Tumgik
lecturesdefemmes · 4 years
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PODCAST - Lisa Garnier
Dans cet épisode, je reçois Lisa Garnier autour d’un échange sur son dernier essai paru, Psychologie positive et écologie, Enquête sur notre relation émotionnelle à la nature.
Lisa Garnier est docteure en écologie. Elle a réalisé de nombreuses enquêtes et reportages pour le magazine Ushuaïa Nature et pour l'expédition planétaire Tara Océans. Investie dans le théâtre et la photographie, elle est passée par le Muséum national d'histoire naturelle, où elle a développé des expériences participatives et animé le blog des observatoires citoyens de la nature, Vigie-Nature.
Dans cet échange, on évoque l’importance de voir des arbres par sa fenêtre, la manière de cultiver son bonheur, et pourquoi on peut dire qu’observer les étoiles nous rend plus généreux.
Bonne écoute et belle lecture !
Sites cités :
Le travail photographique de Lisa Garnier sur ce site
Le Livre des recettes, Lisa Garnier, accessible ici
Le site J’agis pour la nature
Le site de Vigie nature
Ouvrages cités :
Psychologie positive et écologie, Enquête sur notre relation émotionnelle à la nature, Lisa Garnier. Actes Sud, 2019. La chronique sur le blog.
Farallon Islands, Abby Geni. Traduit de l’anglais par Céline Leroy. Actes Sud, 2017.
My Absolute Darling, Gabriel Tallent. Traduit de l’anglais par Laura Derajinski. Gallmeister, 2018.
La musique utilisée en générique à ce podcast est un extrait de « Women Thoughts », composée par CyberSDF et partagée sous licence CC-By.  
Titre: Women Thoughts
 Auteur: Cybersdf 
Source: @cybersdf

Licence: creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr
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lecturesdefemmes · 4 years
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Psychologie positive et écologie, Enquête sur notre relation émotionnelle à la nature, Lisa Garnier
«… nous dépendons autant des arbres pour respirer que pour activer en nous des sentiments humains qui tendent à notre bien-être et à notre santé. »
Confinée à Paris, les arbres me manquent un peu. Alors j’ai plongé dans cet essai de Lisa Garnier, un des derniers livres que j’ai achetés avant le confinement.
Dense, fourmillant d’études menées par des chercheurs du monde entier et décloisonnant les disciplines, c’est un essai généreux. Il permet à son lecteur de se promener dans la forêt de liens qu’il créé, et de recueillir les fruits, fleurs et références qui aiguillonnent sa curiosité, tout en étant immergé dans un univers de significations encore en clair-obscur où d’autres richesses se font pressentir.
Il partage son émerveillement pour des passerelles oubliées et à redécouvrir, des espaces immenses ou des ailes de libellules, l’alphabet et la forêt.
Je vous propose ici une cueillette de lecture, qui répond à mes musarderies actuelles ; et sachez qu’il recèle bien d’autres trésors si vous vous y aventurez à votre tour.
Les mots de l’émotion en voie de disparition ?
« En analysant les ouvrages de 250 auteurs (42 800 volumes datant de 1625 à 1943) et du Google Books Corpus (307 527 volumes publiés entre 1900 et 2000), (les chercheurs Oliver Morin et Alberto Acerbi) ont mis en évidence un effondrement de l’utilisation des mots décrivant les émotions. »
Ayant éliminé d’autres facteurs possibles, les chercheurs constatent que cette baisse est concomitante à l’urbanisation croissante des populations « et à ce qu’ils appellent l’augmentation des interactions impersonnelles. »
La ville des angoisses
« Les désordres psychiques liés à l’humeur seraient 40% plus élevés en ville qu’à la campagne. On y dénombre aussi près de 21% plus d’anxieux.» 1.
Par ailleurs, notre amygdale - la zone du cerveau qui nous avertit du danger - serait plus stimulée chez les habitants des agglomérations ; et à l’inverse, notre circuit de récompense, moins actifs que celui des habitants des campagnes.
L’ocytocine de compagnie
« En 2018, les bienfaits psychiques et physiologiques de nos relations avec les animaux sont démontrés 2 (…). L’un de ses moteurs est une hormone : l’ocytocine. Hormone de l’attachement, de l’amour et de la confiance, elle est présente chez la plupart des vertébrés et l’ensemble des mammifères. »
Et on la produit particulièrement avec nos animaux : « Or il s’avère qu’un maître caressant son chien produit de l’ocytocine, comme s’il avait son propre enfant dans les bras. Et que le chien aussi ! Lorsqu’il regarde longuement son maître ou sa maîtresse dans les yeux, son taux d’ocytocyne augmente de 30%. 3»
Mon royaume pour une fenêtre avec vue
Dans les années 80, Roger Ulrich, urbaniste et architecte « se demandait si le beau agit sur notre bien-être émotionnel. »
Pour le tester, il a « collecté le taux de prise de médicaments, le temps de guérison et le nombre de complications post-chirurgicales chez des patients de même âge, ayant subi la même opération d’un hôpital de Pennsylvanie aux Etats-Unis entre 1972 et 1981. »
Toutes choses égales par ailleurs, la moitié des patients était dans une chambre donnant sur le mur de briques de l’hôpital, l’autre dans une chambre donnant sur la couronne des arbres. Réparties de part et d’autres d’un même couloir.
« Les résultats ont été spectaculaires. Ils ‘est révélé que, deux jours après leur opération, les patients dans les chambres « vertes » ingurgitaient en moyenne deux fois moins d’analgésiques puissants. » Ils demandaient moins de soutien psychologique. Enfin, ils sortaient en moyenne un jour plus tôt. 4
L’arbre et l’attention
Or, Roger Ulrich avait été à bonne école ; celle des époux Kaplan.
« Rachel Kaplan, pionnière avec son mari Stephen Kaplan dans l��étude du rôle de la nature sur l’apaisement de la vie frénétique de notre cerveau. » 5 Leur théorie de la restauration de l’attention se base sur le fait que « notre capacité à diriger notre attention diminue. »
Pour récupérer de notre fatigue de l’attention, nous avons besoin de rencontrer dans notre environnement quatre sensations :
le sentiment d’être loin, « loin de l’activité mentale qui requiert de l’attention comme les pensées que l’on rumine par exemple. »
La seconde est d’être fasciné. « L’activation de la fascination se fait sans effort dans notre cerveau, c’est involontaire. »
La troisième « est un sentiment d’étendue, une connexion d’envergure qui engage l’esprit. »
La quatrième ‘est « la compatibilité entre nos objectifs et l’environnement. »
De son côté, la chercheuse Nancy Wells a suivi des enfants défavorisés à un an d’écart entre deux déménagements. Ceux qui sont passés d’un environnement avec très peu de verdure à un site plus vert, toutes choses égales par ailleurs, ont fait le plus de progrès dans les tests d’attention.
Les émo-sons
« Tout comme la présence physique des arbres, les sons naturels augmentent notre tolérance vis-à-vis de nos congénères et nous aident à nous sentir en liberté avec une impression de solitude. » p. 116
L’awe, émotion à part
L’awe, c’est cette émotion indescriptible de quelque chose qui nous dépasse ; à laquelle on est reliés mais qui est plus grand que nous. Des chercheurs, philosophes et sociologues ont largement étudié cette émotion. « Dans 80% des cas, l’awe se rapport à des événements vécus positifs, liés à une personne en particulier (46%) et à la nature (32%) 7. Mais plusieurs singularités la différencient des autres émotions. La première est que lorsque nous l’exprimons, nous ne sourions pas. Nous sommes au contraire dans un état d’hébétude, bouche et yeux grands ouverts, sourcils relevés, ce qui, pour les chercheurs, lui confier un rôle différent des autres émotions qui nous permettent de communiquer avec nos congénères. Là, ce serait plutôt une façon de nous affilier aux autres face à un phénomène qui nous dépasse, comme la découverte commune d’un panorama splendide.
« Et concrètement, (…) l’awe à ce pouvoir de rendre plus généreux vis-à-vis des autres. Elle est pro-sociale. Elle rend aussi plus humble. 8 Et c’est pourquoi cette émotion est supposée permettre une vie collective où l’intérêt personnel passe après celui du groupe. » p.153
Ecologue et naturaliste, Lisa Garnier s’intéresse à la transversalité des recherches sur la biodiversité et à leur diffusion. Tour à tour écrivaine et conseillère scientifique, elle a à coeur de partager son émerveillement pour l’ensemble du vivant. Du ministère de l’Ecologie au Muséum national d’histoire naturelle, elle s’implique désormais dans une grande structure industrielle pour prendre toujours plus en compte la diversité de la vie sauvage.
Références
1 J.Peen., R.A. Schoevers, A.T. Beekrman et J. Dekker, « The current status of urban-rural differences in psychiatric disorders », Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. CXXI, n°2, 2010, p.84-93.
2 Aubrey H. Fine et Shawna J. Weaver, « The human-animal bond and animal-assisted intervention », in Matilda Van den Bosch, William Bird (dir), Oxford Textbook of Nature and Public Health: The Role of Nature in Improving the Health of a Population, Oxford University Press, 2018.

3 Miho Nagasawa, Shouhei Mitsui, Shiori En, Nobuyo Ohtani, Mitsuaki Ohta, Yasuo Sakuma, Tatsushi Onaka, Kazutaka Mogi et Takefumi Kikusui « Social evolution oxytocin-gaze positive loop and the coevolution of human-dog bonds », Science, vol. CCCXLVIII, n°6232, 17 avril 2015, p.333-336
4 Roger S. Ulrich, « View through a window may influence recovery from surgery », science, vol CCXXIV, n° 4647, 27 avril 1984, p.420-421.
5 Rachel Kaplan, « The nature of the view from home: psychological benefits », Environment & Behavior, vol. XXXIII, n°4, 2001. // Rachel Kaplan et Stephen Kaplan, The Experience of Nature. A psychological perspective, Cambridge University Press, 1989.
6 Nancy M. Wells, « At home with nature. Effects of « greenness » on children’s cognitive functioning », Environment and Behavior, vol. XXXII, n°6, 2000, p. 775-795
7 Amie M. Gordon, Jennifer E. Stellar, Craig L. Anderson, Galen D. McNeil, Daniel Loew et Dächer Keltner, « The dark side of the sublime: distinguishing a threat-based variant of awe », Journal of Personality and Social Psychology, vol. CXIII, n°2, 8 décembre 2016, p.310-328 8 Jennifer E. Stellar, Amie Gordo, Craig L. Anderson, Paul K. Piff, Galen D. McNeil et Daher Keltner, « Awe and humility », Journal of Personality and Social Psychology, vol. CXIV, n°2, février 2018, p.258-269
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lecturesdefemmes · 4 years
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Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk
Le craquement d’une branche dans la neige est-il régi par le mouvement des planètes ? Ce villageois mort mystérieusement aurait-il pu être assassiné par… des animaux ? Comment traduire la poésie de Blake ?
Entrez dans ce roman à pas de biche - de Petites Filles. Buvez un thé noir en compagnie de Mme Janina, quiu déteste qu’on l’appelle ainsi. Elle fait partie des trois seuls habitants à rester au village pendant l’hiver : lors de ses rondes quotidiennes, elle s’assure que les maisons des citadins résistent aux rigueurs du temps. Ce soir, Matoga vient la chercher en urgence. Il a trouvé leur voisin commun mort chez lui.
Démarre alors une enquête aux frontières du réalisme magique. Madame Doucheyko a son idée sur la question. D’ailleurs, elle a l’astrologie pour le prouver, et sa vision de l’existence pour vous embarquer avec elle.
Un bonheur de lecture. De ces romans sans morale qui vous connectent à l’air du temps à partir d’un détail ; qui vous montrent l’extraordinaire de l’ordinaire ; et les névroses de la normalité. Merveilleusement riche, j’ai souligné des passages toutes les trois pages…
« Déceler une similitude là où les autres voient une différence, ne jamais oublier que certains événements surviennent à des niveaux distincts, ou bien, pour l’exprimer autrement, qu’ils représentent divers aspects du même phénomène. Il faut se souvenir que le monde est une toile gigantesque, qu’il forme un tout et qu’il n’existe rien, absolument rien, qui soit à part. Même le plus petit fragment de l’univers est lié au reste à travers un cosmos sophistiqué de correspondances qui se laissent difficilement pénétrer par un simple esprit. »
p. 67
Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk. Traduit du polonais par Margot Carlier. Editions Libretto, 2014. Née en 1962, Olga Tokarczuk a reçu le prix Niké - équivalent polonais du Goncourt - pour Les Pérégrins, parus aux Editions Noir sur Blanc. Romancière la plus célèbre de sa génération, elle est l’auteur polonais contemporain le plus traduit dans le monde. Elle obtient le prix Nobel de littérature 2018, décerné en 2019.
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lecturesdefemmes · 4 years
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La formule préférée du professeur, Yôko Ogawa - Chronique de Icram El Abdiaye
Un matin calme, on ouvre délicatement l'emballage légèrement métallique entourant un chocolat. La première couche de la friandise craque légèrement, le coeur est apaisant. Le crépitement du papier répond à la brisure minuscule du chocolat. Tout est lentement appréciable, net, et pleinement légitime à être là. Tentative d'exprimer ce qu'est glisser des yeux sur La Formule préférée du professeur. Ce livre m'a été conseillé par un professeur de mathématiques, ce qui a, je l'avoue, d'abord suscité une première méfiance : il est quelques ouvrages assez lourdauds qui tentent et clament assumer une passerelle entre deux mondes que le système scolaire français a gracieusement suscités. "Pour les littéraires et leur faire aimer les maths", "Pour les scientifiques qui veulent aimer lire" : dans mon cas, cela n'avait jamais été l'annonce d'un enthousiasme à venir. Les rencontres arrangées en curiosité doivent probablement s'organiser plus subtilement pour mener à quelque chose. La découverte en est d'autant plus belle.  Trois personnages. Une assistante à domicile élève seule son fils, écolier japonais fan de base-ball. Elle trouve un emploi chez un client particulier, qui n'a que quelques dizaines de minutes de mémoire, et réapprendra donc régulièrement à connaître nos personnages tout en conservant sa connaissance étincelante de ce qu'il y a de beau dans les mathématiques. Il aura toute la patience d'expliquer infiniment ce qui le fascine, puisque les vagues de l'amnésie viennent régulièrement effacer son tableau noir d'enseignant. Nous sommes donc partis pour égrener quelques perles de nombres, et retenir ce qui brille le plus à nos yeux. Les habitués de Murakami retrouveront peut-être ce caractère précis et infiniment satisfaisant de la description de tâches simples et domestiques accomplies avec une simplicité virtuose et nette. En fermant ce livre, on se surprend à vouloir soulever et reposer quelques objets, épousseter une étagère, redresser un vêtement sur un cintre, pour diffuser un peu de cette lumière intérieure qui semble régner dans tout intérieur japonais littéraire, et surtout à vouloir s'y consacrer. Ce qu'il y a de plus reposant en effet, peut-être, dans ces personnages, c'est que tant dans leur regard sur l'autre que dans leur contemplation des objets, c'est leur dévouement à ce qui est (un.e) autre qui prime, et le moi vient plus tard, ou jamais d'ailleurs. On ne le regrette pas. La personnalité découvre la belle équation, puis s'efface, et ce n'est plus que clarté pour tout le monde, sans aucun nuage de tristesse. Chaude recommandation donc, pour ce livre qui ne parle pas de vous - ni de moi.
Icram El Abdiaye
La formule préférée du professeur, Yôko Ogawa. Traduit du japonais par Rose-Marie Makino Fayolle. Actes Sud, 2005.
Yōko Ogawa, née en 1962 à Okayama, est une écrivaine japonaise, autrice de nombreux romans, de nouvelles et d'essais. Elle a remporté le prestigieux prix Akutagawa pour La Grossesse en 1991, et également les prix Tanizaki, prix Izumi, prix Yomiuri, et le prix Kaien pour son premier roman, La Désagrégation du papillon.
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lecturesdefemmes · 4 years
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24 citations d'écrivaines
Un calendrier de l’avent en citations d’écrivaines, de philosophes, de poétesses. Une sélection arbitraire pour se donner envie de lire, et d’écrire surtout - de raconter des histoires, ou plutôt son histoire, diffractée en des milliers de contes réels ou imaginaires.
Sur internet, des citations de ce type fourmillent. Elles finissent par former le lit culturel d’une époque - des mantras que l’on se répète à l’infini en oubliant parfois même d’où ils proviennent. J’avais envie d’ajouter à cette toile des phrases d’autrices qui m’ont marquée. Et si vous êtes intrigué.e par l’une d’entre elle, si en quelques mots vous pressentez une affinité d’âme avec le style ou l’émotion de l’écrivaine, laissez-vous tenter par le livre - les références sont en bas de la page. Vous pourriez faire une de ces rencontres littéraires qui marquent une année, qui sait ?
G.C.
Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, Chimananda Ngozi Adichie
Le Féminisme divinatoire, Camille Ducellier
La meilleure des vies, J.K. Rowling
Femmes qui courent avec les loups, Clarissa Pinkola Estés
La différence invisible, Mademoiselle Caroline et Julie Dachez
Secrètement, à la nuit, Else Lasker-Schüler
Gabacho, Aura Xilonen
Le tour du monde en 72 jours, et 10 jours dans un asile, Nellie Bly
Le Jardin arc-en-ciel, Ogawa Ito
Devenir, Michelle Obama
Marx et la poupée, Maryam Madjadi
Poésie choisie, Renée Vivien
La Mécanique des fluides, Lidia Yuknavitch
L’art du présent, entretiens avec Fabienne Pascaud, Ariane Mnouchkine
Être ici est une splendeur, Marie Darrieussecq
Daring Greatly, Brené Brown
Rosa Candida, Auður Ava Olafsdottir
Le Ravissement des innocents, Taiye Selasi
Letter to my Daughter, Maya Angelou
Trente-trois monstres, Lydia Zinovieva-Annibal
The Art of Asking, Amanda Palmer
La Fin du courage, Cynthia Fleury
Revendiquer un enseignement digne de ce nom, Adrienne Rich
Une chambre à soi, Virginia Woolf
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lecturesdefemmes · 5 years
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Miss Islande, Auður Ava Ólafsdóttir
Toi qui as un volcan pas si ensommeillé derrière les prunelles ; un chaos intérieur d’où naissent des étoiles ; toi qui es mue par des rêves-action (et non retenue par des rêves-mélancolie) ; toi qui as des ami.e.s hors normes avec qui créer l’espoir ; toi qui veux écrire ou piloter un avion ; je te propose ce livre comme livre de rentrée. Il couve sa lave sous ses dehors réservés.
C’est l’histoire d’une jeune fille islandaise qui veut devenir écrivain dans les années 60. Dès qu’elle le peut, elle rejoint son meilleur ami dans la capitale. A Reykjavík, les librairies foisonnent, les poètes se retrouvent pour parler et écrire des heures dans les cafés, et l’on veut presque croire qu’il est possible de partir à l’étranger.
Deux marginaux se serrent les coudes dans une société qui refuse leur existence.
Une amie d’enfance devenue épouse et maman écrit en cachette.
Des clients ont les mains baladeuses.
Un poète a plus de verve que d’inspiration.
L’héroïne porte le nom d’un volcan.
Chapitres brefs où drôlerie et émotion alternent en un rythme soutenu ; où des relations poétiques se nouent entre des personnages sincères, secrets et complexes.
Tu me diras s’il t’a plu ?

G.C.
Miss Islande, Auður Ava Ólafsdóttir, 2018. Traduit de l’islandais par Eric boury. Editions Zulma 2019, pour la traduction française.
Auður Ava Ólafsdóttir est une romancière, dramaturge, poétesse et historienne de l’art islandaise. En 2018, elle a reçu le Nordic Council Letrature Prize, la plus haute distinction décernée à un écrivain des cinq pays nordiques. Miss Islande est son sixième roman.
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lecturesdefemmes · 5 years
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Comme un million de Papillons Noirs, Laura Nsafou et Barbara Brun
J’ai eu la joie d’acquérir un exemplaire de cet album lors du festival des Autrices qui a eu lieu en septembre aux Grands Voisins !
Une très jolie histoire, tendre, poétique et importante. Son héroïne, une petite fille noire, est une figure rare de la littérature jeunesse française.
« Les personnages noirs qu’on retrouve dans la littérature jeunesse sont rarement les héros de l’histoire, ou alors ils vivent en Afrique, évoluent dans un imaginaire colonial. Je n’avais pas d’exemple pour me dire que je pouvais être l’héroïne de mon histoire. » explique l’autrice, Laura Nsafou (aka Mrs Roots) dans un article du Monde.
Le titre du récit est une citation de Délivrances de Toni Morrison, où une jeune femme noire est décrite ainsi : « Ses habits étaient blancs et ses cheveux, semblables à un million de papillons noirs. »
Adé, l’héroïne de l’album, est une petite fille qui aime par-dessus tout « les éclairs au chocolat, les papillons et poser des questions. » Curieuse de tout, elle admire sans fin les papillons butiner de fleur en fleur.
Mais un soir, elle rentre de l’école en pleurs. Des enfant se sont moqués de ses cheveux, « noirs comme du charbon », « gros comme des coussins » et « secs comme du sable ».
Sa maman l’écoute, et l’interroge. Les papillons qu’Adé adore, « ne naissent-ils pas chenilles, grosses comme des coussins ? Ne se transforment-ils pas dans des cocons secs comme du sable ? Et ne sont-ils pas noirs comme le charbon, eux aussi ?
- Si…
- Alors pourquoi tes cheveux seraient si différents ? »
Adé va dès lors guetter « l’envol des papillons » que sont ses cheveux. Comment les apprivoiser de nouveau ?
« Comment on aime des papillons ? Avec de l’huile de coco ? Avec une brosse ? Avec un bandeau ? Quoi d’autre ?  »
Grâce à sa maman et aux femmes de sa famille, elle va découvrir différentes manières d’en prendre soin, de les coiffer, de les toucher - et de les apprécier.

Lectrice blanche, adulte et aux cheveux raides, je ne suis pas directement concernée. Mais des histoires que des personnes concernées m’ont racontées font directement écho à celle d’Adé. Encore aujourd’hui, les commentaires ou gestes déplacés sur les cheveux des femmes noires sont monnaie courante, de l’univers scolaire au monde professionnel.
L’histoire d’Adé porte un message universel. Comment se réapproprier son corps et son histoire quand d’autres ont émis un jugement sur lui ? Comment se reconnecter à la beauté de qui l’on est lorsqu’un regard extérieur nous en a coupé ? La bienveillance et la sagesse de l’entourage d’Adé ; le temps et les moyens d’expérimenter des coiffures par elle-même ; le langage pour décrire ses spécificités ; vont l’aider à entreprendre cette quête de réconciliation.
C’est un très bel album. L’écriture est poétique et touchante, et les illustrations figurent des personnages aux expressions adorables ainsi qu’une richesse de motifs qui en font un régal pour les yeux. Les dessins des cheveux sont particulièrement soignés, en contraste avec des représentations souvent caricaturales. « Dans beaucoup de livres jeunesse, les enfants noirs sont soit caricaturaux, soit européanisés. Les coupes afros sont de gros gribouillis assez nuls, parfois même, elles défient la gravité ! On a fait très attention à sublimer les cheveux crépus, à être subtil. » (Laura Nsafou, Télérama)
G.C.
Comme un million de papillons noirs, Laura Nsafou et Barbara Brun. Ed. Cambourakis, 2018. Première édition : édition Bilibok, 2017.
Laura Nsafou est une autrice française de romans et de livres pour enfants née le 21 juillet 1992, connue également pour son blog « Mrs Roots ».
Barbara Brun, née en 1985, est une illustratrice nantaise.
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lecturesdefemmes · 5 years
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Renegade Women in Film and TV, Elizabeth Weitzman, Austen Claire Clements
Où sont les femmes dans l’industrie du cinéma ? C’est un sujet qui, d’aussi loin que je me souvienne, m’a toujours intriguée. C’était l’une de mes premières interrogations pré-féministes d’enfance : pourquoi y a-t-il si peu de réalisatrices ? J’avais la chance d’être proche d’un festival de cinéma d’animation, et à l’époque, la disproportion entre films présentés par des hommes et des femmes était marquante.
Moins nombreuses, moins visibles. En 2018, elles représentaient 8% des réalisatrices des 250 films les plus importants d’Hollywood. Il ne s’agit pas que des réalisatrices : les autres métiers de l’industrie sont concernés. Un tiers des films produits à Hollywood n’emploie aucune, ou une seule, femme sur les postes suivants : réalisatrice, scénariste, productrice executive, productrice, monteuse ou directrice de la photographie. À l’inverse, seul 1% des films n’emploie aucun, ou un seul, homme sur ces postes. (The Celluloid Ceiling Report, Martha M. Lauzen, 2018)
Et pourtant, les femmes ont plus qu’apporté leur contribution à l’histoire du cinéma. Du cinéma muet aux séries TV à succès contemporaines, on les trouve à des rôles de productrices, scénaristes, designeuses, réalisatrices, critiques de cinéma, cascadeuses, actrices, etc. Ce sont elles que Renegade Women in Film and TV met en lumière - et en dessin. Bien présentes aux débuts d’Hollywood, des femmes pionnières ont vu des portes se fermer au moment où le système s’est consolidé.
« Dès qu’il est devenu clair qu’il s’agissait d’une industrie où l’on pouvait gagner beaucoup d’argent, les femmes en ont été exclues, souvent de manière dramatique. Lois Weber était très célèbre, mais sa carrière s’est terminée de manière tragique. Les femmes réalisatrices ont également été mises à l’écart par les historiens du cinéma. C’est donc important de les réintégrer à cette histoire. »
(Elizabeth Weitzman interview de Graham Fuller, The Culture Trip, 2019).
On y découvre, en une page, l’histoire de cinquante femmes marquantes de l’histoire du cinéma hollywoodien.
D’Alice Guy-Blaché à Patty Jenkins et Oprah Winfrey, accrochez-vous à votre siège pendant qu’on vous brosse leur biographie. Les portraits dessinés en vis-à-vis sont riches et intenses, aux couleurs chatoyantes, stylisés sans être caricaturaux ; ils campent des femmes très différentes, mais toutes le regard confiant et fier dirigé droit vers nous.
Découvrez Alla Nazimova, une des actrices les plus connues et mieux payées d’Hollywood dans les années 20, hommes et femmes confondus. Immigrée, queer, juive et féministe, elle a produit une adaptation de Salomé d’Oscar Wilde beaucoup trop avant-garde pour son époque. Dans sa villa, elle crée une communauté hédoniste et tient salon avec un groupe de femmes lesbiennes et bi qui ne peuvent s’afficher comme telles en public pour protéger leur image.
Rencontrez Helen Gibson, la première cascadeuse d’Hollywood. Après son premier boulot au sein d’une usine de cigare, elle participe à un spectacle de rodéo. De passage en Californie, la troupe du spectacle est intégralement recrutée par un producteur pour tourner dans des Westerns. Elle construira toute sa carrière à conduire des voitures à pleine vitesse, piloter des avions et sauter de motos en course.
Ou encore Julie Dash, la première femme afro-américaine à réaliser un long métrage diffusé en salles, en 1991. Ce film, Daughters of the Dust, lui aura pris dix ans à réaliser. Il raconte l’histoire de trois générations de femmes Gullah, membres de la famille fictive des Peazant, descendante d’esclaves. Réunir les fonds et ressources nécessaires à réaliser le film prit plusieurs années ; mais à sa sortie le film fut considéré comme un chef-d’oeuvre par les festivals et la critique.
Ca donne envie d’aller creuser, d’en savoir plus. Un livre qui ouvre des portes pour explorer plus avant des histoires encore trop méconnues.
Un beau livre, à offrir à un.e passionné.e de cinéma !
G.C.
Renegade Women in Film and TV, Elizabeth Weitzman (autrice), Austen Claire Clements (illustratrice). Clarkson Potter Publishers. 2019.
Elizabeth Weitzman est journaliste, critique de film et autrice d’une vingtaine de lives pour enfants et jeunes adultes. Elle est actuellement critique de film pour le Wrap, après l’avoir été pour Le New York Daily News pendant quinze ans. Elle a réalisé des interviews de centaines de célébrités et écrit dans le New York Times, le Village Voice, Marie Claire, Harper’s Bazaar entre autres. En 2015, elle a été citée comme l’une des meilleures critiques de New York par Hollywood Reporter.
Austen Claire Clements est une illustratrice freelance, diplômée de The School of the Art institute de Chicago. Alors qu’elle était stagiaire pour Teen Vogue, ses illustrations ont attiré l’attention de la rédactrice en chef, Elaine Welteroth, qui lui passe commande pour designer des packaging de cosmétique. Son travail a été publié dans Glamour, Teen Vogue, InStyle et PopSugar entre autres.
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lecturesdefemmes · 5 years
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L'ère des cristaux, 1&2, Haruko Ichikawa
Les héros de cette histoire ne laissent pas de marbre ; et pourtant il s’agit de… cristaux. Atypique, un manga qui vaut le détour de par la singularité de son univers et graphisme.
Seule espèce à avoir survécu sur une planète déserte, les gemmes ont une forme humanoïde et androgyne. Ils se battent, jour après jour, contre des envahisseurs éthérés qui veulent s’emparer des plus précieux d’entre eux (ce sont des cristaux : on en fait des bijoux ! Ou autre chose…?). Immortelles, ces gemmes ne se blessent pas, mais se brisent. Certains sont plus fragiles que d’autres.
Je suis séduite par l’originalité du concept, moins par l’histoire. Je trouve dommage notamment, dans un univers aussi singulier, de retrouver des tropes classiques, comme certains arcs relationnels et sentimentaux. Parce qu’ils arrivent très tôt, ils me donnent parfois l’impression d’avoir à faire à des lycéen.ne.s de shojo plutôt qu’une espèce radicalement différente. Pour autant, après deux tomes, on commence à sentir un arc narratif lié à une quête des origines et de l’HIstoire de cet univers qui peut prendre une belle ampleur.
Côté graphisme, si j’ai des réserves sur l’apparence des personnages, je trouve très réussies les compositions des planches. Il y a une beauté épurée dans l’usage du noir et blanc par aplats tranchés, qui stylise la narration. La dimension géométrique abstraite alterne avec des personnages très organiques, aux formes souples, contribuant à la singularité de l’univers. Les adversaires, de leur côté, évoquent des divinités sereines démultipliées à l’infini - étranges Bouddhas souriants et menaçants. L’ensemble créé une étrangeté intrigante.
Je suis curieuse sans être complètement emportée ; si les personnages m’enthousiasment peu pour l’instant, l’étrangeté du monde, l’originalité du graphisme et le fonds de l’histoire ont piqué mon intérêt.
G.C.
L’ère des cristaux, Haruko Ichikawa. Traduit du japonais par Anne-Sophie Thévenon. Glénat, 2016.
Haruko Ichikawa est née en 1980 dans la préfecture de Chiba. Diplômée de l’université de l’éducation d’Hokkaido des beaux-arts. Elle débute sa carrière en 2006 avec le one shot Mushi to Uta (L’Insecte et la Chanson) qui remporte en 2006 le Grand Prix du prix Shiki de Kôdansha et le 14e Prix Culturel Osamu Tezuka dans la catégorie Espoir. Entre 2007 et 2011, elle publie sept one shots dans le magazine "Afternoon" de Kodansha. Le 25 octobre 2012, elle débute L’Ere des Cristaux, qui compte actuellement cinq volumes, dans le magazine "Afternoon" des éditions Kodansha. Le titre fut classé 10e dans l’édition 2014 du classement Kono Manga ga Sugoi et fut nominé dans pour le prix Manga Taisho de 2015. Elle habite actuellement à Sapporo (Hokkaido).
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L'art de perdre, Alice Zeniter
Ali a grandi et vécu dans la montagne en Kabylie au début du siècle. Il a combattu pendant la seconde guerre mondiale. Devenu un prospère patriarche, il se sentait bien loin des agitations politiques. Mais alors que le FLN visite le village, et que les militaires français lui demandent des comptes, il fait des choix - ou plutôt des demi-choix, des incapacités de choix. A travers sa vie et celle de ses descendants, toute une Histoire s’écrit.
Naïma est notre point d’entrée dans cette histoire. L’histoire, c’est celle de sa famille : trois générations dont le récit commence en Kabylie dans les années 50, jusqu’à nous mener au Paris contemporain. Mais si Naïma nous ouvre la porte vers ces histoires, elle en est absente et se fait oublier.
Elle est notre point d’ancrage : on sait que l’on parviendra jusqu’à elle, mais après combien de détours ? Très vite, nous sommes plongés dans le passé, un passé auquel elle même n’a pas accès, qu’elle ne peut pas se représenter. La narratrice omnisciente joue avec ce décalage, présence presque invisible d’abord entre Naïma et nous, mais dont on perçoit le scintillement de loin en loin, à mesure que l’on avance.
Condensées dans le temps du roman, trois, quatre époques se succèdent. Elles prennent toute leur ampleur chacune à leur tour dans l’imaginaire du / de la lecteurice. J’étais en Kabylie à la fin des années 1950 ; adolescent en Normandie dans les années 1970 ; dans un vernissage du Paris de notre époque. Au cours de cette histoire où l’Histoire s’en mêle constamment, le récit ne recule ni devant le beau, ni devant l’horrible.
On a le vertige à toucher du doigt, incarnée dans chacun des personnages, une Histoire extrêmement récente. De la guerre d’indépendance en Algérie aux événements les plus contemporains à Paris, Alice Zeniter retisse une Histoire sensible, un point de vue multiple et unifié, créé un récit là où il y avait des silences.
Cette Histoire s’incarne dans chaque génération ; et son ombre portée teinte jusque les époques les plus récentes, même lorsque son récit originel a été perdu. La psyché individuelle et collective reste marquée par des événements dont elle ignore parfois tout, volontairement ou non. Chaque âge trouve à se redéfinir, à l’articulation entre les singularités personnelles et la destinée collective.
Comment l’identité d’un pays se déconstruit et reconstruit-elle - et comment cela influe-t-il sur l’identité de chacun ? Quelle liberté a-t-on d’être soi ?
Il y a eu un point de bascule dans le roman à partir duquel j’étais emportée. L’intrication du particulier et du collectif est finement tissée, avec un équilibre et un sens du rythme magnifiques. C’est oeuvre de recherche historique nécessaire ; mais surtout recherche de compréhension humaine au travers du romanesque. Victime, bourreau ? Humains ?
A de nombreuses reprises, une tournure, une image font prendre une pause. L’analyse sur la nature de la lumière en Algérie et en Normandie par exemple. On la savoure parce que c’est à la fois poétique et très juste. « Je n’y avais jamais pensé… c’est beau. » Mais ce ne sont pas des effets de phrase : plutôt une manière d’incarner un détail concret. La narration avance sans s’appesantir, mais régulièrement, elle fait excursion par un détail concret qui raconte, en deux ou dix phrases, l’essence d’un lieu ou d’un personnage.
G.C.
L’art de perdre, Alice Zeniter. Flammarion / Albin Michel, 2017
Alice Zeniter est née en 1986. Elle a publié quatre romans, dont Sombre dimanche, prix du livre inter, prix des lecteurs de L’Express et prix de la Closerie des Lilas, et Juste avant l’Oubli, prix Renaudot des Lycéens. Elle est dramaturge et metteuse en scène. L'Art de Perdre a été récompensé par une demi-douzaine de prix littéraires, dont le Goncourt des lycéens en 2017.
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Trente trois monstres, Lidia Zinovieva-Annibal
Court, esthétique et mystérieux. Ce roman russe paru en 1907 fit scandale à son époque. Il fut un temps censuré parce qu’il évoquait la relation entre deux femmes. Mais comme il ne contenait rien d’explicite ni d’outrageant, l’interdit fut levé.
Véra, comédienne adulée, tombe amoureuse de la narratrice. Alors qu’elle allait se marier, celle-ci abandonne fiancé et famille pour être avec elle. Le temps de leur relation, elle tient un journal. A travers l’innocence de sa narration, on sent sa beauté inconsciente, sa jeunesse fascinée par la dimension tragique de son amante. Pourtant Vera semble pressentir, et presque préparer, une fin inévitable à leur histoire.
« Pourquoi suis-je allée, le matin de mon mariage, à ce rendez-vous chez Véra, ici, dans cette pièce qui avait été auparavant sa chambre à coucher… ?
Véra m’accueillit couchée dans son lit, malade, après avoir pleuré follement toute la nuit. Elle parlait d’une voix qui était désagréable - dans sa chambre, pas sur la scène -, blanche et âpre, sans beauté :
- Tu dois les quitter. Tu n’es pas à eux. Je t’apprendrai à être toi-même. Je te ferai belle, car je suis belle. Avec moi tu seras une déesse… »
Si on s’autorise l’anachronisme, l’événement pivot est une manifestation du « male-gaze ». Il esquisse le revers de l’esthétisme, le revers du charme des ateliers de peintres fin de siècle. Là où d’autres soulèvent le pan d’une robe, il soulève le coin d’une toile pour regarder de l’autre côté.
Qui regarde qui ? Tant qu’elles sont dans leur chambre, la narratrice regarde Véra, éperdue d’admiration ; Véra l’enveloppe dans un regard de Pygmalion incertain. Et hors de ce lieu clos, combien de temps échappent-elles au regard des hommes ? Lorsque ce regard extérieur se pose sur l’une ou l’autre, que change-t-il ?
« 18 janvier
Je suis un enfant : mi-garçon, mi-fille avec les premières rondeurs et les lignes, oubliées depuis l’enfance, allongées et maigres des jambes et des bras. Véra le répète à tout bout de champ.
Véra est ridicule et grandiose. »
G.C.
Trente-trois monstres, Lydia Zinovieva-Annibal. Traduit du russe par Jacques Imbert. Editions Harpo & Héros-Limite, 2009. Parution originale : 1907.
Lydia Zinovieva-Annibal est née le 1er mars 1866 d’une famille noble. Elle grandit à Saint-Pétersbourg, étudie en Allemagne, voyage en Europe. Avec son second mari, Viatcheslav IVanonv, ils tiennent salon dans leur appartement de Saint-Pétersbourg qu’on appellera « la Tour ». Dans ce salon littéraire se côtoient les poètes Anna Akhmatva, Goumilev, Blok ; se tiennent des débats philosophiques et mystiques ; et un culte est voué à Dionysos. Lydia Zinovieva-Annibal publie deux récits en 1904, Le Mal inéluctable et Les Anneaux. Puis, en 1907 paraît Trente-trois monstres qui est un temps interdit. Le roman « peut être qualifié de littérature féministe et Lydia Zinovieva-ANnibal l’un des premières écrivains féministes de Russie. D’aucun(e)s la considèrent comme le porte-parole d’un féminisme éthico-esthétique ». (Irinia Léopoldoff-Martin)
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La Proie pour l'ombre (An Unsuitable Job for a Woman), P.D. James
« C'est quand les gens commencent à dire la vérité qu'ils ont souvent le plus besoin d'un avocat. »
Journée comme une autre pour Cordelia Gray. Elle allait retrouver son mentor, acolyte et patron, Bernie Pryde comme tous les matins… et ne s’attendait pas à le retrouver mort dans son bureau. Il lui a laissé une note de suicide et toutes ses possessions - y compris son pistolet et son affaire de détective privé. Alors qu’elle se démène pour la maintenir à flot, sa première cliente lui rend visite : l’assistante d’un éminent scientifique dont le fils est mort de manière suspecte. Cordelia accepte l’affaire. Son enquête l’emmène à Cambridge, rencontrer les anciens amis, professeurs et employeurs de Mark. Malgré le scepticisme et l’hostilité qu’elle rencontre - une jeune femme détective, est-ce bien raisonnable… -, le doute s’impose à elle : le jeune Mark s’est-il vraiment suicidé ?
Envie d’une jeune femme détective dans un roman policier qui tient la route ? Hop, embarqué dans le tote bag de plage. Je n’en ferais pas une lecture coup de coeur, mais ça m’a tenue quelques heures de voyage en train avec plaisir. Une enquête un peu vintage, dans le Cambridge anglais chic des années 70, avec une jeune détective rafraîchissante.
G.C.
An Unsuitable Job for a Woman, P.D. James, 1972, Faber&Faber.
VF : La Proie pour l’ombre
Phyllis Dorothy James dite, P. D. James, née le 3 août 1920 à Oxford et morte le 27 novembre 2014 (à 94 ans) dans la même ville, est une écrivaine britannique notoire, actrice de romans policiers. Son premier roman, Cover Her Face (À visage couvert), paraît en 1962, son dernier Death Comes to Pemberley (La mort s'invite à Pemberley) en 2011. Elle obtient le grand prix de littérature policière en 1988 pour son roman A Taste for Death (Un certain goût pour la mort). Elle est anoblie en 1990 par la reine Élisabeth II, qui la fait baronne James of Holland Park. (source : Wikipedia)
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The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House, Audre Lorde
Ce sont les premiers textes que je lis d’Audre Lorde, autrice, poétesse afroféministe lesbienne américaine, qui a vécu de 1934 à 1992.
Je les ai lus en quelques heures à la terrasse d’un café, et, dans ce moment de pause de la vie quotidienne, je me suis gorgée autant de la lumière du soleil que de ses mots. Dans ces cinq essais, elle écrit sur la poésie, la sensualité, le racisme, les racines historiques et spirituelles des femmes. Vous voulez lire ces textes quand vous avez besoin d’intensité, de la poésie la plus vivante et la plus quotidienne à la fois, d’une parole politique, militante et littéraire.
Survol.
« La poésie n’est pas un luxe » (Poetry is not a luxury)
La poésie dont parle Audre Lorde n’est pas le jeu rhétorique stérile des pères blancs ; mais bien la poésie « comme révélation, ou distillation de l’expérience. »
« Pour les femmes, la poésie n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale de notre existence. Elle forme la qualité de lumière au sein de laquelle nous affirmons nos espoirs et rêves de survie, de changement, d’abord au travers du langage, puis de l’idée, et enfin de l’action plus tangible. La poésie est la voie qui nous aide à nommer ce qui n’a pas de nom, afin de pouvoir le penser. »
La poésie en ce sens n’est pas une fantaisie d’oisif, mais bien une « attention disciplinée au sens véritable du : « ça me semble juste ». » C’est l’entraînement au « respect de nos sentiments et à leur transposition au sein d’une langue qui soit partageable ».
« Usage de l’érotisme » (Uses of the Erotic)
L’érotisme tel que le peint Audre Lorde est une ressource des femmes, fortement « ancrée dans le pouvoir de nos émotions non-exprimées ou non-reconnues » ; qui émerge de « notre connaissance la plus profonde et non-rationnelle. » Ce pouvoir offre des forces nourrissantes. Il est très loin de la pornographie, qui met l’accent sur la sensation sans l’émotion : au contraire, l’enjeu de l’érotisme ne tient pas dans « ce qu’on fait » mais combien précisément nous ressentons les choses lorsqu’on fait. »
« Mais quand nous commençons à vivre de l’intérieur vers l’extérieur, en connexion avec le pouvoir de l’érotisme qui est en nous, et en permettant à ce pouvoir d’informer et d’éclairer nos actions sur le monde qui nous entoure, alors nous commençons à être responsables envers nous-mêmes de la manière la plus profonde qui soit. »
La fonction de l’érotisme est une ressource à plusieurs niveaux :
D’abord, elle procure la joie du partage : qu’elle soit physique, émotionnelle, psychique, intellectuelle, il s’agit de construire un pont entre deux personnes.
D’une manière encore plus générale, l’érotisme souligne notre capacité à éprouver de la joie, sans crainte. Et « avec cette connaissance profonde et irremplaçable de ma capacité de joie vient une exigence que ma vie tout entière soit vécue au sein de cette connaissance. »
La vie tout entière, c’est-à-dire la manière dont mon corps réagit aux rythmes d’une musique, c’est-à-dire la danse, mais aussi la construction d’une étagère, l’écriture d’un poème, la réflexion autour d’une idée…
Cet érotisme nous donne ainsi accès à notre « plus profonde source créative », et nous dote d’une puissance d’auto-affirmation face à une société raciste, patriarcale et anti-érotique. 
« Les outils du maître ne déconstruiront jamais la maison du maître » (The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House)
Cet essai part d’un vécu personnel sur la manière dont les études, les séminaires et la réflexion académique féministe en général se fait en l’absence des points de vue des femmes noires, pauvres, lesbiennes, sans tenir compte de leur point de vue, de leur voix ni de leur différence de vécu de femme.
Il ne s’agit pas de faire preuve de « tolérance », qui n’est que « la forme la plus grossière du réformisme », mais bien de prendre conscience de la fonction créative de nos différences dans la société.
« Les différences ne doivent pas simplement être tolérées, mais être vues comme une fondation des polarités nécessaires entre lesquelles notre créativité étincelle, comme une dialectique. »
Il s’agit donc bien de changer de paradigme, de ne pas « utiliser les outils du maître pour déconstruire la maison du maître ». Audre Lorde écrit :
« L’échec des féministes académiques à reconnaître la différence comme une force essentielle est un échec à dépasser la première leçon du patriarcat. Dans notre monde, diviser et régner doit devenir définir et empouvoirer. »
« Usages de la colère : les femmes répondent au racisme » (Uses of Anger: Women Responding to Racism)
« Ma réponse au racisme est la colère. »
La colère de l’exclusion, du privilège pris pour acquis, des distortions raciales, du silence, des stéréotypes, de la trahison, de la position défensive, de la cooptation….

Avoir peur de cette colère ne nous apprend rien. La culpabilité et la défensive ne sont d’aucun usage pour construire l’avenir.
Audre Lorde énumère de nombreuses situations dans lesquelles la colère des femmes victimes de racisme n’a pas droit de cité. Typiquement, le message transmis est : « dis moi ce que tu ressens mais adoucis le ton, sinon je ne peux pas t’entendre. »
Or la colère est pleine d’informations, d’énergie et de potentialités. « Si on la concentre avec précision, elle peut devenir une puissante source d’énergie au service du progrès et du changement. » Quand elle se traduit en actions qui servent notre vision et notre futur, elle est libératrice et clarifiante.
Si une soeur nous manifeste avec colère qu’on participe à son oppression, lui répondre avec notre propre colère ne sert à rien et gaspille de l’énergie. Et « oui, il est très difficile de se tenir tranquille et d’écouter la voix d’une autre femme décrire un tourment que je ne partage pas, ou auquel j’ai moi-même contribué. »
Pourtant, nous n’avons pas d’autre choix que de nous atteler à cette tache difficile de « creuser pour mettre à jour l’honnêteté. »
« Pour les femmes noires et les femmes blanches, faire face à leur colère respective sans déni ni immobilisme, ni silence, ni culpabilité, est en soi une idée hérétique et créatrice. »
Pourquoi sans culpabilité ? Parce que « la culpabilité n’est pas une réponse à la colère ; elle est une réponse à notre propre action ou manque d’action. » Qui plus est, la culpabilité est « une autre forme d’objectification ». De manière implicite ou explicite, la culpabilité exige que les opprimé.e.s créent le pont, qu’iels comblent eux-mêmes le fossé entre l’aveuglement et l’humanité.
Par ailleurs, il faut aussi distinguer entre la colère et la haine. « Si je t’ai parlé avec colère, au moins t’ai-je parlé. Je ne t’ai pas mis un pistolet sur la tempe et tué dans la rue. » Or, en tant que femme, nous avons pu être élevées dans la peur de la colère : « au sein de la construction masculine de la force brute, nous avons appris que nos vies dépendaient de la bonne volonté du pouvoir patriarcal. Il nous fallait éviter la colère des autres à tout prix, parce qu’aucun apprentissage ne pouvait en être tiré autre que la souffrance (…) ». Or, conclut Audre Lorde en une énumération glaçante,
« Ce n’est pas ma colère qui lance des missiles, dépense plus de soixante mille dollars par seconde en missiles et autres instruments de guerre et de mort, massacre les enfants dans les villes, fait provision d’agent innervant et de bombes chimiques, sodomise nos filles et notre terre. Ce n’est pas la colère des femmes noires qui corrompt en pouvoir aveugle et déshumanisant (…) »
G.C.
The Master’s Tools Will Never Dismanthle the Master’s House, Audre Lorde. Penguin Modern, 2017.
Audre Geraldine Lorde (Harlem, 18 février 1934 - Sainte-Croix dans les Îles Vierges, 17 novembre 1992) est une femme de lettres et poétesse américaine noire, militante féministe, lesbienne, engagée contre le racisme. En tant que poétesse, elle est connue pour sa maîtrise technique et son expression émotionnelle, ainsi que pour ses poèmes exprimant la colère et l'outrage envers les injustices civiles et sociales qu'elle observe tout au long de sa vie. Ses poèmes et sa prose sont centrés sur les questions des droits civiques, le féminisme et l'exploration de l'identité féminine noire. (Source: Wikipedia)
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Valérie Manteau, Calme et tranquille // Chronique de Claire Augé
C’est un texte qui ne peut laisser indifférent, retourne le ventre et saisit parfois, au détour d’une page, par surprise aux larmes… ou aux rires. Le texte est écorché, vif, incisif. Témoignage brûlant d’une plaie ouverte.
« Ça commence bien.
Crises délirantes. Tremblements. Vomissements interminables. Larmes  »
L’œuvre s’ouvre sur la découverte bouleversante dans un accès de fièvre d’une mise en scène de 4h48 de Sarah Kane à Brazzaville. Cette ouverture donne le ton du texte à venir : un coup de poing. Et nous restons saisis face à ces mains ensanglantées. Si l’autrice écrit que le théâtre refuse l’innommable, il semble que son roman crie cet innommable dans ses silences, tapis derrière les nombreux points, dans un rythme haché, presque haletant. . Il laisse entendre l’indicible, l’incompréhension, la détresse. Sans mot dégoulinant de pathos. Dans une réalité amère et crue.
« J’envoie un SMS à Charb : Réponds que tu vas bien stp. Et je ne sais pas quoi faire de plus. Dans le bureau Laure et Yamina font des têtes pas possibles. Je m’assois, on attend. Le téléphone inutile à la main. Des appels du Québec, de je ne sais où, des gens qui cherchent des infos et qui n’en ont pas.
T’as appelé Pelloux ?
Je n’y ai pas pensé. Il doit être submergé par les journalistes aussi.
J’essaie, ça sonne, ça décroche.
Ouverture de la trappe.
Un long hurlement. Jamais entendu cette voix.
Ils sont morts, Valérie ils sont tous morts.
Qui est mort ?
Tous, tous. Charb est mort. »
Ce roman est la confidence autobiographique de l’irruption de la violence dans l’univers d’une jeune femme. Valérie Manteau est dans les bureaux de Charlie Hebdo de 2009 à 2013. Derrière la violence intime et personnelle, cette déflagration de violence sur les siens, nous la connaissons. Nous l’avons vécue sur un autre mode, à d’autres horizons. Nous la reconnaissons. Le lecteur devient personnage de cette œuvre et dialogue avec elle dans les marges du texte. La thérapie littéraire de l’écriture se double de la lecture thérapeutique : le roman offre des mots à ceux qui n’en ont pas. Avec humour.
« Le psy :
Et vous trouvez ça drôle ?
Moi :
Ha oui. J’adore. J’aime l’humour noir, je lui trouve des qualités vitales. »
On rit entre les lignes. On entend les rires de Charlie Hebdo, on est saisi d’effroi à la lecture de scènes de vie, on rencontre Charb et jamais on ne sombre dans l’écriture élégiaque. La pensée et l’écriture se tissent dans des dialogues : dialogues avec les amis et les proches, de Marseille à Istanbul et dialogues avec des œuvres littéraires. A travers le récit du quotidien de cette jeune femme aux pieds brûlés d’avoir trop erré dans sa souffrance, on circule dans l’œuvre comme dans une confidence au milieu de textes connus. L’œuvre devient un palimpseste littéraire et de sentiments écorchés
« Je danse au bord du canal, je chantonne des phrases de Beckett comme une comptine.
Le fanal est dans le canal,
Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas ;
Je suis ivre morte sur le canal Saint-Martin. »
Derrière la violence, l’espoir et la vie sont là, célébrés. Ce roman semble être l’expression d’un espoir sourd et rauque. Derrière le récit d’une chute, d’une violence assourdissante, on cherche surtout à se relever, en tombant, vacillant, en errant, en glissant de bras en bras, en s’envolant vers un amant, en avançant dans les rues d’ « Istanbul impassible ».
« Comme dirait Beckett,
A moi
De jouer
Ouverture de la trappe. »
Claire Augé
Valérie Manteau, Calme et tranquille. Le Tripode, 2018.
Valérie Manteau est une jeune autrice, journaliste et éditrice française qui vit entre Marseille et Istanbul. Elle a participé à Charlie Hebdo de 2008 à 2013. Son deuxième roman "Le sillon" a reçu le prix Renaudot en 2018.
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Je voudrais qu'on m'efface, Anaïs Barbeau-Vallette // Chronique de Claire Augé
A Hochelaga-Maisonneuve, on rencontre Roxane, Mélissa et Kevin. Trois enfants qui luttent dans la tempête du quotidien, mal de mères et pères à la dérive. Trois enfants qui rêvent de liberté, d’horizon, de Saint-Laurent et de Russie. Les courts chapitres entremêlent dans un montage alterné cinématographique les vies de ces enfants, comme si, si l’on demeurait avec eux trop de lignes, ils s’effaroucheraient et quitteraient le texte. Le lecteur a ainsi l’impression d’apprivoiser ces enfants, écorchés par la vie. En manque d’adultes, en manque de Super-héros. Alors, le lecteur ne peut que les observer, stupéfait, eux qui crient leur désir de liberté et s’accrochent, forts et positifs, nouveaux héros, tambour battant sur une mélodie de Vivaldi, à la vie. Ici, on n’a pas le temps de pleurer ; on ramasse les bouteilles vides, on essaye de démarrer la machine à laver, on fouille les placards pour trouver de la mayonnaise pour le repas. Anaïs Barbeau-Lavalette évoque ces enfants comme des « petits battants du quartier » qui « jettent une nouvelle lumière sur le monde » et cela sonne juste.
L’écriture est incisive et pudique ; elle laisse la poésie s’infiltrer dans ses silences : les rues de Montréal entre le coin des prostituées, le garage, l’Armée du Salut et l’école s’imposent.
Le Bloc est le plus haut de la rue. Y dépasse les autres maisons.
Du dernier étage, tu vois jusqu’à Notre-Dame.
C’est la seule affaire que Roxane aime de ce quartier-là. De sa chambre, elle peut voir loin.
Jusqu’au fleuve.
Jusqu’au bout du monde.
Dans cette ville où le froid ne cesse de mordre, la langue du quartier s’élève. Le lecteur français se trouvera grisé, intrigué face à cette langue exotique, si éloignée de celle des banlieues métropolitaines. Ici, se mêlent aux expressions de la pauvreté des expressions québécoises. Il faut se laisser porter par le rythme et le sens apparaîtra, clair et incisif : cri de liberté, cri de détresse, cri d’espoir dans une réalité crue. Lumineux. Simple et honnête. Sans pathos. Réaliste.
- T’as-tu faite tes devoirs ?
Pas le goût d’te parler, ça dit dans sa tête. Pas le goût. Pas le goût. Pas le goût.
Retourner dans sa chambre. Vite.
- Hey ! Parle à ta mère, crisse.
- Ben là, m’man…
- Tu veux pas m’parler ?
Elle a la voix qui dégouline.
- …
- Ben c’est ça, tabarnak… Sèche toute seule.
- Louise, ta gueule !
Lui, crachant sa fumée.
Je voudrais qu’on m’efface est une lecture qui s’ancre en nous. On referme le livre étonné d’avoir découvert à travers cette petite fenêtre un monde poétique et pudique où derrière les cris de souffrance étouffés on demeure stupéfait face à une telle force et un tel courage.
Anaïs Barbeau-Lavalette est une réalisatrice québécoise talentueuse. Je voudrais qu’on m’efface est son premier roman ; paru en 2010, il a été finaliste au Prix des Libraires du Québec en 2011. En France, son dernier roman La femme qui fuit se trouve facilement ; Je voudrais qu’on m’efface paraît indisponible. Si vous arrivez à dénicher cet ouvrage, n’hésitez pas : je crois qu���il ne faut pas qu’il s’efface.
Claire Augé
Je voudrais qu'on m'efface, Anaïs Barbeau-Vallette. Editions Fides, 2012.
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L’intelligence artificielle, pas sans elles !, Aude Bernheim, Flora Vincent
Un livre synthétique, pédagogique, référencé et engagé sur les enjeux de genres en lien avec l’intelligence artificielle. Vu l’ampleur de ce qui est en jeu pour notre futur, on remercie les autrices de s’emparer du sujet pour le rendre compréhensible au grand public. Matière à réflexion qui nous montre une fois de plus l’influence cruciale des cultures et des représentations dans les choix d’orientation, et en retour combien ces derniers façonnent toute notre société.
En école d’informatique en France en 2018, on compte 10% de filles parmi les étudiants. En Terminale S, option math, elles sont 19% en 2015. Dans le secteur numérique aujourd’hui, si on excepte les fonctions transverses (RH, communication, marketing…) elles constituent 12% des employés.
Minoritaires, elles se retrouvent également souvent dans une culture hostile où elles ne sont pas les bienvenues. Outre les remarques sexistes voire le harcèlement sexuel au sujet desquelles les témoignages abondent, on trouve des aberrations liées à la perception de la qualité même du code. En 2016 des chercheurs ont étudié les taux d’acceptations de requêtes de modification du code (Josh Terrell et al., “Gender differences and bias in open source: pull request acceptance of women versus men”, PeerJ Computer Science 2 : e111) . Les suggestions des développeuses ont en moyenne plus de chance d’être acceptées… A condition qu’on ne voit pas sur leur profil qu’elles sont des femmes. Si leur genre apparaît, leur suggestions ont alors moins de chances d’être acceptées.
On pourrait se dire : rien de nouveau sous le soleil, c’est un énième secteur professionnel où les luttes pour l’égalité sont encore loin d’être terminées. Sauf que dans le cas de l’informatique, et notamment de l’intelligence artificielle, ça va plus loin que ça. Une partie de plus en plus importante de notre monde est structurée par la manière dont les ingénieur.e.s et développeur.se.s le codent.
L’intelligence artificielle regroupe un ensemble de techniques permettant à une machine (des algorithmes) de reproduire des capacités cognitives humaines - calcul, mémoire, mais aussi apprentissage, prédiction, créativité. L’IA constituera un marché d’un volume de 5 milliards de dollars en 2020 ; et, d’après l’OCDE, elle devrait faire disparaître ou transformer profondément plus de 30% des emplois actuels. Ces changements affectent tous les secteurs : les médias, la publicité, la finance, la santé, l’assurance, le recrutement, la robotique… Les enjeux sont loin d’être minces ou cantonnés à un intérêt de geeks : c’est la conception technologico-idéologique du futur qui est en question.
Or depuis le début de la mise en application de ces programmes, plusieurs problèmes / scandales liés aux biais sexistes et racistes des algorithmes ont émergé. Pour n’en citer que trois exemples :
- En 2017, un internaute a déclenché une polémique en montrant que le logiciel de traduction de Google véhiculait des stéréotypes ; un exemple flagrant étant la traduction du turc vers l’anglais. En turc, il n’y a pas de pronom il/le ou elle/la : seulement le/on. Mais lorsqu’il traduit vers l’anglais, Google choisit arbitrairement un pronom. « Une personne heureuse » devient « Un homme heureux », « Une personne malheureuse » = « Une femme malheureuse » ; « Une personne mariée » = « Une femme mariée », etc. ! Comment ? Pourquoi ? Parce que l’algorithme se base sur les occurrences les plus fréquentes d’association de mots dans les bases de texte sur lesquelles il navigue. Aussi il a tendance à associer « maestro » et « capitaine » au genre masculin mais « infirmier » et « nounou » à une femme.
- En 2015, Amazon a dû interrompre l’usage d’un algorithme d’aide à la décision à l’embauche. L’algorithme, en se basant sur les données des dix dernières années de recrutement, a pénalisé les CV contenant le mot « femme » pour les postes techniques.
- En 2018, une étudiante du MIT, Joy Buolamwini a montré que le logiciel de reconnaissance faciale de Microsoft reconnaît les hommes blancs, mais est moins performant quand il s’agit de femmes à la peau sombre. Lorsque les équipes qui conçoivent ces algorithmes sont homogènes - majoritairement masculines, et/ou blanches -, elles ont de fortes chances de passer à côté de biais majeurs.
Bref, les algorithmes apprennent… sous l’influence des bases de données qu’on lui fournit. Ce faisant, ils perpétuent (voire pire, renforcent !) des stéréotypes sexistes, racistes, économiques, homophobes, etc. D’autant plus lorsque les équipes qui les conçoivent sont homogènes (majoritairement blanches, majoritairement masculines, majoritairement valides, etc.) C’est uniquement parce qu’une femme noire utilisait le logiciel de reconnaissance faciale de Microsoft au MIT que le problème a été soulevé.
Que faire face à ça ?
Les chercheurs mettent désormais des contraintes aux algorithmes pour les empêcher de renforcer les biais sexistes. Les comités éthiques se multiplient. Des lois sont votées pour réguler les algorithmes et déterminer qui est responsable de leurs prises de décisions (les développeurs qui les ont conçu ? Ou l’entité qui n’a pas su s’en servir correctement ?) Des initiatives de plus en plus nombreuses voient le jour pour soutenir les carrières des femmes en informatique, notamment concernant l’orientation des petites et jeunes filles vers les métiers du numérique et de l’IA.
« Mais même si l’orientation était plus égalitaire, ce qui est loin d’être gagné tellement les résistances sont fortes, il faudrait deux décennies avant que des promotions égalitaires n’émergent. Et probablement trois ou quatre avant qu’on n’arrive à dépasser les maigres 10% de femmes décisionnaires dans cet univers. (…) Or, c’est maintenant que les enjeux de l’IA se déterminent » . Et ils influent durablement notre futur.
Si on fait les choses bien, l’IA pourrait même servir au contraire comme un levier d’égalité. Par exemple, ces chercheurs qui en 2016 ont pu mesurer l’inégalité dans les cadres d’entreprises. Leurs algorithmes ont passé au crible 7200 photos de conseils d’administrations des 500 plus grandes entreprises mondiales, et ont analysé que les femmes ne représentent que 21,2% des cadres dirigeants. Voire, dans certaines des plus grandes entreprises mondiales, 0%. (Konstantin Chekanov et al., “Evaluating race and sex diversity in the world’s largest companies using deep neural networks”, arXiv: 1707.02353) …
C’est donc maintenant qu’il faut se soucier de la mixité des équipes et des prises de décision, du mélange « hautement souhaitable des points et des talents des deux sexes constitutifs à parts égales de la société, seul garant d’une objectivité durable des programmes et d’une culture de l’égalité. »
G.C.
L’intelligence artificielle, pas sans elles ! Aude Bernheim, Flora Vincent. Préface de Cédric Villani. Editions Belin, 2019
Aude Bernheim et Flora Vincent sont toutes deux docteures en science, formées respectivement à l’Institut Pasteur et à l’École Normale Supérieure. Ensemble, elles ont co-fondé l’association scientifique et féministe WAX Science.
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lecturesdefemmes · 5 years
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Ce que murmurent les collines, Scholastique Mukasonga
« Pourquoi Viviane, même nue, porte-t-elle autour de la taille une cordelette où s’accroche un minuscule morceau de bois ? Et puis, entre la Bible et les aventures de Titicarabi, y a-t-il d’autres livres ? Le règne d’un roi peut-il nous être conté par une vache ? Et si l’on chasse de la colline celle sur qui s’accumulent les malheurs, chasser-a-ton grâce à ce bouc émissent le Malheur inhérent à la condition humaine ? Et si un fier destin attendait Cyprien le Pygmée, rejeté de presque tous ? »
Une rivière, une vache, un petit morceau de bois… sont autant de points de départ de ces nouvelles où s’enchevêtrent la vie individuelle et l’Histoire, la mémoire et les oublis, l’innocence et le tragique. Des textes ciselés où des courants d’histoires jaillissent à partir de ce qui semble être un détail.
C’est une narratrice qui replonge depuis son exil dans le souvenir des lieux de son enfance. Ou alors c’est un aïeul, chérissant rien tant que son unique vache, qui raconte à sa petite-fille les vies de personnages qu’elle pas connus, qu’elle ferait mieux d’oublier peut-être. Ou encore c’est le concile de femmes du village qui se réunissent pour échanger leurs visions sur l’origine du Malheur.
On traverse, par ces multiples regards, des périodes d’histoire charnières du Rwanda. L’arrivée des Belges avec leurs Bibles, leurs missionnaires, leurs fusils et décisions autoritaires sur ce qui doit ou ne pas doit être fait ; arrivée à laquelle, en écho, émerge la mémoire orale de récits pluriséculaires - réels ou inventés. Celles du roi Musinga, du chien Titicarabi, et de l’arbre Kivumu…
La première page nous fait nous tenir sur la rive de la rivière Rukarara ; dès la deuxième j’étais emportée par son courant. Les mots coulent, limpides, chaque nouvelle formant comme un affluent de cette vision historique non-figée, entre l’horreur et l’espoir, de tout un peuple. Magnifique recueil.
G.C.
Ce que murmurent les collines, Shcolastique Mukasonga. Éditions Gallimard, 2014.
Scholastique Mukasonga, née au Rwanda, vit et travaille en Basse-Normandie. Son premier ouvrage, Inyenzi ou les Cafards, a paru en 2006 ; sa traduction américaine, Cockroaches, est nominée pour le Los Angeles Times Book Prize de 2016 dans la catégorie des autobiographies. Elle remporte en 2012 le prix Renaudot et le prix Ahmadou-Kourouma pour son quatrième roman Notre-Dame du Nil. Finaliste en 2015 du Dublin Literary Award et du Los Angeles Times Book Prize, elle est récompensée en 2014 par le prix Seligman contre le racisme et l'intolérance et en 2015 par le prix Société des gens de lettres pour Ce que murmurent les colline. Le prix Francine et Antoine Bernheim pour les lettres et les arts de la Fondation du judaïsme français a été attribué à Scholastique Mukasonga pour l’ensemble de son oeuvre en 2015.
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