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#le monde renversé
poniatowskaja · 1 year
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“I understand very well, gentlemen, that women’s role does not suit you, because it does not at all suit women either.”
While Audouard used an exaggeratedly ameliorated version of slavery to underscore married women’s subjugation under French law, Léonie Rouzade, writing at the same time, created a fictional utopian tale to similarly attack the Napoleonic Code. In her 1872 Le monde renversé, Rouzade envisioned a beautiful slave, a young white French woman named Célestine Chopin, taken captive by pirates at sea and subsequently sold to a sultan. Célestine ultimately seizes control over the sultan’s kingdom. Once in power, she inverts the laws governing women and men. Uproar and confusion ensue. Men express indignation and disbelief at the subservience and subjugation of their new position, and women voice stunned recognition of their suddenly acquired power and status. While the code’s differential treatment of men and women surprised few, placing women under formerly male law and vice-versa illuminated the deep injustices inherent in France’s profoundly gendered legal code.[59] Célestine’s decree specifically inverts the Napoleonic Code’s spousal mandate by stating, “Man owes obedience to woman.”[60] On acceding to the throne, the new empress immediately performs a mass wedding. Here Rouzade cuts to the code’s patriarchal core. Célestine declares the usual marital vows irrelevant, because “their entire value could be summarized in the word ‘obedience.’” The traditional nuptial pledge was thus replaced with an oath of obedience “of the man to his wife.”[61] As the story develops, the men and some women of the former sultanate express frustration with men’s severe subjugation and the problems created by such obvious inequity.[62] Asked to “establish a balance” between men and women, Célestine replies by clarifying that she had merely, “inverted the roles, but had changed absolutely nothing” about the gendered laws. “I understand very well, gentlemen,” she explains, “that women’s role does not suit you, because it does not at all suit women either.”[63]
Carolyn J. Eichner, Feminism’s Empire
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La Mercerie Droguerie Chatelaine, un lieu où le paradoxe est roi. D'un côté, une mercerie, cet endroit où les ménagères vertueuses (et quelques ménagers, soyons modernes) viennent chercher du fil pour donner une seconde vie à des chaussettes orphelines. De l'autre, une droguerie, où les mêmes personnes viennent acheter de quoi effacer les traces de leurs crimes, ou tout simplement des tâches de confiture de groseille malencontreusement renversée sur une nappe. Et devant ce magnifique édifice du commerce polyvalent, une voiture qui semble avoir été oubliée par son propriétaire depuis la Révolution française. Peut-être que le type est entré acheter une brosse à reluire en oubliant qu'il en a une naturelle sous le bras. Ces petites guirlandes colorées, suspendues à la façade avec l'élégance d'une moustache sur Mona Lisa, semblent être les vestiges d'une fête. Probablement celle du dernier client satisfait. C'était en 1923. Mais soyons francs, entre le parfum de naphtaline et les échos lointains des marchandages d'antan, le lieu exhale une nostalgie contagieuse. Car, comme disait ma grand-mère : « Mieux vaut une droguerie à portée de main qu'une mercerie au bout du monde. » Et au vu de cette épave rongée par le temps, il semblerait qu'un audacieux ait tenté l'expédition mercerie sans le confort de son tacot et sans se rendre compte non plus qu’il en avait une sous le nez. Une preuve irréfutable, s'il en fallait une, que la bêtise humaine a la persistance d'une tache de rouille sur un pantalon blanc.
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firebirdxvi · 4 months
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Fils du Feu 11 ~ Flamme de la Découverte
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Quand Joshua s'éveilla le lendemain, il se sentait bien reposé. L'éclairage, concordant avec sa phase de réveil, gagna en intensité progressivement et il se redressa dans son lit pour scruter sa chambre. Il constata alors bien vite que Torgal s'était "levé" avant lui...
Une chaise gisait renversée sur le sol et plusieurs des livres qu'il avait posés au sol avaient été éparpillés dans la pièce. Il vit alors le rayon de détection passer sur lui au moment où il mettait les deux pieds par terre pour se lever ; la Sentinelle survoltée se mit à biper avec ferveur tandis qu'il se dirigeait vers sa penderie pour enfiler une tenue pour la journée. Se frottant les yeux, Joshua ne put s'empêcher de bougonner :
- "Qu'est-ce que tu as fais, Torgal ? Regarde-moi ce bazar !"
L'arachnide dansa d'une patte sur l'autre, comme navrée de ses actes, et se mit à arpenter la chambre en remettant en place tout ce qu'elle avait dérangé, avec plus ou moins de succès. Ses pattes pouvaient se plier selon des angles très différents, mais on voyait bien qu'elle n'avait pas été conçue pour des activités demandant tant de minutie. S'immobilisant soudain devant un volume ouvert, elle sembla parcourir une page avec son "oeil" - Joshua fut certain de distinguer un fin pinceau de lumière voler d'une ligne à l'autre - et la tourna ensuite pour passer à la suivante. Cela lui avait prit environ dix secondes, et le garçon en resta tout à fait stupéfait. Il s'accroupit, attrapa le livre - un traité sur les herbes médicinales - et le montra à Torgal.
- "Tu arrives à... lire ce qui est écrit ici ?"
Pour toute réponse, la Sentinelle scruta de nouveau les lignes manuscrites, les passa au crible de son rayon lecteur, et bipa pour que Joshua tourne la page. Celui-ci s'exécuta, et Torgal répéta la manoeuvre jusqu'à ce que le garçon se lasse de ce jeu. Il posa alors le livre par terre et l'arachnide continua sa lecture sans plus s'intéresser à lui. Joshua redressa la chaise tout en s'étonnant franchement :
- "Il est temps que je me préoccupe de toi. Je dois en savoir plus à ton sujet. Tu sais lire ! C'est incroyable, ça !"
Il remit de l'ordre dans la chambre, puis se posta devant la Sentinelle concentrée sur sa lecture et leva le doigt comme hier pour avoir son attention. L'oeil bleu se leva vers lui.
- "Je ne veux plus de bazar dans ma chambre, c'est entendu ?
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Torgal se recroquevilla sur lui-même pour montrer qu'il avait compris la leçon, puis, de nouveau joyeux, se faufila entre ses jambes avant de venir gratter à la porte. Joshua comprit qu'il voulait sortir.
- "Une minute, je n'ai pas fini de m'habiller."
Après s'être passé de l'eau sur le visage, il enfila une chemise blanche sobre par-dessus son pantalon noir, noua ses bottes, puis recouvrit le tout de la bure des Immortels. Il se rendit compte qu'il avait faim et un petit détour par le réfectoire de l'ordre lui ferait du bien. Il ouvrit la porte de sa chambre et avança dans le couloir, Torgal sur les talons.
L'étrange duo progressait dans les corridors sous les regards amusés ou apeurés des adeptes qui tentaient d'éviter les pattes baladeuses de la Sentinelle. Tous étaient déjà au courant de l'existence de la nouvelle mascotte de l'Emissaire, et personne ne pouvait rien y redire. Joshua marchait en donnant l'impression de s'excuser en permanence de la présence de ce compagnon gesticulant.
- "Marche normalement, mets tes pattes les unes à côté des autres...", souffla-t-il à Torgal. "Tu n'as pas besoin de les balancer dans tous les sens, ils ne veulent pas jouer avec toi..."
La Sentinelle s'évertua à obéir et les corridors du refuge redevinrent alors praticables pour tout le monde. Ils parvinrent enfin au réfectoire. On y trouvait de longues tables flanquées de leurs bancs, tout en bois, ce qui donnait un peu de chaleur aux lieux. Cela n'en procurait pas tellement à Joshua, car ce mobilier provenait du Fort Phénix et il se souvenait encore parfaitement des soldats enjoués, prêts à livrer bataille, prenant leur dernier repas sur ces tables... Certaines d'entre elles portaient des brûlures... Le garçon se glissa derrière l'une d'elle et attendit qu'on vienne lui proposer de quoi manger.
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On lui avait bien fait comprendre qu'il était inconvenant pour lui d'aller se servir lui-même, et aucun Immortel ne venait jamais s'assoir à côté de lui. Sa présence quotidienne parmi eux, simple et sans révérence, perturbait déjà bien assez les adeptes ; ils préféraient même attendre qu'il ait lui-même terminé avant de prendre leurs repas. Ni Adalia, ni Jote, dont il était pourtant proche, ne se seraient risquées à braver cette étiquette. Cela attristait Joshua qui aurait bien aimé avoir un ami avec lequel manger, pour pouvoir parler... Le souvenir de ces repas avec son frère, qui mangeait ses légumes à sa place sans que la gouvernante s'en aperçoive, le fit sourire douloureusement... Accaparé par Torgal, il n'avait pas pensé à emmener un livre, ce qu'il ne manquait jamais de faire en temps normal.
Une adepte vint alors vers lui, courbée, les mains nouées, la capuche rabattue sur son visage, et lui demanda avec un luxe de révérence, ce qu'il souhaitait manger. Les menus de l'ordre étaient toujours frugaux, et Joshua s'était habitué à consommer des aliments qu'il aurait dédaignés dans sa jeunesse. La conscience que cette nourriture était cultivée et récoltée par les adeptes ne quittait pas son esprit et il se devait de ne pas faire le difficile... Mais il allait sans dire que manger n'était plus un plaisir pour lui, il se nourrissait pour survivre.
Les Immortels ne consommaient qu'un seul repas par jour, le matin le plus souvent pour pouvoir se livrer à leurs taches quotidiennes sans interruption par la suite. Joshua aurait parfaitement pu exiger davantage pour lui-même, mais il répugnait aux traitements de faveur. Son père lui avait toujours appris que, malgré son rang et son statut d'Emissaire, il ne devait pas se croire supérieur à qui que ce soit ; cette attitude était la marque des souverains aimés de leur peuple. Se comporter comme un dirigeant tout en restant proche des gens, même des simples citoyens, avait toujours été la façon de faire d'Elwin. Elle était naturelle pour Joshua, même si, dans son cas, il n'avait pas à assumer de hautes charges. Quel archiduc aurait-il fait ?... Le saurait-il un jour ? Cela lui paraissait si improbable...
L'envie d'un bon petit plat chaud en sauce se fraya un chemin dans un coin de son cerveau mais il la fit disparaître bien vite quand on lui présenta un assortiment de tubercules assaisonnés d'algues des marais... Pas vraiment appétissant, mais si les Immortels s'en nourrissaient, alors c'était bon pour leur santé. Il se mit à piocher dans le plat avec sa fourchette, tandis que Torgal essayait de grimper sur le banc à côté de lui.
Il prit conscience qu'il n'était pas si seul ! La Sentinelle se hissa à ses côtés et son oeil se fixa sur l'assiette. Joshua eut alors un réflexe stupide. Il piqua un tubercule et le présenta à l'arachnide qui sembla réellement le flairer avant de s'en détourner. Quel idiot il faisait ! Ce Torgal n'était pas réellement Torgal... Le louveteau avec lequel il s'amusait dans son enfance aurait croqué le légume avec rapidité, épargnant à Joshua de devoir le manger lui-même. Mais ce Torgal n'était pas un être organique, et n'avait cure de la nourriture. Il se demanda alors ce qui renouvelait son énergie, apparemment inépuisable...
En laissant vaguer sa fourchette au hasard, il tomba sur quelque chose d'inespéré. Cela ressemblait à une cuisse de grenouille, en tout cas ce n'était pas végétal. Joshua l'avala avec gourmandise et apprécia l'élasticité de la chair sur sa langue. Il tenta d'en trouver d'autres. Torgal fit semblant de l'aider.
Son assiette finie, il la laissa en évidence sur la table - encore une chose que l'étiquette lui imposait - et sortit du réfectoire. Il vit alors quelques adeptes - ils s'inclinèrent devant lui - qui attendaient dans le couloir pour prendre eux-mêmes leur repas et se sentit fautif. Il aurait voulu s'excuser mais cela n'aurait servi à rien. Il baissa sa capuche sur sa tête et s'éloigna dans le dédale de couloirs, à la recherche de l'endroit où on examinait les artefacts célestes. Il voulait en savoir plus sur les coffrets dénichés dans la chapelle.
- "Excusez-moi, vous savez où se trouve Cyril ?" demanda-t-il à un jeune adepte au nez constellé de taches de rousseur qui passait par là. Il devait avoir à peu près son âge, ce qui était assez rare. La plupart des Immortels semblaient bien plus âgés que lui. Jote était la seule enfant qu'il avait vue, et même Cyril était plus jeune que la majorité des adeptes.
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Lorsqu'il comprit à qui il avait affaire, l'Immortel se mit à rougir exagérément et balbutia des moitiés de phrases inintelligibles.
- "Calmez-vous, j'ai déjà mangé et je n'ai plus faim !" tenta de plaisanter Joshua.
- "Pardonnez-moi, Sérénissime !" s'écria le garçon. "Je ne m'attendais pas à ce que vous m'adressiez un jour la parole ! Le Maître se trouve... Oh, suivez-moi, je dois lui apporter ces outils !"
Il portait effectivement dans ses bras une petite caisse remplie d'objets insolites. Il tremblait tellement qu'un des ustensiles tomba sur le sol, et Torgal s'en saisit immédiatement pour le lui rendre - ses pattes étaient dotées de petites pinces à leurs extrémités. Joshua le remercia, et remit l'objet à sa place. Le trio reprit alors sa route, l'adepte montrant le chemin à l'Emissaire.
Il ne s'était encore jamais rendu dans cette partie du bâtiment. Il entendit des bruits de marteau, des cliquetis et une odeur de brûlé... On se serait cru dans une rue artisanale. Ce qui ressemblait à une petite explosion retentit dans une des pièces qui jalonnaient le couloir et Joshua y jeta un oeil. Un adepte essayait d'éteindre les flammes qui jaillissaient de son poste de travail ; une manche de sa bure avait prit feu ! Avant que Joshua ait pu faire un geste, Torgal s'était rué dans le laboratoire et, exhibant une nouvelle ouverture sur sa tête en forme de dôme, en fit sortir un nuage de fumée blanche épaisse qui envahit les lieux. Quand il retomba, le feu était étouffé et l'Immortel en détresse se retrouva recouvert d'une écume blanche collante.
- "Vous allez bien ?" s'enquit le garçon d'un ton timide.
- "Je... je crois, Votre Grâce...", prononça lentement l'Immortel choqué et stoïque.
- "Vous êtes sûr de ne pas être blessé ?..."
- "Tout à fait, Votre Grâce..."
- "Excusez-le, je crois qu'il a une... fonction spéciale dans ce genre de situation..." Il regarda Torgal qui revenait vers lui, fier d'avoir accompli sa mission.
- "Il... il n'y a aucun problème, Votre Grâce..."
- "Bonne journée...", se risqua Joshua avant de disparaître de la vue de l'adepte qui tentait de se débarrasser de la pellicule blanchâtre.
Les deux garçons reprirent leur route et le jeune Immortel ne put s'empêcher de lancer :
- "Vous savez maîtriser le feu et lui sait l'éteindre ! Vous feriez une bonne équipe !"
Comprenant trop tard l'impudence de sa déclaration, le garçon baissa les yeux au sol et marcha plus vite. Mais Joshua l'apaisa :
- "N'ayez crainte ! Vous avez raison, votre plaisanterie était assez drôle !"
Ils arrivèrent alors dans le laboratoire où se trouvaient Cyril et deux autres adeptes. Le Maître se tourna alors vers le jeune acolyte et lui prit la caisse des mains.
- "Vous avez pris votre temps", le sermonna-t-il. "Nous avions besoin de ce matériel au plus vite..."
- "C'est de ma faute", prononça Joshua en baissant sa capuche. "Je l'ai un peu retardé."
Constatant la présence de l'Emissaire, Cyril s'empressa d'adopter un air moins sévère. Il s'inclina avec humilité après avoir posé la caisse sur la table d'examen.
- "Votre Grâce, votre présence nous honore..."
- "Alors, vous avez réussi à les ouvrir ? Qu'y a-t-il dedans ?"
Sa question fut ponctuée par quelques bips enthousiastes de Talgor qui se mit à explorer les lieux. Sur le plan de travail, un des coffrets était ouvert, découvrant son contenu aux regards. Joshua était bien en peine de déterminer la fonction des objets qui s'y trouvaient mais les Immortels ne semblaient pas si désemparés. Les deux aides de Cyril se mirent en devoir d'étaler le contenu du coffret, séparant les divers artefacts selon leur type.
Leur facture était résolument céleste. Les lignes élégantes ne révélaient rien de leur utilité. Ils auraient tout aussi bien pu être des objets décoratifs. Mais le Maître se saisit de l'un d'eux avec un intérêt prononcé. Cela ressemblait à un socle ouvragé avec un creux en son centre. Les bords en étaient striés et gravés de symboles étranges.
- "Qu'est-ce que c'est ?" demanda timidement Joshua.
- "Cela a une grande valeur, à condition qu'il fonctionne", répondit Cyril en posant l'écrin sur la table. "Nous le saurons en utilisant ceci."
Il s'empara dans la caisse d'une mince tige de métal recourbée, puis déroula un long filin, métallique lui aussi. Il ordonna à un adepte d'aller le "brancher" dans une "cellule" - Joshua comprit qu'il s'agissait d'une source d'énergie céleste autonome ; il raccorda le filin à la tige et celle-ci s'illumina, indiquant qu'elle était en état de marche. Le garçon ne comprenait pas grand chose à ce qui se passait mais il ne perdait rien du processus. Voir la technologie céleste en action état toujours fascinant. Le jeune adepte, qui était resté sur place, regardait lui aussi avec avidité tout ce qui se passait, ce qui permit à Joshua de ne pas se sentir trop seul dans son ignorance.
- "Ceci est un lecteur cristallin", expliqua Cyril en attendant que la luminosité de la tige soit devenue optimale. "Nous en avons déjà dénichés plusieurs dans des ruines célestes, tous dans des coffrets comparables à celui-ci. La plupart n'étaient plus en état de fonctionner, seulement deux d'entre eux ont pu nous livrer des secrets. Si celui-ci marche, ce sera le troisième. Nous allons le savoir dans un instant..."
Tous retinrent leur souffle quand Cyril approcha la tige d'un petit orifice sur le devant de l'écrin. Il l'y introduisit, donna quelques petits coups sous des angles bien spécifiques, et l'objet s'illumina alors lui aussi de la lumière bleutée caractéristique. Tout le monde poussa un soupir de soulagement. Torgal bipa frénétiquement, comme s'il était heureux lui aussi.
- "Les autres lecteurs fonctionnels se trouvent en Dalméquie, dans notre relais de Tabor. Nous n'en avions encore jamais trouvé à Rosalia, et il est risqué de les déplacer d'un pays à un autre. C'est grâce à vous, Sérénissime..."
- "A quoi ça sert ?" Joshua était impatient de le savoir.
- "Nous allons vous le montrer..."
Cyril s'empara alors d'un cristal posé sur une étagère et le brandit devant le jeune homme. Il présentait des stries très inhabituelles sur une de ses bases pyramidales.
- "Ce cristal est un peu particulier. Il renferme des informations gravées par les Célestes eux-mêmes. Si nous l'enclenchons dans ce lecteur, il pourra nous révéler des choses utiles que nous ne savons peut-être pas encore..."
- "Vous voulez dire... c'est un peu comme un livre ?"
- "En quelque sorte. Les informations peuvent être livrées sous forme de textes ou d'images, et même de sons. C'est ainsi que les Céleste consignaient leurs archives. Très peu ont été retrouvées, nous ignorons pourquoi. Beaucoup de ces cristaux ont dû être distribués comme de vulgaires outils aux Valisthéens ; et comme ils ne produisent aucune magie, on a du s'en débarrasser... Quel gâchis... Les informations qu'ils recèlent sont d'une grande valeur archéologique."
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Tenant délicatement le cristal entre ses doigts, Cyril l'abaissa dans le creux de l'écrin, dans lequel il s'enclencha parfaitement. Le cristal s'illumina et se maintint en suspension à quelques centimètres au-dessus du support. Il tourna lentement sur lui-même et projeta devant lui un rayon qui forma des images. Un son crachotant se fit entendre dans le labo et Joshua fut étonné d'entendre du valisthéen.
Les adeptes firent des réglages sur le lecteur afin d'ajuster le son et l'image, et orientèrent le tout vers un pan de mur vide. Des mots s'alignèrent, puis des images leur succédèrent, montrant des schémas compliqués et des graphiques hermétiques pour Joshua. Mais il en resta malgré tout bouche bée. Les Immortels s'étaient attendus à découvrir un tel trésor dans la chapelle qu'ils lui avaient demandé de déverrouiller. Il s'étonna de leur niveau de connaissance.
- "Comment avez-vous pu pénétrer dans les autres chambres verrouillées sans l'aide d'un Emissaire ?"
- "Sa Grâce doit savoir qu'il existe d'autres moyens de pénétrer dans ces lieux sans avoir à user de magie primordiale. Vous imaginez bien que les Célestes ne s'embarrassaient pas d'avoir recours systématiquement aux services d'un Emissaire pour circuler dans leurs bâtiments. Il existe des clefs spécifiques pour ouvrir des portes précises, si on a la chance de les trouver. La recherche de ces clefs est l'essentiel de notre travail d'investigation sur le terrain. Une fois que nous les possédons, nous devons déterminer à quelles portes elles correspondent, ce qui est l'autre partie de notre travail. Tout cela prend un temps immense ; nous pouvons attendre plusieurs mois avant qu'une porte ne s'ouvre devant nous. Le pouvoir de l'Emissaire nous fait gagner un temps précieux, je ne vous le cache pas..."
Joshua se sentit très fier de lui. Il n'avait eu qu'une idée assez vague du réel travail des Immortels de par le monde, et il imaginait maintenant parfaitement des dizaines de silhouettes encapuchonnées s'activant autour de ruines célestes, cherchant désespérément les clefs qui leur permettraient d'y pénétrer.
Il était la clef universelle de toutes ces portes...
- "A quoi ressemblent ces clefs ?"
- "Elles peuvent avoir diverses formes, selon le type de bâtiments. Certaines sont même uniques en leur genre. Voici celle qui nous a permit de débloquer ce couloir..."
Cyril exhiba alors un artefact de forme arrondie, doté de stries spécifiques. Joshua devina que la conservation de la connaissance chez les Célestes était liée à ce système de stries, qui figuraient aussi sur la base du cristal. Il tourna de nouveau son attention vers le lecteur cristallin.
- "Aurais-je pu l'activer moi-même ?"
- "J'avoue ne pas l'avoir envisagé, nous disposions déjà du matériel nécessaire..."
De nouvelles images complexes s'étaient affichées sur le mur et Joshua se sentit consumé par une soif de connaissance si forte qu'il demanda à Cyril :
- "Puis-je l'emporter dans ma chambre ?"
- "Votre Grâce..."
- "Je vous le rendrais demain ! Vous en savez tellement plus que moi sur les Célestes ! Je crois que je ne trouverais pas tout dans les livres, n'est-ce pas ? J'ai hâte de découvrir ce que cache cette archive ! S'il vous plaît !"
Torgal appuya sa demande en tirant sur le bas de la bure de Cyril avec une de ses pinces. Lui aussi semblait très enthousiaste.
- "L'Emissaire ordonne et j'obéis...", s'inclina le Maître.
Joshua observa comment allumer et éteindre le lecteur avec les "boutons" correspondants, puis on lui remit le tout. Il laissa les Immortels à l'examen des autres artefacts du coffret et rebroussa chemin en compagnie du jeune adepte avec lequel il était venu. Au moment de bifurquer dans un autre couloir, Joshua lui demanda :
- "Où allez-vous ? Je me rends dans la salle de méditation, je vais faire mes exercices avec Dame Adalia."
- "Je..." Le jeune homme ne réalisait pas encore qu'il discutait de tout et de rien avec l'incarnation du dieu qu'il vénérait. "Je dois me rendre dans les serres, pour aider aux plantations..."
- "Quel est votre nom ?" Joshua s'ingéniait toujours à demander le noms des Immortels avec lesquels il avait le temps d'échanger quelques mots. L'adepte, comme tous les autres, parut embarrassé.
- "Votre Grâce, je n'ai pas de...
- "Vous dites tous la même chose mais je parviens toujours à prouver le contraire ! Alors ?
- "Hmmm... je m'appelle... Chadrick...", soupira le garçon, vaincu.
- "Très bien, Sire Chadrick ! Nous nous verrons peut-être demain ! Quand j'aurais tiré tout ce que je peux de ce cristal..."
Il lui adressa un signe amical de la main et s'éloigna dans son propre corridor. Torgal trottait sagement à ses côtés et n'avait fait aucune bêtise depuis au moins une heure, ce qui inquiéta un peu Joshua. Il espéra qu'il se tiendrait tranquille durant la séance avec Adalia.
Il pénétra dans la pièce remplie de pénombre, à peine éclairée, posant ses yeux sur la silhouette assise en tailleur de sa soigneuse. Les yeux fermés, elle dit d'une voix lente :
- "Vous voilà, Votre Grâce. Je m'inquiétais de ne pas vous voir venir..."
- "J'ai eu un imprévu. J'ai fais un détour par les labos...", se défendit-il en se débarrassant de sa bure et de son chargement.
Torgal se mit à tourner autour d'Adalia avec intérêt, passant ses pattes devant son visage pour la faire réagir. Quand la femme ouvrit les yeux et découvrit l'arachnide devant elle, elle fit un bond en arrière de peur. Joshua la tranquillisa.
- "Pas de crainte à avoir, c'est un ami ! Il dormait depuis longtemps dans les entrailles du refuge, je l'ai ramené avec moi !"
- "C'est une... Sentinelle ?" Torgal fit la roue pour l'impressionner. "Ces choses sont des armes, Votre Grâce ! Pas des jouets !"
- "Je crois qu'on a oublié de le lui dire, à lui..."
L'arachnide fit des galipettes peu élégantes sur les nattes tressées qui jonchaient le sol, puis en attrapa une et entreprit de se cacher dessous. N'y parvenant pas, il courut vers Adalia pour lui rendre la natte, et constatant qu'elle ne faisait pas un geste, entreprit de la remettre lui-même en place avec un succès mitigé.
- "Il a un comportement vraiment étrange... Est-il sans danger ?"
- "J'en suis sûr. Il va faire la séance avec nous. Je crois qu'il a trop d'énergie à dépenser et il s'ennuie..."
- "C'est une... machine." Joshua n'avait jamais pensé à appliquer ce terme à Torgal. "Il ne peut pas... s'ennuyer... Il n'en est pas capable, cela ne fait pas partie de... ses fonctions..."
- "Je vous laisserai juge... Pour ma part, je ne pense pas que ce soit une machine. En tout cas, pas complètement..."
Joshua se précipita pour aider Torgal qui, renversé sur la tête, agitait ses pattes en tout sens pour se redresser.
- "Il doit avoir un dysfonctionnement", asséna Adalia. "Une unité défectueuse..."
- "Ca me va bien, à moi. Même s'il a tendance à mettre la pagaille... Nous commençons ? Ou bien Jote doit nous rejoindre ?"
- "Elle suit sa propre formation à l'épée aujourd'hui, elle ne sera pas des nôtres."
- "Oh ! elle apprend l'escrime ?" Il se souvenait de ses propres cours, assez rudimentaires. Jote s'était bien gardée de l'en informer.
- "Oui, elle aurait des prédispositions apparemment. Quand elle sera formée, on pourra l'envoyer parcourir le monde pour escorter les chercheurs. Elle rêve de partir d'ici..."
Joshua resta songeur. Tandis qu'il effectuait ses étirements, il se demanda s'il aimerait lui aussi partir à l'aventure dans le vaste monde. Dans sa jeunesse, il n'avait jamais vraiment pensé à ce qui existait en dehors des frontières de Rosalia, mais en discuter avec Cyril avait éveillé un violent intérêt pour le monde extérieur. Il avait grandi dans un environnement clos, choyé et surprotégé par tout le monde, sa mère et son frère en particulier. Il aurait été confronté pour la première fois à un danger véritable en allant à la guerre avec son père... Il frissonna à cette idée...
Pendant qu'il effectuait son grand écart sous les félicitations d'Adalia, il observa Torgal qui se contorsionnait lui aussi ; la Sentinelle roula sur le sol vers lui et il lui gratta la tête tout en passant sa jambe derrière sa nuque.
- "Cultivez votre souplesse, Votre Grâce. Les garçons ont tendance à la perdre en grandissant."
- "Je vais entretenir la souplesse de mon cerveau maintenant !" répondit Joshua, transpirant, se dirigeant vers l'endroit où il avait laissé le lecteur et son cristal.
Il passa une serviette humide sur son visage et ses bras et se vêtit de nouveau de sa bure. Puis, il montra les objets à Adalia.
- "Vous les avez trouvés dans le dédale ?"
- "Oui, hier. Apparemment, ce lecteur fonctionne et je veux voir ce que contient ce cristal ! Cela m'a l'air très prometteur !"
- "Bon visionnage, Votre Grâce. Mais n'oubliez pas les livres !"
Il s'éclipsa au pas de course, impatient de s'enfermer dans sa chambre avec Torgal pour le reste de la journée. Une fois arrivé, il jeta sa bure sur la chaise et se laissa tomber sur son lit. Avisant un pan de mur neutre en face de lui, il plaça le lecteur à bonne distance, le brancha dans la cellule d'énergie avec la tige et y encastra le cristal. Aussitôt, un rayon de lumière frappa le mur et le contenu de l'archive commença à s'afficher. Tout en écoutant la voix monocorde dérouler un résumé de ce qu'il s'apprêtait à visionner, Joshua se saisit d'un carnet dans lequel il avait commencé à écrire quelques détails intéressants collectés dans les livres qu'il avait lus, d'un calame et d'une bouteille d'encre. Enfin, il s'allongea sur le ventre à côté du lecteur pour commencer le visionnage.
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On lui avait montré comment régler les paramètres. Il pouvait choisir la vitesse d'affichage, le volume du son et même le chapitre désiré. Il pouvait avancer la lecture ou revenir en arrière à sa convenance. Cela ne ressemblait pas vraiment à de la magie mais cela en était proche.
Torgal s'installa sur le matelas à côté de lui, replia ses pattes et se mit à émettre une douce et chaude vibration contre son flanc. Joshua était captivé par tout ce qu'il voyait et entendait. Chaque fois qu'un terme lui était inconnu, il le notait puis se référait à un lexique inclus dans l'archive afin d'en comprendre le sens. Des mots tels que "laser", "robot" ou "système de démarrage" lui devinrent familiers en quelques minutes. Il alternait entre les images et les textes explicatifs, ne se référant aux sons que pour s'assurer de la prononciation.
Il était difficile de deviner si la voix était celle d'un homme ou d'une femme - une voix "synthétique", peut-être - mais le plus extraordinaire était qu'elle s'exprimait en valisthéen très compréhensible. La forme de certains mots était désuète et un peu ampoulée, mais elle restait tout à fait accessible. Les Célestes avaient donc parlé la même langue que les autres humains ? Parqués dans leurs cités volantes, loin du sol de leur terre natale, ils avaient malgré tout gardé ce lien avec leurs semblables plus frustres qui devaient considérer leur civilisation avancée avec inquiétude et frayeur...
Joshua repassa plusieurs fois un chapitre parlant du système permettant aux aéronefs de voler. Les aéronefs n'étaient que des légendes pour la plupart des Valisthéens mais il était admis que la majorité des ruines célestes étaient d'anciens vaisseaux volants qui s'étaient écrasés au sol. Si Joshua parvenait à comprendre comment ils volaient, il pourrait également déterminer comment ils étaient tombés. Le terme "magitech" revenait régulièrement dans le texte mais il eu beau chercher dans le lexique, il ne trouva aucune entrée pour ce mot. Il devait être expliqué dans un autre enregistrement ou bien un chapitre devait lui être dédié dans un autre cristal qui restait à découvrir. Les Immortels le possédaient peut-être... Il s'en informerait au plus vite, car il lui paraissait difficile de comprendre ce chapitre sur les aéronefs sans avoir au préalable pris connaissance du "magitech"...
Le ton monocorde de la voix enregistrée le berça paisiblement et il sentit la fatigue le gagner. Il se frotta les yeux - il n'était pas habitué au rayonnement cristallin - et dérangea un peu Torgal qui étira une patte avec nonchalance. Il arrivait au terme du contenu de l'archive. Joshua se força à regarder encore un peu la projection sur le mur tandis que la voix prononçait les derniers mots :
"Que la bénédiction de Malius vous protège et guide vos projets vers le succès."
Sursautant sur son lit, le garçon frôla le cristal pour le faire revenir en arrière. La voix répéta la phrase finale tandis que sur le mur s'affichait un étrange symbole représentant une figure debout, rigide, dotée de ce qui ressemblait à quatre bras écartés... Il n'en crut pas ses yeux...
- "Malius...", murmura-t-il pour lui-même. Il mit l'enregistrement en pause et son regard resta fixé sur la figure désormais familière car gravée dans sa mémoire visuelle.
A l'évocation de ce mot, Torgal se déplia subitement, comme percevant le trouble qui agitait son jeune maître. Joshua le serra contre lui pour chercher quelque réconfort. La carapace froide et dure de la Sentinelle lui sembla alors bien douce et chaleureuse au souvenir de la profonde malveillance qu'il avait ressentie face à la représentation sculptée de ce qui s'avérait bien être le dieu des Célestes...
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selidren · 4 months
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Eté 1916 - Champs-les-Sims
11/15
A cet égard, l'hôpital de Compiègne ne semble pas si mal. Au milieu de l'horreur, des gardes épuisantes et de la misère des patients qui ne se remettent pas de leurs blessures, Rose en parle comme d'une sorte de havre en dehors du monde, où soignants et patients forment leurs petites sociétés. Des camaraderies naissent de ces endroits, des amitiés (même entre hommes et femmes), et je ne serai pas surprise que des idylles y prennent place. Cotoyer à ce point la laideur doit immuniser aux préjugés sur l'apparence et amener chacun à ne pas juger en s'arrêtant au visage ou au corps.
Transcription :
John « J’avoue que je ne suis pas devenu soldat par choix, c’est peut-être même pour cela que j’ai aussi écopé d’un bras en moins. Au moins, je ne ferai plus jamais rien tomber avec. »
Juliette « Donc vous êtes aussi maladroit avec vos mains qu’avec vos mots. »
John « Vous n’avez pas vu l’immense flaque d’eau dans la chambre ? J’ai renversé le broc sur la table de nuit de Gilles Dumont. J’ai non seulement inondé et fait gondoler le plancher, mais j’ai aussi trempé ses draps et même son matelas. Mademoiselle Lambert a du tout changer il y a à peine une heure. »
Juliette « J’étais dans la chambre 18 ce matin. Ce n’était pas de l’eau qui était répandue sur le sol… J’étais bien trop occupée à oublier l’odeur atroce pour penser à vous. »
John « J’ose penser qu’aucune souillure ne pourrai éroder votre… »
Juliette « Par pitié, si vous comptez parler de mon odeur corporelle, je demande à ma sœur de vous assommer avec de l’éther! »
John « Le Docteur de Chastel est votre sœur ? »
Juliette « Et en plus du reste, vous n’êtes pas observateur pour un sou ? Vous ne trouvez pas que nous nous ressemblons ? »
John « Si, maintenant que vous le dites. »
Juliette « Seigneur... »
John « Gilles va encore se moquer de moi... »
Juliette « Vous êtes vraiment maladroit, c’est bien vrai ! »
John « Il n’arrête pas de rire à la moindre de mes remarques, comme si j’étais involontairement drôle ! C’est à croire que… oh... »
Juliette « Oh… quoi donc ? »
John « Non, je… vous pensez vraiment que je suis mauvais poète ? »
Juliette « C’est la pire déclaration d’amour qu’on m’ait jamais faite, je dois être franche. »
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Il y a deux ans… Le photographe de l’Élysée glissait encore un jeton dans le juke-box du délire spectacularisé…
Dans la Thèse n° 9 de son livre La société du spectacle, Debord inverse la phrase de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel: «Le faux est un moment du vrai» et note: «Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux» car pour lui: «Le spectacle en général, comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du non-vivant» (Thèse n°2).
Adoptant la méthode de l’inversion pour développer ses thèses sur l’aliénation, Debord s’est appliqué à déployer une "philosophie" qui repose sur la vie érigée en principe ou en croyance: la vie serait la "réalité réelle" dont «les images se sont détachées» (Thèse n°2).
Le "monde" s’en trouve lui-même coupé en deux, avec d’un côté la "vraie vie" et de l’autre le spectacle «qui est le cœur de l’irréalisme de la société réelle» (Thèse 6) où s’égare la conscience quotidienne dans son mode de survie halluciné.
Dans ce contexte du monde inversé, l’énoncé de 1967 «le vrai est un moment du faux» devient en 1988 (dans les Commentaires sur La société du spectacle, à l’époque du "spectaculaire intégré"): «il n’y a plus rien de vrai.»
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lilias42 · 5 months
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Acte 6 et épilogue : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
ET C'EST FINI ! Déesse, j'en voyais plus le bout mais, c'est bon, les dernières péripéties ont eu lieu ! Honnêtement, j'avais pas prévu que ça fasse 659 pages en taille 14 ! ça devait juste faire deux actes max comme ma version d'AM... et le déroulé a tellement changé de ce que ça devait être de base... y a de quoi en faire un billet entier... mais bon, on ne se refait pas...
C'est donc le dernier acte de cette histoire : on reprend juste après la révolution qui a eu à Fhirdiad et on explore les conséquences des actes de tout le monde en refermant les arcs de tout le monde.
Juste une petite précision avant de commencer : Arundel a un rôle dans cette partie, même s'il est absent des autres parties car, je voudrais pouvoir raccrocher ma partie pré-Duscur de CF (oui, je n'ai toujours pas oublié cette histoire) avec cette version du post-Duscur pour en faire une histoire pouvant se lire indépendamment du jeu, afin de pouvoir la faire lire à des proches qui n'y ont pas joué. Si vous avez des questions sur le pourquoi du comment d'Arundel, n'hésitez pas à demander en cas de besoin.
Et aussi, les avertissements habituels : fans de Rufus fuyez, et fans de Lambert, fuyez encore plus (surtout vu comment il tourne ici). Fans de Gustave... il est tellement transparent que pourquoi pas même si bon, si vous arrivez avec l'acte 6 et que vous voulez lire les parties précédentes, ça ne va pas vous faire plaisir...
(suite sous la coupe)
Rodrigue et Alix passaient un peu de temps après leur journée de travail avec Félix, l’aidant à fabriquer ses bracelets. D’après Pierrick, ils pourraient bientôt retourner travailler normalement, même s’ils devraient toujours faire attention à ne pas s’épuiser, étant plus sensible à la fatigue à présent. Rodrigue pourrait même bientôt reprendre la magie à son ancien niveau, même si là aussi, il y aurait une période où ils devraient s’assurer que la transformation ne reviendrait pas avec son entrainement, même partiellement. Enfin, ils étaient sur la bonne voie, c’était le principal… au moins pour ça… politiquement par contre, c’était une autre histoire… ils n’avaient toujours pas annoncé officiellement leur retour à part à leur allié mais, ce n’était qu’une question de temps avant que Lambert, Rufus et Gustave ne l’apprennent par les rumeurs et n’agissent en conséquence pour les faire rentrer dans le rang…
Ils étaient en train de graver une des plaques quand ils entendirent du bruit monté depuis la ville, vite suivi par un domestique qui entra en trombe en hurlant, tout excité.
« Vos Grâces ! Venez vite ! On a des nouvelles de Fhirdiad ! Il n’y a plus de roi ! Lambert a été renversé par la capitale et les nôtres !
– Attendez, quoi ? S’étonnèrent les jumeaux. Est-ce que vous avez des nouvelles d’Estelle et Bernard ainsi que de nos autres hommes là-bas ? Ce sont eux qui ont envoyé ces nouvelles ?
– Venez vite ! Le messager est en ville ! Il a aussi des lettres pour vous de tout le monde !
Échangeant un regard, les jumeaux se levèrent pour le suivre, vite suivit de Félix, voulant tous en savoir plus, même s’ils se cachèrent sous une cape pour qu’on ne les reconnaisse pas, au moins pas les messagers… Trois jeunes gens attiraient toute l’attention sur la place, racontant ce qui s’était passé, du début de la révolte avec la prise du marché noir, la perte du peu de respect que les fhirdiadais avaient encore en leur seigneur, puis le début de la bataille entre les murailles de la capitale quand l’expédition punitive contre Gautier mené par Isidore et Miklan avait tourné à la mutinerie, les deux meneurs ayant même été tués par leurs propres soldats, ainsi que le rôle central d’un certain Ludovic Hange dans la chute des Blaiddyd.
« Vu le nom, c’était limite le destin choisi par la Déesse pour lui ! » S’était exclamé un des messagers.
Ils finirent en expliquant comment s’était organisé la ville et les priorités pour les révoltés, à savoir au moins assurer la survie de tous sans que le Royaume ne se délite trop à cause d’ambitieux.
« Nous avons des lettres diplomatiques à remettre à l’intendante du duché de Fraldarius qui le dirige en l’absence de ses ducs, ainsi qu’une invitation à Fhirdiad pour les ducs jumeaux une fois qu’ils auront été retrouvés. Les chefs du gouvernement voudraient les rencontrer afin de reprendre des relations diplomatiques saines entre nos deux territoires. Voici les documents officiels, » ajouta une seconde en leur montrant des lettres scellées avec un sceau représentant un mouton et une étoile, les symboles de la ville, mais aussi imprégné de l’odeur de leur oncle Ludovic, comme si c’était lui qui les avait écrites, gardant son parfum incrusté dans l’encre et le papier malgré que ce soit impossible… même si… si Alix ne se trompait pas… et aux vues des derniers évènements… ce ne serait pas le plus étrange au final…
Étant elle aussi descendue, Loréa émergea de la foule et prit les lettres en déclarant, jetant juste un regard aux jumeaux pour se mettre d’accord.
« Bien, je les confierais personnellement à nos ducs dès qu’ils seront de nouveau parmi nous. En attendant, je me chargerais personnellement des relations avec Fhirdiad et le nouveau gouvernement.
– Nous vous en remercions, et nous espérons de tout cœur que les loups de cendre reviendront vite auprès de vous et de leur enfant. Nous avons tous besoin d’une protection divine à l’heure actuelle, et nul doute que cela est un signe de la Déesse qu’elle les ait transformés en ses protecteurs. Enfin, maintenant que Lambert n’est plus roi, nous devrions peut-être retrouvé ses faveurs en même temps que celle du Flutiste des Glaces. »
En entendant ceci, les jumeaux réfléchirent un peu plus à cette histoire… Rodrigue et Alix devaient avouer que ces rumeurs de loups de cendre étaient bien le cadet de leurs soucis quand ils avaient retrouvé forme humaine, cherchant plus à comprendre ce qui leur était arrivé et essayant de ne pas rechuter, mais sans les ignorer non plus. Après tout, ils correspondaient à la description de ses créatures mythiques : d’immenses loups noirs ou gris aux yeux bleus et humains, assez grand pour être monter par la Déesse. Même Loréa les avait pris pour ça en les voyant malgré son esprit très terre à terre, d’autres devaient le croire encore plus facilement, surtout vu comment ils s’étaient transformés… Rodrigue était loin d’être le seul magicien à avoir un tel surplus de magie dans son corps tout en étant au proie au désespoir mais, ils ne s’étaient pas tous transformé… d’après Sylvain et Fregn dans les quelques missives diplomatiques qu’ils avaient pu échangé avec eux, ce serait le signe qu’il serait des berserkir selon les croyances srengs… les guerriers d’Odin combattant à ses côtés lors du Ragnarök, ne se révélant que dans le désespoir de la bataille afin d’accomplir leur objectif et survivre… alors si en plus, le Flutiste des Glaces rejetait Lambert, il serait facile de recoller les morceaux de cette histoire pour en faire une intervention divine…
Enfin, s’ils les tournaient correctement, ces rumeurs pourraient jouer en leur faveur… au moins pour enfin pouvoir vivre en paix loin de cet homme… Loréa fit le nécessaire pour que les trois messagers puissent se reposer avant de reprendre la route avec leurs réponses, puis les rejoignit une fois qu’ils furent de retour dans leur forteresse.
Sur le chemin de leur forteresse, alors que toutes les informations qu’il venait d’apprendre infusaient doucement dans son esprit, Rodrigue eut du mal à y croire, se croyant être en train de rêver… Lambert n’était plus roi… il n’était plus roi… il n’avait plus le pouvoir… plus le pouvoir de les forcer à faire quoi que ce soit… plus le pouvoir de tous les mettre en danger… plus le pouvoir de faire le mal autour de lui à cause de son inconscience… plus le pouvoir de faire du mal à sa famille…
Plus aucun pouvoir…
Aucun…
Il sentit Félix lui serrer la main alors qu’ils rentraient à l’intérieur, soufflant en le regardant.
« Il ne te fera plus de mal. À plus personne et surtout pas à toi et à Alix.
– Oui… répondit-il en passant sa main dans ses cheveux, retrouvant pied à ses mots. Il ne nous fera plus jamais de mal.
Les jumeaux prirent alors les lettres officielles destinés à tout le duché, les lisant attentivement pour bien comprendre comment fonctionnait Fhirdiad et quels étaient les objectifs des révoltés, surtout en voyant qu’Estelle et Bernard faisaient partie de leurs chefs, même si les connaissant, cela ne les étonnait guère. Ils n’allaient pas rester les bras croisés vu tout ce qu’osait faire Lambert et Rufus, surtout que les résistants avaient surement bien eu besoin de leurs compétences au combat…
« Ils parlent d’un système d’élection pour désigner le prochain roi… ils ont l’air déterminés à rompre avec l’ancienne manière de faire, histoire de ne pas avoir un autre Clovis ou un autre Lambert… déclara Loréa en parcourant les lettres.
– Ils ont peut-être enfin retrouver le testament de Ludovic… ça ressemble à ce qu’il voulait mettre en place… commenta Alix.
– Mais il va arriver quoi à Dimitri ? Demanda Félix, resté avec eux pour savoir ce qui se passait.
– Visiblement, il resterait l’héritier de Lambert mais, en tant que seigneur ordinaire sur le domaine royal, pas au titre de roi, lui expliqua son père, et sa garde reviendrait aux Charon.
– C’est le plus logique faut dire, ajouta Alix. C’est sa famille la plus proche, vu qu’à part Rufus et les descendants des bâtards de Clovis, il n’a pas d’autres tantes, oncles ou cousins du côté de son père. Et il est hors de question de confier un gosse aussi mal en point que lui à Rufus, encore plus après tout ce qu’il a fait.
– Oui, les Charon sauront prendre soin de lui, comme Héléna l’aurait voulu, assura l’ainé des jumeaux en espérant que Félix comprendrait.
Le jeune garçon réfléchit un peu avant de dire sans hésiter, sûr de lui :
– Eux au moins, ils ne l’enverront pas à la mort comme Lambert, et Cassandra peut le protéger. En plus, ils traitent bien Dedue et Sasiama, ça ira.
– J’en suis sûr… En tout cas, les dispositions autour de lui ressemblent vraiment aux travaux de Ludovic, c’est aussi ce qu’il avait prévu pour Lambert, même s’il voulait imposer plusieurs conseillers et fonctions indépendantes du roi pour mieux le contrôler.
– Qui sait ? Si ma truffe ne s’est pas trompée, c’est peut-être lui qui leur en a parlé directement… proposa le cadet.
– Qui sait… » souffla Rodrigue en prenant les lettres qui leur étaient spécifiquement destinés, sentant autant qu’Alix l’odeur de Ludovic imprégné à l’intérieur… une odeur très fraiche comme la neige en montagne, taché de maladie mais, cette dernière n’arrivait à ne jamais à prendre le dessus sur l’odeur neutre et fraiche…
En l’ouvrant, même si l’auteur prétendait s’appeler Ludovic Hange, la présence de leur oncle suintait à chaque lettre… l’écriture, la manière de s’exprimer, les mots choisis, la manière dont il argumentait, tentant de les convaincre de venir à Fhirdiad même s’il comprendrait aussi si les jumeaux ne voulaient plus s’en approcher, au moins pour assurer les bonnes relations entre eux… seul leur Oncle Ludovic avait pu l’écrire… personne ne pouvait se ressembler autant… Rodrigue et Alix étaient bien placés pour le savoir…
« C’est… c’est vraiment Ludovic… notre Oncle Ludovic… balbutia l’ainé, y croyant à peine malgré tout. Mais… mais comment… est-ce que ces sorciers étranges y seraient pour quelque chose ?
– Ce ne serait pas impossible… après tout, quand il a autopsié les mages qui vont ont attaqué, Pierrick trouvait leurs corps étranges, et leur chef semblait ronger par la magie noire. Qui peut savoir quel sacrilège ils ont pu commettre ? Au moins, on peut espérer que les révolutionnaires les ont également éliminés en même temps qu’ils renversaient Lambert… ils vous proposent également de venir à Fhirdiad, au moins pour récupérer officiellement vos troupes… elle les regarda, l’expression neutre et sans jugement, ouverte à tout ce qu’ils diraient. Que pensez-vous faire ?
Les jumeaux hésitèrent, ne sachant que dire… d’un côté, se rendre à Fhirdiad pouvait leur permettre d’enfin retrouver leurs troupes, ainsi que de se faire bien voir par les révolutionnaires tout en balayant tout soupçon de loyauté à la couronne… malgré les mots de Rodrigue pour Félix, Dimitri était de nouveau dans une position extrêmement délicate, cela le ferait sans doute énormément souffrir de voir son père traité ainsi. De plus, les généraux et seigneurs encore fidèles aux Blaiddyd en feraient sans doute le porte-étendard dans leur lutte contre les révolutionnaires, leur roi par défaut en attendant de « libérer » Lambert des griffes de Fhirdiad, et ils n’hésiteraient surement pas à l’arracher aux Charon.
Cependant, d’un autre côté, ces derniers ne laisseraient personne toucher au moindre cheveu d’un des leurs. La forteresse de Lokris était très facile à défendre même avec peu d’homme grâce aux montagnes l’entourant, et les citoyens charonis restaient soudés autour de la famille comtale…
– Après tout ce qui s’est passé, il est certain que les Charon ne soutiendront pas Lambert et vont plutôt soutenir les révolutionnaires s’ils ne les menacent pas. De plus, les seigneurs qui se sont montrés les plus loyaux à part les Dominic et nos familles depuis la Tragédie, ce sont ceux du sud qui agissaient surtout par opportunisme pour récupérer le plus d’influence, de pouvoir et de terres duscuriennes possible après la guerre qu’ils espéraient. S’ils n’ont plus rien à gagner à soutenir la famille royale, ils vont très vite retourner leur veste, comme ils l’ont fait quand ils ont commencé à servir Lambert lors de ce voyage. Ce ne sont des alliés fiables pour personne mais, cela les rend plus faibles étant donné que leurs objectifs changent sans arrêt sans être clair, analysa Rodrigue.
– En plus, même si on ne veut pas personnellement retourner à Fhirdiad, cela reste tout de même une ville de première importance, nous devons composer avec, ajouta Alix. Il faut qu’on ramène nos troupes et qu’on fasse en sorte que les révolutionnaires ne nous voient pas comme des ennemis pour qu’ils nous laissent tranquilles. La chute de Lambert va surement changer tous les rapports de force dans le Royaume, il faut que nous arrivions à conserver une bonne position pour mettre notre famille et notre fief à l’abri du besoin et des griffes de pouvoirs extérieurs. On devrait pouvoir jouer sur le fait qu’on a suffisamment de vivre à présent dans notre fief alors, nous pouvons en laisser une partie à Fhirdiad, ce qui nous ferait bien voir des révolutionnaires…
– Et Lambert n’est plus roi… il ne nous fera plus de mal… plus jamais… cela n’arrivera plus… souffla l’ainé, essayant de garder pied sans penser à la dernière fois qu’il avait vu son ancien ami, sa paume allant de nouveau se poser sur son cou malgré lui.
– Alors, tu vas y aller papa ? Tu es sûr ? Le questionna Félix en serrant sa main dans les siennes.
– Oui… il le faut pour continuer à assurer la place de Fraldarius dans le Royaume, et s’assurer de ne pas faire de Fhirdiad notre ennemie. Même si nous aurions les capacités de contrer des attaques, surtout après tout ce qu’il y a dû se passer en ville, des fraldariens ont eu un grand rôle dans la chute de Lambert, comme Estelle et Bernard alors, nous devrions plutôt être dans leurs bonnes grâces. Cependant… » il se baissa à la hauteur de Félix, le regardant dans les yeux en posant la main sur ses épaules alors qu’il lui interdisait, « tu ne dois pas venir avec nous, c’est beaucoup trop dangereux. La ville est encore instable. Même si Estelle et Bernard font partie des chefs de l’émeute et que selon nous, ce Ludovic Hange pourrait être le Ludovic que nous avons connu, on ne sait pas si les révolutionnaires ne vont pas tout de même se méfier de nous à cause des liens entre notre famille et les Blaiddyd, et on ne sait pas si ces mages étranges n’y rodent pas encore. C’est beaucoup trop dangereux pour que tu y ailles, même si nous sommes avec toi. Il est plus sage que tu restes ici avec Loréa et Cassandra, tu y seras en sécurité. Tu comprends Félix ?
Le jeune garçon fit la moue, hésitant un peu avant d’hocher la tête. Ce n’était clairement pas de gaieté de cœur, Félix aurait préféré que les jumeaux restent ici en sécurité mais, ils avaient également des devoirs et faisaient toujours tout pour le bien de leur fief… même s’il ne voulait pas s’éloigner à nouveau d’eux… il voulait que son père reste avec lui et son oncle aussi… qu’ils restent tous en paix à Egua sous la protection de Fraldarius…
« Grand-père nous a toujours protégés ici… il nous protégera toujours… ne partez pas encore aussi loin… »
Il se retient de supplier encore Rodrigue et Alix de rester… faire des caprices n’avait provoqué que des catastrophes et mettre encore plus sa famille en danger… mais…
– Si vous partez… finit-il par craquer, serrant les poings, les posant contre la poitrine de son père en le suppliant finalement à nouveau, ne pouvant s’en empêcher, la peur lui rongeant le cœur comme la sécheresse détruisant tout autour d’elle. Vous reviendrez tous les deux, c’est promis ? Tu ne pars pas si tu ne reviens pas… t’as pas le droit de partir si tu sais que tu ne reviendras pas… Alix aussi… insista-t-il en donnant un petit coup, comme pour ancrer la promesse entre eux. Vous reviendrez tous les deux et on ira au lac, d’accord ?
– Oui Félix… Rodrigue embrassa le front de son fils, jurant de tenir parole cette fois tout en priant la Déesse pour qu’elle les entende enfin, sentant un peu de sa magie s’échapper de lui pour entourer son fils comme une couverture protectrice. Nous reviendrons, c’est promis. »
Les fraldariens envoyèrent donc une première réponse savamment rédigée afin de faire patienter les révolutionnaires et se donner plus de temps, même si le procès de Lambert et Rufus auraient déjà eu lieu quand ils arriveraient à Fhirdiad, puis une seconde annonçant leur retour en tant que duc de Fraldarius, quelques jours avant que les préparatifs de leurs voyages soient terminés, anticipant chaque possibilité qui pourrait les menacer. Ils se coordonnèrent aussi avec les Charon afin d’arriver ensemble, leur donnant plus de poids face à une potentielle hostilité sous couvert de réaffirmer la bonne entente entre leurs familles. Même s’ils espéraient de tous leurs cœurs que cette rencontre se passe bien, ils refusaient de commettre les mêmes erreurs que cet homme… hors de question de mettre en danger qui que ce soit…
Avant de partir et malgré leur appréhension, Rodrigue et Alix emmenèrent leur fourrure avec eux, se souvenant des messagers quand ils avaient parlé des « loups de cendre »… ils avaient peur, craignaient ce qui pourrait arriver s’ils revêtaient cette fourrure alors qu’ils étaient de nouveau à Fhirdiad, là où tout avait commencé et où ils avaient tant souffert… mais ils ne pouvaient pas non plus se passer du moindre atout à leur disposition… l’enjeu était bien trop important…
Rodrigue et Alix embrassèrent Félix, le confiant au bon soin de Loréa et la protection de Cassandra, lui jurant encore de revenir… le petit garçon s’accrocha aux épaules de son père, se revoyant quelques semaines auparavant à Fhirdiad, hésitant à lâcher son père malgré la colère, remplacé par l’inquiétude et la peur…
« Ne pars pas… reste avec moi… ne va pas là-bas… »
Comme s’il lisait dans ses pensées, Rodrigue posa à nouveau ses mains sur les épaules de son fils, lui répétant encore, éclairé par la douce lumière d’Aegis accroché à sa selle semblant veiller sur eux.
« On reviendra vite, c’est promis…
– …d’accord… tu m’écriras ?
– Bien sûr, à chaque étape… il l’embrassa son front en soufflant, sentant de nouveau sa magie aller entourer son fils, comme à chaque fois qu’il le quittait depuis qu’ils avaient décidé de partir pour Fhirdiad. Je t’aime mon louveteau…
– Moi aussi papa… »
Après une dernière étreinte, Félix accepta de lâcher son père, le laissant partir en lui faisant un dernier signe de man, restant auprès de Loréa et Cassandra.
Quand ils disparurent au loin, le petit garçon serra le sachet rempli de perle et de breloque… avec tous les préparatifs pour le voyage à Fhirdiad, ils n’avaient pas fini de faire leurs chapelets…
« On les finira un jour tous ensemble… souffla-t-il, chassant de toutes ses forces ses souvenirs de la dernière fois qu’il avait vu quelqu’un partir ainsi au loin. Ils reviendront eux… ils ne mentiront pas ?
– Non… Loréa se baissa à sa hauteur et posa son front contre le sien. Ils ont pris bien plus de précaution, nous avons fait très attention quand nous avons écrit aux révolutionnaires. Ils ne semblent pas nous considérer comme des ennemis, et nous avons des alliés de confiance parmi eux avec Estelle et Bernard. Ils vont également retrouvé les Charon avant d’entrer sur le domaine royal, nos deux armées savent se coordonner pour contrer des attaques et embuscades en terrain connu.
– En plus, ils se sont préparés à pouvoir tenir contre une embuscade et savent par où se replier si cela tourne mal pour eux. C’est votre fief et le domaine royal, les jumeaux le connaissent parfaitement et savent par où ne pas passer, renchérit Cassandra. Vos vassaux dans cette partie de votre fief doivent tout à Guillaume, Aliénor et aux jumeaux pour la plupart, et les intendants du domaine royal ont sans doute d’autres problèmes en ce moment que s’en rajouter en attaquant un convoi bien protégé au hasard. » Elle ébouriffa ses cheveux en ajoutant. « Ça devrait aller pour eux. Ce n’est pas comme Duscur.
– J’espère… »
Il tourna la tête vers le lac, voyant l’immense étendu bleu uni et calme, demandant encore à son grand-père de veiller sur son père et son oncle pendant ce voyage.
*
Au bout de quelques jours de voyage, et après avoir retrouvé les Charon au leur lieu de rendez-vous prévu, Fhirdiad fut déjà en vue. Ils y seraient sans doute dès demain dans la matinée. Déjà… Rodrigue avait l’impression que le voyage avait duré à la fois une éternité et une seconde, chaque minute se gravant de plus en plus dans son cœur et son âme… chaque pas, chaque tour de roue les rapprochait de la capitale, du palais, de cet homme… du collier et des laisses qui avaient failli les étrangler… de la muselière qui avait menacé son frère… rien que d’y penser lui donnait l’impression de suffoquer, d’avoir les poumons et les membres tellement gelés qu’il en étouffait sous la douleur des brûlures, rêvant juste de faire demi-tour et de rentrer à la maison, l’eau du lac chassant le gel et la glace tentant de les emprisonner dans ses carcans… mais le duc ne pouvait pas faire marche arrière… l’enjeu était bien trop important…
« Rodrigue ! »
Les poils sur sa nuque se hérissèrent d’un coup, sentant presque la présence de cet homme derrière lui, remonter doucement son échine comme un serpent pour s’enrouler autour de sa gorge, devenant à nouveau un collier et une laisse, tirant sur celui qui entourait à présent son cou, étouffant ses cris de protestation en le muselant de ses deux mains glaciales… lui répétant encore et encore de rester auprès de lui malgré tout… malgré toutes les horreurs qu’il avait fait… qu’ils avaient tous fait… Déesse, depuis quand juste penser à cet homme lui faisait aussi peur ? Depuis quand il n’arrivait même plus à dire son nom ?
Contre son meilleur jugement, Rodrigue sauta presque sur ses affaires, les défit comme un possédé, éparpillant tout autour de lui sans faire attention, cherchant désespérément sa peau de loup. Soupirant de soulagement en la retrouvant enfin, il se réfugia à nouveau à l’intérieur, se drapant tout entier sous la toison de nuit… malgré toute son appréhension et sa crainte de la transformation, l’étreinte chaleureuse de la fourrure lui semblait moins glaçante que rester ainsi, à la merci du gel de la peur de Fhirdiad… de cet homme… comment pouvait-il seulement imaginer lui faire potentiellement face à Fhirdiad si seulement penser à lui l’angoissait à ce point ? Le faisait se réfugier dans sa fourrure de loup comme un enfant dans la cape de ses parents ? Cela n’avait aucun sens… mais le duc ne pouvait plus reculer à présent, et il refusait de laisser Alix seul face à lui… hors de question de le laisser affronter leurs bourreaux à tous tout seul…
« Je vais de nouveau le contaminer avec mes émotions en plus si je continue…
– Ce n’est pas grave… moi aussi, je te contamine quand je m’énerve contre lui alors, on peut inverser les rôles de temps en temps…
Rodrigue sentit alors le contact de son frère, épaule contre épaule de loin, ce dernier le laissant se calmer dans un coin de son esprit, reprenant pied petit à petit avec son aide… évidemment, il l’avait senti mais en même temps, c’était rassurant… ils étaient toujours l’un à côté de l’autre d’une certaine façon…
Soufflant un peu, l’homme laissa sa tête sortir de sa cachette, se focalisant seulement sur la chaleur de l’étreinte et celle de son frère… cette fois, il n’était pas seul, son frère était là, les sœurs Charon aussi, et Lambert n’était plus roi… Rufus n’avait plus aucun pouvoir et les révolutionnaires avaient écarté Gustave… aucun d’entre eux ne pourrait plus leur faire du mal…
« La meute est forte ensemble… »
Il s’accrocha à cette pensée en passant ses doigts sur sa fourrure, trouvant du courage et du réconfort à l’intérieur, priant encore pour retrouver son petit le plus vite possible, voulant juste le revoir. Malgré la transformation et tout ce que lui rappelait cette fourrure, elle restait rassurante… elle lui rappelait sa maison… de vieux souvenirs, l’oubli fondant sous la douce caresse de la toison abondante… sans s’en rendre compte, il se remit à chanter, pour la première fois alors que Félix n’était pas là… juste pour lui, les notes l’enveloppant dans une étreinte aussi rassurante que sa fourrure…
« Je pars ce matin avec les chants des laudes,
Mes pieds vont d’un côté,
Mais mon cœur reste figé
Il reste ici dans vos petites mains chaudes
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je pars à reculons, je pars sans jamais vous oublier
Je pars en ce jour en pensant toujours à vous,
À chaque pas sur ce long chemin, je l’avoue,
Je vous voie derrière moi et souhaite m’en retourner.
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je vous promets de revenir un soir,
Je reviendrais à vous un jour,
Cette promesse de velours
Je ne la laisserais jamais choir,
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Et quand nous nous serons retrouvés
Ce sera pour ne plus jamais se lâcher. »
« Papa… se rappela-t-il malgré le temps ayant érodé ses souvenirs, sentant la présence de ses parents à ses côtés. Oui… toi aussi, tu étais un loup… comme maman… Peut-être que cette fourrure n’est pas qu’une échappatoire finalement, mais aussi un message destiné à nous rappeler qui est notre famille… »
Le lendemain, après avoir encore juré avec Alix de ne pas se séparer, ils entrèrent dans Fhirdiad, drapé de leur sarcelle et de blanc, leur peau de loup drapant fièrement leurs épaules. Non pas comme un rappel de leur détresse et de désespoir, mais comme symbole des Fraldarius, la famille du loup.
Dès qu’ils apparurent, le silence s’installa dans la rue, la foule se rassemblant autour d’eux, essayant de les voir comme une relique lors des processions, plusieurs levant la main vers eux, comme pour tenter de les toucher sans oser… tout semblait si calme, comme dans une église, avant que des murmures ne commencent à s’élever, bas et discret.
« Regardez… les Charon et… et est-ce possible ? »
« Ce sont eux… »
« Les ducs de Fraldarius… »
« Ce sont vraiment eux ? »
« Ils ne sont plus des loups de cendres ? »
« Si ! Regarde ! Sur leurs épaules ! »
« Une fourrure de loup noir géant ! »
« Et ces yeux… je les ai vus quand les loups ont abandonné Fhirdiad pour punir Lambert… c’était exactement les mêmes que les leurs… »
« Des loups noirs aux yeux humains bleus… c’était bien des loups de cendre… »
« En plus, ils ont des emblèmes tous les deux… »
« Et Rodrigue a donné naissance au premier emblème majeur de Fraldarius depuis des siècles… »
« Ils nous ont aussi toujours protégés… toujours… »
« C’est eux qui ont toujours tout fait pour ramener le roi dans le droit chemin avec les Charon… »
« Contrairement au tyran… »
« Alors que le roi se perdait dans ce qu’il voulait en nous oubliant… »
« Et c’est quand ils sont partis que les choses ont vraiment commencé à aller de mal en pis… »
« C’est aussi quand les Charon ont quitté le service de Lambert que nous avons eu assez de force pour le renverser… »
« Les Charon aussi sont protégés par la Déesse… leur emblème reste toujours majeur malgré le temps qui passe contrairement aux autres… »
« C’est comme si la Déesse nous avait vraiment abandonnés quand ils sont tous partis… »
« Pendant que les jumeaux recevaient sa bénédiction en étant ses loups de cendre… »
« C’est eux que la Déesse a choisi, pas Lambert, c’est sûr ! »
« C’est eux qui devraient être à sa place ! Par leurs compétences et de droit divin ! La Déesse a clairement choisi ses favoris ! »
« Les srengs ont raisons ! Mieux vaut des rois clairvoyants plutôt que des rois sans yeux ! Même s’ils ne sont pas de la famille royale ! »
« Oui ! Le mauvais roi Lambert est déchu ! Longue vie aux rois Rodrigue et Alix ! Longue vie aux rois jumeaux protégés par la Déesse ! »
« Le roi sans yeux est déchu ! Longue vie aux rois clairvoyants ! »
« Longue vie aux rois élus par la Déesse ! »
« Longue vie aux rois loups de cendres ! »
« Longue vie aux rois ! »
Les jumeaux y crurent à peine quand toute la capitale reprit ces mots, se répandant comme un écho tout autour d’eux, hurler en cœur par tous les fhirdiadais, les acclamant rois sans hésité une seule seconde. Ils s’étaient attendus à tout, sauf à ça ! Qu’ils leur fassent confiance à cause de leur attitude quand ils géraient la crise, les respectent énormément à cause de la rumeur qu’ils soient des loups de cendre… mais pas au point de les acclamer roi seulement en les voyant !
Malgré leur étonnement, ils se reprirent vite, ne laissèrent rien paraitre et gardèrent la tête haute, fiers et confiants, regardant droit devant eux sans faillir. Même si n’était qu’une acclamation, cela aurait forcément un poids dans les futures négociations avec les chefs révolutionnaires. Ces derniers ne pourraient pas ignorer l’opinion populaire, ni risquer de se mettre une partie des fhirdiadais en traitant mal des personnes vues comme étant des « élus de la Déesse »… c’était étonnant mais, cela les avantageait aussi, autant en tirer profit un maximum…
Estelle et Bernard vinrent finalement à leur rencontre, entourés de tous leurs hommes restés à Fhirdiad ainsi que ceux des Charon. Plusieurs d’entre eux manquaient à l’appel… devinant facilement la cause de cette absence, les jumeaux se jurèrent de leur donner une tombe digne d’eux, digne des personnes ayant eu le courage d’affronter les tyrans pour le bien du Royaume.
« Bonjour à vous Vôtres Grâces ! Les salua la première Estelle, levant la main dans un geste amicale.
– Bonjour à vous Dame Duchesne, lui répondirent à leur tour les jumeaux, s’adressant à elle comme à un égal.
– Nous sommes heureux de vous revoir sain et sauf après toutes ses épreuves, malgré le fait que certains d’entre vous ne soient plus là, déclara Rodrigue en posant sa main sur son cœur. Le Royaume pleura également longuement la mort de ceux qui ont tout fait pour le protéger.
– Ils ont vaillamment combattu les tyrans des Blaiddyd à chaque instant, chaque bataille. Nous sommes fiers d’avoir eu de tels camarades, même si leur perte est une tragédie qui n’aurait jamais dû avoir lieu, confirma-t-elle. Tel était le prix à payer pour faire chuter les tyrans responsables de tous nos malheurs, même s’il restera toujours bien trop élevé. Même sans être chevalier pour la plupart, ils ont vécu comme tel et bien plus dignement que nombre de personnes portant ce titre.
– Nous sommes aussi heureux de vous revoir… ajouta Bernard sur un moins formel, ne cachant rien de sa joie de les voir à nouveau humain. La Déesse soit louée, vous êtes de nouveau parmi nous et humain… la Déesse soit louée…
Descendant de son cheval, l’homme alla vers eux, tendant sa main vers eux. En réponse, Rodrigue et Alix descendirent de leurs montures à leur tour pour le serrer contre eux, juste heureux de le voir en vie… de tant en voir en vie malgré toutes ses épreuves… qu’autant soit encore vivant malgré les terribles combats qu’ils avaient dû mener… cela tenait du miracle… la Déesse et les Braves soient loués pour leur clémence… tous leurs fidèles vinrent les saluer à leur tour, l’ambiance devenant plus conviviale que formelle entre eux.
– Nous sommes venus pour demander au gouvernement révolutionnaire de nous laisser vous ramener chez nous, à Fraldarius, déclara Rodrigue après leurs retrouvailles. Ceux qui le souhaitent pourront rester à Fhirdiad, bien entendu mais, nous aimerions pouvoir vous ramener à vos familles, surtout maintenant que nous avons assez de vivre pour nourrir tout le fief jusqu’à la prochaine récolte.
– A écoutez tout Fhirdiad, ils n’ont pas l’air de vouloir que vous partiez, leur fit remarquer Estelle.
– Nous entendons bien, et cela serait un honneur mais, il s’agit d’une décision majeure pour l’avenir de Faerghus, lui rappela Alix. Elle ne doit surtout pas être prise dans la précipitation, et il faut également prendre garde à ce qu’elle soit acceptée par tout le Royaume. Mieux vaut éviter les conclusions hâtives, surtout en des temps aussi incertains.
– Ce sera toujours mieux que Lambert, lui fit remarquer Bernard. D’ailleurs, on est loin d’être les seuls à le penser. On doit vous montrer des parchemins qui vont beaucoup vous intéresser, et vous présentez quelqu’un… même si vous le connaissez déjà…
Devinant déjà de qui le second d’Estelle parlait, les jumeaux acceptèrent de les suivre avec les Charon, remontant sur leurs montures alors que la foule réclamait encore de les voir, criant en chœur leur désir qu’ils soient les nouveaux rois, que les loups de cendres et les bons ducs soient leurs rois… prudemment, les jumeaux se baissèrent, prenant quelques mains qu’on leur tendait tout en faisant attention qu’aucun ne cache une lame.
Les chefs révolutionnaires les attendaient devant les portes du palais, repeintes aux couleurs de la ville. Certains se signèrent en les voyant, d’autres les saluèrent poliment. Les jumeaux en reconnurent la plupart, mais leur regard ne put se détacher du jeune homme trônant au milieu d’eux.
Ludovic…
Ludovic était là, tenant Areadbhar entre ses mains, même si elle était recouverte d’une protection de tissu, comme en période de paix ou de régence, quand le roi ne devait ou ne pouvait pas la manier. Malgré tout, tous leurs doutes, l’impossibilité d’un tel miracle, ils surent en voyant son regard si particulier, ses yeux vairons semblant voir à travers les êtres et l’horizon, voir le futur qu’il désirait tant offrir à Faerghus et écartant d’une œillade sévère toute personne menaçant son peuple… ça ne pouvait qu’être que lui…
« Veuillez recevoir nos sincères salutations chefs de Fhirdiad, commencèrent-ils poliment. Nous sommes venus ici pour discuter des liens entre nos deux territoires, ainsi que pour escorter nos hommes jusqu’à leurs familles. Nous prions pour que nous puissions nous entendre.
– Salutations à vous ducs de Fraldarius, commença une femme qu’ils reconnurent comme la cheffe de la guilde des lainiers de la ville. Nous sommes honorés que vous ayez accepté notre invitation, et espérons autant que vous que ces discussions se passeront bien. La ville semble déjà vous avoir accepté dans tous les cas, souligna-t-elle.
– Nous n’avons que pour but de servir notre peuple et celui de tout Faerghus, déclarèrent les jumeaux avec prudence, n’infirmant et ne confirmant rien.
– Nous voyons cela… déclara Ludovic, avant de s’avancer vers eux, son tout petit sourire aux lèvres, si discret qu’il se voyait à peine. Je suis heureux de vous voir en bonne santé louveteaux.
*
Les Fraldarius et les Charon commencèrent par écouter le récit de la révolution, puis se mirent à négocier les modalités des nouvelles relations entre leur fief et le domaine royal. Une des premières choses que firent les jumeaux furent de se débarrasser d’une grande partie du Kyphonis Corpus, utilisant comme argument la fin de l’hégémonie des Blaiddyd sur le Royaume. Cet ensemble de privilèges était très avantageux mais, les enchainaient également à la famille royale, justifiant la plupart des châtiments plus sévères à leurs égards quand leurs « crimes » touchaient au souverain, même si cela se résumait à ne pas être mort à sa place. Ils perdirent plusieurs privilèges mais, savoir que Félix et leurs descendants n’auraient plus à vivre sous la menace d’être puni de mort pour une simple erreur ou pour servir de bouc-émissaire afin d’épargner le roi les soulagea grandement, le tout en arrivant à garder certaines lois particulières concernant la terre de leur fief en lui-même, notamment leur grande autonomie par rapport au reste de Faerghus, ce qui était le principal. Les Charon, toujours représentées par Thècle et Lachésis, veillèrent aussi à ce que Dimitri garde ses droits sur le fief des Blaiddyd en lui-même, le revendiquant comme son héritage paternel, même s’il serait un seigneur comme les autres du royaume. Le jeune garçon n’y perdait pas trop aux changes au final, et nul doute qu’il deviendrait un excellent seigneur sous la houlette de ses tantes.
Une fois tout ceci réglé et avant de discuter ensemble du sort de Lambert et Rufus après leur procès, Ludovic demanda aux visiteurs s’ils pouvaient parler en privé tous ensemble, ce qu’ils acceptèrent. S’aidant toujours d’Areadbhar pour marcher et assisté par un jeune homme du nom de Tristan, il les mena jusqu’à une salle qu’affectionnait particulièrement le roi Ludovic : ses murs étaient couverts d’ambre sculptée, rendant l’atmosphère toute particulière et l’aidant à respirer correctement, un cadeau de bonne entente entre Albinéa et Faerghus offert par le roi albinois au début de son règne, ainsi qu’en excuse pour la mort de Guillaume lors de la rencontre diplomatique entre les deux pays. Plusieurs endroits avaient été gratté, les plus belles pièces retirées par Rufus afin de les vendre et financer sa guerre… c’était une perte énorme pour le Royaume, et les albinois n’apprécieraient surement pas qu’on morcèle un de leurs présents mais, cet argent serait bien utile pour reconstruire Faerghus… présenter ainsi, cela devrait apaiser la colère de leur reine si elle s’en offusquait…
« Je crois que je vous dois à tous une très longue explication… commença le jeune homme, faisant glisser son regard sur chacun d’entre eux.
Il confirma qu’il était bien le roi Ludovic revenu du passé, comment il était arrivé dans le présent, tout en essayant de répondre à leurs questions sur Cornélia. Après s’être enquis de l’état de santé des jumeaux et celui de Dimitri, il les questionna à leur tour sur l’état des fiefs de l’Est, avant d’avouer.
– Une grande partie des seigneurs occidentaux ont senti le vent tourné et ont plié le genou devant Fhirdiad en reniant Lambert et Rufus mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’ils ne tentent de prendre le pouvoir avec l’appui de l’Église occidentale. Les révolutionnaires comptent organiser des élections au plus vite mais, il ne faut pas se voiler la face, il faut attendre que le Royaume retrouve un semblant de stabilité pour pouvoir les organiser correctement, surtout que cela fait plus de trois cents ans que nous n’en faisons plus, même juste pour respecter la forme rituelle de l’élection de Loog. Il faut donc quelqu’un pour diriger le pays temporairement. Cette personne sera extrêmement encadrée et ses pouvoirs limités, comme le roi qui sera élu mais, le pays a besoin d’une figure sous laquelle se rassembler et s’unir, ainsi qu’assez forte pour repousser les ambitions contre le gouvernement révolutionnaire afin de devenir le nouveau tyran. Le tout en acceptant de rendre le pouvoir une fois l’élection passé, évidemment.
– Alors, les candidats idéaux pour ce poste sont évidents pour tout le monde, répondit sans hésité Lachésis en regardant les jumeaux. Mieux vaudrait éviter que ce soit notre famille. Nous avons trop de pouvoir et d’influence dans l’administration, cela déséquilibrait la relation avec le pouvoir législatif, et nous sommes meilleurs dans le domaine judiciaire. De plus, nous avons la tutelle de Dimitri jusqu’à sa majorité à présent, ce qui déséquilibre à nouveau la balance en notre faveur.
– C’est vrai ! Vous êtes acceptés par l’ensemble de Fhirdiad, vous êtes respecté de tous et avez prouvé vos compétences à maintes reprises ! Vous avez bien plus gouverné correctement le Royaume que Lambert ces dernières années, et vous avez assez de puissance pour repousser des seigneurs comme Rowe ou Mateus. Avec ça, l’Église Occidentale hésitera à s’en prendre à vous étant donné que tout le Royaume est persuadé que vous vous êtes transformés en loup de cendre. Ils ne pourront pas s’en prendre à vous sans que leurs fidèles craignent de s’en prendre directement à des personnes sous protection divine. Même s’ils apprennent l’existence des berserkir des srengs, les fanatiques de cette secte sont persuadés que ce sont des faux dieux n’existant pas alors, ils se retrouveront bloqués.
Ludovic les encouragea également d’un signe de tête, ne cachant pas son accord avec les deux sœurs.
– Je ne voie pas non plus d’autres figures qui pourraient autant rassembler que vous. Vous êtes connus et respecté par tout le Royaume. Comme viennent de le soulever Lachésis et Thècle, les Charon concentreraient trop de pouvoir sur elles-mêmes si elles devenaient reine en plus d’être les tutrices de l’héritier des Blaiddyd. Les Gautier se sont détachés du Royaume pour se tourner vers les srengs, même si le statut de ce territoire reste flou pour le moment. Il faudra attendre de voir comment la situation évolue pour savoir si nous les comptons encore dans le Royaume ou non dans le futur. Rowe et Mateus sont puissants mais, moins que les seigneurs du nord tout en ayant leur nom entaché par leur participation active au voyage en Duscur, puis dans le gouvernement de Rufus. Enfin, les Galatéa ne sont mêmes pas une option, c’est une famille bien trop petite doublée de félons notoires, même s’ils se sont apparemment améliorés depuis mon époque…
Les jumeaux ne dirent rien, réfléchissant ensemble… d’un côté, elle n’avait pas tort, ils étaient acceptés de tous à Fhirdiad et dans le nord, et même si Mateus et Rowe risquaient de contester leur pouvoir, dans une période de crise pareille, n’avoir qu’une partie du sud contre eux et pas l’ensemble du pays serait surement la meilleure situation qu’ils pouvaient espérer pour le moment… en plus, ils venaient de se faire acclamer par l’ensemble de la ville, cela justifierait qu’on les choisisse eux plutôt que les Charon ou d’autre…
Leur objectif restait toujours de pouvoir enfin vivre en paix à Egua avec Félix mais, être roi assiérait la force de leur famille et de leur fief, surtout s’ils arrivaient à tirer en partie le Royaume de la crise après la Tragédie… gagner le respect de tous de cette manière leur assurerait que personne n’oserait s’en prendre à eux, que ce soit en visant Félix ou leur fief… s’ils arrivaient à tenir correctement le Royaume jusqu’à ce que la crise passe, leur famille et leur fief pourraient être gagnant à tous les niveaux…
– C’est une décision très importante qui demande à être murement réfléchie, surtout que nous ne voulions plus nous éloigner de notre fief suite à ce qui s’est passé. Dame Loréa Terrail a tout notre respect et notre gratitude pour son travail exceptionnel mais, nous avons également des devoirs envers notre peuple et notre famille, déclara prudemment Rodrigue après avoir échangé un regard avec Alix qui continua, comme si les deux parlaient d’une même voix.
– Mais si c’est pour le bien du Royaume, nous le ferons, tant que nous pouvons continuer à exercer nos fonctions ducales correctement. Nous sommes après tous les protecteurs de notre fief depuis toujours, et Kyphon lui-même voulait que notre famille se concentre sur son territoire pour ne pas risquer de le négliger.
– Bien évidemment, lui jura Ludovic, toujours impassible mais, les jumeaux arrivèrent à discerner qu’il était soulagé par leurs mots. Merci beaucoup à vous.
Ils échangèrent encore un peu, jusqu’à ce qu’on les appelle pour venir partager le repas du gouvernement révolutionnaire, avant de parler du sort du roi, même si Ludovic demanda un instant de plus aux sœurs Charon.
– Je sais que ce n’est pas une priorité et qu’il refusera surement, j’ai aidé à détrôner son père après tout mais, serait-il possible que je me rende en Charon pour rencontrer Dimitri ? S’il accepte et qu’il est suffisamment remis de ses blessures, j’aimerais beaucoup pouvoir le rencontrer avant de repartir dans le passé, surtout si je n’en ai jamais eu l’occasion.
– Bien sûr, vous êtes la bienvenue. Nous en parlerons avec Dimitri en lui expliquant la situation maintenant qu’il va mieux. On espère simplement que ce ne sera pas trop tard pour vous…
– Ne vous en faites pas pour moi, le Royaume passe avant tout. Merci de m’accorder ceci… souffla-t-il, les yeux remplis d’espoir, même s’ils s’assombrirent de nouveau rapidement. Maintenant, il nous reste le sort de Lambert et Rufus à régler… »
Les jumeaux s’hérissèrent un peu, la peur de rencontrer à nouveau les deux frères leur gelant l’échine, même si Ludovic leur assura qu’étant donné qu’ils allaient débattre de leur sentence, les accusés ne seraient pas présents.
« Bien… soupira l’ainé, un peu rassuré, avant de demander à son tour, portant à nouveau sa main sur sa gorge. Ludovic, j’aurais aussi un service à vous demander… »
*
Lambert marchait lentement jusqu’à l’église du palais, pieds et mains liés, un capuchon de moine sur la tête pour qu’on ne le reconnaisse pas. On lui autorisait une sortie par jour sous escorte, même après son procès… cela faisait un mois à présent mais, le souvenir était déjà flou, comme s’il n’était pas présent à son propre jugement… après avoir tenté de s’expliqué avec les juges, il n’avait pratiquement plus rien dit, répondant à peine aux questions en comprenant que cela ne servirait à rien, se contentant de baisser la tête avec honte, fuyant le regard de son père quand il le sentait sur lui… l’homme se doutait qu’une partie de l’audience avait attribué son comportement à de l’arrogance mais, après les premiers échanges avec les juges, c’était plutôt qu’il ne savait plus quoi dire, comme si le moindre de ses mots le condamnerait un peu plus… composés de tout le gouvernement révolutionnaire, à l’exception de Ludovic qui était resté étrangement en retrait contrairement à ses habitudes, le jury n’étaient clairement pas là pour tenter de comprendre ce qu’il avait voulu faire, seulement pour décider de quelle manière il allait mourir, rien de plus… comme le procès de Clovis le Sanglant…
Ce dernier n’avait été qu’une formalité avant qu’il n’ait la tête tranchée par Ludovic pour éviter d’en faire un martyr mais, le tyran avait transformé son jugement en un dernier affront fait à tout Faerghus… il avait profité de cette dernière apparition pour faire étalage de toute son horreur et toute sa cruauté, jurant qu’il reviendrait hanter leurs pires cauchemars depuis l’enfer… plusieurs de ses bâtards et proches collaborateurs avaient également eu la tête coupé, afin d’éliminer les possibles concurrents de Ludovic, leur amour du sang servant de prétexte idéal pour les faire tomber pour complicité et participation active à la tyrannie… sa propre mère Alcidie avait failli avoir son propre procès pour complicité de cette horreur, si elle n’avait pas accepté avec joie de les abandonner pour vivre une vie de sang et de massacre comme mercenaire… en plus, cela aurait surement été plus mal perçu que son ancien mari ne la tue ainsi… elle était moins perçue comme une complice active mais, plus une personne mêlée à tout cela par hasard à cause du mariage arrangé et de ses parents, de proches collaborateurs du Roi Sanglant, eux-mêmes tués pendant le coup d’État… mais si cela n’avait pas risqué d’en faire une martyre et de salir sa réputation, Ludovic lui aurait tranché la tête, comme à tous les autres…
« Même Rufus et moi, il n’hésitera pas à nous… »
L’homme n’essaya même pas de lutter contre ses pensées… son père n’aimait personne… à peine de la pitié pour les jumeaux et ses sujets mais sinon, son âme était vide, froide comme de la glace… il le savait mieux que quiconque pourtant…
« J’espère que tu vas bien Rufus… cela fait si longtemps que je ne t’ai pas vu… personne ne me dit rien… je ne sais même pas si les jumeaux ont été retrouvé… »
En entrant dans l’église quasi vide à part un moine encapuchonné qui s’était engouffré dans une alcôve, Lambert remarqua quelqu’un derrière l’autel sans qu’il ne porte l’habit des prêtres, observant attentivement les fresques représentants les Braves autour de la Déesse, même si ce n’était un secret pour personne que c’était Loog et ses compagnons qui étaient représentés, l’église ayant été construite peu de temps après la fin de la guerre… une fois plus proche, il reconnut assez vite le visiteur.
« Ludovic ? Mais qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais ici ?
L’homme du passé se tourna vers lui, toujours aussi impénétrable et illisible que d’habitude, même si Lambert ne l’avait pratiquement jamais vu dans une église sauf par obligation ou pour la Toussaint, priant surement pour le salut de l’âme de Guillaume et pour expier sa faute envers lui.
– J’avais besoin de calme, et j’avoue avoir envie de te parler un peu, répondit-il de manière concise, sans s’étendre. Et toi, es-tu venu prier ? Es-tu croyant ?
– Non, et tu devrais le savoir… marmonna-t-il, se renfrognant en voyant les yeux vairons vides de son père. Sur ce point, je suis comme toi, je ne crois pas beaucoup.
– Tu es un bébé de six mois à mon époque. Tu ne sais même pas encore parler, tu ne peux pas prier ou même comprendre le concept de Déesse, le corrigea-t-il encore, ne sachant faire que ça avec lui. Je découvre ta personnalité à cette époque. Enfin, je comprends qu’il soit difficile de croire en la Déesse, même si cela peut-être un refuge et une bonne confidente. Alors pourquoi es-tu ici ?
– Je voulais prier pour mon fils… et pour Rufus… j’espère que tout se passe bien pour eux… je ne sais pas comment mon propre frère va depuis que vous nous avez séparés.
– Ce serait trop dangereux de vous laisser ensemble…
– Tu ne penses même pas que cela nous fait du mal d’être séparé alors qu’on est ensemble depuis qu’on est tout petits ? » Ne put s’empêcher de piquer Lambert en le coupant, ne pouvant s’empêcher de passer sa frustration sur lui. Si Lambert voulait bien être le responsable de Duscur, une grande partie de ce qui avait suivi était de la faute de Ludovic, et même avant. Pas question de le ménager lui aussi.
« C’est vrai que vous ne vous quittez pas à mon époque, admit son père en l’approchant, toujours bien trop calme pour quelqu’un de normal. Et bien sûr que j’y ai pensé mais, si vous complotez pour vous évader, ce sera plus simple pour vos complices si vous êtes ensemble, ils n’auront qu’une pièce à trouver.
– Je ne compte pas m’évader si c’est ce que tu crains. Tout ce que je veux, c’est que tout ceci s’arrête et si j’ai de la chance, revoir Dimitri et Rufus, et si j’en ai vraiment, savoir ce qui est arrivé à Rodrigue et Alix mais bon, on ne m’explique même pas pourquoi il y a eu ce mouvement de foule l’autre jour alors, pour qu’on me dise comment va ma famille ou mes meilleurs amis, je peux encore rêver… Vous m’aviez déjà tous condamné avant même que le procès commence en plus. Vous n’avez même pas essayé de m’écouter quand j’essayais de vous expliquer ce que je pensais faire.
Ludovic ne réagit pas, comme toujours, montrant juste un des bancs après une seconde de silence. Acceptant l’invitation non sans faire la moue, Lambert s’assit à côté de son père, regardant la fresque sans un mot avec lui. C’était étrange de se dire que ce jeune homme était en réalité son père, que c’était lui à présent le plus âgé des deux mais, Ludovic faisait plus ancien qu’il ne l’était réellement, comme toujours… avec malgré tout un pincement de cœur, Lambert se souvient difficilement des derniers jours de son père, si maigre et si pale, les joues et les orbites creusés, son cou semblant sur le point de rompre sous le poids de sa tête tellement il était faible, ressemblant plus à un vieillard qu’à un homme dans la quarantaine… dire qu’il avait pratiquement le même âge que son père sa mort à présent…
– Je n’ai aucun pouvoir ici, j’ai tout fait pour ne pas en avoir, commença enfin Ludovic. Un homme du passé n’a pas à décider pour le présent. Et quand bien même, je serais au pouvoir, je n’aurais rien décidé autrement. Même si toi, personnellement, tu ne veux pas t’évader, plusieurs entités pourraient te tirer de ta prison car, tu corresponds plus à ce qu’ils attendent d’un roi qu’un autre. Une milice d’une des sectes de l’Église Occidentale s’est fait arrêter il y a quatre jours car, ils ont tenté de t’exfiltrer du palais.
– Je n’ai rien à voir avec eux si c’est ce que tu cherches à savoir, et je ne veux avoir aucun lien avec l’Église Occidentale non plus. Ils veulent juste brûler tout ceux qu’ils n’aiment pas, soit la moitié de Fodlan.
– Peut-être mais, il n’empêche que tu sembles plus les intéresser sur le trône que n’importe qui d’autre sinon, ils auraient surement déjà proposé leur propre poulain au lieu de tenter de te libérer. Si j’ai bien compris ce qu’on m’a raconté, j’étais arrivé à les affaiblir pendant mon règne mais, ils ont repris du poil de la bête sous le tien, en profitant notamment de plusieurs concessions que tu as faites au sud pour arriver à se réorganiser, surtout qu’en même temps, tu en demandais toujours plus au nord et à l’est qui n’arrivait plus à suivre.
– Je ne peux pas empêcher les gens de croire en ce qu’ils veulent, je ne vais pas mettre un garde derrière chaque autel du sud pour contrôler ce qu’il s’y dit. Ils se sont plaint qu’ils ne pouvaient plus s’exprimer complètement et correctement à cause de tes lois restrictives alors, j’ai accepté de leur donner plus de liberté mais, cela touche tout le royaume, répliqua-t-il, se souvenant des débats qu’il avait eu avec les jumeaux, Rodrigue lui conseillant de repenser sa loi pour en fait ne pas changer grand-chose à la loi de Ludovic au final. Et le nord a toujours bien répondu quand je leur demandais de l’aide, alors que le sud… c’est plus compliqué…
– Une bande de seigneurs ambitieux qui se mangent entre eux et rêvent secrètement de manger celui d’au-dessus pour devenir le nouveau tyran, et une secte hérétique de fanatiques ne rêvant que de revenir à un ancien temps qu’ils imaginent parfait car, c’était eux qui avaient le pouvoir, résuma froidement Ludovic. Et tu as eu une bonne idée sur le papier : il est important que chacun puisse s’exprimer. Mais tu as oublié que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Aucune liberté n’est absolue. Cela ne te viendrait pas à l’idée de rentrer chez quelqu’un sans autorisation alors que tu es libre de te déplacer là où tu veux. Les lois que nous avons mises en place visaient à empêcher que les discours de haine puissent être porté en place publique. Oui, j’ai réduit la liberté d’expression mais, en interdisant qu’on attise la haine des étrangers et des personnes différentes en règle générale, que ce soit par leurs origines, leur genre, leur sexualité, leur religion, leur santé, leur condition physique, mental… tout en formant des juges spécialisés pour traiter les questions liées à la liberté d’expression. On parlait de personnes qui en appelait publiquement à brûler les personnes gays ou transgenre, ainsi que les handicapés car, ils étaient « déviants » ou « tarés », ainsi que frapper du sceau de la honte à vie les bâtards, les métis et ceux qui les ont engendrés. Si on les écoutait, aucun des compagnons du roi Loog n’aurait pu aller aussi loin, dont Loog lui-même… déclara-t-il en regardant à nouveau la fresque des « Braves ». Ils étaient tous des bâtards après tout, sauf Amaury Gloucester, Gylfe Gautier et Eudoxie Goneril, ainsi que Pan mais, Amaury était complètement muet, Gylfe sreng, Eudoxie bien plus almyroise que fodlan à ce moment-là et on peine à discerner les origines de Pan. Les « opinions » de l’Église Occidentale et des seigneurs qui la soutiennent sont dangereuses, et ne représentent que des fléaux à éradiquer, les condamna-t-il fermement, Lambert le revoyant signer sans hésiter les arrêts de mort les visant.
– Je sais, et je n’ai jamais voulu encouragé de telles choses ! Chacun est libre de penser ce qu’il veut tant qu’il ne fait pas de mal aux autres mais, je ne voulais pas non plus brider mon propre peuple ! Je ne pensais pas que cela permettrait à l’Église Occidentale de prendre autant d’importance ! D’accord, la fratrie Charon m’avait dit que c’était une loi qui pouvait provoquer des dérives dangereuses, les jumeaux aussi, mais c’est dans leurs habitudes de s’inquiéter trop pour ça ! C’est comme avec Duscur ! Le but était de rétablir la paix entre nos deux peuples, pas provoquer encore plus de tensions ! S’exclama-t-il, sa voix résonnant en écho dans toute l’église tellement il parlait fort.
– J’en suis conscient. Tu ne penses pas à mal, pratiquement jamais même, et c’est ce qui rend ton cas plus difficile. Tu ne veux jamais faire le mal mais, tu blesses aussi les autres autour de toi en refusant de les écouter et en en faisait qu’à ta tête. Tu tiens aux autres mais, tu as aussi un côté destructeur sur lequel tu n’as pas l’air d’avoir tenté de travailler, même si cela fait le mal autour de toi. Qu’importe tes attentions au départ, même si elles sont nobles, l’important est ce que tu as réellement fait au final et ce que cela a provoqué, soit bien trop de souffrance dernièrement, au point que tu es devenu le roi dont voudrait l’Église Occidentale et le Sud le plus fanatique du Royaume car, ils profitent de ton envie d’aider tout le monde de la même manière, le tout en usant toutes les personnes qui tiennent réellement à toi sans jamais les écouter une seule seconde car, cela signifierait que tu dois faire des choix plus difficiles que seulement aider tout le monde sans distinction…
– Qu’est-ce que tu en sais ?!
Lambert le coupa d’un coup, regardant son père dans les yeux, faisant cliqueter ses chaines qui le retenaient avec ses mouvements brusques, se fichant éperdument que les gardes ou les moines l’entendent. Il était déjà condamné de toute façon alors, autant craquer et lui dire tout ce qu’il pensait de son père depuis des années ! Même s’il se mentait souvent à lui-même au sujet de sa capacité à aimer, en se cachant derrière une histoire rassurante que même un homme comme lui pouvait aimer ses enfants, il fallait qu’il regarde la vérité en face ! Ils s’étaient déjà quittés sur une dispute à la mort de Ludovic de toute façon, son père lui crachant de nouveau au visage tout ce qu’il pensait de son incompétence sans vraiment l’aider ! Une dispute de plus ne la ruinerait pas plus qu’elle ne l’était déjà !
– Qu’est-ce que tu en sais ?! Tu t’es toujours battu contre des personnes que tu hais, que ce soit Clovis, ses sous-fifres ou l’Église Occidentale ! Ce n’est pas compliqué de s’en prendre à des gens qu’on haït ! Surtout pour toi qui n’aimes personne ! La seule personne que tu aimais, c’était Guillaume sinon, ton cœur est en glace ! Tu es froid, insensible, distant, inexpressif et calculateur ! Tu ne penses qu’à ce qui avance tes plans et rien d’autre ! Les seules personnes que tu supportes sont celles qui pensent comme toi ou presque ! Je ne suis pas comme toi ! Je ne le serais jamais ! Moi, je veux travailler avec tout le monde pour qu’on avance ! Pas mettre des gens qui ne me plaisent pas de côté car juste, je ne peux pas les encadrer ! Ne vient pas me faire la morale sur le fait que je n’écoute personne alors que toi, tu faisais couper la tête de tes opposants ou de leurs soutiens ! Comme Clovis, plusieurs des Galatéa, des seigneurs du sud et même la famille de ta propre femme ! ça n’aurait pas entaché ta réputation de tuer la mère de tes enfants, tu l’aurais décapitée comme tous les autres !
– Je ne suis pas aussi insensible que tu sembles le croire. Oui, je ne montre pas mes émotions, autant parce que je suis fait ainsi que pour survivre mais, cela ne veut pas dire que je n’en ai pas. Je préfère laisser mes actes parlés à la place de mon visage et de mes mots. Certes, je ne travaille pas avec tout le monde. Certes, j’ai écarté énormément de personnes du pouvoir mais, c’était principalement des personnes liées au pouvoir de Clovis et de bien d’autres de nos prédécesseurs dignes des empereurs d’Adrestia. Je refuse de donner une once de considération à des êtres que je considère dangereux car, je sais que quand ils auront un premier pouce, ils feront tout pour obtenir tout le bras au détriment des autres. La Tolérance ne tolère pas l’Intolérance. Cela ne m’a pas empêcher d’inclure des personnes venant du sud dans mon gouvernement, notamment des roturiers. Et c’est exact, j’ai coupé la tête de Clovis avant que ses alliés ne le libèrent ou qu’il commence à comploter. Pour les Galatéa, oui, l’un d’entre eux a fini pendu au bout d’une corde… après avoir été pris un poignard à la main dans la chambre des deux louveteaux de Fraldarius afin de tuer la descendance de Guillaume, ce qui a évidemment eu des conséquences. Guillaume et Aliénor n’auraient jamais laissé un tueur d’enfant en liberté, même s’il a raté son coup, encore moins quand ils s’en prenaient à leurs petits à eux. Pour les seigneurs du sud, c’était pour la plupart des opportunistes tentant de profiter du chaos instauré par Clovis pour prendre plus de pouvoir, ainsi que du vide politique pour aider l’Église Occidentale à commettre ses excès. Quant à Alcidie, sa famille et elle étaient les plus proches soutiens de Clovis, ils se rêvaient à la place des Fraldarius sans toutes les responsabilités qu’incombent leur position, ne pensant qu’aux privilèges qu’ils pourraient obtenir. Alcidie a failli te tuer par négligence le jour même de ta naissance, et elle a déjà menacé Rufus d’un couteau pour le faire taire car, il pleurait trop fort à son gout en disant que si tu n’étais pas son assurance pour rester reine auprès de Clovis, elle t’aurait déjà tué car, tu l’empêchais de dormir, tout ça parce que tu étais un bébé qui avais besoin de soin et avais peur du noir. Ce n’était clairement pas une bonne personne, et elle a été la première personne ravie par le divorce, elle a pu aller tuer des gens à sa guise sans devoir s’encombrer de vous. Dans ces conditions, hors de question qu’elle vous approche et vous fasse du mal. Je pense au Royaume avant tout, mais je veux aussi vous protéger, même si je dois vous protéger de la soif de sang de votre propre mère. Je tiens à vous deux, quoi que vous puissiez en penser en vous fiant seulement à mon visage. Cela m’a surement souvent perdu, mais je ne peux laisser mon affection prendre le dessus sur mon sens du devoir. La survie du Royaume et sa stabilité sont bien trop importantes.
Il eut un long silence, Lambert s’enfermant à l’intérieur avant de déclarer, le regard lourd de reproche.
– C’est vrai, le Royaume est plus important que tout pour toi, pour un roi… je lui ai aussi fait beaucoup de mal sans le vouloir mais, si tu dis qu’il faut toujours le faire passer avant toute chose, tu n’es pas non plus capable de voir quelles étaient mes intentions… ni que j’ai fait de mon mieux… comme une grande partie des faerghiens… mais c’est pour ça que ton cœur est froid… tu ne penses qu’à ça et rien d’autre n’a d’importance à tes yeux… tu penses toujours comme un roi, jamais comme un être humain… »
Sur ses mots, le roi déchu se releva, disant à ses gardes qu’il en avait fini ici et avec Ludovic, partant sans jeter un seul regard à son père, même s’il sentait le sien sur lui, rejoint par un autre quand Lambert allait passer la grande porte soigneusement sculptée mais, il l’ignora, devinant qu’il s’agissait du moine de tout à l’heure.
L’homme du passé ne put s’empêcher de soupirer, déçu de ce qu’était devenu son fils et mortifié par la conclusion de cette conversation, avant de demander.
« Cela répond-t-il à tes questions ?
– Oui, merci… même si je m’excuse de vous avoir entrainé dans cette mascarade à cause de ma propre lâcheté.
Rodrigue sortit de l’alcôve, tombant sa capuche. Même caché au loin, son audition plus forte que la moyenne lui avait permis de suivre toute la conversation. Il avait voulu voir ce qu’était devenu Lambert, si ces dernières épreuves l’avaient enfin ramené à la réalité, entendre sa défense contre les reproches qu’auraient pu lui faire en face mais, l’homme n’y arrivait pas, ayant encore l’image de son ancien ami le poignardant encore et encore avec le sourire sans se rendre compte du mal qu’il lui faisait, la peine et la peur le paralysant à nouveau… il avait voulu le revoir ainsi, caché et de manière informelle pour ne pas risquer que la terreur ne le fige de nouveau sur place, comme lors de leur dernière conversation avant Duscur au sujet de Dimitri…
– Ce n’est rien, c’est aussi une discussion que je voulais avoir avec Lambert, lui assura Ludovic en se tournant vers lui, son visage toujours aussi figé mais, Rodrigue arrivait à voir toute sa peine et sa déception. Dans tous les cas, j’ai mes réponses définitives à mes derniers doutes… il le regarda alors dans les yeux, lui redemandant encore. Et toi ? Quel est ta conclusion ?
– Que j’ai aussi les miennes… il fit glisser ses doigts sur la marque autour de son cou avant de serrer son chapelet, cherchant du courage à l’intérieur avant d’enfin annoncer. J’accepte. »
*
« Bordel ?! Qu’est-ce qu’ils peuvent encore nous vouloir ?!
Trois jours après sa conversation avec leur père, Lambert entendait à peine Rufus enrager, frappant à la porte pour tenter d’obtenir une réponse à toutes ses questions, même si cela faisait des jours qu’ils ne s’étaient pas vus tous les deux… depuis leur procès même… ils attendaient toujours le verdict, même si le roi déchu ne se faisait guère d’illusion dessus… à part lorsqu’il avait parlé avec Ludovic, personne ne leur disait jamais rien…
« Je me demande s’ils me diraient si Rodrigue avait été retrouvé… s’il est enfin revenu… »
Il n’essaya même pas de poser la question, seul le silence lui répondait toujours depuis qu’il était enfermé ici, à part quand le père avait demandé du papier pour écrire à Dimitri… enfin, si les deux frères avaient été mis ensemble après des semaines de séparation, ça ne devait pas être n’importe qui…
– C’est pas vrai ! Ce sale chien de Ludovic veut nous humilier jusqu’au bout ! Rufus se tourna vers lui, furieux. Il faut qu’on te sorte d’ici et qu’on aille droit vers le sud ! J’ai des alliés là-bas, des seigneurs vraiment fidèles à ton nom nous attendent ! Certains de leurs hommes sont ici ! Ils nous aideront ! Si nous arrivons à les rejoindre…
– Non… l’arrêta-t-il tout de suite, ne se faisant plus aucune illusion sur leur situation, en particulier après sa discussion avec Ludovic dans l’église palatiale. Le sud est très divisé, et il ne fera jamais le poids contre tout le nord allié, surtout si Gautier décide de se rallier aux révolutionnaires et si le domaine royal ne se soulève pas, ce qu’il aurait largement eu le temps de faire depuis le temps qu’on est enfermé ici… et le sud n’est pas venu nous aider non plus…
– C’est parce qu’ils t’attendent pour s’unir ! Rétorqua-t-il en s’approchant de lui, délaissant la porte pour braquer son regard sur son petit frère. Ils ont besoin de quelqu’un pour les unir contre les émeutiers et les traitres à la couronne ! Comme Loog a uni toutes les colères contre l’Empire et l’Empereur Otton l’Apathique ! Tu es le roi ! Le trône te revient ! Tu ne vas…
– Sauf qu’ici, c’est moi Otton l’Apathique pour tout Fhirdiad ! Je n’ai rien à voir avec Loog ! Le coupa-t-il d’un coup, trop conscient de la réalité après tout ce qui s’était passé. Qu’est-ce que j’ai fait de mon règne ? Oui, j’ai enfin enrayé la peste mais, c’était un des projets de notre père avec l’aide de la vraie Cornélia, et la peste a quand même eu le temps de tuer Héléna à cause de moi ! Je me serais aperçu plus tôt qu’elle était aussi fatiguée et mal par ma faute, j’aurais tout fait pour qu’elle puisse se reposer ! Au moins un peu ! Pas la pousser dans les bras de la faucheuse ! J’ai arrêté l’invasion des rois sans yeux mais, sans Rodrigue, je serais mort à cause de mon imprudence et il a failli y rester par ma faute quand il est venu me sauver ! Puis j’ai mis le Royaume en danger car, j’ai épousé une ancienne concubine de l’empereur sans penser aux conséquences, son frère a été à deux doigts de tuer le fils de mon meilleur ami et on aurait surement eu des berserkirs avant si Félix était mort ! Je n'ai rien écouté, rien ni personne à part Cornélia, qui s’est révélé être une magicienne maléfique, Anselma qui n’a fait qu’imposer ses caprices, et toi en faisant du mal aux jumeaux et à tout le monde, et ça nous a conduit à Duscur où tout le monde est mort ! Et maintenant, le Royaume est en lambeaux, Gautier fait sécession, mes amis d’enfance courent partout comme des loups, leur petit survivant doit être au plus mal, et c’est la révolution avec notre père revenu du passé pour remettre de l’ordre dans le bordel que j’ai moi-même mis dans le Royaume de nos ancêtres ! Je n’ai rien d’un Loog ! J’ai fait de mon mieux, personne n’arrive à le comprendre et à le voir mais, regarde le résultat ! C’est même l’Église Occidentale qui veut me faire évader maintenant ! L’Église Occidentale ! Et tu voudrais qu’en plus, je rejoigne les seigneurs du sud pour tenter de reprendre le pouvoir par la force ? Non… hors de question qu’encore plus de faerghiens meurent par ma faute ! J’ai déjà assez de sang sur les mains !
– Mais alors quoi ?! Tu ne vas pas rester ici à attendre ! Cela ne te ressemble pas de rester les bras croisés sans agir ! Ludovic a décapité lui-même son propre père en place publique ! Il n’hésitera pas une seule seconde à te faire subir la même chose ! Il t’a enchainé avec les mêmes chaines que celles qu’il a mises à son propre père ! Pense à Dimitri ! Tu ne peux pas le laisser tout seul avec juste les Charon ! Qui sait ce qu’ils pourraient lui faire ?! Ce que Ludovic pourrait lui faire ! Il faut…
Lambert le fit taire en se levant, posant les mains sur ses épaules.
– Arrête de cracher sur notre père Rufus. Je t’en prie… juste… arrête. Cela ne résoudra rien… je sais… je sais que Ludovic n’aime personne… son cœur est froid comme la glace… la seule personne qu’il devait aimer, c’était Guillaume mais, il n’est pas là, et les jumeaux non plus alors que la ressemblance aurait pu le pousser à les écouter… mais pour la révolution, ce n’est pas lui… c’est seulement moi… c’est moi qui aie provoqué tout ça en régnant en ayant un cœur à sa différence… même si les gens ne comprennent pas que j’ai tout fait avec les meilleurs intentions du monde, il faut se rendre à l’évidence : c’est moi qui ait provoqué toutes ces catastrophes… Dimitri ira bien, je le sais. Les Charon prendront soin de lui comme le fils d’Héléna, et même si j’aurais aimé le revoir, je préfère qu’il soit en sécurité avec eux plutôt que risquer de le mettre à nouveau en danger… je lui ait fait suffisamment de mal comme ça… je vais être juger pour mes actions, je le sais… il prit son frère contre lui, se sachant surveiller mais ainsi, à mi-voix, il ne pourrait jamais les entendre. Je sais que je pourrais être décapité pour tyrannie, et je l’ai accepté. Je ne compte pas m’enfuir et causer encore plus de mort. Par contre, toi, il faut que tu t’enfuies.
– Quoi ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Hors de question que je t’abandonne à la mort ! Je ne vais pas les laisser décapiter mon petit frère dans ce trou à rat ! Jamais !
– Et moi, je refuse qu’il décapite mon grand frère ! Le coupa-t-il encore en serrant ses mains sur ses épaules. Tu as coupable des mêmes crimes que moi ! Tu as mêmes renoué avec les horreurs de Clovis le Sanglant ! Tu as régné comme lui ! Et même si tu mérites d’être puni pour tes crimes autant que moi, je suis incapable de te laisser à la mort comme ça ! Mes chaines sont trop solides pour que je les brise, c’est un alliage magique quasi indestructible mais, les tiennes sont en fer ordinaire, je pourrais les casser sans problème ! Je vais juste abimer suffisamment le verrou pour que même toi puisse les casser, puis tu fuiras à la première occasion ! Héléna n’approuverait surement pas mais, je refuse de perdre mon grand frère ! J’ai déjà perdu les jumeaux, Héléna et Patricia, et je ne reverrais surement plus jamais Dimitri ! Je refuse de te perdre aussi ! Même si ça veut dire laisser un tyran courir, tu es trop important pour moi !
Rufus se figea, s’éloignant de son petit frère pour le regarder dans les yeux. Non… non, non… il ne pouvait pas abandonner… Lambert ne pouvait pas accepter son sort… ça devait être ses blessures qui le rendaient défaitiste comme ça… il ne pouvait pas… mais il était aussi t��tu… parti comme c’était parti, même lui ne pourrait jamais lui faire changer d’avis… alors… alors…
– … … … bien… finit-il par dire à contre-cœur. Mais sache que je reviendrais pour te libérer avec les seigneurs du sud. Je ne t’abandonnerais jamais entre les mains de ce démon de Ludovic ou des émeutiers. Je ne te laisserais jamais, tu es bien trop important pour moi aussi… depuis toujours… tu es mon petit frère et je t’aime… je ne t’abandonnerais jamais… je reviendrais et je te retrouvais avec Dimitri… je te le promets…
– J’espère surtout que tu reviendras de cette folie…
Malgré l’appréhension après ces dernières paroles, Lambert fragilisa les chaines de son frère, profitant d’une nouvelle étreinte pour briser celles de ses poignets, et appuyant suffisamment avec son pied sur celles de ses chevilles pour pratiquement les arracher, assez pour qu’il puisse les briser au moindre geste brusque, priant pour que Rufus accepte de seulement fuir pour ensuite vivre sa vie loin de tout ceci… le roi déchu avait accepté son sort, savait que seul le glaive du bourreau l’attendait pour ses crimes… est-ce que Ludovic le manierait comme pour Clovis ? Il semblait si faible mais, ce n’était pas le genre de tâche qu’il laissait à d’autres dans des circonstances pareilles… ou alors le prochain roi ou un membre du gouvernement révolutionnaire ? Le nouveau décapitant l’ancien pour ensuite crier « le roi est mort, vive le roi » comme lors de la mort de Clovis… ce serait approprié…
« J’aurais juste voulu te revoir une dernière fois Dimitri… mon fils… je suis désolé… mais au moins, je sais qu’ils prendront soin de toi… »
Les portes finirent par grincer, le nouveau chef de la garde palatiale leur aboyant de les suivre en silence. Lambert obéit placidement, pendant que Rufus finit par se résigner malgré tout. Il fallait donner le change, trouver la bonne occasion pour trouver ses alliés, leur donner le signal et filer mais, aucun de ses hommes ne semblaient l’attendre, alors qu’on les emmenait à pied jusqu’à l’hôtel de ville, entouré de garde et sous les injures de la foule.
« Tyrans ! »
« Ordure ! »
« Duscur, c’est ta faute ! »
« Roi sans yeux ! »
« T’as envoyé mes enfants à la mort ! »
« Roi Hresvelg ! »
« Affameurs ! »
« Empereurs ! »
« Otton ! »
« Fils de Clovis ! »
« Ma femme est morte pendue pour avoir tenté de nous nourrir ! »
« Honte de votre père ! »
« À mort ! »
« Oui ! À mort ! »
« Morts aux tyrans ! »
Même s’il restait droit, Lambert ne pouvait s’empêcher de baisser la tête, autant pour éviter de se prendre une flèche ou un projectile que par honte. C’était donc ainsi que le voyait son peuple… comme un tyran tuant son propre peuple… un aussi mauvais roi qu’un Hresvelg… même s’il s’en était bien rendu compte lorsqu’il avait été arrêté mais, ça faisait toujours mal de se faire insulter ainsi…
« Je n’ai jamais rien voulu de tout ceci… »
Rufus quant à lui cherchait toujours un moyen de s’en sortir, repérant un pont qui pourrait servir à des complices pour les récupérer mais rien… rien du tout…
Ils finirent par arriver devant l’hôtel de ville, où les attendaient Gustave et le peu d’homme qui étaient restés fidèles aux Blaiddyd, faisant face au grand escalier où se trouvait un représentant du gouvernement, réclamant le silence alors qu’on forçait la faction du roi déchu à mettre un genou en terre. Rufus vit Ludovic, assis au sommet des escaliers avec Areadbhar à ses côtés, même pas habillé comme le roi qu’il était, en simple chemise et chausses blanche et bleu roi mais, ce n’était pas étonnant de sa part, observateur distant comme il l’avait été pendant le procès de ses fils, toujours aussi impassible alors que le héraut annonçait à la ville les dernières décisions ineptes des émeutiers. Déesse… il ne devrait pas filer pour libérer son frère, Rufus se serait déjà jeté sur lui afin d’en finir enfin avec ce monstre au cœur de glace ! Ludovic était faible et malade, même lui pourrait le vaincre sans Areadbhar pour lui prêter main forte ! Que son visage se défige enfin devant lui pour une fois dans sa vie !
« Citoyens de Fhirdiad ! Il est temps de vous présenter ceux qui dirigeront notre ville à présent, ainsi que les seigneurs qui ont juré conserver de faire nation avec notre ville et tout Faerghus ! Le roi temporaire annoncera également le châtiment du roi déchu, son tyran de frère et leurs soutiens !
L’homme à la voix forte commença alors une longue énumération où Rufus bouillait, cherchant toujours un moyen de s’échapper et ses soutiens quand il se figea en voyant les seigneurs du sud se tenir parmi ceux ayant juré allégeance à la ville… même les émissaires de Rowe et Mateus se tenaient sagement au bas de cet escalier ! Acceptait d’être plus bas que cette bande de gueux se prétendant souverain de la plus grande ville de Faerghus ! C’était pas possible ! Cela devait être une manœuvre pour tromper leur vigilance ! Ce n’était pas possible autrement !
De son côté, Lambert ne releva pas la tête, regardant le sol à part quand on annonça que la sororie Charon aurait la garde de Dimitri jusqu’à sa majorité, et qu’il serait le seigneur du fief de Fhirdiad quand il serait grand, arrivant même à sourire un peu. Bien… c’était tout ce qu’il voulait… Dimitri serait en sécurité avec ses tantes, et son avenir serait assuré en tant que seigneur du domaine r… du fief des Blaiddyd… c’était le principal…
« C’est étrange… ils n’ont pas parlé de Fraldarius… Rodrigue et Alix doivent encore être sous leur forme de loup… Loréa ne doit pas vouloir s’avancer sans leur accord… après tout, cela reste une trahison de la famille royale et si on reprend un jour le pouvoir pour je ne sais quelle raison, c’est la tête coupée pour tous les adultes de la famille… c’est trop dangereux… et les jumeaux ne voudraient jamais me… »
Lambert chassa son cauchemar de sa tête, se rappelant que ce n’était qu’un cauchemar, que les jumeaux n’étaient pas dans leur état normal la dernière fois qu’il les avait vus, que ce n’était pas lui qu leur avait volé leurs lettres… non… c’était impossible qu’ils le haïssent au point de le… et de toute façon, c’était des loups à présent, ils devaient courir après l’odeur de Félix et celle des lièvres dans tout le nord, ils ne pouvaient rien faire…
– Quant à notre roi, finit par annoncer le héraut alors que la nuit tombait, il a été décidé qu’à l’instar du roi Loog le Lion et de sa fille Sophie la Sage, il serait élu par l’ensemble du peuple de Faerghus, en suivant la procédure établie par le roi Ludovic le Prudent, procédure qui nous a été transmis dans son testament récemment retrouvé ! En attendant de pouvoir organiser l’élection, suite à l’ovation populaire et leurs nombreux actes pour le Saint-Royaume de Faerghus, la régence sera confiée aux protégés de la Déesse et de l’Épéiste de l’Onde, Rodrigue Achille et Alix Persée Fraldarius ! Duc de Fraldarius et loups de cendre de Sothis elle-même !
Sous le choc de cette annonce, le roi déchu releva d’un coup la tête, incapable de le croire sans le voir par lui-même. Non ! Impossible ! Rodrigue ne le trahirait jamais ! Pas lui ! Alix peut-être mais pas lui ! Pas Rodrigue ! Et ils étaient tous les deux encore en loup ! Ils lui auraient dit sinon ! On lui aurait dit ! ça ne pouvait pas être…
Cependant, à cette annonce, les vrais jumeaux sortirent de l’hôtel de ville, leurs boucles noires couronnés des premiers rayons de lune, tous deux drapés de blanc et de sarcelle claire, une fourrure couleur de nuit sur les épaules. Leur visage était impassible comme celui de Ludovic mais aussi ouvert et sérieux, regardant droit devant eux, embrassant toute la foule des yeux d’un air protecteur et rassurant… comme toujours, pour les différencier, les cheveux de l’ainé étaient lâchés et son habit plus proche du bleu, Aegis à son bras, pendant que ceux du cadet étaient noués à l’arrière de son crâne, la sarcelle tirant plus vers le vert, l’épée de Moralta à la ceinture… la seule familiarité aux yeux de Lambert alors qu’il avait l’impression de voir deux étrangers…
Rodrigue semblait sortir de son cauchemar … à part son amusement cruel, il était tel qu’il l’avait vu à l’intérieur mais, il n’était plus seulement le roi de la forêt… non… il était… il venait de devenir… lui et Alix… non… ce n’était pas possible… ils ne pouvaient pas le…
Alors s’approcha l’émissaire des Dominic, leur apportant des gants qu’ils enfilèrent après un salut respectueux, suivi par une prêtresse qui devait s’occuper d’une petite chapelle à son habit qui agrafa la cape sous leur fourrure avec une grande fibule aux armes de Faerghus, et enfin, une ancienne servante de Patricia et le jeune homme qui avait envoyé Areadbhar à Ludovic pendant l’affrontement contre « Cornélia » s’avancèrent, chacun tenant un grand anneau d’argent dans leurs mains. Ils demandèrent alors aux jumeaux :
« Jurez-vous de servir le peuple de Faerghus ? De n’avoir à cœur que ses intérêts et ses intérêts seuls ? Jurez-vous de protéger le peuple en ses temps difficiles et d’assurer la paix entre tous les citoyens ainsi qu’avec nos voisins ?
– Nous le jurons, répondirent-ils solennellement avant d’ajouter d’une même voix. Et nous jurons de rendre le pouvoir au Royaume une fois que l’élection du vrai nouveau roi aura eu lieu. »
Sur ses mots, ils s’inclinèrent profondément devant les deux roturiers, qui posèrent l’anneau sur leur tête, avant de s’incliner à leur tour devant eux et de se retirer, laissant les deux frères se relever alors que tout Fhirdiad les acclamait, hurlait leurs noms encore plus fort que tous les autres, assez pour que même la Déesse les entende, inondant la place de vœux de long règne et de prospérité malgré le fait que leur règne soit annoncé comme temporaire…
Malgré sa simplicité, la couronne pesait lourd sur leurs épaules mais, les jumeaux ne vacillèrent pas, gardant la tête haute avec dignité. Ils avaient été acceptés à l’unanimité par le gouvernement révolutionnaire, et avec une telle ovation lors de leur annonce, leur légitimité à Fhirdiad était assurée, même s’ils devraient faire le tour des intendants du domaine royale afin d’imposer leur pouvoir, tout en remplaçant les derniers fidèles, les corrompus et les incompétents par leurs propres hommes de confiance ou ceux des Charon avec leurs aides, s’assurer que le Sud restait fidèle, régulariser la situation en Kleiman en accord avec Duscur… sans parler des velléités de guerre et de vengeance des seigneurs occidentaux à éteindre, d’apaiser les tensions internes au Royaume, faire la lumière sur la Tragédie et tenter de sauver ce qu’ils pouvaient sauver de leurs relations avec Duscur… les jumeaux ne pouvaient pas se permettre de céder maintenant…
Pourtant, même si la tâche était immense, se savoir plus libre dans leurs décisions, de ne pas toujours devoir composer avec les caprices d’un inconscient et passer derrière lui pour réparer ses erreurs, tout en retournant dès qu’ils le voulaient à Egua auprès de Félix les soulageait d’un poids… ils ne courberaient plus jamais l’échine devant qui que ce soit qui n’était pas digne de leur obéissance, plus aucun collier ni laisse ne les étranglera jamais plus… seul la marque de leur transformation entourerait leur cou à présent.
Enfin, avant tout ceci, ils devaient régler une dernière chose…
Baissant les yeux, ils virent Lambert et Rufus, genou en terre, les bras et les jambes couverts de fer à leur tour… c’était étrange… quelques jours auparavant, Rodrigue osait à peine dire le nom de son ancien ami, se cachant sous sa fourrure, dévoré par la peur mais, après l’avoir entendu dans l’église palatiale, après avoir complètement réalisé quel homme Lambert était vraiment, puis maintenant, aux côtés de son jumeau, devant l’hôtel de ville de Fhirdiad, entouré de tant d’alliés de confiance, galvanisé par la foule et avec la responsabilité de protéger le Royaume sur ses épaules, il ne tremblait plus. Il se tenait droit et fier face aux deux frères, les regardant comme les tyrans qu’ils étaient, attendant leur jugement… Lambert les dévisageait, incapable de comprendre ce qui se passait devant lui, à la fois si différent et si semblable à ce qu’il avait montré de lui dans l’église face à Ludovic, pendant que Rufus bouillonnait de rage, ses yeux les poignardant encore et encore, rêvant surement de les étrangler avec ses propres chaines…
« Cela change bien la donne quand c’est les autres qui tiennent votre propre laisse… »
Cependant, Rodrigue chassa toute de suite cette pensée sombre de sa tête. La vengeance ne lui apporterait rien. Le Royaume avait besoin de justice, pas d’encore plus d’égoïsme et de colère. Maintenant qu’il connaissait mieux le vrai visage de Lambert, il pouvait l’affronter sans trembler ou se figer. Le vieil ami qu’il pensait connaitre n’existait plus… peut-être n’avait-il jamais existé mais, il n'avait plus de temps à perdre pour lui… ni avec l’un ni avec l’autre.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, Rufus Adegrin Blaiddyd-Hange, commencèrent les jumeaux, parlant ensemble après avoir répété bien des fois ces mots. Vos crimes sont nombreux. Sous votre commandement, le Royaume a subit bien des troubles et des malheurs. Parmi vos crimes se trouvent la tyrannie, entrainer la mort de votre propre peuple, que ce soit en le mettant en danger volontairement, par négligence ou en volant sa nourriture pour votre propre gain, provoquer l’instabilité du Royaume, ce qui a poussé certains territoires à faire sécession afin d’assurer la survie des leurs… la liste est si longue que nous pourrions les lister toute la nuit sans jamais arriver au bout. De tels crimes ne mériteraient que la mort mais, les terres du Saint-Royaume sont déjà bien assez imbibées de sang. En répandre encore et encore ne réparera rien, ne ramènera aucun mort, n’aidera personne à faire leur deuil… c’est pourquoi, en punition de vos actes, vous devrez à présent travailler pour le Royaume comme les plus petits scribes de tout Faerghus sous une nouvelle identité, gagnant votre pitance et le respect des autres par vos accomplissements, afin que vous puissiez réparer vos crimes par votre travail et votre dévouement au peuple faerghien. Tel sera votre châtiment, le v��tre ainsi que celui de tous vos soutiens encore fidèles. Les temps changent, cette nouvelle ère a débuté avec les faerghiens s’entretuant pour se libérer du tyran, qu’elle continue dans l’apaisement et la reconstruction.
Lambert resta figé, tout comme Rufus, sans voix. La sanction était à la fois douce et cruelle, surtout après que le roi déchu se soit résigné à mourir. Elle épargnait leur vie mais, les deux frères n’étaient plus rien à présent. Ils passaient de roi et de frère de roi à simples scribes, devant gagner leur pitance eux-mêmes, devant apprendre à tout faire par eux-mêmes, sans que personne ne soit là pour les aider. À côté, peut-être que la mort était plus facile… La chute serait vertigineuse et les briserait peut-être mais, ils ne pouvaient pas se permettre d’être plus cléments en apparence, les deux frères en avaient bien trop fait. Peut-être apprendraient-ils enfin, même si les jumeaux ne se faisaient plus d’illusion à ce sujet…
Lambert tremblait, complètement incrédule devant une telle décision, essayant vainement de parler. Rodrigue baissa les yeux, les posant dans les siens, s’attendant à tout entendre. Que voulait-il dire ? Implorer leur pitié ? Tenter de leur rappeler leur ancienne amitié qu’il avait lui-même fait brûler à Duscur avec le sourire ? De les faire culpabiliser pour leur cruauté de ne pas lui permettre de mourir maintenant et de vivre dans la honte ? D’après les lettres de Sylvain, Lambert aurait tenté d’utiliser ses sentiments contre lui afin de lui faire oublier ses devoirs envers son peuple, tentant de lui rappeler son amitié avec Dimitri en argumentant qu’il le connaissait et qu’il ne parlait pas au margrave mais, au jeune homme… Il aurait même tenté d’utiliser le nom de Félix pour le pousser avouer comment rendre leur forme humaine aux berserkir… avant le début de la Tragédie de Duscur, ils n’auraient jamais pu l’imaginer capable d’une telle lâcheté de sa part mais, à présent, cela ne les avait même plus étonnés, juste de plus en plus déçus de leur ancien ami…
Cependant, après encore quelques hésitations, Lambert finit par baisser la tête et par demander à mi-voix, à peine audible.
– Puis-je au moins revoir mon fils une dernière fois avant de partir ? C’est ma dernière volonté de condamné…
Les jumeaux échangèrent un regard et leurs pensées. D’un côté, si toute la famille royale était réunie au même endroit, cela serait aisé pour leurs soutiens de les faire évader tout en enlevant Dimitri, même s’il était encore en fauteuil roulant… mais de l’autre, refuser à un père de voir une dernière fois son enfant serait vu comme trop cruel de leur part, surtout que Dimitri devait aussi vouloir retrouver son père à tout prix. Ils avaient besoin d’un solide appui populaire contre la noblesse du sud, ils ne pouvaient se permettre de se mettre à dos l’opinion populaire…
Ils finirent par hocher la tête dans sa direction, déclarant simplement :
– Accordé. Vous pourrez le retrouver avant votre départ.
Lambert inclina également la tête, comme pour les remercier d’avoir accepté. Rufus semblait sur le point de leur sauter dessus, ivre de rage mais, avant qu’il n’ait pu hurler tout ce qu’ils pensaient de ces traitres, se défaire de ses chaines pour emmener son petit frère au loin, la foule retient son souffle avant de s’exclamer, sans voix.
Sortant de la pointe d’Areadbhar, du givre se mit à recouvrir tout l’hôtel de ville, le recouvrant d’un voile scintillant sous la lune, comme si le Brave lui-même l’avait recouvert de diamants gelés, pendant qu’Aegis brillait de milles éclats sur le bras de Rodrigue, baignant les deux jumeaux de sa lumière, l’humidité s’accrochant à leurs cheveux et à leur couronne comme des joyaux liquides, vite rejoints par d’autres de glace.
En voyant ceci, Ludovic se leva difficilement, prenant appui sur leur Relique pour arriver à se tenir droit, déclarant faiblement mais, le silence était si total que toute la foule assemblée l’entendit.
– Le Flutiste des Glaces et l’Épéiste de l’Onde ont parlé. Ils acceptent les décisions du nouveau gouvernement, ainsi que la nomination de Rodrigue et Alix Fraldarius, les couronnant eux-mêmes, tout en condamnant les seuls et uniques traitres à Faerghus.
Rufus enragea, se redressant d’un coup en hurlant :
– Évidemment ! Fraldarius est leur ancêtre ! Évidemment qu’il veut que sa famille ait encore plus de pouvoir et nous domine tous ! Et Blaiddyd haït autant sa famille que toi ! Ils ne pensent jamais aux siens ! Toujours aux étrangers !
– Le Flutiste des Glaces a pourtant soigné son petit-fils Dimitri après que son propre père ait failli provoquer la mort de son propre enfant, pansant patiemment ses blessures puis, a également soigner Lambert malgré tout ce qu’il avait fait, ne le rejetant que quand il fut suffisamment guéri, lui rappela calmement Rodrigue, baigné par la lumière de sa Relique, ne tombant pas dans le piège de perdre son calme face à Rufus, cela jouerait contre eux et il n’en valait pas la peine.
– De notre côté, nous n’avons jamais rien fait pour que notre Ancêtre nous retire sa confiance, ajouta Alix, tout aussi calme et posé que son frère. Nous avons toujours œuvré pour le bien de notre famille, certes, mais jamais sans oublier de faire passer les intérêts supérieurs de la nation avant tout car, tel est le devoir des dirigeants. L’intérêt du plus grand nombre passe avant tout intérêt personnel, quelque qu’ils soient.
Un silence suivit d’applaudissements approbateurs résonnèrent sur la place, avant que les gardes n’emmènent définitivement les deux frères loin de la place sous bonne garde. En partant, Lambert lança un dernier regard derrière lui, mais n’arriva pas à voir une dernière fois Rodrigue et Alix, la foule se refermant sur eux alors qu’ils les acclamaient de toutes ses forces.
Rufus gronda, voyant a même chose que son frère, bouillonnant de rage.
« Traitres… traitres… tous des traitres ! Le peuple préfère encore ces traitres à la Couronne au seul souverain légitime ! Mais ce n’est qu’une question de temps ! Une fois sur le pont de tout à l’heure, je pourrais sauter et surement retrouver nos alliés ! »
Cependant, quand ils le traversèrent, Rufus eut beau tirer de toutes ses forces sur ses chaines, impossible de les rompre ! C’était pas vrai ! Ils devraient pourtant être capable de les briser après que Lambert les ait quasiment arrachées ! Comment…
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il fit véritablement attention à ses chaines, découvrant avec horreur l’épaisse couche de glace les recouvrant les maillons endommagés, les renforçant de nouveau.
Se croyant en plein cauchemar, Rufus se retourna, hurlant encore et encore, incapable de se contrôler face à cette nouvelle trahison, rêvant de retourner sur la place, d’en finir avec cette mascarade grotesque ! Son frère était roi ! Roi ! C’était lui qu’on devrait acclamé ! Pas deux loups enragés et traitres !
« Blaiddyd ! Fraldarius ! Ludovic ! Rodrigue ! Alix ! Tous ! Soyez maudits ! Soyez tous maudits ! Tous autant que vous êtes ! Je ne me laisserais pas faire ! Mon frère est le seul et unique roi de Faerghus ! Seul Lambert est roi de Faerghus ! Qu’importe ce que ces barbares de Braves en pensent ! Ludovic ! Je te tuerais ! Je te tuerais après avoir étrangler tes favoris devant toi ! La tuberculose ne t’emportera pas en enfer ! Je le ferais avant elle ! Soit maudit ! Que ton foutu devoir et ta lance maudite et toi bruliez en enfer ! Soyez tous maudit ! Et Rodrigue… Rodrigue ! Toi aussi ! Toi aussi, je te tuerais ! Je te prendrais tout ce à quoi tu tiens ! J’écorcherais vif ton cher louveteau que tu aimes tant, rouerais ton enragé de jumeau, puis brûlerais tout Fraldarius pour réduire à néant tout ce que toi et ta chère famille avez accompli, puis je te tuerais ! TU M’ENTENDS ?! JE TE TUERAIS SALE TRAITRE ! JE VOUS TUERAIS TOUS JUSQU’AU DERNIER JUSQU’À CE QUE LE SANG DE FRALDARIUS SOIT COMPLÈTEMENT TARI JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE ! TA TRAHISON T’EMPORTERA TOI ET TA CHÈRE FAMILLE JUSQU’EN ENFER ! TU M’ENTENDS ???!!! RODRIGUE !!! »
Malgré sa haine, ses hurlements furent tous engloutit par les ovations de joie et les cris de félicitation de la foule, s’amassant autour des loups de cendre en priant pour que leur bénédiction bénisse le Royaume, afin que la félicité revienne enfin. Personne à part les garde et Lambert ne l’entendirent vomirent ces abominations sur les nouveaux souverains de Faerghus, couronnés par le peuple et les Braves, et personne ne prit ses paroles au sérieux.
« C’est fini Rufus… songea son frère en le voyant sur le point de se faire bâillonner, de nouveau impuissant et incapable de protéger une personne qu’il aimait. Nous avons perdu… »
« NON ! Hurla Rufus en se débattant. HORS DE QUESTION QU’ILS TRIOMPHENT TOUS AUTANT QU’ILS SONT ! VOUS NE M’ENFERMEREZ PLUS ! »
Arrivant à se défaire de la poigne des gardes, Rufus utilisa toute l’énergie qui lui restait pour sauter du pont, se laissant emporter par le courant sous l’indignation des fidèles des traitres. Les flots le déchiraient, les rochers lui fracassaient les os mais, peu importait. Le plus important, c’était qu’il était hors des griffes de son père, des Charon et des Fraldarius ! Une fois hors de Fhirdiad, il pourrait détruire la gangue de glace de Blaiddyd et ses chaines, puis le prince royal pourrait réunir ses alliés et partisans encore fidèles, récupérer suffisamment de pouvoir pour marcher sur Fhirdiad, écraser tous ces traitres, faire manger son propre enfant à Rodrigue pour lui apprendre à rester à sa place, puis le tuerait à son tour avec son jumeau, avant de renvoyer son père dans le passé d’où il venait en l’étripant enfin !
« Vous ne perdez rien pour attendre ! Je me vengerais ! Je nous vengerais tous ! Vous me le paierez ! Profitez du pouvoir pendant que vous le pouvez encore ! Je reviendrais avant que vous ne puissiez me voir arriver ! »
Il finit par échouer hors de Fhirdiad, la chaine défensive servant a arrêté les navires srengs, pas les corps… en plus, il était surement assez loin pour que l’épidémie révolutionnaire ne se soit pas propagée jusque-là…
« Tu me le paieras Ludovic… vous me le paierez Rodrigue et Alix… je me vengerais… je me vengerais… je me vengerais ! »
Se redressant comme il put avec ses chaines, Rufus avança en gardant les nuages de fumée en vue, venant surement des cheminées d’un village voisin. Là-bas… là-bas, il trouverait surement de l’aide pour enlever ses chaines en disant qu’il avait été victime de la tyrannie des révolutionnaires et arrêté injustement, n’ayant réussi à s’enfuir qu’in extremis grâce à son frère… les roturiers des villages comme ça étaient naïfs, ils devraient gober tout ce qu’il racontait sans se poser de questions…
Cependant, quand le prince arriva, un des habitants le pointa du doigt, criant comme un possédé alors qu’il reconnaissait une ancienne conquête travaillant comme servante au palais.
« Là ! C’est Rufus ! C’est lui qui a décidé que tous les contrebandiers devaient être pendus ! C’est lui le tyran ! Je le reconnais !
– Quoi ?! Rufus ?!
– L’affameur ?
– Le Tyran ?!
– Il est là !
– Ordure ! »
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, quelqu’un le poussa dans le dos, l’envoyant au sol sans difficulté, ses chevilles s’emmêlant dans ses chaines. Un violent coup de pied s’enfonça dans ses côtes, avant qu’une pierre ne s’écrase sur sa tempe, le faisant hurler de douleur jusqu’à ce qu’une bêche ne lui ouvre les côtes, suivit de coups de tous les outils du village, labourant son corps comme s’il était la terre du champ alors que la douleur le bâillonnait plus que ne l’avait jamais fait son père.
« Non ! Je suis votre prince ! Je suis le frère du seul roi légitime ! Le descendant de Loog le Lion lui-même ! Vous n’avez pas le droit de me traiter ainsi… AAAAAARGH !!!!!! »
Une bêche s’enfonça profondément dans son dos, creusant un trou béant entre ses côtes. Son corps tomba, devenant aussi froid que l’hiver, alors qu’il maudissait encore et encore son père pour avoir détruit leur famille et les jumeaux pour avoir trahi celui qui les considérait comme ses meilleurs amis, tout ça pour le pouvoir qui ne leur revenait pas…
« M… maudit soyez-vous tous… maudit sois-tu… Lud… »
Le lendemain, les paysans ramenèrent ce qui restaient de Rufus au palais de Fhirdiad. Les jumeaux, les Charons, le gouvernement révolutionnaire et Ludovic découvrirent un cadavre tordu, le moindre de ses os ayant été pulvérisés par les outils des villageois et les coups. Sa tête pendait dans un angle étrange, juste rattaché au corps par les quelques vertèbres encore entières et de minces lanières de peau, rendant ses yeux grands ouverts encore plus dérangeant, ne fixant rien d’autre que le vide devant lui… l’homme avait été lynché à mort, livré à la fureur de tous ceux qu’il avait volé pour se venger contre des innocents…
Ludovic fut le premier à réagir, se redressant en tremblant. Il s’approcha du cadavre de son fils, déclarant avec tristesse devant un tel spectacle macabre… aucun père ne devrait voir une chose pareille mais, il était également conscient de ce qu’avait fait son fils ainé, tout ce qu’il avait fait subir à leur propre peuple pour assouvir sa propre soif de vengeance… n’ignorait pas que Rufus réservait le même sort à ses ennemis ou aux personnes lui déplaisant, pouvant même être encore plus cruel… comme son grand-père qu’il semblait prendre en exemple… mais malgré tout…
« Personne ne mérite un tel sort… souffla-t-il en lui fermant les yeux de son fils. Je suis désolé Rufus… je ferais en sorte que tu ne deviennes jamais un tel tyran à mon époque, je te le promets, même si tu vas sans doute d’autant plus me haïr… mais tant que tu ne finis pas ainsi, lyncher par la foule, se sera déjà une grande victoire… »
On enterra Rufus discrètement, presque en cachette dans la crypte familiale, allongé dans un cercueil de bois simple avec une simple épitaphe portant son nom et sa date de naissance et de mort, sans aucun commentaire… après une vie comme la sienne, il était difficile de trouver quoi que ce soit de positif à dire à son sujet…
Lambert s’effondra pendant la cérémonie, pleurant toutes les larmes de son corps, refusant qu’on enterre son grand frère.
« Ce n’est pas possible… ce n’est pas possible ! Pas toi ! Pas mon frère ! Grand frère ! Revient ! Pourquoi tu m’abandonne toi aussi ?! Rufus ! Reste avec moi ! Grand frère ! Qui m’a pris mon frère ?! Qui est le monstre qui a tué Rufus ?! Enragea-t-il alors qu’on recouvrait le cercueil de terre, même s’il connaissait toute l’histoire et savait que les paysans avaient été puni pour avoir lyncher quelqu’un à mort. Qui a fait ça ?! Comment ça a pu arriver ?! Qui a pu oser… »
Du coin de l’œil, il vit Rodrigue et Alix, l’air aussi neutre que Ludovic, même si celui-ci semblait légèrement affecté pour une fois, priant pour le repos de son ainé avec un rosaire dans les mains. De leur côté, tenant son chapelet entre les doigts, l’ainé des jumeaux se signa quand le prêtre finit sa prière, restant à peine assez de temps à la fin de la cérémonie pour dire une seule prière, avant de partir avec son frère… il avait peut-être perdu un de ses fils, mais il en avait encore un… et il avait encore son frère… toujours la personne qui le connaissait le mieux et le comprenait toujours… il avait encore tout… réussissait tout… alors que lui…
« C’est ta faute… l’accusa-t-il tout de suite. C’est ta faute… c’est ta faute et celle de Ludovic… c’est lui qui a donné l’idée à Fhirdiad de faire des coups d’Etat tout le temps et toi, tu en as profité avec Alix… s’il ne m’avait pas volé la couronne… s’il n’avait pas monté tout Fhirdiad contre mon frère et moi comme il en a l’habitude… s’il ne m’avait pas renversé… si tu n’avais pas été là pour me voler la couronne… si ça n’avait pas été l’un de vous deux qui avait été désigné roi… si tu avais su protéger Rufus au lieu de nous exhiber comme des trophées devant l’hôtel de ville… si vous n’étiez pas tous les deux les favoris de mon père… Rufus serait encore vivant… Rufus serait toujours là… et à cause de vous trois… à cause de toi, mon grand frère est… »
Sa pensée s’interrompit, déchiqueté par les larmes de deuil et de rage dégoulinant le long de ses joues alors que le cercueil de son grand frère avait complètement disparu, engloutit par la terre après avoir été consumé par l’ambition de leur propre père et de ceux que le frère en deuil pensait être ses amis, avant qu’ils ne le trahissent tous… la haine dévora son cœur en les voyant toujours là, toujours ensemble, les deux jumeaux unis par ce lien si fort que Lambert en deuil venait de le perdre, déchiqueté par les crocs de ces loups enragés avant d’être gelé dans la mort par la cruauté froide de Ludovic… eux qui avaient toujours tout eu et lui rien…
« Toi aussi… rend-le moi… rend-moi mon frère que tu m’as volé… »
*
Dès qu’il apprit l’échec de Périandre, de Bias et la trahison de plusieurs de ses serviteurs, Thalès prit congé du conseil et retourna immédiatement sur ses terres d’Arundel, devant immédiatement repenser toute sa stratégie. Pour ne rien arranger, les révoltés faerghiens avaient également retrouvé une partie de sa correspondance avec Périandre dans son laboratoire et avec la défection d’au moins deux de ouvriers, les bêtes pourraient surement les décrypter et remonter jusqu’à lui ! Ils avaient déjà prévenu Aegir et le reste du conseil qu’ils avaient trouvé des éléments troublants le reliant à plusieurs comploteurs impliqués dans la Tragédie alors, le chancelier avait surement demandé aux Vestra d’envoyer quelques-uns de leurs mouchards enquêter jusque dans ces terres. Tancred était connu pour avoir le cœur bien trop tendre mais, il restait tout de même un Vestra, recueillir des informations pour l’empereur faisait partie de ses attributions… enfin, là, ses propres hommes s’occuperaient d’écraser ses moucherons…
De plus, les emblèmes jumeaux étaient à présent de nouveau humains et même sur le trône de Faerghus, avec l’emblème majeur de Fraldarius qui courrait toujours au lieu d’être dans un tube avec son frère, ce qui voulait surement dire que Myson avait également échoué à les capturer tous les trois ! Comment des bêtes, des inférieurs à peine capables de réflexion logique sans être parasité par leurs émotions, avaient-ils pu mettre en échec les plus brillants esprits de Shambhala ?! Tout se déroulait pourtant à la perfection depuis l’opération Delta ! Même la survie de Lambert avait été une aubaine ! Cet homme était tellement incompétent et haï qu’il en devenait un excellent agent du chaos dans son propre pays ! Le Royaume devait sombrer dans le chaos tout en emportant Duscur ! Recouvrir les montagnes du sang des innocents ! Créer encore plus de haine et de ressentiments ! Détruire toujours plus l’œuvre de Sothis en rappelant que toutes ses créations et protégés n’étaient que des bêtes infâmes tuant sans remords ! Mais maintenant que c’était les emblèmes jumelles au pouvoir avec les métis au sang de dragon, les choses risquaient de se calmer et s’apaiser avant même qu’ils n’aient commencé à anéantir Duscur !
« Enfer ! Tout part en branle ! »
Enfin, Thalès devait réfléchir à comment reprendre la main. Il devait déjà commencer par arriver à détruire le début d’apaisement dans le Royaume, ce qui serait assez simple. Maintenant que Lambert était tombé, des seigneurs profiteraient de sa faiblesse et de son idiotie supérieure à la moyenne des bêtes pour tenter de le remettre sur le trône, ce qui leur permettrait de gagner une influence et un pouvoir considérable. Le comte de Rowe était connu pour son ambition sans limite et s’il ne complotait pas déjà, ce serait facile de le convaincre de passer à l’acte…
Et surtout, l’Agastya devait enfin en finir avec les Fraldarius et les Charon. Ces familles apportaient bien trop de stabilité à tout le Royaume, le tenaient à bout de bras ensemble. Il devait se débarrasser d’eux au plus vite pour que le chaos règne… de plus, les Fraldarius feraient d’excellents sujets d’expériences comparatives et le sang des Charon était toujours très proche de celui des Enfants de la Déesse. Avec suffisamment de corps et de sang, ils pourraient surement arriver à recréer des Reliques et utiliser leurs fluides pour créer des bêtes démoniaques. Les capturer lui seraient bénéfiques sur tous les plans.
De toute façon, Thalès ne pourrait plus utiliser l’identité de Volkard von Arundel pendant très longtemps… après avoir découvert son lien avec « Cornélia » et Kleiman, les Grands Nobles adrestiens se douteraient surement de quelque chose et enquêteraient sur lui afin de comprendre son rôle. Aegir ne pensait qu’à gâter sa propre famille mais, il n’était pas non plus complètement stupide malgré sa corruption… et Vestra ne se priverait surement pas d’une occasion de l’éloigner de son fils Hubert, voyant d’un mauvais œil sa proximité avec lui. Non, il ne pouvait pas rester ici plus longtemps…
« Dans un sens, cela m’arrange… mes réseaux sont toujours bien implantés en Adrestia, et nous avons besoin de nouveaux cobayes. Je pourrais même arriver à enfin mettre la main sur l’emblème majeur de Riegan qui nous échappe depuis si longtemps… même si à cause de l’incompétence des matricules et des esprits supérieurs, il a eu le temps de devenir vieux pour une bête… » Songea-t-il quand il entendit frapper à la porte de son étude. Il se tourna vers l’esprit supérieur lui servant d’intermédiaire avec les matricules, lui ordonnant sans quitter ses préparatifs. « Va ouvrir.
– Bien, Ô Grand Agastya.
L’homme fila quelques secondes avant de revenir, se prosternant devant lui avant de l’informer.
– Ô Grand Agastya, seul maitre légitime de la Sphigxi… un simple matricule vient vous troubler car, un essaim de bêtes frappe à votre porte. Ils prétendent avoir été envoyé par le duc Ludwig von Aegir et la haute-justice d’Adestria, ils ont l’audace de vouloir vous poser des questions et ose vouloir vous emmener à Embarr. De plus, pardonnez-nous de vous troublez avec de telles broutilles mais, les personnes suspectes dans le palais arrivées peu de temps après votre retour salvateurs s’agitent également. Ô Grand Agastya, guide de tous les êtres humains, que devons-nous faire ?
– Des hommes d’Aegir ? Il ne perd vraiment pas de temps… enfin, il avait été très choqué par le résultat de l’opération Delta, ce n’était peut-être pas de la comédie finalement. Et les pions de Tancred doivent tenter de leur transmettre tout ce qu’ils ont découvert ici… devina-t-il sans souci, lâchant un rictus méprisant. Les bêtes sont tellement prévisibles… rassemblez-les tous dans la grande salle du palais. Je m’occuperais d’eux personnellement.
– Bien Grand Agastya, votre volonté est absolue, obéit l’intermédiaire sans aucune hésitation, comprenant entre les lignes. Ces bêtes ignorent l’honneur que vous leur faites… »
Thalès sourit devant son miroir, faisant craquer sa magie dans ses doigts, les flammes violettes créant un espace vide au centre de sa main. Il n’avait pas besoin d’énergie en plus pour vaincre des bêtes, encore moins des descendants des enfants adoptifs de Sothis mais, cela servirait d’avertissement à Aegir et au reste du conseil s’ils tentaient à nouveau de l’arrêter.
L’Agastya laissa les cadavres dans la grande pièce de son palais, tous vidés jusqu’à la dernière goutte d’énergie vitale, laissant des corps comme momifiés, desséchés de vie. Pas la peine de perdre du temps à s’occuper des cadavres, on n’enterrait pas les bêtes de somme, et cela ferait comprendre aux humains qu’il ne devait pas les retrouver sur son chemin.
*
Félix s’entrainait avec Cassandra, cette dernière corrigeant sa posture par rapport à son bouclier, attendant la lettre de son père. Cette fois, le courrier passait sans problème, arrivant sans trop de retard mais, la dernière fois qu’ils s’étaient parlés, Rodrigue et Alix semblaient assez nerveux. Il avait tenté de les rassurer avec sa lettre mais, il espérait qu’ils allaient mieux à présent… il avait juste hâte qu’ils reviennent tous les deux à la maison… enfin, avec Cassandra, le temps passait plus vite, c’était une très bonne partenaire d’entrainement et un bon professeur… juste très énervante quand elle se mettait à le taquiner quand elle le battait… enfin, ce n’était pas si désagréable.
Le jeune garçon arriva à envoyer son éclair tout en restant en sécurité derrière son bouclier, quand ils entendirent quelqu’un arriver en courant, suivit de la voix de Loréa.
« Félix ? Félix ! Ah ! Tu es bien là !
La femme semblait avoir couru dans toute la ville, une lettre dans les mains. Le magicien se redressa en se tournant vers elle, un peu inquiet de la voir aussi agité.
– Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? C’est papa et Alix ? C’est une de leurs lettres ? ils vont bien ? Est-ce que… S’inquiéta-t-il très vite après tout ce qui s’était passé ces derniers temps.
– Oui et non… ils vont bien tous les deux… par les Braves, plus que bien même à ce stade… mais Déesse… comment t’expliquer… ils expliquent tout dans leur lettre mais… mais c’est tellement… marmonna l’intendante en se baissant à sa hauteur, serrant la lettre entre ses mains.
Elle releva la tête, cherchant ses mots avant de mettre de prendre ses mains dans les siennes, essayant de rester calme et de trouver le bon ton pour lui annoncer ce que contenait la missive de Rodrigue et Alix.
– Tu sais que Lambert a été renversé, tout comme Rufus. Ils sont actuellement en prison avec leurs principaux soutiens, comme Gustave par exemple.
– Oui mais ça, ça fait longtemps et ils ne feront plus rien à papa et Alix en prison ! Ne me dit pas qu’ils sont arrivés à en sortir ?!
– Non, tout le monde veille à ce qu’ils restent derrière les barreaux, surtout après qu’ils aient été jugé le mois dernier. Ils ne retourneront jamais sur le trône, pas sans qu’on ne les y ramène par la force en tout cas, et les derniers soutiens qui leur sont encore fidèles ont également été arrêtés avant qu’ils ne puissent tenter quoi que ce soit pour les libérer. Non, ils ont été condamnés par le gouvernement révolutionnaire après leur procès : ils devront payer leurs dettes envers le peuple de Faerghus en travaillant comme des scribes dans l’administration royale sous une toute nouvelle identité et tout recommencer à zéro.
– Mais pourquoi tu es aussi nerveuse alors ?! C’est une bonne nouvelle ! Ils ne feront plus jamais de mal à papa, Alix, Dimitri ou qui que ce soit d’autre ! Dimitri sera mieux avec les Charon qu’avait ce crétin qui l’emmène dans un voyage aussi dangereux ou il a failli se faire tuer, alors que tout le monde lui avait dit que c’était dangereux ! C’est bien les Charon qui vont s’occuper de lui ? Ils ne vont quand même pas l’abandonner !
– Oui, les Charon ont obtenu la garde de Dimitri, ne t’en fais pas. Les sœurs Charon prendront bien soin de lui et il pourra se remettre avec elles jusqu’à sa majorité où sera le seigneur de l’ancien domaine royal, qui va devenir un fief comme les autres. De plus, Rufus ne pourra plus rien faire à son neveu, aux jumeaux ou à qui que ce soit d’autre, il a été lynché à mort par un village après avoir tenté de s’enfuir, ce qui arrange dans un sens étant donné que c’était le frère le plus remuant des deux. Ce qui me rend nerveuse, c’est plutôt la suite… c’est juste… à la fois prévisible et totalement inattendu après ce qui s’est passé… vu ce qu’on vient d’avoir comme roi, on aurait pu imaginer autre chose…
– C’est-à-dire ? Intervient Cassandra. Mes tantes sont également à Fhirdiad et elles m’écrivent aussi, je n’ai rien vu de si alarmant que ça dans leurs lettres. Au contraire, elles travaillaient en bonne intelligence avec les révolutionnaires, tout comme les jumeaux. Les révolutionnaires ont pris quoi comme décision ? Qu’il n’y aurait plus de roi mais, qu’on serait comme l’Alliance ? Vu ce qui s’est passé car une seule personne tenait les rênes de tout le Royaume sans trop de contre-pouvoir, ce ne serait pas étonnant…
– Honnêtement, je m’attendais à ça mais… en gros, les révolutionnaires se gardent le pouvoir de créer les loi et les contre-pouvoirs pour freiner celui qui dirigera le pays, la justice est mise complètement à part du reste mais, pour ce qui est de faire régner les lois et de diriger le Royaume, ils ont décidé de garder un roi mais, qui serait élu comme l’aurait voulu le roi Ludovic, dont on a retrouvé les travaux pendant la prise du palais de Fhirdiad, Rufus a avoué les avoir volé à la mort de son père pour que son frère monte sur le trône. Mais en attendant que la situation se calme et qu’ils puissent organiser l’élection correctement, ils ont désigné des sortes de régent qui rendra le pouvoir s’ils ne sont pas élus. Il leur fallait donc des personnes intègres et de confiance pour mener à bien ce projet, sans qu’ils ne tentent de dérober le pouvoir ou refusent de le rendre…
Loréa posa finalement ses mains sur ses épaules, le regardant droit dans les yeux alors qu’elle lui annonçait, même s’il commençait à comprendre sans y croire.
– Félix, ton père et ton oncle ont été désigné comme régents de Faerghus jusqu’à l’élection du prochain roi. Pour le moment, ce sont eux les rois de Faerghus, et tout Fhirdiad les a acclamés « rois loups de cendre ».
Félix se figea, se rendant à peine compte de tout ce que cela représentait. Son père et son oncle… les rois… c’était… incroyable… comment… bon, ils étaient les meilleurs et bien plus compétents que Lambert donc, ça ne l’étonnait pas trop dans le fond, c’était surement ce qui était le mieux pour Faerghus mais alors…
– Alors… ils resteront à Fhirdiad ? Ils ne reviendront plus à la maison ? Et… et le fief ?! Et… et moi ? Qu’est-ce qui va se passer Loréa !
– Si, ils reviendront, ne t’en fais pas. Ils ont la position du roi mais, en ayant moins de pouvoir alors, même s’ils devront surement aller souvent à Fhirdiad, ce ne sera surement pas plus qu’avant, et ils pourront accomplir la plupart de leurs devoirs à Egua. Ils ont mis comme conditions avant d’accepter ce rôle de pouvoir continuer à se consacrer à leurs devoirs de ducs à Egua. Pour toi, rien ne va changer, tu restes le fils de Fraldarius et l’héritier de Rodrigue en tant que duc. Le roi sera choisi par l’élection mais, il sera bien plus contrôlé par les grandes familles et les villes. L’héritage n’aura plus d’importance pour sa fonction.
Le jeune garçon hocha la tête, comprenant la majorité de ce que racontait Loréa mais, ce qui s’accrocha le plus dans sa tête, c’était une seule information. Ce n’était pas vital pour le Royaume mais pour lui, c’était le plus important… c’était tellement important…
– S’ils sont régent et que Lambert est un scribe maintenant et que Rufus est mort, ça veut dire qu’ils ne les approcheront plus… Ils n’approcheront plus jamais de papa ni d’Alix, ils ne leur feront plus jamais de mal ! En plus, si tout le monde pense que ce sont des loups de cendre, personne n’osera leur faire du mal ! Plus jamais ! Et si quelqu’un tente de les blesser, je les protégerais !
– Oui, ils ne leur feront plus jamais de mal. Ils n’ont plus le pouvoir de nuire désormais, confirma Loréa avec un sourire, passant sa main sur sa tête. Et tu les protégeras quand tu seras plus grand. Pour l’instant, tu es encore un enfant que les adultes doivent protéger.
– Je peux le faire aussi ! Je m’entraine beaucoup ! Bon ! On part quand pour Fhirdiad ? Demanda-t-il d’un coup. Ils ne vont surement pas pouvoir revenir avant un moment, même s’ils pourront rentrer à la maison alors, je peux aller les voir !
– Pas avant quinze jours, décréta immédiatement l’intendante sans hésiter une seconde, le temps qu’on prépare ton escorte et que les jumeaux aient suffisamment installé leur pouvoir, au moins dans la capitale. En plus, ils ont accordé à Lambert un dernier souhait, qu’il puisse revoir Dimitri alors, il sera encore là pendant deux semaines. Tu partiras quand il sera enfin hors de la capitale et ne pourra plus vous approcher.
– Mais c’est loin ! Et je vais rater Dimitri en plus ! Déjà que Sylvain va avoir moins le temps pour qu’on se voie puisqu’il est margrave maintenant !
– On y sera vite, et Dimitri va surement rester un peu de temps alors, vous pourrez vous croiser. Quinze jours, c’est rien si on est bien occupé ! Répliqua Cassandra. Si tu veux tant protéger ton père, retour à l’entrainement petit !
– Pour la millième fois, je ne suis pas petit ! Répliqua-t-il, la faisant rire quand elle le vit « s’hérisser comme un chat mouillé en colère » comme elle le disait, le faisant se maudire tout seul d’avoir foncé sur l’hameçon.
– Et il ne faut pas négliger tes études non plus, ajouta Loréa sans le louper, le rappelant tout de suite à l’ordre. Ton niveau est toujours bon en histoire, géographie et en mathématique, tu as bien progressé en gestion de la maison, du trésor et en latin, et tu es le fils de ta mère – et le neveu d’Ivy malheureusement – pour ce qui est des négociations commerciales mais, tu as des progrès à faire en droit et en négociation avec les autres seigneurs. Tu as encore beaucoup à apprendre jeune homme. Un bon seigneur est un seigneur avec une tête très bien faite. Tu as déjà de la chance qu’on se soit résigné à que tu ais la même écriture illisible que ton père. »
Félix lâcha un soupir, voyant déjà l’emploi du temps que lui réservait Loréa, même si elle lui laissait toujours du temps pour se reposer et jouer un peu entre deux cours, surtout ceux qu’il n’aimait pas, tout comme son père quand il s’occupait de gérer ses leçons. Le latin, c’était facile, ça pourrait l’aider à mieux comprendre son grand-père, idem pour l’histoire pour mieux le connaitre ou la géographie afin de mieux visualiser les voyages d’Ivy, et c’était facile d’apprendre les maths, il n’y avait pas quinze mille exception, mais le reste… à part les négociations commerciales où ils suffisaient de se battre comme avec une épée à la manière d’Ivy, ça avait tendance à l’ennuyer profondément… mais d’un autre côté, ce serait des choses très importantes à maitriser pour plus tard, quand ce serait lui s’occuperait du fief et des habitants d’Egua… même s’il le savait depuis toujours, après tout ce qui s’était passé, ça lui faisait une motivation supplémentaire…
« Je serais un aussi bon seigneur que papa pour Egua, je le jure ! »
Il suivit alors Loréa dans la forteresse, ayant fini son entrainement avec Cassandra pour retourner étudier, sa promesse lui donnant encore plus d’énergie pour bien apprendre ces foutues lois afin qu’elles ne le piège pas plus tard comme pour ce maudit voyage…
« Glenn… songea-t-il en prenant le sac rempli de perles suspendu à sa ceinture, entendant encore son grand frère lui jurer d’être chevalier à la maison dès qu’il serait libéré du service du roi. Il faudra qu’on finisse les bracelets quand on sera à la capitale… j’espère qu’ils auront le temps… et sinon, pause obligatoire pour papa et Alix, Pierrick leur a dit de ne pas en faire trop pendant encore quelques temps… »
*
Lambert avait l’impression que le temps refusait d’avancer, attendant le retour de Dimitri avec impatience. Normalement, c’était aujourd’hui qu’il devait arriver mais, il était déjà midi et aucune voiture aux armes des Charon n’était encore arrivé ! Il allait finir par croire qu’il faisait tout pour réduire le peu de temps qu’il aurait pour dire au revoir à son fils !
« Après ce qu’ils ont fait, les jumeaux en seraient capables…  Après ce qu’ils ont osé faire à Rufus, la Déesse sait ce qu’ils peuvent me réserver pour me faire souffrir… » Songea-t-il en tournant en rond, faisant sonner les chaines à ses chevilles et ses poignets.
« On vous enlèvera celles des bras quand Dimitri sera là, pas avant. Hors de question que vous nous filiez entre les doigts, » l’avait mis en garde Estelle, toujours aussi glaciale avec lui qu’à son habitude.
Il avait hésité à répondre qu’il ne comptait pas s’échapper mais, se serait comme parler à un mur alors, autant ne rien dire du tout…
Le roi déchu s’était résigné à lire un peu quand il entendit enfin un bruit de roue et de plusieurs chevaux. Abandonnant son livre, il se jeta à la meurtrière, enfonçant son visage dans le petit espace pour tenter de voir son fils ne serait-ce qu’une seconde de plus. Une grande voiture tirée par un cheval géant en tête et deux autres plus petits s’arrêta au milieu de la cour, où l’attendait malheureusement les jumeaux. Lambert mettrait sa main au feu que Ludovic aussi n’était pas loin, prêt à pourrir l’esprit de Dimitri ou à le geler sur place… mais bon, enchainé comme ça, il ne pouvait plus faire grand-chose, même pour protéger son propre enfant, sauf s’il se transformait aussi en animal… ce ne serait peut-être pas si mal… ce serait tellement simple de juste le prendre sur son dos et l’emmener loin d’ici… ils pourraient vivre à nouveau ensemble, comme avant… si Rodrigue et Alix avaient pu devenir des loups pendant des semaines puis retrouver forme humaine, il devrait bien pouvoir se transformer en lion et redevenir normal après avoir mis Dimitri en sécurité…
Un valet ouvrit la porte de la voiture mais avant que qui que ce soit ne descende, il plaça une épaisse planche en bois en travers de la porte, comme pour faire sortir quelque chose en le glissant…
Émergea alors un homme en fauteuil roulant qu’il reconnut comme étant Théophylacte Charon qui manœuvra habilement sa chaise pour sortir, avant que le valet et un autre homme monté de l’autre côté ne fasse sortir Dimitri, entouré de Dedue et Sasiama qui semblaient s’être remis. Le cœur de Lambert se déchira en le voyant, tout petit au milieu des fourrures et de son grand fauteuil, enveloppé du blanc et du bordeaux des Charon, proches des couleurs des chevaliers de Seiros, une grande couverture bleue et un chat sur ses genoux. Il semblait encore si faible…
Pourtant, Dimitri essaya de se lever comme il put en voyant les jumeaux, tendant les bras vers eux alors que Rodrigue et Alix allaient l’enlacer comme si de rien n’était, comme si tout était comme avant que les jumeaux ne les trahissent tous et ne deviennent ces loups si froids, déchiquetant tout sur leur passage si ça pouvait faire avancer leurs intérêts à eux, même leurs plus vieux amis si nécessaire. L’ainé des deux se baissa au niveau de Dimitri, posant ses mains sur les siennes, essayant d’être celui qu’il était avant sa transformation, lui parlant surement tout doucement avec sa voix douçâtre pour enrober ses mensonges tout en dissimulant sa froideur… après tout, il était bien le fils de son père… les loups attaquaient toujours les individus les plus faciles à chasser…
Malheureusement, Dimitri disparut bien vite de son champ de vision en compagnie des jumeaux et de Théophylacte, le temps recommençant à passer au ralenti dès qu’il s’évapora, Lambert ne pouvant s’empêcher de penser au pire.
« Les jumeaux vont lui bourrer le crâne avec leurs histoires… ils seraient même capable de lui faire avaler que Rufus a mérité sa mort horrible… ou pire, ce sera Ludovic… non, Dimitri ne le connait pas, il n’aura pas autant d’influence sur lui que Rodrigue et Alix… eux, il les écoutera et il risque de boire leurs paroles… si les Charon n’ont pas déjà commencé le travail… »
Au bout de ce qu’il semblait être des heures, Estelle revient, appelant avec fermeté.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, avancez. Il est l’heure.
– Enfin… ! Comment va…
– Avancez en silence. » Se ferma-t-elle tout de suite, évidemment. C’était Estelle après tout…
Un groupe de garde le conduisit jusqu’à une autre aile du palais, lui faisant faire plusieurs détours avant de le faire s’arrêter devant la porte. Comme on lui avait promis, un garde lui retira les chaines de ses bras, même s’il le menaça aussi dans un même souffle.
« Un geste suspect, et la visite s’arrête-là. Vous avez jusqu’à ce que le petit veuille s’en aller.
– Bien, et je vous le répète, je ne m’enfuirais pas. »
Estelle renifla avant de le laisser entrer, révélant Dimitri qui l’attendait à l’intérieur, seul, les yeux grands ouverts, bien plus vif que la dernière fois. Trébuchant dans les chaines toujours autour de ses chevilles, Lambert se précipita vers lui, ivre de joie d’enfin le revoir aussi près de lui et en meilleur santé.
« Di… Dimitri ! Enfin ! Enfin tu es là ! Il le prit contre sa poitrine, faisant juste attention à ne pas le serrer trop fort pour ne pas rouvrir ses blessures. Tu m’as tellement manqué ! Tu as bien meilleure mine que quand tu es parti, quel soulagement !
– Oui, l’air des montagnes m’a fait beaucoup de bien, et Laïs est une très bonne médecin. Tout le monde était très gentil avec moi à Charon, surtout Théo, il m’a beaucoup aidé quand j’ai dû utiliser un fauteuil roulant. Il y avait aussi Cassie, même si elle est partie avec Félix quand il est rentré à Egua. Elle était chargée de le protéger mais, ils sont aussi devenus très proches.
– Théo et Cassie ?
– Tu sais, Théophylacte et Cassandra, les deux ainés de tante Myrina. Théo n’aime pas du tout son prénom, il le trouve trop long alors, on utilise toujours son surnom, et personne ne s’appelle par son prénom entier chez les Charon, c’est toujours des surnoms. Lachésis et Thècle m’ont même dit que le surnom de maman, c’était Nitsa et qu’elle m’appelait tout le temps Mitsos, c’est vrai ?
– Ah oui, c’est vrai qu’ils passent leur temps à utiliser des diminutifs chez eux vu que les noms sont assez longs… j’avais tendance à m’emmêler les pinceaux quand on les voyait… Héléna m’avait fait répéter les noms de toutes ses sœurs et beaux-frères et sœurs, pour être sûre que je ne me trompe pas à notre mariage, vu qu’elles étaient onze les unes après les autres… et surement… ça fait longtemps qu’on n’était pas allé voir sa famille, surtout que ça aurait été risqué avec… tu sais… souffla-t-il en se souvenant des crises de jalousie de Patricia, elle devenait encore plus colérique quand les Charon était au palais. Mais oui, Héléna t’appelait tout le temps comme ça, « Mitsos »… elle trouvait que ça sonnait bien..
– Tu ne me l’avais jamais dit pourtant… et c’est dommage, j’aurais bien aimé voir plus souvent mes cousins et les connaitre avant. Ce n’est pas si difficile de retenir tous les noms et les surnoms tu sais une fois qu’on les connait bien, lui assura-t-il avec un petit sourire, avant de continuer, plus sombre et inquiet. Et toi, comment vas-tu ? J’ai appris ce qui s’est passé à la capitale quand je n’étais pas là… et j’ai aussi su pour Rodrigue et Alix… qu’ils se sont transformés en loup… Félix me l’a raconté quand il l’a su aussi… Ingrid et Sylvain aussi m’ont écrit… m’ont dit tout ce qui se passait dans leur propre fief… que c’était la même chose qu’à Lokris… et on m’a aussi dit ce qui s’est passé ici, à la capitale… ce qui est arrivé à Rufus… Lachésis et Théo m’ont également expliqué ce qui allaient se passer après que le peuple de Fhirdiad ait pris le pouvoir et après ton procès… ce qui va se passer pour Faerghus…
– Je vais bien… même si c’est difficile à croire que même eux nous aient trahi… ils ont tellement changé… ce n’est plus les hommes que tu connaissais Dimitri… eux aussi ont disparu… » marmonna-t-il avec aigreur, même s’il ajouta tout de suite en essayant d’être plus confiant, posant ses mains sur les siennes pour l’ancrer à lui. Si c’était la dernière fois qu’il voyait son fils, il voulait au moins le rassurer et sauver l’image que Dimitri avait de lui avant que ses tantes ne la noircissent, ainsi que s’expliquer sur ses actes. « Mais ne t’en fais pas, ça va aller… on va s’en sortir, comme toujours. On s’en est toujours sorti non ? On s’en sortira toujours tous les deux, et je trouverais un moyen de te retrouver… les Charon te traiteront bien, tu es le fils de leur sœur après tout mais, elles ne seront pas tendres avec moi pour… pour bien trop de raisons… il faut juste que tu te souviennes que quoi qu’elles te racontent Dimitri, tout ce que j’ai fait, c’était en pensant à Faerghus… pour tous les habitants du Royaume sans exception… je voulais juste aider les gens, même si cela a mal tourné et que je le regrette à présent… j’aurais voulu que ça réussisse mais, on ne peut pas tout prévoir…
– Mais papa, le coupa faiblement son fils en se crispant, tout le monde t’a prévenu…
Lambert sentit alors le regard de Dimitri sur lui, étonné, comme s’il venait de vraiment se transformer en lion, avant que son fils ne se reprenne en le remarquant, cachant ses émotions d’une manière similaire à celle de Ludovic, s’il pouvait avoir des expressions de base…
– J’étais là, je l’ai vu. Même si je te faisais confiance, personne n’en voulait de ce voyage à part les nobles du sud, mais seulement parce qu’il voulait qu’il rate pour pouvoir attaquer Duscur, comme ils l’ont fait. Ils ont foncé pour attaquer les duscuriens… c’est la première chose qu’ils ont fait, attaquer et tuer des gens alors qu’il y avait déjà eu trop de mort… Dedue et Sasiama ont eu de la chance qu’on ait été là sinon, ils seraient morts eux aussi, comme leurs parents, alors qu’ils n’ont rien fait de mal à part vivre dans le village le plus proche de ce passage maudit… et ce sont les mêmes seigneurs du sud qui t’ont poussé à faire ce voyage qui ont soufflé les premiers sur les braises… et tu n’as pas écouté les Charon ou les Fraldarius alors qu’eux, ils ont toujours été de bons conseils et ont toujours défendu les intérêts du Royaume… Félix l’a dit, tu as fait du mal à son père, même avant la Tragédie… Lachésis et Thècle ont même dit qu’Héléna aurait été la première contre ce voyage car, il était mal préparé… alors pourquoi tu ne les as pas tous écouté ?
– Dimitri… je pensais qu’ils exagéraient, avoua-t-il honnêtement. Les jumeaux sont toujours très prudents, surtout avec ce genre de rencontres, encore plus quand elles n’ont pas lieu à Faerghus… ils ont leurs raisons mais, ils vont souvent trop loin pour ça… et pour Myrina, je ne me suis jamais très bien entendu avec elle, personne ne méritait sa petite sœur préférée à ses yeux, moi en particulier… toutes les sœurs et le frère Charon se gardent les uns les autres comme s’ils étaient tous fragiles comme du verre…
– C’est normal, elles s’aiment toutes plus que tout. Elles se disputent parfois mais, c’est pas comme toi avec Alix ou Patricia quand ça arrive. Elles finissent toujours par revenir se voir pour discuter ensemble afin de se réconcilier. Et c’est normal que les jumeaux soient prudents, leur père est mort dans une rencontre diplomatique, et maintenant, Glenn est mort aussi et il… Dimitri mordit ce qu’il allait dire, secouant la tête. Et maintenant, regarde ce qui est arrivé… ils avaient tous raisons sur toute la ligne… tout… tout le monde est mort… le pire est arrivé alors que tout le monde t’avait prévenu… et tout le monde continue de mourir… alors que tous ceux qui vivaient encore faisaient tout pour sauver le Royaume… déclara-t-il sans s’arrêter, ne pouvant s’empêcher de dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Même si tu voulais bien faire, tout le monde est mort quand même car, tu n’as pas écouté les personnes de bons conseils pour de mauvaises raisons alors qu’ils avaient tous de très bons arguments… même pendant le voyage, tu aurais pu écouter Myrina et Nicola et prendre un autre chemin alors que la route était mauvaise mais, tu t’es encore obstiné, et le pire est arrivé ! Tout le monde est mort et les morts veulent juste qu’on les venge car, ils sont morts à notre place !
Le jeune garçon serra les poings de frustration, se sentant piéger dans le bois de son fauteuil, enchainé par les brûlures et les bandages. Il voulait pouvoir marcher, il voulait se remettre sur ses pieds pour aller courir en ville avec ses amis et ses cousins, il voulait pouvoir remonter à cheval, essayer de grimper sur le dos de ce gentil géant de Gigantes, il voulait revoir Félix, Sylvain et Ingrid comme avant et surtout, Dimitri voulait que les voix dans sa tête se taisent enfin et pouvoir fermer les yeux sans se souvenir de cet enfer bien plus réel et effrayant que toutes les légendes. Même si les médicaments de Laïs et ses discussions avec elle, ses tantes et Théo l’aidaient beaucoup, les morts continuaient, hurlant leurs chagrins, maudissant les mauvais survivants qu’ils étaient pour laisser les seigneurs du sud tuer des innocents et de ne pas avoir trouvé les vrais responsables de leur malheur, ils… non… c’était juste son esprit… Laïs lui avait expliqué, son esprit s’inventait ces « fantômes » à cause du traumatisme de la Tragédie, parce qu’il s’en voulait d’avoir survécu alors que tant d’autres étaient morts… son corps n’était pas le seul à être blessé, son esprit aussi en avait souffert…
« Et tu es le dernier à plaindre… cracha Patricia avec haine. Tu as survécu alors que je le méritais bien plus que toi ou ton père… »
« Je sais… commença-t-il à s’excuser avant de se reprendre. Non ! Non… elle n’existe pas… c’est dans ma tête… »
« Nous n’existons pas ? C’est pourtant en te protégeant toi que je suis mort ! C’est comme ça qu’on m’a arraché à ma famille et qu’elle a commencé à exploser ! Et ton chien errant de père a tellement abusé de mon père et de mon oncle qu’ils se sont transformés en loup pour lui échapper ! »
« Je sais Glenn… je sais… si seulement… »
D’habitude, quand il se mettait à ruminer, Dedue, Théo ou une autre de ses cousines ou une de ses tantes lui demandait ce qui se passait, arrivant à voir quand les illusions tentaient de le perdre… mais avec son propre père, tout était différent… il semblait aussi perdu que lui, comme si c’était lui le fantôme, ne sachant quoi répondre… quand il était arrivé et qu’il avait demandé aux jumeaux ce qui allait se passer avec Lambert pendant cette entrevue, ils avaient été réellement honnête en avouant qu’ils ne savaient pas, que tout pouvait arriver mais, qu’ils seraient tout de même surveiller pour être sûr que son père ne tente rien qui pourrait le mettre en danger, et que Dimitri pouvait arrêter leur rencontre quand il voulait s’il était mal à l’aise… mais il voulait… il voulait au moins essayer de lui faire comprendre… c’était son père et la seule personne qui savait vraiment… qui connaissait l’horreur de cette nuit jusque dans sa chair… il devrait pouvoir comprendre tout ça…
Cependant, Lambert bégaya sans comprendre, posant sa main sur son bras comme pour s’ancrer autant que lui.
– Mais… mais non… bien sûr que non… ce n’est pas… ce n’était clairement pas ce que je voulais et… et qu’est-ce que c’est que ces histoires avec les morts ? Pourquoi ils voudraient qu’on les venge ? Qu’est-ce… qu’est-ce que tu racontes ?
Dimitri se referma un peu, se ramassant sur lui-même avant d’avouer en redressant un peu la tête, même s’il n’osa pas regarder son père dans les yeux, même s’il vivait surement la même chose que lui…
– Je voie les morts de la Tragédie papa… tout le temps… de jour comme de nuit… partout… ils hurlent tout le temps qu’ils sont morts… qu’ils regrettent d’être morts… qu’ils voulaient vivre… que personne ne les venge correctement… et… et ils me reprochent d’avoir survécu… sont furieux qu’on ait tous les deux survécu alors qu’ils ne voulaient pas être là ce jour-là, dans ce convoi mais, avec leur famille… Patricia, Glenn, Nicola, Frédérique, Jacques… tout le monde… tout le monde me réclame la tête de leurs assassins et ils te réclament aussi réparation… d’après Laïs, c’est à cause du traumatisme de Duscur… mon esprit a tellement été détruit par ce que j’ai vécu qu’il a inventé ces fantômes… car je m’en veux d’avoir survécu et me demande pourquoi moi et pas l’un d’eux… pourquoi c’est moi qui ai survécu et pas quelqu’un d’autre alors que tout le monde est mort à part toi… elle m’a donné un traitement pour m’aider à résister à ces hallucinations, et en parler m’aide mais, cela prendra beaucoup de temps… surement des années… encore plus que mes jambes… si je guéris un jour…
– Que… quoi ? Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Qui t’a mis ça dans la tête ? C’est tes tantes, c’est ça ? Ou les jumeaux ? Enfer ! ça pourrait même être Ludovic ! ça lui ressemblerait bien !
Dimitri se redressa d’un coup, le cœur brisé en mille morceaux en voyant le regard incrédule de Lambert sur lui, cherchant la moindre trace de mensonge ou de manipulation sur son visage… Il ne le croyait pas… son propre père ne le croyait pas… alors que ses tantes l’avaient tout de suite cru… il pensait qu’on l’avait persuadé que ses fantômes existaient… alors qu’il les voyait tout le temps… personne ne pourrait imaginer tout ce qu’ils lui disaient, dans quel état les morts étaient devant ses yeux… personne… et Lambert accusait… ses tantes ? Les jumeaux ? Et ce Ludovic ? Mais qui était Ludovic ? Il ne connaissait personne de ce nom-là ! Qu’est-ce que ça voulait dire ?! Lambert avait été là pourtant ! Il devrait pouvoir comprendre mieux que personne ce que s’était d’avoir vu tout le monde mourir alors qu’eux avaient survécu !
– Mais personne… personne… je te dis la vérité papa ! Je les voie vraiment ! Ils sont là ! Patricia est là ! Juste derrière toi ! Et Glenn est allé voir Rodrigue et Alix ! Tu devrais pouvoir comprendre pourtant ! Tu ne les voies pas ?! Tu n’y repenses pas ?
– Si, bien sûr, j’en fais aussi des cauchemars mais, c’est juste des cauchemars, rien de plus… comment Patricia pourrait être derrière moi… ? Elle est… Lambert s’arrêta, ne pouvant continuer, secouant la tête en marmonnant, déchiquetant encore et encore le cœur de Dimitri. Ce n’est pas possible… comment on a pu te faire rentrer dans la tête que ces cauchemars sont de vrais fantômes qui…
– C’est pas que des cauchemars ! C’est tout le temps ! Et c’est pas les sœurs de maman qui me l’ont dit ! C’est moi qui les voyais comme ça ! C’est elles qui m’ont dit que ce n’était pas de vrais fantômes mais, juste une conséquence de la Tragédie ! C’est pour ça qu’elles m’aident ! Les jumeaux aussi m’ont cru quand je leur ai raconté ! S’il te plait papa ! Tu dois me croire ! Je ne suis pas un menteur ! Je te dis la vérité ! Papa !
– Je sais que tu me dis la vérité, je te crois Dimitri mais, même si tu penses que c’est la vérité, ce n’est pas possible… les morts sont morts… à part les Braves, on ne peut pas les voir et ils ne peuvent rien nous demander… souffla-t-il, ne comprenant rien à rien, écrasant encore et encore le cœur de Dimitri comme il avait dû le faire avec les jumeaux pour leur faire autant de mal, levant la main pour tenter de lui toucher le front. Comment ils ont pu te...
– Ils n’ont rien fait si tu penses à mes tantes, aux jumeaux ou à ce Ludovic, répliqua-t-il tout de suite en repoussant sa main, faisant reculer son fauteuil pour s’éloigner de lui avant d’appeler faiblement, ne voulant pas briser encore plus l’image qu’il avait de son père. Gardes… garde, j’en ai fini… je n’ai plus rien à lui dire…
– Non ! Dimitri ! Attends…
Cependant, le garde arriva bien trop vite, attrapa les poignées du fauteuil roulant puis poussa le jeune garçon loin de son père, l’appelant encore et encore, l’air complètement désespéré alors qu’il ordonnait qu’on lâche son enfant, voulant encore le voir, maudissant les jumeaux, ses tantes et ce Ludovic inconnu… Dimitri se boucha les oreilles, les cris de son père vrillant ses tympans comme ceux des morts, le réclamant encore et encore…
Quand il vit Théo avec Rodrigue et Alix, il ne put s’empêcher de s’effondrer, pleurant toutes les larmes qui lui restaient, toutes celles n’étant pas encore partie en fumée pendant la Tragédie, enterrant son père à son tour en comprenant que lui aussi était mort… il était mort dans la Tragédie… si l’homme qu’il pensait connaitre, si rassurant et gentil, avait déjà existé… Rodrigue le prit dans ses bras, l’aidant à se calmer alors qu’il pleurait encore et encore… malgré tout ce que Lambert avait dit, il était toujours là, restant toujours à ses côtés, le croyant et le rassurant face aux fantômes, même si Dimitri n’avait pas eu le courage de lui avouer que même son propre fils le hantait… lui au moins, il n’avait pas changé…
« Avec eux, les Charon et mes amis, ça ira… eux au moins, ils me croient et me soutiendront toujours… j’en suis sûr… » arriva-t-il à se rassurer alors que les jumeaux et Théo l’aidaient à faire de l’ordre dans ses pensées, éloignant les fantômes se moquant de sa naïveté en le traitant de mauvais fils. Avec eux à ses côtés, peut-être qu’il pourrait ne plus croire le venin des fantômes…
*
Seul dans sa cellule, enfermé dans ses chaines, l’esprit de Lambert le nargua, rejouant la scène en boucle, horrifié… même… même son propre fils… même lui…
« Dimitri… Dimitri… lui aussi, tu me l’as pris… vous me l’avez tous pris… vous m’avez pris mon fils… vous me l’avez volé… tu me l’as volé… je suis sûr que c’est toi… tu disais que je t’avais tout volé mais, le seul voleur ici, c’est toi… c’est toi… c’est toi ! » Enragea-t-il, revoyant la silhouette de son ancien ami se rire de lui, éclatant d’un rire cruel à son oreille avant de se réfugier dans l’obscurité, loin des mains de Lambert rêvant de le faire taire pour de bon ! « Après m’avoir pris mon frère, tu m’as pris mon fils… ! C’est ta faute s’il m’a rejeté ! C’est toi qu’il a vu en premier ! Tout ça à cause de ces sœurs infernales, de ton frère, de toi et de Ludovic ! Rufus avait raison, il n’aime personne et ne veut que détruire notre famille ! Et toi, tu l’aides ! Tout ça pour prendre notre place ! Tout ça par ambition ! Tu es aussi assoiffé de pouvoir que tous les autres ! C’est juste que tu n’assumes rien ! Tu verras… tu me le paiera… tu me le paieras ! RODRIGUE !!! »
(suite en reblog)
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urween · 13 days
Text
"Bon acteur"
Jake Gyllenhaal x GNreader
note : j'ai fais un rêve récemment avec ce contexte alors je me suis dis pourquoi pas écrire dessus ;)
résumé : tu effectues un stage d'observation aux côtés de journalistes spécialisés dans le contenu digital, et il se trouve qu'aujourd'hui vous devez faire une interview de Jake Gyllenhaal.
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2 363 mots
Description à la deuxième personne
Tumblr media
Tu as choisi ce stage parmi beaucoup d’autres, parce qu’il avait l'air intéressant et mouvementé. Sur le papier, tu dois simplement suivre ta référente à chaque endroit où elle va, tu ne dois pas intervenir sur place, seulement observer et prendre des notes pour tes rapports. La plupart du temps ce sont des interviews, pour la sortie d’un film, d’un livre ou un album, mais parfois tu assistes à des réunions de direction ou la mise en place des plateaux. C’est aussi pour ça que tu as postulé pour ce stage, parce que le monde du cinéma t'intéresse depuis ta plus petite enfance, et que lorsque tu as vu cette opportunité tu n’as pas hésité une seule seconde. De plus, tu aimes prendre des notes, observer c’est ta passion et ce stage est l’endroit idéal pour ça. Tu peux analyser les personnes et leurs mimiques, découvrir les équipes techniques ou même parler avec certains hôtes. Cette partie est merveilleuse, car tu rencontres des personnes célèbres plusieurs fois par semaine et parfois tu peux voir comment ils sont en tant qu’êtres humains, derrière le masque d’actrice ou d’auteur. Tu as d’ailleurs eu de nombreuses déceptions, certains acteurs ne sont pas aussi accessibles et gentils qu’ils y paraissent, tu le savais mais le voir de tes propres yeux est toujours dérangeant pour toi. À ce propos, tu as dû signer un contrat très strict sur le droit à la parole, tu n’es pas autorisé à raconter ce que tu vois ou entends lors des interviews tant qu’ils ne sont pas sortis ou si des moments sont coupés. Quelquefois, tu dois te mordre la langue pour ne pas cracher sur le dos d’un acteur ou chanteur que tout le monde glorifie, mais ça fait partie du stage.
D’ailleurs, ce stage a une durée de trois mois, et tu en es déjà à la moitié.
Ton regard se pose sur ton carnet de notes presque rempli, tu fais défiler les pages pleines d’encre, souriant en voyant quelques autographes que tu as réussi à récolter. Aujourd’hui tu as une seule interview, ce qui est assez rare, mais elle sera répartie en plusieurs parties. Sasha, ta référente, t’a demandé d’aller chercher cinq boissons différentes dans le café à quelques rues d’ici. La première fois tu avais renversé un verre, mais maintenant tu arrives à faire tenir les cinqs dans tes deux mains sans en renverser une seule goutte. Dans ses boissons il y a toujours un café noir avec surplu de crème pour Sasha, un matcha latte pour Amber, un cappuccino pour Erwan, un frappé chocolat pour toi et enfin la boisson surprise pour l’invité du jour. Aujourd’hui, c’est un smoothie kiwi-banane pour Jake Gyllenhaal.
« Ok je suis comment ? »
Devant toi, Sasha, faisant rebondir frénétiquement ses longs cheveux teints en blond. Objectivement, Sasha est très belle, mais elle a cette manie de vouloir mettre trop de maquillage et de bijoux lorsque l’hôte est à son goût, comme aujourd’hui.
« Magnifique comme d’habitude, tu réponds, forçant un petit sourire pour appuyer tes mots »
Sasha murmure des remerciements vagues tout en remplaçant ses bagues dans le bon sens. Autour de vous, l’équipe habituelle s’occupe de terminer l’installation pour les tournages de la journée. Seulement trois sièges, deux pour vous et un pour l’invité, une petite table haute à côté de chaque chaise et des fleurs posées dessus pour ajouter de la couleur. C’est toujours toi qui te charge des fleurs, parce que personne n’aime le faire, ils disent que c’est du temps perdu. Personnellement, tu prends tout ton temps pour choisir chaque composition florale, tu aimes ajuster les couleurs et senteurs en fonction des hôtes. Pour aujourd’hui, tu as choisi des myosotis bleues accompagnés d’achillées blanches, pour diverses raisons qui te sont propres.
Tout le monde court de partout, c’est toujours comme ça avant l’arrivée d’un hôte, mais tu ne peux t’empêcher de rire en voyant Erwan et Sasha se rassurer mutuellement sur leurs apparences actuelles. Pour ta part, tu ne te prends pas autant la tête, tu t’habilles normalement, que ce soit pour rencontrer Chris Evans ou prendre des notes durant une réunion. Au début tu avais tendance à ajuster tes tenues en fonctions des invités, en espérant qu’ils te remarquent, mais tu as bien vite pris conscience qu’ils regardaient à peine les personnes autour d’eux. De toute manière, la plupart préfère sortir avec d’autres personnes connues, pas des stagiaires encore dans la vingtaine.
« Oh mon dieu il arrive ! Tu souris, tu dis oui à tout ce qu’il dit et surtout tu ne le regardes pas plus de quatre secondes dans les yeux, compris ? »
Ces règles, tu les connais par cœur, on te les a fourrées dans la tête dès ton premier jour, alors tu hoches la tête, de toute façon tu n’as jamais l’occasion de parler autant que Sasha.
Erwan passe en trottinant devant toi, Sasha le suit de près et bientôt tu entends leurs voix stupidement aiguës saluer l’invité. Tu te lèves de ta chaise haute et avance vers le couloir, deux femmes te passent devant sans un sourire et déposent des sacs dans un coin de la pièce, ce sont sûrement les maquilleuses ou manageurs. Tu prends une grande inspiration, préparant ton plus beau faux sourire. À l’autre bout du couloir, tu peux entendre une voix masculine saluer toute l’équipe, tu te dis qu’au moins il sait dire bonjour. Les gens commencent à se disperser, tu avances donc encore un peu et tu peux voir une silhouette élégante s’approcher. La lumière arrive rapidement sur lui et tu as un mouvement de recul, tu ne t’attendais pas à le trouver aussi séduisant.
« Enchanté, te sourit-il »
« Bonjour, ta voix tremblante réponds »
Ses yeux sont hypnotisants, tu n’arrives pas à le lâcher du regard, oubliant cette foutue règle des quatre secondes.
« Jake va t’asseoir sur le premier siège, ordonne au loin une des femmes »
Il obéit, tu ne le quittes toujours pas des yeux. Son pull vert accentue la couleur de ses yeux, les rendant presque de la même couleur, et ses cheveux semblent si doux. Tu décides de partir chercher Sasha, te servant principalement de cette excuse pour ne pas avoir à le fixer davantage, car il est vraiment attirant, tu dois l’avouer.
Quelques minutes plus tard, tu es de nouveau sur ta chaise haute, aux côtés de Sasha. L’interview a déjà commencé depuis environ cinq minutes mais c’était majoritairement pour faire les derniers réglages de son et lumières. Jake a toujours un sourire sur les lèvres, il a bu quelques gorgées de smoothie et tu as vu ses sourcils se lever en signe d’appréciation, tu as aussi remarqué que ses doigts jouent beaucoup avec le bord de ses manches. En le regardant, on pourrait se dire qu’il est serein et à l’aise, mais tu as souligné des signes de stress chez lui et tu te sens un peu mal d’être la seule personne dans la pièce à y prêter attention. Tout le monde lui sourit, le complimente et l’observe mais personne ne voit ses doigts agités, ses jambes nerveuses et sa manière de déglutir. 
« Je veux dire, c’est toujours formidable de travailler avec Denis, ses idées me fascinent toujours autant même après toutes ces années »
Sasha hoche vivement la tête, tu te retiens de lever des yeux parce qu’elle fait tout le temps ça pour faire croire que quelque chose l’intéresse.
« Mh mh je comprends, elle émit une courte pause avant de reprendre sur un ton plus haut, et Anne Hathaway ? Comment est ce que c’était de travailler avec une actrice comme elle ? »
Le regard de Jake passe du mur derrière vous à Sasha, et tu comprends qu’il n’apprécie pas la question, tout comme toi. Sasha est la spécialiste pour rediriger les questions vers le plan personnel des célébrités, même si ça peut être gênant pour ces dernières, elle sait que le public aime voir ce genre de choses.
« C’est une artiste que j’admire profondément, elle est extraordinaire dans ce qu’elle fait »
Ses mots sont bien choisis, il a l’habitude de ce genre de questions.
« Vous étiez tous les deux incroyables dans Love and Other Drugs, ça doit être compliqué de garder son sérieux face à une femme comme Hathaway, non ? »
Tu fronces les sourcils en regardant Sasha, elle n’essaie même plus d’être discrète. Jake entrouvre les lèvres, tu vois qu’il cherche une réponse, et il sait que cette dernière va être utilisée ailleurs en fonction de ce qu’il dit. Sans pouvoir le contrôler, tu prends la parole.
« Je pense qu’il était plus dur de garder son sérieux en compagnie de Tom Holland, il se décrit lui même comme étant aussi maladroit que Peter Parker »
Le sourire dans ta voix fait baisser la pression. Tu peux voir les ongles de Sasha se resserrer sur son genoux, mais tu oublies très vite ce détail lorsque Jake t’envoie un regard, qui dit “merci”. Cette fois, il prend directement la parole, profitant de la perche que tu lui envoies pour changer de sujet.
« C’est un vrai gosse, il rit constamment et entraîne tout le monde avec lui, son regard s’accroche davantage à toi qu’à Sasha, il te réponds, on a dû raccourcir un scène à cause de lui d’ailleurs »
Tu ne peux empêcher le sourire sur tes lèvres, tu sais qu’il parle de la scène de présentation entre son personnage et celui de Tom et même toi tu as ri en regardant les images.
« On le remarque à peine dans le film en tout cas, ton regard ne le lâche plus »
Sasha reprend juste après la direction des questions, mais Jake continue de te regarder en répondant, et tu rougis très certainement. 
Une pause est annoncée, une des femmes de toute à l’heure vient inspecter Jake, remettre en place son pull et ses cheveux. Sasha se lève et quitte le plateau pour partir vers les toilettes. Toi, tu bois tranquillement ton frappé en relisant tes notes, tu te rends d’ailleurs compte que tu n’en as pas pris beaucoup.
« Quelle est la conclusion ? »
La voix de jake te fait relever la tête, tu le regardes pendant quelques instants sans savoir quoi répondre, te demandant s’il s’adresse vraiment à toi.
« C’est comme si tu prenais des notes durant un rendez-vous psychologique, alors quel est mon diagnostic ? »
En voyant son sourire, le tien apparaît par réflexe. Tu reposes ton verre presque vide et regarde encore une fois ta page peu remplie.
« Je pense que vous êtes un très bon acteur, il laisse échapper un souffle amusé à tes mots, j’aurais presque pû ne pas voir que vous êtes quelqu’un d’anxieux »
La femme repart, ne faisant absolument pas attention à votre discussion. Jake fronce légèrement les sourcils, gardant un sourire qui cette fois semble différent, un peu plus sincère peut-être. Son genoux arrête lentement de sautiller, tu refermes ton carnet et le pose sur la petite table.
« J’ai vu beaucoup de vos films, vous jouez vraiment bien, mais j’ai l’impression que les gens oublient qu’acteur n’est que vôtre métier, ses mains se croisent contre sa cuisse, en tout cas moi je ne l’oublie pas si ça peut vous rassurer »
Sasha arrive à ce moment-là, elle laisse une odeur de parfum derrière elle. Jake se repositionne correctement dans son siège, un petit sourire sur ses lèvres alors qu’il semble regarder dans le vide. Une voix annonce la reprise du tournage, Sasha reprend son grand sourire et toi ton carnet.
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La nuit commence à tomber, tu es dans les dernières personnes qui restent, tu aimes aider à ranger après les tournages, l’ambiance est souvent calme et douce. Le reste de l’interview s’est bien passé, Jake semblait plus serein et tu as recommencé à prendre des notes. Vous avez ensuite enchaîné avec une séance photo, de Jake bien sûr, et enfin un deuxième interview dirigé par Amber. Le temps est passé plus vite que tu ne l’aurais imaginé, en fait tu regrettes même un peu de ne pas avoir pu parler davantage avec Jake. Mais il est déjà parti, tu as cru entendre parler d’un rendez-vous avec sa sœur.
« Tu peux y aller si tu veux, on finira demain, te dit Tommy avec un sourire de remerciement »
Tu lui réponds de la même manière, lui souhaitant une bonne soirée. Tu ne sais pas vraiment quoi faire de ta soirée d'ailleurs, peut-être regarder un film ou une série avant de dormir.
Lorsque tu ouvres ton casier dans les vestiaires, ton sac tombe dans un bruit sourd, tu te penches pour le ramasser mais quelque chose t'interpelle, il manque ton carnet. Pourtant tu l’as pris avec toi il te semble, ou alors peut-être que tu l'as laissé sur la table, tu ne te souviens plus vraiment. Tu arrives sur le plateau, Tommy est toujours là en train de prendre les fleurs pour les jeter, et ton carnet est là, sur la table. Tu souffles de soulagement, le perdre te ferait vraiment mal au cœur.
Ton téléphone vibre, un message de ta mère, elle te rappelle de lui envoyer une photo de l’orthographe de DiCaprio. Tu ris, ouvrant les pages de ton carnet pour répondre à sa demande. Une fois la photo envoyée, tu regardes rapidement les autres pages, un sourire aux lèvres comme à chaque fois. Les pages s’arrêtent sur celle d’aujourd'hui, pas des plus remplies, enfin, dans ton souvenir elle était moins remplie, mais là l'encre la recouvre. Tu t'assois sur la chaise et commence à lire tes notes.
"Enemy ; complicité avec Denis V, intéressant à ses yeux, araignées importantes
Donnie Darko ; meilleur ami français fait sur le tournage, Patrick S adorable, beaucoup de fou rires
Tom H -> belle amitié, tient à lui, drôle/maladroit
J.G ; autodérision, stress, beaucoup mimiques faciales, rire ++, yeux bleus"
Tu pensais n'avoir écrit que ça, mais une écriture plus grosse au feutre s'ajoute à tes notes.
" merci de ne pas oublier
j'ai dû partir vite, j'espère pouvoir te recroiser, et cette fois être seul à seul avec toi pour une interview, ou face à un verre peut-être, si tu es d'accord ?
- celui avec un rire ++ et des yeux bleus "
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aurevoirmonty · 1 month
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Oui, le Tueur de Dragons est un archétype dans la religion indo-européenne qui évoque le triomphe de l'homme ou d'un dieu sur le mal. Cependant, il est malhonnête ou illogique de conclure que cela signifie que le Dragon représente toujours le mal. Il est également malhonnête de présenter ces mythes comme des mythes d'importance centrale et de représentation exclusive du triomphe du bien sur le mal. Le Dragon est une figure qui peut être soit bonne, soit mauvaise. Généralement, les serpents étaient en fait considérés comme de bon augure et protecteurs. Voir : Agathodaimon, uraeus, nagas, et les divinités serpentines.
Je ne connais aucune religion IE qui croit en l'existence d'êtres maléfiques radicalement séparés du domaine matériel. Mes études et la pensée platonicienne me conduisent à comprendre qu'il n'existe pas d'êtres maléfiques, car le mal n'existe pas positivement mais est plutôt défini comme l'absence de bonté ou de justice ; donc, le mal est un désalignement avec le Bien, et cela se produit lorsqu'un être individualisé se méprend lui-même pour le Bien en soi et désire donc l'auto-satisfaction plutôt que la dévotion parfaite au Bien (égoïsme) ou lorsqu'il confond la réalité matérielle et la vie individualisée pour la réalité ultime. Cette ignorance cause la souffrance et l'auto-destruction éventuelle ou l'élimination par la nature. Ainsi, seuls les êtres limités, qui sont imparfaits et qui travaillent en proximité avec la matière, peuvent devenir corrompus ou être entachés par le mal. Il n'y a donc ni dieux maléfiques, ni anges maléfiques, ni démons ou esprits totalement maléfiques. Il existe des daimons/esprits qui nous semblent maléfiques, tout comme le loup semble maléfique au cerf, sa proie ; ces êtres nous punissent, nous testent et gardent le domaine spirituel contre les intrus. Il y a aussi des daimons qui manquent de raison et ont été subordonnés sous la volonté d'un sorcier égoïste et travaillent ainsi le mal. Enfin, il y a des âmes qui n'ont pas passé à leur lieu de repos parce qu'elles sont trop attachées à ce monde ou à leurs désirs temporels, et donc ces fantômes peuvent hanter ou même posséder des personnes.
Les agents du chaos sont tous ultimement détruits et n'ont aucun pouvoir devant l'autorité toute-puissante du Roi des Dieux, Créateur des cieux. Ce qui avance avec le Bien continue d'exister et de prospérer, et ce qui est désordonné est retiré, détruit et reformé en quelque chose de nouveau qui servira Maât (Ordre). Nous voyons cela dans le grand Ouroboros : la tête est ceux qui participent intelligemment au Bien, tandis que la queue dévorée est le désordonné qui est digéré et réassimilé, conquis. Réalisez donc que la conquête de Maât/l'ordre sur le chaos était en fait dépeinte comme un serpent, que les rois étaient protégés par des serpents uraeus, que les villes étaient protégées par l'aspect serpent de Zeus appelé Sosipolis, que les nagas protégeaient le Bouddha ! (En effet, nos frères d'Extrême-Orient comprennent le Dragon comme un symbole du ciel, de pure créativité avec une flexibilité parfaite comme le yin.)
Il n'y a pas d'archdémon, pas de dieux maléfiques, pas d'existence positive du mal, pas d'êtres métaphysiquement et fondamentalement maléfiques, et pas d'opposition à la divinité. L'égarement des daimons et des humains est nécessaire pour notre purification, sans laquelle nous ne pourrions pas exister pour célébrer l'Être Divin. Louange soit à la Bonne ébullition et au Roi des Dieux pour la magnanimité divine de partager Son Être avec nous, que la Célébration Divine puisse être la plus complète, débordante !
Le Dragon Primordial représente la potentia, le yin, l'Eau, Rhea/Flux, la base sur laquelle la vie est établie dans les cieux. C'est le Serpent qui a fendu l'œuf cosmique, d'où Phanès est apparu. Ophion était l'un des premiers principes avant d'être renversé/absorbé par Kronos (Intelligence) avant que Lui-même ne soit absorbé par Zeus (Volonté). Vous voulez connaître un secret ? L'essence de tout est une productivité ineffable (Bien) qui repose sur le vide (potentia, yin). Lao Tzu demandait : « Voulez-vous savoir ce qui rend une tasse utile ? C'est son vide. » Voulez-vous connaître la partie la plus réelle d'une tempête ? C'est son centre, l'œil, où tout est calme.
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personnage-neutre · 11 months
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Document showing Hergé working through possible titles for the album that would become Vol 714 pour Sydney and ably demonstrating why his publishers often had a hand in naming his books. What many of them lack in dignity, they make up for in how funny it would have been if they were actually published. Since I can't find a better quality image, I've transcribed and translated as much as I can.
Le nez de Tintin (Tintin's Nose) Marche devant, Tintin ! (You go first/Walk in front, Tintin!) Suis l'étoile, Tintin ! (Follow the star, Tintin!) L'imprudence de Tintin (Tintin's foolishness/recklessness) Le doute de Tintin (Tintin's doubt/suspicion) L'esquive de Tintin (Tintin's dodge/evasion) Rasta traque Tintin (Rasta[populos] hunts Tintin) Tintin entre deux mondes (Tintin between two worlds) Tintin et le monde entrevu (Tintin and the glimpsed world/the glimpse of a world) Tintin et le signe inconnu (Tintin and the unknown sign/symbol) Hardi, Tintin ! (Take Courage, Tintin!) Quand Tintin s'y perd (When Tintin Gets Lost/Confused) Un Tintin venu d'ailleurs (A Tintin from another world) Tintin et les gens d'ailleurs (Tintin and the people from another world) Pas par là, Tintin ! (Not that way/Don't go that way, Tintin!) Invulnérable Tintin (Invulnerable Tintin) Tintin au bout du monde (Tintin at the end of the world) Tintin à la frontière du monde (Tintin at the edge of the world) Depuis que le monde est monde (Since the dawn of time) Tintin et le monde renversé (Tintin and the world turned upside-down) Du tintouin pour Tintin (Troubles for Tintin) Hisse la voile, Tintin ! (Hoist the sail, Tintin!)
Les voyages forment le capitaine (Travel shapes the captain; play on "les voyages forment la jeunesse," often rendered as "travel broadens the mind") Un glaçon, capitaine ? (An ice cube, Captain?) A la vôtre, capitaine ! (To your health, Captain!) Si tu bois, ne navigue pas ! (Don't Drink and Sail!)
Silence, Milou ! (Quiet, Snowy!) Attention, chien Milou ! (Watch out, Snowy dog!)
Reveille-toi, Tintin ! (Wake up, Tintin!) Reveillez-vous, mille sabords ! (Blistering barnacles, wake up!)
Visa pour l'inconnu... (Passport to the unknown/to mystery)
Carreidas 767 a disparu (Carreidas 767 has vanished)
Le grand mal (?) de Tintin (Either "great evil" or "epilepsy." Neither are good options.)
Le rêve de Tintin (Tintin's dream) As-tu rêvé, Tintin ? (Were you dreaming, Tintin?)
Pas d'os (à moelle) pour Milou (No (marrow) bones for Snowy) Eden (?) à Rastapopulos (Rastapopulos' Eden) Le retour de Rastapopulos (The Return of Rastapopulos) Plus de whisky pour le capitaine (No more whisky for the Captain) T. et le milliardaire (T. [Tintin] and the billionaire) T. et la ligne du paradis (?) (Tintin and the Paradise Line) T. et le Kris (?) (Tintin and the Keris/Kris; type of dagger from, and very important in, Indonesia) A cor et à kris (?) (I think a play on "à cor et à cri" ("with hue and cry" -> "Hue and Kris"?)) Kisses from Makassar (??) Haddock n'aime pas le combat naval, le voyage (Haddock Doesn't Like Battleships, Traveling)
Le X. du Grand Secret temple/cap/île/golfe/volcan/plage/cité/columnes (?)/? (The ___ (temple/cape/gulf/volcano/beach/city/columns) of the Great Secret) Cap Mystère (Cape Mystery) Tintin et le grand secret (Tintin and the great secret) La terre du grand secret (The land of the great secret) Le cratère du grand secret (The crater of the great secret) Aux rivages du grand secret (On the shores of the great secret) Au bord du grand secret (At the edge of the great secret) Aux bords de l'Inconnu (At the edges of the Unknown)
Vol 718 pour Sydney (Flight 718 to Sydney)
Tintin en Th(?)ger (It seems these three are fake place names) Tintin et l'enfer de K(amjodene?) (The hell/inferno of Kamjodene) Tintin au Macaisif (?) (Tintin in Macaisif) Les guerriers du juta (?) vert (The warriors of the green juta; juta being either a type of fabric OR Indonesian for a million (i.e. greenbacks?) OR not the word at all and I read it wrong)
Vol 218 pour Sydney (Flight 218 to Sydney)
Tintin et les maquisards du Gori-Nozene (?) (Tintin and the guerrillas of (the) Gori-Nozene)
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ecriremonbonheur · 9 months
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‼️Je ne suis ni médecin ni psychologue. J’avais simplement envie de réfléchir à cela et vous partager ma vision des choses.
Ces blessures qui marquent aujourd’hui la chair de mon coeur, suinteront-elles cette peur maudite dans le flot de mes veines jusqu’au bout de ma vie ou disparaitront-elles un jour?
J’aime penser que la vérité se trouve entre les deux.
Les cicatrices resteront à jamais. Ma peau a été charcutée. Des blessures qui guériront, mais qui laisseront leurs races. Comme des souvenirs qui auront salis notre mémoire.
Comment alors en venir à cet oubli tant de fois désiré?
Faut-il pardonner pour y arriver? Je n’ai toujours pas pardonné. Et je ressens toujours la douleur de mes blessures, alors je ne peux pas répondre avec certitude. Mais je crois que non. Le pardon ultime, celui qui effacera tout, sans laisser la moindre poussière, aussi infime soit-elle, n’existera jamais. Puisque nul être et nulle chose sont parfait(e)s en ce monde.
Si un pardon est nécessaire, qu’il soit envers moi. Que je cesse de me blâmer pour ces mauvais choix. Sont-ils vraiment mauvais, après tout? Puisqu’ils ont été miens. Ou alors, leur contrôle était hors de la portée de mes mains. Si bien que ma colère est louable, car ces gestes ont lapidés mon existence sans regret. Mais là devra s’arrêter ma peine puisque du crime je ne tenais point l’arme.
Je me suis, certes, égaré de ma route. Mais cela est tout de même mon chemin. Je n’ai pas à m’en vouloir.
Moi, pardonne-moi d’avoir douter parfois.
Ce pardon que je m’offre, me permettra d’enclencher le plus important des processus: l’acceptation. Accepter ce qui est, ce que je suis aujourd’hui. Détruit, anéantis ou pas. Car rien n’y changera désormais.
Je suis comme je suis. Un passé abandonné qui survi désormais dans un présent où je gis, renversé par le temps, mais toujours vivant.
Accepter pour choisir cet instant présent où je prendrai à nouveau racines. Lentement. Une tige à la fois. Sachant que chaque pas porte avec lui le risque de tomber à nouveau. M’observer avec l’idée que plus je tends à accepter les marques dessiner par mes blessures, plus faciles s’affranchissent mes pas. Plus fortes seront mes jambes pour me relever. Mieux ancrées seront mes racines, dans les profondeurs de cette terre, pour faire face aux bourasques de vent.
Sans oublier. Jamais.
Car je sais que je n’oublierai jamais.
Sans effacer cette toile cicatricielle qui me rend unique : MOI.
Qu’elle serve à me rappeler chaque kilomètre que j’ai martelé de mes pas, alors que la nuit m’entourait. Et non à m’enseigner des leçons qui ne servent qu’à s’oublier..
Non pas pour m’en rappeler les horreurs du passé, mais pour me laisser enivrer de cette fierté d’avoir su mettre tout en oeuvre pour arriver à l’endroit où je suis aujourd’hui.
Plus faible, sans l’ombre d’un doute.
Entravé, déchiré par endroit, marqué dans mes profondeurs intimes, mais guéri et bien vivant.
Le visage rempli de cette chaude et réconfortante lumière du Soleil.
Aveuglant mon regard qui ne verra plus jamais le monde de la même manière.
Ni ces humains qui blessent ni ceux qui aiment.
Partagez-moi vos impressions à ce sujet.
Au plaisir de vous lire!
Prenez bien soin de vous.
Pat 🦋🦋🦋❤️
http://www.ecriremonbonheur.com
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flr-k · 9 months
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Hier soir, j’ai attentivement écouté un homme raconter son histoire à la radio.
Il était avec une femme et ont eu une petite fille ensemble. 5 ans plus tard, il surprends son meilleur ami et ça femme avoir une discutions chez lui. Il se laisse entendre de la part de son ami envers sa femme « est-ce que la petite est de moi ? »
À cet instant, pour lui, le ciel s’est écroulé , le monde s’est renversé, l’univers a implosé et sa vie s’est effacée. Mon souffle lui, s’est coupé.
En un instant, une discussion, en quelques mots, une poignée de secondes, cet homme a découvert la tromperie, le mensonge, la trahison. En un instant cet homme a perdu son meilleur ami, sa femme et un enfant qu’il pensait être le sien.
Ne faites jamais entièrement confiance, en personne.
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firebirdxvi · 5 months
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Fils du Feu 07 ~ Flamme de Douleur
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Il avait passé la nuit les yeux ouverts à réfléchir en scrutant le plafond de pierre noire. Il n'était pas sûr de se souvenir de tout... Certaines scènes de son passé lointain lui revenaient par bribes, lui procurant tour à tour de la joie ou de la peine. Il sentait son corps réagir de mieux en mieux à ses émotions, comme si ses nerfs et ses muscles réapprenaient à fonctionner normalement.
Il se rappelait également vaguement qui étaient les Immortels. Cet ordre discret avait toujours gravité autour de lui à la cour, même si son père ne l'avait jamais vraiment apprécié. Il faisait partie de l'histoire de Rosalia autant que Phénix lui-même, mais peu de gens connaissaient son existence et sa fonction. Il aurait du en apprendre davantage le jour de... le jour où tout avait été détruit...
Il crispa les paupières et essaya de se souvenir. La guerre était à leurs portes ; il devait se rendre au Fort Phénix pour... quoi ? Une cérémonie. Un oracle martial. Pour s'assurer la victoire, c'était ce qu'on lui avait dit. En tant qu'Emissaire de Phénix, c'était la première fois qu'on lui demandait de faire quelque chose pour son pays, au lieu de simplement agiter la main durant les fêtes paysannes. Il se souvenait d'avoir douté d'être à la hauteur... mais son frère l'avait soutenu, croyant en lui de toutes ses forces.
Il tendit la main, essayant de toucher dans ses songes le visage de Clive. Il se souvenait de lui confiant, téméraire et d'un courage sans faille. Il était son héros, son chevalier...
Ce qu'il voulait le plus, là, maintenant, c'était le retrouver. Et il ne voulait pas attendre le matin.
Joshua se leva du lit rapidement, bien éveillé, frôla un cristal pour faire de la lumière et attrapa les vêtements que Jote avait achetés pour lui. Un pantalon moulant, une chemise lacée et une tunique à manches bouffantes. Le tout teinté de rouge et noir, les couleurs des Rosfield. Il s'interrogea un moment : le rouge n'était pas usité parmi le peuple rosalien, étant réservé à la famille ducale ; et la teinture en était plutôt coûteuse... Comment Jote avait-elle pu s'y prendre ? Il se demanda alors pour la première fois de quelle manière le monde avait évolué sans lui, et cela lui fit peur. Ce monde-là n'avait peut-être plus rien à voir avec celui qu'il avait connu...
Il laça ses bottes hautes, se regarda un moment dans le miroir mural et se trouva présentable. Il était prêt à sortir. Cependant, une certaine appréhension le faisait encore hésiter. Ses doigts s'apprêtaient à actionner le mécanisme de la porte - il n'avait nul besoin de clef pour utiliser les dispositifs célestes -, quand il perçu, de l'autre côté, comme une mélopée sourde. Il colla son oreille contre la roche, cherchant à en comprendre le sens mais le son était trop étouffé. Prenant son courage à deux mains, il mit en marche la serrure imposante et la porte circulaire s'ouvrit devant lui.
Presque renversé par le souffle d'air qui lui fouetta le visage, il s'aventura enfin hors du Nid.
Un long couloir sombre se déployait devant lui. Des rais de lumière bleutés couraient sur les murs de chaque côté de lui, entrecoupés ça et là par des silhouettes alignées ; Joshua remarqua alors qu'il y'en avait des dizaines et qu'il ne s'agissait pas de statues ; capuches rabattues sur leurs visages, les silhouettes entonnaient un champ profond et harmonieux, sans bouger, les mains jointes, et Joshua sentit quelque chose d'infini remuer ses entrailles. Il n'était pas effrayé, c'était plutôt comme si les voix le transportaient ailleurs, dans un passé si lointain qu'aucun livre n'en parlait plus...
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L'Emissaire de Phénix se mit à avancer à pas lents, avec respect, au milieu des Immortels recueillis qui chantaient pour lui. Il chercha des yeux Jote et Adalia mais ne les vit pas. Elles devaient pourtant bien se trouver parmi eux... Suivant la haie d'honneur formée par les adeptes, Joshua tourna à des angles de couloirs spécifiques, tout en regardant autour de lui. L'architecture céleste était splendide mais un peu monotone, et la luminosité n'était pas excellente pour des yeux fragiles comme les siens. Il avait hâte d'atteindre sa destination : le lieu où résidait le Maître des Immortels, et il savait qu'on le guidait dans cette direction.
Enfin, il toucha au but. Au bout d'un ultime corridor, il vit parfaitement un homme se tenant debout derrière une table, les mains dans le dos, dans une petite pièce se situant en face de lui. Il déglutit et avança plus rapidement, avide de connaissances. Quand il eut passé le seuil, l'homme s'inclina profondément devant lui.
- "Source de vie et de lumière éternelles... Emissaire de l'oiseau de feu apportant la prospérité à Rosalia... Protecteur de Souffledrac, gardien de..."
- "Pardonnez-moi, mais...", le coupa Joshua. L'homme s'interrompit, un peu décontenancé. "Je pense que je peux me passer de tous ces titres. Je n'ai jamais beaucoup aimé ça..."
L'homme se redressa et adopta une posture un peu plus décontractée - mais pas trop.
- "Vous êtes... Cyril, le Maître des Immortels. Adalia m'a parlé de vous. Vous êtes venu me voir une fois, il me semble."
- "Adalia ?" Mais il sut très bien de qui il parlait. "Je suis honoré que vous vous souveniez de moi, Votre Grâce."
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Joshua examina la pièce où il se trouvait. On avait amené dans cet endroit du mobilier au style tout à fait différent de l'architecture céleste et il eut un sentiment de familiarité qui le mit à l'aise. Des étagères de livres tapissaient le mur, des chandelles éclaboussaient d'ombre et de lumière les murs de pierre grise... Tout ceci lui rappelait sa maison. Il tira une chaise près du bureau du Maître et s'y assit sans plus de cérémonie. Cyril demeura debout jusqu'à ce que le garçon dise :
- "Depuis combien de temps chantent-ils ?"
- "Depuis des heures, il me semble. C'est un chant pour fêter le retour du Phénix..."
- "Vous pouvez vous asseoir. Et je veux aussi que vous me racontiez tout ce qui s'est passé... Avant... après... pendant que je..."
Cyril s'éclaircit la voix avant de prendre place à son tour dans son siège à haut dossier.
- "Je répondrai à vos ordres, Votre Grâce. Je vous demanderai simplement de ne pas m'interrompre tant que je n'aurais pas terminé." Cyril sembla nerveux, réalisant qu'il avait exigé quelque chose de son dieu qui aurait paru inconvenant dans toute autre situation. "Ensuite, vous pourrez me poser vos questions."
Joshua hocha la tête. Il avait posé les mains sur ses cuisses, attendant que le Maître se décide à commencer.
- "Vous vous trouviez à Fort Phénix afin de procéder à un rite très ancien destiné à apporter la victoire à Rosalia. Le Royaume de Fer nous disputait la propriété du cristal-mère de Souffledrac et l'archiduc avait jugé que cela avait assez duré. Les Immortels vous auraient rejoint sur place le jour du rite si la Nuit des Flammes n'avait eu lieu..."
Joshua ne prononça pas un mot, comme convenu.
- "Il n'est pas nécessaire que je vous décrive ce qui s'est passé dans l'enceinte de la forteresse cette nuit-là, vous en savez sans doute bien plus que moi. Mais vous devez apprendre ceci : le Primordial de Feu qui vous a laissé pour mort semble avoir disparu sans laisser de trace. Nous avons enquêté sans relâche dans toute la région et même au-delà pour recueillir la moindre rumeur au sujet d'un Emissaire de Feu, cela n'a rien donné. L'existence de ce Primordial est un mystère, et un outrage pour notre foi : seul le Phénix gouverne le feu. Cet imposteur doit être retrouvé et châtié."
Cyril s'interrompit un instant.
- "Une autre vengeance doit aussi s'accomplir. C'est l'armée sanbréquoise qui a attaqué le Fort cette nuit-là. Alors qu'il était notre allié, l'Empire semble avoir décidé de profiter de notre posture délicate face au Ferrégiens pour prendre sa part du gâteau. Rosalia a toujours attisé beaucoup de convoitise... Votre père avait des ennemis à la cour valisthéenne, à cause de certaines opinions jugées trop... progressistes, je suppose. Tuer l'archiduc et l'Emissaire en un seul coup, voilà qui faisait bien les affaires de l'Empereur Sylvestre... Mais vous êtes là, et le jour de la rétribution viendra..."
"Depuis cette nuit fatale, l'Empire s'est officiellement attribué la propriété de Rosalia ; ce qui n'a pas empêché les Ferrégiens de venir piller Rosalith quand les Sanbréquois ont eu le dos tourné. Il ne reste qu'une poignée d'habitants dans votre illustre capitale, résistant tant bien que mal à l'occupation impériale comme ils le peuvent. Leur fierté est ébréchée... mais l'espoir du retour de l'archiduc les fait tenir encore."
Joshua ferma les yeux et des images pleines de joie et de soleil lui revinrent en mémoire. La place du marché, les écuries pleines de chocobos trépignant, le cliquètement des armures et des épées... Il se voyait marcher au milieu de tout ça, suivi pas à pas par son grand frère attentif... Sa mère ne le laissait presque jamais sortir mais Joshua aimait tant se promener parmi les Rosaliens, et se comporter comme un enfant ordinaire...
"Votre oncle Byron vit toujours à Port-Yseut où il essaie de mener ses affaires comme il le peut. Il fait profil bas depuis la mort de son frère. On l'a déjà pressenti pour reprendre le pouvoir mais il ne dispose pas d'assez de moyens et de partisans pour cela. Il subsiste en feignant l'allégeance à Sanbrèque."
"Nos espions sont nombreux à l'intérieur du territoire de l'Empire. Comme c'est Sanbrèque qui a détruit l'archiduché, nous avons sans relâche collecté toutes les informations les plus utiles depuis cinq ans sur ce qui s'y passe. Nous pensions peut-être y découvrir cet autre Emissaire de Feu ; il pouvait être un genre d'arme secrète impériale mise au point pour vous détruire. Nous n'avons rien découvert à ce jour à ce sujet, mais nous avons appris autre chose." Cyril se tortilla sur son siège. "Votre mère, l'archiduchesse Anabella, est maintenant une citoyenne très en vue de Sanbrèque, dans les bonnes grâces de l'Empereur."
Joshua écarquilla les yeux de stupeur.
- "Je me garderai bien de dire tout le fond de ma pensée, mais seule la trahison peut expliquer ce qui s'est passé la Nuit des Flammes. Les soldats sanbréquois se sont introduits par ruse dans l'enceinte, et seul quelqu'un de haut placé à Rosalia pouvait connaître à l'avance vos déplacements et donner les informations nécessaires à la prise de la forteresse. Votre mère semble bel et bien impliquée dans cette affaire. Je suis navré de vous l'annoncer si brutalement..."
Joshua se tint silencieux mais une insondable tristesse le saisit. Sa mère avait toujours eu beaucoup de défauts - dont sa manière de traiter son frère aîné n'était pas le moindre -, mais jamais il n'aurait pu imaginer qu'elle s'en prendrait à lui. Elle lui avait déjà fait du mal, par ses mots et ses manipulations, mais elle s'occupait de lui et ne cessait de lui dire qu'il était son seul univers, sa seule raison d'exister... Joshua ne comprenait pas... Pourquoi avait-elle voulu détruire sa famille ? Citoyenne de Sanbrèque ? Cyril n'avait aucune raison de mentir. Il ne pouvait y avoir qu'une seule réponse...
- "Pour résumer, Rosalia est officiellement une province sanbréquoise dorénavant. Les anciennes allégeances au Phénix et à l'archiduc sont sévèrement réprimées. Les habitants vivent dans la peur et dans la pauvreté pour certains. Les Pourvoyeurs sont traités comme dans le reste de l'Empire, autrement dit pire que des chiens. Et par-dessus tout ceci, le Fléau Noir ne cesse de progresser, plongeant Valisthéa dans une peur croissante. Les nations se font la guerre entre elles pour gagner le plus de territoires épargnés par le mal. Tout ceci ne peut qu'empirer davantage... Et il y aussi ce mystérieux royaume de l'est, et son roi étrange, qui sont entrés dans le jeu politique, et manipulent les dirigeants des nations. Nous ignorons dans quels buts mais le Fléau Noir ne doit pas y être étranger..."
Joshua se rappela alors de ce cataclysme qui vidait les terres de toute vie et de toute magie et dont personne ne connaissait la cause. Le Fléau était déjà bien avancé cinq ans auparavant... Il se pencha en avant et se tritura les doigts avec appréhension.
- "Votre Grâce, je vous ai livré les informations les plus importantes que vous deviez connaître afin d'appréhender au mieux la situation actuelle", conclut Cyril en posant ses mains sur le bureau. "A présent, si vous avez des questions, je vais y répondre."
Joshua n'en avait qu'une. Elle lui brûlait les lèvres et aussi le coeur. Il enfonça ses ongles dans son poignet...
- "Où est Clive ?"
Cyril ne répondit pas tout de suite et jaugea son seigneur des yeux afin de déterminer s'il était capable d'entendre la vérité. Joshua le couvait d'un regard enflammé et il ne put soutenir plus longtemps ses iris claires posées sur lui avec un fol espoir...
- "Votre Grâce...", commença-t-il dans un souffle. "Personne n'a survécu à Fort Phénix, à une exception près. Ce seul survivant, un ancien soldat rosalien, demeure à l'extérieur, à Lestange ou à l'auberge du croisement. Le corps de votre père a été retrouvé dans un état lamentable, brûlé au dernier degré, ainsi que beaucoup d'autres, alliés comme ennemis. Le commandant Murdoch a lui aussi disparu corps et bien... Le combat que vous avez mené contre ce démon était si...
- "Où est Clive ?" répéta Joshua, refusant de comprendre.
Cyril déglutit.
- "Il ne reste rien, Votre Grâce. Même pas un corps." Le Maître sentit qu'il devait choisir ses mots avec soin, mais il opta finalement pour la simplicité. "Votre frère... est mort lui aussi."
Joshua se redressa sur sa chaise, ferma les yeux, puis retomba en arrière. Ses traits délicats se tordirent dans une grimace douloureuse, et il se couvrit le visage de ses mains.
- "Je suis désolée, Votre Grâce..." se contenta de dire Cyril.
Joshua ne répondit rien. Il se leva de sa chaise, sans un regard pour le Maître, se détourna, la tête basse, et sortit de la pièce d'un pas lent, un peu chancelant. Il finit par disparaître de la vue de Cyril.
Le garçon terrassé alla se perdre dans les corridors du refuge, insoucieux de l'endroit où il allait. Les Immortels avaient disparu, plus aucun chant ne se faisait entendre. Il aurait tout aussi bien pu se trouver dans un tombeau... Il stoppa un moment à un coude du couloir et s'appuya contre le mur, comme hors d'haleine. Il ne réalisait pas encore la vérité de ce qu'il avait entendu. Il n'y croyait pas. Son frère ne pouvait être mort ! Pas Clive, c'était impossible ! Il posa la main sur son coeur, alarmé par la violence des battements dans sa poitrine... Il cru défaillir, se rattrapa de justesse pour ne pas s'écrouler et continua sa route vers l'inconnu. Il aurait voulu trouver la sortie de ce labyrinthe et se sauver de toute cette souffrance, de ces larmes qu'il retenait, de cette révélation qui le terrorisait plus que tout autre chose qu'on lui avait dite...
Il ne réussit qu'à se retrouver à l'entrée de la bibliothèque des Immortels. Quand il y pénétra, l'archiviste qui s'y trouvait crut mourir sur place de surprise, mais elle comprit vite qu'il fallait vider les lieux et laisser l'Emissaire avec lui-même. Elle s'inclina précipitamment et s'éclipsa. Joshua était de nouveau seul.
Il avança avec difficulté vers un gros fauteuil en velours rouge ; chaque pas lui demandait un effort considérable... Son corps lui faisait si mal qu'il se retenait de hurler de douleur. Se laissant tomber sur le siège, il eut alors une sensation inattendue qui envoya des ondes à la fois agréables et douloureuses dans chacun de ses muscles. Il s'était déjà assis ici ; ce fauteuil provenait de la chambre de Clive. Il en connaissait chaque bosses, chaque éraflure... Ses doigts caressèrent les moulures des accoudoirs... Il ferma les yeux et se rappela de ses jours heureux où son frère lui racontait des histoires tandis que lui, petit garçon malade et reniflant, emmitouflé dans une épaisse couverture, l'écoutait avec ravissement, pelotonné au fond de ce grand fauteuil moelleux...
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Joshua s'effondra alors. Il se recroquevilla comme il put au fond du siège dont le rembourrage s'était affaissé avec le temps, se prit la tête dans les mains et laissa son chagrin exploser. Ses pleurs résonnèrent parmi les étagères et les volumes indifférents. Son corps était secoué de spasmes incontrôlables et des plumes folles, se consumant presque immédiatement, voletèrent tout autour de lui avec violence... Pendant de longues minutes, ses larmes parurent impossibles à tarir. Il s'était préparé à la mort inévitable de son père, la trahison de sa mère avait été un coup rude... mais rien n'aurait pu le terrasser davantage que la disparition de son frère...
Joshua essuya ses yeux rougis et douloureux et regarda autour de lui. Les couleurs avaient disparu ; tout était terne et mort. Quel intérêt ce monde pouvait-il encore avoir si Clive n'était plus avec lui ? Il perdit toutes ses forces, tout son courage et examina ses mains. L'avait-il tué ? Le feu de Phénix avait-il prit la vie de la personne la plus chère à son coeur ? Il imagina Clive se débattre dans les flammes, brûlant lentement dans la souffrance la plus atroce sans que Joshua ne puisse l'entendre... Il l'avait appelé, l'avait supplié de le défendre face au démon qui était en train de fracasser ses os... Clive n'était pas venu...
Rien n'aurait pu empêcher Clive de voler à son secours... Rien, hormis la mort. Cette révélation si évidente eu raison de ses dernières défenses mentales. Il se laissa glisser du fauteuil et se traîna presque jusqu'à une petite table encombrée de papiers et d'objets divers. Son regard fut accroché par un éclat de lumière se reflétant sur du métal... Sa main empoigna machinalement le coupe-papier aiguisé... Oui, la lame était tranchante, elle ferait le travail rapidement... Peu lui importaient les Immortels, le Phénix, Rosalia et Valisthéa désormais... Il s'endormirait ici pour de bon et irait rejoindre les siens dans un monde bien meilleur...
- "Clive... J'arrive..."
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Il rassembla ses ultimes forces pour porter la lame vers sa gorge, quand quelque chose se jeta sur lui par derrière, envoyant le coupe-papier par terre.
- "Ne faites pas ça !"
Des bras enserraient sa taille avec force, et Joshua tenta de s'en libérer. Il n'avait plus d'énergie et s'accouda à la table tandis que l'étreinte se desserrait. Le souffle court, il vit alors que Jote se tenait devant lui, les joues empourprées, les cheveux en désordre. Elle semblait en colère.
- "Qu'est-ce que vous alliez faire ?!" s'écria-t-elle.
- "Ca ne vous regarde pas..." Joshua se força à se montrer méprisant, ce n'était pas dans sa nature. Il avait déjà les yeux de nouveau posés sur le coupe-papier... "Je n'ai plus rien à faire ici..."
Sans crier gare, il se jeta à terre sur la lame et s'en saisit de nouveau. Mais la petite fille fut prompte elle aussi. Ils se disputèrent l'objet fatal jusqu'à ce que Jote se mit à crier :
- "Vous croyez qu'ils voudraient ça ? Votre père et votre frère sont morts pour que vous puissiez vivre ! Vous voudriez que ce soit pour rien ?!"
Joshua eu un sursaut choqué et se rejeta en arrière loin du coupe-papier, qui lui apparut alors tout à fait repoussant. Il respirait très vite et très fort et la petite Immortelle craignit un nouveau malaise. Le garçon se mit à tousser avec violence en se redressant tant bien que mal.
- "Vous croyez vraiment que... vous croyez que Clive...", hoqueta-t-il.
- "Je ne le connaissais pas, mais..." Elle cherchait ses mots. "... je suis sûre qu'il serait d'accord avec moi !"
Se disant, elle envoya le coupe-papier hors de portée d'un coup de pied.
- "Qu'est-ce que j'ai failli faire ?" se lamenta le garçon, comme sonné par son geste. "Oh Clive, pardonne-moi !...."
Jote aida Joshua à se rassoir dans le fauteuil. Le garçon se tordait les mains, incapable de cesser de trembler. Il observa alors la petite fille.
- "Que faites-vous ici ?"
- "C'est Maître Cyril qui m'a ordonné de vous suivre, il a bien vu que vous n'alliez pas bien... Mais je vous aurais suivi même s'il avait pas demandé !"
Joshua se prit de nouveau la tête dans les mains et se mit à gémir.
- "Je l'ai tué !... Je les ai tous tués !"
- "Personne n'en sait rien, Votre Grâce. Ca aurait pu être l'autre. Vous n'avez fait que vous défendre. Il était bien plus fort que vous ! Ce sont ses flammes qui ont du brûler tout le monde !"
Jote n'était pas sûre de ce qu'elle disait, mais elle savait que ses mots sonnaient justes.
- "Ils auraient donné leur vie pour vous, vous savez..."
- "J'en ai assez qu'on meurt pour moi..."
Elle se mit à genoux devant lui et prit ses mains dans les siennes. Aucun autre adepte n'aurait eu de geste aussi tendre envers lui, hormis Adalia sans doute.
Joshua sourit à travers ses larmes.
- "C'était toujours vers lui que je marchais... Il était mon modèle, mon héros... Je voulais être comme lui... Il était tellement... meilleur que moi..."
- "Alors rendez-le fier et devenez plus fort."
- "Je ne peux pas... sans Clive... Il ne peut pas être mort !"
Joshua avait toujours cru son grand frère immortel. Il n'avait jamais envisagé qu'il puisse mourir. C'était une impossibilité très concrète pour lui. Son être tout entier reculait de nouveau face à cette évidence.
- "Je vous aiderai alors... Je ne peux pas le remplacer, mais... je peux essayer..." Jote avait murmuré ces mots, pas certaine que l'Emissaire les accepte.
Joshua la regarda de sous la mèche de cheveux qui lui était tombée devant les yeux. Ceux-ci étaient secs mais toujours rouges. Jote reprit, avec espoir :
- "On va retrouver ce Primordial de Feu usurpateur et lui faire payer la Nuit des Flammes. C'est à vous de le faire. Je vous aiderai..." Elle était déterminée à suivre l'Emissaire jusqu'au bout du monde.
Joshua se détacha d'elle et se releva difficilement. S'approchant de nouveau de la table en toussant, il redressa une chandelle tombée, la replaça dans son bougeoir et agita les doigts au-dessus. Aussitôt, la mèche s'enflamma toute seule. La petite fille se retint de sauter de joie.
- "Je dois venger Clive. Mon père... Tous ceux qui sont morts. Je le leur dois... pour que leur sacrifice ne soit pas vain..."
Une entité millénaire endormie depuis cinq longues années commença alors à déployer ses ailes.
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«Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux»: la Thèse n°9 du livre La société du spectacle de Guy Debord se fonde sur une phrase extraite de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel: «Le faux est un moment du vrai»...
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ce-sac-contient · 2 years
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Et bien voilà un bien joli sac ouvert, est-ce un sac de bille avec quelques calots ? Ces grosses billes qui comptent double... est-ce un sac pour voyager sur internet, un joli pochon pour mettre des friandises ? Dites moi un peu.
CE SAC CONTIENT plus qu’il n’est ouvert… mais il est dévolu au lexique du sentiment, au temps qui passe, à l’impatience des apparences, aux solitudes complexes — choyées — face à la barbarie.
Je l’attribuerais volontiers à l’esprit de Boltanski récemment posté ici, « oser des questions. […], je ne pense pas avoir de réponse. Je ne pose pas de questions en mots, mais avec des émotions visuelles ou sonores. » Je n'oublie pas non plus mon premier post, il y a des lustres, hommage à Ben (Vautier), comme un manifeste occupé à crucifier le désenchantement du monde ; « ce sac contient, un billet d'avion pour Dakar, un peigne bleu, un galet de la plage de Nice, 4 bonbons un faux passeport russe, une photo de moi bébé, un mouchoir noué, le chéquier de mon patron, un pistolet Beretta chargé de deux balles, le N° de téléphone de Jack Lang - ma brosse à dents - un slip de rechange - une photo de Marcel l'ôdeur (sic) d'un parfum renversé […] ».
Les grosses billes comptent-elles double, peut-être... sauf à imaginer que le lancer de billes ne rapporte pas de point !
Pardon c’est un peu nébuleux, mais comment répondre à tant de gentillesse de votre part ?
★ Merci ★
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thomariviere · 1 year
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EN TRAVAUX
Atelier d’écriture A5
(mars 2023)
Le temps ne révélera rien (mais ça je te l’avais bien dit) Le temps sait seulement le prix qu’il faut payer. Si je savais ces choses, je serais venu te le dire.
Pour lancer l’atelier j’ai tenu à partager en trad simultanée non fixée if I could tell you de AUDEN (sa première strophe est ci-dessus).
youtube
Suavement, ce python-arc-en-ciel glisse entre les boyaux mêles de mon cerveau. Depuis —me semble-t-il— que je tente de m’extraire et de fermer la lourde pierre sur l’entrée du Nyihl. Depuis que je retrouve du regard ces quelques taches de soleils disséminées ça et là près de l’entrée de la grotte.
Traduction en direct (même si informellement préparée durant la semaine) car les maladresses, les hésitations, ce me semble, témoignent incontestables son enracinement profond et sa symbiose mouvante à l’intérieur de moi ; et puis comment d’autre que maladroitement pourrait-on transposer la troublante évidence du ressassement poétique de l’auteur.
Consigne de l’atelier (élaborée collégialement) chacun pose un mot sur un tit bout de papier. on les lit. Notre texte doit en utiliser 3, avoir pour thème le 4e (sans l’inclure) et commencer et terminer par le 5e.
Les mots : Dysmorphie / assommé / le temps / cockring /miroir miroir on the wall…
Miroir, miroir, insaisissable jumeau, tu sais pertinemment le prix qu’il faut payer.
(dit-il)
Un temps.
Miroir ô mon miroir, toi qui n’es que silence, tu sais aussi que le temps vient toujours solder ses comptes.
Miroir—Ah miroir, supplicié sur mon mur, je connais ta devise : plus on sait plus on sent, plus on ne peut parler. Plus on ne parle plus.
Et comme je suis bavard… comme je parle sans cesse. peut-être plus que jamais…
Plantés, droits. Immobiles. L’un en face de l’autre. Attendant…
Pauvre image échouée dans ce lieu vitrifié, mon miroir et mon âme, tu agites bien haut cet air indifférent. Mais je connais tes yeux, chacun des millimètres, je connais ton sourire et j’ai vu dans ton cœur. Cet air n’est qu’un déni, une pirouette charmante. Pour mettre un paravent devant l’angoisse qui te secoue. Je ne suis pas idiot. Bien sûr que tu étouffes dans ce cadre étriqué qui te coince et te blesse de ses bords écorchés. Bien sûr que tu envies l’ivrogne liberté dans laquelle je m’ébats, l’étendue foisonnante de mon monde débordé.
Et pourtant ô Miroir, comme c’est chevaleresque, tu cherches à m’apaiser. Mais pourquoi–Comment puis-je m’apitoyer. Tout ce que je suis dans cet instant précis, c’est mon faire et ma volonté. J’ai parcouru la route, atteint l’extrémité. L’ai choisie, oui, moi seul, le sillon obscurci qui se tort et frétille, qui entaille et entrave de son trait tellurique les entrailles trouées de la croûte terrestre.
Une larme orpheline, comme une clandestine s’élance irrésolue à travers un océan de joue.
Pourtant, foutu miroir, je suis tétanisé. Appesanti par ce dont je suis capable mais plus encore je crois par tout ce dont je sais être parfaitement incapable.
Miroir, oui toi, mon vaillant naufragé, me diras-tu enfin ce secret enterré dessous les fondations au fond de la forêt par-delà les étoiles. Celui-là, essentiel, que tu as effacé. Que tu gardes sauvage. Pourquoi me le cacher. Ne mesures-tu donc pas le montant exorbitant qu’il nous faudra payer.
N’ouvre pas ces grands yeux. ô mon vieux compagnon. Rebel indifférent.
Si peu nous sépare. Tu es accroché… je suis écorché. (tu vois seuls 2 petits phonèmes un tit peu dissipés). Toi, tu Es échoué. Dans ce lieu déréalisé. Et moi j’y suis venu parce que j’AI échoué… là-bas, dans le monde tgv, celui des autres (juste un auxiliaire ayant renversé l’autre).
Le prix …
Le prix reste toujours le même. Immuable depuis… depuis les origines. Celui là que jadis Adam a dû payé. Et lucie également. Et nous tous après eux.
Un prix assourdissant. Vertigineux. Quoi qu’il ne coûte rien. Pas un de nos deniers humains. Prix qui éclipse … Tout. Aucune de nos calculatrice n’a assez de mémoire pour faire tenir l’indicible total de l’addition finale.
Leurs regards se touchent. S’effleurent. Hésitent. Se tressent. Pénétrant. Comme deux lutteurs. L’un calme l’autre bouillant. L’un avisé l’autre épuisé.
Le miroir est malin. Il préfère garder ses distances. Au cas où. … si c’était contagieux.
La double forme optue s’impatiente à moitié. Son corps frisonne. Alors que les deux tours anémiques menacent de s’effondrer, le laissant exsangue doublement à genoux.
Il force sa main à s’avancer tremblante vers la main magnanime qui, fluide et flottante, volute à sa rencontre. Cette main redoublée qu’il peine à reconnaître. Malgré l’imitation presque sans défaut de ses vibrances les plus tenues et de la panoplie ample de ses inexpressions.
Pourquoi là face à toi, …? Que viens je donc chercher que je ne sais déjà.
Quelle question pertinente, mon cher. oui Pourquoi en effet? (Et toujours ce sourire.). Pourquoi … Tu Es Là (Ou est-ce, peut-être, mon sourire à moi). L’amertume mousseuse s’amuse à se dissoudre dans le sable mouillé. L’amorce d’un sourire. Cette fois oui c’est bien le mien. Faiblement. Écho de son écho. Au-dessus tournoient tout un essaim de questions que multiplient les siennes. Un nœud de möbius. Je réfléchis mon reflet qui réfléchit ma vie dans ce grand miroir. Derrière moi, derrière lui derrière mon reflet, un noir pénétrant. Le noir absolu et invisible où n’existe plus rien.
C’est donc elle. La fameuse. La porte de perles (comme l’a nommée Thom Yorke). Elle me toise. Dubitative. Un peu renfrognée. Elle exècre les esclandres. Elle en a vu bien d’autre. Elle les connaît à l’envers à l’endroit, les salves de questions ineptes qui n’ont de réponses (si ce n’est de tirer sur l’élastisme usé du moment), il connaît les regards qui s’aveuglent, la bravoure qui pleurniche, l’indécision assomante et la panique chevillée comme une sauvageonne.
C’est elle, la porte sacrée qu’il est interdit de contempler en pied. Elle est là. Tout près de moi. Mes yeux plonge dans la trouée étroite pour apercevoir … —— . Il n’y a rien à apercevoir.
Là, à mes pied, la ligne d’arrivée. Et aussitôt ——. Ce … qui n’a pas de nom. Vacuum anomalique.
La bouche architecturale me surveille, menaçante et avide. C’est la plaie sans remède. Avec ses crocs de glace et son regard carié. Le péage infranchi (on ne s’en acquitte pas avec notre argent ; chacun doit improviser et trouver comment s’en débrouiller, se peut-il qu’il s’agisse pour moi d’une bulle d’air que l’on envoie jouer avec une bande de globules?)
Est-il vraiment possible de la désirer la Fin de la partie… l’exiger. Se lever de la table où tous veulent prendre place. Arrêter de jouer, peut-être pour pouvoir enfin écrire son propre nom, sa propre décision, agir et ne plus subir.
Ne plus souffrir.
Je laisse au miroir le soin de réfléchir. Réfléchir m’asphyxie. Je n’en peux plus je m’y refuse. J’ausculte le carcan, ses bords rugues ouvragés m’évoque évidemment les deux arbres de Yeats. C’est lui le cadre millénaire fabriqué bien au-delà des temps tandis que dieu dormait par des esprits perfides, ce cadre mortifère qu’avec une bile habile, les démons nous soulèvent juste devant les yeux. Ce cadre façonné d’os de sable et de thé, son teint aluminium lissée dans la morve bouillante du magma volcanique.
La voilà donc, la virgule vinaigre au-delà de laquelle tout solide redevient un symbole. La transition qui— vers—
Miroir dis-je… dit-il… disons-nous dis-tu… miroir…
Le cockring se met à vibrer. Instamment m’absorbe par le gland et me jette dans les ouates exaltées des moiteurs idéales.
Il veut jouir.
Je veux jouer.
Je veux jouir et jouer.
Je veux ce vibrement qui résorbe le temps.
Qui absout la pensée.
Je veux jouer, oui je veux … rêver, danser, jouer.
Et je veux m’écrier.
M’écrire me dessiner.
Me dire mordre et hurler de toutes mes couleurs
que je SUIS que je vis,
et que oui j’ai bien failli aller.
(OÙ?)
là exactement au même endroit mais de l’autre côté.
De l’âme.
parce rien ne restait.
Plus.
Rien ne me retenait.
La fatigue absolue, l’ombre incommensurable, la guerre qui détruit tout.
Et le marteau têtu qui tient tout mon espace, il tape à coup d’enclume…
que ‘Rien’ vaut mieux que ces mois passés.
Je veux hurler hurler que oui
OUI que je suis vivant,
que j’ai failli mourir,
que j’ai eu 50 ans et que je n’ai plus rien.
J’ai tout perdu Tout, dans l’en dedans de moi.
Il ne reste plus rien.
et que j’ai beau chercher, fouiller
et farfouiller creuser des lèvres et des yeux la vase malodorante…
je ne retrouve pas. Rien.
Rien rien je ne trouve rien du tout à quoi me retenir.
Rien d’autre que ce grand moribond vétuste qui s’estompe juste là
face à moi.
Ce moi qui s’est réfugié dans ce monde sans poids,
ce monde transit où l’on doit venir seul.
Il n’y a que moi ici. ma queue gonflée, ma turgescence fidèle qui tente de m’offrir les derniers reliquats d’un plaisir de moins en moins convaincant. De moins en moins convaincu. Mon champignon mâtin.
C’est à peu près la seule chose qui semblait intéresser en moi.
Rude, à la longue, d’être relégué sans cesse aux performances sanguines des cavités spongieuses. Aux exploits de mon mat (même pour un thomas).
Le cockring trépide comme un idiot, vibre en accélérant. Rapidement le membre dégonfle. Le rituel devenu factice et sclérosé. Le jour où il n’y aura plus ce frisson de plaisir, ce jour…
Je me jette sur la pipe. Tourne le dos à l’autre.
Miroir ô douce saloperie à l’abris sur le mur. Me laisseras-tu donc entrer. Enfin sale fils de pute engrossée vas-tu te décider. Me laisseras-tu sortir ou entrer ou partir, me laisseras tu donc m’envoler ou chanter. Ou m’endormir en paix. Me laisseras tu en paix. Me laisseras tu revivre ou résorber ma forme?
Le miroir interdit réfléchit réfléchit. Son reflet assassin soudain accusateur m’assomme. Sa laideur émacié m’assomme. Il m’enveloppe d’un regard que je connais trop bien. Ce regard guillotine empreint de mon dégoût. Le dégoût très léger, propre et civilisé. C’est encore pire, cet air intelligent pour m’écraser moi-même. Ce mépris immémorial qui luit infime et radical depuis le centre en moi, ce phare lilliputien à la clarté stridente bâti il y a bien des âges et des jadis, peu après que Babel la fière ne se soit accroupie dans les sables et le vent.
Le miroir m’a montré gros laid estropié difforme laid mal formé. Bête cruel colérique méchant blessant supérieur et manipulateur. Factice mise en scène mégalo égoïste. Faible risible laid répugnant coupable. Laid. Disgracieux laid et raté. Raté raté.
Je me suis jugé. Des années durant.
Préférant mes sentences pour ne pas avoir à entendre celles des autres. Et après 50 de boue et marécage, je suis vide, triste, éteint. Mes mines sont à l’arrêt dont on extrait plus rien. Raté dans le regard d’autrui bien sûr. Mais le pire est raté pour l’enfant que j’étais. Lui ne cesse de m’appeller de son portable dernier cri pour me remercier de tout ce que je n’ai été capable de lui donner. Tout ce dont nous avons rêvé jadis lui et moi quand nous ne faisions qu’un, gît là juste à ses pieds putride et transpercé. Il ne me le pardonne pas.
Je suis le raté. Le rat taupe. Créature ambidextre de la terre et du vert. Les vers qui appartiennent aux boues et aux fossés. Je tiens à peine debout mais je me dresse tremblant dans la lumière obscure. Recyclant sans jamais m’arrêter les excréments puants et les mots mensongers pour en faire le lit de toutes les fleurs d’été et le rus parfumés où je nettoie les vérités fertiles.
Le miroir s’illumine. Il a peinturluré sur son visage un air plein mâtiné d’une trace d’ironie. Mais doux. Pour de vrai une douceur rare. À laquelle je crois. Un peu aussi de ce regard entendu que je déteste ne pas comprendre.
Tu sais très bien où est la clef, child. Partir… rester… c’est ton pas. Pas le mien. Il n’y a que toi savoir. La clef… C’est toi qui l’a rangée. Qui l’a égarée. Exprès? Et le prix. Oui je le connais. Tu le connais aussi. C’est comme tu dis. L’addition est la même. Le prix est identique. Quel que soit le passé. Tu sais très bien Tomas que le difforme, le dysmorphique ce n’est pas toi, ton âme ou tes baisers. Que ce n’est pas ton nez, refait ou d’origine. Pas la queue volubile que secoue le cockring, ni les nues ni les chants ni les mots décorés que tu files bien ou pas sur ton rouet cabossé. Ce n’est pas SURTOUT PAS, Ta Bonté. Celle que tu as conscienceusement et vaillamment fabriquée a l’intérieur de toi malgré des circonstances souvent bien peu propices. Tu veux donner depuis très très longtemps parce que c’est ce qui t’est arrivé et que ça t’a changé fait grandir et sauvé. Et tu trouves ça juste incommensurable. Cet égoïsme si idéalement généreux. C’est pour ça que tu aurais voulu incarner écrire vibrer danser. Et c’est loin d’être la plus mauvaise raison de vivre.
La clef, me sourit-il, elle est là dans la main que tu crispes sans Rbeu rfbdrd compte. Tu es innocent. Tomas. Entends tu? Innocent. Et non tu n’as pas à payer pour une faute que tu as subie. Une faute hypothétique dont tu ne te souviens pas et au nom de laquelle tu acceptes une punition qui ne suffit jamais. Cette faute mythologique, elle n’existe pas. C’est le poison que les autres ont distillé. La clef mon cher enfant est tellement simplette que je ne l’écrirai pas. De peur de faire éclater cette pauvre bulle de savon. Ces 50 ans brouillons que tu te reproches en boucle sont ton accomplissement ta force et ta richesse. 50 ans pour apprendre que nous sommes tous unis même ceux que croient gagner à vouloir te détruire. C’est ainsi que tu ne conçois même pas de prendre ta défense. Te défendre serait forcément contre ceux qui te chargent et contre eux c’est contre toi.
Oui toi tu as la paix, la délicate luminance d’avoir compris que c’est à de se construire à son rythme. La haine ni qu’une immaturité qui doit apprendre à grandir. La lumière à tout prix. Peut-être n’as-tu plus rien et peut-être n’es-tu rien. Mais ce rien c’est l’espace dans lequel tout peut vivre.
Miroir miroir ô mon miroir… les rides de mon visage se détendent lentement.
Et je me tais.
(À mes compagnons d’atelier d’écriture : je vous aime)
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lemondeabicyclette · 2 years
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Le pays le plus humanitaire du monde a réalisé, six ans avant la récente élection d'un gouvernement dit "de droite", que de laisser entrer librement des centaines de milliers de "réfugiés" - principalement d'Afrique de l'Est - sans contrôle aux frontières, dans un élan de générosité chrétienne naturelle et humaine, n'a réussi qu'à faire perdre aux Suédois le contrôle de leur démocratie de droit.
Le reportage de 60 Minutes Australia peut laisser l'impression que pour les Suédois, le début de la fin du monde ou du moins, son point de rupture est arrivé ~ avec la plus grande vague migratoire de l'histoire.
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En préambule de BREAKING POINT (Point de rupture), la reporter Liz Hayes affirme : « Mon équipe et moi avons été attaqués, on nous a lancé des objets, frappé et donné des coups de pied. Mon cameraman a été renversé par une voiture. »
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Bien entendu, c’est sans rapport avec l’immigration.
Selon le journal Dagens Nyheter, 85 % des suspects de fusillade sont des immigrants de première ou de deuxième génération, les quartiers d’immigrants étant devenus des foyers de criminalité des gangs.
Le commissaire de la police nationale, Anders Thornberg, a décrit la violence comme « un type de brutalité totalement différent de ce que nous avons vu auparavant ».
Son adjoint, Mats Löfving, affirme que 40 clans criminels effectuent désormais des opérations dans tout le pays.
Les « vols d’humiliation », qui ciblent les enfants et les jeunes et au cours desquels les victimes subissent des traitements dégradants de la part des agresseurs, comme le fait d’uriner sur eux, répandent la peur.
Rien que la semaine dernière, quatre hommes ont été condamnés pour avoir volé, battu et uriné sur un jeune de 18 ans, également filmé par ses bourreaux.
Ces indications vous disent que les coupables sont les immigrants, essentiellement des musulmans. Et bien non. Les médias, le gouvernement, les ONG, ont tambouriné pendant 20 ans que l’immigration n’a rien à voir avec la violence, et que tenir ce discours était une déviance d’extrême droite raciste et islamophobe.
Donc les Suédois ont dit : « c’est sans rapport avec l’immigration ».
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