Tumgik
#billets verts
carbone14 · 2 years
Photo
Tumblr media
Enregistrement de juifs de la rafle du billet vert du 14 mai 1941 auprès de la police française – Camp d'internement de Pithiviers – Pithiviers – Loiret – France – 16 mai 1941
©Bundesarchiv - Bild 183-S69238
La rafle du billet vert est la première vague d'arrestations massives de juifs sous le régime de Vichy (la rafle du Vel d'Hiv aura lieu mi-juillet 1942). Le billet vert fait référence à la convocation adressée à 6 694 juifs étrangers résidant en région parisienne pour «examen de situation». 3 747 juifs répondent à l'appel et seront envoyés dans les camps d'internement de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande dans le département du Loiret. La grande majorité de ces juifs sera déportée vers Auschwitz-Birkenau lors des premiers convois de juin et juillet 1942.
6 notes · View notes
Video
Nettoyage des billets verts noir whatsapp +212 629175665 / +212 641507624
0 notes
raisongardee · 1 month
Text
Tumblr media
"Si je me demande aujourd’hui quand nous trouvions le temps de lire tous ces livres, alors que nos journées étaient déjà si remplies par nos heures de classe et nos leçons particulières, je me rends parfaitement compte que cela se faisait au détriment de notre sommeil et donc de notre fraîcheur corporelle. Bien que je dusse me lever à sept heures, jamais il ne m’arrivait de fermer mon livre avant une ou deux heures du matin – mauvaise habitude, d’ailleurs, que j’ai alors contractée pour la vie : même quand la nuit est déjà fort avancée, je lis encore une heure ou deux. Ainsi je ne puis me souvenir d’avoir pris le chemin de l’école autrement qu’à la dernière minute, dévorant ma tartine de beurre tout en courant ; il n’y a rien d’étonnant à ce qu’avec notre intellectualité nous ayons tous eu le visage maigre et vert comme un fruit mal mûr et des vêtements passablement négligés. Car chaque sou de notre argent de poche, nous le dépensions en billets de théâtre ou de concert, ou encore en livres, et nous étions d’autre part peu soucieux de plaire aux jeunes filles : nous aspirions à en imposer à de plus hautes instances. Se promener avec des jeunes filles nous semblait une perte de temps car, avec notre arrogance intellectuelle, nous jugions d’emblée l’autre sexe bien inférieur en esprit et nous ne voulions pas gaspiller nos heures précieuses en bavardages oiseux."
Stefan Zweig, Le Monde d’hier, trad. Serge Niémetz, 1941.
8 notes · View notes
makeitinkorea · 27 days
Text
Tumblr media
Voici les groupes sur HOW TO MAKE IT IN KOREA !
SPOON CLASS THEORY (la théorie des cuillères) 
Idée selon laquelle les individus d'un pays peuvent être rangés dans différentes classes sociales selon leur patrimoine et leurs revenus. D'après cette théorie, le succès d'une personne dépend entièrement de la famille dans laquelle il est né. WIKIPEDIA
Les différents groupes renvoient à la classe sociale à laquelle appartient votre personnage, selon sa situation financière et son influence. Il s'agit du groupe officiel de votre personnage, c'est-à-dire, le groupe dans lequel les autres joueurs pensent que votre personnage appartient, sans tenir compte de son ou de ses secret(s).
01. DIAMOND SPOON.
Véritables stars de la capitale, souverains non officiels d'un pays qu'ils dominent. Les Diamond Spoon observent avec dédain la roture qui s'entasse au pied de leurs tours de verre. L'argent coule à flot et contribue grandement à leur magnificence, leur suprématie, et leur influence sur les affaires qui rythment la vie de cette ville qui ne dort jamais. Let them eat cake. Successeurs d'une prestigieuse famille à l'éclat indéniable, ils profitent de leur trésor sans se soucier le moins du monde de ceux qui n'ont pas reçu la même bénédiction.
Les Diamond Spoons, cuillère en diamants, sont majoritairement des héritiers de grandes familles (chaebols ou non). Ils représentent 0.1% de la population..Ils sont extrêmement riches (millionnaires à milliardaires), ce qui leur confère énormément de pouvoir et d'influence, à la fois sur l'économie et les affaires du pays.. I
02. GOLDEN SPOON.
L'aisance et l'élégance. Tranquillité et sérénité profonde, loin du tumulte et de l'agitation du monde extérieur. Les billets verts apportent une chaleur réconfortante, rendant le quotidien plus doux et plus agréable. Pour autant, cette opulence n'est pas assez importante pour attirer les vautours des presses. Golden slumbers fill your eyes. Ils sont probablement les âmes les plus tranquilles du pays. Ce sont ceux qui bénéficient d'un confort financier, sans qu'il ne soit question pour eux d'émettre trop d'influence sur les affaires urbaines.
Les Golden Spoons, cuillère en or, font partie des plus aisés du pays. Grâce à leur héritage et parfois (rarement) à leur dur labeur, ils sont riches et représentent moins de 5% de la population. Ils ne sont pas aussi riches que les Diamond Spoon, et ont bien moins de pouvoir et d'influence que les grandes familles de chaebols.
03. STEEL SPOON
Stabilité modérée, travailleurs aux revenus moyens. Ils sont les premiers pions de ce système économique qu'ils subissent, se démenant corps et âme pour atteindre l'aisance et l'harmonie. Ils existent, ils travaillent, ils sont là, et c'est tout. The Quiet Life. Aux yeux des plus riches, leur valeur semble se compter à leur degré de stabilité. Ils ont un toit au-dessus de la tête, de quoi manger, et un peu d'argent de côté pour leur permettre de profiter des plaisirs que la vie peut leur offrir. Jamais ils n'oseraient imaginer dépasser ce modeste train de vie qu'ils pensent si ordinaire ; après tout, ils sont en majorité.
Les Steel Spoons, cuillère en acier, regroupent la classe moyenne de Hanseo. La plupart d'entre eux sont des travailleurs, des familles, et parfois des étudiants. Ils représentent 40 à 60% de la population.
04. WOODEN SPOON
Les oubliés et les déshérités de Hanseo. Ils subissent la misère de leur situation, mais aussi les obstacles que la société leur impose. Ils n'ont jamais consenti à leur condition, et se battent jour et nuit pour résister à cette insuffisance. A working class hero is something to be. Le système les abandonne peut-être, mais eux n'ont jamais oublié leurs rêves ; ils se battront, s'échapperont de cette précarité et feront taire les médisants, ou se complairont dans ce train de vie qui les satisfait peut-être plus que quiconque.
 Les Wooden Spoons, cuillère en bois, représentent la classe la plus défavorisée de Hanseo. Ils regroupent environ 20% de la population.
4 notes · View notes
equipe · 10 months
Text
Notes de mise à jour
🌟 Nouveautés
Nous avons préparé un guide (en anglais) décrivant comment concevoir un script PHP pour accéder à Tumblr. Un exemple précise notamment comment lister vos mutus et classer vos abonnements par ordre de publication décroissant.
Sur Android, le design du processus d'activation de Blaze a été revu et corrigé, le rendant ainsi davantage détaillé et compréhensible.
Sur le Web, les anciens raccourcis claviers (ALT+C, ALT+R, ALT+Q) ne déclenchent à présent plus d'avertissement mettant en lumière l'existence des nouveaux raccourcis quand ils sont utilisés. Petit rappel : il suffit d'appuyer sur C pour créer un nouveau billet, tandis que les raccourcis permettant de rebloguer ou mettre en file d'attente instantanément un billet consulté sont respectivement SHIFT+R et SHIFT+Q.
Les URL de redirection de type "href.li" ne sont à présent plus prises en charge dans les liens des billets Tumblr.
🛠️ Correctifs
Les flux du tableau de bord étaient malencontreusement vides durant un bref laps de temps mardi 28 novembre avant qu'un correctif ne vienne résoudre le problème. Si vous rencontrez toujours l'anomalie, veuillez contacter notre support.
Correction sur le Web d'un problème qui faisait que la page Explorer ne se rechargeait pas correctement après s'être identifié.
Les horodatages affichés dans la messagerie instantanée sur le Web ont été remodelés : "Aujourd'hui" signifie bien… aujourd'hui, et pas une période pouvant prêter à confusion de "moins de 24 heures".
Correction sur le Web d'un bug dans la page File d'attente qui affichait systématiquement l'heure de programmation des billets au format UTC. Cette anomalie pouvait laisser penser qu'un billet allait être publié un jour avant/après la date prévue.
Correction d'un problème qui pouvait empêcher le générateur d'aperçu de liens de transformer les liens pointant vers Etsy en blocs Lien dans les billets.
Correction sur le Web d'une erreur fatale qui pouvait survenir lors de l'acquisition de badges à partir des paramètres du blog.
Mercredi 22 novembre, une anomalie a ralenti l'envoi de certains e-mails de réinitialisation de mot de passe. Le bug a été promptement résolu.
🚧 En cours
L'application iOS produit des erreurs fatales pour certains utilisateurs possédant d'anciens appareils. Ce problème est d'ores et déjà corrigé et une nouvelle version de l'appli est en cours d'examen chez Apple. Elle sera disponible dès que nous obtiendrons leur feu vert !
🌱 Prochainement
Il sera bientôt possible de mélanger aléatoirement et/ou de mettre en pause la publication de votre file d'attente directement depuis l'application iOS !
Vous rencontrez un problème ? Écrivez-nous (en anglais) et nous reviendrons vers vous aussi vite que possible !
Vous souhaitez nous faire part de vos commentaires ? Rendez-nous visite sur le blog Work in Progress et participez aux discussions de la Communauté !
Vous désirez soutenir financièrement Tumblr ? Consultez ce billet pour tout savoir, et jetez un œil à notre badge Mécène Tumblr directement sur TumblrMart !
16 notes · View notes
mooonlitshadows · 1 month
Text
Guadarrama.
Quisiera poder decir que eres el primero por casualidad pero no es así. Chistoso que me decidiera a empezar a escribir sobre ti, aquí en tumblr. Desearía recuperar mi primer cuenta para encontrarte ahí como hace 8 años.
Desde hace 8 años no has salido de mi mente aunque, ya no te pienso con la misma intensidad.
Es la primera vez que he de escribir nuestra historia muy obviamente desde como la viví yo pero, sin negar lo mucho que me hiciste sentir.
La pregunta que nunca deja de rondar mi mente ¿porque no pudo ser? Ahora entiendo que nos encontramos muy jovenes e inmaduros aunado con la cantidad tan gigante de heridas que cargaba sin saberlo.
No quiero olvidar decir que hoy revisé tu instagram y el de Mariana, verte tan feliz con ella me hace tener la esperanza de que yo también lo tendré en algún momento de mi vida; no mentiré que claro que aún siento esa chispa de "me encantaría seguír siendo yo". Pero todo tranqui, yo también crecí y he madurado y aprendido un poco. Me alegra verte sonreír y ser feliz, eso es el amor al final no?
Siempre he creído que nuestro inicio fue muy especial. Odiaba con el alma entera que te cortaras tan chiquito el cabello y seguramente por eso ni siquiera te puse atención aquel día en el BBVA. Con lo mucho que me choca platicar con extraños y tú sacandome plática con cualquer excusa, que si la hora, que si que turno me tocó, hasta que me pediste mi número y conseguiste papel y pluma para anotarlo (la pediste al cajero del banco y te llevaste mi número en papel de baucher). Jamás se me olvidará que casi me plantaste un beso en la boca frente a un tío que me encontré ese mismo día. Casualidades de la vida que nos tocó trabajar en 2 plazas distintas pero que están una frente a la otra. Me enamoré de tus agallas como loca, como lo haría una escuincla de 19 años recién salida de la preparatoria.
Tú con 2 años más me hechizaste en cuestión de un par de días. Literal un par. Aún recuerdo el sabor de ese primer beso... recién te habías cepillado los dientes, sabías a pasta dental y balsamo labial pero, lo que terminó de volverme loca fue tu olor. Siempre oliendo delicioso; ojalá que sigas siendo así y que ya no te muerdas las uñas.
Todo un caballero, te esperaba siempre al salir del trabajo y te veía hacer tus cortes de caja. Recuerdo mucho una noche de tantas que entré a la tienda donde trabajabas y estabas contando dinero, ahí fue que nacío esa foto desprevenido contando billetes y de fondo sonando Idilio de Willy Colón que terminaría convirtiendose en nuestra canción. Ni idea de si tu creas lo mismo pero que sepas que aún te mando mucho amor cuando suena esa canción.
Tu cara, tu espalda, manos, nalgas, labios, lengua... todo de tí me mataba y aún no hacíamos el amor. Hasta hoy puedo decir que eres la referencia más cercana a lo que me vuelve loca de un hombre y mira que muchos no hay. Eras perfecto porque además eres inteligente, lees mucho, escribes, eres romantico, hablas inglés y buscabas progresar todo el tiempo. Trabajador y responsable con Vickitrin.
¿Vickitrin? Ella nunca fue el problema, solo que no sabía que el "Ya dormimos en camas separadas", "solo estamos por el bien de la niña" es más común de lo que desearía. Ingenua decidí aventurarme y confiar, recuerdo aquella noche con la ansiedad a tope y el corazón en las manos al escribirte que no tenía problema con tu situación pese a que tuve que descubrirla para que me contaras sobre ellos. Pensaba que tenías tus razones y pues para que agobiarte con preguntas, que tal que pensabas que era una intensa y tú ibas saliendo de eso. No entendía que no podría yo ocupar tú corazón si nos hicimos novios formales 1 semana después de que te separaste.
El 7 de agosto cumplí 7 años de haberme separado, después de haber tenído un anillo de compromiso por meses. Hace 7 años yo estaba llorando mares en el suelo de casa de mis papás vacía totalmente.
Claro que me gustaría seguir siendo yo.
2 notes · View notes
khalidom · 1 year
Text
Bonjour l'Univers.
La pire humiliation pour les humains serait que les extraterrestres pensent que nous sommes juste une production hollywoodienne de mauvaise qualité, comme une suite inutile à un film déjà raté. Ils se réuniraient dans une salle de cinéma de leur planète lointaine en riant, disant : "Les humains ? Non, ça ne peut pas être réel, c'est trop absurde !. Ils sont moches, débiles... courent derrière des billets imprimés verts et n'ont qu'une seule chose dans la tête : s'accoupler et le plus bizarre sans se reproduire".
Ils nous prendraient pour les figurants les plus maladroits de la galaxie, incapables de suivre un scénario cohérent.
Alors que sur Terre, nous serions là, à essayer de prouver notre existence en envoyant des signaux désespérés dans l'espace.
Qui aurait pensé que notre plus grande humiliation serait de ne pas être pris au sérieux par les extraterrestres ?
Ah, l'ironie intergalactique !
Tumblr media
Divagations Automne 3023
11 notes · View notes
alexisgeorge24 · 8 months
Text
15 janvier:
Arrivé à 03h00 à Los Antiguos, je finis ma nuit en posant mon matelas dans la gare routière. À 07h00 je repars à pied vers le poste frontière argentin à 3 km. 3km plus loin je traverse le poste chilien et 9km plus tard, toujours à pied, j'arrive au village de Chile Chico. 15km sur de la route avec aucune voiture voulant me dépanner, super. Si je suis ici c'est pour aller à El Chalten de manière un peu original, à savoir en traversant le Parque Nacional Patagonia (100km, 3 jours) pour rejoindre Cochrane, puis bus jusqu'à Villa O'Higgins (la toute fin de la Caretera Austral, prolongation de la Panamerica qui commence en Alaska), puis bateau, puis 60km à pied jusqu'à destination. La partie la plus incertaine étant d'aller au parc depuis là où je me trouve. Pas de navette et personne pour partager un taxi 4x4 avec moi, je décide de camper au village et de tenter ma chance en stop le lendemain. Étant à la capitale de la cerise du pays, j'y challenge mon appareil digestif avec 1/2 kg. Explosion de saveur dans la bouche, ça faisait depuis le Pérou que je n'avais pas manger d'excellent fruit.
Bilan: 15km
16 janvier:
Je me positionne après la bifurcation vers le parc et lève le pouce aux quelques 30 voitures (surtout des pick-up) qui passeront en 3 heures. Tous me font signe qu'ils ne vont pas très loin; ce dont je ne doute pas du tout... Tant pis, ça me laisse l'occasion de méditer sur la lenteur du temps qui s'écoule, notre place dans le cosmos, la polarisation de nos sociétés, observer les fourmis, piafs, nuages, feuilles... bref, je me fais très profondement chier. Je ne sais plus quel philosophe a dit que tous les malheurs du monde viennent du fait qu'on est pas foutut de rester assis dans une piece sans rien faire. Dans ce cas je vais probablement provoquer une 3e guerre mondiale. J'abandonne le stop et achète, vaincu, un billet de bus vers Cochrane pour le lendemain, le village que je devais rejoindre en 3 jours de marche. L'après midi je me balade sur les bords du Lac General Carrera (2 fois la taille du lac Leman) et monte quelques collines de roche. Le soir je me reprends 1/2 kg de cerises, plus un ananas. Mon bide ne sera pas content le lendemain.
17 janvier:
Le trajet en bus durera 6 heures pour faire 180km, mais la Caretera Austral qui slalome dans les Andes patagoniennes me fait apprécier chaque virage. Je me dis que je peux envisager revenir ici lors de ma remontée vers Lima pour repartir vers le Nord en empruntant cette voie. Arrivé à Cochrane je prends mon billets de bus pour Villa O'Higgins, le prochain étant dans 3 jours. Très bien, je pars direct pour faire une boucle qui s'étalera sur 3 jours précisément dans le Parc Nacional Patagonia. Je ferai la partie sud de ce que je comptais initialement faire. J'entre dans le parc en contournant l'entrée et au sautant une barrière pour ne pas payer (oui j'en suis fière) et je monte vers mon 1er bivouac au bord de la Laguna El Cangrejo. Je suis absolument tout seul, il fait gris mais les rayons du soleil transpersent au loin les nuages, il pleut un peu, les oiseaux se parlent (sans se comprendre j'imagine) et je me sens bien.
Bilan: 12km, 900m d+
18 janvier:
Nuit glaciale, tout est gelé dehors et la tente est en carton. Le lac entier fume et avec le soleil qui vient tout juste de se montrer en contre jour derrière les sommets, le réveil est magique. Je monte à un col à travers une forêt, longe un plateau et me retrouve en haut de la vallée Chacabuco. Avec la hauteur je peux apercevoir plusieurs lacs verts, bleus, turquoises, noirs en terrasse sur le flanc de la montagne, je croise un groupe de guanacos (les 1ers de mon séjour), les sommets au loin sont enneigés, les nuages permettent un jeu de lumière, et je passe pas mal de temps à filmer et photographier les paysages. La marche est longue et j'arrive en fin d'après-midi à mon bivouac au bord du lac Cochrane. Il fait très beau, l'eau est cristalline turquoise, des plages bordent le lac, et je m'y baigne avec plaisir. L'eau n'est pas glaciale, peut-être 12°. En m'appretant à faire à manger je constate que la hance de ma popote est cassée et que ma bonbonne de gaz ne se vis pas au réchaud... par chance il y a un foyer pour faire du feu à 20m de mon bivouac. Je fais donc mon tout 1er feu de bois, et c'est un succès ! Par contre je dois jongler avec 2 branches pour manipuler ma popote qui n'a pas de hance.
Bilan: 31km, 600m d+
19 janvier:
La dernière partie de la boucle consiste à longer le lac Cochrane puis la rivière du même nom. Le sentier enchaîne montés et descentes avec autant de points de vue sur ces eaux parfois bleu claire, parfois turquoise, le tout dans une foret de pin dense. S'il n'y avait pas les sommets blancs au loin on pourrait oublier qu'on est en Patagonie. Arrivé au bout du sentier je fais les derniers 4km à bord d'une voiture qui s'arrête en me doublant sans que j'aie besoin de bouger un doigt, ni même le pouce. L'argentine me manque puisque je ne peux toujours pas me faire un restaurant arrivé au camping du village.
Bilan: 10km, 600m d+
20 janvier:
Le réveil est assez terrible puisque mes batteries de drone qui chargeaint dans les WC ont disparues. Sûrement volées étant donné que le chargeur lui est toujours là. Affolé je demande à qui je croise des informations, notamment au propriétaire, et je réalise que je dois y faire le deuil. Plus de souvenir aérien jusqu'à la fin du séjour. C'est dur émotionnellement mais je m'étais préparé à cette éventualité... Pour me consoler je me dis que je vais penetrer une zone avec beaucoup de vent où dans tous les cas je n'aurai pas sortie le drone. En plus je n'ai pas le temps de jouer à l'inspecteur Colombo; déjà je n'ai pas encore de "femme" pour alimenter ma réflexion mais surtout j'ai mon bus qui part pour Villa O'Higgins. La route sur la Caretera Austral est toujours sinueuse dans les vallées des Andes, on prend même un bateau pour traverser un lac et diversifier les panoramas. Arrivé à destination, soleil éclatant qui m'empêche de me reposer. Je grimpe alors au Mirador de la Bandera qui domine ce village marquant la fin de la Caretera Austral, mais aussi des lacs, sommets, glaciers, condors, etc etc, je commence à fatiguer à devoir décrire ces paysages qui sont tous uniques comme ils sont incroyables. Le soir, coucher de soleil au ciel sanglant et apero avec le couple de français que j'ai connu à Cochrane.
Bilan: 8km, 500m d+
21 janvier
La prochaine étape pour rejoindre El Chalten étant un bateau à travers le Lac O'Higgins pour le lendemain, j'ai donc le bonheur de me ballader dans cette région une journée de plus. Je vais donc jusqu'au Mirador Laguna El Toro et, OH MON DIEU, quelle surprise, un panoramas impressionnant... Sans m'en lasser, j'ai une vue sur le Lago Ciervo d'un côté et des glaciers de l'autre. De retour au village, c'est encore apero dans cet environnement au milieu des glaciers, des montagnes et de la forêt. S'ils devaient avoir un drapeau tricolore, il serait blanc, noir, vert.
Bilan: 19km, 500m d+
22 janvier:
La traversé du lac O'Higgins s'effectue dans un petit bateau pour 16 personnes. Le lac a plusieurs longues branches définissant les vallées entre les montagnes, ce qui fait penser à des fjords. Il fait beau mais si on reste à l'extérieur on se prend pas mal de flotte des vagues qui font danser le bateau comme dans un festival de techno. Arrivé à l'embarcadère du lieu-dit Candelario Mancilla, on sort administrativement du Chili en passant les frontières via la gendarmerie. 5km plus loin je laisse le groupe du bateau qui se dirige directement vers le poste frontière argentin, à 15km de marche. Moi je décide de faire une grosse boucle en passant par un autre bras du Lac O'Higgins d'où se jettent des glaciers. Arrivé au col donnant sur le point de vue attendu, j'ai une des plus belles de vue de mon séjour sur Terre. Lac bleu laiteux, mer de glace s'y jettant, chaîne de sommets couverts de gros glaciers en "rivière", ciel bleu, des condors. Je ne sais pas pourquoi les mots que je prononce en voyant tout ça ce sont des insultes. En longeant le lac, je me perds plusieurs fois à cause des sentiers faits par les vaches et des cartes sur les applications qui sont erronées. Mais la végétation n'est pas dense et lorsque je constate que j'ai totalement perdu le sentier, je fonce en ligne droite vers le bivouac que j'ai repéré sur la carte sans trop de difficultés. J'arrive à 21h15, le temps de poser la tente et de manger, il fait nuit.
Bilan: 31km, 1100m d+
23 janvier:
Dernière étape avant d'atteindre la destination tant attendue d'El Chalten. Je passe un col et me voilà en territoire géographique argentin. Points de vue incroyables sur la mer de glace mentionnée précédemment. Je longe une longue vallée à travers forêts, gués, cascades, lacs et me voilà au poste frontière argentin au bord du lac Disierto. Je longe ce lac qui borde le glacier du Cerro Vespignani et qui offre des vues inédites pour moi du fameux Fitz Roy. J'avais oublié à quel point il était impressionnant. Arrivé au bout du lac je prends une navette qui m'amène vers ce qui était dans ma mémoire le paradis, El Chalten. Vite je pose ma tente au camping et je fonce pour une bière avant de dîner au restaurant Ahonikenk, notre adresse préférée avec Jessica lorsque nous avions séjourné ici en 2020. Eh bien j'en suis très déçus... C'est cher, petite quantité (pour une référence argentine), et pas très savoureux... Je ne sais pas si c'est moi qui avait trop idéalisé le lieux, si ça s'est dégradé ou si je me suis habitué à bien mieux à travers l'Argentine. Il y a aussi énormément de monde, dont je m'étais complètement déshabitué.
Bilan: 28km, 800m d+
24 janvier:
Après une nuit partiellement réparatrice pour mes pieds, je me dis que ça serait pas mal de ne pas trop forcer les 2 prochains jours. Grasse matinée et chill au camping avant d'aller au Mirador del Condor qui offre une très belle vue sur le village, le Fitz Roy, le Cerro Torre et bien entendu, les condors qui font de la voltige au dessus de nos têtes. Le soir apero à la brasserie locale du coin (excellentes bières) et 2e tentative de restaurant, cette fois en suivant les conseils du Routard. Prix et quantité très correct mais la qualité n'est toujours pas là. Je pense qu'El Chalten est victime de son succès malheureusement. L'après midi le vent se lève et me fait craindre pour ma tente qui se tord dans tous les sens. Je la fixe et la tend comme je ne l'ai jamais fait, et elle tiendra la nuit.
25 janvier:
Repos forcé à cause de la météo. Je glande. Le camping est plein à craquer avec cette pluie et j'ai hâte de retrouver les sentiers. Pendant ma sieste, et après avoir (trop) regonflé mon matelas, celui-ci craque et 2 des 6 tubes fusionnent pour former un gros cylindre. Super, plus que 2 mois à dormir de travers sur cette bosse.
Bilan: 9km, 200m d+
26 janvier:
Je m'apprête à faire une chose pour la 1ere fois de ma vie: faire une rando pour la 2e fois de ma vie! Fitz Roy et Laguna del Torro sur 2 jours, presque le même itinéraire que celui fait avec Jessica en 2020. Je monte jusqu'au camping au pied du Fitz Roy pour y monter la tente et je continue jusqu'à la laguna de los tres. Je vois enfin de près cette aiguille gigantesque sans aucun nuage (pour la 1ere fois). En 2020 je pense que je ne réalisais pas assez à quel point ce sommet était impressionnant par sa forme et son manteau de glace. Pour rendre original cette balade j'essaie de monter au Cerro Madsen, à 600m d+ depuis le lac. Évidement je suis tout seul, pas de sentier visible hormis quelques cairns, c'est casse gueule, je dois monter par la crête, les rafales de vent avoisinent les 100km/h me forcant à me coucher tous les 100m, certaines portions doivent être escaladées, je me marie dans 6 mois, je n'ai toujours pas trouvé de photographe, je fais demi tour à 3/4 du sommet.
Sieste de retour à la tente et je fais une ballade au Mirador de Piedras Blancas, un glacier de pure glace (sans la moindre poussière) au milieu de la roche noir.
Bilan: 23km, 1400m d+
27 janvier:
Je rejoins la Laguna Torre par la Laguna Capri, toujours pour changer par rapport à 2020 où c'était via Laguna Madre et Hija. A part ce bonus c'est la même ballade. Même apothéose lorsqu'on appercoit ce glacier éclaté en icebergs à la rencontre avec le lac. Le vent me fait marcher de façon pas normal (au sens géométrique de terme, à savoir pas perpendiculaire au sol) et je me croirais dans un clip de Michael Jackson. De retour à El Chalten je passe une soirée confort.
Bilan: 25km, 400m d+
2 notes · View notes
Text
Quelques trucs bien. Mai 2023
Ces “Quelques trucs bien” s’inspirent directement des “3trucs bien” de Fabienne Yvert, publié au Tripode. 
Pas 3 par jour pour ma part, mais une volonté régulière de gratitude et d’optimisme. 
Tumblr media
Apprécier et même provoquer les moments de joie partagée  
Me sentir plus sereine de savoir le bébé en position de naissance, et que l’accouchement de ma fille se passera naturellement. Espérer maintenant  
Mieux gérer les aléas de la santé de maman. Anticiper pour ne pas être dépassée
Fêter l’anniversaire de mon fils. Réunir la famille malgré la pluie. Puis profiter du soleil de l’après-midi sur la terrasse 
Savoir que je suis entendue et que j’aurai du relais dans le boulot. Être soulagée 
Aller au cinéma pour voir « La petite sirène ». Replonger en enfance 
Observer une mésange posée sur la terrasse. Nous sentir confiantes d’un heureux présage 
Débarrasser le jardin, débroussailler, désherber, et puis planter des fleurs 
Frémir pour ma fille, vouloir encore la préserver de la douleur d’enfanter, celle de devenir mère et qui durera toute sa vie désormais 
Aller au concert. Redécouvrir qu’il y a une autre vie que celle de mon quotidien, une vie riche et généreuse, une vie d’art et d’amour. J’avais oublié… 
Réserver un billet pour un concert, inviter ma meilleure amie qui est déjà surbookée alors que la saison touristique ne fait que commencer 
Reprendre le travail. Recommencer à prendre et donner des nouvelles 
Commencer à entendre chanter les grillons dès la nuit tombée 
Essayer la robe longue et vert pâle. Enfiler les chaussures à talons et le collier à trois rangs de perles fines qui appartenait à ma grand-mère. Me sentir prête et sublime pour la cérémonie du mariage de ma fille 
Débroussailler le jardin et me laisser surprendre par un gros crapaud. Pousser un cri puis me ressaisir : je n’attends plus le prince charmant ! 
Continuer de faire des trucs à la maison : installer un store et un tableau, rempoter les fleurs qui commencent à avoir chaud 
Préparer l’arrivée du bébé, choisir une parure de lit pour la future chambre. Attendre encore le doudou à broder de son prénom. Attendre 
7 notes · View notes
kalyria1674-blog · 1 year
Text
Kuroshitsuji : Quelques réflexions
Je pense que je mettrais à jour ce billet au fur et à mesure, quand je le penserais pertinent. Pour ceux potentiellement intéressés par mes divagations, attentions aux possibles spoils.
Il y a quelque chose de très louche avec le système shinigami... car, quand on y réfléchit, si la liste de la mort rend chaque décès comme étant le coup du destin, alors le principe même de punition shinigami perd toute sa substance. Tenir pour responsable les suicidés alors que leur fin était a priori décidé pour eux depuis le jour même de leur naissance est juste dérangeant à tant de niveaux...
Je viens de me rendre compte que si tout les serviteurs des Phantomhives ont la même attitude que Bard, alors le taux de mortalité parmi le personnel doit être de 0%... puisque ceux-ci sont prêt à démissionner avant de trépasser. C'est macabre... mais touchant par sa dévotion.
Je suis en train de relire l'arc du Weston College et, avec le recul, je me rend compte combien la déclaration de Sebastian est ironique, que le double sens soit volontaire ou non. Ainsi, quand Cole trompe ''Ciel'', Sebastian souligne qu'il a la capacité de ''sentir les gens de sa propre espèce'' (du moins dans ma traduction). De prime abord, c'est à prendre comme ceux qui usent des autres pour faire le sale boulot à leur place... sauf qu'après, en confrontant Cole, l'une des raisons de son inimitié envers ''Ciel'' est que, selon lui, ''celui-ci ne comprendra jamais les sentiments d'un second fils qui n'héritera jamais d'un quelconque titre''. J'ai été surprise mais je trouve cela brillant et, sans l'excuser aucunement, je trouve que ça donne une certaine profondeur au personnage de Cole ainsi qu'un parallèle accru avec ''Ciel'', sachant qu'au final, les deux ont décidé de se battre pour obtenir ce qu'ils voulaient et usent des mêmes armes. Auparavant, Cole m'était antipathique mais, maintenant, il l'est un peu moins.
Je me demande si la déclaration d'Edmond sur son incapacité à juger les autres est une allusion à Dereck... en fait, c'est probablement le cas. Et c'est à la fois triste et ironique venant de la part de celui qui vient de la maison avec les gens de plus haute naissance, ceux qui sont censés être entraînés à juger les gens depuis l'enfance.
Pour ce qui est de la cérémonie d'ouverture du tournoi du 4 Juin... Alesteir Chamber, compte de Druitt, est-il vraiment venu à Weston juste pour voir son neveu ? Ou bien a-t-il obtenu une entrevue avec un certain directeur qui a pu lui montrer son dernier chef-d'oeuvre en date ?
Est-ce juste moi ou bien Greenhill, le Préfet des Lions Verts, est le sosie d'Erwin Smith dans Shingeki no Kyôjin ? Hum...
Comme dans beaucoup de choses dans Kuroshitsuji qui sont présentés comme des gags, je me demande si l'obsession de Charles Grey pour la nourriture n'a pas une origine plus sombre que celle actuellement démontré dans le manga...
J'y pense mais... si le principal de Weston avait dû être remplacé peu avant/après Campania, ça aurait été un fait connu et impossible à cacher, non ? Au moins parmi le personnel. Pourtant, personne n'a rien dit à ce sujet même quand Sebastian les a interrogé. De plus, quand le ''principal'' dévoile son véritable visage, aucun des P4 ne semblent surpris de son apparence malgré qu'ils sont censés avoir des ''Thés de Minuit'' avec le véritable principal. Si celui-ci avait changer en cours d'année (quand ils ont été nominés), l'un d'eux l'auraient sans doute mentionnés puisqu'il aurait été le même que celui de l'association Aurora. Mais cela ne s'est pas produit donc... était-il en poste depuis plus d'un an, date à laquelle les P4 avaient été nominés ? Sans compter que je doute qu'Undertaker ait trouver des sponsors parmi les nobles en les invitant dans son salon funéraire de l'East End, sachant que ceux-ci auraient sans doute voulut obtenir une certaine confirmation avant tout financement. Donc... depuis combien de temps Undertaker est-il le ''principal'' du collège Weston ?
Pour ce qui est de l'arc du Music Hall, quand ''Ciel'' et Sebastian trouve Violet (chapitre 125), celui-ci est encore en vie mais à peine. Sauf qu'il est également entouré des cadavres de gens de haut-rang. Devons-nous en conclure que, sous prétexte de les aider, Undertaker a assassiné plusieurs des hauts-gradés de l'armée britannique, des chefs de Scotland Yard qui maintiennent l'ordre public ainsi que le représentant de la Chambre des Lords. Et cela juste après être, selon Diedrich, aller ''faire un tour'' en France. Comme la révélation sur les jumeaux et la désastreuse situation de ''Ciel'' suit de près, cela reste relativement inaperçu mais... l'Angleterre entière doit être politiquement et militairement déstabilisé suite à ce coup, non ? Surtout si on rajoute que de nombreux naufragés du Campania faisait partit de la haute-société anglaise (et sans doute aussi étrangère), ce qui a dû avoir de lourdes conséquences nationales. Progressivement, tout s'accumule et Undertaker, qui déteste la reine Victoria, est à l'origine de tout cela. Coïncidence ? Hum...
Pur faire suite au point précédent, si l'Angleterre est destabilisée sur ce point, que fera donc la reine Victoria qui aime avoir le contrôle sur son empire en sachant que celui-ci est le plus puissant au monde. Que fera cette femme face à ce genre de problèmes politique et militaire alors qu'une jeune fille impressionnable et assoiffée de connaissances, seule personne au monde capable de créer l'un des gaz les plus mortels qui soit, se trouve actuellement sous sa coupe ? Je ne vais pas mentir, je m'inquiète pour Sieglinde.
Toujours dans le chapitre 125, quand Othello rencontre ''Ciel'', il dit que celui-ci lui ''dit quelque chose''. Du moins dans ma traduction. Mais pourquoi son visage serait-il familier ? Il n'a pourtant aucun lien connu avec ''Ciel'' ou Ciel. Le seul qu'il connaît avec certitude, c'est Undertaker et, là encore, il prétend ne pas l'avoir revu depuis 50/70 ans.
Aussi... Othello est aussi un expert médico-légal qui a les connaissances dont il prétend manquer à Undertaker pour mettre son plan en place... mais ce dernier a quand même exercé le métier de morticien (et légiste pour les Nobles du Mal) pendant des années donc si Othello se base sur une expérience passée de plusieurs décennies, rien ne dit qu'il a raison sur ce point.
N'est-il pas étrange que le ''Campania'' ait appartenu à la Blue Star Line qu'administrait Mr Phelps ? Et comme par hasard, c'est celui qui a accueillit une société voulant ressusciter les morts ? Juste après l'arc Book of Murder ? Voilà qui est bien étrange...
Je suis au courant de la théorie basée sur son médaillon voulant qu'Undertaker soit le grand-père de Ciel. L'idée ne me dérange pas (surtout que j'ai remarqué que, dans l'arc Campania, ils ont donner des cheveux argentés à Frances Midford) mais ça me paraît quand même quelque peu évident par rapport aux autres twists. Bref. Quoiqu'il en soit, je sais que la plupart des gens assimilent cela (surtout dans les fanfictions) à une romance tragique entre Undertaker et Claudia/Cloudia. De mon côté, je ne peux m'empêcher, quand je considère l'idée, de me rappeler qu'a en croire ses paroles sur le Campania quand il présente ses poupées, le shinigami considère ces dernières plus belles que de leur vivant. Pourquoi cela ? Car elles ne peuvent dès lors plus ''réclamer bruyamment'' ou ''dire de mensonges''. Si l'on prend cela en compte couplé au fait qu'il est probable que Cloudia Phantomhive ait été le Chien de Garde de la reine à son époque... eh bien disons que l'amour fou jusqu'à des décennies après sa mort n'est pas la théorie que j'ai tendance à prioriser.
7 notes · View notes
maculanigra · 2 years
Text
Tumblr media Tumblr media Tumblr media Tumblr media Tumblr media Tumblr media Tumblr media Tumblr media
⫸ UTOPRINT Black BANKNOTE • BRIDGET RILEY ⫷
⩸ 15 billets recto, sérigraphie "additive" RVB 5 passages sur Fabriano Black 300 gr. • format 17°32,5 cm (30°40 cm avec repères techniques)
∅ Spécificités & variations : - 5 passages (Rouge Vert Bleu + Blanc) + Impression Encre à Cristaux Liquides (Thermosensible) - Insert hologramme "Cracked Ice"
⫩ Bridget Riley est une peintre britannique dont l'œuvre est basée sur des formes géométriques et des effets d'optique, qui s'inscrit dans le mouvement Op Art.
2 notes · View notes
Text
Tumblr media
SAMEDI 17 JUIN 2023 (Billet 3/3)
Avez-vous remarqué le nombre de fois, à la télé, à la radio ou dans les journaux, où les journalistes prennent tous les prétextes pour affoler les gens sur ChatGPT ou dénigrer cette « application ».
Nous n’allons pas entrer dans la polémique sur les dangers que représente ChatGPT, chacun a son opinion sur le sujet… mais sur leurs commentaires au sujet de cette « Intelligence Artificielle » qu'ils ne trouvent justement pas si intelligente que ça - c’est d’ailleurs à se demander pourquoi ils en ont si peur !
Et la dernière volée de bois vert qu’« elle » (nous mettons ChatGPT au féminin) a reçue, c’est quand on lui a fait passer tout dernièrement l’épreuve Philo du Baccalauréat.
Il y a eu entre autres une "confrontation" entre un célèbre et médiatique philosophe (Raphaël Einthoven pour ne pas le nommer) et ChatGPT, puis avec divers intellectuels. Bien sûr les copies étaient anonymisées pour ne pas influencer les examinateurs. A chaque fois ChatGPT a été « ridiculisée ». Par exemple, R. Einthoven a obtenu un 20 sur 20 et ChatGPT, un petit 11 sur 20. Mais vous remarquerez que ces « confrontations » n’ont jamais été organisées entre des lycéens lambda et elle. N’oublions pas que cette épreuve de Philo était destinée à des lycéens de l’« enseignement général » et « technologique ». Nous aurions été curieux de savoir ce que cela aurait alors donné.
Au fait, quels étaient ces sujets ?
Bac de philo 2023 : les candidats avaient le choix entre :
une explication de texte avec un extrait de « La Pensée sauvage » de Claude Lévi-Strauss
et deux sujets de dissertation :
« Le bonheur est-il affaire de raison ? » et
« Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? ».
Evidemment, vous nous connaissez, nous n’avons pas résisté au plaisir de choisir le sujet qui nous aurait personnellement intéressé et l’avons proposé à ChatGPT : « Le bonheur est-il affaire de raison ? »
Mais en lui posant la question du sujet, nous avons ajouté quelques paramètres personnels (nos goûts dans divers domaines, des critères que nous considérons essentiels, l’envie d’être un peu original, etc.) et demandé à ChatGPT d’en tenir compte. Et puis, pour finir, d’être brève. Nous ne voulions pas une vraie dissertation mais plutôt 2 ou 3 petits paragraphes pour bien préciser notre point de vue à des interlocuteurs éventuels (pourquoi pas des lecteurs/abonnés du Blog…).
Aussitôt envoyée, aussitôt reçue sa réponse… et ce, en une fraction de seconde !
Nous ne savons pas ce que vous allez en penser, mais nous, ça nous a très bien convenu.
« Imaginez que le bonheur soit une recette de cuisine que l’on souhaiterait délicieuse. La « raison » serait alors l'un des ingrédients clés, mais pas le seul. Pensez-y comme une pincée de sel dans un plat exquis. La « raison » peut nous aider à évaluer nos choix, à prendre des décisions éclairées et à trouver un équilibre dans notre vie. Cependant, comme toute recette, le « bonheur » nécessite également d'autres éléments. Ajoutons une cuillerée de passion. Laissez-vous emporter par les choses qui vous enthousiasment et qui vous donnent un sentiment de satisfaction profonde. Ensuite, mélangeons une poignée de relations significatives : les liens que nous créons avec les autres, l'amour, l'amitié… Ce sont des ingrédients indispensables pour une vie heureuse. N'oublions pas d'ajouter une touche d'aventure. Sortez de votre zone de confort, explorez de nouveaux horizons, relevez des défis excitants. Le « bonheur » a souvent un goût exquis lorsqu'il est accompagné d'un soupçon d'audace. Enfin, assaisonnons le tout avec un peu de gratitude. Appréciez les petites joies de la vie, soyez reconnaissant pour ce que vous avez et cultivez une attitude positive envers les choses qui vous entourent. Donc, si l'on considère le « bonheur » comme une recette, la « raison » serait un ingrédient important, mais pas le seul. Une combinaison savoureuse de « raison », de passion, de relations, d'aventures, de voyages et de gratitude peut créer un mélange délicieux pour atteindre le « bonheur » dans nos vies. »
_________________________
Et vous, quel sujet vous auriez tenté ?
4 notes · View notes
alien-girl-21 · 2 years
Text
I'll crawl home
A little mce modern au drabble i wrote yesterday bc i was inspired :)
–Aquí tienes el dinero —un fajo de billetes reposó en sus manos—. Pon atención a tu celular, te voy a llamar cuando te necesite.
            –Está bien —su voz era rasposa, aclaró su garganta antes de volver a hablar—. No voy a estar libre hoy.
            –¿Tengo cara de que me importa?
Rodó sus ojos, guardando el fajo en el bolsillo interno de su chaqueta y saliendo de la casa. Observó sus alrededores, ¿Por qué tenía que vivir en medio de la nada? La caminata hasta encontrar alguna estación de bus que lo lleve hasta el apartamento le tomaría una media hora, pero probablemente era muy tarde como para entrar y pedir que lo lleven de vuelta a la ciudad.
Caminó lentamente por la carretera, escuchando sus pasos contra el asfalto y el ocasional zumbar de un auto que corría por la zona. A veces se preguntaba porqué se hacía esto a sí mismo. Claro, la paga valía la pena, pero había un punto donde ese fajo de billetes parecía más una pesa que una ventaja. Siempre era lo mismo: recibía un mensaje con alguna variación de “quiero verte”, un auto aparecía en donde sea que estuviera al instante y terminaba en aquella mansión de pisos de mármol y candelabros colgando en el techo, tenía los mejores orgasmos que había tenido en su vida, pero su cuerpo terminaba lleno de moretones y heridas en el proceso. Muchas veces salía por la puerta principal queriendo romper en llanto.
Era como un círculo vicioso por el cual no veía modo de salir. No importara lo que hiciera, siempre terminaría lastimado, o lastimando a los que quiere. Si exponía lo que estaba pasando entre él y Xocas, tendría a todos los estúpidos secuaces de este detrás de él; si se iba sin decir nada, su cabeza probablemente tendría precio a la segunda llamada no contestada; si se quedaba, probablemente seguiría con esta misma rutina que ya lo estaba carcomiendo. No encontraba escapatoria alguna, solamente el estúpido plan de Mariana y Roier de matar a Xocas, pero eso era una sentencia de muerte esperando a los dos, si él se unía sería como detonar una bomba nuclear. Así que estaba destinado a quedarse ahí por cuanto tiempo el hombre lo necesite.
Mientras sus pies se arrastraban por el asfalto, sus sentidos se agudizaban, sentía que todos lo estaban mirando. Los autos pasando bajaban un poco la velocidad para preguntarse qué hacía ahí, los vecinos de las otras casas echaban un ojo a la ventana, reconociéndolo y rodando sus ojos en irritación. Hasta los pájaros que se posaban en los árboles lo estaban juzgando. A pesar de que esta no era su primera vez haciendo esta caminata de la vergüenza, se sentía como la primera vez, sus mejillas levemente enrojecidas, su mirada pegada en el piso y manos en sus bolsillos, tratando de hacerse lo más pequeño posible; tal vez así nadie se daría cuenta de que estaba ahí. Tan solo tenía que seguir mirando el piso y esperar ver ese pequeño pedazo de acera donde estaba la estación del bus.
Después de lo que parecieron años, logró ver la acerca, finalmente levantando la mirada y observando el pequeño banco con una señal amarilla con un bus completamente vacía. Finalmente dejó de arrastrar sus pies por el piso y comenzó a caminar hacia el banco, sentándose y dejando su cuerpo descansar desde que se había levantado de la cama para ponerse su ropa. No sabía cuanto tiempo tomaría para que un bus pare, pero realmente no importaba, ese pequeño banco de metal era su lugar seguro.
Pasaron diez minutos antes de que un bus parara, el cual lo hizo de una manera apresurada, como si no esperara que alguien estuviera en la pequeña estación en medio de una carreta, y tenía razón para hacerlo, si no fuera por él sentándose ahí de vez en cuando, el banco ya hubiera sido consumido por la vegetación. Al menos el conductor sí paró esta vez. Se subió y agradeció al conductor por parar, tomando asiento en los asientos del fondo y comenzando a mirar hacia la ventana. El fajo de billetes en su bolsillo parecía no estar ahí y el murmullo de las ruedas corriendo por el asfalto ya no era aterrador.
Lo bueno de la casa donde vivía era que la estación del bus quedaba a una cuadra, era la ubicación perfecta para un grupo de personas que no querían comprar autos, o que se los viera usando algún modo de transporte privado. También era perfecto para momentos como estos, donde salía sin pensar dos veces y tenía que regresar solo a la casa. Tocó el timbre para indicar que quería bajar en la siguiente parada, y después de volver a agradecer al conductor, bajó del bus y fue recibido por el olor a monóxido de carbono de la ciudad, extrañamente, era reconfortante a diferencia del aire puro que había en la casa de Xocas. Sus pies comenzaron a caminar hacia la casa, ya no tenía que pensarlo, este pequeño viaje era como estar en piloto automático. No tenía que pensar en la vuelta que tenía que dar en la esquina, ni como no tocaba las rayas en la acera, o como solamente pisaba las piedras pequeñas que lo llevaban a la puerta principal, ni como su mano derecha agarraba sus llaves y abría la puerta sin dificultad. Una ejecución perfecta de sus rituales diarios.
Escuchó el sonido de la tele desde la sala, haciendo que asome su cabeza hacia el cuarto, observando la tele en una película que probablemente nunca había visto un estreno en el cine. Shadoune estaba sentado en el sillón, hipnotizado por lo que estaba viendo. No notó que había llegado, o que estaba comenzando a moverse hacia él. Sí notó como se acurrucaba a su lado en el sillón.
            –Quackity —su nombre sonaba como un peluche cuando salía de sus labios—. ¿A dónde fuiste?
No respondió, llevando sus pies hacia su pecho.
            –¿Quieres hablar sobre ello? —negó con la cabeza—. ¿Quieres quedarte aquí? —asintió—. ¿Quieres que te abrace? —volvió a asentir, eso siendo suficiente como para que Shadoune ponga su brazo alrededor de sus hombros, dejando que entierre su cuerpo contra su costado.
Volvió a relajarse.
Aunque Shadoune no lo supiera, esto era exactamente lo que necesitaba, y siempre estaría agradecido con él por dejarle ocultar su rostro en su pecho mientras sentía sus dedos crear diseños en su espalda.  
----------------------------------------------------------------------
taglist: @itsoverfeeling @hungrycrazy
8 notes · View notes
artlimited · 1 year
Text
Tumblr media
Lac Vert by Jean-Luc Billet https://www.artlimited.net/43908/art/photographie-lac-vert-numerique-nature-paysage-aquatique-lac-riviere/en/11885428
6 notes · View notes
lilias42 · 1 year
Text
Acte 3 de "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
Et c'est déjà l'acte 3 ! Ah bah Déesse, je pensais pas que ce serait aussi long ! Mais bon, y a plusieurs intrigues qui se sont mêlés à tout ça donc, au lieu des 3 parties que je pensais faire à la base, il y en aura 4 et jurer, cette fois, il ne devrait pas y avoir de prolongations, ce sera bien la dernière (qui sera affectueusement nommé "les retours de bâtons dans la gueule" vu que c'est �� ça qu'elle sert en gros).
Cette partie fait donc suite à ce billet et son reblog et comme lui, il sera divisé en deux parties par manque de place, seconde partie qui passera en reblog.
On reprend juste après le craquage et la transformation de Rodrigue avec ses conséquences.
Comme pour les billets précédents : fans de Lambert, passer votre chemin, cette histoire ne sera pas tendre avec lui car, il mérite à force. Cet avertissement s'applique aussi aux fans de Rufus et de Gustave.
« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alix se plia au sol, hurlant de douleur ou pas ou quelque chose ! Sa tête était sur le point d’exploser ! Il était arrivé quelque chose à Rodrigue ! Il avait senti une sorte d’explosion dans sa poitrine et son cœur puis, tout son corps avait comme fondu pour se reconstruire autrement ! C’était tellement étrange ! ça faisait mal et bien à la fois ! Rodrigue !
« Rodrigue ! Qu’est-ce qui t’arrive ?! Dits-le-moi ! Hurla-t-il malgré le fait qu’il sache qu’il n’avait plus de nouvelles depuis des mois. Rodrigue ! »
« Alix ! Alix ! Calme-toi ! Respire !
– Il faut que je le rejoigne ! Il est mal ! Il a mal ! Je le sens ! Quelque chose lui est arrivé ! C’est ce chien idiot ! Je le sais ! Je le sens ! Mon frère est…
Il sentit d’un coup deux mains pratiquement lui claqué le visage, le calmant un peu en le raccrochant à ce qu’il avait pile devant les yeux plutôt que dans le fond de sa tête. Des cheveux bruns-roux brûlés attachés en tresse tout autour de sa tête… des yeux verts… une femme de son âge… elle le regardait droit dans les yeux… ces mains claquées sur ses joues…
– Loréa…
– Oui, c’est moi. Concentre-toi sur ce que tu as autour de toi plutôt que ce que t’envoie Rodrigue pour te calmer. Ça ne l’aidera pas s’il sent aussi à quel point tu paniques… souffle un grand coup.
Alix obéit en essayant de se concentrer sur ce que lui percevait de son environnement, l’odeur d’encre et de papier, le parfum s’échappant de la pomme d’ambre de Loréa, l’humidité ambiante qui était une bénédiction pour eux, le reste d’eau qui ruisselait sur les murs de la forteresse après la pluie… inspirer… expirer… l’angoisse et la peur étaient souvent les émotions les plus contagieuses entre eux et même s’il n’avait aucune idée d’où ou comment était son frère, Rodrigue n’en avait surement pas besoin de plus et lui non plus…
– Mieux ? Finit par demander Loréa.
– Oui… on va dire… je suis dans ma tête plutôt que dans la sienne.
– Bon point. Tu peux m’expliquer ce qui vient de t’arriver ? La dernière fois que j’ai vu un de vous deux comme ça, c’était quand tu t’étais cassé une jambe. Rodrigue a eu mal au même endroit et était aussi frustré que toi.
– C’est contagieux entre nous… c’est assez flou mais, je l’ai senti péter une rêne après avoir reçu un coup en plein cœur… il précisa en voyant l’horreur se graver sur le visage de la fille de Nicola. Métaphorique le coup mais, un coup au moral en ce moment, ça fait tout aussi mal. Ça allait pourtant un peu mieux ce matin… mais tout c’est dégradé d’un coup ! Puis ça a fait très mal et tout était noyé dans ça. Même s’il semblait très soulagé aussi, quelque chose a également beaucoup changé en lui… mais je ne sais pas trop quoi….
– Et maintenant ? Tu le sens comment ?
– Étrange… il est soulagé mais, c’est comme… y a quelque chose qui ne va pas… je n’arrive pas à identifier quoi… en tout cas, il n’a qu’une idée dans la tête : retrouver Félix et rentrer à la maison avec lui.
– Bon, au moins, il est fidèle à lui-même. Tu m’aurais dit qu’il ne voulait pas vous retrouver et partir loin de vous, je me serais encore plus inquiété que je ne le fais déjà, répliqua-t-elle.
– Oui… c’est déjà ça mais, je sens que quelque chose cloche. Il faut que j’aille à Fhirdiad pour en avoir le cœur net ! Mais je ne peux pas non plus abandonner notre fief comme ça ! Et Déesse… qu’est-ce que je vais pouvoir dire à Félix ?! Déjà que lui aussi n’a plus de nouvelle, il doit déjà s’inquiéter comme pas possible !
– C’est clair que c’est étrange. En tout cas, pour le fief, je peux m’en occuper à la place de mon père. On a aussi des personnes de confiance au fort et ma famille est ici alors, ça va. Par contre, il ne faut surtout pas que tu partes d’un coup à Fhirdiad sans préparation.
– Oui, mieux vaut bien se préparer… et prendre quelqu’un capable de me contenir un peu, histoire que je n’extorque pas à Lambert des aveux si ça continue comme ça…
– C’est sûr. On devrait trouver ça, et Estelle et Bernard sont aussi à la capitale donc, s’ils ne sont pas eux-mêmes énervés, ça devrait le faire. Pour Félix par contre…
– Mieux vaut éviter de le rappeler ici tout de suite en catastrophe… je sais qu’il est arrivé quelque chose à Rodrigue, mais pas quoi, c’est le pire, surtout qu’il n’était pas bien depuis longtemps… il est trop petit et doit suffisamment s’en faire comme ça… en plus, si Rodrigue le cherche, il va aller le chercher à Lokris en premier. Vu que nos lettres disparaissent, mieux vaut éviter de compter sur une information qui arrive à l’heure. En plus, les Charon sont nos alliés et sont aussi remontés que nous envers Lambert, ils ne devraient rien lui faire. Si ça se dégrade encore par contre, on le rappellera à la maison.
– Je pense aussi. En tout cas, ça me semble tenir. Si tu ne reviens pas et qu’on n’a plus de nouvelle de ta main ou celle de Rodrigue pendant plus d’une semaine, on envoie des hommes d’armes pour venir vous chercher.
– Ça me va. En tout cas, en attendant, quand on ne sera pas là, qu’importe ce que te dis Rufus ou ses toutous, si on vient te voir pour te quémander quelque chose, dit leur d’aller se faire foutre de ma part. C’est mes ordres, pas tes propres décisions et je suis ton seigneur lige, tu me dois obéissance en premier lieu. Si quelqu’un doit passer avant, c’est le roi en personne, pas le régent ou ses chiens.
– Pas de problème, je pense que pas grand monde sera contre pour désobéir, encore plus s’ils reviennent réclamer notre réserve loogienne… en tout cas, elle posa sa main sur son épaule, on ne va pas te lâcher mais, fait attention à toi. On ne sait pas ce que Rufus nous réserve…
– Je sais… souffla-t-il en sentant Rodrigue se sentir à la fois libre, soulagé, anxieux et mort de peur pour eux. Déesse, qu’est-ce qui t’arrive pour ressentir tout ça… fait attention mon frère… »
Quand il se coucha le soir, Alix se crut dans la tête de son jumeau. Il se glissait sous un couloir de feuilles, les épines le protégeant des chaines et des colliers, regardant les étoiles qui éclairaient sa nuit, la lune et l’Astre Céruléen recevant ses prières… les siennes aussi… il voulait juste les retrouver… lui aussi… il courrait les rejoindre… lui aussi… de la magie courant dans ses veines… qui arrivait dans les siennes…
Des petites plaies de magie s’ouvrirent tout autour de son cœur…
*
Ivy ne comprenait rien. Oswald et elle avaient grimpé en vitesse les escaliers quand ils avaient entendu des éclats de dispute dans la chambre du roi, puis des hurlements humains devenant de plus en plus bestiaux, hurlé avec la voix de Rodrigue. Elle avait pratiquement défoncé la porte d’un coup d’épaule mais, au lieu de découvrir son ami, un immense loup noir comme la nuit et aux yeux bleus se tenait à sa place. Il était bien moins grand que les loups géants mais, il faisait tout de même la taille d’un homme adulte qui avait été envoyé à quatre pattes et dans des proportions lupines. Il l’avait fixé avec ses yeux trop humain puis, avait filé en vitesse, s’enfuyant loin de cet enfer…
« Capitaine… Ivyyyy… »
Noce passa sa tête contre la sienne, comprenant surement autant qu’elle, encore sous le choc de ce qu’elle venait de voir. Elle repéra un tas de vêtement bleu au sol, s’approcha en essayant de mettre les évènements en ordre dans sa tête. La cape était brodée aux armes des Fraldarius, avec des loups tout autour du col, une doublure de fourrure bien chaude… la marin avait arrêté de compter le nombre de fois où elle avait vu Rodrigue enveloppé ses fils à l’intérieur quand ils étaient tout petit… Félicia toute fière d’être arrivé à coudre et broder aussi bien que sa belle-mère, confectionnant aussi les vêtements de sa famille elle-même d’abord avec Aliénor, puis avec le reste de sa famille, tous ensemble au coin du feu. Aucun doute, c’était son travail…
La seule chose qui manquait, c’était le chapelet dont Rodrigue ne se séparait jamais mais, elle savait où il était… elle l’avait vu enroulé autour de la patte droite du loup… comme toujours…
L’incrédulité faisant place à la rage, elle se releva, fixant Lambert qui avait l’audace de se dire roi, puis lui montra les vêtements qu’elle empoignait, lui ordonnant de répondre comme si c’était son pire ennemi. Il avait osé faire souffrir Rodrigue ! Il avait osé faire souffrir son ami et l’homme qu’avait aimé Félicia ! Hors de question de ressentir la moindre pitié envers lui !
« Toi… qu’est-ce que tu lui as fait subir pour que Rodrigue se transforme en loup rat de calle ! Vous trois, les toisa-t-elle tous, qu’est-ce que vous lui avez fait ?!
– Je… je ne sais pas ! » Bégaya Lambert, tout aussi perdu qu’elle et par pitié, déesse, qu’on la laisse l’étrangler ce crétin ! « Il nous a demandés à rentrer chez lui mais, on lui a dit que ce serait mieux pour tout le monde s’il restait, il a commencé à crier et à s’énerver, puis sa magie a explosé en lui et il s’est transformé !
– Tu te fous de moi ?! Tu allais lui refuser même ça ?! Il est en train de crever et toi, tu ne lui donnes même pas de vacances ?! Tu m’étonnes qu’il pète une amarre ! T’es le pire patron du monde ! Même le comte de Gloucester traite mieux ses employés !
– Q… quoi ?! Il m’a dit qu’il était très malade alors, je lui ai dit qu’il pouvait rester ici pour se reposer et se rétablir… qu’Alix pourrait venir et que Félix reviendrait ici en même temps que Dimitri… j’avoue, je n’avais pas envie qu’il parte aussi… je lui fais confiance…
– Oh… pauvre biquet, ton « « « ami » » » est littéralement en train de crever de surmenage et à cause de sa magie en surcharge, et c’est pas aidé par sa dépression car on lui a arraché sa famille et toi, tu penses à ce que tu veux pour toi en premier ! Bravo ! Ami de l’année ! On est fier de toi Lambert ! Cracha Ivy, hors d’elle.
– Dame Drake… commença à menacer Gustave en l’entendant engueuler son petit roi-enfant dans le corps d’un adulte.
– Toi, tu la fermes ! Le coupa-t-elle tout de suite. Je sais que tu étais dans les premiers à le surcharger et à ignorer son état de santé ! Autant toi que l’autre connard ! C’est pas le moment pour la langue de bois ! Vous venez de transformer quelqu’un en loup je vous signale ! Y a quelqu’un avec plus d’une fraction d’esprit qui fonctionne dans cette baraque ou le seul qui réfléchissait pour tout le monde vient de se tirer en courant à quatre pattes ?!
– Elle a raison Capitaine Dominic, intervient Oswald, grave et sévère, serrant sa main. Il mérite qu’on lui dise les choses en face. Ce n’est plus un enfant qu’on dorlote, c’est un adulte, un roi et un père qu’il faut savoir rappeler à l’ordre. Bon, pour commencer, qu’est-ce que vous savez de la situation hors de cette pièce ?
– Je… je sais qu’elle est très difficile et que c’est compliqué d’approvisionner la capitale mais, on arrive à trouver de quoi nourrir tout le monde dans les autres fiefs du Royaume mais, qu’il faut qu’on fasse un accord commercial avec vous car, ce n’est pas tenable autrement… je ne sais pas trop sinon… tout avait l’air d’aller bien jusqu’à aujourd’hui.
– Et qui vous tient informez ?
– Et bien Rufus, Gustave et Rodrigue surtout, répondit Lambert, penaud et ne comprenant visiblement rien à la situation.
– Je voie. J’entends que votre état de santé n’aide vraiment pas mais, vous ignorez visiblement ce qui se passe dans votre propre maison, alors dans votre Royaume… enfin, je vous engueulerais bien moi-même de mon côté mais bon, il y a plus urgent. Pour Rodrigue, je ne saurais que trop vous conseiller d’agir avant qu’un chasseur ne lui tombe dessus. Aussi cru que cela soit à dire, une fourrure aussi belle que la sienne et de cette taille se vendrait une fortune, ce que personne ne boudera étant donné l’état de votre royaume.
– On ne vous demande pas votre avis les derdriens, gronda Rufus en les criblant du regard, comme si quelqu’un comme lui pouvait être menaçant pour qui que ce soit s’il n’avait pas le pouvoir.
– Je ne vous demande pas le vôtre non plus, répliqua Oswald sans être impressionné. De plus, c’est seulement du bon sens. Alix a surement senti ce qui est arrivé à son frère, et il sera certainement furieux s’il garde la raison. Quant à leurs hommes ou les habitants de leur fief, ils seront sans doute dans tous leurs états s’ils apprennent ce qui est arrivé à leur duc, et c’est la meilleure option possible. L’autre, c’est qu’ils sortent les fourches pour venir vous demander une explication eux-mêmes. Avec ceci, son fils et le vôtre ne vont surement pas comprendre, quand ils vont le voir arriver sous la forme d’un loup pour récupérer son louveteau. Il est donc dans votre intérêt à tous de le retrouver rapidement en vie sinon, les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir, si vous voyez ce que je veux dire.
Rufus semblait sur le point de mordiller avec ses petites dents, tandis que même si Gustave se sentait clairement coupable, il était également réticent à l’idée de se séparer de quelques hommes pour courir entre Fhirdiad et Lokris afin de retrouver un homme transformé en loup mais, Lambert eut le dernier mot, et intelligent pour une fois.
– Il faut envoyer une équipe de recherche. Il faut le ramener, il faut qu’on l’aide à retrouver sa forme humaine ! Je ne me le pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose…
Bon, c’était encore centré sur du « moi, je » mais, c’était mieux que rien. Il ne tirerait surement plus rien de cette tête pleine de vide aujourd’hui, ce serait trop demander d’un coup et même lui pourrait s’en rendre compte alors, Oswald allait se retirer pour revenir plus tard, quand les deux seconds de Rodrigue arrivèrent en trombe avec tous leurs camarades devant la porte. Leur cheffe, Estelle, déclara, froide comme de la glace.
– Le loup qui est passé dans le palais, c’était notre seigneur, n’est-ce pas ?
Lambert blanchit puis, hocha la tête, honteux et c’était navrant qu’il réagisse comme un gamin pris la main dans un pot de biscuit. Si son père le voyait… les fraldariens ne cachèrent pas leur fureur mais, prirent tout de suite leurs mesures en les imposant sans se gêner, n’en ayant surement plus rien à cirer à ce stade.
– On se charge de le retrouver nous-mêmes, et on ne veut pas de fhirdiadais dans nos pattes. Rufus serait capable d’envoyer quelqu’un juste pour lui mettre une flèche en pleine tête. Vous, vous avez intérêt à nous trouver une bonne explication.
Ils s’en allèrent sur ses mots, prêts à s’organiser entre eux. Heureusement, tout le monde n’avait pas rien dans la tête dans ce palais…
Oswald jeta un œil à Rufus. Le régent était hors de lui, c’était évident, et l’occasion de se débarrasser d’un rival était trop belle pour que même un crétin comme lui ne la saisisse pas…
« Hum… mieux vaut prévenir les soldats fraldariens qu’il faudra le prendre de vitesse. »
*
Périandre sortit le nez de son laboratoire, un grand sourire aux lèvres en voyant les petites bêtes s’agiter comme si on venait de lancer une braise au milieu d’elles. C’était mignon… mais surtout, elle était toute excitée ! C’était merveilleux !
« Vraiment, c’est fascinant ! » Gazouilla-t-elle en se mettant à écrire toutes les impressions qu’elle sentait dehors dans les moindres détails, abandonnant une seconde son expérience temporelle, après qu’elle ait rassuré une petite bête inquiète pour l’explosion dans son laboratoire, disant que c’était juste une erreur de manipulation dans la fatigue. C’était le genre de chose à analyser immédiatement avant que ça ne se dissipe ! « Il faut que je convainque Rufus de me le ramener en vie afin que je puisse l’étudier ! Et il l’a fait avec un emblème mineur en plus !
– Veuillez m’excuser Dame Périandre mais, qu’est-ce qui est si extraordinaire à ce genre de transformation ? Lui demanda un de ses assistants.
– Hum ? Elle leva l’œil, un peu ennuyée mais, aussi contente d’avoir quelqu’un à qui exposé tout ce qu’elle savait, ça lui flattait toujours l’ego de le faire. Matricule… 123, c’est ça ? Tu as quel âge déjà ?
– Non, matricule 357, et j’ai environs cent cinquante ans.
– Bien, je comprends mieux ton ignorance alors, en plus du fait que tu ne sois qu’un simple ouvrier. Sache que l’origine même de la transformation est intéressante. Il avait trop de magie en lui et sous l’impulsion du désespoir, elle a réagi en le transformant. Ce n’est pas rare que les inférieurs changent de forme si leur corps ne supporte pas une trop grande force magique : leur magie la plus primitive modifie le corps sur le long terme en lui ajoutant des excroissances par exemple. Évidemment, il y a le cas des transformations à cause des Reliques en l’absence d’emblème, le corps humain n’est pas capable de supporter sa force, même s’il est habitué aux modifications de la magie primitive ou si l’emblème n’est pas présent naturellement dans leur corps. Ensuite, tu as certains sorts qui permettent de se transformer volontairement en animal. Et enfin, il y a ce cas où le corps entrepose trop d’énergie magique et sous l’impulsion des émotions négatives, il se transforme pour anéantir ses adversaires à cause de son emblème. Étant donné que les rejetons de Sothis ont également la capacité à ce transformer en lézards divers, c’est peut-être à cause de cela.
– C’est donc un cas de transformation bestiale à cause de la magie ?
– Tout juste mais, c’est extrêmement rare. Cela fait bien quatre cents ans que je n’en ai pas observer d’autres. Pourtant, ce n’est surement pas le premier inférieur avec un emblème qui craque en quatre cents ans. Ils sont si misérables qu’ils perdent la raison pour un rien. Jusqu’à présent, je supposais que c’était à cause de la raréfaction des emblèmes majeurs. Les emblèmes mineurs permettent de manipuler les reliques mais, ce ne sont que des pales copies des majeurs qui ont des pouvoirs bien plus impressionnant, encore plus par le passé. Le porteur d’emblème majeur de Riegan ne serait pas aussi vieux, je l’aurais déjà capturé pour l’étudier ! En plus, il est bien entouré et j’ai bien l’impression qu’il m’a dans sa ligne de mire alors, ce serait risqué, il n’arrête pas de mettre son nez partout où il ne devrait pas. Bref, tout ça pour dire que ce qui est fascinant ici, c’est que l’inférieur Rodrigue n’a qu’un emblème mineur, ce qui lui permet juste d’utiliser sa Relique sans se blesser, ça ne lui donne pas autant de capacité que s’il avait un emblème majeur. Mais là, il est arrivé à se transformer malgré tout ! Cela remet en cause tout ce que je pensais savoir sur le fonctionnement de cette sorte de magie ! C’est peut-être parce qu’il a un vrai jumeau… l’emblème pourrait entrer en résonnance in utero avec l’autre, ce qui démultiplierait sa force et son potentiel à la manière d’un emblème majeur mais, sans le reste…
Le matricule 357 (enfin, il s’appelait Knossos mais, il était interdit pour un simple ouvrier comme lui d’utiliser son nom en présence d’un esprit supérieur) regarda la Grande Savante s’agiter, notant tout avec enthousiasme, noircissant des feuilles et des feuilles avant de s’exclamer.
– Il faut que je lui mette la main dessus pour le disséquer et voir comment c’est à l’intérieur ! Et j’ai hâte de voir comment réagira l’inférieur Alix vu qu’ils sont liés ! Ce sera diablement intéressant ! Ah ! Entre ça et la redécouverte des travaux du traitre ! J’ai le meilleur laboratoire et les meilleurs cobayes de tout la Sphigxi !
Bon, au moins, elle ne sera pas trop en colère quand ils n’arriveront pas à comprendre les travaux du Traitre Pan… il n’arrivait pas à décrypter ses plans et quand ils les avaient réalisés au premier degré ses plans pour tester, ils ne s’étaient retrouvés qu’avec des petits objets bougeant tout seuls quand on remontait une clé sur leur dos, avec de grandes oreilles ou des détails étranges…
« Faut dire, grand Thalès, à quoi ça sert de faire des automates qui marche tout seul, qui tiennent dans une main de larve et qui fait du bruit ? Enfin, c’était le traitre… il était très étrange… il a fui la ruche sans hésité pour la surface… enfin, avec tout ça, on sera tranquille pour continuer les tests d’explorations temporelles, les humains seront occupés et la Grande Savante satisfaite. »
Quelques temps plus tard, quelqu’un frappa à la porte du laboratoire, assez fort pour tirer Périandre de ses réflexions. Apparemment, le vieux porteur d’emblème majeur rôdait et tentait de savoir ce qui avait causé l’explosion… quel fouineur… surtout qu’il fallait être prudent avec lui… même si cela provoquerait encore plus de chaos dans la création de Sothis, cet homme avait déjà tué trop de leurs agents par rapport à leur production, surtout par un seul inférieur à emblème et son acolyte ratée… même si c’était un inférieur, il faudrait qu’elle reste prudente…
*
« …attends… ça a fini comment ?
Le père Mercier fixa Ludovic, ce dernier tenant son verre en terre cuite entre ses doigts, toujours aussi inexpressif de ton et de visage. Ces traits ne bougeaient pas mais, il commençait à comprendre quand le jeune homme était étonné, énervé, dégouté ou autre… fallait dire, il venait de lui résumer les dernières années du Royaume pour le mettre au parfum. C’était subtil mais, visible quand on faisait bien attention, même si c’était difficile de savoir ce qu’il avait dans la tête. Enfin, même s’il parlait peu, si le tavernier avait bien compris, il travaillait lui-même en politique ou au moins comme administrateur alors, il était assez lucide sur ce qui était bien ou pas, notamment avec cette idée pourrie d’aller se perdre en Duscur qui l’avait complètement atterré.
– Tout le monde est mort… tout le convoi, tous les groupes que je t’ai dits. Les seuls à s’en être sorti, c’est le roi, Lambert, et le petit prince Dimitri.
– Et depuis, c’est le chaos on dirait, gronda-t-il.
– C’est peu dire. C’est surtout que d’après les rumeurs, les caisses royales sont à sec et qu’on a perdu toute la nourriture récolter pour ce voyage pour rien alors, il faut aller chercher de quoi manger ailleurs et refaire les corps d’armée. Parait qu’il a tellement gratté à Gautier que maintenant, les gardes des ports, c’est des paysans qu’on a grimé en soldat. Heureusement que les srengs sont calmes en ce moment sinon, on serait mal au nord. En plus, la femme du margrave est une sreng aussi donc, elle doit calmer les ardeurs de ses camarades.
– Effectivement et on l’espère, même si c’est vraiment grossier comme tactique de déguiser des paysans en soldats, les srengs ne devraient pas se faire avoir longtemps… enfin, ils doivent faire avec les moyens du bords… Et pour le roi et le régent, ils s’en sortent comment ?
Ludovic tient ce qu’il pensait dans son verre. S’il ne se trompait pas, après une telle attaque, Lambert était forcément blessé et Dimitri aussi (Déesse, qu’est-ce qui avait pris à Lambert d’emmener son fils dans ce voyage ?! Il n’avait que treize ans apparemment ! Il était bien trop petit et c’était bien trop dangereux ! C’était évident !). À ce stade, il espérait seulement que Rufus se soit guéri de son égoïsme. Ce gamin détestait prêter ou aider les autres qui n’étaient pas son frère… bon, de ce qu’il avait entendu, c’était mal parti mais, qui savait… après tout, la dernière fois qu’il les avait vus tous les deux, ils tenaient dans ses bras…
– On est bien d’accord. Pour le roi, il est encore blessé alors, c’est son frère Rufus qui gère… Enfin, je crois qu’on a quand même de la chance d’avoir les Fraldarius et les Charon. C’est un des jumeaux, Rodrigue – les deux Fraldarius sont des vrais frères jumeaux – et deux des sœurs Charon, Thècle et Lachésis, tiennent le Royaume comme ils peuvent mais, c’est Rufus qui décide et bordel, c’est le pire régent du monde !
– Pire que Clovis ? Ne put s’empêcher de demander Ludovic, même s’il appréhendait la réponse.
– J’étais pas né mais d’après les grands-mères, pas loin. Il n’écoute rien, il ne pense pas à nous et tout ce à quoi il pense, c’est trouver de l’argent et une armée pour se venger de Duscur tout en se foutant qu’on pleure encore nos morts.
– Il est suicidaire ? Lâcha l’égaré, même si son visage était toujours aussi figé. C’est de la folie de partir à la guerre dans un moment pareil. Je sais qu’on écrase Duscur en temps normal, mais quand même, je n’irais pas crapahuter dans les montagnes alors que tout le monde est sur le point de mourir de disette ou de famine…
– C’est ce qu’on pense tous aussi, les gens raisonnables au palais compris, sauf Rufus et ses sbires et c’est eux qui décident. Au moins, ils n’ont pas le droit de déclarer la guerre tant que le roi est en vie, il est utile pour une fois…
Il leva les yeux en hochant un tout petit peu la tête, malheureusement d’accord avec lui après tout ce qu’il avait entendu.
– Donc, ça fait bientôt trois mois que vous êtes dans cette histoire…
– Ouais, trois mois de galère en espérant que ça se finisse… et t’as à peu près tout… et sinon, tu te souviens de ce qui t’a emmené là ? Enfin, dans cette ruelle dans un nuage de fumée et d’étincelle je veux dire.
Ludovic aurait bien aimé savoir aussi, surtout vu d’où il arrivait… enfin, il ne le croirait pas s’il disait la vérité alors, il mentit, trouvant facilement une excuse.
– J’étais en chemin pour aller à Fhirdiad mais, je me suis fait attaquer par des brigands. J’ai essayé de m’échapper avec un sort de téléportation d’Albinéa mais, soit je me suis loupé, soit il n’était pas au point, et j’ai atterrit ici.
– Puissant le sort si on t’a catapulté de la côte à ici… enfin, ça expliquerait pourquoi t’étais aussi désorienté…
– Oui… au moins, ils n’ont pas eu le temps de voler ma bourse, déclara-t-il en tâtant le sac rempli. J’ai de quoi tenir un moment mais, j’ai intérêt à me trouver du travail. Je devrais aussi vendre mes vêtements pour des plus simples, histoire de ne pas me faire détrousser à nouveau…
– Tu chercherais dans quoi ? Si tu sais lire et écrire, va au palais, ils cherchent des scribes à tour de bras.
– Lire, écrire, compter, je parle et écrit couramment l’albinois, et ma belle-sœur était très érudite, tout comme mon grand frère, ils m’ont appris beaucoup de chose sur l’histoire du Royaume et une partie de son administration, c’est toujours utile.
– Oui, surtout qu’ils ont beaucoup de relations avec nous depuis le bon roi Ludovic. Ah… le père Mercier soupira, nostalgique. On avait un roi avec une tête qui fonctionnait et qui pensait à nous tout le temps… c’était le bon temps… c’est triste qu’il ait été emporté par la tuberculose aussi vite, c’était un bon souverain. Surtout qu’il n’est pas mort vieux celui-là, je crois qu’il avait la petite quarantaine, et encore, à peine… c’est tragique comme sort… il doit rougir de honte dans sa tombe vu le comportement de ses fils…
– C’est sûr, surtout qu’il n’a surement pas dû arriver à mener à bien plusieurs de ses projets ou des réformes pour le Royaume. J’avais lu un livre qui disait qu’il voulait instaurer la monarchie élective, justement pour éviter d’avoir des mauvais rois. Bon, il devait penser à éviter un autre Clovis à la base mais, il a dû ajouter ces enfants à la liste… quel déchéance… soupira-t-il, bien d’accord avec le tavernier à son grand désarroi mais, c’était ainsi. Enfin bon, il faut faire avec. Merci beaucoup pour le verre et pour m’avoir tout expliquer en tout cas.
– T’en fais pas, c’est normal petit. Enfin, tu sais où tu vas dormir au fait ? Si on te prend au palais, tu pourras te débrouiller pour le rationnement mais, ça va être compliqué de trouver une pièce à louer en aussi peu de temps. Si tu veux, tu peux dormir ici le temps de trouver mieux. Les voyageurs, c’est pas ce qui courre les rues en ce moment…
– Merci beaucoup Père Mercier, cela m’aiderait bien en effet. Je pourrais vous donner un coup de main, je suis plutôt fort, même si je vais devoir me limiter pour ne pas trop attirer l’attention.
– Oui, je m’en doute, on voie que tu es musclé ! Ria-t-il en montrant ses bras. Allez, marché conclu ! On a tous besoin de bras en ce moment alors, même s’ils ne te prennent pas au palais, avec tes capacités, tu devrais trouver du boulot facilement !
– Je l’espère… même si je préférerais de loin trouver au palais, ça me permettrait d’être dans les premiers au courant des grandes décisions, cela pourra toujours être utile, surtout qu’il va falloir intervenir aux vues de la situation. Il faut déjà que je me fonde plus dans la masse et si possible, que je me fasse connaitre des autres mécontents. La situation a l’air explosive à première vue mais, il faut voir si la majorité est énervée ou résignée…
Ludovic se levait pour aller au palais, quand une femme entra en trombe, hurlant comme une folle des mots incompréhensibles. Les deux hommes durent la calmer un peu avant qu’elle puisse s’expliquer.
« Un loup ! Un loup de cendre vient de sortir du palais et de la ville ! Et tu ne devineras pas la pire ! Il avait les yeux du seigneur Rodrigue ! Il parait que c’est lui ! Il s’est transformé en loup de cendre ! Même la Déesse nous punit ! »
« Bon, d’accord, j’irais chercher le travail quand tout ce sera calmé. Et qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Braves, par pitié, qu’il ne soit rien arrivés aux jumeaux ! Faites-le pour Guillaume et Aliénor… »
*
Le lendemain, Ludovic se rendit au palais, habillé avec des vêtements plus simples achetés le matin même. Ainsi, il ressemblait à un petit marchand ou quelqu’un qui avait surement reçu une bonne éducation, et il avait assez de manière pour donner le change. Il faudrait qu’il fasse attention à s’adapter à son statut de roturier et éviter de répondre mais bon, il était habitué à faire profil bas pour mieux frapper après.
Il se présenta à la responsable du château qui l’embaucha tout de suite sans poser de question, juste après une dictée et des exercices rapides de calculs pour vérifier le minimum de ses capacités, et on le mit encore plus vite au travail à la trésorerie. Si les rumeurs étaient vraies, tous les scribes et domestiques étaient très vite essorés à cause de la mauvaise gestion de Rufus, même les plus hauts placés comme le duc de Fraldarius… par les Braves… si la rumeur était vrai… enfin, il devait commencé par le commencement et comprendre ce qui se passait dans le Royaume en premier…
Déesse… en quelques heures, le jeune homme ne put que constater que les chiffres n’étaient clairement pas bons… il croirait voir les relevés de compte de Clovis… enfin, il ne fallait rien montrer pour durer, et ce poste était idéal pour connaitre la solidité du pouvoir.
Il étudiait les comptes des levées en masse d’homme et de vivre, prélevés de force sur les autres fiefs, quand ces collèges de travail tentèrent de discuter avec lui alors qu’on leur livrait leur repas, bien rationné, le faisant abandonner ces comptes à contre cœur. Apparemment, tout allait à la capitale mais visiblement, la nourriture était entreposée pour une campagne militaire… vu la situation, ça devait être contre Duscur… comme si le Royaume avait les épaules assez solides pour ce genre de folie, surtout sans preuve que c’était bien eux les coupables…
« …Donc, tu as vécu à Albinéa pendant des années, tu peux nous dire quelque chose en albinois ? Demanda un des plus jeunes.
–Réfléchis, il le parle couramment, il doit savoir tout dire ! Rétorqua une autre. Et de toute façon, personne ici ne pourra le contredire sans demander aux gens de la chancellerie, on en pipe pas un mot !
– Kyllä, puhun sitä sujuvasti, mutta en ole koskaan päässyt eroon aksentistani. « Oui, je le parle couramment mais, je ne suis jamais arrivé à me dépêtrer de mon accent », répondit Ludovic.
– Ah ! C’est particulier comme langue ! S’exclama-t-il avec enthousiasme. J’aimerais bien apprendre !
– Quand on aura deux secondes à nous, et après une bonne sieste et un vrai repas, répliqua encore une autre.
– J’ai entendu dire que la cadence de travail est très difficile à suivre, observa le nouvel arrivant l’air de rien.
– A ça… c’est peu de le dire mais bon, ici, on ne dit rien, c’est des discussions de taverne.
Ludovic hocha la tête en finissant de racler son assiette de soupe, notant tout dans sa tête en déclarant :
– Merci pour ce repas.
– T’inquiète, c’est normal, tu vas souvent passer du temps ici.
– D’accord.
– Et bé, les expressions faciales, ça a pas l’air d’être ton truc, fit remarquer un de ses collèges, d’âge moyen, en le fixant. Ton visage ne bouge pas depuis tout à l’heure.
– Je sais… je n’ai jamais été très expansif ou expressif, c’est un caractère, louvoya-t-il sans plus de précision. J’ai essayé de corriger cela mais, c’est tel que la Déesse m’a fait.
– T’inquiète. En tout cas, hésite pas à dire si quelque chose ne va pas mais que… tu sais, on ne le voie pas ?
– Bien sûr…
Les agents du trésor se remirent au travail, Ludovic étudiant attentivement ces relevés de compte parlant de ces prélèvements. Une partie de ce qui était déclaré aux portes d’octroie semblait disparaitre au bout de quelques jours en réserve… ça sentait soit le détournement, soit le marché noir, soit les deux… il faudrait qu’il pose les bonnes questions aux personnes nécessaires pour ça… la taverne du père Mercier lui sera très utile pour cela.
Il faisait mine d’apprendre comment fonctionnait la trésorerie quand un homme bien nourri entra dans l’étude, visiblement furieux. Le cœur de Ludovic s’arrêta quand il le reconnut… il avait tellement changé, c’était un homme maintenant… dire que la dernière fois qu’il l’avait vu, il…
Rufus hurla toujours aussi fort quand ses yeux tombèrent sur Ludovic, devenant très pale avant de s’empourprer à nouveau de rage.
« Toi ! T’es qui toi ?!
– Ah ! Votre Altesse, nous vous présentons Ludovic Hange, il va travailler avec nous désormais, lui expliqua la cheffe de la trésorerie.
– Alors, vous m’apportez les rapports dans mon étude ! Et que ce ne soit pas lui qui les apporte ! Je ne veux pas le voir ! Et toi, tu n’as pas intérêt à croiser ma route, me suis-je bien fait comprendre ?!
– Bien sûr Votre Altesse, répondit calmement le principal intéressé, remerciant son manque d’expressivité de cacher à quel point son attitude lui faisait mal.
– T’as intérêt ! »
Et il repartit en claquant la porte, sans expliquer pourquoi il était venu à la base. Tout de suite, ses collègues se pressèrent autour de lui, le félicitant sans qu’il comprenne pourquoi, soulagé.
« Merci ! Merci ! Tu es une bénédiction !
– On va enfin pouvoir travailler tranquille !
– Les autres services vont être jaloux !
– Qu’est-ce qui vient de se passer ? C’était le régent ? Il a l’air bien nourri…
– En fait, Son Altesse Royale Rufus vient souvent nous engueuler car, on ne fait pas notre travail correctement mais, c’est surtout qu’on manque de bras et qu’on a pas le temps, ou même l’énergie parfois quand on enchaine les nuits blanches et les repas de misère. Alors, s’il ne veut plus mettre les pieds ici, ça nous arrange, on va pouvoir travailler tranquille ! Et laisses tomber pour le côté bien nourri, c’est le type qui mange le plus à Fhirdiad, il se moque du rationnement et se goinfre toujours autant qu’avant la Tragédie… même s’il préfère un autre genre de bonne chair.
– Je peux faire le tour des services si cela rend service, proposa-t-il, autant pour les aider que pour en apprendre plus un peu partout. Mais il est toujours comme ça avec tout le monde ?
– Je suis sûr que les autres seraient ravis d’avoir des jours de paix ! Et on ne le voyait jamais avant, il se foutait de la politique. Tout ce qui l’intéressait, c’était de s’amuser, surtout avec les joies de la chair si tu voies ce que je veux dire.
– Oui, et il fait bien ce qu’il veut tant que tout le monde est consentant. Enfin, là, il a l’air d’être occupé à autres choses que sa luxure…
– Ouais mais, depuis que Lambert est gravement blessé, c’est lui le régent. Il ne l’a pas jarreté de sa place alors, on est obligé de se coltiner et il agit en tyran. Nous aussi, on préférerait qu’il conte fleurette à on ne sait qui mais, il a viré complètement fou et il a très peur du complot alors, il est persuadé d’être le seul à pouvoir protéger son petit frère. Résultat, il épuise tout le monde et veut nous emmener dans une guerre avec Duscur pour se venger.
– J’ai vu ça dans les comptes effectivement… cela semble bien imprudent… mais bon, je ne suis pas le roi ou même le régent, qui suis-je pour savoir… » ironisa-t-il un peu, même si son cœur était en lambeaux…
Alors, ce serait ça leur futur… de tout ce qui était possible en ce monde, ils…
Ludovic se força à se reprendre. Même si tout ceci lui arrachait le cœur, ce n’était pas le plus important. Même s’il avait visiblement raté, il savait ce qu’il allait faire de toute façon. Le Royaume devait toujours passer en premier, quoi qu’il lui en coute et même s’il devait s’arracher le cœur pour les combattre eux aussi… il n’était pas à son coup d’essai après tout…
*
Rufus fulminait… se transformer en loup… et alors que le grand-duc Riegan était encore là… après s’être évanoui pile devant lui… ce foutu Rodrigue aura vraiment tout fait pour ruiner leurs relations avec l’Alliance ! Il leur aura tout fait jusqu’au bout ! Et comment il s’y était pris pour se transformer comme ça ?! Même Cornélia n’en avait aucune idée !
« Enfin, il est trop ami avec cette barbare de Fregn et les srengs sont capables de se transformer en animal… qu’elle lui ait montré comment faire ne m’étonnerait pas… »
Une fois une lettre envoyée à Kleiman pour parler de tout ceci et avoir ordonné au bureau des missives qu’aucune lettre de fraldarien ne devait être sortir du palais si elle mentionnait cette transformation, il se mit à s’arracher les cheveux sur la situation, quand il entendit la voix de Gustave appelé quelqu’un. Le régent sortit pour lui dire d’engueuler les domestiques ailleurs, quand il comprit mieux pourquoi il paniquait comme ça !
« Votre Majesté, je vous en prie ! Vous êtes encore blessé !
– Non, ce n’est rien, je ne peux pas rester coucher tout le temps. Pas quand Rodrigue…
Lambert était debout dans son étude, en train de sortir des papiers et du matériel d’écriture, même s’il tremblait encore à cause de ses blessures et qu’il devait s’appuyer sur une canne pour rester debout. C’était pas vrai ! Il n’avait rien à faire là !
– Il a raison, intervient Rufus. Tu as failli te faire décapiter et d’accord tes brûlures commencent à bien guérir mais, tu as quand même failli y rester. Tu devrais encore te reposer un peu avant de reprendre le travail.
– Vous ne disiez pas ça à Rodrigue visiblement, répliqua-t-il plus faiblement qu’à son habitude, trop épuisé pour trop leur tenir tête. Lui aussi était à bout de force, et il devait quand même travailler jusqu’à épuisement… argh… dire que je ne m’en rendais même pas compte… et à cause de ça… et Déesse ! Il était épuisé au point de croire qu’on lui avait volé Félix et Alix ! Je n’étais même pas au courant qu’ils lui manquaient autant !
– Ce n’est pas ta faute Lambert, c’est lui qui n’a pas su s’arrêter ou utiliser correctement ses forces, et c’est pour ça qu’il s’est épuisé alors que tout le monde tient encore, répéta encore Rufus.
– Car on lui a laissé le choix ? C’est toi qui m’as encouragé à dire qu’il devait rester ici ! Je pensais que ça l’aiderait s’il pouvait se reposer tranquillement au palais sans devoir faire autant de route ! Pas que ça le ferait encore plus souffrir ! Encore moins au point de le transformer en loup pour rejoindre sa famille ! Pourquoi vous ne m’avez rien dit ?!
– Nous voulions vous préserver Votre Majesté, lui assura Gustave avec compréhension, et Lambert se demanda s’il l’avait été autant avec Rodrigue. Vous étiez très faible, nous ne voulions pas vous inquiéter et vous fatiguer plus que nécessaire.
– Et je vous en remercie tous les deux. Cependant, je ne peux pas rester dans ma chambre à dormir comme ça, encore moins après que Rodrigue se soit épuisé à la tâche comme ça… au point que… » Il secoua la tête en repensant à son ami, son corps qui se déformait après lui avoir hurlé tout ça, son visage qui se déformait mais qui n’était marqué que par une seule émotion avant qu’il ne fasse place à ce loup noir… cette émotion… c’était… il admit, essayant de ne pas trop penser à cela, lui rappelant trop la réalité des choses. « C’est moi le responsable de toute cette histoire après tout, il faut bien que je travaille aussi pour résoudre la situation…
Rufus soupira devant son obstination. Comme si c’était comparable ! Rodrigue était le vassal qui devait obéir et tout faire pour le Royaume au lieu de faire des crises de colère ! Lambert était le roi ! Il était ce qui tenait Faerghus en entier ! Et il avait failli y rester à Duscur lui ! C’était pas juste un peu d’épuisement comme ce bon à rien ! Son petit frère avait été à deux doigts de se faire décapiter ! Il devait encore se reposer un peu avant de retourner travailler ! Cependant, Lambert fit sa tête de mule et insista pour reprendre le travail maintenant ! Mais quelle tête de pioche quand il s’y mettait !
Rufus et Gustave tentaient en vain de le convaincre de continuer à se reposer, quand un scribe que Lambert ne connaissait pas entra dans la pièce après avoir frappé deux coups. Dès qu’il le vit, Lambert crut que ces yeux lui jouaient des tours… cette silhouette… ses yeux vairons… ce visage impénétrable… on aurait dit Ludovic tel qu’il était représenté sur son grand portrait de couronnement ! C’était fou une telle ressemblance ! Enfin, Clovis avait eu tellement de maitresse que personne n’avait aucune idée du nombre de bâtard qu’il avait pu engendrer… certains disaient même qu’il en avait eu un dans chaque ville de Faerghus donc bon, c’était peut-être un de ses nombreux petit-fils… c’était juste…
Rufus s’empourpra en voyant l’homme, lui hurlant après, surement aussi rude avec lui à cause de la ressemblance avec Ludovic.
« Quoi ?! Qu’est-ce que tu veux toi ?!
– Veuillez m’excuser mais, un messager de Charon est arrivé. Il a reçu l’ordre de Dame Cassandra Rubens Charon de remettre en main propre au seigneur Rodrigue Achille Fraldarius la missive qu’elle lui a adressé en tant que cheffe de sa famille. Il nous informe aussi que cette lettre attend une réponse. Je suis simplement venu demander ce que vous comptiez faire étant donné qu’il a disparu. Il a également une lettre de la part du seigneur Félix Hugo Fraldarius pour son père, ainsi qu’une autre pour Sa Majesté le roi de la part de Son Altesse Dimitri.
Et merde ! Il ne manquait plus que ça ! Qu’est-ce que Cassandra pouvait bien vouloir à Rodrigue ?! Et pourquoi elle dégainait sa position comme ça ?! Ce n’était pas son genre ? Elle devait vraiment vouloir une réponse si elle écrivait ainsi, on devait toujours répondre à ce genre de sollicitation. Enfin, au moins, ça confirmait que les lettres de Rodrigue ne disparaissaient, il n’y en avait juste aucune qui était envoyé… même si c’était étrange… mais ça restait la seule explication logique.
Prenant les choses en main, Lambert répondit tout de suite.
– D’accord, je m’en charge.
– Non Lambert, laisse-moi faire. Toi, tu dois…
– Ça concerne Rodrigue alors, je dois m’en occuper après ce que je lui ai fait… et ce n’est pas négociable, insista-t-il avant son grand frère. En plus, c’est la famille d’Héléna…
Rufus râla mais, Lambert le dépassa clopin-clopant sur sa canne, suivant cet étrange serviteur. Déesse… même être à côté de lui faisait le même effet qu’avec Ludovic ! Il n’avait pas la même manière de se tenir, il n’était pas toujours bien droit, le regard droit devant lui comme s’il pouvait lire l’avenir pour tracer sa route comme il le souhaitait mais, cette impression restait… l’impression d’être tout petit… la distance… la froideur… bien malgré les efforts de Ludovic pour plus montrer ce qu’il ressentait, il avait toujours été un homme très impressionnant… Lambert n’était jamais arrivé à comprendre vraiment ce qui se cachait derrière ce visage imperturbable…
« Comment vous appelez-vous ? Demanda-t-il quand cette impression devient trop insupportable. C’est la première fois que je vous voie ici…
– … Ludovic Hange Votre Majesté. J’ai été embauche il y a peu de temps, au lendemain du jour où le loup de cendre a traversé la ville.
– Ludovic Hange, répéta-t-il en essayant de garder son calme. Ludovic est mort il y a quatorze ans et il ne pourrait pas être à peine plus vieux que Dimitri… et c’est un nom courant Hange… c’est le nom qu’on donne aux enfants abandonnés en souvenir du roi Loog qui était bâtard… du calme. Et oui, le loup de cendre… j’en ai entendu parler aussi…
Le regard de l’homme glissa lentement sur lui, ses yeux comme deux billes de glaces roulant lentement dans ses orbites. Ça, c’était le regard « je sais que tu mens, assume ce que tu as fait » de son père quand il faisait une bêtise ! Déesse ! Il savait que ce n’était pas Ludovic mais, c’était dur de s’en souvenir !
– Tout le monde en a entendu parler. Les rumeurs vont surement courir bon train dans tout le Royaume, déclara-t-il l’air de rien.
– Peut-être pas assez vite pour que je ne puisse retarder l’inévitable… il ne faut surtout pas qu’Alix ou Félix le sachent !
Lambert se tut à son tour, même si Ludovic souffla, presque pour lui-même.
– On s’en sort toujours grandi quand on assume ses erreurs afin de les réparer.
Il fit comme s’il n’avait rien entendu, ne voulant surtout pas provoquer une catastrophe avec Alix s’il apprenait ce qui était arrivé à Rodrigue… et Déesse, Félix aurait le cœur brisé en mille morceaux s’il était au courant !
Une fois qu’il eut récupéré les lettres en vitesse, il retourna dans son étude pour les lire. Heureusement, Gustave et Rufus avaient battu en retraite entre temps, le roi serait tranquille pour les lire.
Il commença par découvrir la lettre de son fils, souriant en apprenant que Dimitri se remettait un peu plus chaque jour. Il lui faudrait encore du temps pour pouvoir se relever sur ses jambes mais, il était sûr qu’il pourrait de nouveau marcher dans peu de temps ! Il guérissait déjà si vite !
Cependant, son sourire s’effaça en lisant un des derniers paragraphes avant la fin, fondant sur place.
« Dit papa. Je sais que c’est Rodrigue qui écrit tes lettres – Félix a reconnu son écriture quand il lit celles que tu me fais – et on a plus aucune lettre personnelle de sa part depuis des semaines alors, je te le demande à toi : est-ce qu’on pourrait avoir des nouvelles de lui s’il te plait ? J’aimerais savoir comment il va, Félix m’a dit qu’il était très malade et fatigué quand nous sommes partis alors, je m’inquiète pour lui… Vous pouvez mettre à la fin de chacune de tes lettres un petit passage pour dire comment va Rodrigue s’il le veut bien ? »
Attendez… quoi ? Dimitri et Félix ne recevaient plus de lettre de Rodrigue ? Mais… mais il était persuadé qu’il correspondait avec son fils autant qu’avec Alix ! Ce n’était clairement pas normal !
Cela ne s’arrangea pas avec le paragraphe suivant, rédigé par Félix et qui demandait la même chose.
« …Si tu ne veux pas répondre à mes lettres, tu répondras au moins à celle de Dimitri ! Pourquoi tu ne m’envoies plus rien depuis des semaines alors que je t’en envoie ?! Et pourquoi tu n’envoies plus rien à Alix ?! Ce n’est pas ton genre ! Qu’est-ce qui se passe ?! »
Lambert se mit à paniquer en lisant cela, encore plus après avoir réussi à décrypter la lettre personnelle du cadet de son ami avec un miroir, racontant la même chose sur le même ton. Félix lui écrivait encore des lettres ?! Il n’avait pas de raison de mentir comme ça ! Et la lettre de Cassandra, c’était le pompon ! Ils ne recevaient tellement plus rien de la part de Rodrigue à part les lettres officielles, qu’elle lui demandait officiellement les raisons de son silence ! Qu’est-ce que c’était que cette histoire ?! Qui aurait intérêt à voler le courrier de Rodrigue, Félix et Alix entre eux ! C’était surement des lettres très intimes en plus ! Les jumeaux se disaient tout ce qu’ils ne pouvaient pas dire à d’autres, et celle de Rodrigue pour Félix devaient déborder de son amour pour son fils ! Qui pourrait vouloir les voler pour ne pas les lire ou pire, les lire et regarder dans leur intimité comme ça ?!
Enfin, raison de plus pour qu’ils ne sachent pas ce qui était arrivé à Rodrigue. Ils s’inquiétaient suffisamment comme ça !
Lambert attrapa donc un papier et rédigea le brouillon de réponse pour Cassandra, il demanderait à la chancellerie de le recopier en y mettant les formes. Pour Félix, il la rédigerait en imitant l’écriture de Rodrigue histoire qu’il ne se doute de rien, il n’avait qu’à écrire très mal pour que ça passe. Enfin, il écrivit sa réponse à Dimitri avec son écriture normal.
Quand il apporta la lettre à recopier à la chancellerie et les deux autres signés, ce fut de nouveau Ludovic qui l’accueillit.
« Faites recopier cette lettre comme une missive officielle pour Cassandra Rubens Charon de la part de Rodrigue Achille Fraldarius.
– C’est pourtant vous qui l’avez écrite, fit remarquer l’homme en la prenant tout de même.
– Oui mais, c’est mieux si elle ne sait pas que… que vous savez quoi…
Ludovic parcourut la lettre en vitesse.
Il avait aussi le même regard lourd de déception que son père…
Lambert l’ignora comme il l’avait fait souvent, puis retourna travailler en priant pour qu’on retrouve vite Rodrigue…
*
Rodrigue s’approcha doucement, sans un bruit, puis sauta d’un coup sur le lièvre avant qu’il ne puisse le repérer. Il le tua d’un coup de croc dans la nuque puis, alla le manger tranquillement au soleil. Il avait couru toute la journée hier afin de mettre le plus de distance possible entre lui et sa prison, tout en brouillant les pistes pour que ses geôliers ne le retrouvent pas, puis il s’était caché pour dormir alors, il était affamé ! Il avait alors pris un peu de temps pour chasser, sentant les proies tout autour de lui. Une fois ce lièvre dévoré, il devrait pouvoir tenir un moment avant d’avoir à nouveau faim aujourd’hui.
Le père arracha un morceau de viande qu’il mastiqua en faisant le point : il savait que son petit avait remonté la rivière et était dans cette direction mais, son odeur était ténue. Il arrivait à localiser où il était de tête, comme si on l’appelait dans ce sens-là et pas ailleurs, l’eau dans son sang lui indiquant le chemin à suivre. Au moins, il ne perdrait pas sa trace mais, même s’il savait que c’était à cause de l’âge de la trace, la sentir aussi peu forte l’inquiétait. Son petit était si loin ! Comment il avait pu le laisser être emmené là-bas ?! Rodrigue savait que la meute qui s’en occupait était de confiance mais, le voilà sans nouvelles depuis des semaines ! Il aurait dû l’envoyer en sécurité chez son frère !
Une fois qu’il ne restait plus que les os et la peau de sa proie, le père se lécha les babines avant de se remettre en route, quand il entendit un cri de détresse avec un bruit de chute. Il crut d’abord que c’était un de ses poursuivants mais, l’odeur ne correspondait pas, ça ne sentait pas la poussière et la prison… et cette personne semblait avoir besoin d’aide à l’ouïe…
Rodrigue se dirigea alors vers l’origine du bruit, traversant plusieurs buissons avant d’arriver dans un passage étroit où était creusé une grande fosse à gibier. Coup classique : un trou avec des pieux en bois où la proie tombait et ne pouvait pas remonter, simple et efficace. Enfin, ce n’était pas un cerf ou un autre loup qui était au fond de ce trou mais, un humain adulte qui pleurait. Sa jambe était empalée sur un des pieux, ça devait lui faire mal.
En voyant son ombre, l’humain crut que c’était un de ses congénères mais, blêmit en le voyant, mort de peur. Bloqué à cause du pieu et au fond du trou, il tenta de lui envoyer une pierre sur lui en criant.
« Aaaaahhhh !!!! Un loup ! Va-t-en ! Je ne suis pas mangeable ! Allez ! Part sale bête ! »
« Pourquoi il crie comme ça ? Se demanda Rodrigue en évitant facilement le projectile. Comme si j’allais le manger, c’est meilleur le lièvre… même si j’aimerais bien attraper un faisan… pour quand je retrouverais mon petit, c’est son plat préféré… »
Enfin bon, il faisait du bruit et s’il restait dans cette fosse, il allait soit mourir de froid, soit exsangue alors, il fallait le sortir de là. Le père tâta la dureté du sol et quand il trouva un endroit où il n’avait rien à craindre, il se pencha suffisamment pour attraper l’épaule de l’homme et le tirer vers le haut. Si c’était assez profond pour piéger un loup normal, Rodrigue faisait deux fois leur taille, c’était un jeu de louveteau de récupérer quelque chose d’aussi grand qu’un humain adulte dans ce trou.
Le piégé se débattit en couinant encore, même quand il se retrouva sur le sol normal, mort de peur. Il le suppliait encore de ne pas le manger, ne comprenant visiblement pas quand Rodrigue bougea ses oreilles et son visage pour lui dire qu’il n’avait pas faim. Il hurla de plus belle quand le père passa son museau sur sa plaie. Les pieux étaient fins mais, tout de même assez épais pour blesser ou tuer, ça avait fait pas mal de dégâts. Enfin, ça se réparerait bien…
Se remémorant comment il faisait pour soigner les blessures de son petit, le père passa sa langue sur le trou, laissant sa magie se déverser à l’intérieur pour réparer vaille que vaille les dégâts. Lune ! Comment les humains pouvaient penser que qui que ce soit voudrait les manger avec un gout pareil ?! Il lui faudrait toujours un médecin mais au moins, le blessé ne devrait pas mourir exsangue tout de suite.
« Ma… ma jambe… elle… c’est… c’est toi qui… ? Bégaya-t-il en passant sa main dessus, regardant Rodrigue, complètement incrédule.
– Oui. Enfin, tu ne vas pas pouvoir marcher comme ça… »
Il l’empoigna de nouveau par les épaules sans y mettre les dents mais, comprit vite qu’il ne pourrait pas le tirer jusqu’à chez lui ainsi, il pesait trop lourd et il criait trop comme ça… Rodrigue se coucha donc à côté de l’humain, puis lui fit signe de se mettre sur son dos. De plus en plus étonné, le male humain se mit bon an, mal an sur lui, s’accrochant à son épaisse fourrure. Vu qu’il ne glissait pas quand Rodrigue marchait tout en veillant à ne pas perdre son chapelet, ils partirent comme ça.
« Mon village est par-là, lui indiqua-t-il, le père suivant ses instructions sans souci. C’est… c’est fou… loup… Rodrigue tourna un peu la tête pour le regarder. Tes yeux ressemblent à ceux des humains… est-ce… grand loup… est-ce que tu es un loup de cendre ? Un envoyé de la Déesse ?
– Non, juste un père qui cherche son petit… »
Il le ramena sans souci chez lui, dans les tanières construites avec des pierres et de la terre. Les autres humains se mirent à hurler en le voyant mais, celui sur son dos leur cria en retour.
« Ne vous en faites pas ! C’est moi ! Ce loup divin m’a sauvé ! Ne lâchez pas les chiens !
Heureusement, les autres humains se calmèrent, laissant Rodrigue leur ramener leur compagnon de meute. Ils se mirent à le tirer de son dos, un médecin arrivant vite pour s’occuper de la jambe du blessé qui racontait tout ce qui s’était passé dans la forêt. Il demanda même qu’on lui apporte de l’eau.
– … c’est un envoyé de la Déesse, je vous le dis ! Il m’a tiré de la fosse à gibier du seigneur et il m’a soigné d’un coup de langue ! Comme par magie ! Il ne faut rien lui faire !
– Ce n’est rien… et puis ce que je vous dis que je ne suis pas un envoyé de cette Déesse, mais un père ?
Il allait partir, quand le blessé posa ses mains sur ses joues en lui promettant.
– Je vais faire tourner qu’il ne faut pas s’en prendre à toi. Je le jure, aucun loup noir aussi grand que toi n’aura rien. Merci loup, merci… et une seconde…
Il attrapa sa patte droite, enlevant son chapelet pour lui mettre autour du cou, soufflant avec un sourire.
– Je voyais que tu faisais tout pour le garder autour de ta patte, tu ne le perdras pas comme ça… merci encore, et continue bien ta route Loup Bienveillant…
– Vous aussi, et merci pour l’eau… »
Rodrigue repartit alors dans la forêt, content d’avoir pu aider quelqu’un, puis reprit le chemin vers son petit.
Quand la nuit tomba, alors qu’il s’installait sous un rocher pour dormir, le père ne put s’empêcher de contempler la lune, luisant dans le ciel comme une luciole géante. Elle était si belle… comme la chanson dans sa tête… il se mit alors à chanter dans sa direction, priant pour que son souhait se réalise et qu’en attendant, cette berceuse arrive à l’oreille de son petit…
*
« …pas la peine de te donner tout ce mal.
– Si ça te change les idées, ça ne me gêne pas. Si ça te gêne…
– Non, c’est mieux que de tourner en rond quand y a personne avec qui s’entrainer…
Félix bougea son pion sur le plateau, jouant le renard dans le jeu alors que les poulets de Dimitri l’esquivaient, Fleuret sur les genoux de son ami ronronnant sous les caresses légères. Il préférait jouer ou s’entrainer dehors d’habitude mais, le jeune garçon piaffait tellement qu’il n’arrivait même pas à rester patient plus de deux minutes avec qui que ce soit. Il n’y avait que Dimitri pour le supporter quand il était d’aussi mauvaise humeur… Dimitri ou Cassandra mais, plus parce qu’elle était immunisée contre ses grognements et de toute façon, elle n’était pas là, elle faisait sa patrouille habituelle dans les montagnes.
« Ça ne fera pas arriver le messager plus vite de grogner tout seul comme ça tu sais, » lui avait encore fait remarquer l’épéiste en le posant à part le temps qu’il se calme. Elle en avait de bonnes !
Enfin, vu que Dedue avait du mal à laisser Dimitri tout seul depuis qu’il avait été empoisonné, la présence de Félix le convainquait souvent de sortir et de s’occuper uniquement de sa sœur ou de lui-même, ou de suivre les cours d’une des cousines Charon, Varvara – ou Véra vu que tout le monde avait des surnoms ici – qui leur apprenait le fodlan. Même si ses blessures se refermaient et qu’il arrivait à rester éveillé et conscient plus longtemps, Dimitri n’avait pas encore le droit de bouger de son lit, ou seulement en chaise roulante et encore. Alors, les deux amis passaient le temps en jouant à des jeux de plateaux ou aux cartes. En plus, ça faisait une occasion pour Dimitri de cajoler Fleuret sans que celui-ci ne s’enfuisse alors, c’était mieux pour tout le monde.
– Il doit arriver d’un jour à l’autre si tout va bien, ce sera vite là, lui rappela le blond en bougeant une de ses poules. En plus Cassandra lui a aussi écrit alors, il sera obligé d’au moins répondre à ses questions.
– Si tout va bien et qu’il ne tombe pas sur de la pluie ou autre chose… et même s’il est à l’heure, c’est encore trop long… enfin bon, c’est comme ça j’imagine… une de plus de gobée.
– Oui mais, je t’ai bloqué, lui fit observer le blond, le pion de Félix complètement encerclé par les siens.
Le plus jeune grogna mais, admit sa défaite, il était nul à ce genre de jeu de toute façon, il avait du mal en stratégie. Dimitri ne cocoricota pas non plus et proposa à la place.
– On joue à la bataille ?
– Tu veux perdre ? » Répliqua Félix, Dimitri n’ayant aucune chance avec les jeux de cartes. Il avait toujours une main terrible, alors une bataille ou même une pêche… même pas la peine d’y penser, c’était partir gagnant d’avance. « On peut jouer à la briscola sinon, j’y joue tout le temps avec Ivy quand elle vient à la maison et qu’on ne peut pas sortir.
– D’accord, si tu me réexpliques les règles, accepta-t-il sans souci en l’aidant à ranger les pions. Je crois que Dedue a laissé le jeu de carte sur le bureau la dernière fois, j’ai essayé de leur apprendre le roi-deux l’autre jour. Il faudra qu’on fasse un barbu tous ensemble une prochaine fois.
Félix hocha la tête, prenant le plateau et le sachet de jetons dans ses mains. Il les rangea à leur place, retrouva le jeu de carte, puis retourna auprès de Dimitri, serrant les dents. Il avait mal à la tête depuis quelques jours et un peu de fièvre mais, ce n’était rien de grave. Il était allé voir le médecin au cas où pour ne pas contaminer Dimitri s’il était malade mais, il n’avait rien. C’était juste l’impatience et l’angoisse qui faisait ça donc, pas la peine de trop s’en faire, même si la guérisseuse lui avait dit de revenir si ça durait trop. Il suffisait que cette foutue lettre arrive enfin et ça irait mieux après, c’était tout. Son père lui dirait enfin qu’il n’avait pas le temps d’écrire ou qu’il s’en fichait de ses lettres ou autre chose puis, Félix pourrait passer à autre chose.
« Arrête de mentir sur ça, ça ne t’avancera à rien et on a tous remarqué que tu veux juste des nouvelles de Rodrigue. »
Il repoussa autant que possible la remarque de Cassandra au fond de son esprit.
Les deux amis étaient à quatre à trois en la faveur de Félix à la briscola, quand Cassandra arriva avec un paquet de lettre dans les mains, sa queue de cheval encore humide après être passé dans les nuages pendant sa patrouille.
« Livraison de courrier pour vous deux ! J’ai aussi ma réponse donc, on devrait être fixé pour de bon !
Le magicien abandonna tout de suite son jeu pour aller prendre sa lettre plus vite, la tournant en vitesse pour faire sauter le sceau en voyant le double destinataire alors qu’il se rasseyait sur le lit de Dimitri, chacun récupérant sa lettre. La chancellerie le réécrivait toujours afin d’être sûr que le messager pourrait le relire, Rodrigue écrivait souvent trop mal pour être lu rapidement, même si quelque chose le dérangea un peu avec juste ce regard rapide dessus. Il comprit pourquoi en l’ouvrant, le problème lui sautant tout de suite aux yeux.
« C’est pas l’écriture de mon père…
– Tu es sûr ? Lui demanda Dimitri alors qu’il décachetait la sienne mais, il avait moins l’habitude que lui de lire Rodrigue, c’était plus difficile de voir la différence, même si elle se voyait comme le nez au milieu de la figure.
– Non… quelqu’un a tenté d’imiter ses pattes de mouches mais, c’est pas les siennes. Je le sais, on a les mêmes ! C’est même quelqu’un qui doit écrire de la main droite qui l’a imité ! On écrit à l’envers d’habitude car c’est plus pratique quand t’écris de la main gauche mais là, c’est écrit à l’endroit ! C’est pas mon père qui a écrit cette lettre ! S’écria-t-il en commençant à paniquer, même s’il fit mine de garder son calme en râlant. Il doit vraiment s’en ficher complètement s’il la fait écrire par quelqu’un d’autre !
– Hum… c’est pas lui non plus qui a écrit ma lettre aussi, c’est plus l’écriture de mon père, même si elle tremble beaucoup… souffla Dimitri en lui montrant sa missive.
– Et pareil de mon côté j’imagine, l’écriture est vraiment trop propre comparé à la tienne, marmonna Cassandra en retournant sa missive, rédigé avec un scripte trop net pour que ce soit Rodrigue ou même Alix – et comment Alix aurait pu écrire une lettre venant de Fhirdiad alors qu’il est à Fort Egua ?! – qui l’ait écrite.
« Mais qu’est-ce qui se passe à la fin ?! »
En lisant sa lettre, son angoisse et son mal de tête ne firent qu’empirer de concert. Rien… rien ne sonnait comme son père… il lui expliquait qu’il était un peu malade alors, il ne pouvait pas trop écrire mais qui lui écrirait plus pour ne pas l’inquiéter mais, ce n’était pas son père ! Ce n’était pas sa manière d’écrire ou de parler et même la forme des mots, c’était pas celle de la maison mais celle de Fhirdiad ! Ce n’était pas Rodrigue qui lui avait écrit cette lettre ! Il en était sûr ! C’était un encore plus gros menteur que lui !
– Mon père dit que Rodrigue est un peu malade alors, il ne pourra pas trop… eh ! Félix !
Le garçon aux cheveux noirs avait déchiré la lettre en mille morceaux dans sa rage, avant de se lever d’un coup pour se précipiter à la porte, ses maux de tête devenant de véritables coups de marteaux contre son crâne. C’était que des mensonges ! C’était pas son père ! Il n’avait toujours pas de réponse et quelqu’un se faisait passer pour lui ! « Un peu malade »… tu parles ! Il était très malade au contraire ! Rodrigue avait le cœur qui battait faiblement quand il était parti et maintenant, on lui disait de ne pas s’inquiéter ?! Mais on se foutait de lui ! Il voulait juste savoir !
– Eh ! Félix !
Cassandra l’appela à son tour mais il ne prit même pas le temps de se retourner, jusqu’à ce qu’elle l’arrête directement en l’attrapant par le bras avant de le forcer à la regarder quand elle lui demanda, le tenant des deux côtés pour l’empêcher de trop bouger et de s’enfuir.
– Où est-ce que tu penses aller ?
– Trouver des réponses là où elles sont ! Répliqua-t-il en se débattant, même si elle était bien plus forte que lui. Lâche-moi !
– Pas avant que tu te sois calmé, lui renvoya-t-elle en gardant son calme et ça l’énervait encore plus de la voir comme ça !
– Lâche-moi ! » Ordonna-t-il en essayant de lui donner un coup de pied pour la faire lâcher mais rien à faire, elle avait trop de poigne ! « Tu sais rien !
Il crut entendre la voix inquiète de Dimitri mais, Cassandra tourna la tête vers son lit, pour lui dire de ne pas bouger peut-être, même si Félix s’en fichait ! Qu’il ordonne plutôt à sa cousine de le lâcher pour le laisser partir faire ce qu’il avait à faire ! A la place, l’épéiste reprit, gardant un ton neutre.
– Non, pas avant que tu te sois calmé. Tu vas faire quoi ? Retournez à Fhirdiad à la nage ?
– Pourquoi pas ?! Je pourrais ! L’eau ne m’a jamais fait de mal ! Cria-t-il encore plus fort, rien que pour la faire aussi monter de ton et la faire lâcher de colère.
– C’est trop dangereux, répliqua-t-elle fermement. Personne n’est un assez bon nageur pour faire toute la descente jusqu’à Fhirdiad, encore moins après la pluie qu’on a eu. Donc, tu attends de te calmer et tu n’y vas pas comme ça.
– Si ! Faut que j’y aille tout de suite ! Maintenant !
– Non.
– Si !
– Non. Je ne changerais pas d’avis et personne ne te laissera partir d’ici tout seul, c’est trop dangereux, insista Cassandra.
– Arrête de faire comme Glenn ! T’es pas lui ! Et ça ne te regarde pas ! Ça concerne ma famille ! Pas la tienne !
– Je sais, et je ne fais pas comme Glenn, je fais juste que j’ai à faire, et ce que j’ai à faire, c’est de ne pas laisser un gosse en colère crapahuter tout seul dans le Royaume alors que c’est le chaos à plusieurs endroits. Tu crois quoi ? Que tu pourras descendre toute la montagne à pied pour aller engueuler ton père sans préparation, vivres ou rien ? C’est pas comme ça que ça fonctionne Félix ! Donc, tu te calmes et on parlera de ça après, ordonna-t-elle sans se démonter.
– Non ! Non ! Et non ! Pas question ! C’est pas lui qui a écrit ma lettre ! C’est pas lui ! Quelqu’un d’autre a écrit à sa place ! Celui qui l’a remplacé dit qu’il est un peu malade mais c’est faux ! Quand je suis parti, il avait le cœur qui battait lentement, c’est pas rien ! Ça aurait tué ma mère si je ne l’avais pas fait avant ! Papa est malade comme elle et ils me disent qu’il va pratiquement bien ?! C’est pas possible ! Je veux savoir ! Je veux savoir ! JE VEUX SAVOIR !!! JE VEUX VOIR MON PÈRE ! JE VEUX LE VOIR ! LÂCHE-MOI !!!
Félix se débattit comme un chat sauvage enfermé dans un filet, essayant de taper et de mordre Cassandra, qui continuait à le tenir par les bras, l’empêchant de vraiment bouger ou de s’enfuir alors qu’il répétait encore et encore les mêmes mots jusqu’à tomber de fatigue quand la colère s’en alla… mais ce fut encore pire sans elle… sans la colère…
– Lâche-moi… ordonna-t-il encore, la voix brisée en mille morceaux. Lâche-moi… je veux… je veux mon père… je veux le voir… je veux le voir… j’en ai marre de ne pas savoir… qu’est-ce qui lui arrive ? Pourquoi il ne me dit rien ? Il est fâché à cause de ce que je lui ai dit, c’est ça ? Pourquoi il ne m’écrit plus ? Pourquoi je ne peux pas aller le voir ? Je… je veux papa…
– Ça, on verra avec mes tantes, mon père et mes oncles, » reprit-elle en le rattrapant alors qu’il tombait de fatigue… il avait tellement mal à la tête… « Repose-toi un peu avant, t’as l’air d’en avoir besoin…
Heureusement, Félix s’endormit presque tout de suite, les joues un peu rouges, le souffle court. Par sécurité, Cassandra posa sa main sur son front, sentit la chaleur sous sa paume… elle n’avait pas assez de connaissance pour savoir si c’était à cause de la crise de colère qu’il venait de faire ou à cause de la maladie ou de l’angoisse mais, c’était pas bon… faudrait qu’elle demande à leur médecin, Laïs, de regarder tout ça au cas où…
« Cassie… l’épéiste se retourna, et vit Dimitri qui s’était approché, rampant sur ses genoux étant donné qu’il n’avait pas encore de force pour se lever. Est-ce… comment va Félix ?
– C’est pas la grande forme honnêtement. Il a aussi de la fièvre alors, ça n’aide pas…
– Oui… il ne le dit pas – et ne lui dit pas aussi, il s’énerverait en ce moment – mais il s’en fait beaucoup pour Rodrigue… il a très peur pour lui… il adore son père tu sais… plus que tout… sa famille, c’est vraiment tout pour lui, même tout son fief… à Egua, le lac est presque comme un membre de la famille ducale… tout ça lui manque beaucoup… plus que tout… je sens que ça lui fait mal d’être là plutôt que chez lui… s’il est venu ici, c’est juste parce que mon père ne voulait pas que je sois sans un de mes amis, même si Dedue et Sasiama étaient là… il est venu sur un coup de tête après sa dispute avec son père… et je crois que Gustave les a un peu forcés à se séparer… en plus… avec Glenn qui…
Dimitri baissa les yeux, hésitant, les posant un peu partout sauf sur son ami. Ça arrivait de temps en temps mais, il refusait toujours d’en parler, surtout quand c’était Félix qui était le premier à le remarquer, ce qui pouvait les amener à se disputer. Ça se calmait vite mais, ça ne devait pas aider entre ça, son angoisse pour Rodrigue et son entêtement à le cacher envers et contre toute son honnêteté.
« Tu m’étonne que le gamin se soit évanoui à force… »
Elle donna un petit coup sur le front de son cousin, déclarant sans hésiter.
– Eh, Dimitri, lève la tête. Félix devrait aller bien si un médecin s’occupe de lui et qu’il accepte enfin de dire honnêtement qu’il s’inquiète pour son père. Je sais qu’il angoisse pour Rodrigue, c’est écrit sur sa figure. Il doit être très fatigué à cause de son inquiétude pour lui et ses deuils. Et à ta tête, tu t’en veux aussi mais, c’est pas ta faute tout ça. Si c’est Lambert qui a voulu et Gustave qui a enfoncé le clou, c’est leur faute à eux d’avoir profité de cette dispute, pas la tienne.
– Oui mais… c’est quand même pour moi qu’il n’est pas avec son père… si j’avais eu la force de lui dire de rester… si j’avais pu le convaincre d’admettre… être plus là pour Félix… l’aider…
– T’étais comment à ce moment-là ? Le coupa-t-elle. Car quand t’es arrivé, tu ne pouvais même pas bouger. Ne te charge pas trop, t’es encore petit, et t’avais pas vraiment ton mot à dire dans toute cette histoire. En plus, toutes tes phrases sont avec des « si » et avec des « si », on mettrait Fhirdiad dans une bouteille qui flotte. Tu ne peux pas réécrire l’histoire. Maintenant, on a cette situation-là alors, faut faire avec, rétorqua Cassandra avant d’ajouter en jetant un regard à l’évanoui, qui s’était calmé un peu. Je ne pense pas qu’il aimerait ça. Vu tout ce qui s’est passé, il doit préférer avoir la vérité et des choses simples. Déjà qu’il n’a pas l’air d’aimer de se prendre la tête… et Théo dirait qu’on est deux mais, c’est pas le moment.
Heureusement, Dimitri finit par hocher la tête. Il faudrait qu’ils en reparlent du coup des yeux fuyants mais, un peu plus tard. Cassandra lui fit un signe de tête, disant sans hésité.
– Allez viens, on l’emmène chez le médecin. Comme ça, tu sauras aussi ce qu’il a.
– Mais tu portes déjà Félix…
– Je vais te porter aussi, t’es pas bien épais. Je porte Thé comme s’il ne pesait rien, même dans son fauteuil, vous ne devez pas être bien plus lourd.
Dimitri hocha la tête, passant ses bras autour du cou de sa cousine, alors qu’elle se relevait sans trop de problème en les portant tous les deux à travers les couloirs. Le prince laissa glisser son regard vers son ami, endormi contre le cou de Cassandra, le souffle court, les joues toutes rouges…
Il vit une main pale caresser son front fiévreux, le calmant un peu… une chanson toute douce résonnant à chaque pas… une des préférées de Félix… une que chantait toujours Rodrigue pour le soigner… mais ce n’était pas la voix du père de son ami…
« Au clair de la lune, le vent chante,
Tu pleures dans cette forêt de cendres,
Les nuages vont alors tous descendre,
Pour que plus jamais, le mal te hante.
Au clair de la lune, les loups murmurent,
Sans un bruit, ils s’approchent de tes blessures,
Ils t’entourent, te réchauffent avec leur fourrure,
Cette protection douce, elle te rassure.
Au clair de la lune, la forêt te protègera toujours ici,
Aux hurlements des loups, la brise te réconforte,
Tous pansent tes blessures et au loin les emporte,
Dans leur rassurante étreinte, enfin tu t’endors guéri. »
Glenn le veillait, prenant soin de son frère, jetant un regard reconnaissant à Cassandra pour s’occuper de lui… son regret de ne pas pouvoir le faire lui-même ruisselant sur son visage et ses joues, les maculant d’écarlate…
– Je suis désolé Félix… » souffla Dimitri, trop conscient que c’était de sa faute si Glenn était mort… ses derniers mots… son gémissement où il appelait son frère, son père et son oncle et voulait revenir à leurs côtés… tout ça car il avait pris ce sort à sa place… Félix qui était tellement inquiet pour son père… de perdre encore un membre de sa famille qu’il s’en rendait malade… « Je suis désolé… mais ne t’inquiète pas… tu vas vite le retrouver, je te le promets… Dimitri osa lever timidement sa main pour la poser à son tour sur la joue de son ami. Je ferais tout pour que vous ne soyez plus jamais séparé, je te le promets…
*
Dimitri était assis comme il pouvait dans une chaise roulante à côté du lit de Félix, refusant de le quitter, même si Laïs insista en le poussant dehors.
« Il a attrapé une mauvaise fièvre. C’est surement l’angoisse et la tension de ses derniers jours qui l’ont fait tombé malade mais, vous êtes trop fragile pour rester auprès de lui Votre Altesse alors que nous ne sommes pas encore sûr de ce qu’il a. Vous lui rendrez visite quand il ira mieux et que nous serons sûr que ce n’est pas une grippe ou pire, une peste ! »
Hélas pour lui, Cassandra n’était pas de son côté et lui dit aussi de rester à l’écart pour ne pas attraper ce qu’il avait. Le fautif savait que c’était la meilleure chose à faire mais, c’était tellement frustrant ! Il voulait tellement être auprès de Félix ! C’était à cause de lui s’il était aussi loin de son père et s’inquiétait comme ça ! Il devait au moins s’occuper de lui alors qu’il était malade !
Alors, même si c’était mal de désobéir dans une situation comme ça, il demanda à Dedue de le ramener auprès de l’alité sans se faire voir. Il y serait allé tout seul mais, il n’aurait pas assez d’énergie pour faire tout le chemin, surtout quand il faudrait gravir des pentes. Cassandra était repartie en patrouille, ça ne se verrait pas… au début, son nouvel ami refusa, rétorquant que c’était dangereux pour sa propre santé mais, Dimitri insista tellement qu’il arriva à le faire craquer, même si Sasiama ne comprit pas trop pourquoi elle devait rester en arrière pour ne pas être contaminé et pas lui.
« Je t’expliquerais après, promis… »
Dedue le poussa donc à travers les couloirs sur sa chaise roulante, se faisant aussi discret que possible. Heureusement, cette forteresse était une véritable ruche avec beaucoup d’agitation, c’était plus facile de passer discrètement, et elle était adaptée pour que des personnes en chaise roulante comme Théo puisse s’y déplacer seul avec l’habitude…
Une fois devant la chambre de malade de son ami, Sasiama vérifia que Laïs n’était pas là, ce qui était le cas. Dimitri les remercia, puis entra lui-même dans la pièce.
Sa gorge se serra en voyant son ami, haletant et transpirant, les joues toutes rouges… la fièvre l’avait fait tombé d’un coup… il était rarement malade mais, quand ça arrivait, il l’était toujours beaucoup…
Se redressant comme il pouvait sur ses appuis flageolants, le blond remplit le verre à côté du lit de son ami d’eau bien froide, puis se hissa à côté de Félix, récupéra le gobelet et le fit boire lentement. Le frais et l’eau lui feraient du bien… toujours pour l’eau… après tout, c’était une maladie et une chambre de malade normal…
« … »
Normal…
« Félix… »
Parfaitement normal…
« Félix… réveille-toi petit frère… »
Dimitri sursauta, heureusement quand il eut fini de donner de l’eau à son ami, comme toujours quand ça arrivait ces derniers temps, sauf tout à l’heure où il n’avait pas été surpris de le voir. La voix caverneuse de Glenn résonnait tout autour de lui puis, il apparaissait, couvert de blessure, la poitrine explosée comme quand il était mort… pale… vide de sang… sauf ses mains brûlées dévoilant les os…
Pleurant toujours de remords et de regret, il prit alors son frère dans ses bras comme pour le porter mais, seul son esprit le suivait, la longue natte de Glenn ne le traversant pas contrairement à son corps…
« Non ! »
Le fautif se jeta sur Félix, comme si ça pouvait empêcher son âme de s’échapper, pleurant alors qu’il suppliait Glenn en serrant lui-même le corps endormi contre son cœur, comme si ça suffirait alors que cela n’avait pas marché pour Glenn à Duscur.
« Non… non… non… par pitié Glenn… je suis désolé… ne le prend pas… ne le prend pas… je sais qu’il te manque, tu me le dis tout le temps mais, par pitié, laisse-le vivre… je t’en supplie… je sais que c’est ma faute si tu es mort mais, je t’en supplie… laisse Félix vivre… je t’en supplie Félix… vie… vie… vie… ne pars pas… je t’en supplie Félix ne t’en vas pas… »
Dimitri sentit alors son ami trembler, et il l’appela encore en prenant sa main en priant pour que ce ne soit pas son imagination qui lui jouait des tours.
Dimitri pleura de joie en la sentant se contracter dans la sienne…
*
Alix se laissa tomber dans son lit. Encore et encore et encore des toutous de Rufus venant leur réclamer des soldats et des vivres pour Fhirdiad… qu’est-ce que Rufus pouvait bien en vouloir en faire à part pour sa guerre inutile ? En tout cas, il était à deux doigts d’en mordre un, il avait tellement mal à la tête… il ne pouvait pas se permettre de leur laisser plus de nourriture, il en avait besoin pour nourrir son fief… et le plus jeune jumeau n’avait toujours pas de nouvelle de Rodrigue. Tant qu’il n’avait pas de nouvelle, hors de question d’obéir à qui que ce soit ! Il voulait tellement savoir ce qui lui était arrivé !
Alix savait que son frère se sentait soulagé à présent, comme libérer de quelque chose mais, il était aussi angoissé, mort de peur… il était sûr que c’était pour Félix et lui… surtout Félix… Alix savait se défendre, Félix était encore un louveteau que la meute devait protéger… le seul petit qui lui restait et qu’il protégerait de sa vie, encore plus après avoir perdu Glenn ainsi… Alix n’aurait pas aussi peur que Rodrigue n’ait pas l’information alors qu’il cherchait son louveteau, son neveu serait déjà en train de rentrer à la tanière… il devait aussi être inquiet en plus, lui aussi n'avait plus de nouvelle de son père… et s’il se fiait à la lettre qu’Ivy lui avait envoyé, Rodrigue n’avait pas non plus de nouvelles de Félix et Alix… qu’est-ce qui se passait dans ce bordel à la fin ?
Il était si fatigué de tout…
Quand il s’enfonça dans le sommeil, Alix entendit un chant arrivé jusqu’à ses oreilles, alors qu’il dormait sur un lit de mousse, éclairé par la lune. Il le reconnut tout de suite…
« Rodrigue… »
Évidemment qu’il le reconnaissait tout de suite… il était son frère et son frère était lui… la mélopée s’enfonçait dans sa tête…
Il ouvrit alors les yeux et le vit enfin, assit sur un rocher, les yeux tournés vers la lune en lui suppliant de lui transmettre ce message…
« Je vais revenir, je te le promets… attend-moi mon frère… je vais chercher mon petit et j’arrive… je vais bientôt te retrouver… »
« Rodrigue… souffla-t-il en se réveillant, sentant la magie de son frère couler dans ses veines. Je sais, même si je te rejoindrais… on ira le chercher ensemble, d’accord ? Je suis sûr que tu comprendras et on se retrouvera plus vite comme ça… »
*
Le surlendemain, Dimitri avait enfin le droit de rester auprès de Félix pour le veiller et s’occuper de lui. Félix avait tellement de fièvre… le fautif avait l’impression que s’il tournait la tête une seconde, Glenn allait revenir pour l’emmener avec lui, même s’il n’avait plus recommencé depuis le premier jour… pas quand il était là en tout cas… Fleuret dormait à côté de son maitre, tout calme, même s’il semblait aussi inquiet.
« Je sais… il passa sa main sur la tête du chat, mesurant autant qu’il pouvait sa force. Moi aussi, j’ai hâte qu’il guérisse…
– Dmitri, on peut entrer ?
– Ah ! Dedue ! Bien sûr !
Le fautif fit tourner son fauteuil roulant comme lui avait montré Théo pour regarder le duscurien entrer, Sasiama lui tenant la porte alors qu’il avait les mains pleines d’un grand plateau.
– À table ! S’exclama-t-elle.
– Du calme Sasiama, il ne faut pas faire trop de bruit à côté d’un malade, on risque de le réveiller, la rappela à l’ordre son frère.
– Malheureusement, je crois que Félix dort trop profondément pour que ça le réveille, avoua tristement Dimitri. Il respire mais, impossible de lui faire ouvrir les yeux.
– Il lui faut du temps et beaucoup d’énergie pour guérir, lui rappela Dedue en lui donnant son bol de soupe, puis celui de sa sœur, laissant le sien de côté pour attraper le bouillon de légume et de volaille de Félix.
– Je m’en charge, ne t’en fais pas, lui assura le fautif en se penchant pour récupérer le bol.
– Tu es encore faible Dmitri, tu risques de trembler en lui donnant et c’est encore chaud. Je ferais mieux de m’en occuper, lui fit observer Dedue.
Il aurait voulu protester mais, il dût se rendre en voyant sa soupe s’agiter dans ses mains, toujours couvertes des bandages de givre de son ancêtre, ayant encore du mal à contrôler son corps. Il hocha donc la tête et laissa le duscurien nourrir son ami endormi. Sasiama racontait leur cours de Fodlan au fautif quand ils entendirent les éclats d’une dispute montés depuis la cour du château. La petite fille sauta tout de suite sur ses pieds pour aller voir ce qui se passait à la meurtrière avant de dire.
« C’est Phébus qui se dispute avec des gens qui portent les mêmes couleurs que Dmitri !
– Des gens qui portent mes couleurs ? Ce serait des agents de mon père ou de mon oncle ? Et pourquoi ils se disputent avec lui ? La questionna-t-il.
– Humm… j’arrive pas à comprendre… je suis désolé… souffla-t-elle avec une moue triste. J’ai fait des progrès en fodlan pourtant…
– Ne t’en fais pas, c’est normal, surtout d’aussi loin… il serra le poing autour de l’accoudoir, avant de décider en faisant tourner ses roues. Je vais voir ce qui se passe, je vous confie Félix. »
Il roula jusqu’à la porte où il demanda à un des gardes de l’emmener jusqu’à la cour. La femme hésita un peu mais, finit par obéir, mettant le fauteuil sur son dos à l’aide de sangles disposé au dos du siège, puis ils descendirent en vitesse jusqu’au lieu de la dispute. Se tenant comme il pouvait, Dimitri entendait de plus en plus distinctement ce que les adultes disaient.
« …nous avons déjà donné suffisamment à la couronne ! S’exclama son oncle Phébus, le mari de Myrina, qui assurait la suppléance du poste de comtesse le temps qu’ils choisissent la successeuse de sa femme. Le régent devrait savoir qu’il ne peut nous forcer à ouvrir nos réserves loogiennes, même le roi n’en a pas le droit, et ils semblent confondre nos coffres et ses propres poches ! Nous avons déjà envoyé tout ce que nous pouvions, que ce soit en homme ou en vivres, nous ne pouvons pas nous permettre de donner plus, encore moins sans garanti.
– Je comprends votre réticence, surtout que votre famille a été durement touchée par la Tragédie. Mais n’est-ce pas une raison de plus qui devrait vous motiver à apporter votre soutien au régent dans ses ambitions et objectifs pour le Royaume. Nous avons besoin de troupes pour protéger la capitale, en particulier la famille royale, ainsi que pour faire payer à ses monstres de duscuriens ce qu’ils ont fait aux nôtres…
– Ils ont besoin de tout ça car aucun des deux ne sait tenir ses comptes et sa maison correctement ! Ma belle-sœur aurait pu en témoigner si elle était encore parmi nous ! S’écria l’homme, furieux. Et c’est aussi lui qui a emmené mes neveux, mes nièces, mes beaux-frères et sœurs et ma propre femme à la mort ! Et il voudrait que nous continuions à tout lui donner sans poser de question ?!
– Mais ce n’est pas Sa Majesté qui les a tués ! C’est les duscuriens qui les ont massacrés sans crier gare alors que…
– Et t’as des preuves Christophe ? Intervient Cassandra en le coupant sans se gêner. Car à part que c’était sur leur territoire, on a aucune preuve que c’était bien eux ! T’as vu la tête de leurs montagnes et le nombre qu’ils sont ? C’est impossible qu’ils puissent savoir tout ce qui se passe dans ces montagnes et un groupe d’ennemi a très bien pu s’y faufiler sans qu’ils s’en rendent compte. C’est pas comme si on savait tout ce qui courent dans le Royaume aussi ! On le sait, on a les mêmes en plus petites ici !
– En plus, les deux témoins sont formels sur ce point, ce n’était pas des duscuriens qui les ont attaqués, autant selon leur apparence que selon leur uniforme, ajouta Théo avec plus de calme. Si on passe ça devant un tribunal qui n’a aucun lien émotif avec la Tragédie de Duscur, jamais ils ne seraient considérés comme coupable alors, il va falloir nous prouver leur présumé culpabilité avec plus que ça. Tant qu’il n’y a pas de preuve solide de leur culpabilité, ils sont innocents.
– Mais c’est évident ! Rétorqua la même voix qui devait être celle de Christophe, alors que le soldat reposait le fauteuil de Dimitri au sol, ce dernier le remerciant pour son aide.
– C’est pas une preuve ! Répliquèrent sans hésiter le frère et la sœur.
– Allons, allons, inutile de vous énerver ainsi, commanda celui semblait être le chef des agents de Fhirdiad. De toute façon, vous ne pouvez désobéir aux ordres du roi. J’obéirais gentiment si j’étais vous d’ailleurs. Ce n’est qu’un conseil mais, je serais vous, je serai le plus docile possible pour éviter de subir le même sort que le duc de Fraldarius…
– Qu’est-ce qui se passe ?
Dimitri roula sans hésité une seconde dans la cour, fixant le commandant avec l’emblème de Blaiddyd barré sur son pourpoint. Un homme de son oncle donc… l’homme hoqueta un peu en le voyant, déclarant rapidement.
– V… Votre Altesse ! Vous ne devriez pas vous reposer ?
– Je me sens beaucoup mieux ici mais, ne changez pas de sujet, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi mon oncle veut autant de soldats et de vivres ? Pourquoi il veut attaquer Duscur ? Les duscuriens n’ont rien fait de mal ! Ce n’est pas eux qui nous ont attaqué mais, des magiciens très pale en rouge et noir et avec des masques de corbeaux ! Les duscuriens nous ont même sauvé la vie à mon père et à moi et se sont occupés de nos morts les premiers ! On devrait les remercier au contraire ! Ça ne sert à rien de les attaquer ! Et qu’est-ce qui est arrivé à Rodrigue pour que vous parliez de lui comme ça ?
– Il s’agit d’ordre de votre oncle Votre Altesse. Son Altesse le régent a ordonné à tous les fiefs de lui envoyer des soldats en renfort à la capitale ainsi que des vivres. Nos réserves sont très limitées et des tensions commencent à éclater. De plus, il y a eu un… un léger accident lors de l’arrivée du grand-duc Oswald von Riegan à la capitale, provoqué par Sa Grâce le duc de Fraldarius… se marcha-t-il tout seul dessus et heureusement que Félix n’était pas là, il s’énerverait encore plus avec tout ça !
Dimitri serra les poings sur ses accoudoirs, répétant la question de Glenn qu’il était le seul à entendre, furieux de ne pas pouvoir faire cracher le morceau lui-même à l’émissaire.
– Que s’est-il passé ce jour-là alors ? Rodrigue ne ferait jamais rien contre les intérêts du Royaume volontairement, je le sais. Et je n’ai plus de nouvelles de lui depuis des semaines, ni moi, ni Félix qui en est malade tellement il s’inquiète. La dernière lettre qui est arrivé de sa part était même fausse. Est-ce que c’est à cause de mon oncle si nous n’avons plus de lettre de sa part ?
– J’ai bien peur que ce soit des choses d’adultes un peu compliqué pour vous Votre Altesse… vous devriez seulement penser à votre rétablissement…
– Je ne vous demande pas si c’est trop compliqué pour moi ou non, seulement de m’expliquer ce qui s’est passé. Et je peux penser à autre chose. Si ça concerne Rodrigue, ça concerne Félix ! Je veux qu’il se rétablisse aussi et il ne le pourra pas sans savoir ce qui arrive à son père ! Alors, répondez à mes questions !
– Votre Altesse… je ne pense pas que…
– Répondez, c’est un ordre ! Le coupa tout de suite le prince sévèrement, son ton n’admettant aucune objection.
– V… Bien Votre Altesse… le seigneur Rodrigue a énormément travaillé pour tenir le Royaume et préparer la venue du grand-duc, encore plus quand les Dame Lachésis et Thècle Charon ont été vérifiées que les impôts ordinaires du domaine royal rentraient bien dans les caisses du Royaume.
– Pourquoi mon oncle les a envoyés elles et pas quelqu’un d’autre ? Elles sont très importantes pour l’administration et Rodrigue aurait bien eu besoin d’aide ! Mon oncle les a fait remplacer par qui ?
– Elles étaient les plus qualifiées pour cette mission et… et par personne Votre Altesse. Il s’occupait seul de tout préparer, à part pour la sécurité qui était à la charge du Capitaine Gustave Dominic.
– Il était tout seul ?! Hoqueta-t-il, choqué et déjà inquiet, Glenn devenant encore plus livide et inquiet en entendant ça. Mais c’est… kof ! Kof ! C’est beaucoup trop de travail pour un homme seul ! Et mon père n’a rien fait ?!
– Votre oncle le régent a estimé qu’il était à la hauteur de cette tâche… et votre père était encore alité quand je suis parti. Il n’est pas en état de prendre des décisions ou de régner, tout est gérer par son frère votre oncle.
– Et qu’est-ce qui est arrivé pendant cette rencontre ?
– Le duc de Fraldarius a… l’homme de Rufus hésita un peu, ne sachant visiblement pas comment lui dire avant d’avouer, regardant ailleurs avant de le fixer à nouveau dans les yeux, bien moins courageux face à lui que face aux Charon. Il a eu une petite faiblesse et s’est malheureusement évanoui de fatigue quand il a accueilli le grand-duc…
– Quoi ?! Rodrigue s’est… kof ! Kof ! Maudite fumée ! Il en reste encore un peu !
– Votre Altesse, commença-t-il avec une fausse attention, cherchant surtout à couper la conversation. Vous devriez…
– Je vais bien ! Mais vous êtes en train de vous servir de Rodrigue, qui s’est épuisé pour le Royaume, pour menacer Phébus ? Il a tellement travaillé qu’il s’est évanoui ! C’est mon oncle qui devrait être puni pour avoir fait ça ! Pas lui ! Il n’a pas le droit de le punir pour avoir été trop dévoué ! En tout cas, je vous interdis de prendre quoi que ce soit ici ! Lokris a besoin de ses réserves aussi et les Charon ont beaucoup donné ! Comme tout le Royaume ! Dites à mon oncle d’arrêter de demander autant aux autres ! Eux aussi ont besoin de manger et de vivre ! Et dites-lui aussi que je veux de vraies nouvelles de Rodrigue ! Je veux une lettre avec son écriture et pas une fausse comme la dernière ! ça a rendu Félix malade tellement il s’inquiète alors, hors de question qu’il s’en fasse encore plus ! Il veut la vérité sur ce qui arrive à son père ! Si c’est ce que Félix veut, je le veux aussi !
L’homme n’eut pas d’autre choix que de courber l’échine devant sa colère, déclarant platement en s’inclinant devant Dimitri qui s’était redressé comme il pouvait sur son siège, essayant d’être plus impressionnant en ignorant la douleur qui lui rongeait le dos et la gorge, restant toujours malgré tous les efforts de son ancêtre pour le soigner.
– B… Bien Votre Altesse, il en sera fait selon vos ordres…
Glenn sourit en le voyant se soumettre ainsi, puis refila auprès de son frère, alors que les Charon firent remplir toutes les formalités de leur venue avant de les laisser partir. Cela laissa le temps à Cassandra d’attraper Christophe par le col pour le tirer dans un coin où elle allait surement lui faire la leçon avec Théo, les deux ne cachant pas leur désaccord avec tout ce que leur ami faisait depuis la Tragédie. Phébus soupira, passant sa main sur son front alors qu’elle marmonnait.
« Quelle bande de crapules… merci pour votre aide Votre Altesse, ils sont têtus comme des troupeaux de mules.
– C’est normal… hacha-t-il, la gorge toute sèche après avoir autant parlé. Kof ! Kof ! Le principal, c’est que… kof ! Que vous ayez encore vos… argh… vos réserves…
Il lui apporta un grand verre d’eau, le laissant boire tout son saoul tranquillement, avant que le fautif n’avoue, tremblant encore plus sous l’effort.
– Je m’inquiète pour Rodrigue… tout ça… tout ça cache quelque chose… en tout cas, j’espère que cette fois, on aura la vérité… il jeta un œil vers la chambre de son ami, inquiet. Au moins pour Félix… juste… juste savoir pourrait peut-être lui faire du bien… qui sait ? Peut-être qu’il guérira s’il entend ce qui est vraiment arrivé à son père… je… j’aimerais tellement qu’il se réveille…
Phébus répondit en passant sa main sur ses cheveux, un encouragement silencieux, compréhensif et patient…
– Que la Déesse t’entende…
*
Oswald regardait les hommes de Rodrigue s’organiser et partir à la recherche de leur duc. Ils avaient pour plan de remonter la rivière en passant la forêt au peigne fin avec des chiens qui étaient dressés pour suivre une trace mais, pas pour attaquer, et plusieurs d’entre eux connaissaient Rodrigue depuis longtemps et avaient sa confiance. Même transformé en loup, il ne devrait pas les craindre et attaquer. Estelle et Bernard restaient ici afin de gérer les troupes fraldariennes, ainsi que pour surveiller le roi de près. Ce n’était pas la meilleure des situations mais, c’était mieux que rien.
« J’espère qu’ils le retrouveront vite… marmonna Ivy en les fixant.
– Je l’espère aussi, ce sera mieux pour tout le monde… bon… il se hissa sur ses jambes. Je ne sais pas pour vous mais, j’irais bien en ville pour voir si des rumeurs sur ce qui s’est passé ont commencé à se répandre ou l’état d’esprit général. Qu’en pensez-vous ?
– Que j’ai pas vraiment d’autre choix que de vous suivre mais bon, ça s’annonce intéressant. S’il faut cracher sur Lambert, je vous fais ça gratuitement.
– Quelle générosité, sourit-il. Pour le moment, il faudra surtout écouter. Les rumeurs sur ce qui s’est passé au palais ont déjà dû bien enfler. Je serais curieux d’entendre les réactions de tout à chacun… J’aimerais bien aussi creuser sur l’odeur de cadavre que dégage cette Cornélia et l’explosion dans son laboratoire… elle me dit quelque chose mais, j’ai du mal à me souvenir de quoi, je n’ai pas vraiment eu le temps de bien creuser… Enfin, pour le moment, concentrons-nous sur Rodrigue, c’est le plus récent et le moins suspect.
Ils allaient se mettre en route pour une des tavernes de la capitale, quand Gustave arriva vers eux, comme un roquet qu’on envoyait aboyer sur les voisins. Bon, Oswald devinait déjà ce qu’il allait leur dire, c’était prévisible, et seul le chaos qui avait régné dans le palais l’avait empêché de le faire avant, débordé par les demandes autour du « loup de cendre », surtout qu’il avait tenté en vain de les convaincre que ce n’était pas Rodrigue, tous ceux qui avaient vu ses yeux l’avaient reconnu. Par contre, plus personne n’en parlait au palais depuis que Rufus avait menacé les trop bavards de leur faire couper la tête. Il ne se cachait même plus à personne, à part de son petit frère… comme quoi, il n’était pas prêt à assumer du tout. Il leur avait même interdit d’approcher de Lambert… un vrai roi fantoche… il n’aurait pas conduit son propre peuple à la mort et transformer son soi-disant ami en loup, Oswald aurait presque pu avoir pitié de lui… presque.
– Seigneur Riegan, Capitaine Drake…
– Capitaine Dominic, répondit le grand-duc en le coupant. Que nous vaut l’honneur ? Pouvons-nous enfin dire deux mots au roi ou il a autre chose à faire de plus important ?
– Je suis plutôt venu vous conseiller de retourner dans l’Alliance. L’accord est signé et accepté par tous les membres du conseil présent à Fhirdiad. Il serait sans doute plus sage pour vous de rentrer dans votre fief.
– Hum… moi qui trouvais que la situation commençait à devenir intéressante. Vous m’incitez poliment à dégager en somme.
– Ne soyez pas si téméraire. Comme vous l’avez sans doute remarqué, les difficultés de ses derniers jours rendent la tâche d’assurer la sécurité de tous à chacun difficile. Nous ne voudrions pas provoquer un accident diplomatique s’il vous arrivait quoi que ce soit…
– Vous voulez rire ? Gloucester vous remerciera de tout cœur d’avoir réussi à me tuer. Les deux derniers qui ont essayé se sont pris une flèche en pleine tête ou un coup d’épée dans la gorge sans arriver à vraiment me blesser. Croyez-moi, vous devriez plus vous soucier de vos concitoyens que d’un vieillard comme moi. Enfin, je comprends que notre charge soit lourde pour vous. Même si nous avons apporté nos propres vivres, nous sommes assez nombreux si on se fie à vos moyens…
Gustave garda le silence, ne voulant surement pas admettre que le Royaume n’avait pas les moyens de nourrir une suite aussi petite que la sienne. Il n’y avait que des personnes en qui il avait confiance et des personnes qu’il était obligé de se coltiner, il était très peu nombreux contrairement à ce que son rang exigerait. Ne pas arriver à s’occuper correctement d’eux était un aveu flagrant de faiblesse. Oswald continua alors :
– Toutefois, j’aimerais pouvoir m’entretenir à nouveau avec votre roi, cela fait un moment que je ne l’ai pas vu. C’est lui qui va devoir gérer comment vous allez vous organiser pour nous rembourser, comprenez que j’aimerais mettre au clair plusieurs points du contrat avec lui.
– Sa Majesté est très fatiguée, les derniers évènements l’ont privé de ses forces, même s’il insiste tout de même pour travailler, ce qui n’arrange rien.
– Oui, et lui, son bâtard de frère et toi, vous avez privé Rodrigue de sa forme humaine, répliqua Ivy sans le louper. Grâce à vous, il est en train de courir on ne sait où dans le nord à la recherche de Félix car on lui a arraché, c’est vachement moins grave que d’être blessé à cause de sa propre connerie !
– Rrrrrat de calle feignant… gronda Noce sur son épaule en grattant une poussière dans ses ailes.
– Je suis sûr que le régent a d’excellentes raisons pour ne pas nous autoriser à voir son petit frère mais, je ne transigerais pas avec cette condition. Si vous voulez me voir partir, il va falloir me laisser lui toucher deux mots… et à un autre moment que quand un pauvre homme se métamorphose pour ne pas succomber de fatigue et de désespoir… Si vous le voulez bien, cette partie de la négociation est close. »
Il tapa dans ses mains pour marquer la fin de cette discussion, se détournant avec Ivy sur les talons. Oswald attendit une seconde qu’il se soit suffisamment éloigné pour lui souffler, connaissant assez bien le genre d’homme qu’était Rufus pour anticiper le moindre de ses mouvements.
« Préparez-vous à vous battre, il va tenter de nous intimider avec des hommes d’armes. C’est un couard qui prend peur vite, il a déjà envoyé des messagers pour récupérer plus de soldats pour la capitale dans l’heure où Rodrigue s’est évanoui, et il va surement encore plus insister maintenant…
– D’accord. Un de mes hommes est blessé, c’est moi qui vous colle une dérouillée et je vous facture un supplément, le prévient-elle sombrement.
– Je m’en doute mais ne vous en faites pas, il va surement me viser en premier lieu. C’est plus simple pour eux. Enfin, raison de plus pour aller en ville plutôt que sur votre navire. Voyons s’il va étaler son incompétence jusque devant le nez de ses concitoyens…
Ivy répondit en gardant la main sur sa hanche, proche de son épée, prête à se défendre en cas de besoin, Oswald vérifiant lui-même sa propre arme de poing et son bocle, son emblème tourbillonnant dans ses veines d’anticipation, prête à s’activer en cas de besoin.
« Un compagnon de voyage toujours présent et prêt à intervenir… »
Les deux derdriens discutèrent avec un vendeur ambulant de ce qu’il avait vu, l’homme racontant en long en large et en travers qu’il avait vu un loup de cendre courir pile devant lui, quand Oswald remarqua des mouvements étranges sur les bords de son champ de vision.
« À tribord… souffla également Ivy, l’épée déjà en partie sortie.
Une petite troupe de limiers de Rufus essayait de s’approcher discrètement, envelopper dans leur cape. Bon, au moins, ils étaient un peu plus intelligents que les autres, ils n’avaient pas le blason de leur maitre cousu sur eux, ils étaient en progrès… Il en avait aussi repéré une autre sur le toit d’une maison voisine mais bon, rien de bien compliqué à atteindre.
– Et dans les mats, faites attention à ce qui pourrait tomber dans haut… quant à vous mon brave, je crois que vous devriez faire affaire plus loin, ce sera mieux pour vos affaires.
Il comprit très vite le message car, il partit en vitesse, alors que les limiers les appelaient.
– Eh ! Vous deux !
– Hum ? Plait-il ? Je ne vous ai jamais vu auparavant… on se connait ? Demanda Oswald, peu impressionné, question d’habitude.
– Il parait que vous fouinez partout et troublez les honnêtes gens avec vos questions…
– Cela ne répond pas à ma question. Je ne crois pas vous connaitre… ah ! Je sais, vous venez nous demander ce qu’on racontait ? Je demandais seulement à ce charmant marchand s’il avait de quoi faire de la pastafrola, c’est une excellente recette que vous devriez essayer. J’avais promis à mon petit-fils de lui faire gouter la prochaine fois que je le verrais.
– Ne jouez pas avec nous, on sait bien qui vous êtes. Y a que des derdriens pour parler autant… Vous allez gentiment faire ce qu’on vous dit sinon, le cerf risque de rentrer chez lui avec des bois en moins.
– Tiens, les roquets de compagnie ont des dents, je ne savais pas… que voulez-vous, à mon âge, on devient vite sénile…
– Tentez seulement rat de calle, c’est pas des gentils toutous à leur maitre qui vont nous faire peur, répliqua Ivy. C’est plutôt vous qui allez gentiment dire à votre connard de patron qu’on veut parler à son planqué de frère, vu ?
– Moquez-vous pendant que vous le pouvez encore ! On va vous faire ravaler votre langue !
– En voilà des toutous bien sages dites-moi…
En quelques minutes, les épées étaient tirées des deux côtés. Trois d’entre eux se concentrèrent sur Ivy, pendant que deux autres s’en prenaient à Oswald. Bon, s’il se fiait au bruit que venait de faire un d’entre eux, la corsaire avait déjà envoyé un de ses adversaire par-dessus bord. Il fallait qu’il soit à la hauteur de cette combattante.
Arrêtant une attaque avec son bocle, Oswald arriva à blesser son assaillant avec sa lame. Bon, il n’avait plu eu de partenaire d’entrainement vraiment correct depuis la mort de Justine mais, il n’avait pas trop rouillé visiblement… par contre, si l’un d’entre eux pouvait le couper correctement, ça l’arrangerait bien… il laissa alors une petite ouverture sur laquelle le roquet fondit sans hésitation, lui ouvrant une large plaie sur le bras.
– C’est bon ! On l’a touché ! Vieux comme il l’est, il va tomber tout de suite !
– Une blessure ? Demanda Oswald comme si de rien n’était alors qu’il sentait des éclairs gronder dans ses veines. Quelle blessure ?
Son emblème se mit à briller, refermant petit à petit la plaie, ne laissant qu’un peu de sang sur ses vêtements. Enfin ! Il en avait mis du temps ! Il savait qu’il n’était plus tout jeune mais quand même ! Oswald rendit alors le coup en frappant en plein dans les côtes de son ennemi avec le plat de son épée, avant de cogner le second avec son bocle, les narguant alors que son emblème brillait toujours, éliminant toute sensation de fatigue.
– Allons, vous voyez-bien que je ne suis pas blessé, il n’y a rien. Vous par contre… » il jeta un œil au trois adversaire d’Ivy, également à terre avec diverses coupures et ecchymoses, « vous devriez vous reposer un peu…
Une flèche arriva alors, se fichant dans sa cuisse. Ignorant la douleur, il jeta alors un œil au toit où il avait repéré l’archère, sortit son propre arc et décocha trois flèches sans hésiter : une dans sa main, l’autre dans son épaule, et la dernière dans sa jambe.
– Retournez à l’entrainement jeune fille ! » S’écria-t-il après avoir retiré la flèche de sa jambe, la blessure se refermant toute seule sans souci. Même pas assez maligne pour mettre du poison sur les pointes. « Ce n’est pas normal pour une tireuse d’élite de ne pas arriver à être plus précise que ça à une distance aussi faible ! Vous auriez pu me mettre une flèche entre les deux yeux sans problème normalement ! Ah les jeunes, ils ne savent plus viser de nos jours !
– Ah… ah… argh… qu’est… qu’est-ce que c’est que ce type ?! Demanda un des toutous de Rufus. Je l’ai touché ! Je l’ai touché ! J’en suis sûr ! Il devrait avoir une grosse plaie au bras ! Et comment un vieillard a-t-il pu toucher une archère planquée à cette distance ?! C’est impossible !
– Entrainement les jeunes, entrainement. Il ne faut jamais se relâcher si on veut pouvoir se défendre. Et un petit coup de main de mon emblème aussi… il eut un petit sourire en se baissant vers eux, brillant toujours à cause de la fureur des combats et du sang de Riegan coulant dans ses veines. Tu veux connaitre un petit secret de polichinelle connu de tous à Derdriu ?
Le roquet hocha la tête, mort de peur alors qu’il ne pouvait se détourner de son sourire confiant, presque arrogant alors qu’il lui expliquait le plus naturellement du monde.
– Le pouvoir de mon emblème est de soigner les blessures. Pour les emblèmes mineurs, c’est ponctuel mais, pour mon emblème majeur, c’est continu. Il soigne et annihile toute sensation de fatigue tant qu’il est actif, ce qui me rend assez endurant sur le champ de bataille. C’est pour ça que jamais personne n’est arrivé à avoir ma peau, je me régénérais avant de mourir. Soit vous m’arrachez le cœur, soit mon corps se répare encore et encore… et il y a des chances que j’y survive quand même à ça, ce serait mieux de me couper la tête histoire d’être sûr. Cela a aussi l’avantage de m’empêcher de perdre mes sens, je voie et entend toujours aussi bien que dans ma jeunesse. D’ailleurs, vous êtes très bien renseigné pour de simples malfrats, vous saviez qu’on parlait à tout le monde en ville… enfin, ce n’est qu’un hasard et mes sens qui commence à défaillir, n’est-ce pas ? Il serait dommage que quelqu’un dans le royaume ait tenté de m’assassiner, ce serait mauvais pour les relations avec l’Alliance, vous ne pensez pas ?
Ses hommes hochèrent la tête, avalant l’hameçon tout cru et confirmant au passage que soit il n’avait rien à voir avec Gustave, soit il ne les avait pas prévenus, soit ces roquets ne l’avaient pas cru, terrifiés alors qu’Oswald leur souffla, le regard acéré comme son couteau, dépeçant déjà morceau par morceau chacune de ses proies.
– Si je peux parler avec le roi directement, je suis sûr que mon grand âge me fera oublier toute cette histoire. Votre maitre devrait comprendre cela, n’est-ce pas ? Ou alors, c’est lui qui commence à devenir sourd et aveugle, ce qui risque d’avoir des conséquences, c’est jamais bon de signer des documents sans pouvoir bien les lire, croyez-moi… me suis-je bien fait comprendre ?
Heureusement, ils comprirent vite, filant sans un mot, même si Ivy dut leur rappeler.
– Eh ! Oubliez pas votre copine fichée sur le toit ! Elle va pas descendre de son nid-de-pie toute seule avec trois flèches dans le corps ! Incompétents jusqu’à la fin, je vous jure… des marins comme ça, on me les donne et ils se trouvent à manger tous seuls, je les prends pas à bord.
– Que voulez-vous, une bande est à l’image de son chef, rétorqua le grand-duc alors que son emblème disparaissait à nouveau au fond de lui, le laissant avec sa fatigue et légèrement désorienté, comme à chaque fois. Hum… c’est toujours un peu dur de redescendre de l’emblème… enfin, je ne vais pas me plaindre du don de la Déesse, il est bien utile.
– A qui le dites-vous… en tout cas, ça confirme ce que vous pensiez, il n’hésite pas à ce donner en spectacle devant son propre peuple alors que bon, ce genre d’affaire, ça se lave en famille et en privé, pas sur la place publique…
– C’est sûr, surtout que ça va encore plus baisser l’estime que les fhirdiadiens lui portent…
– C’est possible que ça baisse encore ? »
Oswald eut un sourire alors que des habitants venaient les voir, afin de savoir s’ils allaient bien tous les deux. Le grand-duc se remit à écouter ce qui se racontait tout autour d’eux, jusqu’à ce qu’une discussion happe son oreille.
« T’es sûr que tu veux continuer à travailler au palais gamin ? Ça a l’air d’être vraiment une fosse à gibier en ce moment, et le régent t’a détesté à vue.
– Oui, je tiens à vous rembourser Père Mercier. De plus, vous avez vu que j’ai assez de force pour me défendre en cas de besoin.
– J’ai remarqué Ludovic, t’as de la force à revendre mais, Rufus est dingue et il a la force d’être le régent.
– Il ne m’impressionne guère. Au pire, je partirais et je retournerais tranquillement à Albinéa si j’ai un problème. »
Il se tourna vers l’origine de la discussion, voyant un tavernier discuter avec un jeune homme alors qu’ils remettaient le devant de leur boutique en ordre, et Oswald crut qu’il rêvait tout éveillé en le découvrant. Il passa sa main sur ses yeux, regardant ce Ludovic avec plus d’attention. Il avait déjà vu ce visage inexpressif percé par des yeux de couleurs différentes, cette voix sans émotion apparente mais déterminée jusqu’à la mort et en enfer. C’était fou…
– Vous allez bien ? Lui demanda Ivy. Vous êtes pale comme un mort d’un coup.
– Oui… oui, ça va, juste un sacré hasard… un blond aux yeux bleus vairon avec beaucoup de force et un visage inexpressif… et qui s’appelle en plus « Ludovic »… ça fait tout de même beaucoup de coïncidence… enfin, c’est un nom courant, et Clovis avait des bâtards partout… que ce soit le petit-fils d’un d’entre eux ne serait pas très étonnant…
*
« … »
« Hum… »
« … Félix… »
« Qui est là ? »
« Félix… Félix… »
« Papa ? Papa, c’est toi ? »
« Félix… »
Il entrouvrit les yeux, regardant autour de lui. Le petit garçon était épuisé, avait le cœur lourd, comme s’il avait une pierre dans la poitrine mais, il savait que ce n’était pas dangereux, c’était normal. Il voulait juste dormir le temps que ça passe… mais quelqu’un l’appelait… il voulait le voir… il devait le voir… il lui manquait tellement…
Félix repéra une silhouette au loin, avec des cheveux noirs et bouclé tombant jusqu’à ses épaules, tournée vers la lune alors que le murmure d’une chanson résonnait autour d’eux… il le reconnaitrait toujours…
« Papa… mon papa… »
N’ayant pas assez de force pour se mettre sur ses jambes, il se mit à quatre pattes, commençant à ramper vers son père, une seule pensée en tête.
« Papa… je… »
Comme en réponse à ses mots silencieux, Rodrigue se tourna vers lui, lui souriant comme toujours alors qu’il l’attirait à lui, le tenant sur ses genoux en continuant à chanter… une chanson qu’il connaissait… ou plutôt une supplique… quelqu’un suppliant, maudissant le monde avant de retrouver de l’espoir… Félix ne l’entendait pas bien, trop bien installé dans les bras de son père…
La Lune brillait au-dessus d’eux, au-dessus de l’eau du lac… elle était si belle…
À la fin de la chanson, alors qu’il sentait qu’il allait resombrer plus profondément à nouveau, son père posa sa main sur son cœur, aussi doux que s’il était fait de verre. Il lui chuchotant, le petit garçon sentant quelque chose de tout dur se former entre ses doigts.
« Fais-y très attention Félix… ne la perd surtout pas… »
Il obéit, la serrant encore plus contre comme si c’était sa propre vie, bien en sécurité dans les bras de son père au fond du lac, veillé par la lune…
*
Sylvain aidait à distribuer des vivres et du bois en ville, la moitié des habitants de la capitale faisant la queue dans l’espoir d’avoir un peu de pain des réserves loogiennes et surtout du vöruhus. Vieille tradition restée de l’époque où ils faisaient encore partie de Sreng : la nourriture était toujours mise en commun afin de mieux la gérer, sauf les personnes vraiment riches qui préféraient garder la leur pour eux et éviter de la partager depuis quelques décennies. Dans des périodes comme celle-ci, le vöruhus évitait aux gens qui n’avait pas assez de réserve pour tenir toute l’année de ne pas mourir de faim. Même si son père avait refusé de transmettre plus d’homme et de vivres à Fhirdiad quand Rufus en avait demandé plus, la disparition d’autant de nourriture emmenée par les soldats en partance pour le sud se faisait déjà cruellement sentir. Les récoltes avaient été aussi mauvaises que d’habitude à Gautier, à peine suffisante pour les nourrir en temps normal alors, avec une partie envolée sans contrepartie… la disette les frappait sévèrement… même pire que la disette… le visage de tous ses citoyens était hanté par le spectre de la famine et de la faim… il fallait même surveiller les convois de nourriture et de rationnement pour éviter les vols et les émeutes… tout ça à cause de ce roi sans yeux… enfin, c’était surement trop sreng de penser ainsi… même si c’était la réalité.
Sylvain se baissait pour donner des roues de pain à deux gamins, les laissant cajoler Foa. Les petits arrivaient à sourire en pouvant faire un câlin à un renard sans danger, quand Starkr croassa, les plumes gonflées alors qu’il regardait le ciel.
« Qu’est-ce qui t’arrive mon vieux ? Tu as vu quelque chose ?
En levant le nez à son tour, il arriva à discerner un messager à pégase foncer en direction de leur forteresse. Le tissu qui recouvrait la croupe de l’animal semblait bleu roi alors, ça devait venir de la capitale… qu’est-ce qu’ils leur voulaient encore ?!
Laissant les domestiques finirent, il retourna en vitesse chez lui mais, il trouva un véritable attroupement dans la cour, alors que la voix froide et autoritaire de son père résonnait comme une menace.
« …nous l’avons déjà fait savoir à Son Altesse le régent, il en est hors de question, c’est au-dessus de nos moyens. La famine frappe déjà notre porte, et nous en sommes réduits à grimer des paysans en soldats pour donner l’illusion que les ports sont gardés. Gautier ne peut rien donner de plus à la Couronne.
Sylvain garda un visage neutre en voyant un envoyé de Fhirdiad, malgré son envie de se frapper le crâne d’atterrement. Mordant commençait à grogner à côté de lui, sur le point d’attaquer la messagère face à lui.
« Non Mordant, l’arrêta-t-il. C’est pas une bonne idée, même si ça doit démanger tout le monde… »
Heureusement, le molosse l’écouta docilement, comme toujours avec lui, tout comme Foa. Le jeune homme fit tourner son regard dans la cour. Plusieurs de leurs domestiques étaient sortis pour voir ce qui se passait, terrifiés à l’idée de devoir encore plus se serrer la ceinture. Miklan était appuyé contre le mur dans un coin, profondément ennuyé par tout ça, grognant en voyant que Starkr était toujours sur l’épaule de Sylvain. Depuis la dernière fois, il évitait de s’attaquer à son petit frère quand l’oiseau était là, de peur de se reprendre des coups de becs et de serres. Enfin, il avait repéré Fregn en train d’écouter à une fenêtre de la cour, assez proche pour entendre à peu près correctement les choses.
La messagère reprit, froide et implacable comme le destin des Normes.
– La couronne comprend vos réticences mais, les ordres restent les mêmes : vous devez fournir hommes, armes, et vivres à la capitale. La situation est très tendue là-bas et nous devons montrer notre force et notre puissance à l’Alliance afin d’obtenir des conditions plus favorables pour négocier le traité sur les bleds. Pour citer notre régent à tous, « les soldats de Gautier doivent être fier d’accomplir leur service envers la famille royale en des temps si difficile ». J’ajouterais que l’assistance est un des devoirs des vassaux envers le suzerain.
– Répondez-lui que nous n’avons plus beaucoup de soldats après Duscur et la précédente levée d’hommes et de vivres. Avec ceci, j’ajouterais que si l’assistance au suzerain est bien un devoir vassalique, un autre de nos devoirs est également celui de conseil, et je ne saurais trop conseiller au régent et à la famille royale de ne pas trop épuisés les fiefs qui les entourent. Nous sommes au bord de la famine, des conditions encore plus difficiles sont propices au développement d’épidémie de maladie et de brigandage. Ce n’est que pure folie et une faute politique de réquisitionner toute la nourriture de Faerghus pour la donner à Fhirdiad et ne fera qu’attiser le mécontentement déjà très fort après la Tragédie de Duscur. En tant que fidèle vassal de Sa Majesté Lambert et gardien de la frontière avec les srengs, je ne puis céder plus à la couronne, sous peine d’affaiblir encore plus la famille royale.
– Vos conseils sont louables mais, le régent a déjà pris sa décision de manière éclairée et avec l’appui de différents conseillers venus de l’Ouest…
– Les conseillers de l’Ouest sont bien inutiles pour décider de l’avenir de Gautier. Aucun ne vit sur un front permanent avec de la neige jusqu’à la taille la moitié de l’année.
– Certes. Mais un refus de votre part sera considéré comme un manquement à votre devoir et une trahison de votre maison envers Faerghus en période de crise. Comme le veut la coutume avec votre famille, si tel est le cas, vous passerez devant le tribunal militaire qui décidera de votre sort comme si nous étions en période de guerre, ce que nous sommes après tout suite à la Tragédie. Je doute que vous voulez finir comme le duc de Fraldarius…
Le cœur de Sylvain manqua un battement en entendant la mention de Rodrigue, lancée comme une menace par la messagère. Il vit aussi Fregn se baisser un peu plus, attentive, même si elle cachait tout ce à quoi elle pensait, et même Isidore échappa son choc d’entendre une telle chose. Rodrigue remplissait toujours son devoir à la perfection (ou autant que possible avec un roi sans yeux comme maitre), qu’est-ce que Rufus pouvait bien lui reprocher ?! Il savait qu’ils ne s’entendaient pas et que Rufus se transformait en Clovis mais, qu’est-ce qui avait bien pu lui faire subir ?! Qu’est-ce que le destin allait encore lui faire endurer après lui avoir arraché ses fils ?! La messagère continua en entendant les murmures choqués autour d’elle, menaçante.
– En effet, lors de l’arrivée du grand-duc Oswald von Riegan, le duc de Fraldarius a eu l’audace de s’évanouir de fatigue juste devant lui alors qu’il le saluait. Comprenez bien que cela n’a guère fait bonne impression auprès du grand-duc, ni même que le régent était furieux de voir un tel manquement à son devoir. Aussi m’a-t-il confié avant que je ne parte que le châtiment que recevra le duc pour son comportement sera exemplaire, leur apprit-elle en passant sa main sur son épée. Comme l’ordonne la loi, elle touchera tous les membres de sa famille, sans exception, même d’âge. Je doute que vous vouliez subir le même sort que lui, vous ainsi que toute votre famille…
Un silence encore plus glacial que l’hiver sreng tomba dans toute la cour. Non… non, ce n’était pas possible… il ne pouvait pas avoir fait épuisé Rodrigue au point de le faire s’évanouir, ce n’était pas possible ?! Mais c’était également trop semblable à ce que lui racontait Félix dans ses lettres, et cela pourrait expliquer pourquoi son père ne lui écrivait plus. S’il était épuisé au point de s’évanouir, Rodrigue ne devait plus avoir d’énergie pour faire quoi que ce soit ! Et il allait le punir pour avoir… travaillé jusqu’à épuisement pour le bien du Royaume ? Pour avoir été fidèle à ce point ? Et ça avait beau être la loi, il allait punir toute la famille Fraldarius pour ça ?! « Sans exception d’âge »… ça voudrait dire que même Félix allait être touché ?! C’était absurde ! C’était encore un gosse dans tout le Royaume ! Et aucun des loups n’avait rien fait de mal ! Ça cachait quelque chose ou alors, Rufus était encore plus un tyran doublé d’un roi sans yeux qu’il ne l’imaginait !
Isidore dut penser à la même chose que lui, se renfrognant dans le silence. La messagère continua, un petit air satisfait au visage.
– Je voie que vous êtes un homme intelligent. Je resterais ici au nom du régent afin de superviser les opérations. Je suis donc sa voix, ses yeux, ses oreilles et sa volonté. Vous devez m’obéir comme au régent lui-même. La compagnie chargée de récupérer vos hommes et vos vivres arrivera dans dix jours par la Grande Route, comme toujours. Tâchez d’en rassembler un maximum d’ici-là. Faites bien votre choix parmi les hommes que vous enverrez Margrave Isidore.
Vigile tenta de protester mais, Isidore l’arrêta, le faisant taire même si l’homme rongeait clairement son frein. Ce fut le seul à protester. La messagère ordonna alors qu’on lui donne une chambre et une stalle pour son pégase. On lui céda, la menace planant au-dessus de toutes les têtes. Personne ne pouvait même se plaindre ou tenter de lui faire comprendre que ce n’était pas possible. Dix jours… ils devaient être déjà en route alors et si tout se passait bien, à un quart, un tiers du voyage selon les conditions…
« Merde ! On est censé récupérer des hommes et des vivres dans tout le fief comment en si peu de temps ?! C’est pas vrai, les deux frères se valent bien ! Les deux sont des rois sans yeux ! À croire qu’ils écoutent juste la honte des dieux et la honte des hommes ! En plus, connaissant les habitudes srengs, ils vont tous passer nous saluer quand ils vont se rendre à Fhirdiad, ça ne fait pas un gros détour et c’est poli chez eux de faire ça ! Ils arrivent pile quand elle est là ou quand ses copains arrivent pour voler encore des hommes et des vivres, et on est bon pour tout recommencer ! Le Grand Thing n’aura servi à rien ! »
Starkr claqua du bec, s’attirant une caresse sympathique.
« Ouais, je sais, moi aussi… »
Il leva à nouveau les yeux, Mordant gardant un œil sur Miklan pour lui. Fregn venait de rentrer à nouveau. Il serait curieux de savoir ce que sa mère avait en tête… vu la situation, il serait pour à peu près tout ce qu’elle imaginait, surtout quand le destin des srengs et la Déesse de Fodlan se moquaient d’eux à ce point… Foa lui donna un petit coup de museau, le regardant avec sympathie. Il lui gratta la gorge dans l’espoir de garder son calme, la renarde gloussant sous ses doigts.
De son côté, Fregn fabriqua discrètement un messager de bois avec un petit message codé accroché à ses ailes, fomentant déjà un plan dans sa tête. Elle le lâcha sans se faire voir, puis l’oiseau artificiel vola plusieurs jours sans s’arrêter avant d’arriver à sa destinataire, le message bien clair.
« Le banc de poisson est piégé. »
Thorgil sourit en rassemblant son village. Elle allait pouvoir rendre une petite visite de courtoisie à sa belle-famille avant d’aller toquer à la porte du régent… ils devaient déjà s’y rendre mais, elle aurait juste un peu d’avance sur les autres… d’autres rois partis tôt pourraient également s’inviter ? Enfin, c’était surtout elle qui avait une occasion de montrer ses compétences là-bas, tout en se faisant un nouvel allié. En plus, cela tirerait sa grande sœur et son neveu des griffes d’un roi sans yeux, cela l’arrangeait sur tous les plans.
Elle finit d’armer ses bateaux, cachant des armes dans le fond. C’était des navires de guerre mais, c’était aussi leurs navires les plus rapides, les chefs et émissaires srengs avaient déjà prévenu les faerghiens qu’ils voulaient régler toute cette histoire au plus vite alors, s’ils semblaient inoffensifs, les gardes devraient les laisser tranquilles.
D’après ses informations, personne ne les arrêterait en Gautier de toute façon.
*
Rodrigue buvait l’eau d’un ruisseau quand il sentit quelque chose. Non ! Non ! Son frère s’approchait de la prison ! Les geôliers allaient le capturer et l’enfermer lui aussi ! Les chiens errants allaient lui mettre un collier et une laisse autour du coup pour le forcer à se tuer à la tâche ! Ils seraient même capables de lui mettre une muselière ! Ils allaient le faire, c’était sûr !
« Désolé mon petit… je reviens tout de suite ! »
Il retourna sur ses pas en vitesse pour rejoindre son frère, allant l’aider avant qu’il ne soit trop tard !
*
Plus il s’approchait de Fhirdiad, plus Alix sentait sa rage s’intensifier en lui, tout comme sa migraine… un avertissement… c’était Rodrigue… il angoissait à l’idée même de le savoir aussi proche de Fhirdiad… ça lui faisait peur… comme si c’était la pire chose qui pouvait arriver…
« Raison de plus pour que je te tire de là. »
Le plus jeune jumeau pénétra sans hésiter en ville avec ses hommes et remarqua tout de suite qu’on le regardait bizarrement, comme si on voyait un revenant ou que les gens avaient peur. Étrange, ils connaissaient pourtant son visage vu le nombre de fois qu’il s’était rendu à Fhirdiad… au nom de la Déesse, qu’est-ce qui s’était passé ici ?! Est-ce que ça avait un lien avec Rodrigue ?! Qu’est-ce que ce chien errant idiot leur cachait cette fois ?!
Il savait qu’Ivy était en ville, il avait vu son étendard au sommet d’un mat en passant dans le port fluvial et dans son état normal, il serait allé lui dire bonjour mais, il n’était pas dans son état normal. Il voulait des réponses sur ce qui arrivait à son frère pour le tirer de cet enfer et point final !
Quand il fut dans la cour du palais, Alix vit assez vite Estelle et Bernard venir vers lui. Il les salua et demanda d’entrée de jeu, n’ayant aucune envie d’attendre encore plus longtemps des réponses.
« Où est Rodrigue ? Il lui est arrivé quelque chose, je le sais ! Et s’il n’est pas là, où est-ce connard de Lambert ? J’ai deux mots à lui dire !
– Longue histoire mais, Rodrigue n’est plus là…
– Bon, alors, c’est Lambert qui me l’expliquera, coupa-t-il tout de suite la capitaine. Pas question qu’on lui prémâche les réponses et comme ça, si je dois exploser, ce sera sur lui. Qu’il assume ce qu’il a fait pour une fois !
– Seigneur Alix… on comprend mais, comment vous sentez vous ? Lui demanda Bernard, visiblement inquiet.
– Mal… je sens qu’il est arrivé quelque chose à Rodrigue mais, je suis incapable de savoir quoi précisément… il est à la fois soulagé, heureux mais aussi mort de peur et il ne pense qu’au louveteau, car qui ne penserait pas qu’à son louveteau alors qu’il n’a plus de nouvelle depuis des semaines ?! Je sens aussi qu’il a peur de me savoir juste à Fhirdiad et me dit de fuir mais, je ne repars pas d’ici sans lui ou au moins sans savoir où le chercher ! »
Ils allèrent ajouter quelque chose mais, Alix fit un signe de tête pour leur demander de ne rien dire. Il voulait entendre tout ça de la bouche de Lambert, c’était lui le responsable de cette histoire alors, qu’il assume et lui explique ce qui s’était passé les yeux dans les yeux !
Le jumeau allait grimper dans le palais pour aller chercher le connard – voir le tirer de son lit s’il roupillait encore ! – quand il vit Gustave lui courir après, surement pour qu’il n’aille pas troubler la paix royale de son petit protégé mais, qu’il aille à Némésis ! Il n’en pouvait plus de ces petits roquets qui battaient la queue devant Lambert et Rufus pour obtenir une pauvre caresse et le protégeaient des conséquences de ses actes ! Pour ça ou réclamer de l’argent à ceux qui avaient hurlé « tu vas faire une connerie Lambert » pour réparer la connerie, là, il y avait du monde ! Pour empêcher les conneries d’avoir lieu ou de recommencer, ou que le connard assume ses actes, il n’y avait plus personne !
« Où est Lambert ?! Je vais le voir que ça vous plaise ou non ! Il a fait quelque chose à mon frère, je le sais ! Lui grogna-t-il dessus sans hésiter une seule seconde.
– Vous n’êtes pas dans votre état normal Alix ! Vous ne savez plus ce que vous dites…
– Ah non ! Vous allez pas me ressortir la même merde qu’avec Ludovic ! C’est trop facile ! C’est toujours « oh la tuberculose vous fait perdre vos esprits », « oh vous ne savez plus ce que vous dites à cause de l’inquiétude », « oh vous vous inquiétez trop pour ce voyage, alors que votre propre putain de père est mort de la même manière alors que la rencontre avait été préparé au cordeau » ! Non ! Je sais ce que je dis et ce que je veux ! Je veux mon frère et comprendre ce que vous lui avez fait ! Et évidemment que je ne suis pas dans mon état normal ! Mon état normal, c’est d’être avec Rodrigue et ma famille ! Pas là à vous écouter bayer aux corneilles ! Alors, vous allez me dire où est Lambert et il va assumer !
– Alix, je vous en prie…
Gustave allait encore tenter de l’empêcher d’aller secouer les prunes de Lambert et sa tête pleine de vide, quand un scribe sortit d’une pièce voisine – une de la chancellerie – soit pour aller porter un message soit pour autre chose. Malgré sa colère, Alix ne put s’empêcher de penser que c’était le portrait craché de Ludovic, il lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Ah Ludovic… si seulement il pouvait sortir de sa tombe pour venir engueuler ses fils et reprendre les choses en main ! Lambert aurait eu une poussière de la compétence de son père, Faerghus n’en serait pas là ! Et lui aurait encore toute sa famille au complet ! Il aurait encore Glenn et Nicola, Rodrigue ne se serait pas disputé avec Félix et aucun d’eux ne serait en deuil ! Sa meute serait encore toute là !
– Que se passe-t-il ? Demanda-t-il, surement étonné, même si son visage ne bougeait pas, tout comme sa voix, comme pour leur Oncle Ludovic.
– Rien qui ne doit vous troubler. Retournez au travail, ordonna Gustave.
– Je viens engueuler Lambert pour ce qu’il a fait à mon jumeau, répliqua Alix. Vu que Rodrigue n’est pas ici apparemment, vous savez où ce connard de chien errant est pour qu’il m’explique ce qu’il a fait à mon frère ?
– Dans son étude. Sa Majesté a repris le travail récemment.
– Car il dormait avant ? C’est l’hospice qui se fout de la charité ! Rodrigue doit travailler jusqu’à l’épuisement et on lui arrache son fils, mais Lambert, il peut dormir ! Je veux bien qu’il soit blessé mais depuis le temps, il devrait bien s’être soigné avec Areadbhar ! Sauf si elle aussi en a eu marre de ses conneries car Déesse, qui ne le serait pas à sa place ?! » Répliqua-t-il en se précipitant vers la pièce de travail de Lambert, ignorant Gustave qui lui courrait derrière en l’appelant. Un petit toutou jusqu’au bout.
Ludovic hésita à les suivre, regardant Alix partir furieux. C’était fou ce qu’il pouvait ressembler à Guillaume… c’était son portrait vivant, et il avait visiblement bien hérité de son caractère. Enfin, il y penserait dans une situation moins critique. En tant que simple agent du roi, il ne pouvait pas se permettre d’intervenir mais, Oswald et Ivy devraient pouvoir mettre leur grain de sel et peut-être empêcher que la situation ne dégénère trop. Dans tous les cas, il fallait au moins tenter d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard ! Alix semblait complètement instable et il sentait la magie tout autour en lui s’affoler ! C’était un magicien aussi apparemment ! Il fallait faire quelque chose avant qu’il ne subisse le même sort que son frère !
Alix sentait la magie de Rodrigue dans ses veines, leur lien la partageant avec lui… il était sûr que c’était une tentative pour l’aider, le protéger… son angoisse grandissant dès qu’il se rapprochait juste de Lambert… par la Déesse et les Braves ! Qu’est-ce qu’il avait bien pu lui faire subir pour que le simple fait qu’il s’approche du connard terrifie son jumeau à ce point ?!
Sans rien demander aux gardes qui le dévisagèrent d’étonnement, il ouvrit la porte pratiquement d’un coup de pied sans plus de cérémonie en ordonnant, voyant Lambert et Rufus assis côte à côte. Tant mieux ! Il avait également des choses à lui reprocher à ce tyran !
« Lambert ! Faut qu’on parle ! Où est Rodrigue ?! Qu’est-ce que tu lui as fait ?!
– Alix mais qu’est-ce que… il vit les gardes à la porte tenter de l’attraper pour le maitriser mais, il ordonna. Non ! Ne lui faites rien ! Ça va !
– Tient, y a encore des gens qui ne veulent pas t’étrangler dans ce pays ? Tu leurs donnes autre chose que de la boue et trois croutons de pain à manger, avec un os à ronger le dimanche ? Car aux dernières nouvelles, c’était ce que Rodrigue et Félix avaient à manger comme tout le monde !
– Attend… quoi ? » S’étonna Lambert et par pitié, qu’on donne le droit à Alix de l’égorger pour de bon ! « Les repas sont plus conséquents que ça ! Je l’ai vu de mes yeux ! Ils étaient plus frugaux au début mais, je te jure que maintenant, tout le monde mange mieux à Fhirdiad ! Et on t’a envoyé une lettre pour t’expliquer que…
– Ah car tu l’ignorais en plus ? C’est une grande première ça dis-moi ! Enfin, j’ai vu qu’il en avait un peu plus, étant donné que vous nous volez toute notre nourriture dans les fiefs de province ! Comme ça, vous manger un peu plus mais nous, on a rien à se mettre sous la dent si on ne vous repousse pas à coup de flèche ! Tout ça car t’as vidé tes réserves pour ta connerie de voyage, alors qu’on t’avait dit de faire attention à la nourriture pour Fhirdiad ! C’est ce qui est arrivé à Rodrigue, c’est ça ?! Où est mon frère ?! Qu’est-ce que tu lui as fait ?! Je l’ai pas reçu ta putain de lettre, le courrier entre Fhirdiad et Egua a tendance à se perdre et même entre Fhirdiad et Lokris vu que ni moi ni Félix, on ne recevait plus les lettres de Rodrigue et lui les nôtres ! Si t’as envoyé des messagers, soit ils se sont perdus, soit ils se sont faits attaqué par des brigands, vu que ça pullule sur les routes en ce moment ! Et je suis en face de toi alors, explique-toi directement, ça te changera d’assumer tes actes devant la personne concernée pour une fois !
– Alix, s’il te plait, une seconde, calme-toi, tenta-t-il de l’apaiser mais, cela n’eut comme effet que d’encore plus énerver le plus jeune jumeau, qui avait juste envie de le mordre ce chien errant une bonne fois pour toutes ! Tu n’es clairement pas dans ton état normal…
– Que je me calme ?! Je sens tout ce qui arrive à Rodrigue ! Je sais qu’il lui ait arrivé quelque chose depuis des jours mais, je suis incapable de savoir quoi à part que c’est grâce à toi, à Rufus et à votre roquet de Gustave ! Et je suis loin de mon frère, je sais qu’on lui a arraché son fils, que son fils est aussi malheureux d’être loin de son père même s’il n’assume pas ! Je sens que mon frère est très mal en point puis qu’il lui ait arrivé quelque chose et je n’arrive pas à savoir quoi ! Je suis obligé de venir le chercher car je veux savoir ce qui se passe et le tirer de tes griffes et tout ce que je trouve, c’est toi qui me dis de me calmer car étrangement, je ne suis pas dans mon état normal ?! Mais achevez-moi ! T’es encore plus idiot que je ne le pensais !
– Seigneur Alix, mesurez vos propos face au roi ! Vous n’êtes pas au-dessus des lois ! Le prévient Gustave, la main sur sa hanche, prêt à dégainer sa masse d’arme si nécessaire et lui aussi, qu’il aille à Némésis !
– Je fais ce que tout le monde veut faire : lui demander des comptes ! Il fait connerie sur connerie depuis des années et ça aurait pété bien avant si on n’avait pas été derrière pour nettoyer sa merde alors qu’il jouait avec ! Et j’en ai assez de passer par des intermédiaires ! Je veux une explication du responsable de toute cette histoire ! Et je la veux maintenant ! Qu’est-ce que tu as fait à Rodrigue chien idiot ?! Pourquoi je ne recevais plus de nouvelles de sa part ?! Pourquoi Félix n’en recevait plus non plus ?! Et pourquoi il est comme ça ?!
– Alix, je vais t’expliquer… enfin ce que je comprends et ce que je sais…
– Car tu ignores ce qui se passe dans ta propre putain de maison ?
– Si tu veux une explication à ce point, tu devrais le laisser parler, le reprit Rufus.
– Et toi aussi, tu as intérêt à t’expliquer ! Ne le loupa pas Alix, tous crocs dehors. Je sais que c’est toi qui abusais le plus de Rodrigue ! J’espère que ton petit frangin est au courant, histoire que ça le rende un peu moins con qu’il ne l’est déjà !
– Oui, je sais que Rufus lui a donné beaucoup de travail avec Gustave, sans vraiment se rendre compte qu’ils le chargeaient à ce point vu qu’ils font la même chose… reprit difficilement Lambert et en y mettant les formes, même si c’était tellement hors sol que ça ne faisait que faire encore plus gronder sa fureur. Ils ne pensaient pas que cela le faisait souffrir à ce point, surtout que vous êtes très travailleurs tous les deux, ils ne pensaient pas…
– Oui, quand les alliés de ton frangin viennent utiliser la mort de Glenn, en traitant Rodrigue de père indigne s’il ne se venge pas sur des gens dont on est pas sûr que c’est des coupables, et parce qu’il ne veut pas d’une guerre qui va juste achever Faerghus, ces clébards ne le pensaient surement pas ! C’était une plaisanterie, bien sûr ! Et quand ça ne marche pas, car Rodrigue ne veut pas tuer des gens pour juste leur voler leurs mines, ils se mettent à menacer de lui arracher Félix ! Et ils ont fait quoi d’autres ?! Ils sont venus chouiner dans ta cape quand ils se sont pris le coup de crocs qu’ils méritaient ?! Car qui ne fait rien et laisse son gosse être en danger quand c’est évident qu’il est danger à part toi ?!
– Ah non Alix ! N’emmène pas Dimitri là-dedans ! Lui interdit tout de suite Lambert, touché au vif vu que même lui devait savoir que c’était une réalité, bien qu’il ne voulait pas l’entendre. Il n’a rien à voir avec tout ça !
– Car tu crois que ton frère se gêne pour menacer les gosses des autres ?! Goutte à la propre médecine de Rufus, tu sauras ce que ça fait ! Crois-moi que Rodrigue avait peur quand on lui a dit que s’il ne pliait pas et n’aidait pas à faire cette stupide guerre, c’est Félix qui allait s’en prendre plein la gueule ! Comme si perdre Glenn à cause de toi et de ton idiotie ne suffisait pas ! Et c’est toi qui as emmené Dimitri le premier là-dedans ! C’est toi qui as tout fait pour emmener le fils d’Héléna dans ce voyage alors qu’on t’a dit et répété et rabâché que c’était dangereux ! Bordel ! Elle t’aurait tellement refait le portrait si elle était encore là ! Elle aurait protégé son bébé elle au moins !
– Alix… commença Gustave mais, cette fois, c’est Lambert qui l’empêcha de parler, pour le meilleur et le pire.
– Oui, je m’en rends compte maintenant… je sais que j’aurais dû vous écouter… si tu savais à quel point je regrette de…
– Tes remords n’y changeront rien, le coupa-t-il avec froideur, comprenant de mieux en mieux pourquoi les srengs qualifiaient les mauvais dirigeants de « roi sans yeux ». C’est toi qui as choisi de l’emmener, c’est toi qui n’as jamais écouté personne alors qu’on te hurlait tous que ce voyage était dangereux car, tu ne nous as pas laissé le temps de le préparer correctement ! C’est toi qui as décidé tout seul comme un grand de l’emmener dans un piège évident, alors qu’il y avait d’autres solutions pour résoudre la crise ! Tu peux regretter tout ce que tu veux, tu restes responsable de ses blessures et de son traumatisme d’avoir vu tout le monde se faire tuer devant ses yeux ! C’est pas toi qui as tenu les armes ou lancé les sorts mais, c’est toi qui leur a donné une occasion en or de vous attaquer et de tous vous massacrez ! Tu peux regretter mais, c’est toi le responsable de cette Tragédie ! C’est la conséquence de tes actes et de ta connerie, que tu le veuilles ou non ! Quoi que tu en penses, tu as aussi le sang de Glenn, Nicola, Jacques, tous les autres et même de Dimitri sur les mains !
Lambert prit son air misérable qu’Alix ne supportait plus. C’était la vérité sauf que Sa Majesté Lambert le Chien Errant refusait de l’accepter car, ça voudrait dire assumer ses actes pour une fois ! Même avoir été à deux doigts d’avoir été décapité et de voir son gamin tuer ne suffisait pas à le faire grandir un peu ! C’était bien beau de regretter mais, ça ne voulait rien dire s’il ne changeait pas et n’arrêtait pas d’être un crétin niais et qui prenait tout le monde pour acquis, à commencer par la famille d’Alix et surtout son frère ! Déesse ! Il avait tellement de plus en plus mal à la tête !
« Alix… sors… sors d’ici ! Il faut que tu t’enfuies loin d’eux ! Fuis !
C’était la première fois qu’il entendait aussi distinctement la voix de Rodrigue dans sa tête… c’était toujours des impressions, des sentiments, des émotions… jamais vraiment de mots précis et de véritables phrases… vu leur état d’esprit respectif, le plus jeune parierait sur le fait que ce soit à cause de leur inquiétude, c’était surement ça qui renforçait leurs liens au maximum… il ne pouvait que sentir à quel point son frère s’inquiétait ! Lui disait de partir ! De fuir ! Qu’il n’avait rien à faire ici ! Mais Alix ne pouvait pas partir sans lui !
– Pas avant de savoir où te trouver ! Je ne te laisserais pas entre leurs griffes, je te le promets !
– Ils vont vouloir te mettre en laisse et un collier autour du cou ! Je ne veux pas qu’ils t’enferment toi aussi…
–Qu’ils tentent seulement, et je leur mange les mains et la gorge avec.
– Alix… soit prudent… j’arrive aussi…
– Promis… on se retrouvera toujours tous les deux… »
Lambert reprit enfin, après avoir tenté d’avaler toutes les vérités qu’Alix venait de lui balancer dans la gueule, expliquant lentement, comme s’il voulait retarder la fureur qui allait lui tomber dessus. Même lui savait qu’il allait s’en prendre une visiblement !
– Alix… Rod… Rodrigue était… est tombé très malade… sa magie était complètement instable et en surcharge…
– Tu ne fais que me dire ce que je sais déjà. Cela fait des semaines qu’il est comme ça, encore plus quand Gustave lui a arraché Félix, et je suis littéralement dans la tête de Rodrigue. Mon frère est moi et je suis lui. Même toi, tu le sais que chaque chose qu’il ressent, je les ressens et que je ressens chacune de ses blessures comme si c’était les miennes. Donc, épargne-moi les détails et abrège ! Ma patience à ses limites !
– Comme si on n’avait pas remarqué…
– Rufus, s’il te plait, ne complique pas encore plus les choses… le supplia Lambert avant de reprendre. Ce n’était plus tenable alors, il a demandé à rentrer chez vous et est venu directement me voir pour me dire qu’il rentrait… je… je ne savais pas qu’il était malade à ce point, je ne l’ai su qu’après, quand c’était trop tard… je… je te jure et je t’en supplie Alix, il faut que tu me croies, je ne pensais pas qu’il était malade à ce point… alors… alors je lui ai dit que ce serait mieux s’il se reposait ici… les yeux d’Alix se rétrécirent encore plus de fureur, Lambert continuant avant qu’il ne lui arrache la gorge avec ses dents et ses griffes. Je te promets que ce n’est pas ce que tu croies ! Je pensais que ce serait mieux s’il se reposait au palais et se soignait ici ! Cornélia lui aurait donné ses meilleurs médicaments, tu aurais pu venir le voir, Félix serait revenu ici en même temps que Dimitri quand il serait guéri, et… et j’avoue que je n’avais pas envie qu’il parte non plus…
– Oh… quelle grandeur d’âme ! Cornélia allait lui donner des médicaments alors qu’elle ne l’a pas fait pendant des semaines, ce serait encore et toujours à nous de faire tous les efforts du monde pendant que toi, tu n’aurais pas eu à bouger le petit doigt, et tu te fais passer toi et ce que tu veux avant tout le monde ! Et évidemment, tu ne penses même pas à la possibilité que Félix aurait pu avoir envie… je sais pas, de rentrer à la maison ou de revoir son père avant que Dimitri ait fini de guérir ?! Non ?! Il ne pourrait pas avoir envie de revenir dans notre meute ?! Il faut toujours que tout soit au pied de ta famille sans penser à celles des autres ! Surtout la nôtre ! On doit TOUJOURS être à tes pieds sans réfléchir ! Bien sûr ! C’est évident ! Et bien sûr, personne ne l’aurait forcé à travailler pendant sa convalescence parce que tu as dit « non, laisser-le tranquille une seconde » ?! Qu’est-ce que tu crois ?! Gustave et Rufus l’auraient enterré sous le travail à la première occasion ! Tu ne sais même pas ce qui se passe dans ton propre palais et que ton frangin menaçait mon frère de faire du mal au louveteau ! Tu aurais pu tout de suite savoir ce qui se passait vraiment de la bouche de Rodrigue mais non ! Il fallait te dorloter comme un nouveau-né car sinon, on se prend un sermon et des avertissements de ton chien de garde Gustave !
– Il… il me l’a fait comprendre aussi… il s’est aussi énervé et m’a dit qu’il n’en pouvait plus, et… et…
Lambert n’arriva pas à avouer, s’attirant encore plus les foudres d’Alix qui fit un pas de plus dans sa direction, grondant, tout crocs dehors. Les gardes étaient aux abois, prêts à l’arrêter au moindre trop geste trop brusque. Comment ils avaient pu en arriver là ?!
– Il s’est énervé à raison car, vous n’arrêtiez pas d’abuser de lui pour le forcer à encore faire ton travail à ta place ou à la place de celle de son frère, tu m’étonnes qu’il pète une amarre à force ! Et quoi ?! Parle ! » Ordonna Alix, la fureur se mélangeant à la peur de tout ce qui aurait pu arriver à Rodrigue alors qu’il était aussi affaibli et avec sa magie aussi instable ! « Qu’est-ce que tu as fait à mon frère ?!
– Et il… ah Déesse, comment t’expliquer… sa magie s’est emballée et… et je te jure qu’il va bien ! Plus ou moins mais, il va bien selon nos dernières informations. Il était entier et… et en grande forme d’une certaine manière… par… parce qu’il… tu vas être encore plus furieux que tu ne l’es déjà mais, il s’est… il a voulu vous retrouver et aller chercher Félix plus que tout… plus qu’il n’était raisonnable de vouloir quelque chose, même si ça se comprend… il aime son louveteau plus que tout au monde… et…
– Il s’est transformé en loup. C’était bien mérité.
Lambert se figea en entendant Rufus lâcher la vérité d’un coup, passant derrière le bureau pour faire directement face à Alix les yeux dans les yeux. Mais quelle mouche l’avait piqué ?! ça ne ferait que le rendre plus furieux !
– Rodrigue s’est transformé en loup, puis s’est enfui en courant dans la forêt pour aller on ne sait où. Vers toi ou Félix ou à Némésis, peu importe, je m’en moque honnêtement. Il a osé manqué à son devoir et se faire plaindre par le grand-duc von Riegan, il a même poussé l’outrance à s’évanouir devant lui alors qu’on ne lui demandait rien d’extraordinaire. Il faisait aussi bien semblant de s’écraser en face de moi mais, pour donner les pires idées du monde à Lambert, il ne se gênait pas ! Comme cette idée stupide d’envoyer Dimitri à Lokris ! Je suis sûr qu’il a profité de la faiblesse de mon frère pour le pousser dans cette idée stupide ! Il était aussi bien trop proche avec les domestiques et parlait trop avec eux au lieu de faire son travail ! Il taillait toujours la bavette avec le messager ! Alors, oui, ton frère a fait son travail de vassal et a travaillé pour le roi, grande nouvelle révolutionnaire ! C’est juste qu’à force que Ludovic vous dorlote comme ses vrais héritiers, qu’autant les srengs que ce vieux crouton d’Oswald vous louent comme étant soi-disant plus capables que mon frère, et que votre peuple vous apprécie un peu plus que la moyenne, vous avez l’insolence de vous prendre pour ce que vous n’êtes pas ! VOUS êtes les vassaux et NOUS sommes la famille royale ! C’est à nous que vous devez des comptes et à personne d’autre ! C’est vous les serviteurs ! Restez à votre place au lieu de tenter de nous la prendre ! Alors oui, Rodrigue s’est transformé en loup à cause de sa magie ou d’une punition de la Déesse pour votre arrogance à tous et c’était bien mérité !
– Quoi ?! Rodrigue s’est… transformé en loup… à cause de vous ?!
Alix devient encore plus pale qu’il ne l’était de base, toute sa fureur se calmant d’un coup à cause du choc, alors qu’il secouait la tête, incrédule. Il gronda, se mettant à tourner en rond comme une bête acculée, répétant encore et encore.
– C’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… Rodrigue…
– Si, accepte-le.
– Rufus ! Arrête ! Tenta Lambert, comprenant que cela ne faisait qu’empirer les choses. Tu ne fais que mettre plus d’huile sur le feu !
– C’est pas possible ! Hurla d’un coup Alix, tout croc dehors à nouveau. Vous n’avez pas pu le pousser à bout à ce point ! On fait déjà tout le travail ! On tient déjà le Royaume en un morceau depuis des années vu qu’aucun de vous deux n’est foutu de ne pas faire de la merde mais en plus, après nous avoir tous tués au travail et surtout nous deux et au sens littéral pour Glenn, vous avez en plus transformé Rodrigue en loup ! Ça explique tellement de chose ! Ça explique pourquoi il était aussi soulagé ! Entre être ici à vous supporter et à encore faire tout votre travail sans reconnaissance, et être transformé en loup, ça devait être plus supportable de se tailler ! Je comprends tellement qu’il me dise de fuir !
– Qu’il te dise de… attend Alix ! Tu veux dire que tu entends… » s’inquiéta tout de suite Lambert. Les jumeaux n’entendaient jamais de mots entre eux !
« Ça explique tout ! Ça explique tout ! Répéta le plus jeune jumeau, couvrant sa voix. C’est pour ça que tout ce qu’il m’envoie est aussi étrange ! Ah mais je le comprends tellement ! Je préférerais aussi être transformé en loup que de subir trois chiens errants et idiots comme vous trois !
– Alix, je comprends que ce soit difficile mais, on est en train de le chercher, je te le promets, tenta de lui expliquer le roi. Estelle et Bernard ont pris les choses en main. On leur a proposés de les aider mais, ils ont refusé qu’on participe.
– C’est qu’ils ne sont pas complètement cons à ta différence ! Répliqua-t-il, les yeux exorbités de rage, le criblant comme il le ferait avec ses flèches. Qu’est-ce que tu crois ?! Un type de Rufus les suit, il va mettre une flèche dans la tête de mon frère à la première occasion ! Et c’est aussi ce qui va se passer si un chasseur lui tombe dessus ! Rodrigue risque de se faire tuer !
– Ah oui, vous n’êtes plus rien sans Ludovic ou votre maman pour vous mâcher le travail, » le nargua encore Rufus. Mais pourquoi il faisait ça ?! Ça ne faisait qu’énerver encore plus Alix ! « Au moins, ça vous aura appris à rester à votre place de vassaux j’espère…
Avant que Lambert n’ait pu lui dire d’arrêter de le provoquer, ou Rufus de finir sa phrase, Alix le fit taire d’un coup de poing, tout crocs dehors et son emblème en renfort en criant :
– Celle-là, c’est pour tout ce que as osé faire subir à Rodrigue !
Puis il en mit une autre, sa force et celle de son emblème envoyant Rufus au sol avant que Gustave n’arrive pour le retenir.
– Et celle-ci, c’est celle qu’on aurait dû vous mettre à tous les deux depuis des années !
– Alix ! Calmez-vous ! Vous dépassez complètement les bornes ! Maitrisez-le ! S’écria le chef de la garde en lui prenant le bras pour l’empêcher de bouger, même si le plus jeune jumeau se débattait toujours comme un beau diable, rétorquant sans hésiter :
– Car eux ils ne le font pas ?! ça fait des années, des années qu’on se tue pour Faerghus ! ça fait des années qu’on travaille d’arrache-pied pour que notre fief et le Royaume continue à grandir comme sous Ludovic ! Mais au final, on passe notre temps à balayer derrière ce crétin de Lambert ! C’est nous qui faisons tout le boulot à sa place !
– Alix, je sais que tu t’inquiètes et que tu es en colère contre nous, surtout que Rufus n’aurait jamais dû te parler comme ça, encore moins de Rodrigue dans une situation pareille, essaya Lambert, tentant d’être compréhensif. Mais il faut que tu te reprennes… je suis sûr qu’on va trouver une solution qui nous convienne à tous…
– Que je me reprenne ?! Mais je ne fais que dire la vérité mon vieux ! C’est nous qui t’avons empêché de faire des dizaines de Duscur avant tellement t’es un chien idiot de première ! Ça fait des années qu’on se tue à nettoyer ta merde car, t’es pas capable de comprendre que non, tout n’ira pas bien dans le meilleur des mondes et que non, tout le monde n’a pas les mêmes intérêts dans ce putain de Royaume ! C’est nous qui relisons tout et qui coupons tout ton optimisme crasse ! C’est juste que c’est plus simple pour toi de dire que tu vas arriver à satisfaire tout le monde, que de te mouiller et de prendre clairement position pour un camp ! Tu veux aider les roturiers, très bien mais, vas-y à fond pour vraiment les aider au lieu de toujours ménager les mêmes ! Si tu donnes du pain à tout le monde, ça ne changera rien aux faits que ceux qui sont blindés de blé n’ont pas faim, et ça fait que tu n’en as plus assez pour en donner plus à ceux qui crèvent la dalle ! S’il y avait des seigneurs du Royaume dans le lot des comploteurs, c’est vraiment des chiens errants égoïstes ! Tu es bien moins radicale que ton père qui a juste dit à tous les traditionalistes et à l’église Occidental de ses deux d’aller se faire foutre, le Royaume passe avant tout ! Même avant l’intérêt de sa propre famille ! « Vous n’aimez pas la monarchie élective ?! Allez-vous faire foutre, ça évitera un autre Clovis ou à mon incapable de fils d’arriver sur le trône ! Le bien commun des faerghiens passent avant votre soif de pouvoir ! » Lui, c’était un vrai homme d’État ! Il savait prendre de vraies décisions et de vraies mesures pour résoudre les problèmes pour de bon ! Pas un gamin qui fait un caprice pour faire ce qu’il veut pour prouver à personne qu’il est un très grand garçon, tout en traitant les vies de tous ceux dont il est responsable comme des poupées immortels ou jetables ! C’est nous qui faisons en sorte que tu ne tues pas le Royaume par excès d’optimisme ! Et avant nous, c’était Héléna qui se mangeait tout ce travail ! Ne te demande pas pourquoi vous n’avez pas eu d’enfant avant, c’est parce qu’elle était épuisée de devoir passer tout le temps derrière toi et de rattraper tes conneries ! Devoir faire le travail de deux personnes l’a tellement épuisé que cela a fini par l’affaiblir alors qu’elle avait une santé de fer elle !
Lambert fut encore plus piqué au vif que quand Alix avait parlé de Dimitri. Non ! Ce n’était pas vrai ! Elle était fatiguée, oui, souvent mais, ce n’était pas ça ! C’était bien son travail qui l’épuisait, elle travaillait énormément et son mari faisait tout ce qu’il pouvait pour l’aider mais, ce n’était pas forcément ça qui l’avait autant affaibli ! Il venait de perdre Patricia, le veuf refusait qu’Alix passe sa colère sur la mémoire d’Héléna ! Pas elle !
– Tu ne sais pas de quoi tu parles Alix… gronda-t-il, presque une menace. Ce n’est pas…
– Elle ne t’a rien dit ? Car tu aurais remarqué quelque chose ?! T’étais même pas foutu de comprendre qu’elle était amoureuse de toi et toi d’elle ! Y a fallu qu’elle meure pour que tu comprennes que oui, c’était pas juste de l’amitié ! On n’a que deux ans d’écart mais, bonjour la maturité ! Même pas capable de comprendre tes propres sentiments et ceux des autres ! Faut croire que ton côté naïf avait des côtés attachants plutôt qu’à vomir pour qu’Héléna t’estime digne de son amour, alors qu’elle était trop bien pour toi ! À ce stade, fallait qu’elle fasse comme Rodrigue et s’évanouisse d’épuisement ou se transforme en fouine devant toi pour que tu comprennes ?! Elle était plus bavarde avec Félicia, car qui pouvait résister à Félicia quand elle s’inquiétait ?! Elle était morte de peur qu’Héléna meure d’épuisement malgré sa bonne santé ! Et elle était épuisée parce qu’elle devait constamment nettoyer ta merde et que tu ne voulais pas écouter ton paternel quand il te disait d’être moins naïf ! Même elle, tu ne l’écoutais jamais quand elle te faisait des remarques ! Tu m’étonnes que Ludovic refusait de te donner plus de responsabilité, il ne voulait pas avoir la mort de surmenage d’Héléna sur la conscience car lui, il tenait vraiment aux gens ! Et toi, tu ne le remarques même pas ?! Même elle, tu l’as prise pour acquise juste parce que c’est toi ?! Au moins, on ne peut pas t’accuser de faire de favoritisme hors Patricia et Rufus, tu nous traites tous comme de la merde ! Alors que c’est nous qui faisons tout ton travail à ta place ! On devrait être payé pour devoir te supporter tient !
– Et puis quoi encore ? Rétorqua Rufus en se relevant, se massant sa mâchoire douloureuse – cela demandait trop de force d’être archer pour juste tirer des bouts de bois de loin ! –, sans comprendre pourquoi il se mettait lui-même au sol avec une proposition aussi ridicule. C’est les roturiers qu’on paye, pas les nobles ! Vous, vous devez servir le roi et la nation, autant en conseillant correctement le roi qu’en versant votre sang pour lui ! C’est ça le devoir des nobles !
– Et on fait le travail des roturiers en passant derrière Sa Majesté qui fait merde sur merde, tout en nous prenant toutes les conséquences de ses actes dans la tronche ! Ouais, le seul impôt de la noblesse est celui du sang mais, si vous n’aviez pas remarqué, chez nous, on le paye vachement tôt ! Mes grands-parents l’ont payé à vingt-trois ans, mes grands-oncles et tantes du côté Fraldarius entre vingt et trente ans, mon père à trente-deux ans, Glenn à dix-neuf, et je vais m’arrêter là car sinon, j’en aurais pour des jours à énumérer tous les membres de ma famille qui sont morts à votre place ! À l’échelle de notre famille, Rodrigue et moi, on est centenaire et Félix est au tiers de sa vie ! On meurt tous avant quarante ans car, faut qu’on soit toujours vos boucliers en viande ! Et au moins pour Guillaume, Ludovic faisait attention ! Il a toujours tout fait pour le protéger et qu’il ne meure pas, même s’il n’a pas pu tout prévoir ! Kyphon a vécu soixante-quinze ans avant de mourir de vieillesse, Clothilde jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans et c’est la plus vieille de notre famille ! C’est quasi les seuls à avoir dépassé les quarante-cinq ans ! Et tu sais pourquoi eux, ils ont vécu longtemps ? Car Loog et sa fille Sophie ne les prenaient pas pour acquis ni pour de la merde et prenaient soin d’eux au lieu que ce soit qu’eux qui fassent tout ! ça allait dans les deux sens ! Il ne les traitait pas comme des esclaves ou des gens juste bon à tuer à la tâche ! D’hémorragie ou de surmenage ! Et maintenant, la seule solution pour vous survivre, c’est de se transformer en loup ?! Faut dire, je comprends, qui ne voudrait pas t’égorger pour de bon après tout ce que tu as fait ?! Après tout ce que tu as osé nous faire ! Tout ce que toi et Rufus avez osé nous faire car, vous êtes de sang royal et intouchables !
– Vous en avez assez dit ! Arriva enfin à se faire entendre Gustave, en mettant sa main sur la bouche d’Alix pour le faire taire. Il a menacé la vie du roi ! Mettez-le aux arrêts… aïe !
Alix venait de lui mordre la main sans hésiter, imprimant une profonde marque de crocs dans sa paume, alors que la magie houleuse se déversait en lui, tirant sur ses os et déformant ses muscles. Il était tellement en colère qu’il n’avait même pas remarqué qu’elle s’était agitée à ce point ! Enfin, ça l’arrangeait ! Lambert, Rufus, Gustave… ils étaient tous ses ennemis ! Tous autant qu’ils étaient ! C’était eux qui avaient fait du mal à Rodrigue et l’avait poussé à se transformer pour pouvoir se tirer d’ici !  Un collier et une laisse… le plus jeune jumeau comprenait mieux où voulait en venir son frère ! C’était une vraie prison ici ! Ils les prenaient pour leurs petits chiens, des petits roquets qui viendraient quémander une caresse pour être satisfait, même si on leur donnait des coups de pieds en permanence et qu’on leur prenait tous ceux qui leur étaient chers ! Même quand on leur arrachait leur portée pour en faire un bouclier en viande ou un animal de compagnie !
« Nous ne sommes pas des chiens ! Ni Rodrigue, ni Félix, ni Glenn, ni moi, ni aucun habitant de notre fief ! Notre famille est celle des loups ! Vous allez comprendre ce que c’est de vraiment mordre ! »
Se débarrassant des gardes qui le retenait, Alix finit à quatre pattes et sauta sur les épaules de Rufus, tout crocs dehors, le clouant à nouveau au sol en lui déchiquetant le bras. C’était ce bras qui avait donné tout ce travail à Rodrigue ! C’était ce bras qui avait ordonné à ce qu’on fasse souffrir son frère ! Et il mettrait sa patte au feu que c’était aussi les mains qui avaient volé leurs lettres ! C’était lui ! Il en était sûr !
« Voleur ! Exploiteur ! Assassin ! »
Ce ne serait pas mortel, Alix aurait déjà planté ses crocs dans sa gorge pour lui arracher cette voix qui avait menacé son frère et son neveu ! Sans voix, il ne pourrait plus aboyer sur personne ! Il se contenta de lui casser le bras et la main, avant de se détourner et de décamper d’ici. Pas le temps de s’occuper du chien idiot, il devait retrouver son frère au plus vite ! Fatigué comme il était, Rodrigue devait être encore très faible ! Il devait être à ses côtés pour le protéger !
Le plus jeune jumeau bouscula les gardes pour sortir de l’étude, puis courut à travers les couloirs, sautant à travers les escaliers pour aller plus vite.
« Il faut que vous les laissiez passer. Je vous jure que quelque chose va arriver, le seigneur Alix est en danger. Cela se sent que son énergie est instable, il risque de se transformer lui aussi !
– J’ai pas d’ordre à recevoir d’un scribe sorti de nulle part ! Et ces deux-là ont interdiction d’entrer dans les appartements royaux ! Ordre du régent ! Pas de derdriens fouineurs ici !
– T’es sourd ou quoi ?! Faut qu’on aille aider Alix avant qu’il ne se transforme lui aussi ! On a mis assez de temps à arriver comme ça ! »
Tient, des amis… à l’odeur, il reconnut Ivy, un homme qu’il connaissait de loin et… Oncle Ludovic ? Non, impossible ! Il était mort depuis des années ! Il ne sentait même plus la maladie ! Sa truffe devait lui jouer des tours !
Repérant vite l’origine de la dispute au même endroit que la sortie, Alix sauta sans hésiter sur le dos du garde, le faisant basculer en avant et s’écraser par terre, entrainé par leurs deux poids, le sonnant au passage. Il vit bien Ivy, l’homme qu’il reconnut comme Oswald von Riegan, et un jeune homme que son nez reconnut tout de suite. Ludovic ! Leur Ludovic ! Leur oncle Ludovic ! C’était lui ! Il en était sûr ! Sa truffe et ses yeux ne pouvaient pas le tromper à ce point ! Il ne savait pas par quelle grâce de la Déesse il était encore en vie et aussi jeune mais, leur oncle était là ! Tout irait bien s’il était dans les parages !
Alix pressa sa tête contre lui, puis lapa la main d’Ivy.
« Oh non… gémit-elle en lui prenant les joues, et c’était la première fois qu’Alix l’entendait gémir. Toi aussi… nous sommes arrivés trop tard pour toi aussi… c’est Lambert, c’est ça ?
– Oui, et Rufus aussi mais lui, c’est en partie réglé, je finirais plus tard quand j’aurais retrouvé mon frère.
La tête qu’il avait fait devait constituer une réponse suffisante car, elle grogna entre ses dents, retrouvant vite sa hargne. Ça, c’était la Ivy qu’il connaissait !
– Évidemment, qui d’autres que ces deux chiens errants et leur roquet de compagnie ?! Et toi, tu vas rejoindre Rodrigue, n’est-ce pas ?
Alix hocha la tête pour répondre. Oswald déclara alors, grave et sévère.
– Partez vite avant qu’ils ne vous rattrapent, allez vite rejoindre votre frère.
– Nous nous occupons de tout ici, » ajouta Ludovic, et c’était bien la voix de son oncle. Oui, tout irait bien si c’était lui qui s’occupait de tout…
Reconnaissant, Alix partit en courant, suivant la trace laissée par son frère quelques jours auparavant. Les gardes tentèrent bien de l’arrêter mais, il n’eut qu’à les esquiver ou les mordre pour passer, traversant même les portes de la prison sans souci, s’enfonçant dans la forêt.
Il courut presque sans s’arrêter, guidé par son instinct et sa truffe, jusqu’à ce qu’il le retrouve enfin, reconnaissant entre mille ce loup tout identique à lui. Alix sauta vers Rodrigue, le reversant un peu en pressant sa tête contre lui, l’un et l’autre se mordillant gentiment comme deux louveteaux.
« Je t’ai retrouvé ! On s’est enfin retrouvé !
– Oui, même si j’aurais préféré que tu ne risques pas de te faire emprisonner aussi…
– Je suis aussi libre que toi maintenant, et on est à nouveau identique tous les deux ! La seule différence entre nous, c’est l’odeur…
– Oui, c’est vrai… et c’est normal, lui rappela-t-il en lui donnant un petit coup de museau contre le sien, tout doux. C’est que j’ai des petits… pour mes petits… mon petit…
– C’est une odeur rassurante… elle doit lui manquer, et tu lui manques, c’est sûr ! Alix lui rendit avec un petit coup de langue affectueux, goutant l’odeur laiteuse. Retrouvons-le maintenant… ensemble…
– Oui, il faut qu’on le retrouve au plus vite avant que les chiens errants ne lui fassent du mal !
Ils s’enfoncèrent côte à côte entre les buissons de la forêt, à la recherche du louveteau.
*
Oswald et Ivy ne prirent même pas la peine d’aller voir Lambert et Rufus plus que nécessaire, à part pour renforcer leur demande de parler seul avec le roi, ainsi que pour bien comprendre ce qui s’était passé. C’était une corvée de parler à l’un ou l’autre mais, ils n’avaient guère le choix pour comprendre. Ludovic les accompagna tout du long, curieux et leur servant de guide, ainsi que de surveillant dans l’esprit de Gustave. Enfin, ça, c’était officiellement. Dans les faits, même s’il ne le montrait pas, ces quelques gestes parasites et expressions faciales discrètes suffisaient à comprendre qu’il était aussi en colère qu’eux.
« Alors, les rumeurs étaient vraies… gronda-t-il en leur offrant un verre d’eau une fois leur entrevue avec les trois crétins achevée, à part dans une étude après avoir donné une explication à son absence à sa cheffe du jour. Rodrigue s’est bien transformé en loup…
– Oui, sauf que maintenant, on a les deux jumeaux dans la nature. Je sais qu’ils vont juste filé là où est Félix mais, autant chercher une sardine dans tout l’océan… merde… c’est même pas un magicien Alix ! Ça peut vraiment arriver à tout le monde ?!
– Si je puis me permettre Capitaine Drake, le seigneur Alix… comment ditons déjà en fodlan ? Exultait ? Le seigneur Alix exultait de la magie quand je l’ai croisé. J’ai même cru que c’était un magicien.
– Non, il ne l’est pas, c’est Rodrigue le spécialiste de la magie… il aurait contaminé Alix d’une manière ou d’une autre ?
– Aucune idée mais au moins, on est arrivé à leur faire cracher à ces idiots ce qui a surement provoqué la transformation, leur fit remarquer Oswald. C’est surement cette magie en surplus et la colère, même s’ils nous manquent surement des fils de la tapisserie. Des magiciens très puissants qui sortent de leurs gonds, il y en a tous les jours et aucun ne se transforme… enfin, cela a peut-être un lien avec cette magie noire…
– Vous parlez de vos recherches sur cette puanteur ?
– Oui, j’ai un peu avancé et à présent, je suis sûr qu’il s’agit de la marque d’une magie interdite. Je suis tombé sur plusieurs livres de Lucine Dominic qui explique que l’Empire avait tout un bataillon de magiciens d’élite mais, dans l’armée de Loog, on le surnommait le « bataillon pestilent », justement à cause de l’odeur qu’il dégageait qui ressemblait à celle de la pourriture et du sang avarié. Il était redouté pour ses sorts de magie noire très corrupteur qui transformaient les êtres vivants en cadavre en décomposition au moindre contact. Elle note que selon Pan, ce serait peut-être une sorte d’avertissement envoyé par la Déesse pour les mettre en garde contre le danger, et ils formulent tous les deux l’hypothèse que ce soit le signe d’une magie interdite, d’où cette odeur de mort et de cadavre.
– Cela se tiendrait et ça collerait bien à une magie qui est capable de transformer des gens en cadavres ambulants, fit observer Ivy. Et elle raconte quoi d’autre sur cette magie ?
– Ce sont des passages écrits à deux mains avec Pan, ce qui les rends un peu confus mais, de ce que j’ai pu comprendre, les deux décrivent cette magie comme une véritable abomination. Une magie contre nature qui se nourrit de l’énergie vital des êtres vivants pour pouvoir être utilisable et qui corrompt tout ce qu’elle touche, autant ses cibles qu’elle tue sur le coup que leur utilisateur qu’elle tue lentement. Autant vous dire que ce bataillon était encore plus craint que la Grande Peste qui venait de ravager le continent. Cependant, c’était tellement dangereux qu’une fois la paix signée, l’empereur suivant a tout fait pour effacer l’existence de ce bataillon.
– Une magie qui utilise l’énergie vitale pour fonctionner ?! Et vous croyez que ces salauds ont utilisé celle de…
– Non, je ne pense pas capitaine, même si sa présence a pu perturber la magie de Rodrigue et provoquer cette transformation, puis a aidé à contaminer Alix. Ni Lambert, ni Rufus, ni Gustave n’ont senti la magie noire, pas même une fois, même si Rufus pourrait être de connivence avec Cornélia. Si je me fie à mes lectures, c’est plutôt une magie qui ne laisse pas de survivant là où elle passe. Cependant, nous ne pouvons que nous interroger sur les raisons pour lesquelles une guérisseuse royale ayant fui Adrestia a cette odeur sur elle.
– Ils seraient de mèche selon vous ? Demanda Ludovic, étouffant une petite toux dans son poing.
– Je n’ai pas de preuve à part cette odeur mais, je sens qu’il y a anguille sous roche. Pourquoi elle ? Pourquoi cette magie ressurgit que maintenant ? Pourquoi dans le Royaume ? Pourquoi une personne qui a tout fait pour fuir l’Empire ? J’ai encore beaucoup de question mais malheureusement, même si mon emblème m’empêche de sentir la fatigue quand il s’active, je dois aussi dormir de temps en temps.
– Je comprends… hum… le Royaume qui se retrouve à utiliser la magie interdite de l’Empire… tout ceci est pitoyable… gronda le jeune homme. Enfin, je pense devinez ce à quoi vous allez vous consacrer à présent.
– Si c’est pour comprendre ce qui est arrivé aux jumeaux, les aider à retrouver leur apparence normale pour qu’il retrouve leur petit, et envoyer les trois rats de calle par-dessus bord, je vous suis. Ils vont payer pour tout le mal qu’ils ont fait ! Lui jura sans hésité Ivy. Et un Royaume instable est aussi mauvais pour ses habitants que pour les affaires.
– Tout le monde surrrr le pont ! Ajouta Noce d’un ton féroce, les plumes gonflés pour paraitre plus gros et menaçant.
– Merci à vous, surtout que je pense qu’on va avoir besoin de bras si nous devons agir par nous-mêmes, voir militairement. Ce serait de l’ingérence dans les affaires royales mais, si cette magie interdite refait surface, nous devons tout faire pour l’arrêter. De toutes façons, je ne pense plus que Lambert serait en mesure d’intervenir. Ce n’est qu’une tête juste bonne à porter une couronne en laissant ses conseillers agir vraiment. Il n’a rien d’un vrai dirigeant.
– Nous sommes bien d’accord sur tout, nous devons tous agir au plus vite pour limiter les dégâts, confirma Ludovic, plus neutre que jamais dans ses expressions, comme le précédent roi pendant les discussions les plus sérieuses. Tout ce qui a été dit restera entre nous, bien évidemment.
– Je compte en effet sur votre discrétion mais, j’ai bien l’impression que vous seriez le dernier à nous dénoncer, fit remarquer le grand-duc.
– En effet, j’ai aussi mes propres… idées et projets dirons-nous discrètement. Enfin, avant cela, je dois finir ma journée de travail. Si vous voulez bien m’excuser.
Le jeune homme se leva après une courte révérence, retournant à son poste. Cette colère glacée dans ses yeux… ses expressions… son apparence… sa manière d’agir… et avec le comportement d’Alix envers lui…
« Dans des circonstances normales, je me dirais que c’est impossible, mais après ce qu’on vient de voir deux fois et cette magie noire… je serais tenté de dire que c’est le bon Ludovic… réalisa Oswald en le reconnaissant enfin. Ces deux gosses sont foutus, même si c’est seulement sa réincarnation. Je me demande ce qu’il a prévu… enfin, j’ai tout de même ma petite idée. »
*
Ludovic sortit de cette discussion plus remontée que jamais depuis qu’il avait atterri ici. Une magie noire utilisant l’énergie vitale pour fonctionner et transformant ses cibles en cadavre… même Clovis n’avait pas ressorti de telles abominations ! Lambert ne semblait pas du genre à être de mèche avec ce genre de chose, mais Rufus était déjà plus suspect. Est-ce que sa haine des jumeaux et sa paranoïa l’auraient poussé à utiliser ce genre de méthode… non, impossible… pas…
Non, le jeune homme devait se sortir ceci de la tête et ses impressions. Son appréciation des deux frères était basée sur ce qu’ils n’étaient plus depuis longtemps, il devait les traiter comme il l’avait fait avec tous les autres tyrans. Même si cela lui brisait le cœur, ils étaient devenus des adultes irresponsables et dangereux pour le Royaume. C’était son devoir de les arrêter.
« J’ai réuni toutes les informations dont j’avais besoin… songea-t-il en allant au service des missives et des postes où il travaillait cette après-midi. Tout ce qui me manque, c’est des hommes et une occasion. Enfin, si je ne me trompe pas, je suis au bon endroit, il suffit de provoquer le bon moment. Alix aussi a parlé de lettres volées apparemment, et si on leurs a bien dérobés ces missives, il fallait au moins la complicité de sa cheffe. Tâtons le terrain et voyons où cela nous mène… »
Il déclara alors en entrant, l’air de rien, même s’il affecta un peu plus le choc qu’il n’en avait l’habitude. Cela serait plus fort sur son visage dénudé d’expression.
« Vous avez entendu ? Le seigneur Alix Fraldarius s’est aussi transformé en loup de cendre. »
Il vit alors la cheffe Mélisse blêmir complètement, restant muette au fur et à mesure que Ludovic racontait à ses collègues ce qui venait de se passer. Il empathisa plusieurs moments de son discours, frappant aux endroits sensibles qu’il avait pu repérer chez elle ou rebondissant dessus quand c’était les autres qui en parlaient.
« Ils ont travaillé d’arrache-pied pour le Royaume, et voilà comment ils sont remerciés… quelle honte pour le Royaume… »
« Imaginez, ils arrivent à rejoindre Félix ! Pauvre gamin ! Il va retrouver son père et son oncle transformés en loup !
– Surtout qu’il les adore et est collé à son père, il va avoir le cœur brisé en le découvrant ainsi.
– S’il ne se sent pas coupable de s’être disputé avec lui avant de partir…
– C’est vrai qu’il pourrait se demander si ce n’est pas sa faute…
– Si un chasseur ne les trouve pas en premier et ne tente pas de lui vendre la peau de son père et de son oncle comme fourrure pour l’hiver… »
« Et Rufus qui doit surement se pavaner devant ses toutous pour dire qu’il savait qu’ils étaient des incapables.
– L’hospice qui se moque de la charité… »
Petit à petit, petit coup par petit coup, Ludovic vit Mélisse s’effondrer de plus en plus, jusqu’à trembler de tous ses os, se retenant clairement de passer aux aveux. Il intervient alors, essayant de la mettre en confiance.
« Cheffe Postel ? Que vous arrive-t-il, vous êtes toute pale et bien silencieuse. Si quelque chose vous choque, vous pouvez nous le dire, rien ne quittera cette pièce.
– Il a raison Mélisse, personne n’ira balancer à Rufus, on serait de toute façon, tous bon pour la corde !
– Euh… je… je… mhn… je ne sais pas… se perdit-elle, passant ses mains devant sa bouche comme pour s’obliger à ne pas parler avant d’avouer à mi-mot. Je ne peux pas… je n’ai pas le droit…
– Parce que t’es noble ? T’es une petite noble de la campagne, et on s’est toujours parlé normalement ici !
– C’est pas ça… c’est… j’ai pas le droit de… sinon…
– Sinon Rufus, n’est-ce pas ? Devina Ludovic, qui ajouta en la voyant hocher la tête de manière saccadée, posant sa main sur son épaule pour tenter de la rassurer. On en parlera plus tard à la taverne si vous voulez, ce sera plus discret qu’ici, et vous avez clairement besoin de partager ce que vous avez sur le cœur…
Elle finit par céder et par hocher vivement la tête. Tant mieux…
Ludovic continua à dérouler son plan dans sa tête. La taverne du Père Mercier ferait un bon lieu de rassemblement, surtout que les hommes des jumeaux y allaient souvent pour lâcher ce qu’ils avaient sur le cœur aussi. Avec un tout petit peu de chance, Estelle et Bernard y seraient aussi mais, il ne pouvait pas trop forcer le « destin » à se concrétiser comme il le souhaitait.
« Normalement, ce soir, j’ai mon occasion. Il ne restera plus qu’à la saisir en espérant trouver suffisamment de bras mais, vu la situation et la colère à peine contenue, c’est ce qui sera le plus simple à trouver. »
Il attendit patiemment le soir, emmenant Mélisse et ses collèges à la taverne du père Mercier. Il y avait du monde, et il repéra les hommes des Fraldarius dans leur coin habituel, parfait. L’homme aimable le salua avec chaleur, avant de s’inquiéter en voyant la femme aussi angoissée. Il lui servit tout de suite un verre d’eau fraiche et lui demanda, toujours aussi patient et attentionné avec les autres. Ludovic n’aurait pas pu tomber à côté d’un meilleur endroit…
« Allons, allons, qu’est-ce qui t’arrive ? On est discret ici, tu peux parler, rien ne sortira dans la rue et même Rufus ne saura rien… »
Sous toutes les attentions et les paroles rassurantes, la femme finit par craquer et avouer les ordres qu’elle avait reçu.
« Alors… Rufus vous a ordonné de lui faire passer toutes les lettres personnelles de Félix et Alix que Rodrigue recevait, mais aussi celles qu’il leur envoyait de son côté. Et il a également ordonné à ce que la personne qui lui apportait le courrier soit changé afin qu’ils ne discutent plus tous les deux, et de le remplacer par quelqu’un de très froid qui ne lui parlait jamais, c’est bien cela ? Résuma Ludovic, lui tendant un vieux torchon pour qu’elle puisse se moucher.
Elle hocha la tête, soufflant dans son torchon. On lui avait dit plus d’une fois que si son visage impassible le rendait difficile à aborder, son côté calme et sérieux mettaient également les gens en confiance pour les affaires graves.
– Oui… et… et il m’a juré qu’il me couperait la tête si je disais quoi que ce soit… c’est ma faute… c’est ma faute si les seigneurs Rodrigue et Alix se sont transformé en loup ! J’aurais dû essayer de lui transmettre ses lettres ! Lui dire ! Quelque chose !
– Mais non Mélisse, c’est pas ta faute, lui assura le père Mercier en lui resservant de l’eau fraiche. C’est celle de Rufus. Qu’est-ce que tu aurais pu faire ? Tu lui aurais apporté, tu aurais fini avec la tête sous le bras, comme cet Acace qui a juste eu le culot de dire que ce voyage à Duscur n’était pas une bonne idée…
– C’est dingue… on parie combien que c’est parce que Rufus déteste le seigneur Rodrigue qu’il a donné cet ordre ? Fit remarquer une femme qui était une ancienne gouvernante au palais. Il est jaloux comme un pou pour rien et parce que son paternel disait la vérité sur les capacités des deux frangins à gouverner.
– Mais qu’est-ce qu’on peut bien faire ? Demanda Mélisse. Si on l’ouvre, on se fait soit couper la tête, soit on est licencié et si on ne travaille pas, on peut dire adieux au rationnement… on est bloqué…
– Alors, nous devons passer en force.
Tout le monde se tourna vers Ludovic, ce dernier se levant en expliquant, droit, ses yeux se gelant d’une colère déterminée.
– C’est vrai. Légalement, nous sommes coincés. Nous ne pouvons pas nous plaindre devant le régent sinon, nous risquons notre vie. Nous ne sommes pas ses amis et conseillers qui l’influencent. Nous ne sommes pas assez riches pour marchander sa coopération. À ses yeux, nous ne sommes rien d’autres que des mains bonnes qu’à travailler. Le roi Lambert n’est qu’un souverain fantoche qui n’a comme utilité que d’empêcher légalement Rufus de partir en guerre mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’il ne s’attribue tous les pouvoirs dans sa folie de protéger son frère en le vengeant. Même les plus fidèles sont punis pour leur dévouement envers le Royaume et non envers la famille royale. Et pendant ce temps, ses amis se gavent. Ils volent nos impôts et nos taxes, pillent le bled volé à la province, vont jusqu’à vouloir jeter nos vies pour s’enrichir. Pendant que nos estomacs crient famine, à peine rempli d’eau, d’épluchure et de pain coupé et que nos enfants pleurent pour oublier leur faim, eux se gavent de vin, de miel, de sucre et de viande. Nous mourrons de disette, eux meurent de s’être trop nourris…
Il marqua une pause, mesurant l’état d’esprit de la salle. Tous le regardaient, les yeux visés sur lui, « l’albinois » sortit de nulle part, presque encore un gamin mais, il ne pouvait que voir la colère dans leur regard, déchiquetant le désespoir de ses crocs afin qu’ils servent de combustible à leur fureur. Il continua alors, faisant tout pour rester digne et ne pas flancher. Ludovic montrait un seul signe de faiblesse, un seul, et tout était fini pour lui. Il devait rester déterminé et sûr de lui jusqu’au bout, jusqu’à la fin même du plan qu’il échafaudait depuis qu’il était arrivé à cette époque.
– Cependant, même si nous ne sommes rien à leurs yeux, il n’y a pas plus grande illusion que celle-ci. Nous sommes ceux qui leur permettons de vivre. Nous sommes ceux qui les nourrissent par notre travail et notre labeur chaque jour que la Déesse fait. Le devoir des nobles et encore plus de la famille royale est de protégé leur peuple, pas de le tuer de leurs propres mains avec leur négligence. Cela ne peut durer. Ils sont des dizaines, nous sommes des centaines, non des milliers dans cette ville seule ! Quand un roi ou un seigneur oublie ses devoirs envers son peuple et ne pense plus qu’à ses propres caprices, il est du devoir de ses peuples de le renverser, afin de ramener la justice et le droit sur leurs terres. Comme l’ont fait en leur temps Loog et ses compagnons contre l’Empire et le Royaume tout entier contre Clovis le Sanglant.
– Et t’as un plan j’imagine l’albinois ? Demanda une femme au bar, méfiante. Comment veux-tu qu’on s’en sorte contre eux ? On ne sait pas se battre, on n’a pas d’arme, et encore moins l’énergie de se révolter avec la faim qui nous tord les boyaux.
– En effet, j’ai mon idée. Pour commencer, nous devons retrouver de quoi nous nourrir, tout en leur envoyant un avertissement. Je pense que mes collègues de la trésorerie l’ont aussi remarqué mais, il y a de grosses irrégularités dans les inventaires de la nourriture envoyée par les autres fiefs. De la nourriture et des biens, réquisitionnées pour la guerre vengeresse contre Duscur par Rufus, disparaissent sans laisser des traces ailleurs que dans les inventaires.
– Oui, on a vu, confirma bien un de ses collègues qui continua. On a signalé mais, tout ce qu’on a reçu des hommes de Rufus qui s’en chargent maintenant que les sœurs Charon ne sont plus là, c’était de se mêler de nos affaires.
– J’avoue que je me demande même si ce n’est pas un marché noir… il en faudrait bien un pour que les nobles qui s’engraissent trouvent leurs vins et leur viande, ajouta sa cheffe à la trésorerie. Je me souviens que mon prédécesseur disait qu’il y avait aussi de grosses restrictions sous Clovis alors, tout un marché noir s’était organisé dans l’ancienne cathédrale en ruine… vous savez, celle qui est à moitié enterrée maintenant ?
– Ah oui, je m’en souviens, déclara un grand-père. J’habitais à côté quand j’étais gamin. Ils allaient se cacher là-bas vu que comme elle est en ruine, personne ne s’en approche à part des miséreux et s’ils disparaissaient, personne ne s’en rendrait compte à part entre eux et encore, ils se diraient juste que leur camarade est mort quelque part ou dans le fleuve…
– Y a quelqu’un qui sait ce qui se passe dans ce coin ?! Demanda d’un coup un autre client.
– Moi ! Et y a pas mal de passage mais bon, c’est le quartier de tous les trafics ! Y a personne et plus assez de garde pour surveiller ! Ils sont tous affecté à la protection du roi ! Ou alors, ils sont aux bottes des amis de Rufus !
– Alors, ils pourraient de nouveaux se cacher là-bas !
– Faudra qu’on vérifie mais, c’est surement dans ce quartier qu’ils se planquent !
Les fhirdiadais se démenaient, débattant et explorant toutes les possibilités tous ensemble, exactement comme Ludovic l’avait espéré.
« Il fallait seulement donner l’impulsion, ils continuent à dérouler par eux-mêmes, » songea-t-il, fier de voir cette ville toujours aussi vivante et pugnace malgré les tragédies et les mauvais rois.
Il laissa toutes les idées se mélanger avant de reprendre la parole, parlant plus fort pour qu’on l’entende.
« Compagnons ! Fiers fhirdadiais ! Nous avons la force de changer les choses ! Mais il faut pour cela que nous nous unissions et travaillions tous ensemble afin de les faire plier ! Nous ne ferons rien le ventre vide ! Je propose que nous commencions à stopper les vols de notre nourriture et notre argent en prenant ce marché noir ! Que ces bleds et denrées servent à nous nourrir tous autant que nous sommes ! A qui sont ces bleds ?!
– À nous !
– À qui appartient cet argent ?!
– À nous !
– Alors, qui est prêts à récupérer ce qui nous appartient ?!
Une grande ovation accueillit sa question, tout le monde se levant, les poings vers le ciel, prêt à se battre tous autant qu’il était. C’était une armée d’affamés mais, l’espoir de jours meilleurs était une des plus puissantes sources de motivation qui soit. Avec les fhirdadiais, Ludovic savait qu’ils vaincraient.
– Si vous avez besoin d’épée et de personnes qui savent se battre, nous sommes tous prêts à vous aider.
Le jeune homme vit Estelle, Bernard et tous leurs hommes se diriger vers lui, en rang serré, leur rage inscrite sur leur visage. Elle déclara alors, à la tête d’une meute de loups prête à passer à l’attaque pour défendre leurs chefs jusqu’au bout. Guillaume aurait été très fier de voir à quel point ses jumeaux avaient gagné la fidélité de leur peuple… enfin, il penserait à tout cela plus tard.
– Nous, soldats et fidèles des ducs de Fraldarius, nous sommes prêts à nous battre à vos côtés. Ce roi et ce régent ont assez abusé de nous et en particulier de notre famille ducale pendant bien trop longtemps. Il est temps qu’ils payent pour tout le mal qu’ils ont fait à notre fief.
Ludovic s’inclina devant eux, respectueux de leur dévotion et reconnaissant.
– Merci à vous. Tachons d’accomplir cette tâche au mieux et au plus vite tous ensemble.
*
Quelques jours après la transformation d’Alix, alors qu’Oswald continuait à négocier des traités au nom de l’Alliance, un groupe arriva de l’Ouest. On lui indiqua que c’était le seigneur Kleiman et ses conseillers les plus proches, venant apporté ses « bons » conseils à Rufus pendant quelques jours.
« Il ne manque pas de culot pour se présenter ici alors que c’est lui qui a commencé toute cette histoire, songea-t-il en les regardant passer sous la fenêtre. Enfin, s’il est dans les petits papiers de Rufus, il doit se croire tout permis… »
Leurs chefs s’enfermèrent avec Rufus, ainsi que Cornélia qui s’était faufilé discrètement mais, depuis cette explosion, Oswald avait appris à la garder à l’œil sur elle. Les soldats avec eux furent invité à boire un verre d’eau mais, ils refusèrent, restant à part des autres en marmonnant dans leur coin. C’était de plus en plus suspect tout ça… après la Tragédie et vu toute la colère de Rufus contre les duscuriens, il était étrangement bienveillant avec les personnes ayant fait débuter toute cette farce grotesque… Kleiman serait resté à sa place et n’aurait pas voulu de nouveaux territoires au dépend de ses voisins, la Tragédie n’aurait jamais eu lieu…
« Ils sont pas nets ceux-là, marmonna Ivy dans sa calle, après qu’ils soient allés tous les deux discuter à gauche à droite une fois les obligations d’Oswald remplies, tout en échangeant de temps en temps quelques pièces contre une petite indiscrétion, même s’ils durent passer entre les limiers de Gustave. Les marins qui reviennent de la côte disent qu’il ne faut pas jeter l’ancre dans son port, t’as toujours des gars qui disparaissent quand t’es à terre. Apparemment, y a plein de soldats de partout mais, ils ne font pas grand-chose pour le maintien de l’ordre et les roturiers sont terrifiés juste à l’idée de sortir…
– C’est étrange effectivement… j’ai eu les mêmes échos à son sujet de mon côté. C’est un homme sinistre avec des dents très longues qui serait prêt à tout pour un peu de pouvoir… même si personnellement, ce qui m’intéresse le plus, c’est le gros sac qu’un de ses gardes baladaient… nota sombrement le grand-duc. Il semblait plein à craquer…
– J’irais bien fouillé moi-même dans ce sac mais, ça va être compliqué de fureter de leur côté… déjà qu’on est bien surveillé par ce crétin de Gustave… plus occupé à nous surveiller nous que son cher gamin de roi et son connard de régent… alors qu’ils ont transformé les deux jumeaux en loup putain ! Enragea-t-elle encore, bouillonnante de colère.
– Rats de calle… gronda Noce en réponse.
– Ils sont déjà odieux à en venir à bout des gens, il ne manquerait plus qu’ils soient malins, marmonna Oswald avant d’ajouter, sentant une occasion se profiler. Enfin, je crois que cela peut aider Fhirdiad si on attire autant l’attention sur nous…
– C’est-à-dire ? Demanda-t-elle en sentant que le vieux grand-duc avait une idée derrière la tête, devinant au moins le début. Vous parlez des fhiridiadais qui se réveillent et commencent à s’agiter ?
– Oui, j’ai bien l’impression que ça bouge. J’ai même une idée sur qui est le centre de l’agitation, même si je n’ai pas de preuve… enfin, j’aimerais vous demander un service supplémentaire.
– Ça dépend quoi, et c’est vous qui payez. Et vous avez intérêt à ce que cela ne mette pas mes gars en danger.
– Évidemment, vous mettez tout ça sur ma note, lui assura-t-il sans souci avant de poursuivre, sachant que cela risquait de l’énerver un peu. J’aimerais qu’un de vos marins se mêle à la foule de Fhirdiad afin de surveiller ce qui s’y passe dans ses rues.
– Un de mes hommes hein ? Tiqua-t-elle. Et pourquoi pas l’un des vôtres ? J’ai pas envie qu’un de mes gars se fasse tabasser si on se rend compte que c’est un espion, ce qui risque d’arriver si en plus, c’est pour un noble.
– J’y ai pensé mais, vos hommes sont plus habitués à s’adapter à de nouveaux environnements à chaque fois que vous jetez l’ancre dans un port différent. En plus, comme vous l’avez dit, si on découvre que l’espion est sous les ordres d’un noble, ce serait perçu comme un risque pour l’éventuel révolte alors que vous, vous êtes aussi roturière et c’est connu que vous êtes proches des ducs de Fraldarius, notamment chez leurs hommes. Après ce qui s’est passé, je doute qu’on puisse vous soupçonné de faire le jeu de la Couronne. Après, je comprendrais que vous refusiez, c’est effectivement une mission dangereuse…
Ivy le fixa en avalant son vin coupé à l’eau. D’un côté, elle ne voulait pas envoyer un de ses marins dans une mission dangereuse où il ne devrait pas se faire prendre, et surtout qui pourrait passer un sale quart d’heure s’il était découvert. Mais bon, de l’autre, Oswald n’avait pas tort, ils se feraient moins remarqué que des derdriens pur jus qui n’avaient pas l’habitude de s’adapter aux manières d’un nouveau port tous les quinze jours, surtout qu’ils étaient tous remontés contre Lambert sur le navire, autant pour avoir envoyé son propre peuple à l’abattoir que pour sa manière de traiter ses proches, surtout les Fraldarius. Les jumeaux avaient toujours été généreux avec eux et les marchands, et son amitié avec Félicia était assez connue…
La corsaire serra sa poigne autour de son verre en repensant à Rodrigue et Alix… leur regard au milieu de l’épaisse fourrure noire… leur manière de bouger une fois transformée… comme libérer d’un poids alors qu’ils venaient de perdre leur humanité pour pouvoir juste se barrer du palais royal… et cette tête à claque de Lambert qui ne comprenait rien… il faisait encore sa sainte-nitouche en disant qu’il comprenait à peine pourquoi ses soi-disant deux meilleurs amis s’étaient transformés…
« Réponse évidente que tout le monde a devinée : ton connard de frangin a épuisé physiquement et mentalement l’un, et l’autre en avait marre de ces conneries, encore plus quand on leur vole leur courrier… fulmina intérieurement Ivy. Enfin, on ne va pas faire les étonner qu’il ne capte rien, il n’a pas changé depuis des années… »
Elle finit par poser son verre sur la table, cédant à son envie que Lambert comprenne enfin à quel point c’était un con et se prenne des conséquences en pleine face au lieu de son entourage.
– D’accord, à condition qu’il y ait un volontaire.
– Bien, merci de votre confiance Capitaine, lui sourit Oswald, soulagé. J’ai même une idée de qui il devra suivre afin d’en savoir plus… ajouta-t-il en repensant aux yeux vairons glacés par la colère de ce scribe, Ludovic. En espérant que la vieillesse et mes souvenirs ne me biaisent pas trop… enfin, il a l’air de savoir ce qu’il fait lui…
4 notes · View notes
equipe · 1 year
Text
Notes de mise à jour
🌟 Nouveautés
La possibilité de désactiver les notifications Push et l'enregistrement des activités liées aux billets, que ce soit temporairement ou de façon permanente, est à présent accessible pour tous les utilisateurs sur le Web. Pour ce faire, rendez-vous sur l'un de vos billets, cliquez sur ●●●, puis sélectionnez "Désactiver les notifications". Cette fonction fera prochainement son apparition dans l'application !
Une variable "Tags vedettes" a été ajoutée aux thèmes personnalisés afin qu'elle puisse être utilisée par les développeurs de thèmes de blogs.
Sur le Web, les messages d'erreur affichés lorsqu'une URL invalide est saisie dans le champ "Source" d'un billet sont désormais plus clairs.
Sur le Web, l'option "Activer les tags colorés" s'applique à présent aux tags tendances ainsi qu'à ceux activés (en vert) dans les filtres de l'onglet "Vos tags" du tableau de bord.
Dans le menu ●●● d'un billet sur le Web, l'option "Archives" s'intitule désormais "Consulter les archives".
Une toute nouvelle page Questions-Réponses est disponible sur le Web.
Les billets Blaze peuvent maintenant être proposés également dans d'autres endroits qui accueillaient déjà des publicités "classiques", comme les onglets "Pour vous" et "Vos tags" du tableau de bord, ainsi que dans les résultats de recherche/tags.
Dans la section Notes d'un billet, les reblogs comportant un lien ne sont désormais plus exclus des filtres basés sur la présence de commentaires.
Dans l'application, une notification vous avertit à présent de la fin d'un sondage auquel vous avez participé afin que vous puissiez en consulter le résultat final.
🛠️ Correctifs
Nous sommes allés un peu vite en besogne dans le déploiement des billets Blaze dans diverses sections et avons donc décidé de les retirer de la vue intégrée des blogs, de l'affichage en permalien d'un billet ainsi que sur la page "Sélection Tumblr". Merci encore pour vos retours à ce sujet !
Correction d'un problème qui pouvait ouvrir sur la vue intégrée d'un blog certaines URL présentes dans ses billets alors que ce dernier utilisait pourtant un thème et était affiché dans le réseau de blogs.
Sur le Web, le graphique affiché sur la page Trafic est à présent plus étroit afin d'éviter de tronquer certains textes affichés dans l'axe des abscisses en fonction de la taille de votre écran.
Les barres de défilement horizontales et verticales ont été retirées des pages de connexion/d'inscription en raison de leur inutilité.
Si le réglage d'affichage des labels communautaires sur le Web est configuré sur "Flouter", un masque opacifiant est maintenant également affiché sur les notes d'un reblog comportant un label communautaire. De la même façon, si le réglage est configuré sur "Cacher", un masque opacifiant recouvre à présent le contenu d'un billet consulté via son permalien.
Correction sur le Web d'un bug qui nécessitait de rafraîchir la page si l'on souhaitait modifier l'apparence d'un blog plusieurs fois de suite.
Sur le Web, le titre de l'onglet indiqué dans le navigateur reflète désormais bien le contenu affiché lors de la consultation de l'onglet "Aujourd'hui" de la section Explorer lorsque l'on est déconnecté.
Correction d'un bug sur le Web qui pouvait afficher un espacement incohérent des éléments de la page Paramètres. Cette anomalie se produisait lors de la consultation de Tumblr avec un navigateur Web sur une tablette (ou sur un ordinateur avec une fenêtre du navigateur réduite aux proportions approximatives d'un affichage sur tablette).
🚧 En cours
Nos équipes sont au fait d'un bug qui empêche la lecture des vidéos intégrées à partir de Vimeo et tentent d'en comprendre la cause.
Nos équipes continuent de progresser dans la recherche de ce qui provoque la lecture automatique de piste audio des publicités dans l'application. Pour rappel : si vous rencontrez toujours cette anomalie, veuillez contactez notre support en leur précisant : le nom de la publicité, l'URL à laquelle elle vous mène et la date et l'heure approximative où vous avez constaté le problème. Encore merci !
🌱 Prochainement
Davantage de badges décoratifs pour vos blogs seront bientôt disponibles sur TumblrMart !
Dans la prochaine mise à jour de l'application iOS, il sera de nouveau possible de zoomer sur une image en mode lightbox en appuyant deux fois dessus. Il est prévu d'apporter la même amélioration à l'application Android.
Cette prochaine mise à jour corrigera un bug empêchant VoiceOver de lire le contenu des billets à l'exception des tags.
La prochaine mise à jour de l'application Android corrigera un problème qui empêche la lecture audio tant que les notifications ne sont pas activées.
Cette prochaine mise à jour corrigera une anomalie qui empêche la fonction "Recevoir les notifications" d'apparaître après s'être abonné à un blog, à moins de rafraîchir la page.
Vous rencontrez un problème ? Écrivez-nous (en anglais) et nous reviendrons vers vous aussi vite que possible !
Vous souhaitez nous faire part de vos commentaires ? Rendez-nous visite sur le blog Work in Progress et participez aux discussions de la Communauté !
16 notes · View notes