes pas alors qu’ils ont toujours été avec toi ?!
– Félix… c’est plus compliqué que ça… je sais que j’ai fait une énorme erreur en disant cela, je n’aurais jamais dû le dire devant eux… je te promet que je vais aller m’excuser mais, ce n’est vraiment pas pour ça que…
– Tu le penses alors, c’est pareil, rétorqua-t-il. En plus, tu leurs fais peur en forçant tout le monde à aller à Duscur alors que personne n’a envie d’y aller ! T’emmène Glenn et Papi Nicola ! T’as intérêt à les ramener entier sinon… sinon… sinon je serais pas content et je te tape encore !
Comme pour souligner qu’il le ferait, il lui donna un autre coup de pied, puis fila après lui avoir hurlé sans cacher son inquiétude.
– Ne fait plus de mal à ma famille ! »
Lambert ne le rattrapa pas, sachant à peine quoi dire au louveteau et sachant que quoi qu’il dise, Félix s’obstinerait et ne l’écouterait pas… il ne put que marmonner, passant sa main sur son visage.
« Vous êtes vraiment une meute… il faut que tu arrêtes de dire qu’il ressemble à Félicia Rodrigue… c’est ton portrait craché… c’est un loup aussi… vous tenez autant à votre famille l’un que l’autre…
– Qu’est-ce qui t’arrive frangin ?
Il tourna la tête et vit Rufus s’approcher, les mains dans ses poches, visiblement un peu étonné de le trouver comme ça.
– Ce… ce n’est rien… Félix m’a disputé à cause de ce qui s’est passé avec les jumeaux hier… faut dire, j’aurais jamais dû dire ça à Rodrigue… c’était évident qu’il allait faire le lien avec la mort de Guillaume… j’ai vraiment merdé pour le coup… j’ai même pas eu le temps de m’excuser aujourd’hui…
– Mon petit frère qui devient grossier, c’est rare. Et c’est un fifils à son papa le gamin, il est capricieux, rétorqua Rufus. C’est normal qu’il vienne te pourrir car, t’as légèrement froissé l’égo de ces deux-là. Ils en ont beaucoup trop depuis qu’Arundel a été exilé à vie. Bon, c’était la chose à faire mais bon, depuis, ils ne se sentent plus pisser et leur fief aussi. Laissez-les mariner, ils font juste d’une montagne une sourie car, tu ne leurs as pas cédés sur ce voyage. Je suis sûr que tu n’as rien dit de si terrible en plus. C’était ce que tu m’as raconté hier soir ?
– Oui… enfin… ça leur a quand même rappelé la mort de Guillaume…
– Tout leur rappelle la mort de Guillaume. Le vieux Ludovic avait bien tort en pensant qu’il aurait pu avoir les épaules pour tenir le Royaume à ta place… t’as rien à te rapprocher, je te jure alors, enlève-toi ça de la tête. En plus, on fait attendre Dimitri là. Allons manger, ça te fera du bien.
– J’espère que tu as raison… se rendit Lambert, même si cela lui resta en tête. Et oui, il nous attend. Je pose ses dossiers et j’arrive. »
Il soupira en espérant que tout cela n��impacterait pas l’amitié de Félix avec Dimitri, puis l’homme alla poser sa liasse de document sur son bureau, ayant déjà fait suffisamment attendre son fils comme ça.
Il crut gelé sur place en entrant dans la pièce, l’atmosphère lourde et glaciale comme si le blizzard avait soufflé à l’intérieur et tout recouvert de glace, même si rien n’avait changé depuis ce matin, à part son lit qui avait été refait, sa carafe d’eau reremplie et la table remplacée par une qui n’était pas cassée. Il avait justifié la trace de coup par un moment de fatigue qui l’avait fait tomber un peu trop fort dessus.
« Déesse, il caille ici ! On se croirait en Sreng ! Se plaint Rufus qui l’avait suivi. Mais qu’est-ce qui pourrait prov… »
Areadbhar s’agitait sur son présentoir, semblait grelotter sur sa hampe, brillant dans le noir comme un astre ensanglanté dans un ciel d’encre en hiver.
Ce n’était pas normal. La Lance de la Destruction pouvait bouger, s’agitait même souvent comme si elle voulait s’échapper des mains de son porteur, porteur qu’elle mordait continuellement quand ils n’étaient pas sur le champ de bataille, mais pas Areadbhar. La Lance de la Destruction était liée à Gautier, le Protecteur Sauvage, le Brave des Bêtes, capable de leur parler et de se transformer en l’un des leurs, mais leur Relique était l’arme de Blaiddyd, le Flutiste des Glaces, commandant à la neige et au froid. Elle était toujours immobile, toujours silencieuse, majestueuse malgré son fer trop semblable à une main, surement pour rappeler les doigts agiles de musicien de leur ancêtre, son souffle froid enveloppant son manieur avec à la fois force et douceur. Il ne l’avait jamais vu grelotter comme ça, comme si elle voulait tomber de son présentoir. Déesse, qu’est-ce qui lui arrivait d’un coup ?!
Posant en vitesse ses papiers dans les bras de son frère, Lambert se précipita vers sa Relique pour voir ce qui se passait mais, à peine eut-il frôlé la hampe de métal noir qu’il fut obligé de retirer ses mains.
« Eh ! Lambert ! ça va ?! S’inquiéta Rufus en courant vers lui, les papiers abandonnés sur la table. Qu’est-ce qui t’arrive pour que tu la lâches comme ça… »
Il se tût en découvrant les doigts de son cadet…
Ils étaient couverts d’engelure… comme après avoir encaissé un très puissant sort de glace…
Lambert ne put s’empêcher de fixer ses mains brûlées par le froid, horrifié.
Il se souvient alors d’une bêtise d’enfance avec son frère, alors qu’ils essayaient encore de s’approcher d’Areadbhar. Pas pour l’utiliser, seulement pour la voir alors que leur père ne la sortait jamais de son armoire, n’en ayant pas besoin depuis que son autorité était incontestée et Clovis mort…
« Tu veux essayer de la prendre Rufus ?
– Hum… pourquoi pas… après tout, bénie par la Déesse ou pas, ce n’est qu’une lance très lourde… Aïe !
– Rufus ! Rufus ! ça va ?! Qu’est-ce qu’il y a ?! »
Les doigts de son grand frère étaient couverts d’engelure, presque transformé en glaçon. Lambert le prit sur ses épaules pour le porter, assez fort pour le faire, puis l’emmena en courant chez un médecin de peur qu’il ne perde ses doigts, tant pis s’il devait se faire gronder par leur père après. Il ne voulait pas que Rufus soit blessé à cause de lui !
« Areadbhar ne m’a pourtant rien fait quand je l’ai touché, bégaya-t-il alors que la médecin soignait les brûlures de froid puis bandait les doigts blessés.
– C’est normal, c’est parce que vous avez l’emblème qui correspond à cette Relique contrairement à votre grand frère. Geler les doigts est sa manière de rejeter et de faire reculer les personnes osant la toucher sans avoir la bénédiction de Blaiddyd. »
C’était la manière dont Areadbhar rejetait les personnes qui n’avaient pas l’emblème pour la manier, comme un avertissement avant de faire pire et de les maudire… mais il avait son emblème pourtant ! Il l’avait depuis toujours ! Pourquoi leur Relique le rejetterait maintenant ?
« Je me souviens que quand j’ai arraché notre lance familiale des mains de mon père, elle s’est calmée et semblait soulagée, comme si elle était vivante et que je venais de l’arracher à un cauchemar… lui avait raconté une fois son père. Il faut dire, elle haïssait tellement Clovis qu’elle lui avait gelé les doigts. »
« Areadbhar gèle tous ceux qu’elle rejette… hacha Lambert en réalisant ce qui venait de se passer. Tous… Sans exception… Même ceux avec son emblème… Et elle a couvert mes mains d’engelure malgré mon emblème… ça veut dire qu’elle me… »
« Suffit ! » Avait craché Ludovic lors de leur dernière dispute la veille de sa mort, faisant tout pour éviter que son sang contaminé ne le touche en restant loin de lui, tremblant de tous ses membres alors qu’il se redressait pour lui faire face avec les faibles forces que lui avait laissé la tuberculose, seul son emblème lui permettant de continuer à se tenir debout et à se mouvoir, alors qu’ils se battaient encore sur le sort du plateau de Brionnic à nouveau… Déesse, il ne se serait jamais disputé comme ça avec lui s’il avait su qu’il mourrait le lendemain ! « Tu n’as pas les épaules pour être un roi ! Tu n’es pas fait pour ça ! Jamais je ne laisserais le Royaume entre les mains d’un inconscient comme toi ! Jamais ! »
« Tu t’y mets aussi… hein… vous vous liguez tous contre moi, c’est ça ? » Marmonna-t-il à sa Relique plutôt qu’à son frère, revoyant l’aura majestueuse qui l’entourait toujours quand son père la maniait, semblable aux neiges éternelles trônant en haut des montagnes, attentives à tout ce qui se passaient autour d’elle. Tout le contraire de lui quand il la maniait hors d’un combat, son énergie ressemblant alors à de la neige fraiche facile à manipuler pour jouer avec. « Je ne sais pas ce que tu imagines mais, je suis sûr que ce ne sera pas un tel désastre. Nous nous entendons depuis toujours avec Duscur, cette attaque est l’œuvre d’un seigneur isolé et ils sont pacifiques… et même si je déteste devoir penser à ce cas de figure, le rapport de force militaire est très clairement en notre faveur… il n’y a pas de raison que cela se passe si mal… juste… fais-moi confiance Areadbhar… … … et je perds la boule, soupira-t-il en se massant le front, je parle à une lance maintenant…
– Oui, c’est surement un hasard ou la fatigue si tes mains ont gelé, intervient Rufus. Et même si c’était vraiment c’est Areadbhar qui les a provoquées ces engelures, et alors ? C’est qu’une lance ! C’est juste une arme ! Elle n’y connait rien en politique et elle sait encore moins de choses sur celle de notre époque ! Elle a plus de mille ans ! Tout Fodlan s’est civilisé entre temps ! Il aurait fait quoi Blaiddyd à ta place à ton avis ?
– Je pense qu’il aurait discuté avec tous les partis et aurait tout fait pour trouver une solution pacifique à la situation, répondit-il honnêtement. Après tout, il s’agit du Brave de la Justice. Il a toujours agi quand la situation était injuste, comme lors qu’il a mis fin à l’esclavage, même s’il a dû passer par les armes pour arriver à ses fins… je suis sûr qu’il a tout tenté avant d’en arriver à la révolte générale…
– Tu parles ! S’exclama-t-il avec plus d’énergie que le cadet n’en avait jamais vu de la part de son frère ainé. Il a pris les armes en premier et il a discuté avec les cadavres après ! C’était il y a mille ans ! Ils ne réfléchissaient pas plus loin ou avec autres choses que leurs armes à l’époque ! Fraldarius et Dominic ne devaient pas voler bien plus haut que lui ! C’était peut-être de grands artistes et surement même les plus grands de l’histoire de Faerghus mais, c’était aussi des êtres pas très civilisés comme tout le monde à cette époque ! Ils ont défoncé l’opposition, fait des morts car c’était plus simple et évident, puis ils ont imposé ce qu’ils voulaient ! Oui, bon, c’était pour mettre fin à l’esclavage mais bon, c’était parce qu’ils avaient assez de jugeote pour que la Déesse les estiment digne d’un emblème et d’une de ses armes mais, imagine Blaiddyd aurait eu un objectif moins noble, il aurait juste installé sa tyrannie ! C’est juste ça ! Et je parie qu’ils étaient du genre à dire qu’ils ne font que suivre les ordres de la Déesse ou de leurs dieux avant qu’ils ne se convertissent ces trois-là ! Leur Aube est rempli de références aux dieux et à la nature qu'ils invoquent pour un oui ou pour un non ! Comme si c'était leurs dieux les serviteurs ! Si c’est pas la preuve qu’ils avaient la grosse tête ! Tu n’as pas à écouter un type de plus de mille ans ou ce qui en reste ! Il est forcément à côté de la plaque ! Est-ce que tu penses que cette rencontre en Duscur est la bonne chose et ce qu’il doit être fait pour que la paix perdure ?
– Oui, sincèrement mais…
– Il n’y a pas de « mais » qui tienne ! Le coupa Rufus en lui prenant les épaules. Tu penses que c’est ce qui a de mieux à faire alors, c’est que ça doit l’être ! T’as quand même la tête sur les épaules et qu’importe ce que Ludovic disait ! De toute façon, les jumeaux n’auraient pas autant ressemblé à leur paternel, ça aurait pu être ses gosses tellement il les préférait à nous deux ! Alors, arrête de te mettre Dominic en tête avec ce qu’il t’a dit alors qu’il était rongé de partout par la tuberculose ! Il n’avait plus du tout la capacité de raisonner de manière lucide de toute façon à ce moment-là ! Tu fais très bien ton travail de roi ! C’est juste que Ludovic était complètement paranoïaque pour être aussi prudent ! Faut dire… tu te souviens de sa tête ? Ce mec ne souriait jamais, n’avait aucune expression faciale, encore plus quand Guillaume a eu l’idée très conne de se faire poignarder devant lui alors que bon, il aurait pu s’arranger pour se prendre le poignard dans le bras ou quelque part où ce n’était pas mortel ! Ludovic était carrément morbide après ça ! Et bizarrement, les seuls moments où il dégelait un peu, c’est quand Aliénor venait se pavaner avec les moufflets qu’elle avait eu avec ce loup enragé de Guillaume et là, bizarrement, quand c’est les gamins de son grand frère adoré, tout devient bon et il arrivait à sourire un peu ! C’est juste qu’il avait ses chouchous et nous, on passait après ! Alors, emmerde ce qu’ils pensent tous deux, autant Blaiddyd que Ludovic ! Ils sont juste trop étriqués dans leur manière de pensée ! Tu fais très bien ton travail et tu es un très bon roi ! Arrête de douter de ça car, des types plus coincés et fermés te disent que tu fais catastrophe sur catastrophe ! Regarde ! Ils disaient tous que rien ne serait jamais prêt à temps mais, le convoi se monte bien ! C’est la preuve qu’ils ont tort et qu’ils ne voulaient juste pas se presser ! C’est tout !
Lambert n’était pas forcément d’accord avec tout ce que disait Rufus mais, il évita de trop commenter, surtout les parties sur Ludovic. Il savait que son frère ne portait vraiment pas leur père dans son cœur, surtout depuis sa mort, même s’il n’arrivait pas à brûler leur correspondance qu’il gardait dans sa cassette… leur relation était compliqué, comme souvent avec Ludovic… aucune des tentatives du cadet pour lui parler de leur père avec un peu plus de nuance n’avait réussi alors, il voulait éviter de se disputer avec Rufus aussi… ça ferait trop de tensions d’un coup pour lui et il craignait suffisamment de perdre les jumeaux… Lambert ne voulait pas perdre son grand frère aussi…
– Peut-être... céda-t-il. Ne faisons pas attendre plus longtemps Dimitri… on y réfléchira après… »
Cependant, la désagréable impression d’être épié ne le quitta pas, même quand Lambert ne regardait plus Areadbhar. C’était comme si le joyau à la base du fer jaune le jugeait en le regardant de haut…
Il cacha ses engelures sous des gants et les deux frères allèrent manger avec Dimitri, les attendant toujours. Ils ne lui dirent rien de ce qu’il venait de se passer pour ne pas l’inquiéter. Lambert le laissa parler en faisant tout pour cacher son trouble, ce qu’il arriva heureusement à faire.
Après l’avoir couché et embrassé, le roi et son frère allèrent voir Cornélia pour qu’elle soigne ces engelures étranges, tout lui faisant jurer de ne rien dire à personne, ce qu’elle promit sans contester. Au moins une autre personne en plus de Rufus qui l’aidait un peu…
En revenant dans sa chambre, Areadbhar s’agitait toujours, remuant en exhalant ce froid glacial digne des pires hivers srengs. Il avait l’impression que le Brave lui-même allait finir par débarquer, par sortir de sa lance pour lui hurler des reproches…
« Tu n’as pas les épaules pour être un roi ! Tu n’es pas fait pour ça ! Jamais je ne laisserais le Royaume entre les mains d’un inconscient comme toi ! Jamais ! »
Sans hésiter, les deux frères attrapèrent une couverture, roulèrent la Relique à l’intérieur pour ne pas se brûler à nouveau en la touchant, et l’enfermèrent à double tour dans une armoire malgré ses tremblements de protestation. Même enfermé dans du bois et du tissu, il l'entendait taper contre la paroi... quelle arme étrange...
« Je sens que c'est un signe du Brave... avoua Lambert en posant sa main sur le couvercle dur, vibrant à cause de sa prisonnière enragée. Après tout, c'est un don de la Déesse elle-même... peut-être qu'Elle essaye de communiquer comme elle peut...
- C'est plutôt que c'est l'arme la plus étrange de Fodlan, ou alors la preuve de plus que Blaiddyd n'y connait rien, rétorqua Rufus. Elle n'a jamais agi comme ça mais, c'est pas comme si c'était la seule Relique a bougé toute seule. La Lance de la Destruction aussi se tortille tout le temps et ça ne veut rien dire. Tu te fais des idées. »
Lambert n'était pas sûr mais, il hocha la tête, son ainé n'avait pas forcément tort... il espérait en tout cas...
Quand son cadet eu le dos tourné, Rufus donna un coup de pied dans la prison de bois, maugréant à l’arme cachée à l’intérieur.
« Ne t’en mêle pas. Tu sers juste à éventrer des gens, t’y comprends rien. T’es juste une lance et lui, il se débrouille très bien comme roi. Si c’est Blaiddyd, t’as encore moins de choses à dire, tu ne comprends surement rien à la politique de notre époque. Et si c’est toi Ludovic, ferme-là et apprend de Lambert, il se débrouille mieux que tu ne l’as jamais fait en se salissant moins les mains que toi. Il discute avant de prendre les armes lui au moins. Donc, ferme ta gueule et apprend. »
Il ignora le souffle glacial de désespoir qui exhala du coffre, qu’il fit taire en bouchant la serrure avec un peu de tissu et n’en parla pas à Lambert. Il l’enlaça avant de retourner dans ses appartements, confiant en son petit frère. En voyant la cassette enfermant le testament et les travaux de son père, Rufus l’empoigna de toute sa rage et voulut la lancer dans le feu, histoire d’effacer tous ce que Ludovic avait tenté de faire une bonne fois pour toute. Cependant, comme à chaque fois, il n’y arriva pas, les yeux de son père le fixant en le jugeant et comme lors de leur dernière dispute.
« Ne fait pas ce que toi tu veux. Fait ce dont le Royaume et nos sujets ont besoin.
– Non, c’est toi qui faisait ce que tu voulais et pas ce dont Faerghus avait besoin. Tu te cachais juste derrière pour faire en sorte que ces deux-là soient rois à la place de Lambert alors que la place lui revient de droit car, c’était les fils de ton « grand frère ». C’est de lui dont le Royaume a besoin et personne d’autres… il reposa la cassette dans sa cachette en se disant. Quand Lambert rentrera en ayant réussi à gérer Duscur, je lui montrerais le testament de ce vieux goupil. Rien que pour lui montrer à quel point Ludovic se trompait sur toute la ligne… »
*
Glenn s’exerçait encore avant de dormir, histoire de se calmer un peu de la journée, quand il vit Félix entrer dans la cour d’entrainement. Enfin… « s’exerçait »… si les pauvres passes qu’il faisait étaient dignes d’être appelés comme telles… il était tellement peu motivé que tout son travail était bâclé, comme quand il étudiait la magie tellement ça l’ennuyait… surement le contrecoup de subir un abruti fini doublé d’un connard… et c’était clair et net qu’il n’était pas le seul à le penser… il partageait ce dégout avec toutes leurs troupes, et quand ces imbéciles de l’Ouest avaient osé frappé Jacques juste pour avoir défendu ceux qui étaient maintenant ses ducs… c’était la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase pour beaucoup, profitant de la bagarre pour juste évacuer leur frustration les uns sur les autres… même lui n’avait pas pu s’empêcher de coller une beigne à un con qui lui disait qu’il devrait être un gentil toutou… et le pire, c’était qu’après le sermon public, les jumeaux et Nicola n’avaient même pas été si durs avec qu’eux qu’ils auraient pu – et même dû – l’être. C’était tout au plus un appel à garder son calme et patience, lâchant qu’ils comprenaient leur colère mais, qu’ils devaient tous être prudents pour que le fief ne subisse pas les conséquences de leur impulsivité… argument qui avait mis à peu près tout le monde d’accord quand ils ajoutèrent que chaque chose viendrait en son temps… même eux en avaient plus qu’assez de cette mascarade…
Mais ça, Félix ne devait pas le savoir, pas plus qu’il n’en savait déjà en tout cas. Il était trop petit pour ça et déjà beaucoup trop appliqué dans cette farce grotesque… Déjà qu’il avait la tête basse et semblait furieux…
« Oui Félix ? Qu’est-ce qu’il y a ?
Son petit frère ne répondit pas tout de suite. Il le rejoignit juste et noua ses bras autour de sa taille, le serrant assez fort pour le retenir, son emblème brillant légèrement sous sa longue tresse courant dans son dos, comme s’il essayait de se coller à lui. Il cacha son visage dans son gambison d’entrainement en ordonnant, même si sa voix était faible.
– Tu ne pars pas.
Il aurait dû parier que ce serait à cause de ce foutu voyage…
– Ça ne marche pas comme ça louveteau, soupira-t-il. Il va falloir que j’y aille, il faut qu’un membre de notre famille soit toujours au côté du roi dans ce genre d’occasion.
– Pas si je te tiens comme ça. Je suis trop petit pour y aller même si Dimitri y va. Si je ne te lâche pas, tu ne pourras pas partir.
– Si ce n’est pas moi, ce sera papa ou Alix… » rétorqua-t-il, même si c’était plus pour la forme et parce qu’il le devait, pas parce qu’il le voulait. Il aurait voulu que ce soit aussi simple que dans les pensées de son petit frère. Il préférerait que la solution de Félix marche et rester ici avec lui.
« Alors je les tiendrais aussi. Nicola aussi. J’ai failli réussir empêcher papa à aller à Sreng comme ça, je vais juste y arriver cette fois. Si Ingrid ou Sylvain tienne Dimitri, il ne devrait pas partir aussi. Personne ne part, point », la prise se resserra alors qu’il crachait, aussi dégouté que lui. « Lambert ne vous mérite pas de toute façon.
– À ce stade, ce n’est pas moi qui vais te dire le contraire, assuma Glenn, mentir ne ferait que lui attirer l’ire de son petit frère, il détestait les menteurs. Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu agisses comme ça d’un coup ?
– Je suis allé voir Lambert pour lui dire que c’était un abruti et qu’il avait fait mal à papa et Alix. Je voulais savoir pourquoi il était aussi méchant avec eux…
– Et il t’a dit quoi ?
– Qu’il était désolé et qu’il ne voulait pas dire ça devant eux… qu’il n’y avait pas pensé et qu’il n’aurait pas dû le dire à papa. Mais bon, il le pense quand même que c’est pas grave quand quelqu’un meurt, c’est pareil… c’est juste un crétin… alors je lui ai dit qu’il avait intérêt à vous ramener entier car sinon, je le frappe encore…
– Car tu l’as frappé ? Quelqu’un t’a vu ? Hoqueta-t-il un peu, ne s’attendant pas à ce que Félix soit allé aussi loin.
– Je lui ai donné un coup de pied dans les jambes quand il est arrivé, avec mon emblème qui s’est activé car, il le mérite. Puis un autre normal avant de partir en lui disant de ne pas faire de mal à notre famille. Il y avait Dimitri et Gustave pour le premier coup mais, Lambert les a fait partir alors, ils n’ont pas vu le deuxième.
Glenn fit tout pour étrangler la satisfaction que Lambert se soit pris la baffe qu’il méritait, revenant très vite à la réalité. Félix pouvait risquer très gros pour le coup. Frapper le roi était une atteinte à la dignité royale et un crime de lèse-majesté, ce geste de colère pouvait être très dangereux pour eux tous si un de leurs ennemis l’avait vu.
– Je comprends que tu ne l’aimes vraiment pas et très honnêtement, je suis d’accord avec toi Félix. Mais il faut que tu fasses très attention. La mauvaise personne t’aurait vu, cela aurait pu couter très cher à notre famille. Tu es mineur alors, il ne t’arrivera rien de trop grave car tu n’es pas encore responsable de tes actes mais, c’est papa qui doit en répondre à ta place, lui expliqua-t-il. Cela pourrait lui causer de gros ennuis.
– Ah non ! S’exclama-t-il, n’y ayant clairement pas pensé, serrant encore plus les poings dans son gambison. Je ne suis pas Lambert ! Je veux qu’il ne lui arrive rien !
– Alors, il faut faire attention jusqu’à la fin de ce voyage et se tenir tranquille, même si ça nous dégoutte… et crois-moi que je sais de quoi je parle… songea-t-il en repensant à cette farce grotesque dans laquelle les avait tous précipités Lambert. Je comprends mieux pourquoi les srengs pensent que respecter quelqu’un d’irrespectable, c’est s’insulter et se rabaisser soi-même… … … … quand je reviendrais, on s’entrainera à nouveau ensemble à la maison, lui jura-t-il en passant sa main dans ses cheveux après un instant de silence.
– Vraiment ? Lui demanda-t-il en relevant enfin la tête, les yeux brillant de joie à cette nouvelle. Mais ça ne te prendra pas trop de temps sur ton travail ici ?
– Oh… tu sais, je ne suis pas sûr de rester dans la garde royale plus longtemps que les cinq ans obligatoire… y a beaucoup à faire à la maison aussi. Papa et Alix ont beaucoup de travail et Nicola a bien mérité de prendre sa retraite alors, ce ne serait pas mal s’ils avaient plus d’aide.
– Mais tu ne veux pas être duc, tu veux être chevalier ! Tu as toujours voulu l’être ! S’exclama-t-il en se décrochant un peu de lui, étonné à son tour.
– Je le serais toujours, t’en fais pas ! je ne vais pas arrêter et enterrer ma vocation comme ça ! Rétorqua-t-il. Un chevalier, un vrai, c’est quelqu’un qui aide les autres et qui fait tout pour que le plus grand nombre de personne s’en sorte, tout en sachant qui aider en premier et remettre les choses en question tout en s’en posant. Je ne vais pas arrêter de le faire, ne t’en fais pas. Je le ferais encore jusqu’à ce que mes genoux soient tellement cailleux que je ne pourrais plus marcher mais, au lieu de le faire à Fhirdiad, je le ferais à la maison, à Egua. Il y a aussi différentes manières d’être un chevalier. On peut se battre pour défendre la veuve et l’orphelin des brigands sur les routes, mais on peut également défendre les gens avec des mots, comme le font les avocats dans un tribunal quand ils défendent les victimes d’une injustice, ou en faisant en sorte que les choses soient plus simples pour les roturiers et ceux qui n’ont pas de privilèges. Papa se bat assez peu au final mais, c’est un vrai chevalier car, il fait tout pour faciliter la vie de nos sujets, en faisant attention à ce que le système d’éducation et de santé de Guillaume tiennent l’épreuve du temps, en modernisant les infrastructures des villes du fief et en veillant à ce que tout le monde mange à sa faim sans se ruiner. Ça, c’est être un chevalier dans l’âme, même si on appelle plutôt ça être un loup dans la famille. Ce n’est pas agité une épée en hurlant, c’est aider et protéger les autres.
– Comme grand-père ?
– Oui, comme grand-père qui a fait en sorte que l’eau du lac soit toujours pure, et qui chante pour éloigner le mal sans se battre. Il aide les autres lui aussi, et même si je ne suis pas sûr que ça existait déjà à son époque la chevalerie, c’est aussi un chevalier et un loup dans l’âme, comme Guillaume, Aliénor, Nicola, Alix et papa. Maman aussi était une chevalière et une louve. C’était une excellente négociatrice et avait des contacts avec tous les marchands de l’Alliance. Elle nous a dégotés du blé à des prix défiant toutes concurrences plus d’une fois. Elle était aussi très gentille et prévenante avec ces amies, comme avec la reine Héléna qu’elle a aidé à se détendre quand elle n’arrivait pas à tomber enceinte à cause de son anxiété. Tu m’étonnes que papa l’aime encore, maman était un vrai rayon de soleil ! Ria-t-il un peu avant d’ajouter en passant sa main sur sa propre tresse noire, nostalgique, les vagues souvenirs de sa mère flottant dans son esprit, les bruissements de sa voix conseillant à Sa Majesté Héléna de se détendre et de boire du jus de grenade, argumentant que plus qu’un fruit bon pour la fertilité, il était surtout très bon pour la santé. Tu lui ressembles vraiment beaucoup tu sais… vous ne l’exprimez pas de la même manière mais, tu es comme maman quand tu t’inquiètes pour les autres. Quand ça arrive, rien ne t’arrête.
– Je te crois… j’aurais bien aimé la connaitre… souffla-t-il. Dès que papa parle d’elle, ça se voie qu’elle lui manque beaucoup et que c’était la meilleure… Ivy aussi quand elle vient… je me demande comment elle était… tu me reparleras encore d’elle quand tu viendras t’entrainer à la maison ?
– Bien sûr, je te répéterais encore mille fois tout ce dont je me souviens. Et comme toujours, le jour où tu arrives à me battre, je me mets à la magie !
– Humf ! Je vais te battre à plat de couture quand tu reviendras Glenn ! S’exclama-t-il avec force, toujours aussi déterminé quand ils s’entrainaient ensemble. Tu verras Glenn ! Je pourrais même te battre maintenant ! Surtout que tes passes étaient nulles aujourd’hui ! Ta tresse en faisant des meilleures !
– C’est vrai que je rouille un peu… On fait un petit duel épée contre éclair pour voir si tu arrives enfin à me faire toucher à la magie ?
– D’accord ! Mais à l’épée ! Je veux te montrer ma technique pour entourer la lame d’éclair ! Je vais te battre ! Tu vas voir ! S’écria-t-il en attrapant en vitesse une lame de bois et en se mettant en position.
Revigoré à l’idée d’affronter son petit frère, Glenn se débrouilla bien mieux que tout à l’heure, trouvant plus de plaisir à contrer chaque coup de son cadet qu’à s’entrainer pour protéger un type comme Lambert, surtout que le combat était serré. Il ne fallait vraiment pas qu’il s’arrête de s’entrainer, même une journée ! Félix le dépasserait en un clin d’œil sinon ! Il progressait tellement vite en magie en plus ! Rien que le fait qu’il soit capable d’enchanter son arme sans qu’elle soit conçue pour était impressionnant ! Il fallait déjà être un excellent magicien pour y arriver !
– Rha ! J’ai encore perdu ! Râla Félix après être tombé sur le sable en haletant de fatigue, Glenn ayant encore réussi à lui faire lâcher son arme.
– Mais tu t’es très bien défendu, le félicita son grand frère. Et tu voies que tu peux y arriver louveteau ! Tu galérais à enchanter ton épée mais, tu y es arrivé finalement !
– Grâce à l’entrainement ! Assura-t-il avec fierté.
– C’est clair que t’es un vrai acharné de l’exercice ! Comme quoi, je ne suis pas le seul à tenir de papa ! Allez ! Il l’aida à se relever en disant. On devrait aller se coucher, la journée va être longue demain, et papa doit se demander où tu es passé… »
Les deux frères retournèrent dans leurs appartements où ils trouvèrent Alix tenter de calmer son frère qui semblait les avoir cherchés de partout, encore plus agité en ne les retrouvant pas. Les deux frères lui expliquèrent ce qui s’était passé, puis Félix annonça à leur père ce que comptait faire son ainé.
« Il va revenir à la maison pour t’aider quand ces cinq ans seront finis ! Il peut aussi être un chevalier à Egua après tout ! Comme toi ! Et il n'aura pas à supporter Lambert !
Glenn devait avouer qu’il redoutait un peu la réaction de son père. Malgré tout ce qui s’était passé et toutes les crasses que leur avait vomi ce chien idiot dessus, Rodrigue restait quelqu’un de fidèle, et il craignait qu’il prenne assez mal qu’il déserte plus ou moins son poste auprès du roi. Bon, il attendait quand même la fin officielle de ses cinq ans de services à la Couronne, heureusement achevées l��année prochaine. Même si techniquement, il ne rompait pas ses vœux et n’enfreignait aucune règle en opérant sur ses terres plutôt qu’à la capitale, c’était attendu qu’un chevalier de la noblesse serve le roi plutôt que son fief, sauf ceux qui manquaient vraiment de bras. Ce n’était pas une règle écrite mais, le contraire était devenu tellement rare que c’était devenue une coutume que tout le monde respectait, même si ce n’était que de l’habitude et du non-dit…
Cependant, son père les embrassa tous les deux et murmura, la voix comme le chuchotement d’un loup lancé à la lune, une main sur leur épaule. Il avait les joues et les yeux creusés, le teint cireux… cela tenait du miracle qu’aucun d’eux ne soit tombé malade dans cette histoire…
– Ce sera la meilleure chose à faire…
Glenn lui répondit en le serrant dans ses bras, voulant lui transmettre de la force. Il savait que Rodrigue avait autant de force qu’un loup mais, n’importe quel être humain était faillible… Lambert arrivait à user le bout de sa patience et de son abnégation… le voir aussi épuisé, anxieux et triste à cause de ce chien idiot le dégoutait, lui donnait envie de provoquer ce connard en duel et de hurler au monde tout ce qu’il osait faire pour ses désirs personnels… cela ne mettrait pas en péril la paix interne du Royaume, Glenn l’aurait déjà fait… il ne se retenait que parce que c’était le roi… il ne supportait plus cette situation…
– Je ne vous quitte plus quand je rentre, ça je le jure… je te protégerais à mon tour papa, toi et toute la meute, je te le promets…
– Moi aussi, ajouta Félix en imitant son ainé, se serrant contre leur père. Je te protégerais de tout ! Alix aussi ! Glenn aussi ! Et Nicola aussi ! Vous pourrez vous reposer comme ça !
– Merci… souffla leur père, arrivant enfin à sourire depuis trop longtemps. Merci pour tout… »
Alix s’ajouta au câlin familial, les quatre loups restant fourrure contre fourrure pour se promettre de se retrouver au plus vite à la maison.
Le soir, en se couchant, Glenn emprunta le chapelet de son père et fit une prière à la Déesse pour qu’elle exauce leur vœu… il ne croyait pas beaucoup mais, il voulait juste qu’elle les entende pour une fois après leur avoir arraché tant des leurs ainsi…
« Déesse d’Amour et de Miséricorde… tu es censé être attentive et bonne non ? Alors, s’il te plait, entend-moi et entend tous les autres pauvres bougres qui vont être trainés de force à Duscur… ramène-nous tous à la maison en entier… je ne veux pas déjà les quitter… je veux retrouver papa et Félix... notre famille est déjà orpheline de bien assez de ses membres... la mort nous a déjà pris Guillaume, Aliénor et maman, c'est bien assez... tu n’as pas souvent entendu les prières de notre famille, vu qu’on a tendance à mourir jeune pour la Couronne alors, vu le chien idiot qu’on se tape, tu peux bien nous faire au moins une fleur pour cette fois… »
*
Quelques semaines plus tard, le convoi était sur le point de partir mais, au lieu de voir une ambassade pour la paix, on aurait pu se croire à un enterrement. Tout le monde avait le teint terne, les yeux creusés, le visage marqué par l’épuisement et l’angoisse… les trop longues semaines de travails sans s’arrêter se ressentaient sur chacun d’entre eux… le ressentiment même… la plupart des organisateurs en étaient venus à détester même ce maudit convoi qui emmenait trop de leurs proches.
Félix, Ingrid et Sylvain allèrent souhaiter un bon voyage à Dimitri, tout en lui recommandant de faire bien attention à lui et de ne pas prendre de risque. Le jeune prince leur promit qu’il reviendrait vite sans une égratignure, tout en assurant que cela ira selon son père, avant que ses trois amis rejoignent leur famille pour leur faire leurs adieux. De son côté, Dimitri retourna auprès de son père, ce dernier attendant encore un peu avant de sonner le départ. Personne n’étant venu le saluer à part Gustave avant de rejoindre les troupes de son grand frère et Rufus qui restait avec lui.
La fratrie Charon et leurs enfants firent ses adieux à Myrina et Kimon ainsi qu’aux ainés des fratries qui partaient avec eux, toute la famille au grand complet étant réunie pour leur donner du courage, foule dans la foule tellement ils étaient nombreux. Cassandra jura à sa mère de protéger leur fief en son absence, reprenant Foudroyante à sa place et de foncer lui apporter si elle en avait besoin. Les reliques et autres armes sacrées avaient été interdites dans le convoi, pour ne pas envoyer un message trop belliqueux aux duscuriens… Une décision qui se comprenait, mais pour des familles inquiètes, cela semblait une autre preuve de déraison et d’inconscience…
Fregn souhaitait bonne chance aux soldats de Gautier étant du voyage avec Sylvain. Ils essayaient de rester neutres mais, ils étaient tous les deux bien assez lucides sur ce voyage, même si le visage de la mère était impossible à lire, digne d’une éclaireuse aussi douée et habile qu’elle. Les srengs admiraient ceux qui prenaient des risques pour atteindre leur objectif mais, risquer ainsi la vie de ses dépendants dans son pari et défi n’était pas digne de respect à leurs yeux, mais plutôt de mépris… ce serait comme se jeter dans le vide sans réfléchir en pensant s’en sortir vivant… les selles et les sacoches de leurs hommes portaient toutes des runes, surement un vœu de protection ou un sort de renforcement, mettant les leurs sous la protection de Sothis et du grand panthéon sreng… la mère et le fils eux-mêmes arboraient une phrase runique sur leur bras gauche, celui plus près du cœur, porteuse de la même supplique à tous les dieux les regardant…
Les Galatéa entourèrent Frédérique en lui faisant leurs dernières recommandations. Ils avaient dépensé une grosse partie de leurs maigres économies pour lui offrir un bon gambison discret et un bouclier de voyageur de bonne qualité à leur fils ainé, histoire qu’il puisse se défendre au cas où. Si ces protections s’avéraient inutiles, ils pourraient récupérer l’argent en les revendant. Ingrid lui offrit même un fer de sa propre monture afin de lui porter chance, en donnant un à ces deux autres frères et gardant le quatrième, les liant avec ce bout de métal. Frédérique promit de revenir vite pour qu’ils soient à nouveau réunis.
Nicola essayait d’apaiser les craintes de sa fille et de son gendre, leur assurant qu’il ne ferait rien de trop extravagant ou risqué pour son âge. Sa dernière petite-fille se pendait à son cou en pleurant et la première-née s’accrochait ses jambes en sanglotant en silence, ne voulant pas que leur grand-père parte aussi loin d’elles.
« Pars pas ! Pars pas chez les dusuriens papi ! Non ! Non !
– Chuuut… mes petites lapines, je reviendrais vite, c’est promis… votre grand-père a encore quelques années devant lui avant d’être complètement sénile et inapte au combat… »
Il pria très fort la Déesse pour qu’Elle ne lui donne pas tort…
Enfin, les Fraldarius s’étreignirent longtemps, silencieux comme ils l’étaient rarement dans leur famille… le silence était souvent chassé par un chant ou des bruits de vie de tous les jours… ici, seul des voix tremblantes l’ébréchèrent, trop faible pour vraiment le rompre…
« Fait bien attention à toi et reviens nous vite… lui recommanda encore Rodrigue.
– On t’attendra tous avec impatience à la maison, ajouta Alix.
– Tu reviens, et t’es assez en entier pour qu’on s’entraine ensemble, poursuivit Félix.
– C’est promis… je reviendrais vite et on sera de nouveau tous les quatre à la maison. Je serais là pour l’anniversaire de maman, vous verrez, jura-t-il, Félicia étant né le trente du mois des Guirlande.
– J’en suis sûr… mais avant que tu partes…
Rodrigue prit la main de son ainé et posa délicatement une toute petite ampoule d’eau claire à l’intérieur… l’eau d’Egua… c’était surement superstitieux de sa part, et très frivole d’avoir demandé à leur intendant de leur en envoyer une petite ampoule dans une de ses lettres alors qu’il avait mille autres choses à faire mais, cela le rassurait… l’eau du lac de leur ancêtre… l’onde bénie par son pouvoir… toujours pure et claire, qui ne rendait jamais malade… l’eau qui avait guéri son plus jeune louveteau de ses brûlures maudites… presque des gouttes du pouvoir de leur ancêtre… cela le rassurait de savoir que Glenn l’aurait sur lui, même si ce n’était ni Aegis, ni Moralta… le Brave serait à ses côtés d’une certaine manière, pourrait le protéger un peu plus… c’était tout ce qui comptait…
Glenn comprit assez vite et glissa la petite fiole à l’intérieur de son armure, tout près du sachet de Félicia qui pendait à son cou.
– Merci papa… d’ailleurs…
Il sortit un petit linge de son sac de voyage qu’il donna à Félix. En l’ouvrant, son petit frère découvrit ses éperons de chevalier, soigneusement ranger à l’intérieur.
– Je dirais que j’ai fait mon tête-en-l’air et que je les ai encore oubliés. Comme ça, je suis obligé de revenir pour les récupérer, lui assura-t-il avec un clin d’œil qu’il espérait rassurant.
– D’accord ! S’exclama Félix en les serrant contre son cœur. Et t’oublie toujours tout ! Cette fois, on ne te les rapporte pas à Fhirdiad ! Tu viens les chercher à la maison !
– Quand on n’a pas de tête, faut des jambes, renchérit Alix en échouant à faire une mine sévère, plus proche du vœu que de la réprimande.
– Ah ! Ah ! Arriva à rire un peu Glenn devant le ton de son frère. Exactement ! Je reviendrais les chercher à la maison !
– Et… et tiens, pour te protéger aussi…
Félix lui tendit une écaille sarcelle, toute semblable à celles dans son dos. Il avait dû la perdre en dormant, elles tombaient parfois.
– C’est grand-père qui les a fait apparaitre, ajouta-t-il en refermant ses doigts dessus, elles doivent contenir un peu de sa force… il sera avec toi comme ça, encore plus avec l’eau du lac.
Glenn lui sourit doucement en le mettant dans son sachet, puis embrassa son petit frère en soufflant.
– Merci beaucoup louveteau… je vais vite revenir, c’est promis…
Ils s’embrassèrent encore tous les quatre, suppliant la sonnerie du départ de s’endormir pour que personne ne parte.
Malheureusement, la corne résonna trop vite, trop forte, trop effrontée, comme si cela l’amusait de leur arracher à tous leurs familles… ce fut dur mais, il fallut se lâcher, s’embrasser une dernière fois, supplier une dernière fois de revenir entier, prier une dernière fois la Déesse ensemble pour que tout se passe bien… une dernière supplique pour qu’un miracle se produise…
Glenn enfourcha sa jument, prit du retard pour embrasser encore une dernière fois son père, son petit frère et son oncle depuis sa selle, puis partit à regret rejoindre sa formation, leur faisant de grands gestes d’au revoir, comme tous ces camarades. Cela ne se faisait pas pour les départs de voyages diplomatiques, on ne se saluait pas aussi désespérément à part pour partir à la guerre avec la peur au ventre… mais personne ne put s’empêcher de le faire… Félix tenta de le suivre mais, Rodrigue le prit doucement contre lui, lui rappelant sans un mot qu’il ne pouvait pas, que c’était trop dangereux et qu’il était bien trop jeune… cela semblait hypocrite… Dimitri était à peine plus âgé que lui et était du voyage mais, il ne devrait jamais être dans ce convoi de base… c’était si dangereux… mais c’était trop tard pour tout changer ou annuler…
Nicola passa près d’eux, puis se pencha autant qu’il put de sa selle pour passer la main sur la tête de Félix en lui assurant, tout comme aux jumeaux dont il tapota les cheveux. De tels expéditions n’étaient plus de son âge…
« Je veillerais sur lui et il ne lui arrivera rien, c’est promis louveteaux.
– Reviens vite aussi papi, lui demanda Félix, à moitié enfoui dans la cape de son père.
– Oui, revient nous vite Nicola… ne meurs pas comme papa… le supplièrent les jumeaux, la peur poisseuse s’accrochant à leurs mots pour les empêcher de sortir nets, tout tremblants sur sous son poids.
– C’est promis, je reviendrais vite à la maison pour mourir de vieillesse comme Aliénor… je dois encore passer un peu de temps avec mes lapines et les louveteaux… » leur assura-t-il malgré sa propre appréhension.
Il les embrassa à son tour et rejoignit le corps des vétérans auquel il était affecté avec un dernier au revoir à toutes ses familles.
Lambert les rejoint, visiblement affecté par la morosité ambiante et s’en voulant un peu, même s’il restait obséder par l’idée que tout allait bien se passer. Comme si toute cette situation n’était pas de son entière responsabilité… Il posa alors l’anneau d’argent de la couronne ducale sur la tête de Rodrigue et sa copie sur celle d’Alix en signe de confiance et de corégence avec Rufus, puis déclara solennellement, comme se devait de le faire le roi quand il partait en voyage.
« Je vous confie le Royaume. Grâce à la confiance entre nos deux familles, à cette amitié remontant à Loog et Kyphon eux-mêmes, je sais que je peux partir l’esprit tranquille car, Faerghus est entre de bonnes mains.
– Nous remplirons au mieux notre tâche de vous remplacer pendant votre absence… Votre Majesté… déclarèrent les jumeaux avec autant de gravité que lui, même si le ton était bien plus froid.
Lambert ne put qu’entendre tous les reproches et inquiétudes qu’ils gardaient au fond de leur cœur, mais qui perçaient la surface par l’eau de leurs yeux. Déesse... il n'avait jamais voulu les inquiéter à ce point… mais ce voyage devait être accompli et de toute façon, ce n’était plus possible de faire marche arrière, sauf si une menace majeure venait mettre en péril l’existence même du Saint-Royaume…
« Je n’ai toujours pas pu trouver le temps de m’excuser… » songea-t-il en serrant ses doigts gantés sur ses rênes, espérant qu’aucune engelure de sa dernière tentative de toucher Areadbhar ne se voie… ce cauchemar qui revenait tout le temps… l’illusion que le fin anneau d’argent ducal était remplacé par une couronne d’or, ornant leurs cheveux noirs… leur allait bien mieux… que la couronne devrait ceindre leur tête s’il se fiait aux mots de Ludovic…
« Tu n’as pas les épaules pour être un roi ! Tu n’es pas fait pour ça ! Jamais je ne laisserais le Royaume entre les mains d’un inconscient comme toi ! Jamais ! »
« Si… ça va aller… tu verras, on peut aussi régner sans être un bloc de glace rejetant ses émotions comme tu l’étais… »
– Il faudra vraiment qu’on se parle tous les trois une fois que tout cela sera fini…
– Quand tu auras ramené tous nos parents et nos enfants en vie, le corrigèrent-ils, Lambert ne loupant pas le regard mauvais que lui lançait Félix depuis la cape de son père.
– Bien sûr… » se résigna-t-il ne baissant la tête.
Il donna alors l’ordre de partir.
Aucune acclamation, aucun cri, aucun appel, aucun murmure n’accompagna le départ. Seul un silence de mort régnait dans les rangs du convoi et dans les familles venues les embrasser avant qu’il ne parte. Seul résonnait le pas lent des chevaux et des lourdes roues des longs chariots où reposaient vivres et équipement, les tentes et les tentures allongés dans de longues boites… le cliquetis des armures quand chaque membre du convoi se retournait pour saluer encore une dernière fois les siens…
Tous restèrent devant la porte de la capitale jusqu’à ce que le cortège silencieux disparaisse au loin, tous muets et immobiles, glacé de l’intérieur en cette fin de printemps…
Rodrigue sentit Félix s’accrocher un peu plus à lui en tournant le dos à l’horizon où avait disparu son frère, même s’il ne pouvait pas non plus détacher son regard de l’endroit où s’étaient fondu Glenn et Nicola.
« Ils sont partis assez longtemps… glapit-il. Ils doivent revenir maintenant… C’est déjà trop long… et Glenn va oublier le chemin… faut qu’il rentre maintenant… sinon, il va encore se perdre… Nicola est trop fatigué donc, il rentre aussi… il est trop vieux papi… c’est déjà trop long pour lui ce voyage… ça dure trop, faut qu’ils rentrent… »
Il cacha complètement son visage dans son manteau, déjà à moitié enveloppé dans la longue cape de son père. Ce dernier ne put que passer sa main dans ses cheveux et son dos, espérant que le geste serait rassurant, assez pour dompter ses angoisses… ils retourneraient à Fort Egua la première semaine pour s’occuper de leur fief, après l’avoir laissé pendant deux mois. Félix pourrait nager dans le lac comme ça, être dans l’eau l’apaisait toujours… même si rien ne pourrait soulager leur inquiétude à part le retour de Glenn et Nicola en bonne santé… silencieusement, Rodrigue souhaitait la même chose que son louveteau : que son fils ainé et son compère reviennent maintenant, qu’ils soient enfin de retour et qu’ils puissent rester tous les quatre à Fort Egua, mettre autant de distance que possible entre eux et Fhirdiad, tous se mettre en sécurité loin des folies de Lambert et de ses caprices…
Rodrigue embrassa son front, une prière coulant de ses lèvres comme une chanson en espérant que cela l’apaiserait à nouveau.
« Au loin, dans le soleil orange, tu pars,
Le vent se lève, murmure à l’oreille un présage,
La poussière qu’il soulève voile notre visage,
Cache les larmes qui à présent le parent.
La lumière du jour est puissante, le soleil nous blesse,
Impérieux et capricieux, il impose sa présence,
Impossible d’ignorer ses ordres et indécences,
Mais jamais il ne se rend compte de sa folle hardiesse,
Mais toujours, nous gardons espoir,
À la lueur de la pleine lune, nous chantons,
Fredonnant le chant des loups, nous prions,
Nos voix s’unissent pour enfin te voir,
Car même si ce Soleil inconscient t’arrache à nous,
Pour toujours et à jamais, nous resterons des loups,
Nos cœurs dans le tien, ce chant que tous on te voue,
Est dans ce rayon de lune qui essuie un peu nos joues.
La peur gèle notre cœur, nous ne pouvons jamais mentir,
Mais tant que nous hurlerons à la lueur de la lune, on le sait,
Notre voix te parviendra, même au plus profond de la forêt,
La suivant dans la nuit, tu pourras toujours revenir, »
« Par pitié… Glenn… Nicola… revenez… par pitié Déesse… Déesse d’Amour… toi qui est Mère, la mère de toute vie, toi qui a une famille, toi dont la famille est tous les êtres de cette Terre… laisse-les tous revenir en vie… donne raison à Lambert et à nous tous tort… je t’en supplie… préserve-les tous de la mort... »
#fe3h#écriture de curieuse#route cf + divergente canon#j'espère que ça vous plait surtout !#c'était long à écrire ! Surtout la conversation entre Glenn et Rodrigue au sujet de l'avenir de Félix où j'ai bien bloqué#j'avais l'idée de ce que je voulais faire en partant au boulot le matin mais le temps de rentrer le soir je l'oubliais à chaque fois#puis j'ai juste emmené mon texte au travail pour l'écrire à la pause midi et s'est passé tout seul#les trucs bizarres de l'écriture#Simplex : par pitié ! Aux noms des dieux ! Ecoute-moi !#Lambert et Rufus (surtout Rufus) : lalala ! J'entend pas ! C'est pas du tout un présage ou un signe du Brave à prendre au sérieux !#j'espère juste que je n'ai pas trop forcé le trait sur Lambert... je trouve toujours que la scène de la promesse est de très mauvais gout..#mais quand même c'est pas censé être le cas et Lambert est censé être un perso positif...#même si là honnêtement je suis avec Alix et Glenn pour le traiter de connard vu comment il se comporte#et qu'encore une fois je pense que Duscur aurait pu être facilement éviter mais bon ça arrive car scénario et nécessité scénaristique !#j'avoue aussi que tout du long j'avais juste envie de faire : et puis zut ! on laisse tombé CF et je fais juste un UA bye!#Ou version Lambert se prend les conséquences de ses actes avant Duscur et se fait dégager !#j'ai même tout le scénar avec Fregn qui en a marre#une petite réunion familiale en mettant à sac Fhirdiad avec une grande partie de Sreng pour piller la nourriture dont ils ont besoin#et le divorce à la sreng où elle tire Sylvain de là même si elle le confie d'abord aux Fraldarius le temps de retrouver ses soeurs#les jumeaux se barrent car Lambert et les autres commencent à trop les prendre pour des paillassons et pour protéger leurs louveteaux#et les Charon aussi car on leur a manqué de respect et en particulier envers Héléna (et Lambert va payer pour mettre en danger leur neveu!)#et le peuple qui en a aussi marre de ses conneries et prend les choses en main#un petit souffle de révolution ? Non juste des révoltes paysannes... même si bon sait-on jamais (au moins changement de dynastie)#pour un OS peut-être... même si je devrais aussi faire celui où Guillaume et Aliénor survivent et gère Arundel comme des rois#en tout cas merci beaucoup d'avoir lu tout ça !
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nelielombrelune · 5 years
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Eldarya épisode 29
Voici l’avis que j’ai posté sur le forum.
°~ Aloa ~°
CDC : Leiftan Coût : Environ 6800 maanas, tenue incluse Illustration : Obtenue
Bon. Mon avis ne va pas beaucoup diverger des autres joueuses. Un seul mot : DÉCEPTION.
En fait ma plus grosse déception c'est presque que j'avais lu sur tumblr que Miiko était morte et en fait non. Dégoûtée, j'allais sortir le champagne. (Mais c'est pas comme si on avait besoin d'une excuse pour picoler en ce moment).
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Pour moi le plus gros point noir, comme d'habitude, c'est l'écriture, le manque de vraisemblance, les incohérences.
Mon CDC est Leiftan, cela fait X épisodes qu'on nous dit que c'est "l'homme de notre vie" etc, et là il est entre la vie et la mort à l’infirmerie et nous on va gambader dans les champs et papoter avec n'importe qui. Si la personne que j'aime était dans un état critique, peu importe qu'il/elle m'ait menti, j'y penserais H24, cela me rongerait, je passerais mes journées à son chevet à guetter un signe d'amélioration... Mais non, la gardienne est tellement dissociée que ça en devient inquiétant.
Vous avez essayé de faire quelques petits rappels de ce manque ou de cette inquiétude mais ça sort tellement de nulle part que c'est encore plus bizarre. Genre on passe la journée au pays des bisounours et à un moment "Oh mon dieu il me manque tellement que je crois que je vais en crever".
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Heu meuf on le savait déjà mais t'es vraiment bizarre.
Dans la catégorie des invraisemblances aussi : (Petit rappel pour ceux qui n'ont pas suivi dans le fond : des populations entières fuient la guerre qui menace, on prépare un siège du QG, c'est le sort d'Eldarya tout entier qui va se jouer.) Du coup, logique, on envoie quelqu'un chercher de toute urgence les Capitaines de Gardes ("les garçons" parce que lolilol on est dans la cour de récréation) pour gérer... la répartition des chambres.
Non mais bien-sûr c'est une question de stratégie militaire de première importance vous pouvez pas comprendre.
Pareil, la gardienne, l'Aengel, l'Elue de l'Oracle, la seule qui pourra sauver Eldarya... Eh ben tiens va nous cueillir des fleurs steuplé. Quoi ? T'entraîner à maîtriser tes pouvoirs d'Aengel ? Ah ouais... Non mais ce ne sera pas utile. Tiens va chercher des trucs dont c'est pas la saison lol, on est des petits blagueurs nous. Et puis c'est pas comme si l'alchimie était une science très précise, on fait un peu de la tambouille s'il manque un ingrédient on en met un autre, au pire qu'est-ce qu'il peut bien se passer hein ?
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De toutes façons elle est tellement stupide que ça ne lui viendrait pas à l 'idée de s'entraîner toute seule. Tellement nulle qu'elle ne comprend pas l'histoire de la plume blanche.
Le vide intersidéral de sa boîte crânienne me donne presque autant envie de m'arracher les cheveux et de m'étouffer avec que votre écriture.
On ne va pas parler du fait que les "invités" (tu parles des gens qui ont fuit la guerre ça s'appelle des réfugiés patate ils sont pas là pour une soirée pyjama) auront chacun un menu dégustation personnalisé en fonction de leurs besoins énergétiques parce que j'avais dit que je ne parlerai plus de la bouffe sur Eldarya mon médecin me l'interdit ça me fait trop de mal. Je vais juste mettre ça là, après vous en faites ce que vous voulez. VOUS.ALLEZ.SUBIR.UN.P*TAIN.DE.SIÈGE. On rationne la bouffe bande d'incapables surtout quand l'approvisionnement est aussi difficile que sur ELdarya nom d'un chien !! Voila ça y est je recommence j'ai des palpitations j'avais dit qu'il ne fallait pas qu'on en parle.
Je vous épargne les fautes d'orthographe, de frappe, d'inattention, quand vous parlez de Miiko en disant les kitsune (au singulier), quand vous parlez de Huang Hua au masculin, tout ce qui prouve que vous n'écoutez pas les remarques des joueuses et que vous ne relisez toujours pas vos textes.
A ce moment là deux émotions se livrent bataille en mon for intérieur : l'exaspération et le désespoir.
L'exaspération encore quand vous proposez de faux choix et imposez les réactions de la gardienne. Exaspération quand vous me forcez à appeler Miiko "mon amie" alors que je voudrais la poignarder dans son sommeil. Je trouve aussi très limite de devoir systématiquement coucher avec son CDC pour obtenir les illustrations. Moi je m'en fous je suis majeure et je suis là pour ça (soyons honnêtes), mais il y a des joueuses que ça peut mettre mal à l'aise et vous leurs forcez la main : pas de c*l, pas d'illu.
Désespoir de voir avec quelle constance et quel acharnement vous saccagez Eldarya, cet univers qui était si prometteur et massacrez son potentiel avec vos gros doigts et votre soif de fric.
Encore une fois (je le dis à chaque commentaire), de la part de "professionnels" (oui à ce niveau là permettez-moi d'émettre des doutes) et au prix que vous nous vendez votre jeu (presque 7000 maanas pour ma part et bien plus pour certaines) c'est inadmissible.
Je vous passe l'escroquerie du prix exorbitant de la tenue puisque vous reconnaissez vous-même à travers Purriry que c'est complètement fumé et que vous en voulez à notre portefeuille. Vous avez touché le fond là, vous n'essayez même plus de faire semblant.
Mais le manque de contenu... 5000 maanas à aller chercher du miel de machin et des fleurs de trucs, à parler à Colaïa qui d'un coup est vachement fortiche en maçonnerie mais ON S'EN FOUT.
Il ne se passe RIEN.
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On le rappelle les espoirs d'Eldarya reposent sur les épaules de la gardienne mais elle ne s'entraîne pas. Pas de stratégie pour la protéger pendant que pour une fois elle servirait à quelque chose sur le champ de bataille. Personne n'a pensé à interroger Leiftan sur les capacités des Aengels ? Personne n'a pensé qu'il pourrait aider la gardienne à maîtriser ses pouvoirs ?
(Tiens au fait il est sorti de l'infirmerie mais on apprend ça par hasard en rentrant dans sa chambre..? Genre personne n'a pensé à l'en informer ?)
RIEN RIEN RIEN le vide abyssal, à peu près autant que le QI de la gardienne y'en a MARRE d'être pris pour des pigeons.
Le seul point positif de cet épisode pour moi c'est l'illustration que j'ai trouvée jolie, encore que le style m'a semblé un peu étrange et les traits de Leiftan très (trop) jeunes.
Je ne parle pas de la scène de sexe qui arrive comme un cheveu sur la soupe et est écrite avec les pieds, dans le même style ultra lourd que les précédentes mais bon vous n'alliez pas changer d'auteur si près de la fin hein ?
Allez un autre point positif pour être sympa : on n'a pas vu ni Chrome ni Karenn de tout l'épisode et ça bon sang ça fait du bien ! Dégagez encore Alajéa et ça deviendra presque agréable. 
En fait je ne sais même pas trop pourquoi je suis encore là, pourquoi je perds mon temps à écrire des commentaires que vous ne lisez pas, des remarques dont vous ne tenez pas compte. Sans doute parce que je m'ennuie.
Allez ciao Beemoov et à la prochaine pour une fin aussi décevante que ce à quoi vous nous avez habitués, à n'en pas douter.
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lesarchivesmagnus · 4 years
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Les Archives Magnus – Episode 5 : Aux Ordures
                                                   ARCHIVISTE
Déposition de Kieran Woodward, concernant des objets récupérés dans les ordures du 93 Lancaster Road, Walthamstow. Déposition originale faite le 23 février 2009. Enregistrement audio par Jonathan Sims, archiviste en chef de l'Institut Magnus, Londres.
Début de la déposition.
                              ARCHIVISTE (DEPOSITION)
Je travaille comme éboueur pour le Conseil Forestier de Waltham. Ce n'est pas un mauvais travail, en réalité, tant qu'on peut supporter l'odeur et les heures matinales, sans parler du fait que lorsque l'hiver commence vraiment, cela peut être assez désagréable. J'ai dû briser la glace de plusieurs poubelles au cours de ma carrière, juste pour les ouvrir. Le salaire est quand même assez décent, du moins une fois que l'on ajoute les heures supplémentaires et les primes, et une fois que l'on a terminé les rondes, on est généralement en congé pour la journée, donc on travaille moins d'heures que le bonhomme de bureau moyen ; c'est juste que ces heures ont tendance à être beaucoup moins agréables que tout ce qu'on peut voir en regardant une feuille de calcul comptable.
Mais je ne suis pas venu ici pour parler des avantages et des problèmes du travail dans la collecte des déchets. En tout cas, je suppose que je suis venu parler d'un problème très spécifique que j'ai rencontré l'année dernière, lors de la collecte des déchets du 93 Lancaster Road.
On trouve tout le temps des choses bizarres dans ce travail. Les gens ont un étrange petit blocage mental - cette idée que dès qu'ils mettent quelque chose à la poubelle, ça disparaît. C'est officiellement devenu un déchet et personne ne le reverra plus jamais. Le fait que quelqu'un ait dû l'emmener de votre poubelle à la décharge ou au centre de recyclage ne leur entre pas vraiment dans la tête, et personne ne semble jamais réaliser que jusqu'à une douzaine de personnes pourraient voir ce que vous jetez avant que ça ne disparaisse à jamais. Mais non, autant que le reste du monde y pense, une fois que c'est jeté, ça a disparu, bien au-delà de toute compréhension humaine.
Ceux d'entre nous qui travaillent dans la collecte des déchets voient donc un aspect étrange de l'humanité, mais aussi un aspect honnête. Si vous êtes un peu alcoolique, il y a toutes les chances que vos éboueurs sachent mieux que vous combien vous buvez, parce que nous prenons toutes les bouteilles. Et oui, nous nous en souvenons, et il nous arrive aussi de porter des jugements, mais pas sur les choses auxquelles vous pourriez penser - vous pouvez jeter une montagne de porno vulgaire et, tant que vous l'avez attachée en paquets bien rangés, cela nous convient, mais si vous jetez de la litière pour chat sans l'avoir correctement mise en sac, vous pouvez être certain que vous avez gagné la haine de tous les éboueurs qui ont jamais brandi un sac. Mais je m'éloigne du sujet.
Le fait est que le sac de têtes de poupées ne m'a pas dérangé. Je veux dire, c'était bizarre, ne vous méprenez pas - des centaines de petites têtes en plastique, qui me regardaient fixement depuis le sac poubelle, mais à part une légère déchirure sur le côté du sac noir, elles ont été jetées très proprement, et ont été assez faciles à jeter dans le camion.
Le sac en était plein, remarquez. Il a été placé à côté du bac de recyclage vert et au début j'ai pensé que c'était juste une poupée seule avec sa tête placée près de la déchirure, mais quand j'ai jeté le sac dans le camion, la déchirure s'est fendue, déversant tout un tas de choses. Je dirais qu'il y en avait plus d'une centaine dedans. Elles étaient faites de plastique dur et rigide avec ce visage d'enfant qu'on semble trouver sur tous les jouets de ce genre.
Plusieurs d'entre elles avaient des cheveux différents sculptés ou peints, il était donc clair qu'elles n’étaient pas simplement une centaine provenant de la même poupée. Quelqu'un avait passé du temps à acquérir toute une série de poupées différentes, qu'il a ensuite décapitées et mises aux ordures. Elles étaient très abîmées, mais pas par le temps - on aurait dit que quelqu'un avait pris les têtes toutes neuves et les avait traînées sur du béton brut, bien que je ne puisse pas dire si elles étaient attachées au reste de la poupée à ce moment-là.
C'était flippant, évidemment, mais le soleil brillait et nous étions quatre à travailler dans le camion ce jour-là, alors c'était plutôt facile d'en rire. C'est l'ancienne équipe - moi, David Atayah, Matthew Wilkinson et Alan Parfitt, qui conduit - conduisait - le camion.
Mais ce qu'on a fait, c'est de baptiser le 93 Lancaster Road "la Maison aux Poupées", puisque nous avons passé le reste de la journée à faire des blagues sur le genre de personnes qui devaient y vivre. J'ai déjà dit que votre éboueur en sait beaucoup sur vous. Or, ce n'est probablement pas vrai pour la plupart des gens - nous nous occupons de centaines de maisons chaque jour et qui peut garder la trace d'autant de personnes ? Qui veut le faire ?
Il y a cependant des maisons que vous apprenez à surveiller, le genre d'endroits qui jettent des choses étranges ou parfois même dangereuses. Comme je l'ai dit, nous savons probablement si vous êtes alcoolique, mais ce n'est pas parce que nous vous surveillons de manière obsessionnelle ou que nous nous soucions de votre santé. C'est parce que les bouteilles cassées et le verre brisé sont dangereux et que vous apprenez à garder un œil sur les maisons où vous risquez de les trouver. J'ai lu un jour que la collecte des déchets est la deuxième profession la plus dangereuse en Angleterre. Je ne suis pas sûr d'y croire - ils ont dit que la première était l'agriculture - mais vous voyez votre part de blessures, donc vous apprenez à garder les yeux ouverts et à définir dans votre esprit les maisons dont vous voulez rester vigilant.
Après ça, la Maison aux Poupées est devenue l'une de ces maisons pour notre équipe. Ce n'est pas tant à cause d'un vrai danger, mais quand quelqu'un jette une poubelle pleine de trucs bizarres comme ça, on ne sait jamais ce qu'ils peuvent décider de jeter d'autre. Aussi, Alan, en fait, avait plutôt un sens tordu de l'humour et il adorait les têtes de poupées. Quand on lui a raconté, il a insisté pour arrêter le camion et aller jeter un œil, donc après ça, il répétait toujours de garder un œil sur le numéro 93.
Et nous l'avons fait. Les deux semaines suivantes, lorsque nous arrivions au numéro 93, je prenais une seconde ou deux de plus pour vérifier s'il y avait quelque chose d'étrange dans les bacs, mais rien ne semblait sortir de l'ordinaire. Alan était particulièrement déçu, mais ce n'était pas vraiment quelque chose sur laquelle s'attarder, alors nous avons décidé de ne plus y penser et nous avons continué notre journée de travail. Cela a continué pendant ce qui a dû être quelques mois, et l'incident des têtes de poupées n'avait pas été évoqué, à l'exception de quelques conversations intrigantes à l'usine de recyclage où, pour être franc, je pense que personne ne nous a crus, ou s'ils nous ont crus, ils ont immédiatement essayé de nous raconter leurs propres histoires de trouvailles bizarres.
C'était le début du printemps quand nous avons récupéré le sac bizarre suivant, au 93 Lancaster Road. Il s'agissait encore une fois d'un sac poubelle noir sans marquage, placé à côté de la poubelle de recyclage. Dès que je l'ai vu, j'ai su que c'en était un autre. Sa forme était trop régulière pour être remplie de l'assortiment normal de déchets. En le ramassant, je me suis rendu compte qu'il était aussi beaucoup trop léger. Il semblait ne peser presque rien, mais il était bombé avec ce qui semblait être un tas de papier à l'intérieur.
J'ai jeté un coup d'œil aux autres et leur ai dit que je pensais que nous avions un autre sac bizarre. David et Matt ont commencé à débattre de la nécessité de l'ouvrir, car celui-ci ne semblait pas avoir de déchirure comme le précédent, et nous en discutions encore quand Alan est revenu pour voir ce qui nous prenait tant de temps. Il savait ce qu'on avait trouvé, et on pouvait voir dans ses yeux qu'il espérait que c'était la raison de ce retard. Un coup d’œil jeté à son visage et je savais que si nous ne l’ouvrions pas, il le ferait.
J'ai levé les yeux vers la maison, pour vérifier si quelqu'un nous regardait, mais le 93 était tout près du début de notre trajet, donc il était encore très tôt le matin et toutes les lumières étaient éteintes. Il n'y avait aucun signe de mouvement, alors, très prudemment, j'ai ouvert le sac.
Il y avait du papier à l'intérieur, comme je m'y attendais. Il semblait n'y avoir qu'une seule bande de papier blanc épais, d'environ un pouce de large. Le papier était long, si long qu'on aurait dit que le sac entier était rempli de ce seul morceau, enveloppé, enroulé et froissé pour tenir à l'intérieur. Il y avait de l'écriture dans une autre langue, du latin je crois.
Matt, qui a été élevé en catholique et en parler constamment, a dit qu'il reconnaissait l'écriture et affirmait que c'était le Notre Père, le Notre Père, écrit encore et encore. Il semblait assez choqué, surtout par le fait qu'à certains endroits, les bords du papier semblaient légèrement brûlés, comme s'il avait été passé sur une bougie ou un briquet. Il semblait même hésiter à le jeter avec le reste des ordures, mais nous devions nous contenter de le jeter, alors il est allé dans le camion.
Alan a souri pendant le reste du boulot, et il avait un enthousiasme qui, franchement, avait commencé à me mettre mal à l'aise. En ce qui me concerne, c'était un peu décevant après les têtes de poupées, mais la façon dont les autres avaient réagi m'a rendu nerveux.
Le troisième sac est celui qui a vraiment changé les choses. C'était quinze jours après celui qui contenait le papier de prière. Alors que nous approchions de l'année 93, j'ai remarqué qu'un autre sac était posé à côté de la poubelle. Les autres l'ont clairement remarqué aussi, car tout le monde était très silencieux. Les deux premières fois, c'était les seules fois où il y avait des sacs poubelles devant la maison qui n'étaient pas dans la poubelle elle-même, donc il n'y avait aucun doute dans mon esprit que ce serait des déchets plus flippants. Alan a coupé le moteur lorsque nous sommes arrivés au niveau de la maison et nous sommes sortis. Quoi qu'il y ait dans celui-ci, il voulait voir.
Le sac était bombé, tout comme les autres, mais il avait un aspect bosselé à la surface. Nous l'avons tous fixé pendant plusieurs secondes, avant que je réalise que les autres attendaient que je le ramasse - j'avais ramassé les autres, et apparemment c'est comme ça qu'on faisait du coup. Cela ressemblait presque à un rituel.
Je me suis approché et je l'ai ramassé. Il était plus lourd que le précédent et, en bougeant, il faisait un bruit, comme du sable ou du gravier qui glisse, ou peut-être plutôt un bruit de cliquetis. J'ai commencé à le trimballer vers mes collègues pour l'ouvrir, lorsque le dessous du sac s'est accidentellement accroché au muret de briques au bout du petit jardin de devant. Déjà rempli presque jusqu'à l'éclatement, le sac s'est déchiré facilement.
Du trou fraîchement percé, des dents ont coulé. Des centaines, des milliers de dents ; elles coulaient en une cascade de blanc, de crème et de jaune, rebondissant en heurtant le trottoir, et formant peu à peu un tas d'une taille stupéfiante. Lorsque le sac fut enfin vide, nous sommes restés là en silence, fixant la montagne de dents qui se trouvait maintenant sur le sol devant nous.
 Elles ressemblaient à des dents humaines à mes yeux, mais je n'étais pas vraiment un expert et je ne voulais certainement pas regarder de plus près. Finalement, David a rompu le silence en vomissant bruyamment dans un égout voisin et je me suis éloigné de l'horrible monticule. Même Alan semblait ébranlé par cette scène - je suppose que certaines choses sont trop dérangeantes, même si vous avez des centres d'intérêt sinistres. Nous avons appelé la police.
Autre chose que les gens oublient toujours à propos des éboueurs - on est parfaitement capables d'appeler la police si on trouve des choses illégales jetées aux ordures. D'habitude on n’en prend pas la peine si c'est quelque chose de pas très grave, mais là... là on a appelé la police. Ils sont arrivés surprenamment assez rapidement et je me souviens qu'ils étaient encore plus flippés que nous.
L'un d'entre eux a pris nos dépositions, tandis que l'autre est allée vers la maison même pour interroger les occupants, et voir s'ils savaient quelque chose à propos des dents. Alors que l'officier frappait à la porte, nous nous sommes tous efforcés de mieux voir  qui aller l'accueillir. Après tout ce bazar, nous n'allions pas laisser passer une chance de voir les habitants du 93 Lancaster Road.
Finalement, la porte s'est ouverte, et une vieille femme se tenait là, clignant des yeux dans la lumière du soleil matinal et clairement légèrement perturbée de voir la police. Inutile de dire que la vieille dame et son mari n'avaient pas conscience des sacs bizarres qui étaient apparus dans leurs ordures, et semblaient vraiment contrariés quand on leur a expliqué les détails. La police a passé une bonne dizaine de minutes à faire de son mieux pour ramasser toutes les dents, et nous avons été congédiés. Je n'ai aucune idée de ce que l'enquête a donné, si tant est qu'il y en ait eu une. Ils ne m'ont certainement plus jamais contacté, et les autres l'ont été, ils n'en ont pas parlé.
Et pendant un certain temps, c'est tout. Nous avons gardé un œil à chaque fois qu'on passait sur Lancaster Road, mais nous n'avons pas trouvé d'autres sacs poubelles inquiétants. J'ai pensé que l'intervention de la police avait peut-être effrayé celui qui les déposait. Peut-être que la police avait attrapé le coupable et ne nous l'avait pas dit.
J'ai cependant commencé à remarquer qu'Alan ne se portait pas bien. Il arrivait souvent en retard à son poste, et lorsqu'il arrivait enfin, il était épuisé et grincheux, criant sur tout le monde et repoussant brutalement quiconque lui demandait des détails sur son état ou sa santé. Il semblait encore plus mal en point lorsque nous approchions du bout de Lancaster Road, parfois en faisant accélérer légèrement le camion de sorte que nous devions courir pour le suivre. Finalement, après avoir trébuché sur le trottoir en me dépêchant et m'être tordu la cheville, je l'ai interpellé et lui ai dit que quoi qu'il lui arrivait, il pouvait en soit en parler soit s'en remettre tout seul, mais qu'il devait clairement faire quelque chose. Il est alors devenu très silencieux et m'a dit qu'il avait observé le numéro 93 certains soirs. Il a dit qu'il voulait voir la personne qui déposait ces choses. Qu'il avait besoin de savoir.
Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Des problèmes à la maison, peut-être, ou une dépression, mais ça m'a pris par surprise. Je lui ai dit que c'était une très mauvaise idée, que si la police continuait à enquêter, il y avait de fortes chances qu'elle l'arrête en tant que coupable, et que même si elle ne le faisait pas, le vieux couple du numéro 93 pourrait tout aussi bien le faire arrêter pour harcèlement. Alan a acquiescé et a dit qu'il était d'accord pendant que je parlais, mais je voyais bien qu'il n'écoutait pas. Il a juste répété qu'il avait besoin de savoir, m'a dit qu'il ferait attention, comme si c'était pour me rassurer. Ce n'était pas le cas, mais je voyais bien que je n'allais pas l'en dissuader et nous avons fini notre discussion dans un silence inconfortable.
Ce que je n'ai pas dit, c'est que j'avais presque fait la même chose moi-même une ou deux fois. Il y avait quelque chose dans cette histoire, dépassant de tout ce dont j'avais déjà été témoins, que... je ne sais pas. Cela m'a attiré presque autant que cela m'a dégoûté. Presque, mais pas assez pour faire quoi que ce soit, et si j'avais besoin de me convaincre que laisser tomber était la bonne décision, je n'avais qu'à regarder Alan. Au fil du temps, les cernes sous ses yeux se sont creusés, et je le voyais avaler une demi-douzaine de boissons énergisantes en une matinée, juste pour terminer son service.
J'aurais pu en faire part à notre directeur, mais Alan était encore mon ami, et je ne voulais pas être celui qui lui causerait des ennuis. Mais en fin de compte, la situation s'est quand même détériorée. Alan s'est endormi au volant du camion et l'a fait entrer dans une voiture garée. Personne n'a été blessé et le camion roulait trop lentement pour faire de réels dégâts mais, à ce moment-là, c'était suffisant pour le faire virer. Nous étions tristes de le voir partir, mais pour être franc, il était devenu assez désagréable sur la fin et personne n'a versé de vraies larmes. Nous avons eu un nouveau membre dans notre équipe, un jeune nommé Guy Wardman, et la vie a continué dans une paix relative. Pendant un certain temps, en tout cas.
Puis, le 8 août de l'année dernière, à deux heures et neuf minutes du matin, j'ai été réveillé par un SMS d'Alan. Il disait "JE L'AI TROUVE". Je lui ai répondu immédiatement - Qu'avait-il trouvé ? Est-ce que c'était celui qui avait laissé les sacs ? En avait-il laissé un autre ? Pas de réponse. J'ai envoyé un nouveau message à Alan pour lui demander s'il allait bien. J'ai envoyé le même texto plusieurs fois, mais je n'ai jamais eu de réponse. J'ai essayé de lui téléphoner, mais personne n'a répondu. Au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient, l'inquiétude qui grandissait en moi s'est transformée en une certitude sinistre, et j'ai su qu'Alan avait disparu. Je savais aussi que je devais aller au 93 Lancaster Road pour voir par moi-même. J'ai pris mon manteau et je suis parti dans la nuit.
Je marchais lentement, avec une sorte de réticence, de sorte que le ciel commençait à s'éclairer à mon arrivée. Je savais ce que j'allais trouver en arrivant et j'avais raison. Il n'y avait aucun signe d'Alan, ou de qui que ce soit qu'il aurait pu voir. Il y avait cependant un nouveau sac poubelle à sa place habituelle. Il était plein et, cette fois, le haut du sac avait été attaché avec un ruban vert foncé, disposé en forme de nœud comme un ancien cadeau de Noël. Il était aussi bombé que les précédents.
J'ai ramassé le sac, qui s'est avéré être assez léger, et j'ai enlevé le ruban. En l'ouvrant, j'ai vu un truc blanc qui bougeait et, pendant une seconde, j'étais sûr que c'était encore des dents. Mais en regardant de plus près, j'ai vu la vérité : des particules de calage. Des particules de calage en polystyrène. Suffisamment pour remplir le sac à pleine capacité. Je me suis presque senti soulagé jusqu'à ce que je réalise qu'il y avait quelque chose d'autre dedans, quelque chose qui le rendait plus lourd qu'un sac de polystyrène ne devrait l'être.
J'ai fermé les yeux et j'ai mis la main dedans, m'attendant à trouver quelque chose d'horrible à l'intérieur. Ma main s'est à la place refermée sur un métal froid, et j'ai sorti une chose de la taille d'un poing... Je pense que ça devait être en cuivre ou en bronze, et ça avait été grossièrement sculpté en forme de cœur, mais un vrai cœur, pas celui d'un de Saint-Valentin. C'était froid au toucher, comme si ça sortait tout juste d'un congélateur, et ça m'a presque collé à la peau. Sur le côté était gravé le nom "Alan Parfitt", les lettres gravées avec une précision digne d'une machine. C'est le dernier signe d'Alan que j'ai trouvé. Pour autant que je sache, on ne l'a jamais revu depuis.
J'ai donné le morceau de métal à un ami qui travaille à la décharge de déchets médicaux et qui me doit une faveur. Je lui ai demandé de le jeter avec une cargaison, car les incinérateurs médicaux brûlent plus que tous ceux auxquels j'ai accès, et je me suis dit que c'était ma meilleure chance de m'en débarrasser correctement. Je travaille toujours sur la route de Lancaster Road, mais depuis, il n'y a plus de sacs bizarres qui se retrouvent au numéro 93. J'ai surtout essayé de tout oublier.
                                                   ARCHIVISTE
Fin de la déposition.
C'est bien d'avoir une déposition dont la plupart des détails sont facilement vérifiables. Elle est accompagnée de courtes déclarations de David Atayah et Matthew Wilkinson confirmant le contenu des trois premiers sacs, ainsi que les détails du comportement d'Alan Parfitt avant son licenciement de l'administration locale. Dans un exemple peu caractéristique de l'utilisation des technologies modernes, mon prédécesseur a eu le bon sens de faire une copie du texte final de la conversation entre Alan Parfitt et M. Woodward.
La semaine dernière, j'ai demandé à Martin de mener second entretien avec M. Woodward, mais cela n'a pas été très éclairant. Apparemment, il n'y a pas eu d'autres sacs au numéro 93 et dans les années qui ont suivi, il a largement écarté  bon nombre des aspects étranges de son experience. Je ne m'attendais pas à grand-chose, car le temps fait généralement oublier ce que l'on préfère ne pas croire, mais au moins, cela a permis à Martin de sortir de l'Institut pour un après-midi, ce qui est toujours un soulagement bienvenu.
Sasha a eu plus de chance en étudiants les anciens rapports de police. Alan Parfitt a été déclaré porté disparu par son frère Michael le 20 août 2009, et sa localisation reste inconnue. Le sac de dents est également corroboré par les rapports de police des agents Suresh et Altman, bien qu'ils ne puissent pas fournir plus de détails, car ils n'ont jamais procédé à une arrestation ni même localisé de suspects.
Le rapport médical sur les dents elles-mêmes donne un détail déroutant : il a été confirmé que les dents étaient humaines, mais plus encore, pour autant que l'examinateur ait pu le déterminer... elles étaient toutes à différents stades de détérioration et ne correspondaient à aucun dossier dentaire disponible, mais les deux mille sept cent quatre-vingts  étaient exactement la même dent.
Fin de l'enregistrement.
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ego-sans-trip · 5 years
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wesh la population je suis de retour pour jouer un mauvais tour à personne car j'suis pas sûre qu'il reste quelqu'un ici. je sais même pas comment a tourné tumblr. c'est parti en couilles comme le reste du monde ou ça va? Boarf ça me fait bizarre d'être là, j'ai supprimé ma page fb nightmare y'a plus d'un an, je regrette maintenant. j'ai supprimé le mur de mon adolescence. passons. je suis contente d'avoir gardé ce tumblr même si c'est pas pareil que fbw. alors, vos maux sont-ils toujours les mêmes? ou bien vous aussi avec les années tout s'est mélangé? personnellement je fais le bilan de quatre ans et j'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies. m'être sortie de la rue, de la gue-dro, avoir enchaînée 50 tafs différents dans la même année, avoir perdue ma meilleure amie, ma sœur de rue, de cœur, avoir repris la gratte, le dessin, l'écriture c'est dur mais j'écoute toujours autant de rap conscient, ils écrivent pour moi et ça sonne juste dans mes oreilles. j'ai arrêté les crapuleries, faut dire que mes amis crapules sont presque tous partis, soit leur cerveau répondait plus soit c'est moi qui n'aies plus répondu. si toi tu lis ce truc, dis moi ce qui se passe, ce que tu deviens, c'est quoi les bails tumblr? toi et ta pornographie sentimentale, je viens au nouvelles aujourd'hui
wesh alors????
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espritsnocturnes · 2 years
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Tu me dis de longs messages comme des révélations importantes et metamorphosantes pour toi et moi je suis la et je sais pas où j'en suis, si je stagne ou si pour moi ça bouge aussi mais j'aime pas ce sentiment que c'est si différent nos dynamiques, encore j'apprend la dépossession et le détachement, ça me donne un sentiment de mélancolie sans tristesse
Comme si c'était un adieu mais que je comprends quand même
Et que c'est peut être mieux...
Et pourtant je lâche pas, je continue de te parler et de combler le vide comme pour retenir ton départ avec pleins de mots lourds, des phrases très longues que je traines sans regarder comme elles défilent.
Et c'est bizarre de me trouver dans cette situation où je pourrais te déblatérer un roman en monologue comme ça et où il n'y aurais jamais de fond et de sens dans tout ça... peut être que je cherche à le sonder comme ça mais ça vient pas... c'est possible que toi tu le verras le sens; il me faut un lecteur
Ça me fait penser que tu m'as fait réaliser ça l'autre jour. On n'écrit jamais pour soi, jamais pour rien ni personne. L'écriture c'est un acte, un élan vers l'autre, poussé par la volonté et le besoin de partage et d'échange mais retenu par l'incapacité qui peut relever de la honte, de la peur ou de je ne sais quelle autre situation ou émotion incapacitante. Quoiqu'il en soit je crois que depuis notre rencontre et encore plus depuis notre séparation je peux pas m'empêcher d'écrire pour toi et toi tu écris pour elle et je trouve que c'est beau la chaîne que ça forme, je me demande si quelqu'un écris pour moi en ce moment, peut être que ça viendra. J'ai besoin de te garder au moins dans un coin pour continuer d'exister pour que mes pensées ne se perdent pas dans un néant de solitude, ça sonne comme ma propre mort et c'est un peu effrayant. J'ai besoin de toi pour exister en dehors de la matière, pour exister dans les pensées et les mots, c'est effrayant de me dire que je suis une sorte de parasite, un embryon sans corps, un truc si fragile et dépendant, c'est cette faiblesse ma force
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vraiesmeufs · 7 years
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Bérénice
Blanche, 13h
J’attends Bérénice devant le mythique Moulin Rouge. C’est l’heure de manger, donc j’en profite pour aller chercher quelque chose à manger au Monoprix d’en face. Des touristes s’amusent sur une bouche d’aération au milieu de la rue. Bérénice sort du métro, il commence à pleuvoir. Elle me propose de rentrer dans un bâtiment, pour nous abriter. “C’est ici que je viens faire du théâtre depuis peu.”
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“Le théâtre ça me permet d'être encore plus à l'aise avec moi-même, sur mes appuis, je maîtrise mieux mon énergie. Je ne suis pas du tout timide mais parfois je suis réservée ou dans ma bulle, je suis une fausse extravertie. Être quelqu'un d’autre pendant un certain temps, réfléchir, agir, parler, anticiper comme lui ça aide à être plus en phase, être plus instinctive. En soit, ça m'aide à mieux comprendre les humains. On fait pas mal d'impro, c'est archi drôle, un peu de scènes classiques ou modernes et on apprend la justesse de l'interprétation.”
Bérénice fait partie de cette génération de jeunes artistes . A travers ses photos, la jeune femme essaye de montrer un visage plus authentique de notre jeunesse. “J'ai commencé la photo quand j'étais en 3e. Mes parents ont acheté un bridge pour aller en vacances et j'ai pris goût à la photo à ce moment là, mais c'était plus du divertissement. Mes premiers shoots, c'était tout ce que je voyais, que je trouvais beau, et mes potes aussi. Ensuite j'ai arrêté et je me suis passionnée pour le cinéma, donc toujours dans le visuel. Il y a trois ans j'ai acheté deux argentiques en Allemagne parce que j'étais fan de Cartier Bresson, j'ai appris en deux, trois mois, et depuis je shoote avec. Je ne fais plus de numérique parce que je trouve l'argentique tellement authentique, tellement pur en ce qui concerne la photographie que j'aurais du mal à réessayer avec un reflex.” 
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“Je choisis mes sujets assez instinctivement, ça vient tout seul. Soit je m'inspire d'une personne, soit je m'inspire d'une ambiance, d'un mood et alors j'y ajoute les gens. J’aime quand la différence est grande entre l'environnement et la personne. Sinon les vibes des gens m'intéresse, ce qu'ils dégagent etc... Les shoots je les organise comme je peux, et je shoote rarement au même endroit plusieurs fois, et encore moins à des endroits connus. C'est toujours un peu le zbeul d'ailleurs de shooter avec moi, je trouve toujours des spots trop éloignés, bizarres ou illégaux mais c'est marrant et je reste souvent ami avec mes modèles.”
“Je ne sais pas exactement où je veux que ça me mène, en soit si je fais ça c'est d'abord pour moi, l'art c'est un exutoire, donc si je commence à calculer dès le début ça fonctionnera plus pareil. En ce moment c'est la photographie, peut être que demain ce sera la peinture, l'écriture, les films, je sais pas du tout, l'important c'est que le truc sorte. Mais pouvoir vivre de la photographie, ça me permettrait d'avoir les moyens de modéliser EXACTEMENT ce que je vois dans ma tête. Concrètement, j'aimerais que ça me mène vers des gens avec des bonnes vibes, et que ça me fasse vivre de bonnes expériences. En ce moment j'essaie de faire évoluer ma technique, et de rendre mon contenu plus subversif.
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Mais Bérénice ne veut pas faire de la photo que pour la beauté des choses. La photographe est en train de réaliser un projet sur les femmes de couleurs. On comprend donc que le féminisme et en particulier le féminisme intersectionnel sont des causes qui lui tiennent à cœur. (Intersectionnalité : notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination dans une société. (sexisme, islamophobie, racisme…) “L'idée principale du projet c'est donner la parole à des filles d'origines totalement sous représentées ou soumises à des stéréotypes dans les médias etc. J’aimerais qu'elles nous disent qui elles sont, ce qu'elle font, qu'elles parlent de leurs cultures, qu'on puisse les voir dans leur complexité, et qu'elles définissent elles-mêmes les enjeux de l'intersectionnalité qui les concerne.”
“Le projet c'est un projet photo-vidéo qui donne la parole à des jeunes femmes d'origines (noires, arabes, asiatiques, latinas, indigènes, métisses, etc...) concernant la place de la femme dans leurs cultures et leurs représentations, sous forme d'interview vidéos et de photos. J'ai pas de deadline pour l'instant, je prend mon temps, plein de photos et je rencontre le plus de meufs possible, et il faut que je trouve une vidéaste pour les interviews qui pourrait correspondre à ma manière de travailler et de voir les choses.”
“Travailler avec des filles c'est assez incroyable, être entourée d'énergie féminine c'est ce que je préfère, mais j'en ai pas souvent l'occasion. Concernant l'intersectionnalité on pense toutes + ou - la même chose et on en est consciente. Quasi toutes les filles que j'ai pris en photo avaient un projet à elles qui voulait faire bouger les choses etc. Elles sont fascinantes.” 
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L’année dernière, Bérénice est allée vivre quelques mois dans la capitale anglaise. Après un an de fac de cinéma, elle s’est rendue compte que l’Université n’était pas ce qu’elle recherchait. “Je suis allée à Londres un peu sur un coup de tête. A la fin de l'été j'avais besoin de bouger, j'étais une loque et j'étais dans une routine, y’a rien de plus ennuyant. Donc il y a eu une opportunité et je l'ai saisie.”
“Là-bas c'était incroyable. Le simple fait de ne plus respirer l'air parisien était déjà bon pour moi. Les gens sont dans un autre délire, plus ouverts, plus respectueux des autres. Il y a moins de jugement, c'est moins oppressant, mais peut être qu'une native de Londres dirait la même chose de Paris si les rôles étaient inversés. Je pense que Londres c'est le meilleur endroit pour les gens bizarres comme moi, tu n'es pas obligé de marcher droit, tu fais ce que tu veux, tu t'en fiches et les gens s'en fichent aussi. Et la ville est immense donc tu dois aussi te démerder, moi j'étais seule, quand je suis revenue j'étais beaucoup plus débrouillarde, parce que là bas tu dois trouver des combines, tu dois être dégourdie sinon tu t'en sors pas. “
“Mon meilleur souvenir, je pense que c'est quand je me suis perdue dans les quartiers la première fois. C'était cool de voir que des trucs inconnus et de pas savoir où j'étais, tout était neuf. Ça m'a obligé à être spontanée, à parler à tout le monde, à m'ouvrir. J'aimerais y retourner, tous les jours, tout le temps, ça me manque énormément.” 
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La conversation porte ensuite sur un de mes sujets préférés : la musique. Lorsque je lui demande ce qu’elle écoute en ce moment elle me répond : “Enormément de trucs ! En majorité y’a du rap, de toutes sortes, mais y’a aussi des artistes qui bougent jamais, genre Kid Cudi, Flatbush, Cousin Stizz, Isaiah Rashad, Staples, Lunatic, Nepal, Hamza, (j'en oublie sûrement) mais eux ils bougent jamais. Il y a aussi de l'alternatif (Radiohead, The Black Keys, Tame Impala, King Krule etc) du blues et des trucs anciens, de la soul et du reggae. Je me force aussi à écouter plus de meufs dans le rap, parce que je m'étais rendu compte que c'était pas le cas, et y’en a des vraiment chaudes, genre SZA, Little Simz, Willow Smith, IamDDB, Abra, Tommy Genesis, etc… Récemment j'ai découvert ISHA et j'aime trop ce type, il en a rien à foutre, il est grave marrant. C'est un mec de BX et je pense qu'il est là depuis longtemps donc c'est cool de voir qu'il commence à se faire connaître parce qu'il est bon.”
  “La musique comme l'art c'est un truc organique, ça doit venir de l'instinct, faut pas trop penser, tant que ça touche ton âme c'est bon. Par contre je dois avouer que la manière dont on consomme la musique fait que cela arrive de moins en moins depuis ces dernières années. Je pense qu'on est dans une des périodes les plus prolifiques qui ai jamais existé et du coup il y en a pour tous les goûts musicaux, mais le revers de la médaille c'est que la quantité se fait au détriment de la qualité. Je suis pas une puriste mais ce serait bien qu'on recommence à attendre plus longtemps un album, pour qu'à la sortie l'écoute nous frappe musicalement. Le dernier album qui m'a fait ça c'était Passion Pain & Demon Slayin ou peut-être DAMN et les deux datent de 2016-2017.” 
“Une vraie meuf pour moi c'est toutes les meufs, c'est toutes celles qui sont elles mêmes, qui font pas de compromis sur ce qu'elles sont.”
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ENGLISH VERSION (translated by Lucie)
Blanche Station, 1 pm. I’m waiting for Bérénice in front of the legendary Moulin Rouge. It’s lunch time, so I go and get something to eat at the Monoprix on the other side of the street. There are tourists having fun on a vent in the middle of the street. While Bérénice is exiting the subway, it starts to rain. She suggests taking shelter in a building. “This is where I’m taking acting classes.” “The theater allows me to be even more comfortable with myself, to stand on my own two feet, and I can better channel my energy. I am not shy at all but sometimes I can be reserved or inside my bubble, I am a false extrovert. Being someone else for a while, thinking, acting, talking, anticipating like the character helps to be more in tune, more instinctive. In itself, it helps me better understand humans. We do a lot of improvisation, it’s so funny, a few classical or modern scenes, and we learn the accuracy of interpretation.”
Bérénice belongs to this generation of young artists. Through her photos, she tries to show a more authentic face of our youth. “I started taking pictures when I was in the 9 th grade. My parents bought a bridge to go on vacation and I took a liking to photography at that time, but it was more for fun. My first photos were of things that surrounded me, things I found beautiful, and also my friends. Then I stopped and I grew fond of cinema, so it was still about the visual. Three years ago I bought two old film cameras in Germany because I was a fan of Cartier Bresson, I learned in two or three months, and since then I’m taking my pictures with them. I no longer use digital because I find that film is more authentic, and so pure when it comes to photography, that I would have a hard time coming back to a reflex.” “I choose my subjects rather instinctively, it comes naturally to me. I can be inspired by a person, or by an atmosphere, a mood, and then I put people in. I like when there is a big contrast between the background and the person. Otherwise, it’s the person’s vibes that interest me, what they give off, etc... I plan my shootings whenever I can, and I rarely shoot twice in the same location, much less in famous places. It’s always messy shooting with me, I always find spots that are too far away, too strange or even illegal, but it’s fun and I often become friends with my models.”
“I don’t know exactly where I want it to lead me, because I do it first and foremost for me, art is an outlet, so if I start calculating from the beginning, it won’t be the same. Right now, it’s photography, maybe tomorrow it will be painting, writing, filming, I don’t know, what matters is that it comes out. But being able to live off photography, it would allow me to have the means to model EXACTLY what I see in my mind. In concrete terms, I would like it to lead me to people with good vibes, and give me good life experiences. Right now I’m trying to make my technique evolve, and make my content more subversive.”
But Bérénice does not want to take pictures just for the beauty of things. The photographer is doing a project on women of colors. We now understand that feminism and in particular intersectional feminism are matters close to her heart. (Intersectionality: a concept used in sociology and political reflection, which refers to the situation of people simultaneously submitted to several forms of domination or discrimination in a society - sexism, Islamophobia, racism...). “The main idea of ​​the project is to give a voice to girls coming from backgrounds that are totally underrepresented or submitted to stereotypes in the media etc. I would like them to tell us who they are, what they do, to talk about their cultures, so that we can see them in their complexity, and so that they themselves can define their own stakes when it comes to intersectionality.”
“The project is a photo-video project that gives the floor to young women of origins (whether they are Black, Arab, Asian, Latina, Native, Mixed-race, etc ...) to talk about the place of women in their cultures and representations, in the form of video interviews and photos. I have no deadline for now, I’m taking my time, lots of photos, I meet as many girls as possible, and I have to find a videographer for interviews who has the same work ethic and way of seeing things as me.”
“Working with girls is pretty amazing, being surrounded by feminine energy is my favorite, but it is not often the case. Regarding intersectionality, we all have more or less the same opinion, and we are aware of it. Almost all the girls I photographed had a project of their own to make things happen and so on. They are fascinating.”
Last year, Bérénice has lived in the English capital for a few months. After a year of film school, she realized that the University was not what she was looking for. “I went to London a bit on a whim. At the end of the summer I needed to move, I was a wreck, stuck in a rut, nothing is more boring. So there was an opportunity and I took it.”
“It was amazing there. Just the fact that I was no longer breathing the Parisian air was already good for me. People there have another vibe, they are more open, more respectful of others. There is less judgment, it is less oppressive, but perhaps a native Londoner would say the same thing of Paris if the roles were reversed. I think London is the best place for strange people like me, you don’t have to walk the line, you do what you want, you don’t care and people don’t care either. And the city is huge so you just have to figure it out, and I was on my own, so when I came back I was much more resourceful, because there you have to find schemes, you must be clever, otherwise you don’t make it.”
“My best memory, I think it was when I got lost in the streets the first time. It was so cool seeing all these unknown stuff and not knowing where I was, everything was new. It forced me to be spontaneous, to talk to everyone, to be more open. I would like to go back there every day, all the time, I miss it a lot.”
The conversation then focuses on one of my favorite subjects: music. When I ask her what she is listening to right now she answers, “A lot of stuff! Mostly rap, of all kinds, but there are also artists who never move, like Kid Cudi, Flatbush, Cousin Stizz, Isaiah Rashad, Staples, Lunatic, Nepal, Hamza, (I’m sure I’m forgetting some) but they never move. There is also the alternative (Radiohead, Black Keys, Tame Impala, King Krule, etc.), some blues and old stuff, soul and reggae. I also force myself to listen to more girls who rap, because I realized that I didn’t, and there are some that are really good, like SZA, Little Simz, Willow Smith, IamDDB, Abra,Tommy Genesis, etc ... Recently I discovered ISHA and I just love this guy, he doesn’t care, he’s really fun. He’s a guy from BX and I think he’s been there a long time so it’s cool to see that he’s starting to make a name for himself because he’s really good.“
“Music, like art, is an organic thing, it must come from instinct, don’t think about it too much, as long as it touches your soul, it’s good. On the other hand, I have to say that the way we consume music makes it happen less and less, in the recent years. I think we are in one of the most prolific eras ever, suddenly there is something for every musical taste, but the downside is that quantity comes at the expense of quality. I’m not a purist but it would be nice to wait longer for an album, so that when it finally comes out, listening to it strikes us musically. The last album that did this to me was Passion Pain/Demon Slayin or maybe DAMN and both are from 2016 - 2017.”
“For me, a real girl is all the girls, the ones who are themselves, who don’t compromise on what they are.”
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blogapart3bis · 5 years
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Il faut dire ce qui est: La Sorcellerie est un sport de combat, dernier roman de Lizzie Crowdagger, annonce direct la couleur. Surtout quand l'accroche pose "les tribulations de lesbiennes hooligans face à un sorcier nazi". En même temps, si comme moi vous avez déjà lu La Chair et le sang, vous ne devriez pas être surpris.
Posons tout de suite les choses: j'ai pu lire ce roman en avant-première, puisqu'il ne sort officiellement qu'en mars (1er mars en numérique, un peu plus tard pour la version papier). C'est donc du bon gros service-presse des familles. Du coup, vous avez le droit de ne pas me croire si je vous dit que j'ai beaucoup aimé.
Le monde de La Sorcellerie est un sport de combat est sensiblement le même que celui de La Chair et le sang: un monde contemporain, mais dans lequel magie et créatures surnaturelles existent – et coexistent avec les paquets de chips, les plateaux de Scrabble et la programmation orientée objet. Et les pointeurs laser.
Les personnages ne sont pas les mêmes, mais on va retrouver un peu le même schéma: des femmes, lesbiennes et/ou trans, parfois (mais pas toujours) avec un lien vers le surnaturel, clairement marquées à gauche antifasciste, avec une certaine propension à la badassitude. Le tout dans un contexte où le bizarre, le banal et le geek se mélangent à parts variables.
Et, donc, tout ce petit monde va se retrouver à affronter un sorcier nazi revenu de l'Enfer. Littéralement, donc. Oui, ça peut vivre longtemps, les sorciers.
Donc, j'ai beaucoup aimé. Du coup, je vais commencer par les trucs que je n'ai pas trop aimé. Je dirais que La Sorcellerie est un sport de combat a un problème de rythme: il n'avance pas très vite dans l'intrigue principale et se perd parfois dans des détails de la vie quotidienne.
Je suppose que c'est en partie dû à la pléthore de personnages principaux: en comptant les antagonistes, on doit facilement arriver à une douzaine de personnes. Du coup, ça digresse facilement. Pour reprendre une métaphore rôliste, on a l'impression que toutes les joueuses veulent faire des apartés avec la meneuse de jeu et faire avancer leur propre histoire.
Pour le reste, c'est du bon, voire du très bon. L'écriture, surtout, est un régal, avec des dialogues qui claquent bien, des situations décalées bien comme il faut, des grands moments de geekitude assumée. C'est très drôle.
L'intrigue (principale) est sympa; je m'attendais à plus de politique, mais ça passe quand même. Surtout, on sent que l'univers, s'il n'est pas turbo-original, est bien pensé. Les mécaniques qui font "fonctionner" la magie et, plus généralement, le surnaturel, sont solides et amènent leur lot de surprises.
Avec La Sorcellerie est un sport de combat, Lizzie Crowdagger continue ses histoires d'urban fantasy version punk, avec des héroïnes attachantes et décalées. Ça estropie assez peu de palmipèdes trijambistes, mais ça bouge pas mal, c'est plutôt intelligent et c'est marrant.
L’article <span class='p-name'>« La Sorcellerie est un sport de combat », de Lizzie Crowdagger</span> est apparu en premier sur Blog à part.
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swedesinstockholm · 9 months
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4 décembre
s. vient de m'inviter à son mariage, j'ai du la féliciter et tout ça et ça me faisait bizarre de jouer le jeu de la société comme ça, ça me semblait totalement incongru de la féliciter pour ça, pourquoi on félicite les gens qui se marient? qu'est-ce qu'ils ont accompli au juste? elle m'a envoyé un lien vers le site du mariage avec toutes les infos et dans les faq y avait la question can i bring a date? et tout d'un coup je me suis rappelé qu'aller à un mariage en tant que célibataire était considéré comme problématique, du moins dans la pop culture, et j'ai pensé à toutes ces photos qu'on voit sur fb de gens en couple qui prennent des photos dans leurs tenues moches dans des décors champêtres quand ils sont invités au mariage de leurs amis. pendant une demie seconde l'idée m'a traversé l'esprit d'y aller avec r., comme ça on pourrait se moquer des gens ensemble et tout le monde tomberait sous notre charme parce que je suis sûre qu'on fonctionnerait comme ça si on était en couple, on serait un couple archi charmant. mais la vie étant ce qu'elle est (nulle) j'irai seule et je serai triste et je ferai de la peine à tout le monde.
je me demande si je devrais pas arrêter de lui écrire. je me demande si c'est pas le seul moyen pour guérir. ça fait six mois et j'avance pas parce qu'il est tout le temps là dans mon téléphone et j'essaie de repousser la delulu mais elle se laisse pas faire, elle est comme un brassard gonflé qu'on essaie de faire couler mais dès qu'on le lâche il remonte à la surface, PLOP. relentless, comme moi dans la voiture du prof de philo l'autre jour. je me lasserai pas parce que je suis tenace, je résiste à l'usure, j'ai l'espoir coriace. je fonctionne pas sur la même échelle de temps que le reste du monde humain, j'ai le temps moi, ça peut durer des années cette histoire.
à part ça je suis amoureuse aussi de l'écriture, c'est pas nouveau mais ce soir j'étais à la chorale avec a. et parfois quand je chantais en lisant la partition et en suivant le rythme du piano je pensais au poème que je suis en train d'écrire pour la revue mouche et les deux se mélangeaient dans ma tête, le rythme du requiem de fauré et mon poème, et je me disais quelle journée. ça m'a rappelé à quel point l'écriture est une affaire de rythme aussi. mon poème parle de a. et il est tellement bizarre qu'en le lisant à voix haute il me fait éclater de rire. ce weekend ils avaient mis l'appel à texte en story en mettant si jamais vous cherchez quelque chose à faire ce weekend... et je sais pas pourquoi mais le fait que la poésie puisse être une histoire d'activité de weekend pluvieux comme on ferait des mots croisés ou un puzzle ça m'a chatouillée. c'est une histoire de désacralisation? est-ce que je sacralise la poésie? non je crois pas justement, ou alors si, je la vois comme quelque chose de sacré mais sacré dans le sens trésors-noisettes qu'on ramasse et qu'on met dans sa poche, parce que le poésie infuse tout et que c'est pas juste une histoire de mots, c'est une façon d'appréhender le monde. mais bon, un poème reste un poème et pour l'écrire il faut des mots et du temps et le weekend c'est du temps. mais moi je veux pas que ce soit un truc de weekend, je veux que ce soit toute ma vie.
et la chorale c'était vraiment bien même si j'arrivais pas à monter dans les aigus assez haut mais j'adorais être debout avec mon livret de partitions et chanter en latin en suivant le piano à défaut de savoir lire les notes. j'ai vu magda de la comédie musicale, elle était assise derrière moi et elle m'a serré l'épaule avec sa main. quand je me perdais dans la mélodie j'essayais de la suivre comme dans le choeur de tonight de west side story. ce matin en déjeunant je regardais la neige tomber dehors en écoutant l'orchestre de l'arctique sur france musique et on entendait le chant d'un oiseau de l'arctique légèrement ralenti et ça m'a rendue un peu mélancolique, mais c'était beau.
7 décembre
je commençais à regretter d'avoir décidé de faire cette lecture au pantin mais finalement ça va parce qu'il me restait des trajets sur mon pass à utiliser et puis aussi ça m'a permis de me rendre compte qu'à défaut d'avoir confiance en moi (mes genoux tremblaient tellement de nouveau que j'ai du faire une pause dans ma lecture pour les secouer) j'ai un peu plus confiance en mon moi d'écrivaine. je me sentais légitime et j'avais confiance en mon texte. j'ai l'impression d'avoir fait beaucoup de progrès en un an et en même temps d'en avoir fait zéro parce que tout était déjà là. je sais pas. mais je crois que mon écriture a évolué. et puis ça valait la peine de venir rien que pour le trajet en train de hier parce que j'ai enfin commencé la note d'intention du projet d'écriture pour la résidence et j'étais on fire toute seule dans mon carré avec mon ordi, j'écoutais ma playlist de quand je stalkais le compte spotify de a. et tout s'est un peu éclairci dans ma tête, je sais pas si c'était le paysage de forêts et de petites villes belges monotones qui défilaient par la fenêtre ou la musique ou quoi mais c'était grisant de me sentir avancer.
et puis surtout: j'ai vu p. dans les bras d'un grand type qui portait un gros pull irlandais et une barbe de trois jours, il avait une tête de beau gosse de comédie romantique et peut être qu'ils étaient juste de très bons amis mais y avait quand même beaucoup de caresses. j'étais tellement contente que je crois que j'ai souri. elle est tellement jolie, ça me tue. j'ai l'impression qu'elle ressemble à la fille à qui je ressemblerais si j'étais belle. heureusement j'avais m. avec moi cette fois. c'est la première fois qu'elle venait à une lecture. elle m'a dit qu'en toute objectivité j'avais été une des meilleures. j'ai parlé avec a. p. aussi pendant qu'on faisait la queue au bar, il m'a parlé de f. de la kulturfabrik qui visiblement lui a parlé de moi et de mon texte que j'y avais lu en juin parce qu'il m'a dit qu'elle était fan, et puis juste après l. est passée devant nous pour sortir sur le trottoir avec les autres cool kids et elle s'est retournée pour me dire je suis fan de tout ce que tu fais et voilà un jour j'arrêterai de faire la liste de tous les gens qui me font des compliments. en rentrant on a regardé harry potter 6 au lit et j'ai du attendre que m. aille se laver les dents dans la salle de bain pour écouter les messages de r. qui me demandait comment ça s'était passé et qui me racontait qu'il avait passé la journée à chialer en écoutant anne sylvestre.
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ÉCRIRE UNE FANFICTION : UNE HONTE ?
J’ai interviewé deux auteurs de fanfictions urbaines centrées sur des rappeurs français qui ont eu des avis des engagés et quelques peu similaires sur la question. 
Q : Qu’est-ce qui t’as donné envie d’écrire une fanfiction ? 
Sneaki — “C'est peut-être bizarre, mais je pense que c'est le fait d'en lire. J'ai toujours aimé écrire et l'idée de ma première "vraie histoire", m'est venue sous les traits d'une fan fiction, alors c'est vrai qu'en commençant à écrire sur Wattpad, je ne me suis pas demandé quelle image cela renverrait, puisqu'il y en avait déjà beaucoup, sur beaucoup de personnalités différentes que je lisais déjà.
Enyrual —”J’ai commencé à en lire très jeune, avec high school musical. Ensuite j’ai grandi, puis je suis passée aux One Direction, avec lesquels je n’ai loupé aucune fanfiction qui valait le coup. Je m’étais même mise à en écrire une que j’ai à l’époque bien vite délaissée, et beaucoup plus récemment, je me suis mise à wattpad après avoir lue une histoire sur cette application sur le rappeur Nekfeu. Et je me suis dis : Pourquoi pas moi ? Les lecteurs étaient tous à l’affut, commentaient les passages qui les faisaient rire, sourire, pleurer… Je me suis dis que ça devait motiver et faire plaisir au max de voir les gens aimer son histoire comme ça. Alors je me suis lancée sur ma première fanfiction qui a plutôt bien marché mais qui n’est plus sur wattpad aujourd’hui.”
Q : Quel est l’intérêt pour toi, d’introduire une célébrité dans tes ��crits ?
Sneaki — “Sur le coup, je n'y ai pas vraiment pensé, j'ai commencé comme ça, sans réfléchir, mais, avec du recul, je me suis rendue compte que le format de fan fiction avait tendance à attirer plus de monde que les histoires plus classiques, au moins sur Wattpad. On ne va pas se mentir, quand on débute dans quelque chose, ça fait toujours plaisir de voir que ce que l'on fait plait aux gens, alors j'ai continué. Pour mes autres histoires, cela dépend, mais, même si j'essaie de me détacher de temps en temps de la fan-fiction, mes idées me viennent souvent sous cette angle là, et, même si plus tard, je décide de ne pas en faire une fan-fiction, sur le moment de l'écriture, mes personnages ont souvent les traits des gens sur lesquels j'ai l'habitude d'écrire.”
Enyrual —”Le premier intérêt pour moi était d’être lue. Prendre la ou les célébrité(s) du moment qui faisaient fureur hors wattpad et sur wattpad a été un tremplin réel. Je n’ai pas un million d’abonnés, mais j’ai une petite communauté qui me suit uniquement car j’ai écrit sur des membres de l’entourage. Le deuxième intérêt était bien entendu, et c’est même sûrement le plus important, que le visage de la personne m’inspirait quelque chose. Je voyais cette personne dans tel ou tel personnage, et c’est ce qui m’inspirait. Ca m’a aidé à construire de vraies histoires du début à la fin.”
Q : Serais-tu à l’aise avec l’idée de la promouvoir, ou préférerais-tu qu’elle reste cachée ? Pourquoi ?
Sneaki — “Honnêtement ? Je préférerais que mes histoires, tant qu'elles sont sous la forme de fan-fiction, restent "cachées", si l'on peut dire ça. C'est peut-être idiot, mais je pense que beaucoup de personnes écrivant des fan-fictions, ressentent cette gêne. J'ai pourtant totalement conscience que mes personnages n'ont rien à voir avec les célébrités dont ils s'inspirent, autant dans leurs caractères, leurs attitudes et leurs modes de vies, mais ça me dérange d'imaginer que des gens pourraient croire l'inverse. Quitte à remodeler mes histoires, pour enlever le côté fan-fiction, même s'il suffit de changer de simples prénoms, je préfère que, sous cette forme elles restent dans l'ombre.”
Enyrual — “Ça dépend auprès de qui. J’ai plus le courage de débattre de ça avec des gens qui ne veulent pas comprendre qu’écrire une fanfiction ne veut pas dire s’imaginer avec la célébrité qu’on met en scène dans l’histoire qu’on écrit. Je ne me cache pas d’écrire des fanfictions, mais je n’en fais pas la propagande non plus. Les gens restent butés sur certains sujets et malheureusement la fanfiction en fait partie. Surtout lorsqu’on prend le risque d’écrire sur des rappeurs adulés.”
Q : Penses-tu que la fanfiction est un sujet tabou ? 
Sneaki — “Clairement, oui. Même moi, avant d'en écrire et d'en lire, si on me l'avait exposé comme cela est "médiatisé" j'aurais trouvé ça ridicule et bizarre, d'écrire et d'imaginer la vie de personnes dont on ne connaît en réalité rien du tout et de s'en faire tout un film. Pour être honnête, si plusieurs personnes de mon entourage ont lus quelques unes de mes histoires, très peu savent qu'à l'origine, elles étaient sous la forme de fan-fiction, pas même mes parents.”
Enyrual — Pour moi oui ça l’est, et ça l’est de plus en plus lorsqu’on voit la réaction des gens qui découvrent que “OH MON DIEU, des gens écrivent  des fanfictions sur un RAPPEUR !” Etre auteure de fanfictions est similaire à être une groupie aujourd’hui pour les gens, et parfois même pour le public qui les lit. Les gens pensent directement à mal au lieu de se dire : “La vache, ça inspire un tas d’histoires quand même.””
Q : Selon toi, la fanfiction est-elle jugée à sa juste valeur ? 
Sneaki — “Je pense que, rien qu'au mot "fan-fiction" les gens ont tendances à facilement juger les écrits d'autres personnes. Les médias et les réseaux sociaux, ça ne fait qu'amplifier ce malaise et cette image qu'ont la plupart des personnes sur ce mode d'écriture. Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, une fan-fiction, ce n'est pas forcément un truc bourré de fautes d'orthographe, écrit par une gamine de treize ans travaillée par les hormones qui s'imaginent être le grand amour de leurs idoles. Il y a des histoires qui sont magnifiquement bien écrites, qui ont du sens, une morale, et qui, si l'on se contentait de changer le prénom du personnage principal, serait des histoires bien plus acceptées qu'elles ne le sont dans le format de fan-fiction. Je trouve ça dommage que cette image nous colle, car, comme il y a de très bons écrivains dans les fan-fictions, il y en a de très mauvais dans les modes d'écritures plus classiques. De même pour les histoires.”
Enyrual — “Pas du tout, et je suis à cent pour cent sûre que si les gens qui tweetaient « La honte les fanfictions sur nekfeu » ou « je viens de découvrir qu’il y a des fanfictions wattpad sur nekfeu ptdrr sont malades les gens » prenaient le temps de venir voir, et lire, kifferaient forcément quelques histoires dans le tas. Je parle de nekfeu parce-que personnellement toutes les filles que je connais sur wattpad écrivent sur lui, mais j’inclus toutes les célébrités qui ont des fanfictions en leurs noms. La fanfiction est une chose bien, et trop de gens la jugent malheureusement mal.”
 @sneaki @enyrual
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beatlesonline-blog · 2 years
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verloren-y · 5 years
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2 Mars 2020
J'ai envie de pleurer je me sens oppressé.
Il est 2h du matin. J'ai des problèmes niveau logement, je n'ai ps envie d'en parler ça me stress de trop. Mais ces derniers temps la nuit avant de.... dormir. Je panique, je panique beaucoup et je sais pas toujours d'où ça vient. Mon coeur bat plus fort et je stress d'un coup je panique c la panique jme sens mal et voilà C AFFREUX ok. Ptn jme sens pas bien surtout que j'écris encore comme si j'écrivais à qqlun. YANNICK tu t'écris à toi À TOI PTN À TOIIIII C POUR TOI QUE TECRIS PTN...... C'est si dur pour moi. J'ai l'impression de jamais rien faire pour moi. Je, enfaite je Ouais je vis pour montrer aux autres pour qu'ils m'aimes plus PLUS PLUS PLUS JE VEUX QUE TOUT LE MONDE M'AIME PTN JVEUX DE L'ATTENTION JVEUX QUE VOUS MAIMIEZ :'( vous êtes nul des amie de skype ... L'élite. Jsuis juste une ptn de figurine, jsers à rien, quand j'écris personne ne répond, et arrêtez de dire que personne comprends ce que je dis c'est faux (parfois c'est vrai) mais la plupart du temps je réagis ou je dis des trucs mais tout le monde m'ignore. enfaîte c'est pas étonnant que je quittais le discord si souvent Wsh. Jsuis normal et même un génie. Vous comprenez rien pfff. Perdonne me mérite voilà :((( j'ai envie de pleurer en disant tout ça. Ça fait mal de remarquer qu'on est invisible quand on ne voudrait pas l'être. Je veux soivent arrêter le temps comme Piper, je le fait d'ailleurs régulièrement dans mes rêves. Juste pour prendre l'air J'ÉTOUFFE en mauvaise compagnie. Bon là je change de sujet les gars. Je parles de ma famille enfaîte. Aujourd'hui o' est allé au restaurant. Et c'était affeux je veux plus JAMAIS les entendre parler DE MOI ET D'UNE COPINE ÇA ME DÉGOÛTTTEEEEEE C'est BEURK BEURK BEURK ptn jvous hais c affreux j'en ai marres et j'entendais vos rire tout ce que je voulais c'était PARTIR PTN :'( c'était affreux. Là MTN au moment où j'écris jmen fiche si après vous m'aimez plus alors que c'est le centre de mon problème. J'ai quand même peur. Surtout pour certains. Mylène j'ai peur qu'elle me rejette après. Les autres moins. Je sais que tata Isabelle le sait elle a l'oeil j'en suis sûre c'est pas possible. Mais voilà... Mickaël je pense pas qu'il dira bcp là dessus c'est un bon gars et il a un peu une philosophie vivez votre vie tant que ça ne blesse personne, c'est genre super Wise en vrai :). Mais j'en suis pas sûre non plus. Le truc c'est que c'est vraiment 50/50 une chance sur deux. Mais moi j'en ai marre d'être avec des gens qui n'ont aucune idée de qui je suis. Je suis pas moi avec eux, ils ont aucune idée de qui se cache derrière cette personne la moitié du temps mal à l'aise avec eux OU BIEN entrain de jouer un rôle, ou un semi-role je les trouves quand même super drôle parfois surtout ma tata jlaime bcp jles aimes pourtant je crois mais parfois jme demande si c'est le cas.
1-Je voudrais bien découvrir pourquoi je veux être aimé de tous. / Pourquoi le regards des autres m'importe autant?
2-Je voudrais comprendre la mort et apprendre à faire un réelle deuil. Car le problème un vient sûrement en partie de là même si pas complétement. C'est surtout plus simple à vivre d'être aimé pour moi.
3-devenir actif (gay joke lol), je fais souvent RIEN j'ai du mal à entreprendre qql chose, et je deviens de plus en plus mou. Mon corps commence à me faire mal de cette inactivité.
On en arrive au moment où je parles des garçons comme tjrs. Je poste des story insta en ce moment assez régulièrement. C'est pour attirer leur attention. Et j'ai vu que Joris avait vu mon truc aujourd'hui. Alors je vais écrire (je l'ai peut-être déjà fais) pourquoi je l'aime et pourquoi ça ne fonctionnerait pas pourtant: Il est choi, c'est un garçon adorable quand il fait des mouvements brusques et qu'il fait le foufou il est vraiment wow quand il fait ça c'est si chou je l'adore. Il comprends ce que je dis. Il dis n'importe quoi comme cacahouètes. J'avais d'autres trucs mais je les ai oublié je dois avouer. Il est beau aussi genre vraiment alors que c pas forcément mon genre. Nn mais il est ouf genre wouaw. Et en même temps ça ne marcherait pas, je scrollais son insta et jme suis dis, Il te voit à la limite comme un genre de ptit frère. Enfin mtn plus puisqu'on se parle à peine et que je veux pas déranger et le spam. Jsuis un goujat peut-être aussi. Mais ouais je sors pas il sort. Il est extraverti je le suis pas. Voilà des ptites raisons. O K
Bon comme déjà une fois dis la vie est longue et peur être que quand on aura 60ans on se mettra ensemble. Si je vis encore d'ici là....... hm Je sais pas il faut vraiment que je règle mes problèmes. J'ai peur de la vie jme rappelle quand Joris m'avait dit qu'il avait peur aussi, mais que sa mère lui avait dit qu'elle l'aiderai genre pour le prêt tout ça. Et c'est vraiment adorable. Moi jpense de toute façon que les parents devraient donner de l'argent PARCE QU'ON en a besoin quand on est jeune!! Pas quand on aura 60ans et qu'on sera nous-même vieux genre aucune utilité. Ça arrive à chaque fois. Genre maman bref j'ai ps envie de râler là dessus mais voilà. Je vois mon futur avec des enfants. Et jveux qu'ils aient le meilleur avenir possible. J'ai pas envie qu'ils vivent comme les prolos qu'on est à moitié. On vit comme ça, moi j'en ai marres.
J'en ai marres de dire non à des sorties parce-que j'ai peur de l'argent.
J'en ai marre de pas manger parce-que j'ai pas d'argent.
J'en ai marres de pas pourvoir aller chez le psy parce-que je n'ai pas d'argent.
et je voudrais prendre des cours de chant.
Il suffirait de travailler, sauf que mon complexe en réalité bien plus développé qu'on ne le pense, d'infériorité me bloque. Cette phrase fonctionne en allemand mais pas en français. AH. ouloulou.
hm
J'ai du mal à vivre je pense vraiment parfois que ça serait plus simple de pas continuer ça fait mal de dire ça. Et au moment où je l'écris j'imagine tout le mal qu'une personne pourrait penser de ce que j'écris. Comme quoi si j'écris ça c'est que c'est pas si grave, que c'est rien "j'ai vécu pire" jme laisse pas je sais même pas être quoi mais jle laisse pas être. la salade aux pissenlit c'est super bon. J'ai le droit d'être moi... J'ai le droit d'avoir des émotions et des sentiments..... Quand qql chose de mal m'arrive ou même de bien parfois je ressens rien je ne réagis PAS mon mécanisme de défense dit : stop no no don't speak DONNNT SPEAKKKKK AHHSLSKSKKA Alaska?
Ahaha jsuis marrant quand même jsuis triste et bizarre je m'aime écrire ça aide mon gars je t'aime je taime je t'aime Yannick Tu es génial ♥️. La société m'effraie j'ai peur du slef love et tout ces concepts qui devienne mainstream, Jen ai marre d'être dans une case aussi ça me stress. Les médias tout Tout parle tout cris ont est tellement oppressés. Il faudrait que je supprime tout mais la peur de perdre qql chose est trop grande non? Oui je crois enfin pas pour tout.... C'est compliqué d'avoir ses amis partout sur les réseaux. C'est chiant Miaou Je commence à rentrer dans l'écriture automatique où je réfléchis plus vraiment à ce que j'écris TOUT EN GARDANT une logique et hm un genre de fil enfin ça a du sens ce que j'écris c pas de l'écriture automatique mais ça permet de pas se censurer autant voir pas du tour. Genre pas de ponctuation AHAHHAAHAHAHA J'ADORE NE PAS EN LETTRE PTN. C OUUUUUFFFF AHJDIZHSKS. OU LA PLACER COMME ON VEUT. JLE FAIR SOUVENT HIhi pti foufou.
Aie. miaou. Je suis fatigué mais je pense vraiment pas être capable de m'endormir je vais ENCORE TRIO PENSER À 100000 DE CHOSES PT COMMENT VOUS FAÎTES POUR DORMIR SI VITE LES GARS C QUOI VOTRE SECRET PTN. Minimum une heure pour m'endormir et je dis bien MINIMUM. Ya trop de trucs qui me passent par la tête et après j'analyse les situations. Je pense je pense. Et puis ça et ÇA ahhskzjvz voilà.
C tout je crois j'ai écris ce que j'avais à dire je le sens mieux un oeu mieux oui. J'aimerais bien retrouver mon intérêt à jouer aux jeux vidéos aussi c un peu bizarre ça aussi hm hm. Oui. j'ai des fourmis dans les mains je crois que ça fais longtemps que j'écris là. miaou mon chat je l'aime mon bebeeeeee (il est tjrs mort mais Je taimmmmmeee) Tu es mon bébé adoré et je t'aime et tu me manques de tout mon coeur je t'aime JE T'AIME ET je n'ai pas envie de penser à tout ceux que j'aime vous me manquez tous tellement je vous aimes vous me manquez. :Vous me manquez tellement. Pourquoi vous êtes plus là ???? POURQUOI VOUS ÊTES PLUS LÀ ?????????? RÉPONDEZ :'( pourquoi. ..
BON YANNICK FAUT PAS FINIR SI MAL jsuis triste MTN mais c'est pzs grave au moins tu es en vie et tu ressens des choses.... Jme sens mal et complètement déchiré entre Berlin et ici. l'Allemagne et la France. Parceque je suis une autre personne là-bas. Je suis bien plus sûre de moi avec moins d'insécurité. Je suis plus masculin même si mtn plus avec mes amis PARCEQUE JE SUIS UN PTN D'HOMOSEXUEL :p mais surtout mes amis sont plus compréhensifs là bas et BCP BCP moins jugeur ils juges pas alors que Marine elle fait que ça elle a limite honte de qui je suis c'est ouf c'est super toxic ce qu'elle fait. Cesty ravageant même de me dire non-stop combien je suis nule comme personne, et me dire que je sais pas me comporter en société. Accepte moi comme je suis. ptn. je serais qqlun d'autre elle dirait pas ça. Léa elle peut HURLER dans la rue ça la dérange pas poi jle fait elle m'engueule wsh T'as pas le droit de faire ça et en Allemagne non ils disent même pas que ma sur-confience est mauvaise quand je dis 50 fois que jsuis beau. C'est ouf jle sens moins beau en France qu'en Allemagne même. Juste de tout ce que les gens disent. Bon à part Léa ptdr cette salope elle veut me sauter MDR MDRRRRRRRRRR C SUOER DRÔLE PTN j'ai ris. c'était drôle jvous aime les gens.
WOW on a eu le droit à des sauts d'humeurs INCROYABLE en un peu moins d'une heure (ça fait presque une heure que j'écris il est 2h42 là) MES MAINS ME FONT MALL je suis fatigué et j'ai envie de dormir mais mon cerveau lui va continuer à bouillonner :/le 0
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