Chapitre 4 : Par Elle
Tallulah
Lundi matin, je me levai de bonne heure pour commencer mon service au cafĂ©. Mon premier cours de la journĂ©e Ă©tait avec Monsieur Zaidi, mais ne commençait qu'Ă neuf heure et demie. Le cafĂ©, lui, ouvrait Ă six-heures trente. Cela me faisait une bonne matinĂ©e remplie quand mĂȘme ! J'apprĂ©hende quand mĂȘme de revoir Hyun. J'eus bien compris que de me voir avec Monsieur Zaidi l'eut alertĂ© l'autre soir, au point d'en faire part Ă Morgan. En revanche, samedi, c'Ă©tait la premiĂšre fois que je voyais mon ami adresser un regard si glacial Ă un quelqu'un, et cela me surprit d'autant plus que ce fut envers un client.
Quand je posai un pied au café, je saluai Clémence et celle-ci le fit à sa maniÚre. Toujours un peu brusquement et sans joie de me voir. Hyun n'était pas encore arrivé. Tandis que je préparai les tables et que Clémence arrangeait la vitrine avec nos produits, je lui touchai deux mots au sujet de ma demande d'heures supplémentaires. Apparemment, Hyun ne lui avait rien dit mais étrangement elle ne parut pas réticente face à cette suggestion.
-Je ne peux nier que ça me soulagera un peu. Je dis bien, un peu, t'as encore beaucoup à apprendre mais les clients sont plutÎt satisfaits de tes performances. (Elle prit un ton plus sec) J'espÚre que ce sont bien tes services et non l'ourlet de ta jupe qui les impressionnent.
Là elle va trop loin. Je me redressai pour croiser son regard. Nous nous jaugeùmes un moment, et je vis un sourire amusé apparaßtre au coin de ses lÚvres. Comprenant son petit jeu, je lui fis un de mes sourires les plus éclatants et me remis à préparer les tables aprÚs avoir rétorquer posément :
-Eh bien nous verrons bien ce matin ! Je porte un jean et un adorable col roulĂ© pour protĂ©ger ma gorge de ce froid hivernal. (Je fis mine de m'inquiĂ©ter pour elle) Faites attentions Ă vos bronches, je sais que le cafĂ© est chauffĂ©, mais tout de mĂȘme.
Alors que j'allais en terrasse, je pus l'entendre gronder dans sa barbe mais n'ajouta rien de plus. Je refermai la porte pour ne pas laisser le froid entrer, et je pus en profiter pour libĂ©rer ce semblant de colĂšre qui m'eut envahie plus tĂŽt. Je fis tout de mĂȘme attention Ă ne pas trop Ă©lever la voix.
-Mais quelle pĂ©tasse celle-lĂ ! Va falloir qu'elle se dĂ©tende un peu l'oignonâŠ
-Quelle vocabulaire fleurie !
Piquant à fard à l'idée que l'on eut pu m'entendre jurer contre ma patronne, je me dressai vivement et lùchai un profond soupir de soulagement en voyant que ce n'était que mon ami qui arrivait enfin.
-HyunâŠtu m'as fichue une de ces trouilles !
-Haha ! J'ai comme l'impression que tu as essuyé une nouvelle dispute avec Clémence ?
Je fis le tour de la table que je nettoyai pour lui faire la bise.
-Boh, pas vraiment, mais ses remarques deviennent de plus en plus dĂ©placĂ©esâŠavouai-je en me remettant au travail. Je ne pus m'empĂȘcher de jeter un regard noir Ă ClĂ©mence Ă travers la fenĂȘtre. Elle repartait en cuisine.
-Hé, m'appela-t-il d'une voix douce tout en s'accroupissant à cÎté de moi, les bras posés au bord de la table : Tu veux que j'aille lui parler ?
-Tu l'as suffisamment fait, Hyun. Assurai-je en posant mes yeux sur lui : Maintenant, elle profite de tes absences pour me descendreâŠElle trouvera toujours un moyen de me rabaisser. (Je pris une profonde inspiration) M'enfin, elle a quand mĂȘme admis que mes performances la soulageaient un peu. A tel point qu'elle a acceptĂ© de m'ajouter des heures sur mon emploi du temps.
-A-ah oui ? J'ai oublié de lui en parler, désolé.
-Ce n'est pas grave, maintenant c'est fait, lui souris-je : Vas-y avant qu'elle ne me saute Ă la gorge en pensant que je t'aguiche avec l'ourlet de mon jean !
-Q-Quoi ?
Je ris, oubliant un instant ma colÚre de tantÎt à l'encontre de Clémence.
-Rien oublie, haha !
Lorsque les premiers clients arrivĂšrent, nous fĂ»mes tous sur le qui-vive. Hyun trouva tout de mĂȘme le temps me sortir quelques blagues entre deux de mes passages au comptoir pour lui dĂ©poser des commandes. Comme tous les lundi matin, je croisai le responsable administratif qui rĂ©clamait toujours le mĂȘme cafĂ© avec sa goutte de lait ainsi que d'autres professeurs d'AntĂ©ros. Hyun en reconnut deux de son bĂątiment.
-Tu vois celle avec la veste moumoute ? C'est un tyran ! pesta-t-il en prenant un faux air mauvais.
Je pouvais dire que c'Ă©tait de la comĂ©die pour l'avoir maintenant vu deux fois avec une vĂ©ritable expression dure et dĂ©fiante. Peut-ĂȘtre l'eussĂš-je dĂ©visagĂ© trop longtemps alors que j'attendais qu'il me prĂ©pare les commandes, mais il me demanda s'il avait fait quelque chose de mal.
-Hein ? Pourquoi ?
-Je ne sais pas, je te trouve plus souriante d'habitudeâŠ
Ne voulant pas remettre sur le tapis ce qu'il s'Ă©tait samedi soir, je dĂ©tournai le regard en lui assurant que tout allait bien. Ce fut Ă son tour de me dĂ©visager longuement, avec une expression assez suspicieuse. Il dĂ©posa la tasse de thĂ© sur le comptoir, et au moment oĂč je voulus la prendre pour la poser sur mon plateau, Hyun glissa timidement sa main sur mon poignet comme pour attirer mon attention.
-Tu me parles quand ça ne va pas d'habitude, qu'est-ce qui a changé Tallulah ? s'inquiéta-t-il sérieusement.
Mon cĆur rata un battementâŠJe me voyais mal lui dire que je ne comprenais pas sa mĂ©fiance envers mon professeur. Si la premiĂšre fois je parvins Ă faire semblant de ne pas ĂȘtre intĂ©ressĂ©e par Monsieur Zaidi, plusieurs jours s'Ă©taient Ă©coulĂ©s depuis, et je ne me sentais plus aussi sĂ»re et certaine de pouvoir mentir Ă mon ami.
Redressant le menton, je lui souris aussi sincĂšrement que possible et pris sa main dans la mienne.
-Tout va bien, Hyun.
Il sourit en coin, pas trĂšs convaincu de ce que je pus voir, mais il n'insista pas. Mon collĂšgue termina de prĂ©parer les commandes et je pus les apporter en terrasse. Les heures passĂšrent et il Ă©tait bientĂŽt l'heure pour Hyun et moi d'aller en cours. J'essayai de garder bonne figure jusqu'au bout mĂȘme si je me sentais un peu fatiguĂ©e. De nouveaux clients vinrent s'installer Ă l'intĂ©rieur, et je souris de toutes mes dents, retrouvant un regain d'Ă©nergie en voyant Rosalya et Leigh.
-Bienvenu Ă vous ! les accueillis-je en leur donnant une rapide Ă©treinte : T'as fini t'es cours ? demandai-je Ă Rosa en les guidant jusqu'Ă une table libre et propre.
-Mon cours est reporté, comme Leigh ne travaille pas le lundi matin, on en a profité pour sortir un peu.
-TrĂšs bien, dans ce cas qu'est-ce que je vous sers ?
-Ooh, une grande cup de chocolat chaud avec de la guimauve et un croissant aux amandes s'il te plaĂźt. (Elle me regarda de haut en bas) Je ne m'y ferais jamais Ă ce tablier.
-Haha, mais si, regarde j'y arrive bien moi ! Leigh, que prendras-tu ?
-Un thé vert avec un sucre et un croissant comme Rosa. Au fait, mes félicitations, Rosalya m'a dit pour le studio.
-Attends, ne me félicite pas trop tÎt je n'ai pas la confirmation encore !
Je leur fis un clin d'Ćil et filais donner la commande Ă Hyun. Depuis le comptoir, je pus entendre les bribes de leur conversation.
-J'espĂšre que ça ne te pose vraiment pas de souciâŠ
-Mais non chĂ©ri, toi aussi t'avais besoin d'Ă©vacuer ! Tout le monde Ă le droit Ă un confident. Et je te l'ai dit, je suis mĂȘme rassurĂ©e que tu aies trouvĂ© quelqu'un Ă qui parler. Je sais que c'est dans ta nature, mais ĂȘtre trop rĂ©servĂ© n'est pas bon Ă ton Ăąge.
-A mon⊠? Peu importe, haha ! J'avoue que le courant passe trÚs bien avec Rayan. Depuis Juillet maintenant qu'on se cÎtoie, j'ai bien envie de l'inviter à dßner un soir.
-Bien sĂ»r, on fera ça quand vous on aura tous un soir de libre. Mais dĂ©jĂ , il vient avec nous Samedi, histoire de fĂȘter avec nous la nouvelle !
Hyun dĂ©posa tout ce qu'il fallait sur un plateau et me prĂ©vint qu'il partait se changer et qu'il m'attendrait dehors. J'opinai d'un hochement de tĂȘte et apportai ma commande Ă mes amis.
-Voilà pour vous ! Et en plus je clÎture ma matinée avec les meilleurs clients qu'on puisse souhaiter.
-Ah, la belle-sĆur nous quitte dĂ©jĂ , plaisanta Leigh en remuant son thĂ©.
-Leigh⊠rouspéta gentiment Rosalya mais cela me fit plus rire qu'autre chose.
-Pas de problĂšme Rosa.
Je les embrassai tous les deux et partis Ă l'arriĂšre-boutique prĂ©venir ClĂ©mence que je m'en allais. Puis, une fois mon uniforme rangĂ© dans mon sac de cours, je filai rejoindre Hyun qui sautillait sur place pour se rĂ©chauffer. Le bousculant gentiment, je courus devant lui en criant qu'il ne serait jamais assez rapide pour me rattraper. S'entama une course poursuite jusqu'Ă la fac que Hyun perdit de peu. Une fois dans la cour, je le vis foncer sur moi pour me chatouiller et me punir d'avoir trichĂ©. Je lĂąchai un cri alors qu'il me portait sur son Ă©paule en me secouant comme un prunier. Je ne m'attendais pas Ă ce qu'il ait autant de force, j'Ă©tais plutĂŽt lourdeâŠ
-Haha ! H-Hyun Haha, arrĂȘte ! Repose-moi haha !
-C'est ta punition pour avoir triché, mwahaha !
-M-mais non ! ris-je : C'est toi qu'est nul !
Entre la course et mes rires, j'avais du mal Ă reprendre mon souffle. Hyun dĂ©cida enfin Ă me poser sur un banc alors que tout le monde nous regardait avec des yeux Ă©tranges, parfois amusĂ©s, moqueurs ou attendris. Me tenant les cĂŽtes, je soupirai d'aise maintenant que j'Ă©tais libĂ©rĂ©e de son emprise. Je ressentis une petite douleur Ă mon bas ventre et me dis qu'il me secoua peut-ĂȘtre un peu trop fort.
-J'te jureâŠj'ai perdu cinq kilos !
-Oh bah oui, au moins ! se moqua mon ami en s'installant Ă mes cĂŽtĂ©s. Il passa son bras derriĂšre moi tandis que je rĂ©pondais Ă un message que Chani m'eut envoyĂ©e Ă l'instant. Apparemment, elle n'avait rien loupĂ© du spectacle et se trouvait sur les marches du bĂątiment d'art. Curieuse et empressĂ©e de retrouver mon amie, je tournai la tĂȘte et la cherchai des yeux tout m'avançant vers le bĂątiment. Mon sourire se fana aussitĂŽt que je croisai les yeux perçant de Monsieur Zaidi qui se tenait juste Ă cĂŽtĂ© d'elle et du Directeur.
-Quelle fougue ! Il y a des jours oĂč j'aimerai avoir la mĂȘme Ă©nergie, fit le Directeur en s'adressant Ă Hyun et moi. Lui non plus, n'avait rien ratĂ© de notre entrĂ©e.
-Surtout avec une matinĂ©e de boulot au cafĂ©, je ne sais pas si je vais avoir la mĂȘme Ă©nergie quand j'irai bosser demain, souligna Chani Ă qui je fis la bise.
Je saluai poliment le Directeur ainsi que mon professeur qui ne me lĂąchait pas des yeux.
-Ah oui ? En voilĂ des jeunes gens courageux. Vous ĂȘtes Ă©galement en Art ? demanda le directeur Ă mon collĂšgue. Ce dernier n'eut pas le temps de rĂ©pondre que Monsieur Zaidi le fit Ă sa place.
-Non, il n'est dans aucun de mes cours.
Hyun plissa un Ćil, comme agacĂ© et ajouta :
-Je suis en info. Com. En M2, comme Tal'.
Il sourit au Directeur, mais n'omit pas de lancer un lourd regard à mon professeur qui arqua un sourcil. Je vis les muscles de sa mùchoire se crisper⊠Qu'est-ce qu'il leurs prend !? Chani ressentit visiblement le malaise et m'interrogea en silence. Souriant à mes aßnés, je me tournai vers Hyun qui avait gravi une marche supplémentaire pour arriver à ma hauteur.
-D'ailleurs, tu vas ĂȘtre en retard Hyun⊠Chuchotai-je : C'est toujours toi qui m'accompagne, la prochaine fois ce sera mon tour, promis.
Son visage se radoucit et j'en fus soulagĂ©e. Alors que je me penchai pour lui faire la bise, Hyun prit mon visage en coupe et se pencha au-dessus de moi pour dĂ©poser un baiser, aussi lĂ©ger qu'une brise, sur mon front qu'il eut avec douceur dĂ©gagĂ© dessous mes cheveux. Cela lui fut dĂ©jĂ arrivĂ© de m'embrasser Ă cet endroit, tout comme moi, comme je le faisais un peu Ă tous mes amisâŠmais je sentis une diffĂ©rence dans celui-ci qui me surprit Ă un point que j'eus un certain temps de latence avant de retrouver mes esprits. DĂ©jĂ au loin, je vis mon ami trotter jusqu'Ă sa section et nous saluait Chani et moi d'un signe de la main.
-Ah, l'amourâŠun soutien indĂ©niable en cette pĂ©riode difficile de vos Ă©tudes.
Jamais je ne m'Ă©tais sentie rougir aussi nettement qu'Ă ce moment-lĂ . Le Directeur ne pensait bien Ă©videmment pas Ă mal, et semblait mĂȘme fier de sa remarque. Pour ma part, les mots me manquaient, et le courage de croiser leurs regards respectifs aussi. En baissant les yeux, je remarquai alors la main de Monsieur Zaidi, serrer avec force l'anse de sa mallette avec tant de force que ses phalanges blanchirent.
Si le Directeur et Chani reprirent Ă converser allĂšgrement tout en se dirigeant vers l'amphi, le silence fut palpable entre Monsieur Zaidi et moi qui marchions en retrait. Je lui jetai un coup d'Ćil furtif, son regard restait fixe, portĂ© droit devant lui. Une fois dans l'Amphi, Chani et moi nous installĂąmes aux mĂȘmes places que la semaine derniĂšre, bien que j'eusses peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rĂ© ĂȘtre cachĂ©e dans le fond de la salle. Il fallait avouer que l'on entendait bien mieux devant, d'autant plus que Monsieur Zaidi n'utilisait pas de micro, comme la plupart des autres profs lors d'un cours magistral.
Les Ă©lĂšves entrĂšrent petit Ă petit tandis que le Directeur et lui continuaient vivement Ă discuter. Le plus ĂągĂ© donna une enveloppe assez Ă©paisse Ă l'autre, puis repartit. Le professeur n'eut mĂȘme pas besoin de rĂ©clamer le silence que tout le monde se tut.
-Je vais distribuer le planning des examens. Nous les avons reçus ce week-end, malheureusement la plateforme informatique est en maintenance pour quelques temps, nous vous fournissons donc des polycopiés. Attention, il n'y a qu'un seul exemplaire par étudiant d'autant plus que c'est nominatif. Merci de prendre pour les absents.
Nom par nom, Monsieur Zaidi commença donc Ă distribuer les feuilles. Les Ă©lĂšves les plus Ă©loignĂ©s descendaient en toute hĂąte pour ne pas faire dĂ©placer le professeur Ă chaque fois. Me trouvant Ă une extrĂ©mitĂ©, je fis de mĂȘme et alors que j'attrapai mon planning, il ne le lĂącha pas aussitĂŽt et murmura au plus bas : « J'aimerai vous parler ». Comprendre : Pouvez-vous rester Ă la fin du cours ?
Cette fois-lĂ , je n'en avais pas du tout envie. Pas aprĂšs ce qu'il m'avait dit samedi. « Fallait pas se sentir obligĂ©e » Vraiment, je ne savais pas pour qui il se prenait⊠Je retournai Ă ma place, le cĆur serrĂ© en jetant un rapide coup d'Ćil Ă mon planning. AprĂšs que tous reçurent leur emploi du temps personnel des examens, un brouhaha gĂ©nĂ©ral s'initia dans l'amphi, mais notre aĂźnĂ© parvint malgrĂ© tout Ă faire retrouver son calme Ă tout le monde. Sur le ton de la plaisanterie, il nous invita Ă profiter des festivitĂ©s qui se dĂ©roulaient Ă la plage, ce week-end, car elles risquaient d'ĂȘtre nos derniĂšres avant la prochaine ligne droite.
Je m'efforçai de maintenir ma concentration Ă son paroxysme, mais la fatigue de tantĂŽt revint au galop avec un mal de crĂąne qui ne donna le tournis, mĂȘme en Ă©tant assise. Plus d'une fois, je pris ma tĂȘte entre mes mains en essayant de comprendre ce que racontaient mes camarades en plein dĂ©bat autour de la problĂ©matique de la semaine derniĂšre, que nous devions approfondir, pour la conclure ensuite au prochain cours.
-Tout va bien ? me murmura Chani qui posa une main réconfortante sur mon genou. Je me redressai et lui souris.
-Cela va passer, juste un coup de fatigue.
Mes notes furent trÚs brouillonnes⊠Mes camarades avaient encore plus de peps que vendredi et leurs voix semblaient raisonner dans mon crùne. Puis, un élan de panique me prit lorsqu'une une vive douleur s'enclencha au plus bas de mon ventre, et cette fois je sus que ce n'était pas à cause de Hyun. Oh non⊠Je priai pour que je me fasse de fausses idées, mais en réalisant que nous étions en fin de mois je me frappai intérieurement de ne pas avoir était plus prévoyante.
Entre les cours, le boulots et mes recherches pour un nouveau logement, j'eus complĂštement oubliĂ© l'arrivĂ©e de mes rĂšgles qui Ă©taient pourtant du genre Ă se pointer Ă date fixe. Par automatisme, je serrai les jambes alors que je sentais mon visage s'enflammer d'embarras. Si ma mĂšre vivait trĂšs bien ses menstruations, pour ma part, c'Ă©tait une vĂ©ritable torture. Les crampes Ă©taient insupportables et je sentais dĂ©jĂ mes jambes trembler. Je comprenais mieux d'oĂč venait cette subite fatigue et atroce migraineâŠ
Monsieur Zaidi me lança plusieurs coups d'Ćil en coin, et je priai pour qu'il ne m'interroge pas. Ma concentration Ă©tait aux abonnĂ©es absentes, et mes camarades semblaient avoir plus d'aplomb que moi de toutes façons. Le reste du cours fut des plus stressants, et une fois la fin annoncĂ©e, Chani se tourna vivement vers moi et me sonda sĂ©rieusement.
-T'es pĂąle comme jamaisâŠtu vas me dire ce qu'il ne va pas ?
-Je t'en prie, dis-moi que dans ton sac t'as des-
Je m'interrompis en voyant des élÚves derriÚre mon amie qui essayaient de sortir de la rangée. Je m'écartai avec précaution, vins coller mon dos au mur des escaliers et les laissais tous passer. Monsieur Zaidi choisit ce moment pour s'avancer vers moi. Oh non, allez-vous-en ! Voulus-je lui hurler.
Chani l'interrogea du regard et notre aĂźnĂ© s'excusa auprĂšs d'elle, lui informant qu'il aimerait discuter un moment avec moi. Il semblait attendre une rĂ©ponse et je compris que ce qui s'Ă©tait passĂ© Samedi devait beaucoup le tracasser. PrĂ©fĂ©rant mettre les choses au clair une bonne fois pour tout, j'acquiesçai en espĂ©rant que ça ne s'Ă©ternise pas non plus. Je n'ose pas me retourner de toute façonâŠ
-Je t'attends en salle de repos ? me demanda Chani, toujours aussi soucieuse.
J'eus tellement envie de la rejoindre, mais clairement je n'osai plus bouger. En me mettant debout, j'eus senti la catastrophe vaginale arriver. Ne voulant pas pénaliser mon amie d'aller déjeuner, je lui souris en lui assurant que ça ne serait pas long -car non, je n'avais pas le temps pour lui en cet instant- et que je la rejoindrai directement à la cafétéria.
Elle salua notre professeur qui s'excusa une nouvelle fois. Ah lĂ mon pote tu peux t'excuser !  Rageai-je, prise d'une bouffĂ©e de chaleur. La douleur au bas de mon ventre persistait et ça en devenait insoutenableâŠ
Monsieur Zaidi allait pour retourner Ă son bureau, mais, ne me voyant pas bouger il prit appui sur le bord de la table oĂč je fus prĂ©cĂ©demment installĂ©e et soupira.
-Ecoutez, je ne veux pas paraĂźtre dĂ©sobligeant mais il serait peut-ĂȘtre temps que l'on discute sĂ©rieusement de ce qu'il se passe entre nous en ce moment.
Et moi j'ai sérieusement besoin d'aller aux toilettes ! me retins-je de lui balancer. Mais je restai d'accord avec lui, nous avions réellement besoin de dialoguer.
-D'accord, dis-je simplement en essayant de calmer les tremblements dans mes jambes.
Monsieur Zaidi arqua un sourcil tout en me dĂ©visageant longuement. Puis, semblant excĂ©dĂ©, il me sortit les mĂȘmes mots que samediâŠ
-Bon, ne vous sentez pas obligée de discuter si vous ne le voulez pas, ce n'est pas parce que je suis votre professeur que-
-Ok, lĂ je vous arrĂȘte de suite ! lĂąchai-je un peu sĂšchement. Mais l'urgence du moment et son attitude un brin prĂ©tentieuse me hĂ©rissaient le poil : Certes vous ĂȘtes plus ĂągĂ©, vous ĂȘtes mon professeur, en sommes vous avez tous les statuts de la personne proclamant « l'autoritĂ© ». Mais je suis encore capable de savoir ce que je veux sans qu'on me prenne par la main. Vous vouliez parler, j'ai acceptĂ© car j'estime qu'il est Ă©galement temps de le faire. Pour tout vous dire, j'ai un peu de mal Ă vous suivre, alors parlons.
Et faisons vite, pitié ! J'essayai vraiment de faire abstraction de mes vertiges mais mes jambes flagellaient de plus en plus sous la douleur des crampes. Mon aßné se redressa en m'adressant un regard fort surpris. Ne sachant que faire de ses mains, il en glissa une derriÚre sa nuque et l'autre dans la poche de son pantalon. C'est bien la premiÚre fois que je le sens vraiment déstabilisé.
-J-jeâŠje ne voulais pas vous blesser. Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses, si mes mots vous ont paru prĂ©somptueux. Pour dire vrai, quand j'ai compris que vous ne travailliez pas samedi soir, je me suis dit que vous aviez simplement voulu faire bonne figure et j-jeâŠ
-Bonne figure ?
Ce fut plutĂŽt en cet instant que j'essayai de le faire, mais pour de toutes autres raisons.
-Si la subtilitĂ© ne fonctionne pas, alors autant ĂȘtre claire : ça me fait plaisir de vous voir, et ce n'Ă©tait certainement pas pour faire bonne figure que j'ai acceptĂ© de vous servir un cafĂ© samedi. J-je voulais simplement⊠ah !
N'y tenant plus, mes jambes se coupĂšrent sous la douleur des crampes.
-HĂ© ! Tallulah, que se passe-t-il !?
Oh non⊠Monsieur Zaidi s'était précipité pour me relever tandis que l'inquiétude se peignait sur son visage.
-Ăa va passer, ne vous en faites pas⊠marmonnai-je en serrant les dents. Les mains tremblantes sous la crainte qu'il ne remarque quoi que ce soit, je rassemblai le reste de mes affaires et m'excusai auprĂšs de lui. Mais je n'osai pas non plus traverser le hall ni la cour⊠Et si j'avais une tĂąche ?
J'ignorai ce qui m'agaçait le plus dans cette situation, le fait de me retrouver ainsi devant Monsieur Zaidi, ou simplement que je me morfonde autant pour quelque chose de naturel et inĂ©vitable pour la femme que j'Ă©tais. J'aurai dĂ» y penser ! J'aurai dĂ» ! me rĂ©pĂ©tai-je en m'en voulant tellement pour cet oubli. Je n'avais rien sur moi, tout Ă©tait dans ma chambreâŠ
Me saisissant fermement par le bras, mais sans aucune brusquerie, mon aĂźnĂ© m'aida Ă marcher jusqu'en haut de l'amphi oĂč se trouvait la sortie.
-Pardon de ne pas l'avoir remarqué avant, vous étiez bien silencieuse en cours, je pensai que ça avait un rapport avec nous mais c'était parce que vous étiez malade, n'est-ce pas ?
-Pas vraimentâŠje-
D'instinct, je vins placer mes mains derriÚre moi afin de camoufler d'éventuelles tùches de sang. Ce fut à ce moment que Monsieur Zaidi, semblant comprendre, me demanda avec hésitation :
-Vous avez de quoi vous changer ?
Penaude, je secouai la tĂȘte sans pouvoir le regarder. Soudain, il retira hĂątivement sa veste qu'il enroula autour de mon bassin. PaniquĂ©e, je commençai Ă la retirer en lui expliquant que je ne voulais pas la salir. D'un geste bienveillant, il attrapa mes mains et renoua les manches autour de ma taille.
-Ce n'est qu'un vĂȘtement, Tallulah. Et puis, ça m'embĂȘte de ne pouvoir rien faire⊠Si ce n'est vous accompagner au dortoir.
-J-je vais appeler Chani. Je ne suis pas bĂȘte, je sais trĂšs bien que ça risque de jazzer si jamais l'on vous voit entrer au dortoir avec une Ă©tudiante.
Mon aĂźnĂ© serra plus fort mes mains qu'il eut gardĂ©es dans les siennes. Mes doigts glacĂ©s se rĂ©chauffaient contre les siens. Cependant, consciente du lieu oĂč nous nous trouvions, je les retirai Ă contre cĆur bien qu'il usĂąt de la mĂȘme pression jusqu'au bout des doigts.
-Comme vous voudrez. Sa voix ne fut qu'un souffle : Je vais rassembler mes affaires et attendre avec vous l'arrivée de votre amie. Vous tenez à peine sur vos jambes et je n'aimerai pas que vous vous retrouviez au sol une fois parti. (Il me guida jusqu'à un siÚge qu'il déplia) Installez-vous là en attendant.
Il dévala les escaliers sous mon regard attendri. J'en profitai pour appeler Chani qui décrocha bien rapidement.
« Hé bien ? Pourquoi il s'excuse cette fois, pour ne pas t'avoir assez interrogée ? »
Je ris malgré moi, et souris.
-Non, il voulait simplement me voir pour mon mĂ©moire, mentis-je en me souvenant que mon aĂźnĂ© avait jetĂ© un coup d'Ćil Ă mes recherches, samedi Ă la BU. Alors qu'il remontait les marches je l'entendis me souffler qu'il eĂ»t quelque chose pour moi Ă ce sujet-lĂ . Je lui souris : En fait je t'appel car j'ai un petit souci d'ordre fĂ©minin.
« Oh⊠C'est pour ça que t'étais patraque tout à l'heure. Je me disais bien que tu avais un souci »
-Je mal gĂ©rĂ© ce mois-ci, d'habitude je prĂ©pare toujours de quoi me protĂ©ger, ainsi qu'une boĂźte de mĂ©dicaments mais entre le boulot, les cours et l'appart'âŠ(je pouffai d'exaspĂ©ration) J'ai oubliĂ© le dĂ©barquement de Normandie !
J'entendis Monsieur Zaidi Ă©touffer un rire. Me pinçant les lĂšvres, je me trouvai bĂȘte d'avoir sorti ça devant lui.
« T'es oĂč ? Je t'apporte de quoi te sauver ! »
-J'aurai surtout besoin de revenir dans ma chambre, mais j'ai les jambes en coton Ă cause des crampes⊠Tu peux venir s'il te plaĂźt ? demandai-je, un peu gĂȘnĂ©e de dĂ©ranger tant de monde.
« Je suis déjà dans la cour, tu me vois dans quelques secondes. Ne bouge-pas, je connais ça aussi ! »
-Merci, t'es un amour Chani.
Nous raccrochùmes. Vive la solidarité féminine ! me hurlai-je en mon for intérieur. Assis à cÎté de moi, Monsieur Zaidi, recouvert de son long manteau noir, examinai un petit paquet de feuilles en souriant en coin.
-Pourquoi vous souriez ? osai-je demander.
-« Le débarquement de Normandie », bien la premiÚre fois que j'entends une telle expression pour parler des rÚgles !
AchevĂ©e, je cachai mon visage entre mes bras croisĂ©s sur la table et gloussai nerveusement. Je repris contenance, relevai la tĂȘte bien que je sus d'avance que mon visage devait ĂȘtre rouge comme une tomate.
-Ma mĂšre rĂ©pĂ©tait ça Ă chaque fois que j'avais mes rĂšgles et que la douleur me clouait au lit. (Je soupirai) Bon sang que c'est gĂȘnantâŠ
-Pourquoi ? Parce-que je suis un homme ? demanda-t-il avec sérieux.
-Oui et non, avouai-je : la situation en elle-mĂȘme est gĂȘnante, pas le fait que j'ai mes rĂšgles, ça je n'y peux rien. Je n'ai pas Ă©tĂ© assez prĂ©voyante.
-Un oubli, peu importe pour quoi, ça arrive Ă tout le monde Tallulah. Et surtout, ne soyez pas gĂȘnĂ© par ça parce que je suis un homme. Ce n'est pas parce que je ne suis pas fait comme vous que je suis ignare sur le sujet. (Il se massa la joue) Je me sens juste idiot de vous avoir retenue alors que vous vous sentiez si mal. Je n'ai fait qu'empirer la situationâŠ
-MĂȘme sans ĂȘtre ignare, il Ă©tait difficile pour vous de deviner ce qu'il m'arrivait. Et puisâŠce n'est peut-ĂȘtre pas grand-chose pour vous, mais c'est vraiment gentil, dis-je en triturant sa veste autour de ma taille.
Nous échangeùmes un sourire complice. Puis, prenant une moue hésitante mon aßné demanda :
-V-vous travaillez quand, au juste ? Au cafĂ© je veux direâŠprĂ©cisa-t-il.
Si la question pouvait paraĂźtre bien banale aux yeux d'autres personnes, les sous-entendus que Monsieur Zaidi y enfouit me touchĂšrent bien plus qu'il ne pouvait l'imaginer.
-Le lundi matin, déjà ! ris-je en repensant à notre échange en compagnie du Directeur.
-Oui, dĂ©jĂ âŠ, sourit-il, mi- amusĂ© mi- amer. Je me demandai Ă quoi il pouvait bien songer en cet instant. Passant outre, je lui donnai mes autres horaires mais en prĂ©cisant : Le Mardi soir et le Jeudi soir, je suis de fermeture. J'ai demandĂ© des heures supplĂ©mentaires aussi, peut-ĂȘtre aurai-je d'autre soir de fermeture.
Il sa racla la gorge, et hocha la tĂȘte d'un air entendu.
-Vous repasserez ?
Je ne le lùchai pas des yeux, attendant sa réponse avec patience et sérieux. Mon aßné se mit à rire nerveusement, et croisa à nouveau mon regard avec un air évident. Dans un murmure, il avoua :
-Pourquoi vous demander vos horaires, si ce n'est pas pour venir vous voir ?
Si je n'avais pas ces crampes qui tordaient mon bas ventre, j'aurai pu croire que je flottai sur un petit nuage. En mĂȘme temps, avec mes jambes en coton j'n'en suis pas loin ! Me fis-je remarquer. Chani arriva enfin et se prĂ©cipita vers moi, armĂ©e d'une petite boĂźte en mĂ©tal que beaucoup de femmes devaient connaĂźtre !
-Désolée, j'ai dû repasser dans ma chambre je n'avais aucune protection, moi non plus⊠(elle eut un air surpris) Oh ! Vous étiez là ?
-Oui, je n'ai pas osé la laisser seule.
Monsieur Zaidi se leva de son siĂšge et me tendit le petit paquet de feuilles qu'il triturait depuis tout Ă l'heure.
-C'est pour vos recherches. J'ai pensĂ© que ça pourrait vous ĂȘtre utile.
-Merci Monsieur, dis-je sincĂšrement en croisant son regard : Pour tout.
Il m'adressa un dernier sourire avant de nous ouvrir la porte et nous laisser sortir de l'amphi.
-Prenez-soin de vous, Tallulah.
Nous le saluĂąmes une fois pour toute tandis qu'il refermait l'amphithĂ©Ăątre derriĂšre lui. C'Ă©tait l'heure du dĂ©jeuner, et le hall Ă©tait dĂ©sert. Ma dĂ©marche n'Ă©tait pas trĂšs confortable, mĂȘme en sachant que la veste de mon aĂźnĂ© me cachait. MalgrĂ© sa petite taille, Chani me soutenait avec beaucoup de force et m'accompagna jusqu'aux toilettes oĂč je pus constater les dĂ©gĂąts.
-Rah, c'est pas vraiâŠ
-Ăa a tĂąchĂ© ? demanda-t-elle derriĂšre la porte.
-Pas qu'un peu⊠Tu vas pouvoir garder tes serviettes, je vais me changer dans ma chambre. (Je grimaçai) Bon sang, ce que je peux avoir mal⊠me plaignis-je dans un murmure.
MĂȘme si je n'Ă©tais pas trĂšs friande des ascenseurs, je devais bien avouer que dans ces moments-lĂ c'Ă©tait trĂšs utiles.
-Imagine si ça nous arrive et qu'on doit monter toutes les marches de l'immeuble de Monsieur Castillon ? ironisa Chani.
-Je ne suis pas prĂȘte de refaire un nouvel oubli ! ris-je avec une pointe d'horreur dans la voix.
Une fois dans ma chambre, je proposai Ă Chani de s'installer sur mon lit ou Ă mon bureau le temps pour moi de faire un tour dans ma salle de bain.
-Je peux te piquer des gùteaux ? me demanda-t-elle depuis l'autre cÎté.
-Vas-y, fini-les mĂȘme. Je parie que je t'ai coupĂ© pendant ton repas⊠soulevai-je, l'air coupable.
-J'ai eu le temps d'engloutir mon omelette et ma salade de tomates ! Il n'y a que le dessert que j'ai dĂ» reposer.
-T'as reposé le dessert ? J'ai pensé que tu l'aurais amené avec toi, haha !
-C'était une compote, j'aime bien mais sans plus. (Je l'entendis croquer dans un gùteau) Je préfÚre tes gùteaux !
Revenant dans ma chambre, propre et enfin protégée de toute catastrophe vaginale, je sortis une plaquette de comprimés de ma trousse de produits de beauté posée sur mon bureau et en avalais deux. AprÚs quoi, je me laissai tomber sur mon lit en serrant un oreiller tout contre mon ventre. Chani me proposa un gùteau mais je ne pouvais rien avaler.
-A quelle heure commence le prochain cours ?
-Dans quarante minutes. Tu te sens capable d'y aller ? Je peux te passer mes notes tu sais.
-Je sais, lui-souris-je en prenant sa main dans la mienne : mais je vais essayer d'y aller. Je vais bien voir si les crampes passent un minimum.
Soudain, Chani fit le tour pour se positionner derriÚre-moi. Se blottissant contre mon dos, elle passa ensuite ses mains sous mon sweat à capuche (que j'eus troqué avec mon pull de ce matin) et se mit à masser mon ventre. « Je ne peux faire que ça ma chérie⊠» me disait Lysandre.
-Je ne peux faire que ça, j'espÚre que ça ne va pas te torturer toute la journée.
Ma gorge se noua. Lysandre faisait la mĂȘme choseâŠsongeai-je avec une douloureusement nostalgie autour de mon cĆur. Il s'allongeait derriĂšre moi, ses bras autour des miens, et une serviette chaude en main il massait mon ventre jusqu'Ă ce que la douleur s'apaise. « Tu l'aimes encore ? » Les paroles de Rosa firent Ă©cho dans mon esprit jusqu'Ă ce que la fatigue et la migraine aient le dessus sur moi et me plongent dans un profond sommeil. Ce fut la sonnerie de mon portable qui me rĂ©veilla, ainsi que Chani qui s'Ă©tait Ă©galement endormie. Je dus bouger dans mon sommeil, car je m'Ă©tais retrouvĂ©e face Ă elle, l'Ă©touffant presque contre ma poitrine.
L'esprit dans la brume, je décrochai sans regarder le nom affiché sur l'écran.
-AllĂŽ ?
« Eh bien, on sÚche ? »
-Priya ? questionnai-je d'une voix endormie.
« Houlà , je te réveille ? »
-HmâŠgrognai-je : ça va ?
« Haha, moi trÚs bien, mais toi ? Comme je ne t'ai pas vu au cours de développement personnel, je me suis demandé si tu avais finalement succombé à l'envie de sécher. »
-Non, pas du tout, j'ai juste eu un coup fatigue. Chani et moi, on s'est allongées sur mon lit entre midi et deux et on a fini par s'endormir. Ton coup de fil nous a servi de réveil.
-Ăa veut dire qu'on a ratĂ© le premier cours de l'aprĂšs midi en plus de DP, me murmura Chani qui se frottait les yeux.
« Ah⊠pardon d'avoir dérangé votre sieste alors ! »
-Je te remercie surtout, grĂące Ă toi on va pouvoir aller au dernier cours quand-mĂȘme. C'Ă©tait quoi le sujet en DP aujourd'hui ?
Je mis le haut-parleur afin d'entendre ce que Priya me racontait tandis que je me rafraichissais le visage. Mes jambes Ă©taient encore trĂšs faibles, un peu comme le reste de mon corps, mais la migraine et les crampes avaient finalement pliĂ© bagage. Lorsque nous fĂ»mes prĂȘtes toutes les deux, je laissai mon amie sortir la premiĂšre pour fermer Ă clĂ© derriĂšre elle, le portable toujours en main. Mais avant cela, je posai un regard affectueux sur la veste de Monsieur Zaidi que j'eus posĂ©e sur le dossier de ma chaise. Je me promis de l'amener au pressing avant de lui rendre.
En chemin, je terminai ma conversation avec Priya sur les explications du dĂ©roulement de mon rendez-vous avec Monsieur Castillon, et notre projet de se mettre en colocation avec Chani si tout se passait bien. Le dernier cours dura une heure et demi mais passa plus rapidement que nous ne le pensĂąmes. SĂ»rement parce-que nous nous Ă©tions permis deux heures de sieste juste avantâŠ
Le soleil commençait à se coucher lorsque nous quittùmes le bùtiment d'art. N'allant pas au café ce soir, je proposai à Chani de réviser à la BU avant de prendre notre repas à la cafet'. En chemin, je pensai à la veste de Monsieur Zaidi.
-Te casse pas la tĂȘte avec le pressing, ça met trop de temps et tu risques de te retrouver avec un vĂȘtement abĂźmĂ©.
-Oh, ça sent le vécu !
-Haha ! Oui, et crois-moi, mieux vaut que tu la laves toi-mĂȘme. T'as de la lessive dans ta chambre ?
-Oui, pour des lessives Ă la main au cas oĂč je n'aurai pas le temps d'aller au lavomatique.
Une fois au chaud Ă la BU, nous nous trouvĂąmes un coin tranquille oĂč nous pĂ»mes rĂ©viser comme il se devait. J'en profitai pour lire les documents que mon professeur m'eut donnĂ©e pour m'aider dans mes recherches.
Il a rĂ©ussi Ă dĂ©goter des informations exclusives sur l'artiste dont on parlait samedi ! EmportĂ©e par l'enthousiasme et l'inspiration, je sortis des surligneurs de diffĂ©rentes couleurs pour rĂ©colter les informations qui me semblaient les plus pertinentes. Quand l'estomac de Chani cria famine, nous jugeĂąmes qu'il Ă©tait l'heure de nous arrĂȘter et d'aller manger. Il n'y avait pas grand monde, la plupart des Ă©tudiants mangeaient soit, plus tĂŽt ou dehors. Chani et moi fĂ»mes rejointes par des Ă©tudiants de notre classe qui nous reconnurent. Enfin, surtout la retardataire des deux. Mon amie sympathisa grandement avec l'un des garçons qui semblait en connaĂźtre un rayon sur les bars Ă ambiance Rock/MĂ©tal de la ville.
-Vous allez à la compétition de surf samedi ? demanda une des filles.
Chani et moi nous regardĂąmes avec un petit air confus, et secouĂąmes la tĂȘte en chĆur. Nous en avions entendu parler, mais comme le surf n'Ă©tait pas non plus ce que je prĂ©fĂ©rai dans la vieâŠEt Chani non plus si j'eus bien compris.
-La compétition a commencé en octobre et se termine en février. Sa touche plusieurs villes, et chaque année depuis trois ans maintenant, notre ville prépare la deuxiÚme partie de la compétition, nous expliqua-t-elle en sortant son téléphone.
-J'ai toujours cru que c'Ă©tait un sport d'Ă©tĂ©âŠavouai-je sans vraiment trop savoir de quoi je parlais.
-Haha, t'es mignonne toi ! Le surf, c'est un sport de toute l'année, mais les meilleurs vagues sont en automne jusqu'au printemps. On pense souvent à tors que c'est un sport d'été car ça se fait sur les plages et qu'on relie la plage à la période estivale, mais ce n'est pas notre faute si la mer se trouve le plus clair du temps au bord des plages, expliqua un autre garçon.
-En fait, l'Ă©tĂ© les vagues ont mĂȘme tendance Ă ĂȘtre plates. Du coup, le fun n'y est pas vraiment, renchĂ©rit la fille.
-Je vois qu'on fait face Ă des connaisseurs, souligna Chani.
-On fait parti du club de surf d'Antéros. Kelly a déjà fini deuxiÚme il y a deux ans de cela !
-Woh, et tu participes encore cette année ?
Bien qu'on eĂ»t tous fini de manger depuis un moment, l'ambiance Ă©tait si agrĂ©able que l'on resta jusqu'Ă la fermeture, Ă discuter autour de la table. Quand nous fĂ»mes « chassĂ©s » de la cafet', certains proposĂšrent de terminer la soirĂ©e dans le salon du dortoir, ouvert 24h/24. Il arrivait qu'on nous propose des soirĂ©es films par moment, jeux vidĂ©o ou jeux de sociĂ©tĂ©, organisĂ©es par l'association Ă©vĂšnementielle liĂ©e au dortoir. Chani sembla hĂ©siter entre aller se coucher ou continuer sa conversation avec ce fameux garçon, prĂ©nommĂ© Charly, qui semblait lui avoir grandement tapĂ© dans l'Ćil. Elle me lança un regard interrogateur et je ris en la poussant vers le groupe.
-Vas-y, moi je vais me coucher, mes crampes reviennentâŠ
-Tu m'abandonnes ? plaisanta-t-elle tandis que nous Ă©changions une Ă©treinte.
-MouiâŠfatiguĂ©e.
-Bonne nuit dans ce cas, Ă demain.
-Merci, passe une bonne soirée.
Croisant les bras autour de mon buste et mon sac suspendu Ă mon bras, je me dirigeai vers l'escalier lorsqu'une voix m'interpella dans le couloir.
-Attends !
Je reconnus l'un des garçons du groupe. Camille, je crois⊠me dis-je en redescendant les quelques marches gravies pour m'avancer vers lui. Il Ă©tait un tout petit peu plus petit que moi, une peau assez halĂ©e et tout aussi parsemĂ©e de taches de rousseurs que moi. Ces cheveux cendrĂ©s Ă©taient courts mais sa frange Ă©tait Ă©paisse et coiffĂ©e un peu en pĂ©tard sur sa tĂȘte. Cela lui donnait un air assez dĂ©contractĂ© et s'accordait trĂšs bien Ă ses yeux gris sombre emplis de malice. J'ai du mal Ă l'imaginer sur un terrain de rugby⊠me dis-je en me souvenant qu'il Ă©tait capitaine du club de Rugby d'AntĂ©ros.
Je mis mon doigt devant mon sourire, pour l'inciter à parler moins fort, étant donné que des chambres se trouvaient au rez-de-chaussée.
-OuaisâŠeuh, dĂ©solĂ©. T-Tu ne viens pas avec nous au salon ?
-Désolée, je suis vraiment fatiguée⊠dis-je en toute sincérité.
-T'excuse pas ! C'est juste dommage, j'aurai bien aimé parler un peu plus avec toi. (Il haussa une épaule en se massant la nuque) Du coup, je me demandai si c'était possible qu'on s'échange nos numéros ?
Je baissai la tĂȘte pour cacher mon sourire gĂȘnĂ©. Pas trĂšs subtil⊠Mais je trouvais ça flatteur, et mignon dans la façon de faire. Il remarqua sĂ»rement mon rictus, car je le vis s'agiter et demander :
-Trop direct ? essaya-t-il en fermant un Ćil sceptique et m'adressant un sourire inquiet.
Je ris de bon cĆur, attendrie. Il se mordit la lĂšvre infĂ©rieure en attendant ma rĂ©ponse. Son visage s'Ă©claira avec un large sourire lorsque je sortis mon portable. De mon cĂŽtĂ©, je voulais simplement apprendre Ă le connaĂźtre en toute amitiĂ©, je n'Ă©tais jamais contre de nouvelles rencontres. MĂȘme si je sentis son approche enjĂŽleuse, cela ne mĂšnerait pas forcĂ©ment Ă de l'amour. Je me souviens trĂšs bien d'amis que je connus en licence que j'eus abordĂ©s de la mĂȘme façon mais d'oĂč absolument rien d'autre qu'une trĂšs bonne amitiĂ© n'eut abouti.
-Vas-y, donne ton numéro Camille.
Il me regarda, surpris. Merde, je me suis trompée ?
-T'as bonne mémoire dis-moi ! s'exclama-t-il gaiement avant de me dicter son numéro.
Ouf ! J'aurai eu l'air bien bĂȘte sinon. Et ça suffisait pour la journĂ©e que j'eus passĂ©e. Une fois enregistrĂ©, je lui envoyai un smiley pour qu'il ait bien mon numĂ©ro.
-Par contre, tu peux m'épeler ton prénom s'il te plaßt ?
-Ha ha ! Déjà , voyons si t'as bonne mémoire, plaisantai-je en le poussant gentiment avec mon pied.
-Talula ! il me sourit de toutes ses dents, fier de lui.
-C'est bien, fis-je en hochant la tĂȘte, faussement impressionnĂ©e : T-A-L-L-U-L-A-H, terminai-je tout en remettant mon portable dans mon sac.
-Ah, ouais, dans ma tĂȘte c'Ă©tait plus simple quand mĂȘmeâŠpouffa-t-il en pianotant sur son portable.
Mes crampes devenaient Ă nouveau douloureuses, et je lui fis comprendre que je voulais aller me coucher.
-On se voit demain en cours ?
-Bien sûr ! Bonne nuit Tallulah, chantonna-t-il presque en courant rejoindre les autres au salon.
Amusée, je gravis les marches jusqu'à ma chambre. Je m'entraßne pour mon nouvel immeuble ! J'ouvris doucement la porte, et éclairai l'intérieur avec la lumiÚre de mon portable. Lorsque je vis que Yeleen n'était pas là , j'ouvris la lumiÚre et m'installai à mon bureau. Je préparai mes cours pour demain, lorsque mon portable se mit à vibrer. J'écarquillai les yeux en voyant déjà un message de Camille.
« Il y a une soirée jungle-speed mercredi, tu y seras ? »
Je ne rĂ©pondis pas tout de suite, et terminai de prĂ©parer mes cours. En me tournant pour reposer mon sac, ma main effleura la manche de la veste de Monsieur Zaidi. Fermant les yeux, je vins coller mon front contre le dossier sa ma chaise, et humai le parfum qui imprĂ©gnait le vĂȘtement. Notre conversation m'a tout de mĂȘme laissĂ©e un goĂ»t d'inachevĂ©âŠ
Je me sentais si mal sur le moment, que j'ai du paraĂźtre plus bornĂ©e et capricieuse qu'autre chose. J'avais honte de la façon dont je m'Ă©tais adressĂ©e Ă lui. Pourtant, c'Ă©tait ce que j'avais sur le cĆur⊠J'avais tant voulu lui dire que mon attitude de samedi n'avait rien Ă voir avec un geste poli d'une serveuse aimable prĂȘte Ă faire « bonne figure » pour le service quitte Ă s'ajouter quelques minutes de boulot. Non, derriĂšre ce geste, je voulaisâŠ
Je voulais simplement rester avec vous.
LavĂ©e Ă la main avec dĂ©licatesse pour ne pas abĂźmer le tissu, je posai la veste sur un cintre que j'accrochai sur le porte serviette de la salle de bain. Le lendemain, je profitai de commencer les cours tard pour repasser le vĂȘtement. J'inspectai le moindre centimĂštre carrĂ© de tissu, Ă la recherche d'un accro ou d'une tĂąche oubliĂ©e. Mais rien, la veste Ă©tait nickel et aprĂšs l'avoir pliĂ©e je la glissai dans un sac en papier qui provenait de la boutique de Leigh. J'Ă©tais du genre Ă les accumuler, peu importe de quelle boutique je sortais, pour y ranger des bibelots qui traĂźnaient.
J'ignorai si Yeleen Ă©tait rentrĂ©e cette nuit, en tout cas, son lit Ă©tait intact. Je profitai du temps qu'il me restait pour nettoyer la chambre et la salle de bain. Avant de quitter dĂ©finitivement la chambre, je vĂ©rifiai si j'eus bien mis mes protĂšges slips et mes mĂ©dicaments au fond de mon sac. C'est bon !  Je n'avais pas cours avec Monsieur Zaidi aujourd'hui, mais je pris quand mĂȘme sa veste avec moi au cas oĂč je le croiserai. Je peux toujours aller en salle des profs, ce n'est pas comme si les Ă©lĂšves ne pouvaient pas y aller. Comme je voulais Ă©galement lui demander comment il avait pu avoir autant d'information au sujet de l'artiste qui inspirait mon mĂ©moire, cela ferait une bonne excuse pour le voir et lui rendre sa veste en catimini.
Je me sentais vraiment de bien meilleure humeur qu'hier ! Mon portable vibra, je crus alors que c'était un message de Chani qui m'attendais pour le petit déjeuner.
-Mince ! J'ai oublié de répondre à Camille !
« Coucou toi ! Toujours au lit ? Chani est à la cafétéria avec nous, tu nous rejoins bientÎt ? »
Je lui répondis que j'étais en chemin, et que je réfléchissais encore pour la soirée jeu de société de demain soir.
« On te garde une place. »
J'allais pour ranger mon portable dans mon sac, lorsque je reçus un appel. DĂ©cidemmentâŠ
-Hyun ? fis-je d'une voix guillerette.
« Oh, j'en connais une qui a bien dormi ! Tu vas bien ? T'es au dortoir là ? »
-Alors, oui j'ai bien dormi, oui je vais bien mais non je ne suis pas au dortoir j'allais au rĂ©fectoire pour petite dĂ©jeuner. Et toi ? Ăa va ?
« TrÚs bien merci, par contre on peut déjeuner ensemble ? Je dois te donner ton nouvel emploi du temps, Clémence me l'a transmis hier soir, je n'ai pas eu le temps de te l'envoyer je devais réviser mon oral⊠»
-Oh, pas de souci je t'attends dans la cour. (Je soupirai) Elle aurait pu me l'envoyer au lieu de t'embĂȘter, sĂ©rieuxâŠ
« Haha, ce n'est rien va ! Allez, à toute' ! »
Nous raccrochùmes et je me retrouvai à l'attendre dans le froid. Le soleil n'était pas encore levé, ça me faisait toujours étrange d'aller en cours les matins hivernaux. Heureusement, Hyun ne tarda pas tellement à arriver. Je le vis courir sous les lampadaires qui éclairaient la cour. M'avançant vers lui avec le sourire, nous nous fßmes la bise mais cela eut pour réflexe de le faire frissonner.
-Brr, t'es gelée !
-Oui, bah⊠fait pas chaud trÚs cher !
-Viens-lĂ , (il passa un bras autour de moi et me frictionna vigoureusement) Go manger !
-Chani et les autres nous attendent, dis-je alors que nous passions les portes.
-Les autres ? répéta Hyun, curieux.
Je désignai une table assez peuplée depuis laquelle Camille et Chani nous firent un coucou de la main.
-Ce sont des étudiants de ma classe, on les a rencontrés hier soir avec Chani et je crois qu'il y a du coup de foudre dans l'air, souris-je en prenant un plateau.
-Ah oui ?
Je lui racontai notre soirée avant de lui demander comment se passer les révisions pour son oral.
-J'ai demandĂ© Ă Morgan de m'aider pour mes rĂ©visions, mais il n'avait absolument pas la tĂȘte pour ! pesta-t-il : Il ne prenait rien au sĂ©rieux hier soir, j'te jure ! Il m'a presque conseillĂ© de rĂ©viser tout nu devant un miroir, ça me dĂ©complexerait paraĂźt-ilâŠ
-Haha !
-Et ça te fait rire ? Quelle femme cruelle tu esâŠplaisanta-t-il en prenant un faux air blessĂ©.
-Tu n'as toujours pas compris que je n'Ă©tais pas frĂ©quentable ? Oh, HyunâŠĂ©coute un peu ClĂ©mence, voyons !
Mon ami rit aux Ă©clats alors que nous Ă©tions en train de rejoindre la table de Chani et cie. « Je ne vais pas dĂ©ranger ? » me chuchota Hyun. Un peu brusquement, je le poussai vers la table, l'empĂȘchant de faire demi-tour.
-Je vous présente Hyun, ça ne vous dérange pas qu'il vienne manger avec nous ?
J'avouai ne pas leur avoir donné trop le choix. Chani s'en amusa alors qu'elle se décalait pour que je puisse ajouter une chaise à Hyun. Mon ami semblait un peu embarrassé, mais son sourire m'assura qu'il me remerciait de ne pas l'avoir rejeté.
-Merci, murmura-t-il avant de s'assoir.
-Je te connais depuis longtemps qu'eux, s'ils avaient refusĂ© je serais partie⊠rĂ©pondis-je sur le mĂȘme ton.
Une fois que nous fûmes tous deux assis, nous fßmes de rapide présentation avant de commencer à manger. Les autres avaient déjà bien entamé, un peu normal vu le temps que nous mßmes à les rejoindre. La plupart s'étaient remis à parler de la compétition de surf et de la soirée dansante qu'organisait le restaurant de plage juste aprÚs. Pendant le repas, Hyun en profita pour me donner mon nouvel emploi du temps.
-Il prend en compte quand ?
-La semaine prochaine, pour que tu puisses t'organiser.
Je croquai dans ma clémentine.
-Hm, c'est toi qui lui a proposĂ© oĂč ça vient d'elle ?
-Ne soit pas si méfiante ! rit-il en reposant son portable.
Je vins poser mon menton sur son épaule et le défiai du regard.
-Ce n'est pas toi qui disait que je ne méfiai pas assez justement ?
Il approcha son visage dans l'espoir de confronter également mon regard, mais ne sachant pas quoi répondre, il capitula et baissa les yeux sur ses céréales. Un peu chipie, je lui tirai la langue avant de me remettre à manger. Ce que je partageai avec Hyun me rappelait beaucoup ce que je vécus avec Stéphan, dans mon ancienne fac. Ce dernier sembla en joie lorsque je lui eus parlé de l'appartement que je venais de visiter avec Chani. « On se voit bientÎt, hein ! » Me fit-il promettre.
Nous discutĂąmes avec tout le monde mais fĂ»mes tout de mĂȘme les derniers Ă rester Ă table. Chani avait proposĂ© Ă Charly de retourner au salon en attendant le dĂ©but des cours, et les autres s'Ă©taient Ă©parpillĂ©s. Je regardai mon amie partir du coin de l'Ćil, un sourire en coin.
-Tu sais que tu fais peur avec cette tĂȘte-lĂ ?
-Oh, avoue qu'ils sont mignons.
Hyun tourna la tĂȘte dans la direction des portes. Le petit « couple » avait dĂ©jĂ disparu de notre vue.
-Il n'y avait pas que pour eux que ça sentait le coup de foudre, souligna-t-il sans pourtant comprendre de quoi, ou plutÎt à qui il faisait allusion.
-Une fille t'a tapĂ© dans l'Ćil ? essayai-je, et il se mit Ă froncer les sourcils. Qu'est-ce que j'ai dit ?
-Non, je pensai plutĂŽt Ă celui qui n'arrĂȘtait pas de nous regarder de travers. Ou plutĂŽt, me regarder de traversâŠ
-Lequel ? Je vais lui parler moi, il va voir qu-
-Tal', rit Hyun un air dĂ©sabusĂ© : S'il me regardait ainsi ce n'Ă©tait pas pour me provoquer, mais il devait peut-ĂȘtre me voir comme une gĂȘne. Enfin, je l'ai senti comme ça.
-C'Ă©tait peut-ĂȘtre quelqu'un de timide qui prĂ©fĂšre observer dans son coinâŠT'as retenu son nom ?
Il se massa la nuque d'un air pensif.
-J'veux pas dire de bĂȘtise comme je sais que c'est un prĂ©nom de fille⊠Mais Camille, je croisâŠ
OhâŠ
J'avalais ma bouchée de tartine beurrée, puis repris :
-Ah, oui, lui. (Je hochai la tĂȘte) C'est bien son prĂ©nom oui, mais c'est unisexe. Je n'ai pas fait gaffe s'il te regardait Ă©trangement.
Hyun haussa les sourcils avec stupeur.
-Pourtant j'ai bien senti son relent de testostérones s'abattre sur moi.
-Oui bon, je crois savoir pourquoi il t'a regardĂ© comme ça, rĂ©torquai-je en repensant Ă hier soir. Je poursuivis en reprenant d'une voix plus basse : On a Ă©changĂ© nos numĂ©ros. Bon, mĂȘme s'il ne m'intĂ©resse pas au premier abord, je veux bien apprendre Ă le connaĂźtre, je n'ai pas de souci avec ça. Mais lĂ , ce que tu me dis confirme mes doutes : il avait bien des petites intentions cachĂ©es en me demandant mon numĂ©ro.
-En mĂȘme temps, qui n'a pas « d'intentions cachĂ©es » en demandant le numĂ©ro Ă quelqu'un ? lĂącha-t-il, un peu acerbe.
Je fronçai les sourcils et lui dis :
-Pardon, je ne pensai pas que tu voulais coucher avec tous les contacts de ton répertoire !
-Mais non, soupira-t-il en rougissant : Mais dans sa façon de demander, t'as bien du voir quelque chose, non ?
Je haussai une Ă©paule :
-J'avais bien un doute, mais je n'allais pas non plus me faire des films. Si je dois m'inquiĂ©ter des arriĂšres pensĂ©s de toutes les personnes qui me demandent mon numĂ©ro je n'ai pas fini. Je ne le donne pas Ă n'importe qui non plus, si c'est ça qui t'inquiĂšteâŠ
Sans vraiment le vouloir, je pris une moue renfrognée. Hyun se montrait de plus en plus sec avec moi ces temps-ci.
-Je n'ai pas dit ça, Tal', c'est juste queâŠ(Il soupira) Oublie.
Il se remit Ă manger, et un silence un peu lourd s'installa entre nous. Je n'aimai pas ça du tout, Hyun et moi avions pris l'habitude de parler ouvertement, mais j'eus l'impression que depuis ce fameux soir au cafĂ© oĂč me trouva en compagnie de Monsieur Zaidi, Hyun avait dĂ©voilĂ© un aspect de sa personnalitĂ© que je ne lui connaissais pas encore. Jamais je ne lui demanderai de changer, je voulais simplement savoir si c'Ă©tait bien qu'il s'ouvrait justement de plus en plus Ă moi et se dĂ©cidait Ă me montrer son cĂŽtĂ© soupe au lait, ou bien si ce n'Ă©tait qu'une passade due Ă quelque chose que j'eus dite ou faiteâŠ
Tout ce que je souhaitai, était que ça s'arrange.
A suivreâŠ
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