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Nietzsche sa mère
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Ce blog est destiné, somme toute modestement, à questionner notre rapport au monde, au vivant, sur la société, la place que tient l’homme tout simplement. J'espère qu'il saura trouver une résonance chez ceux qui s'y attarderont, et qu'il encouragera chacun d'entre nous à chercher à se repositionner perpétuellement au sein de notre environnement.
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nietzsche-sa-mere · 3 years ago
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[Informel] - Questions sur l’idéalisme écologique, l’individu et la société
(Texte écrit initialement le 15/09/2021. Bonne lecture !)
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L’installation d’un clivage citoyen
   La crise écologique en cours n'est plus une surprise pour personne, et seul ceux qui sont dans un déni frôlant le conspirationnisme remettent encore en question les dangers auxquels nous sommes déjà soumis. Que ce soit des préoccupations politiques, sociales, ou plus inquiétant encore, la question de la périclitation de la vie sur Terre, nous sommes tous contraints, d'une façon ou d'une autre, de prendre position sur ces sujets. 
   Or ces sujets sont très clivants, séparant le plus souvent, et pour généraliser grandement, d'une part les écologistes (j'entends par là une communauté active de façon théorique et pratique), et de l'autre le reste de la population, qui bien qu'ayant conscience des faits (fruit d'un rabâchage médiatique ayant le vent en poupe), ne prend pas directement parti pour l'instant, et s'installe confortablement dans un quotidien dangereux hérité d'une génération pour laquelle ces questions étaient étrangères. Si ces derniers ne renient pas les faits, toujours est-il que l'indifférence relative des mesures individuelles prises font qu'aucun changement de cours de la société face aux évènements climatiques ne peut s'envisager pour l'instant. Pour le dire autrement, nous allons — encore — droit dans le mur. De cette frange de la population, indubitablement majoritaire, émanent toujours les mêmes arguments, qui à défaut de manquer d'originalité, trahissent une faiblesse individuelle qu'il ne faudrait pas s'hâter d'attribuer à l'espèce humaine dans son ensemble par peur de tomber dans une misanthropie sans fond. Cette faiblesse, souvent décriée comme une lâcheté des plus virulents écologistes et autres activistes éveillés, est constituée de deux grands pendants qu'il est bon de mettre en lumière : 
   Le premier, c'est celui d'une déresponsabilisation individuelle, qui le plus souvent s'associe à une forme de déni de fond quant à ses propres possibilités d'action. Le second, concomitant au premier, est celui de la responsabilité d'autrui, à commencer par le gouvernement et autres grand groupes, comme les GAFAM. 
   Si ces critiques sont difficilement attaquables tant elles sont rationnelles, elles permettent à ceux qui s'abritent derrière de maintenir un quotidien qui répond efficacement aux besoins que la société met à disposition de ses citoyens. On peut donc observer un glissement de la question du besoin vers la responsabilité de celui qui la redistribue ; en d'autres termes, le citoyen qui cherche à se préserver de ces enjeux dit : "c'est pas moi c'est l'autre", comme un enfant confondant prise de responsabilité et punition.
Quid de la responsabilité ?
   Là où cela devient problématique dans le débat concernant les mesures à prendre pour faire face aux crises climatiques, c'est qu'il a  — bien sûr — partiellement raison. L'autre, le système capitaliste, la société techno-industrielle, oui, est responsable, de toute évidence. Notre génération, même celle de nos parents, n'est que l’héritière de celle-ci, qui était déjà en marche. Il devient difficile d'imaginer concrètement pour qui a toujours baigné dans cette société d'imaginer un futur sans. Elle s'impose d'elle-même dans nos imaginaires, et fait figure d'une forme de divinité sans laquelle nous serions perdus, délaissés à nous même et à une forme de sauvagerie comme l'imaginait Hobbes lorsqu'il nous dit que dans un état de nature, dénué de toute structure, "l'homme est un loup pour l'homme".  Tout comme le philosophe, le citoyen se prétend prêt à se soumettre à une autorité et une hiérarchie, le Léviathan hobbesien, afin de ne pas avoir à se préoccuper de la situation qui pèse de plus en plus sur sa conscience, du moins en théorie. En pratique cependant, et les mouvements sociaux en témoignent fortement, toute mesure considérée comme "liberticide", est inlassablement contestée. Cette contradiction, c'est celle qui mène à penser à qui veut bien l'admettre, que la réponse se trouve effectivement ailleurs. 
   Mais où ? La démocratie représentative empêche tout revirement, car ses élus font partie de cette même structure hiérarchique, et leurs propositions, bien que parfois louables, seront le plus souvent contestés, galvaudées par d'autres acteurs du pouvoir en place, comme la convention citoyenne pour le climat ou encore les accords de Paris, dont les mesures sont sans arrêt repoussées. Est-ce encore une démocratie dans son sens strict ? Le pouvoir appartient-il réellement au peuple ? Il est permis d'en douter.
Idéologies et confrontation
   De l'autre côté, témoins d'une société de plus en plus malade et d'une situation environnementale dont les préoccupations grandissent de jour en jour, se trouvent ceux que j'appellerais les "écologistes" au sens large. Ceux qui, comme moi, se mobilisent de diverses façons dans leur quotidien pour tenter de réduire leur impact sur la planète, tout en tentant — chacun à sa manière — de tirer la sonnette d'alarme. Nul doute qu'un conflit, souvent silencieux, se situe entre nous et les autres. La nature de ce conflit ne fait pas de doute, c'est une question d'idéologie.
   L'idéal nous porte, une ambition commune, qui bien qu'elle s'exprime de diverses façons, et dont les directions s'opposent diamétralement, nous réunis sous une volonté de changement, de réforme d'une société aliénante. Là encore, deux grandes catégories se distinguent : ceux qui d'un côté, par désespoir face au citoyen aliéné a perdu foi en ses paires, qui rejoignent Hobbes dans la volonté d'un Léviathan, un décisionnaire, d'une hiérarchie stricte, rêvant d'une dictature verte qui selon eux serait salvatrice et la seule option restante pour pouvoir opérer un changement radicale de société. Et de l'autre, ceux qui, pensent que toute question écologique est indissociable d'une forme d'autonomie et d'une émancipation individuelle à tout système.
L’appel à une restructuration sociale
  A titre personnel, je soutiens l’idée que tout système similaire à ce qui a déjà été, j’entends par là un système de pouvoirs centralisé, reprendra la même direction — à terme — que ce qui a déjà été expérimenté dans nos sociétés actuelles, et que la réforme doit être non seulement structurelle mais incarnée par ses acteurs, c’est-à-dire nous. Il y a plusieurs raisons à cela. La plus évidente, c’est comme je l’ai dit, la crainte d’une répétition du passé, qui trouve ses origines dans le rapport de l’homme aux éléments qui l’entourent, et qu’il a historiquement tenté d’apprivoiser dans le but d’agrandir son confort et sa survie jusqu’à l’excès que nous connaissons désormais. Pour le dire autrement, cela ne marche pas. La faiblesse inhérente de l’homme — là encore je schématise — c’est que son désir de confort croît tout autant que ce dernier, si bien qu’il n’a aucune limite. Pis encore, celui-ci porte en lui des représentations sociales que sont les richesses, les classes, et est responsable non seulement de la croissance dangereuse de la puissance capitaliste, mais également de crises sociales majeures. Le consumérisme inhérent à cette recherche de confort est donc intrinsèquement lié à une forme de hiérarchie et une échelle sociale qui tente tant bien que mal de conserver les attributs qu’elle offre à ses partisans en dépit des inégalités qu’elle engendre.
   La résultante, c’est l’effet de rejet systématique de toute structure similaire par une partie des écolos, et la recherche d’un autre système, répondant à d’autres besoins. 
   C’est ici que pour beaucoup, une frontière se dessine dans l’imaginaire, entre les «réalistes» et les «idéalistes». Les réalistes (en réalité des pessimistes en puissance) soutiennent mordicus que tout espoir de changer les choses est peine perdu et qu’il faut accepter la chute (le citoyen lambda) ou bien infiltrer le système pour profiter de son pouvoir sur la population (l’écologiste totalitaire). De l’autre, les idéalistes, soit technocrates (qui pensent que le système fournira les moyens technologiques de surmonter à peu près tout et n’importe quoi) ; soit écologistes à la volonté émancipatrice et la recherche d'un renouveau social se rapprochant souvent d’idéaux anarchistes et libertaires. Pour la première catégorie, l’idéalisme est synonyme de naïveté. Pour la seconde, l’idéalisme est à prendre au sens plus convenu du terme, c’est à dire une recherche de l’idée, d’une solution qui s’articule dans un premier temps de façon théorique pour tenter d’envisager une solution à long terme qui fait entrer en adéquation l’homme et son environnement dans le cas des écologistes, ou le domptage et la recherche de rendement énergétique profitable de celui-ci par les technocrates. Contrairement à ce qu’aiment à penser leurs détracteurs, les idéalistes ne sont pas des rêveurs : le plus souvent, ces théoriciens basent leur réflexions sur des éléments précis, le plus souvent tangibles, et l’argument selon lequel « ce n’est pas faisable » s’insinue dans ce qui n’as pas encore été explicité, plutôt que sur les arguments déjà devancés par ces idéalistes. 
   Ceci étant dit, il serait bon d’émettre certaines réserves quant à la solution technologique : bien que la recherche nous montre tous les jours les progrès incroyables dont l’homme est capable au travers de la technologie comme dans sa fabrication, il faut rester prudent. Cette recherche est en effet dans la continuité de la révolution industrielle, est partiellement responsable de où nous en sommes aujourd’hui. Elle peut apporter des solutions, mais celles-ci font pour l’instant parti intégrante du problème que la recherche technologique représente en soi, malgré les solutions qu’elles peuvent apporter. Pour le dire autrement, restons vigilant et faisons preuve d’une certaine sobriété vis à vis de toute possibilité d’extraction du système au travers de la technologie, ne misons pas sur celle-ci pour répondre aux besoins environnementaux. Si elle parvient à se rendre utile et devenir un allié de poids dans l’avenir, il sera toujours temps de l’intégrer dans les réflexions contemporaines sur l’environnement et le climat. En attendant, nous ferions mieux de partir de ce que l’on possède déjà, et ne pas attendre un messie qui manquera peut-être au rendez-vous lorsque celui-ci se fera impératif. 
   Nous voyons donc que l’idéalisme écologiste n’as pas à se montrer naïf ; il est — comme tout autre domaine de recherche théorique — soumis aux mêmes règles que les autres, et a tout intérêt à se montrer solide dans ce qu’il avance. À l’inverse, les pessimistes réalistes, ceux qui ne fondent pas leurs espoirs dans l’esprit et l’engagement humain, pourraient très bien être exposés à cette même naïveté qu’ils critiquent tant.
La prudence, un outil bénéfique autant que nécessaire
   Le maître-mot de toute pensée normative gravitant autour de la question de l’écologie est donc la prudence. Il faut se montrer prudent à chaque étape de la réflexion, dans la recherche d’idéal, et ne pas tirer de conclusions hâtives, que ce soit dans une direction ou dans l’autre. Les raisons à cela sont multiples, la plus évidente étant les facteurs encore inconnus de l’avenir. Cette prudence dont il faut se revêtir dans nos vies, présente en soi des avantages non négligeables : pour commencer, si nous sommes prudents dans notre quotidien — c’est-à-dire notre façon d’appréhender notre vie au sein de la société actuelle — nous limiterons de fait une partie impact potentiellement négatif qu'aurait notre mode de vie sur notre environnement. De plus, cela nous permet de rester vigilant quant aux promesses un peu trop belles pour se montrer vraies, que ce soit dans la sphère politique actuelle ou bien dans les promesses de notre ère comme la technologie, car celles-ci sont hors de portée de nos actions directes. La prudence enfin, permet la remise en question perpétuelle de chaque idée que l’on peut soumettre, et j’invite personnellement chacun à se laisser douter un instant de ce qu’il pense et ce qu’il tient pour vrai. Parallèlement, il ne faut pas confondre prudence et bonne foi : la bonne foi permet une écoute sincère, la prudence permet une élévation de l’idéal, un renforcement de celle-ci au travers d’embûches que nos instincts déploient envers les idées nouvelles - l’inconnu étant l’ennemi le plus clair dont dispose notre esprit. De même, il ne faut pas confondre prudence et méfiance. La méfiance rejette l’idée a priori, la prudence temporise en attente d’autres éléments. 
   La prudence donc, est l’allié le plus évident dans la question de l’écologie, comme celui de la politique. Celui-ci implique inexorablement une autonomie de l’individu, qui est sans-doute au cœur des réflexions que nous devons entreprendre sur les modèles sociaux et environnementaux. Si nous voulons produire une pensée écologique normative, il est nécessaire d’être prêt à se montrer prudent que ce soit dans notre acceptation de théories et idées nouvelles, comme dans l’acceptation que le système dominant se montre incapable de répondre aux besoins de réformes sociales qui découlent de la prise de connaissance des dangers que présentent les crises climatiques à venir.
Pour les sceptiques et les indécis
   Certains ne manqueront pas de rétorquer qu’il faudrait donc également, selon ce que j’avance, se montrer prudent quant aux informations sur les dangers environnementaux et les crises climatiques. Je leur répondrais simplement de façon probabiliste : quelle sont les chances que des milliers de scientifiques — spécialistes dans ces questions et formant un quasi-consensus — se trompent ? Il y a toujours une chance oui, mais est-elle supérieure à 50% ? Personnellement, j’en doute.
   Deuxième élément de réponse : imaginons un instant que nous parvenions à émettre une pensée écologiste normative, qui restructure la société que nous connaissons aujourd’hui afin de répondre efficacement aux dangers environnementaux futurs ? Que se passe-t-il si nous sommes dans l’erreur ? Rien. Nous aurions alors simplement eu tort, mais le danger a été minimisé, et la réponse la plus rationnelle pour la survie du plus grand nombre aurait été appliquée (en somme un calcul utilitariste). Dans ce même avenir, si nous avions raison, nous aurions toujours minimisé les pertes. À l’inverse, si nous doutons de ces rapports scientifiques et que nos décisions présentes reflètent cela, alors les pertes seront potentiellement inimaginables. Il se pourrait que rien ne se passe, mais êtes-vous prêts à prendre ce risque ? À l’image du pari de Pascal — il est préférable de choisir l’option la plus safe, dans le doute, rien n’est perdu, et on a tout à gagner.
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nietzsche-sa-mere · 3 years ago
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Qu’est-ce que le progrès, sinon son absence ?
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     Lorsqu'il s'agit de réfléchir à nos conditions de possibilité d'être dans un monde systémique qui se refuse de plus en plus à la domination technique impérialiste de notre rapport au monde, il y a toujours cette dualité sempiternelle entre d'un coté le regard tourné vers l'avenir et toutes les contingences qu'il comporte, et de l'autre, dans le rétroviseur, le chemin parcouru.
  De notre œil contemporain, nous voyons le plus souvent l'histoire sous le prisme de l'évolution, que celle-ci soit sociale, politique, mais également technique. Autrement dit, nous pensons les événements du passé comme désuets, car notre rapport au monde a changé depuis. Des combats populaires qui ont forgé les démocraties, à la machine à vapeur en passant par le vaccin, ces divers événements qui ont façonné notre rapport au monde bien avant qu'on y soit jeté sont tous vu, indépendamment les uns des autres, comme des progrès ; et dans une certaine mesure, à raison.
Progrès et temporalité
  Mais le progrès impose aussi, en creux, un rapport pernicieux à l'histoire : contrairement aux idéologies traditionalistes du "c'était mieux avant", il retrace le rapport que nos sociétés ont développé avec les individus, sans poser la question de celui dont nous faisons l'expérience au présent. En d'autres termes, nous sommes coincés dans une temporalité. Le temps dont nous faisons l'expérience ne se déroulant que vers l'avenir, le progrès impose, comme l'innovation, une illusion d'amélioration objective.
  Il n'est pas question ici d'amélioration au sens pragmatique du terme, mais dans son idée. Nos conditions de vie sont certes meilleures aujourd'hui qu'elles ne l'étaient au moyen-âge, les maladies qui étaient synonyme de mort ont pour beaucoup des traitements, les droits des individus sont remis en valeur dans de nombreux pays... Cependant ces conditions ne constituent pas une amélioration de nos vies directement, mais de paramètres extérieurs qui influent sur l'existence de l'homme au présent. Or, la confusion règne dans cette distinction.
  L'idée générale que le progrès en tant que progrès, dans sa seule et unique entité, soit souhaitable, n'a en réalité pas de fondement. Il faut que celui-ci soit accroché à un élément qu'il puisse transformer. On pourra donc, comme nous l'avions évoqué, parler de progrès technique, médical, ou encore humain. Mais jamais de progrès en tant que progrès.
  De cet amalgame en découle l'idée que le progrès est la marche à suivre lorsque l'on pense à l'avenir. En effet, quoi de plus absurde - a priori - que d'envisager un avenir sans progrès ?
  Trop souvent, on lui impose un dualisme injuste, autant qu'infondé : celui d'un retour en arrière, dans le temps. Le président Macron lui-même l'a illustré lorsqu'il a énoncé, en opposition à des enjeux environnementaux, que la 5G était ce progrès, et qu'il ne croit pas à un retour en arrière, comme le ferait selon lui, les amish. Au-delà de la rhétorique douteuse de cette comparaison, se trouve une absence de questionnement sur le progrès en soi, son ontologie. L'idée du progrès, synonyme de notre rapport au temps et d'évolution dans notre rapport au monde, n'as pas été soumise à sa question la plus fondamentale, à savoir ce qu'il est. Qu'est-ce donc, que le progrès ? Quelles sont les fondements de celui-ci, comment en vient-il à exister ?
  Pour reprendre, le progrès, c'est cette comparaison entre l'avant et l'après. C'est l'amélioration d'un paramètre au sein d'un système donné. Nous partons du point A, pour viser un point B, contingent jusqu'à sa réalisation. Mais le progrès n'est pas existant dans sa réalisation ; il l'est surtout dans son cheminement. Il est préexistant à l'intermédiaire qui le réalisera. Une fois le point B atteint, il cesse d'être progrès, et devient alors le nouveau point A, le point de départ du progrès suivant à réaliser.
  Cette conception du progrès est par ailleurs, soustraite à une forme de bien commun. Il est ainsi possible de concevoir un progrès dans la médiocrité, ou un progrès dans la violence. Car le progrès est en réalité extrêmement limité. Son existence étant dépendante de facteurs extérieurs, elle n'est que le déroulé de ces facteurs dans le temps. Ainsi devient-il synonyme de notre rapport à l'histoire. Mais lorsque nous observons ce dernier, nous ne voyons qu'une succession de réalisations, et non pas les contingences demeurant au stade de l’élaboration théorique.
  Les différentes formes de progrès peuvent en revanche être considérées comme interconnectées. Mais y-en a-t-il un qui fait figure de proue pour d'autres ? Pour dire la chose autrement, quelle a été l'idée directrice qui a façonné notre monde contemporain, et notre rapport à celui-ci ? Est-ce un progrès des mentalités ? Un progrès technique ?
La volonté
  C'est là qu'intervient un élément charnière : la volonté. Elle fait figure de cette considération propre à l'homme, d'observer son présent et considérer un avenir meilleur. La volonté du meilleur, voilà l'origine. Autrement dit, l'optimisation des conditions d'existence auxquelles nous sommes soumis. Cette dictature du monde sur notre conscience a forgé chez l'homme la volonté de volonté nietzschéenne : celle qui ne peut être réduite, soustraite dans notre réflexion sur le monde. Il y a contingence de l'objet voulu, mais jamais l'homme n'a été démuni de cette volonté première. Même le plus absurde des hommes est existant dans cette métaphysique de la volonté ; sinon, il aurait tout simplement cessé d'être.
  Le progrès se voit alors sous un nouveau jour : il n'est qu'une modalité de la volonté, son arbitre, celui qui détermine subjectivement à son sujet ce qui est de l'ordre du contingent dans l'avenir, de ce qui ne l'est pas. Nous pouvons donc en déduire que le progrès est conceptuellement existant qu’au sein de l’individu, et donc absolument soumis à sa subjectivité. Il n’y a pas de progrès absolu, contrairement à la dérive appliquée au terme aujourd’hui.
  Le progrès technique, le plus visible, qui intervient dans tous les rapports de l’homme au monde au travers de sa volonté de volonté, transforme le monde pour l’y plier. Le progrès des mentalités lui, est plus abscon : difficile de l’isoler du progrès technique, historiquement aussi bien que dans le présent. Le progrès technique étant le moteur d’amélioration des conditions de vie autant subjectives que les individus porteurs de cette volonté, le progrès des mentalités peut difficilement s’y soustraire. Mais la volonté de volonté étant intarissable, elle ne cesse de se renouveler ; c’est le point B devenu point A. Peut-on alors encore parler de progrès, dans un sens général ?   Si le schéma tend à se répéter, il n’est pas absurde de considérer que le progrès (bien qu’ayant des éléments qu’il permet de faire “avancer” aussi bien dans le temps que sur la destination de l’objet auquel il s’est accroché) n’en est pas un. Ou plutôt, que le progrès général, l’idée de progrès, résiste aux éléments que l’on tente de “faire progresser”. Autrement dit, le progrès est stagnant, se retourne sur lui-même sans cesse.
  Il apparaît que ce qui était considéré comme “le progrès”, est en réalité tout l’inverse. C’est son absence qui traduit la volonté de progrès, la recherche perpétuelle de celle-ci. Trouver la raison de cette absence semble difficile, aussi devrions-nous nous contenter de se demander - dans un premier temps - pourquoi celui-ci résiste à sa propre définition.
  Il est totalement fabriqué par la cognition humaine, et par conséquent illusoire : il entretient une matrice de notre rapport au monde, rien de plus ; voilà ce que nous pouvons dire désormais avec certitude du progrès.
Rapport au monde et responsabilité
   Quant à notre rapport au progrès au sein de notre rapport au monde, il semble également que son absence soit une réponse incomplète mais néanmoins participative de la tendance que l’homme a de proposer des avenirs mélioratifs aussi bien que trompeurs sous son étendard. Au nom du progrès, nous proposons seulement ses extrémités techniques, sociales, et nous revêtons l’idée que le chemin parcouru est synonyme de progrès, là où il est synonyme de volonté.
  Autrement dit, considérer le progrès comme progrès comporte une faute logique dans notre rapport à celui-ci : on en devient spectateur plutôt qu’acteur ; il y a une déresponsabilisation de l’individu pensant lorsqu’il énonce le progrès, plutôt que la volonté. La volonté elle, nécessite une pulsion (de la volonté de volonté, souvenez-vous). Cette pulsion nécessite d’être interprétée et incarnée, là où le progrès s’y soustrait.
  C’est bien de cette faute logique initiale que nous pouvons déconstruire notre rapport actuel au monde : au nom du progrès, qui satisfait notre volonté de volonté, nous faisons ontologiquement, du sur-place. Nous, comme espèce, comme être humain. Nous sommes le reflet d’une stagnation perpétuelle au nom d’un progrès qui n’arrivera jamais totalement. Ainsi en arrive-t-on à se satisfaire d’une volonté de surface qui tantôt se réalise, tantôt reste au stade d’une volonté inassouvie. La tension qui en découle nous donne l’illusion d’avoir dominé non seulement notre existence, mais également le temps. Aussi pouvons-nous librement se focaliser sur ce que l’on veut, plutôt que sur ce que l’on doit, car le progrès nous a déresponsabilisé, et a masqué notre volonté de volonté.
La sortie du progrès
  La conséquence dramatique, c’est de vouloir perpétuellement ce progrès ; alors qu’en connaissance, nous pourrions vouloir au premier degré. Le paradoxe contemporain par excellence, c’est de vouloir le progrès par un laisser-faire de cette volonté, et façonner - par les expressions de notre volonté comme la technique - des conditions d'existence qui ne feront que pousser la volonté de volonté à son paroxysme, sans jamais en être satisfait.
  Pour dire la chose plus simplement, le progrès avance dans les domaines spécifiques de nos rapports au monde, mais ce même rapport que nous entretenons en reste en réalité au même stade initial. Tant que le progrès poursuit sa course nous sommes voués à être des entités stagnantes. Il faut, pour réaliser un progrès fondamental de l’homme, se soustraire à la systématique délétère de notre rapport aux choses : à l’aune des crises systémiques mondialisées à répétition, il est grand temps de refonder ce qu’est le progrès au sein de l’homme. Vouloir l’absence du progrès des objets et du monde qui nous entoure, c’est proposer un renouveau du rapport au monde dans sa totalité ; c’est se soustraire à l’espoir continu que le progrès installe sournoisement dans la compréhension de notre existence dans le temps. Autrement dit, il faut embrasser la stagnation de l’homme pour en sortir.
Pour continuer...
Deux documentaires pertinents et facile d’accès :
https://www.youtube.com/watch?v=Ok_uHQKZ6cY&t=41s&ab_channel=ARTE
https://www.youtube.com/watch?v=7T6N0Ohm778&ab_channel=ARTE
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