Tumgik
#abus sexuels passés
clemjolichose · 1 year
Text
à part les rires en farandole
Fandom : Vilebrequin
Pairing : Gaytipla (Sylvain Levy x Pierre Chabrier)
Nombre de mots : 19 818
Avertissement : discussion d'abus sexuels sur mineur, pédophilie, réactions traumatiques (PTSD ?), violence physique
Résumé : C’était un mot, une phrase, une situation décrite, une blague innocente en somme. Ce n’était rien, pas grand-chose, une maladresse. Oui, une maladresse, comme lorsqu’on trébuche et qu’on tombe. On se fait mal et on repart, tout va bien, hein.
Alors pourquoi Sylvain Levy y pensait-il autant ?
Note d’auteurice : Ce texte s'inspire d'expériences personnelles. Vous pouvez aussi le lire sur Wattpad ou AO3 !
Partie : 1/1
Chanson : jardin de Pomme
C'était un mot, une phrase, une situation décrite, une blague innocente en somme. Ce n'était rien, pas grand-chose, une maladresse. Oui, une maladresse, comme lorsqu'on trébuche et qu'on tombe. On se fait mal et on repart, tout va bien, hein. Alors pourquoi Sylvain Levy y pensait-il autant ?
Sylvain détesta son cerveau du plus profond de son cœur à cet instant. Pourquoi y pensait-il encore, près d'une heure après la fin de sa soirée avec ses amis ? Il l'avait finie en mauvais état, mais pas à cause de l'alcool. Son corps avait été pris d'une espèce de torpeur étrange, son esprit avait été brumeux, il avait été sec, apparemment. Il ne s'en était pas rendu compte...
Et maintenant que tous ses amis s'étaient endormis dans leurs lits, ayant déjà oublié ces mots, ces phrases, ces blagues maladroites, lui n'avait que l'insomnie. Mais celle-ci était différente : son corps était figé dans son lit, ses yeux grands ouverts qui clignaient à peine, comme s'il faisait une crise d'angoisse sans qu'il n'en comprenne le déclencheur.
Il avait l'impression que quelque chose s'était cassé en lui. Il fallait bien, pour qu'il soit autant hors de lui-même depuis plusieurs heures. Malgré son manque de contact avec son environnement, Sylvain avait l'impression d'être particulièrement lucide, ce qui n'était pas rare dans ses insomnies. C'était peut-être la nuit qui lui permettait de penser plus clairement.
Il se tourna, se retourna, encore et encore sans trouver le sommeil. Et plus il réfléchissait à son malaise de plutôt, plus celui-ci s'intensifiait. Oh, il comprenait que la blague avait pu ne pas lui plaire, c'était de l'humour noir, il avait un peu l'habitude avec ses amis. Mais quand même, d'habitude, ça ne provoquait pas une telle réaction !
Il était perdu, et puis tout à coup il ne le fut plus. Un frisson le parcourut, tétanisant son corps, et il rappela. Il aurait préféré que ça ne soit pas le cas, rester dans l'ignorance, plutôt que de ressentir des mains qu'il avait oubliées sur lui. Ça revenait par petites vagues, où chaque souvenir en apportait d'autres, mais ils restaient lointains et impersonnels. Ça lui permit de ne pas pleurer, alors qu'il le voulait... Oh, ce qu'il aurait donné pour ne pas avoir été seul à ce moment-là !
Il ferma les yeux, fort, il voulait seulement dormir... Mais non, maintenant qu'il se rappelait, il ne pouvait pas échapper à la vision de ce garçon, plus vieux que lui, qu'il avait longtemps oublié. Il ne pouvait pas échapper non plus aux sensations qui revenaient, et qu'importe combien il les détestait, son corps y réagissait un peu trop positivement. Ça le dégoûtait, il voulait vomir, quitter sa peau et disparaître, c'était trop, trop, trop...
Il allait exploser, il fallait qu'il arrête, qu'il pense à autre chose, qu'il fasse autre chose, qu'il oublie si possible. Il rouvrit les yeux et se leva d'un coup, traversant la chambre vide comme une furie, rejoignant la salle de bain. Il avait tant transpiré, sans s'en rendre compte, et pourtant il avait terriblement froid.
Sylvain approcha de la cabine de douche, y fit couler l'eau froide, il hésita. Oh et puis merde, ça l'aiderait sûrement à penser à autre chose. Il se déshabilla et entra dans la cabine, laissant l'eau glacer laisser des traînées douloureuses sur sa peau. Ses muscles étaient bandés, il avait la chair de poule et toujours envie de pleurer, mais ça faisait du bien, alors il resta comme cela un moment, gardant la température glaciale.
Quand son corps lui fit trop mal, quand il fut trop fatigué de trembler, quand il manqua de tomber à cause de ses jambes trop faibles, il se décida enfin à faire couler de l'eau plus chaude à la place. Son esprit s'était posé, ses pensées avaient arrêté de courir partout, il pouvait enfin souffler alors que son corps se réchauffait et récupérait une couleur normale.
Les événements de la soirée se reproduisirent, pour son plus grand malheur, à des moments aléatoires de la journée, mais surtout la nuit. Quand Sylvain le pouvait, il allait prendre une douche glacée, pour que la douleur physique efface ses pensées. Il voulait le vide, la paix, mais sa mémoire venait de lui déclarer la guerre et il ne savait pas comment s'en sortir.
Pour les journées de torpeur, quand il était accompagné, souvent de Pierre ou d'autres personnes, Sylvain n'avait pas d'autre solution que de tout contenir. Il divaguait alors, n'écoutait plus rien, remarquait à peine les gens autour. Il savait qu'il les inquiétait, mais que pouvait-il y faire ? Il n'allait pas leur parler de ça...
Alors il resta seul au milieu de ses souvenirs, qu'il devait trier, étiqueter, déceler le vrai du faux. Il aurait peut-être dû s'atteler à s'en protéger, au lieu de se rendre si vulnérable par son exposition à leurs épines. Peut-être. C'était trop tard, un bout de lui était définitivement mort.
Une seule chose lui permettait de se sentir bien : la douleur. C'était la sensation la plus efficace pour lui remettre les pieds sur terre, et il la recherche de plus en plus souvent.
La douche froide n'était plus assez douloureuse ? Qu'à cela ne tienne, il pouvait tester l'autre côté du spectre des températures et se brûler la peau. Elle devenait rouge et, à certains endroits, gardait cette coloration plusieurs jours. Elle devenait plus sensible aussi, alors il était plus facile d'avoir mal.
Ça n'allait pas beaucoup plus loin que ses douches quotidiennes, au début. Mais voilà : ça ne marchait qu'un temps, ce n'était pas assez. Il avait passé vingt ans à oublier, il n'avait pas appris à vivre avec, il ne savait pas comment traiter les informations que sa mémoire lui envoyer. Par faiblesse, par destruction, il s'abandonna à toutes sortes de comportements désastreux...
Sylvain alimenta, sans le vouloir, les pensées malsaines. Il les nourrit à repenser à celui qui avait redébarqué dans son esprit, aux événements qui les avaient liés, la culpabilité augmentait proportionnellement au désir. Il se mit en quête de quelque chose de différent, qui répondait à plus de besoins que sa cabine de douche... Il se mit en quête de sexe. Il était célibataire, il pouvait bien faire ce qu'il voulait, non ? Alors il passa de plus en plus de temps sur les applications de rencontre, sans trouver son bonheur. Oh, il acceptait quand même les coups d'un soir, avec n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, mais ça l'ennuyait. Il ne le voulait pas vraiment, il se forçait, comme pour se punir.
L'alternative aux applications de rencontre était les lieux de rencontre. Par chance, à Paris, il y en avait plein. Beaucoup, partout, remplis d'un tas de gens venus chercher des choses similaires. Il en testa plusieurs, en s'y rendant régulièrement, en goûtant à tout sans jamais être rassasié. Mais plus il cherchait, plus il avait faim, c'était un cercle vicieux...
Son hypersexualité se développa sans que personne ne le voit pas. Pourtant, il parlait de la majorité de ses conquêtes à ses amis, mais c'était presque normal : bah oui, un homme célibataire, ça couche à droite à gauche, ça peut tout faire sans vouloir dire qu'il allait mal, ou qu'il était tout à coup une mauvaise personne. Sylvain aurait peut-être préféré qu'on le lui dise, qu'il était une mauvaise personne. Vu ses pensées, il aurait jugé ça vrai. Alors à force de vouloir l'entendre, il le devint.
Sylvain entra dans un bar bondé, un bar avec une mauvaise réputation, principalement peuplé d'hommes, un soir où ses pensées obsessionnelles avaient été particulièrement mauvaises avec lui. C'était une mauvaise idée, il devait se lever tôt le lendemain pour un tournage, mais ce n'était pas comme si sa tête allait le laissait tranquille. Non, il savait qu'il ne trouverait pas le sommeil, autant faire quelque chose de productif.
Il s'assit à une table, seul, bien en vue, et commanda un verre d'alcool. Il observait les gens autour, qui parlaient trop fort, qui étaient trop nombreux, qui l'observaient curieusement, tous. Ils savaient. Sylvain ne savait pas comment, mais tous savaient ce qu'il y avait derrière ses yeux innocents, et c'était l'exact opposé. Le verre servi, il le vida en deux ou trois gorgées, puis il attendit quelques minutes avant d'en consommer un second.
Quand il se leva de sa chaise, il titubait et se sentait plus léger. Il riait seul face à ses propres mouvements maladroits, essayant de sortir sans encombre, sans remarquer qu'il était suivi. Ou peut-être qu'il avait remarqué et qu'il s'en foutait.
En tout cas, il ne fut pas surpris quand il vit le même homme dans la rue, dans le métro, au pied de son immeuble... Il ne fut pas surpris non plus quand celui-ci le choppa d'une poigne ferme et douloureuse, tordant son bras. Il ferma les yeux et le laissa faire. C'est ça, le laisser faire, tout ira mieux...
C'était ce qu'il avait voulu, ce qu'il avait provoqué, il ne pouvait donc s'en prendre qu'à lui-même, n'est-ce pas ? Sylvain et son esprit malade, tordu, obsédé, qui n'en avait jamais assez et en demandait toujours plus. Il avait eu sa dose, là, non ? Eh non, il provoqua ces entrevues à nouveau, au même bar, avec le même homme, ne se rappelant plus de leurs activités bien souvent, ne récoltant que les séquelles sur sa peau.
Mais il cachait ces blessures. Il se disait que les autres ne comprendraient pas, que ses amis s'inquiéteraient trop pour rien, qu'ils contrôlaient parfaitement la situation. Evidemment qu'il contrôlait la situation, puisqu'il obtenait ce qu'il voulait. C'était bien là le signe qu'il contrôlait, que rien ne lui échappait.
Les hallucinations et les visions continuaient pourtant de le harceler. Sylvain avait espéré les faire disparaître, oublier à nouveau, remplacer les souvenirs par d'autres, tout aussi violents. Rien n'y faisait. Rien, rien, rien. Et lui, il désespérait...
Pierre commençait à voir les changements. Il remarquait les sursauts de son ami, quand il posa sa main sur lui. Il apercevait ses efforts pour cacher, cacher son corps et ses sentiments, lui qui était si ouvert.
Chaque fois, il insistait, élevait la voix, pressait le sujet, devant un Sylvain tout bonnement muet. Ça l'énervait au plus haut point, et il abandonnait souvent pour ne pas se retrouver à le disputer. Même s'il ne savait pas quelle mouche l'avait piquée, son ami ne méritait sûrement pas sa colère.
Mais comme toujours, il y eut la fois de trop. La fois où Pierre était fatigué, inquiet, la fois où, se trouvant chez Sylvain, il remarqua de nouveaux détails, des choses qui ne devaient pas être là. La trousse à pharmacie ouverte, l'antiseptique à portée de main à côté du savon, quelques gouttes de sang qui n'avaient pas été nettoyées...
Pierre sortit en trombe de la salle de bain, furieux. Il ne savait pas trop pourquoi. Sylvain s'était blessé récemment, alors quoi ? En quoi ça le regardait ? Mais il n'était pas con, il savait additionner deux et deux.
Il se retrouva dans le salon de son ami, qui sursauta en l'entendant arriver, lui qui l'attendait en traînant sur son téléphone.
« Tu m'as pas dit que tu t'étais blessé, l'accusa immédiatement Pierre. »
Le visage de Sylvain se décomposa. Il se redressa, les yeux hagards.
« Bah, euh, c'est rien en même temps, se défendit-il mollement. J'ai pas le droit ? Il faut absolument que je le dise à papa ?
-Tu sais très bien pourquoi je dis ça, Sylvain, répliqua Pierre d'un ton froid. Bordel, joue pas à ça avec moi, ça fait des semaines que j'essaye de savoir ce qui se passe et tu me dis rien !
-Mais y'a rien à savoir parce qu'il se passe rien ! Lâche-moi avec ça ! »
Il était définitivement sur la défensive.
D'habitude, Pierre en restait là, parce qu'il savait qu'il ne tirerait rien. Pas cette fois-ci, son inquiétude parla pour lui, sans filtre :
« Je vais pas te lâcher parce que je vois bien que ça va pas mais putain si tu me dis rien, ça va être dur de t'aider !
-Pourquoi tu veux m'aider, même ?! Tu t'es pris pour le sauveur ? Puisque je te dis que j'ai pas besoin d'aide, tu veux pas me faire confiance un peu ? Ou alors tu me prends vraiment pour un enfant. C'est ça, en fait... Mais t'es pas mon putain de daron, Pierre.
-Je suis pas ton daron mais je suis ton pote ! rétorqua le susnommé en élevant la voix. C'est toi qui fais l'enfant, là. C'est pas ma faute si tu joues à garder tes petits secrets de merde alors que moi j'ai peur ! Putain, je me chie dessus en me demandant ce qui va pas ! »
Il se stoppa enfin, essoufflé.
Les mots de Pierre commençaient à vraiment dépasser sa pensée. Il se stoppa, respira profondément pour se calmer, les yeux fermés, juste l'espace d'un instant... Puis il rouvrit les yeux et posa un regard déterminé sur Sylvain, qui était toujours assis, les muscles tendus, le regard lançant des éclairs.
« C'est où ? demanda Pierre tout à coup. Tu t'es blessé où ? »
Sous la surprise, Sylvain ne répondit pas tout de suite. Il baissa la tête et murmura :
« Dans le dos...
-Fais voir. »
Immédiatement, il approcha.
La réaction fut immédiate : Sylvain sursauta et se roula en boule, voulant empêcher son ami de soulever son t-shirt. Celui-ci ne l'entendit pas de cette oreille. D'une main, il retint ses bras, et il tira sur le tissu de l'autre.
Sylvain sentit la peau contre la sienne, les doigts qui glissèrent sous ses vêtements, pour chercher le pansement, la main contre sa hanche... Il éclata en sanglots. C'était plus fort que lui, c'était trop, il ne pouvait pas...
Il poussa Pierre beaucoup plus violemment, le frappant au niveau du ventre, avant de se rouler en boule à nouveau. Pierre recula soudainement, prêt à lui crier dessus pour qu'il se laisse faire. Il n'avait pas remarqué ses pleurs, jusqu'ici, mais il voyait maintenant son visage baigné de larmes. Sa colère redescendit d'un seul coup, l'étourdissant, laissant place à la culpabilité et à la honte. Il allait s'excuser, mais Sylvain le devança d'une petite voix :
« Casse-toi.
-Sylvain, je suis désolé, tenta Pierre. Je voulais juste—
-Casse-toi ! le coupa son interlocuteur avec plus de véhémence. Casse-toi de chez moi, Pierre. »
Sa voix se cassa, à cause des larmes et des sanglots. Il n'avait même plus l'air énervé, juste brisé.
Pierre s'approcha de lui, la main tendue, voulant l'enlacer, le rassurer, l'apaiser... Son geste eut l'effet contraire. Sylvain se braqua d'autant plus, fermant les yeux comme s'il appréhendait la suite, comme s'il allait être frappé, tout son corps se contractant pour se faire encore plus petit... Bordel, quelque chose clochait vraiment.
Comme il était plus proche, Pierre entendit d'ailleurs la litanie que répétait son ami, un mélange d'excuses et de supplications, tellement bas que les mots se distinguaient à peine les uns des autres.
Pierre tenta malgré tout un contact. Un sursaut, une explosion, voilà la réponse qu'il reçut. Sylvain frappa sa main et s'énerva encore :
« T'as pas entendu ? Casse-toi ! Tu fais pire que mieux... »
C'était déstabilisant, jamais il ne l'avait vu comme ça. En fait, il n'avait jamais vu personne réagir ainsi, être autant entre les pleurs et la colère, autant en détresse et fermé...
Il capitula. A quoi bon ? Si sa présence blessait son ami plus qu'autre chose, il valait mieux le laisser, qu'importe ses propres remords et sa culpabilité. Il récupéra ses affaires, essayant d'ignorer les sanglots qu'il entendait. Merde, il voulait pleurer lui aussi. Comment avait-il pu déraper autant et se déchaîner sur lui ? Mais il les fera, ses excuses. Il se le promettait. Et en bonne et due forme.
Sylvain pleura longtemps cet événement, même pendant les jours qui suivirent. Il avait été plongé dans une dissociation intense entrecoupée de douleurs, avant de devoir remettre son masque. Les jours avaient passé sans qu'il ne le remarque, le tournage suivant le prit de court.
Il se força à sourire à Pierre, à se détendre, à être bon et naturel. C'était de plus en plus dur, surtout qu'il voyait bien le regard de chien battu que lui lançait l'autre en permanence, avec ses yeux brillants, ses sourcils légèrement froncés et ses lèvres pincées. Parfois, il se surprenait à vouloir le frapper et crier à nouveau contre lui, une envie qu'il réprimait avec peine tant elle était obsédante.
Depuis leur dispute, Sylvain ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être, Pierre avait raison. Que c'était de la merde, plus insignifiant qu'il ne se le représentait, que peut-être ça ne s'était pas passé comme ça et qu'il inventait... Qu'il faisait l'enfant, quoi, à tout mélanger et voir les dangers plus grands qu'ils ne l'étaient en réalité. Il ne lui en voulait pas. De toute cette histoire, il ne pouvait en vouloir à personne.
Comme un malheur n'arrivait jamais seul, il apprit bientôt le décès d'un de ses grands-parents, qu'il communiqua rapidement à Pierre. Il fut incroyable pour le consoler, et Sylvain se rassura de parvenir à être touché de nouveau par lui.
Pendant qu'il pleurait dans ses bras, Sylvain lui annonça qu'il irait à Saint-Etienne prendre sa part de l'héritage et vider la maison. Immédiatement, Pierre lança :
« Je vais venir avec toi. »
Ce n'était pas une question. Sylvain rit doucement en reniflant.
« Tu seras mes bras, comme ça, blagua-t-il. Puis ton Range est plus grand.
-C'est ça, je serais ton sbire à ton service. »
Pierre sourit en le serrant contre lui. Il se sentait toujours mal pour la dispute précédente et le son du rire de son ami le rassurait profondément. Son contact, aussi. Il n'avait pas tout gâché.
Dans le mois qui suivit, donc, les deux hommes se retrouvèrent pour prendre la route de Saint-Etienne. Pierre récupéra Sylvain chez lui, le pauvre semblait crevé... Il le laissa dormir sur le chemin, ne le réveillant qu'à l'arrivée, où il lui donna le temps d'ouvrir les yeux et de s'étirer.
« Voilà. Tu veux entrer en premier ? »
Il prenait ses précautions, lui laissait de l'espace, comme son ami avait été à fleur de peau ces derniers temps.
« Non, viens avec moi, demanda Sylvain. »
Il posa son regard sur lui, suppliant et fatigué. Pierre ne pouvait qu'accepter.
« D'accord, bien sûr, répondit-il doucement en acquiesçant. »
Il se détacha alors.
Les deux hommes quittèrent le véhicule, mais Sylvain ne bougea pas. De la où il était, il voyait la maison des voisins, qu'il fixait avec un regard absent. Pierre s'approcha de lui comme il n'avançait pas et fronça les sourcils en suivant son regard.
« Il y a un problème ?
-Hein ? Non, rien. »
Comme si de rien n'était, Sylvain alla ouvrir la porte d'entrée.
Il avança doucement dans la maison, observant les pièces et visitant. Ça faisant longtemps qu'il n'y était pas allé, il regrettait un peu. Il passa dans le salon, dans la salle à manger, dans la cuisine, il monta les escaliers... Pierre le suivait de près, ne disant rien, attendant les autres pour savoir ce qu'ils allaient embarquer. Mais son ami semblait vouloir visiter, avant. Il n'était pas en droit d'interférer avec ce souhait. Il visita avec lui les chambres.
Puis ils descendirent ensemble. Enfin, Sylvain donna ses instructions, l'aidant quand il pouvait. C'était majoritairement Pierre qui faisait les allers-retours, malgré tout, pour que l'autre se concentre sur le mobilier et les bibelots.
Sylvain prenait son temps. Il observait les souvenirs avec nostalgie et montrait avec excitation les photos de lui et sa sœur enfants à Pierre, qui se foutait de sa gueule. Ils riaient bien. Jusqu'à une photo qui ne fit plus du tout rire Sylvain... Dessus se trouvait lui, enfant, entouré de son meilleur ami d'enfance et d'un autre garçon, bien plus grand, presqu'adulte. Ce dernier était accroupi entre les deux enfants, ses bras autour d'eux.
Le pauvre homme fixa la photo sans montrer d'émotion. En fait, il se sentait vide, hostile à la limite. Voilà un visage qu'il avait oublié, et il n'eut aucun mal à y associer un corps, des mains, des gestes, des mots, des souvenirs.
« C'est qui ? demanda Pierre avec curiosité. »
Il était debout derrière lui, très proche, la tête baissée vers ce que son ami regardait. Il tourna la tête vers lui, il avait bien remarqué son changement de comportement, le sourire disparu.
« Personne, mentit Sylvain. »
Et son interlocuteur ne dit rien, le tirant seulement pour l'éloigner de l'objet maudit, pour qu'il détache enfin son regard du visage inconnu.
Et la ronde reprit, sans commentaire si ce n'est le regard inquisiteur de Pierre sur l'autre homme, dont les mouvements étaient devenus semblables à ceux d'une machine. Il croisa les bras en l'observant fouiller une boîte. Il était tout concentré dessus, tout humain à nouveau, comme s'il avait oublié la photo. Mais il n'avait rien oublié.
Après le rez-de-chaussée, Pierre et Sylvain attaquèrent l'étage, réservant pour la fin la chambre qu'il avait partagé avec sa sœur. C'était rapide, malgré tout. Sylvain ne voulait pas récupérer tant de choses de ses grands-parents. Alors il ne resta qu'une pièce.
Sylvain poussa la porte avec un pincement au cœur. Cette chambre ressemblait à une autre chambre, à laquelle il ne voulait plus penser. Il y avait là deux lits contre deux murs opposés de la pièce, chacun ayant sa propre table de chevet, et sa lampe, et son tapis. Les draps étaient toujours faits, même s'ils n'avaient pas dû être changés depuis des années.
Un pas, deux pas, l'homme s'approcha du lit qu'il avait occupé. La nostalgie se fit plus forte ici : il n'était plus question de partager avec Pierre ses souvenirs d'enfance, mais d'en retrouver un pour lui-même. Une peluche grise – autrefois blanche sûrement – à l'effigie d'un lapin. Il lui manquait un œil et il s'effilochait, mais il était toujours parfaitement reconnaissable.
L'objet était si petit dans ses grandes mains d'adulte. Sylvain le tourna et le retourna, le contemplant sous toutes ses coutures sans rien dire. Il remarqua des traces de morsures au niveau des oreilles, et un peu de sang.
« Tu les bouffais tes doudous ou quoi ? blagua Pierre qui l'avait suivi. »
Il ne répondit pas, éloignant de son esprit la raison de ces morsures, continuant son observation méthodique.
Quand il n'y eut plus rien à observer, plus rien dont il fallait se souvenir, Sylvain laissa sa main tomber, la peluche au bout, la tenant comme un enfant.
« Je vais le prendre, commenta-t-il seulement.
-Pas de soucis. Autre chose ?
-Non, tu peux m'attendre à la voiture, j'arrive. »
Pierre acquiesça, un peu réticent à l'idée de le laisser seul. Il avait l'air d'en avoir besoin, en même temps, alors il abdiqua et le quitta.
L'escalier en bois grinça sous ses pieds, le même bruit qu'il y a vingt ans, comme une musique à ses oreilles. Il traversa ensuite le couloir, tourna dans le salon et sortit par la baie vitrée. Le jardin. Ils ne s'y étaient pas rendus comme il avait déjà été vidé.
Il avança sur la terrasse puis sur l'herbe, jusqu'au fond du jardin. Tiens, il restait une vieille table en plastique entre les hautes herbes qui n'avaient pas été coupées depuis deux ans sûrement. Il grimpa dessus, s'y assis en tailleurs, jetant un regard circulaire aux alentours d'où il était perché. Ses mains jouaient avec la peluche qu'il tenait toujours.
Puis ses yeux se stoppèrent. Par-dessus le muret qui séparaient le jardin de celui des voisins, il pouvait voir l'intérieur, qui n'avait pas tellement changé depuis la dernière fois qu'il y avait joué. Jouer. Il n'avait pas fait que ça, entre les arbres, il le savait. Il avait perdu bien plus que des billes...
L'envie de pleurer arriva sans prévenir, alors qu'elle s'était faite toute petite depuis le début de la matinée. Sylvain ne put la réprimer : il pleura silencieusement, le visage déformé par la tristesse, serrant contre sa poitrine ce qui l'avait tant aidé auparavant : le petit lapin en peluche.
Il se laissa tomber sur le côté, se roulant en boule encore une fois, ignorant la saleté qui d'habitude le dégoûtait. Il pleura là longtemps, si bien que Pierre s'en inquiéta. Il l'appela, Sylvain l'entendait crier son prénom au loin, mais sa voix se mélangea à celle de sa mémoire, une voix qui n'avait pas encore totalement muée ou qui était en train, une voix qu'il avait souvent entendue dans ce jardin...
Sylvain sentit une main dans ses cheveux. Elle était douce, aimante, il sourit en la sentant, même s'il pleurait encore.
« Tu me fais une place ? demanda Pierre. »
Entendre sa voix d'aussi près lui fit du bien. Elle parlait par-dessus l'autre, il les distinguait maintenant, et ça le rassurait.
Il leva la tête, laissa son ami s'asseoir, qui fit exprès de se caler à moitié sous lui. Sa main retrouva rapidement son crâne, caressant ses cheveux à nouveau. Il était plus à l'aise, comme ça, avec sa tête contre la cuisse de Pierre.
« Tu veux bien me dire ce qu'il se passe ? l'interrogea ce dernier. Je sais que j'ai dépassé les limites la dernière fois, je comprendrais si tu veux pas me le dire...
-Si je le dis à quelqu'un, ce serait toi, chuchota Sylvain d'une voix cassée. »
Son ami ne put s'empêcher de se sentir fier à ces mots. Il n'avait pas brisé sa confiance, il n'avait pas niqué leur amitié. Tout ira bien.
La main de Pierre continuait ses allers et venues dans les cheveux de l'autre homme, le calmant, essuyant ses larmes, attendant qu'il parle. Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi. Parfois, les pleurs redoublaient avant de se calmer à nouveau.
Quand il fut suffisamment apaisé et stable, capable de s'exprimer, il se mit à parler doucement, sans que l'autre homme ne l'interrompe :
« Quand j'étais petit, j'avais un meilleur pote. Tu le connais, je t'ai parlé de lui... Eh bah il avait un grand frère. Il avait au moins dix ans de plus que nous, du coup il s'occupait souvent de nous. Il venait nous chercher à l'école puis on allait à l'épicerie chercher un goûter. Il nous surveillait, jouait avec nous... »
Sylvain marqua une pause. Jouer. Encore ce mot qui sonnait si dur à ses oreilles. Pierre le laissa se taire comme il le laissa parler ensuite, sans cesser ses caresses :
« La première fois qu'il m'a touché, on était dans le jardin. Je jouais dans mon coin, je sais plus trop pourquoi, et le gars s'est approché. Il s'est assis à côté de moi et m'a posé plein de questions, mais elles étaient de plus en plus bizarres. A l'époque, j'ai pas compris le problème, alors je l'ai laissé faire quand il a mis sa main sur moi... »
La main de Pierre se stoppa un instant, puis reprit sa danse, plus tendre encore.
« Il m'a dit de rien dire, et moi je comprenais pas. Putain, je comprenais pas... Et, et—il m'a dit que sinon, il arrêterait. »
Sylvain se mordit la lèvre, retenant de nouvelles larmes.
« Je voulais pas qu'il arrête. Je me suis fait ça tout seul, je suis vraiment qu'un con... Mais, je sais pas, il me donnait de l'attention et... ça faisait du bien, tu vois ? Bordel, je sonne comme un pervers ! Je me souviens juste que je voulais pas que ça s'arrête, alors il a recommencé. Je savais pas du tout ce qu'il se passait... »
Et il se tut, pleurant à nouveau en silence.
Comme il ne parla pas pendant plusieurs minutes, Pierre prit la parole, la voix un peu étranglée :
« Tu avais quel âge ?
-Je sais plus trop, huit ans je crois... Mais ça a peut-être commencé avant. En CP ? Aucune idée, désolé... »
Son interlocuteur avait envie de pleurer aussi, maintenant.
Jamais Pierre n'avait soupçonné que son ami avait pu vivre ce genre d'abus. Ça le déchirait de savoir que quelqu'un avait pu lui faire du mal ainsi, alors qu'il était si jeune, innocent et vulnérable. Et surtout, ça lui donnait envie de retrouver ce gars et de le battre jusqu'au sang.
Il avait bien compris l'étendue de l'abus malgré les périphrases. En réaction, sa main s'était crispée, comme le reste de son corps à vrai dire, et sa respiration était devenue irrégulière. Mais il voulait laisser Sylvain parler et lui dire tout ce qu'il avait sur le cœur, avant de quitter cet endroit pour la dernière fois sûrement.
« Ça a duré combien de temps ? questionna-t-il en mesurant sa voix. »
Sylvain baissa le regard vers la peluche qu'il tenait toujours, réfléchissant.
« Plusieurs années, je crois ? J'en sais rien. C'est flou et j'ai l'impression que je me souviens pas de tout... J'ai commencé à me souvenir il y a deux mois environ, à cause d'un truc tout con qu'Arthur a dit.
-J'vais le défoncer, lâcha Pierre.
-C'est pas de sa faute, il pouvait pas savoir... »
Pierre secoua la tête, sa main quittant les cheveux de son ami pour se poser sur son épaule.
« Je parle pas de lui. »
Juste ça. Sylvain comprit et hocha la tête.
Lui avait du mal à le détester, parce qu'il l'avait trop aimé. Pourtant, vu la réaction de Pierre, il se doutait qu'il devrait être plus véhément, le détester et brûler son nom, mais c'était si compliqué... Il n'y arrivait tout simplement pas, qu'importe combien il essayait. Et ce n'était pas normal, hein ? Il faut détester les abuseurs, pas les aimer. Si seulement son cœur y mettait du sien, aussi...
Les deux hommes traînèrent là une dizaine de minutes encore, s'étreignant un peu plus. Pierre bougea doucement, brisant le moment à contre-cœur, passant une dernière fois sa main sur la joue de Sylvain pour en chasser les larmes.
« On va manger quelque chose ? Je suis affamé... »
Son ami hocha la tête. Il ne voulait plus parler, il était fatigué...
Ils retournèrent à la voiture, où Sylvain déposa sa peluche. Il l'installa à sa place, sous le regard légèrement amusé de l'autre homme. Il aurait pu l'être plus, s'il n'avait pas entendu son témoignage plutôt. Il se serait sûrement moqué aussi. Là, il n'en avait aucune envie, il voulait lui laisser ça.
Il y avait un restaurant ouvert dans le centre-ville, mais il était trop tard pour que les deux amis y déjeunent. Ils se rabattirent donc sur la solution de secours : trouver des sandwichs au supermarché du coin. Heureusement, il n'était pas très grand et ils trouvèrent vite leur bonheur, le moral remonté par leurs péripéties marchandes.
Une fois les sandwichs payés, Pierre et Sylvain sortirent du magasin et s'arrêtèrent en retrait, pour potentiellement trouver un endroit sympathique où déguster ces délicats mets Sodebo.
« Hey mais je me disais bien que je t'avais reconnu ! cria une voix derrière eux. »
L'homme d'à peine quarante ans marchait dans leur direction en faisant un signe de la main. Sylvain lui jeta un regard et se figea.
Ces yeux, ces lèvres, ce visage malgré la chevelure plus longue qui l'encadrait... Tout chez ce supposé inconnu mettait le jeune homme en alerte, ce que son ami remarqua bien.
« C'est qui ? chuchota-t-il en fixant l'homme.
-C'est lui, souffla Sylvain.
-Lui... répéta Pierre, confus, les sourcils froncés, avant de comprendre. Oh bordel, celui qui t'a... ? »
Un hochement de tête, très léger, et c'était suffisant pour que Pierre sente son sang bouillir. La colère monta si violemment qu'il en eut la nausée.
L'homme arriva à leur hauteur et tendit la main pour serrer celle de Sylvain, qui ne réagit pas. L'autre ne se démonta pas et parla à nouveau :
« Purée, ça fait longtemps que je t'ai pas vu, la dernière fois t'étais pas plus haut que ça ! »
Il montra une hauteur approximative avec sa main.
« Mais je vois que tu es devenu un beau jeune homme, poursuivit-il. Ton visage n'a pas changé... »
Il leva la main pour le toucher, mais Pierre réagit au quart de tour et lui attrapa fermement le poignet.
« Le touche pas, enfoiré. »
L'homme cligna des yeux, surpris, avant de glisser un regard vers Sylvain, comme pour obtenir confirmation. Celui-ci baissa les yeux d'un air coupable, incroyablement mal à l'aise.
« Lâche-le, Pierre, demanda-t-il doucement.
-Certainement pas, il mériterait que je le bute. »
L'homme repoussa Pierre, qui essayait de ne pas exploser parce que Sylvain était juste à côté. Oui, c'était juste pour Sylvain. S'il n'avait pas été là, ce gars serait déjà mort.
L'homme se recula de deux pas, ignorant Pierre pour reporter son attention sur Sylvain. Il avait l'air énervé à son tour.
« Tu lui as dit ? Bordel, Sylvain, je t'avais dit quoi ? »
Le susnommé ne répondit pas, il en était incapable. Il voulait juste pleurer, il n'aimait pas l'idée de l'avoir déçu.
Heureusement pour lui, Pierre n'avait aucun mal à remettre l'autre à sa place. Il fit un pas en avant, se plaçant entre son ami et son ennemi, le toisant d'un regard plus noir que Sylvain ne l'avait jamais vu.
« T'as rien à lui dire du tout, t'es qu'un putain de pédophile et t'as pas intérêt à poser tes mains de gros dégueulasse sur lui !
-C'est drôle, moi j'ai un tout autre souvenir de tout ça... Demande-lui ce qu'il faisait quand on arrivait à la maison. »
Derrière Pierre, Sylvain ferma les yeux, retenant à peine ses larmes. Il était étourdi par les accusations, d'autant plus qu'il savait qu'elles étaient vraies, qu'il avait parfois cherché son malheur. C'était l'idée ancrée dans sa tête, déformée par la culpabilité et l'affection qu'il portait toujours à cet homme, et ça lui faisait mal. Il avait presque envie de tout lui pardonner et de recommencer, là.
Pierre ne l'entendit pas de cette oreille. De son œil extérieur, le constat était simple, peut-être un peu trop : Sylvain était l'innocente victime et l'autre, le criminel. L'intéressé ne se trouvait pas du tout innocent, mais son ami comptait lui faire entendre raison. Cependant, il devait d'abord s'occuper du problème devant lui, qui continuait de jacasser :
« Il a pas toujours été comme ça, tu sais. Il n'était pas aussi timide... J'ai juste répondu, j'ai rien fait de mal, moi...
-C'était un putain d'enfant, bordel ! cria Pierre, ne se retenant plus. »
Il l'attrapa par le col, le soulevant légèrement. Immédiatement, l'homme attrapa ses mains et tira pour qu'il le lâche. En vain.
La poigne de Pierre était puissante, et il plaqua son corps contre le mur adjacent avec tellement de force qu'un craquement retentit, ainsi qu'une plainte étouffée. Tant mieux, se dit Pierre, ça devait continuer.
Sylvain ne réagissait pas. Il était trop sous le choc pour bouger, ou même regarder. Non, il ne voulait pas voir ça, ni même entendre. Il plaqua ses mains sur ses oreilles, tournant le dos à la scène, refusant d'en prendre connaissance. Comme si ça servait à quelque chose... Les images s'imposaient à son esprit quoiqu'il arrive, et c'était sûrement pire : d'autres visions les accompagnaient, celles de ses souvenirs.
Pierre ne se redressa que lorsque son opposant le supplia, affaibli par les coups. Il ne savait même plus combien il en avait asséné, ni même où. En fait, il n'avait aucun souvenir de ce qu'il venait de faire. C'était le vide dans son esprit, un immense trou noir. Tant mieux, sûrement.
« Si tu portes plainte, t'inquiète pas que ferais tout ce que je peux pour que tu payes vraiment, le menaça-t-il. Et j'en ai rien à battre si y'a prescription, je trouverai un moyen. »
Il se releva enfin, quand il sut que l'autre avait compris, et se tourna immédiatement vers Sylvain.
Il lui faisait toujours dos, n'avait pas bougé, figé dans sa dissociation. Pierre posa une main sur son épaule, doucement, malgré son sursaut.
« Allez viens, on y va, dit-il doucement en le guidant vers la voiture. »
Son ami retira ses mains de ses oreilles et rouvrit les yeux. Ses bras enlacèrent son propre corps, comme s'il se câlinait, alors qu'il tenait toujours le sac de victuailles. Il se laissa faire, le regard dans le vide.
Aucun des deux hommes ne parla sur le chemin. Pierre installa son ami sur la place du passager, prenant soin de retirer la peluche qui avait été déposée là. En la voyant, le visage de Sylvain s'illumina un peu et il se détendit doucement, incertain. Il leva ses deux mains, comme un enfant profondément triste réclamant son jouet. Pierre lui donna avec un petit sourire, rassuré, et alla s'asseoir lui-même à la place du conducteur.
Sylvain se tourna vers lui et grimaça. Il n'avait pas levé les yeux vers lui depuis qu'il avait tabassé cet homme – la pensée seule le rendait malade – et le tableau était plus misérable qu'il ne se l'était représenté.
« Pierre... murmura-t-il, attirant son attention. »
Il lâcha sa peluche qui tomba sur ses cuisses et attrapa les mains de Pierre. Elles étaient blessées, coupées par endroit et se couvrant peu à peu d'ecchymoses. Mais surtout, elles étaient couvertes de sang.
Immédiatement, Sylvain fouilla dans ses poches avec une certaine maladresse et sortit un paquet de mouchoirs. Il en tira un, le déchirant un peu, soupira, le déplia, se battit contre les plis... Finalement, il put essuyer les mains de son ami. Ami qui regardait fixement ce qu'il faisait.
Il ne s'était pas rendu compte des dégâts du combat contre son corps. Combat, oui. Maintenant qu'il reprenait ses esprits et que l'adrénaline quittait son corps, il sentait son visage et ses mains le brûler et son ventre comme écrasé. Tout lui faisait tellement mal, en fait.
Et Sylvain, si gentil, si bienveillant, s'occupait de ses blessures comme il le pouvait, avec son mouchoir tout déchiré et ses yeux humides.
« Je ressemble à quoi ? demanda Pierre que le silence angoissait. »
Son ami jeta un regard à son visage, à sa lèvre inférieure fendue, à sa pommette noircissant, au sang qui coulait sur son menton...
« A rien, répliqua Sylvain avec honnêteté. »
Il ne fit pas d'autres commentaires.
Ses mains tenaient avec une telle délicatesse celles blessées de son ami que celui-ci aurait bien pu fondre en larmes. Peut-être la culpabilité était-elle en train de monter. Pas pour cet homme, oh non, il ne regrettait rien à son encontre... Mais il culpabilisait pour Sylvain, qu'il n'avait pas pu protéger de la violence. Il se sentait nul, incapable, il avait l'impression que la douleur de son ami était impossible à éponger, mais il voulait quand même essayer. Pour l'instant, c'était lui qui épongeait le sang de ses mains, sang qui n'était pas toujours le sien.
Et le silence revint, toujours lui. Pierre le détestait, il voulait entendre la voix de son comparse, l'écouter parler comme si de rien n'était, comme si rien ne s'était passé... Mais Sylvain était ailleurs. Il y avait, dans ses gestes, dans ses yeux, dans sa voix, une douceur enfantine et presqu'innocente. Et ça tordait encore plus le cœur et les entrailles de Pierre, qui ne comprenait pas comment on avait pu faire du mal à cet homme et à l'enfant qu'il était autrefois.
Quand Sylvain eut fini avec les mains de son homologue, il tira un autre mouchoir, en faisant attention à ne pas le déchirer cette fois, et le passa sur sa lèvre. Le souffle de Pierre se coupa. Il ne s'attendait pas à ce geste, mais l'autre homme était concentré sur son activité et le remarqua à peine. Le contact avec le mouchoir le brûla d'autant plus, surtout lorsque son infirmier attitré appuya. Oh, ce n'était pas fort, mais la chair exposée n'apprécia pas le geste. Il grimaça, mais Sylvain n'arrêta pas. Il murmura seulement :
« Désolé... »
Un mot. Pierre avait obtenu de lui un mot prononcé spontanément, et il sauta sur l'occasion pour poursuivre la conversation, malgré la pression sur sa lèvre :
« C'est moi qui suis désolé, j'aurais dû réfléchir, j'aurais pas dû t'exposer à ça...
-J'ai rien vu, le rassura Sylvain. T'en fais pas...
-Non, je m'en fais Sylvain, parce que j'ai pas... »
Les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Pierre ferma les yeux une seconde à peine, repoussant les larmes, encore ces foutues larmes, mais il devait être fort et ne pas céder à ses émotions, pas encore une fois, pas devant Sylvain...
« J'ai pas réussi à te protéger. J'aurais dû. »
Et le silence à nouveau.
Sylvain retira doucement le tissu blanc de sa lèvre, maintenant imbibé de sang. Son regard était planté dans celui de son ami, qui avait du mal à le soutenir. Il tourna le mouchoir pour essuyer sa joue, penchant la tête sur le côté en suivant son propre geste du regard.
« S'il te plaît, Pierre, ne t'en veux pas. T'as fait ce que j'aurais jamais pu faire.
-J'avais la bonne motivation, répliqua-t-il d'un ton blasé. »
Sylvain soupira doucement. Il posa le mouchoir sur le tableau de bord et passa son pouce sur l'hématome qui apparaissait sur le visage vaillant de son ami. Celui-ci grimaça encore, sifflant de douleur, mais l'autre homme ne cessa pas de caresser sa peau tuméfiée pour autant.
« Alors ça dit quoi sur moi ? Je pourrais jamais lever la main sur lui... commenta-t-il. »
A son ton, Pierre comprit qu'il en avait gros sur le cœur. Il n'arrivait pas à comprendre. Comment ça, il ne voulait pas faire de mal à celui qui avait abusé de lui ? Il pressa le sujet :
« Pourquoi ? »
Il vit Sylvain se mordre l'intérieur des joues et les larmes lui monter.
Immédiatement, Pierre réagit : il se rapprocha, qu'importe ce qu'il y avait entre eux, et il le prit dans ses bras. La réaction immédiate de son ami fut de caler son visage contre sa poitrine, avant de répondre à voix basse :
« Je l'aime trop...
-Comment ça, tu l'aimes ? Mais Sylvain, il t'a—
-Je sais, le coupa-t-il. Bordel, je sais et je me sens mal. Ça dit quoi sur moi ? Je sais. Je suis pas une bonne—je suis pas une bonne victime parce que je ne suis pas en colère... Mais merde, il m'a appris à l'aimer, je peux pas envoyer valser ça comme ça. »
Et tout à coup, Pierre comprit. L'expression ''apprendre à aimer'' le toucha particulièrement. Il serra son ami plus fort, embrassa son crâne, et répondit d'un ton plus apaisé :
« Y'a pas à être une bonne ou une mauvaise victime. Ça existe pas, ça. J'ai... un peu de mal à comprendre parce que je suis pas à ta place mais... ça a du sens, ce que tu dis. Je suis désolé, je voulais pas sous-entendre...
-Arrête de t'excuser, putain. »
L'insulte avait été prononcée avec une telle tristesse que Pierre ne trouva pas matière à répondre. Il se tut, encore. Il se tut et il attendit que Sylvain aille mieux, caressant tendrement ses cheveux et son dos.
Il fallut de longues minutes au jeune homme pour aller mieux et pouvoir se détacher de l'autre. Il frotta son visage, essuya les larmes et la brûlure de ses yeux, la salive de sa bouche aussi. Pierre sortit pour lui un troisième mouchoir et lui tendit, il accepta le présent avec gratitude.
Après ces péripéties, les deux hommes pouvaient finalement manger. Ils n'avaient plus forcément très faim, l'un comme l'autre, mais ils ne se forcèrent pas non plus. Une indifférence. Voilà. Une indifférence au monde qui les entourait. Pour Pierre, elle s'opposait à la fureur et à la tendresse. Pour Sylvain, elle s'opposait à la tristesse et à l'affection, à la reconnaissance sûrement aussi.
Leurs sandwichs finis, Pierre démarra et se mit en route sans trop parler. Il voulait rentrer rapidement, s'occuper de ses blessures, s'occuper de Sylvain aussi. Le pauvre semblait épuisé, une bonne sieste pourrait lui faire du bien... Bref, il avait mieux à faire ailleurs, alors il ne traîna pas.
A côté de lui, Sylvain somnolait déjà, tenant dans ses bras son doudou. Il était roulé en boule sur son siège, le visage contre la portière, comme un enfant à cet âge où rien ne le dérange pour dormir. Pierre en était attendri et rassuré, il avait déjà l'air d'aller un peu mieux. C'était relatif, évidemment. Il le savait : ça n'irait pas mieux. En tout cas, pas comme avant. Il fallait qu'il l'accepte et que lui soit fort, pour ne pas abandonner Sylvain.
A la suite de cet épisode, Pierre se trouva d'autant plus protecteur avec Sylvain. Ce dernier le remarquait mais ne faisait aucun commentaire. Il aimait ça, ce sentiment de sécurité qui l'avait quitté quand il s'était rappelé, cette idée que quelqu'un, quelque part, ne lui voulait pas de mal. Il pouvait lui faire confiance, il le voulait de tout son cœur... mais c'était plus facile à dire qu'à faire.
Un soir que les deux hommes se trouvaient chez Pierre, bien deux jours après, pour que son ami dorme chez lui – la solitude lui pesait trop parfois et il avait besoin d'un peu de compagnie, d'une présence... Ce soir même, donc, Pierre avait laissé l'autre se changer dans sa chambre, l'attendant dans le salon, devant la télé.
Il oublia le temps, ne le voyant pas défiler. Au bout d'un moment, quand même, il se dit que Sylvain était là-dedans depuis un moment. Peut-être qu'il était de bon ton d'aller prendre des nouvelles.
Pierre se leva, marcha dans le couloir, en direction de la porte fermée de la chambre. Plus il approchait, plus clairs étaient les sanglots et ça lui brisait déjà le cœur. Il frappa, une fois, deux fois, attendit un peu... mais son ami ne lui répondit pas.
« Sylvain ? appela-t-il. »
Toujours rien, à part les larmes. Il ouvrit tout doucement la porte, sans regarder d'abord, on ne savait jamais. Puis il risqua un regard et poussa immédiatement la porte.
Là, sur le sol de la chambre, Sylvain était à genoux, recroquevillé sur lui-même, son dos nu contracté au rythme de ses sanglots. Sans attendre, Pierre se jeta au sol près de lui, posant une main sur son épaule. L'autre homme ne l'avait pas entendu entre et eut un violent sursaut, se redressant et se blottissant contre le mur derrière lui pour s'éloigner de l'intru.
Il mit du temps à reconnaître Pierre, mais quand ce fut le cas il explosa en larmes à nouveau, s'excusant encore et encore, tendant les bras vers lui. Son homologue ne se fit pas prier et le prit dans ses bras, passant sa main dans ses cheveux et le berçant doucement, avec des paroles rassurantes et des mots doux.
Après de longues minutes passées ainsi, Sylvain se calmait peu à peu, secouant doucement la tête contre le bras de son ami pour que ses lèvres s'y frotte. C'était rassurant, le mouvement répétitif, le contact, la chaleur de sa peau et la douceur de l'étreinte. Il se sentait en sécurité, il était en sécurité.
« Il s'est passé quoi ? demanda finalement Pierre en baissant le regard vers lui. »
Sylvain leva les yeux, un air candide, innocent sur le visage.
« J'ai senti ses mains... Là. »
Il pointa ses hanches, son ventre et... Pierre le serra plus fort, voulant s'excuser. Mais à quoi bon ? Ce n'était pas lui le responsable, et pourtant il se sentait coupable.
Un nouveau silence se prolongea entre eux. Sylvain multipliait les mouvements répétitifs, le regard dans le vide, ses mains agrippées au bras de son homologue. Il ne voulait pas qu'il parte, il ne voulait pas qu'il le laisse là, il se sentait si vulnérable... Un peu trop. Son esprit flottait étrangement, il voulait s'abandonner à la douceur et à la protection de Pierre, d'une façon qu'il n'avait jamais connue avant. Il n'osa pas le verbaliser pourtant – comment dire à son meilleur ami qu'on voulait qu'il parle comme s'il parlait à un enfant ?
Il ne savait pas, il ne savait plus rien... Alors il ne parla pas. Mais il n'en avait pas besoin : même sans comprendre l'étendue de cette emprise enfantine sur son ami, Pierre se doutait de son besoin de vulnérabilité. Il s'assit correctement, dos au mur, et le tira sur ses genoux, le serrant toujours contre lui. Une de ses mains retrouva son crâne et sa nuque, alors que l'autre caressait ses épaules. Il n'allait pas plus bas, vu ce que Sylvain venait de lui dire.
« Comment ça va ? Tu as besoin de quelque chose ? demanda Pierre à voix basse. »
Pour seule réponse, son locuteur fit lentement non de la tête, ses lèvres frottant contre le tissu du haut de Pierre. Mais ce dernier comprit qu'il communiquait, même si le mouvement était aussi rassurant pour lui.
« Tu es sûr ? Pas même ton doudou ? »
Sylvain se figea, puis leva le regard vers son ami.
Son expression était si différente de d'habitude, Pierre savait que quelque chose avait profondément changé sans pouvoir mettre le point sur quoi. Tant pis, il n'en avait pas besoin. Sylvain hocha la tête et se leva lui-même pour aller le chercher, se souvenant d'où il l'avait laissé. Il le fixait en revenant s'asseoir sur les jambes de son ami, se plaçant à nouveau contre lui. Puis il prit une des oreilles de l'animal en peluche entre ses dents, et mordit. Plusieurs fois, avant de relâcher. Des larmes se formaient à nouveau dans ses yeux innocents, que Pierre voulut essuyer.
« Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a un problème ? questionna-t-il. »
Sylvain lâcha l'oreille du lapin pour répondre verbalement, d'une petite voix, comme un enfant ayant fait quelque chose de mal :
« Je faisais ça quand il... quand je dormais chez mon ami. Il venait derrière moi. Alors je mordais ses oreilles. »
Il leva le doudou à hauteur des yeux de Pierre et lui montra les traces de morsures déjà existantes. Bordel, Pierre avait envie de pleurer aussi. Son nez le piquait, ses yeux brûlaient, sa gorge aussi. Non, être fort.
Il considéra l'objet, le prit même dans ses mains comme Sylvain lui tendait, le tournant et le retournant dans ses grandes mains d'adulte.
« Tu penses à quoi quand tu vois ce doudou ?
-A lui, avoua Sylvain en baissant le regard, jouant avec ses mains. »
Pierre réfléchit, vite, et proposa :
« Si je t'en prends un autre, tu voudras bien ? Ça te ferait plaisir ? »
Vu la façon dont les yeux de Sylvain s'étaient mis à briller, son ami savait qu'il avait vu juste et il ne put s'empêcher de sourire.
« Je t'en offrirai un alors. Pour l'instant, faut que tu finisses de te changer. »
L'autre homme se leva alors, comprenant le message. Il souriait maintenant, malgré ses joues mouillées. Pierre était fier d'avoir pu l'aider.
« Je vais te faire un chocolat chaud, l'informa-t-il avant de quitter la pièce. Tu me rejoins devant la télé ? »
Sylvain hocha la tête avec un rire nerveux et enfila le haut de son pyjama.
Quand il entra dans le salon, Pierre y était assis, les jambes croisées, une tasse fumante dans les mains. Sa jumelle, qui lui était destinée, se trouvait sur un plateau sur la table basse. Il récupéra donc ce breuvage avant de s'asseoir à côté de son ami, plutôt proche, leurs cuisses se touchant. Le contact avec l'autre l'apaisait, il en avait besoin. Pierre aussi, mais lui ne l'avouerait pas.
Au fur et à mesure de la soirée, Sylvain se blottissait contre l'autre homme, buvant son chocolat chaud par petite gorgée. Il riait parfois devant le programme qu'ils regardaient, tout son corps riait aussi : sa voix, ses épaules, son ventre, ses orteils... Il avait toujours été expressif, mais avait perdu son lâcher-prise dans les souvenirs. Pierre était profondément heureux de le voir revenir quand il était en sa présence.
Quand il eut fini sa tasse, il se pencha pour la reposer sur le plateau, faisant de même avec celle que son ami lui tendait, et reprit sa position. Il passa un bras autour de l'autre, comme si de rien n'était, comme s'il avait toujours fait ça. Son pouce allait et venait sur la peau nue du bras de Sylvain, de douces caresses dont ils ne parlaient jamais. Elles étaient venues comme ça, s'étaient imposées comme remède à la douleur. Ça leur allait très bien. C'était le plus simple.
Et puis, inévitablement, Sylvain s'endormit contre Pierre, sa tête tombant contre sa poitrine, roulé en boule. Son ami lui jetait des regards par moment, mais ne bougeait pas. Il voulait finir l'épisode qu'ils avaient entamé, alors il le laissait dormir contre lui.
En éteignant la télé, Pierre se demanda s'il ne pouvait pas porter son ami jusqu'au lit : c'était bête, mais Sylvain avait tant de mal à dormir qu'il ne voulait pas déranger son sommeil. Il se redressa alors, le laissant tomber de tout son long sur le canapé, et passa un bras derrière ses épaules, l'autre sous ses genoux. Il le souleva sans trop d'effort, ou en tout cas moins qu'il ne l'imaginait – avait-il encore maigri ? Il était impossible qu'il pesât plus de cinquante kilos.
Il le tint contre lui en marchant dans le couloir, faisant attention à ne pas le blesser. Il le sentit bouger, mais il ne se réveilla pas. Ouf, Pierre s'autorisa un léger soupir de soulagement en le déposant délicatement dans le lit, l'allongeant correctement. Il rabattit le drap sur lui et le borda, avant d'éteindre les lumières et de s'installer à côté de lui. Il s'endormit ainsi.
La sonnerie était trop forte, elle fit sursauter le jeune Sylvain sur son pupitre. L'heure de quitter l'école. Il regarda par la fenêtre, oubliant de ranger ses affaires, cherchant du regard une silhouette dans la foule des parents devant la grille.
« Allez, Sylvain, dépêche-toi de ranger tes affaires, on va encore t'attendre, le pressa son institutrice. »
Il tourna le regard vers elle, l'air perdu. Puis les mots s'enregistrèrent dans son esprit et il fourra ses crayons dans sa trousse, la ferma, et jeta tout ce dont il avait besoin dans son cartable. Il enfila son manteau de travers, serra son écharpe trop fort et mit son sac sur son dos.
Quand il passa devant la maîtresse, celle-ci s'agenouilla pour ajuster ses vêtements avec un petit sourire.
« C'est mieux comme ça. Qu'est-ce que tu as, ces derniers temps ? Tu es encore plus dans ton monde... »
Le petit garçon haussa les épaules tendit que la jeune femme se redressait. Elle prit sa main dans la sienne et fit avancer sa classe hors de la salle et vers la grille.
Arrivée devant, elle lâcha la main de Sylvain pour qu'il retrouve cet adolescent qui venait souvent le chercher – elle l'avait vu plusieurs fois maintenant. Mais le petit garçon se tourna vers elle avec une soudaine angoisse, suppliant :
« Je veux pas aller avec lui.
-Pourquoi ça, Sylvain ? demanda l'institutrice.
-J'aime pas ses mains. »
Pour le petit garçon qu'il était, ce qu'il disait avait beaucoup de sens, un sens lourd et qu'il peinait à avouer. Pour la maîtresse, ça ne voulait rien dire.
Elle rit et le poussa doucement, mais comme il ne bougeait pas, elle se pencha à sa taille et lui répondit :
« Ne sois pas ridicule, Sylvain, ce n'est pas une raison ça. Tu te méfies de lui, c'est ça ? Parce qu'il est plus grand et que tu ne le connais pas ? Il me semble que c'est le grand frère de ton ami, et tes parents lui font confiance. Alors tu peux lui faire confiance aussi, d'accord ? Il est là pour te protéger, pour que tu rentres chez toi en sécurité. »
Sylvain voulait pleurer. C'était ça, la sécurité ? Il n'en voulait pas, il préférait rentrer seul. La sonnerie retentit à nouveau. A neuf ans, il était assez grand, non ? Mais sa mère...
C'était sa mère qui appelait. Sylvain, à peine réveillé dans un lit qui n'était pas le sien, agressé par la lumière du téléphone, grogna. Pierre aussi, demandant d'une voix rauque :
« C'est qui ?
-Ma daronne, répondit Sylvain. »
Il se redressa en clignant des yeux plusieurs fois, se réveillant comme il pouvait. Son ami se tourna vers lui, inquiet.
« Mets en haut-parleur, lui intima-t-il alors qu'il décrochait. »
Il y eut un silence d'abord. Sylvain posa le téléphone sur sa cuisse, par-dessus le drap, et lança un timide :
« Allô ?
-Ah, Sylvain. Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé ? »
Le cœur battant, le susnommé fronça les sourcils. Sa mère avait l'air furieuse, et il ne comprenait pas pourquoi.
« De quoi ? Je comprends rien, maman...
-Pourquoi ton ami a tabassé le fils de Marjorie ? Le frère de ton copain de primaire, quand même ! Il s'était très bien occupé de toi, je ne comprends pas, je ne comprends pas ! Marjorie m'a appelée en larmes, il a dû aller à l'hôpital ! Tu as de la chance qu'il est vite sorti et qu'il ne va pas porter plainte, mais je lui dirais bien d'aller au commissariat, moi. »
Sylvain ne disait rien. Il était incapable de parler et se prenait toute la violence en pleine figure, comme une énorme claque. Pierre, à côté de lui, se redressa à son tour et l'enlaça, sans répondre à la mère de son ami. Ce n'était pas son rôle, elle ne savait même pas qu'il entendait la conversation.
Comme elle ne recevait pas de réponse, la femme au téléphone reprit, avec plus de véhémence encore et une pointe de déception dans la voix :
« Vraiment, se comporter comme des bêtes comme ça ! Déjà que tu ne viens pas voir tes vieux parents quand tu es de passage... Je ne t'ai pas élevé pour être un ingrat violent comme ça, moi ! Enfin, ce n'est pas toi qui l'as frappé, mais tu étais là quand même ! Il fallait l'arrêter, je ne t'ai pas appris à...
-Je suis désolé, maman, souffla Sylvain en retenant ses larmes.
-Non, non, non, ça n'a aucune valeur au téléphone. Viens nous voir, tu manques à ton père aussi, ajouta-t-elle avec douceur. »
Son fils lança un regard à son ami, qui le tenait toujours contre lui.
« Mais je viens de faire l'aller-retour, protesta-t-il.
-Et alors ? Tu n'as pas envie de faire la route pour nous ? C'est très grave, ce qu'il s'est passé. Si tu ne viens pas, je lui dirais de porter plainte. »
Sylvain paniqua, figé, son estomac se tordant d'angoisse.
Pierre prit les choses en main, caressant son crâne, lui murmurant :
« T'en fais pas, on va y aller et je vais parler, je vais m'expliquer mais je leur dirais rien, d'accord ? On trouvera quelque chose, mais je te promets qu'il ne t'arrivera rien... »
Sylvain hocha la tête et répondit donc à sa mère :
« D'accord. Je... je vais venir avec Pierre.
-On vous attend. Vous pourrez dormir à la maison, ajouta-t-elle sur le ton de la conversation. »
Et elle raccrocha.
Sylvain se blottit contre son ami, qui le serra plus fort et redoubla d'attention envers lui, surtout en sentant les soubresauts de ses sanglots.
« Bordel, je veux pas y retourner, geignit Sylvain.
-Je sais, mais je serais là, d'accord ? Ça va bien se passer, promis. »
Pierre embrassa son crâne. Ils étaient toujours dans le noir, mais il n'avait pas la force d'allumer la lumière actuellement.
L'autre homme attendit que ses pleurs, qui avaient éclatés si brusquement, se calment un peu avant de parler à nouveau :
« J'ai fait un rêve...
-Tu veux m'en parler ? murmura Pierre doucement. »
Sylvain hocha la tête.
« J'étais à l'école primaire et... je crois que c'est pas un rêve. Ça peut être un souvenir ? C'était la sortie des cours et je disais à ma maîtresse que je voulais pas repartir avec lui et elle m'a juste que c'était ridicule, qu'il fallait lui faire confiance parce qu'il était là pour assurer ma sécurité... Je me souviens pas des mots exacts, mais je sais que moi, je lui ai dit ''j'aime pas ses mains'' et elle s'est juste marrée. »
Le cœur de Pierre, déjà bien malmené par ses témoignages des derniers jours, se détacha de son ami pour croiser son regard. Il essuya les larmes sur ses joues.
« Si c'est un souvenir, quelle connasse. C'est faux, t'étais pas en sécurité avec lui, elle aurait dû comprendre que quelque chose tournait pas rond !
-Mais si je disais rien... protesta mollement Sylvain.
-Non, t'étais aussi explicite qu'un gamin pouvait l'être sans savoir ce qui se passait. T'as rien à te reprocher, putain. C'est lui qui a fait de la merde dans cette histoire, et les adultes autour de toi. Toi t'as rien fait, t'y es pour rien... »
Et il le serra à nouveau, le berçant. La colère et la culpabilité se mélangeaient, formant une boule dans sa gorge qui avala ses derniers mots. Il ne pouvait pas continuer sa tirade sans fondre en larmes, et il ne pouvait pas se le permettre alors que son ami pleurait déjà.
Les deux hommes restèrent longtemps enlacés en silence, jusqu'à être totalement calmés. Puis Pierre se tourna, alluma sa lampe de chevet, plaça ses lunettes sur son nez... Sylvain le regarda se lever et choisir ses vêtements, quittant la pièce pour se changer.
Il revint une fois habillé, portant une chemise rentrée dans une paire de jeans noire, pour prévenir son ami :
« Habille-toi, je vais préparer le petit-déj' et juste après on y va, d'accord ? »
Sylvain hocha la tête, lui souriant. Pierre sourit en retour et referma la porte derrière lui.
Une fois détourné de son ami, hors de sa vue, Pierre autorisa quelques larmes à couler. La situation n'était pas facile émotionnellement, il pouvait bien s'autoriser ça tant que Sylvain ne le voyait pas. Chaque pas qu'ils faisaient était plus douloureux que le précédent et il semblait que son passé ne voulait vraiment pas lâcher le pauvre homme... S'il ne s'était pas battu, peut-être qu'ils auraient eu la paix.
La réalisation de cette dernière affirmation, Pierre la subit comme un coup dans le ventre, en plein dans l'estomac, lui coupant le souffle. Il pinça ses lèvres pour essayer de réprimer les autres larmes, par peur de ne plus les contrôler.
Il se concentra donc sur la préparation du petit-déjeuner, qui occupa suffisamment son esprit si bien qu'il put ravaler ses pleurs. Il était alors en mode automatique, éloignant la culpabilité et la douleur de l'impuissance. Il ne pouvait rien faire d'autre qu'accompagner son ami, parce que le monde continuait toujours de tourner malgré eux. C'était injuste. Il voulait le mettre sur pause, que Sylvain puisse souffler et être en sécurité.
L'intéressé entra justement dans la pièce, habillé et coiffé, l'air profondément triste. Il avait encore pleuré, alors Pierre ne put s'empêcher de passer son bras autour de son corps et de le serrer contre lui, juste un instant, quelque seconde, caressant son dos. Sans un mot.
Les deux hommes s'installèrent et mangèrent en silence. Puis ils rangèrent en silence. Et enfin ils préparèrent leurs affaires en silence.
« Tout est prêt ? demanda finalement Pierre.
-Je crois, murmura Sylvain.
-Tu ne le prends pas ? »
Pierre fit un mouvement de tête en direction du doudou, qui trônait sur le lit. Son ami suivit son regard, puis secoua la tête :
« Je veux pas que mes parents...
-Je comprends, le rassura son interlocuteur comme il ne trouvait pas ses mots. On y va ? »
Et l'autre homme hocha la tête, se laissant guider vers la voiture.
De nouveau sur la route du sud. Les bouchons, les paysages monotones de l'autoroute, le temps trop long... Sylvain regardait par la fenêtre sans vraiment voir ce qu'il y avait dehors, chantonnant parfois d'une toute petite voix quand il reconnaissait les paroles d'une chanson à la radio. Il redoutait profondément la discussion à venir. Il voulait tout annuler, revenir en arrière, que tout ça ne se soit jamais passé... mais c'était trop tard. Trop tard et il s'en voulait. D'avoir laissé faire, d'avoir embarqué Pierre, d'avoir eu ces souvenirs qui reviennent.
Et puis une idée l'obsédait : l'autre s'était moqué de lui. Dès leur première interaction, après tant d'année, il avait repris le même comportement qu'avant, comme si ce n'était pas il y a quinze ans. Peut-être que son expression effrayée en le voyant y était pour quelque chose... S'était-il rendu compte qu'il se souvenait avant d'en avoir eu confirmation ? Qu'avait-il essayé de faire alors ? Le récupérer ? L'humilier ?
Pierre arrêta soudainement le véhicule. Son ami sursauta et se redressa, l'air tout perdu, avant de remarquer qu'ils se trouvaient dans une station-service.
« Je vais faire le plein, l'informa le conducteur en sortant du véhicule. »
Et il le laissa là, à attendre que ça se passe. Dissociant.
Sylvain sursauta à nouveau quand Pierre rouvrit la portière, s'installant, démarrant, roulant sur quelques mètres puis se garant. Il sortit à nouveau.
« Je reviens, je vais pisser, ajouta-t-il alors. Ça va ? »
Son ami hocha la tête sans répondre, s'étirant. Il changea de position dans son siège, se remettant droit.
Rassuré, Pierre partit en verrouillant le véhicule. Il se rendit aux toilettes de la station-service, mais au lieu de rejoindre tout de suite la voiture, il flâna dans les rayons. Oh, pas longtemps, juste le temps de trouver ce qu'il cherchait avant de passer à la caisse. Sylvain fronça les sourcils en le voyant revenir avec un sachet, mais lui ne dit rien et le déposa dans le coffre.
Enfin, il reprit sa place derrière le volant et reprit la route. Les deux hommes étaient maintenant proches de leur but, alors que l'après-midi commençait. Ils n'avaient pas mangé, tant pis, ils n'avaient pas faim de toute façon. L'appréhension leur tordait le ventre, mieux valait en finir vite.
Cette fois-ci, en arrivant dans la ville, Pierre prit la direction de la maison d'enfance de son ami. Celui-ci n'avait pas beaucoup bougé, si ce n'était pour ses tics nerveux, ni parlé du reste du trajet. Franchement, le conducteur le comprenait. Lui aussi était incroyablement nerveux.
Il se gara sur le trottoir, devant la maison, et sortit de la voiture. Sylvain, lui, ne bougeait pas. Prostré dans son siège, il ne voulait pas bouger. Il ne voulait pas voir ses parents, qui l'obligeraient sûrement à aller s'excuser devant son abuseur. Il ne voulait pas.
Pierre le remarqua. Il fit le tour du véhicule et ouvrit la portière du côté passager pour que son ami sorte. Ce qu'il ne fit pas. Alors il s'accroupit, pour être à sa hauteur, et dit doucement :
« Qu'est-ce qu'il y a ?
-Je veux repartir. Je veux pas y aller, chuchota Sylvain avec une moue, comme un enfant profondément contrarié. »
L'autre homme soupira, fermant les yeux un instant. Il ne savait pas quoi lui dire pour le faire sortir, parce que tout ça était complètement injuste et qu'il voulait repartir lui aussi. Mais c'était nécessaire.
Il leva la main, doucement, la tendit vers son interlocuteur, attendant qu'il la prenne. Le moment était délicat et il se doutait que le toucher sans permission aggraverait les choses. Sylvain observa sa main, le regard vide, puis leva le regard, croisant le sien. Il vit son sourire, sa tendresse, la sécurité... alors il prit sa main avec un petit sourire.
« Je suis là et je vais pas te lâcher. Et s'il faut, je nous ferais partir, t'auras même pas besoin de me le demander. Tu seras pas seul face à eux. »
Pierre le tira doucement, accompagnant ses gestes tandis qu'il sortait du véhicule.
Dans son attitude, on voyait bien qu'il était différent : il avait les yeux hagards, une moue constante, des tics nerveux et un comportement global enfantin. Pierre, surtout, le remarqua, ce qui le contrariait : quand Sylvain était dans ce genre d'espace mental, où il semblait revivre une enfance dont il se souvenait à peine, il était plus vulnérable. Ce n'était pas vraiment le moment de l'être... Mais Pierre ne dit rien et, d'une main sur la nuque de son homologue, il le guida vers la porte d'entrée. Il frappa, même, après un hochement de tête de la part de l'autre, une confirmation silencieuse.
Les parents de Sylvain ouvrirent rapidement et, si le père était chaleureux et heureux de voir son fils, la mère, elle, avait tout de la froideur de la glace. Elle n'embrassa même pas son fils et le poussa seulement dans le salon où il se figea.
Pierre, qui avait été séparé de lui par les embrassades, dut attendre que les Levy rejoignent leurs places dans la pièce pour voir ce qui avait provoqué le saisissement de son ami. Et il ne fut pas déçu : là, devant eux, assis sur le canapé, se trouvait le gars qu'il avait tabassé quelques jours plus tôt, la gueule encore tuméfiée. Pour oser se présenter ainsi devant eux, il mériterait bien un deuxième tour, se dit-il tandis que ses poings se serraient.
Il n'eut pas le temps de réagir quand l'homme se leva et salua Sylvain d'une manière évidemment provocante, sans en paraître. Il l'embrassa sur le front, alors que le pauvre ne pouvait toujours pas bouger. Pierre, au comble de l'énervement, refusa la main tendue et passa devant Sylvain pour pouvoir s'asseoir entre lui et l'homme, au lieu de le laisser proche de lui une seconde de plus.
« Ce n'est pas très poli... Pierre, c'est ça ? provoqua à nouveau l'homme.
-Ah, pardon, j'ai blessé ton ego ? Je pensais que c'était déjà fait, vu ta gueule, râla le susnommé.
-Pierre ! le rappela à l'ordre madame Levy. »
Il croisa les bras, s'inclinant contre le dossier, les sourcils froncés et le regard dur.
Les traces du combat étaient encore visibles sur son visage : un hématome, quelques croutes à l'arcade, à la lèvre et au nez, et un œil rougi d'avoir eu ses vaisseaux sanguins éclater. Tous ces vestiges que Sylvain regardait avec tendresse quand ils se voyaient, et qu'il touchait du bout des doigts en continuant de le soigner depuis. Mais ça restait bien plus léger que l'odieux, qui avait des points de suture et des marques plus impressionnantes.
Comme personne n'était décidé à parler, madame Levy se lança dans une longue tirade sur le respect de l'autre, sur le pacifisme, sur la discussion comme solution des conflits... alors même qu'elle ne savait rien de la raison. Pierre n'écoutait que d'une oreille distraite en toisant l'homme à sa droite, Sylvain était incapable de prêter la moindre attention au monde qui l'entourait, bref, elle parlait dans le vide.
Un mot, pourtant, attira l'attention de Pierre : elle ne s'adressait plus à son fils à présent mais à lui. Elle avait sûrement remarqué que c'était inutile.
« Désolé mais moi, je regrette pas ce que je fais. C'était justifié, mais je ne m'étendrai pas sur la raison parce que c'est pas à moi d'en parler, et Sylvain n'est pas prêt.
-Pourtant je pensais que tu m'aimais bien, Sylvain. Qu'est-ce qui a changé ? demanda l'homme d'un air triste. »
Bordel, quel comédien, pensa Pierre avant d'exploser :
« Peut-être qu'il s'est rendu compte que t'es un putain d'enfoiré ! »
Et bien sûr, l'insulte et le ton ne plurent pas à madame Levy, qui haussa le ton à son tour contre Pierre, si bien que les deux se disputaient plus qu'autre chose.
Sylvain n'en pouvait plus des cris, des reproches, de la culpabilité, il avait besoin d'air. En croisant le regard de son père, qui semblait comprendre sa détresse, il prit la résolution de se lever et d'aller dans la cuisine, où les éclats de voix étaient moindres. Il y fit les cent pas, pour se calmer, pour éviter de pleurer. Il devait tenir encore un peu, jusqu'à ce que la dispute s'achève, jusqu'à ce que l'autre parte...
Mais l'autre n'était jamais loin, justement. L'homme entra dans la cuisine à son tour, les mains dans les poches de son jean. Il approchait de la quarantaine, mais les cicatrices encore fraîches sur son visage accentuaient le gris de ses cheveux : il en paraissait cinquante.
Sylvain lui jeta un regard apeuré, se recroquevillant dans un coin de la cuisine. Pourtant, il n'eut pas le cœur de le repousser quand l'homme lui prit les mains doucement, avec un sourire, l'attirant jusqu'à la table de la cuisine. Il le fit asseoir et s'assit devant lui, en travers de sa chaise. Et le pauvre Sylvain ne savait plus quoi penser...
L'homme avait gardé une de ses mains dans la sienne, la caressant doucement. Le geste était tendre, rassurant, et envoyait une pointe de culpabilité tordre l'estomac de son cadet. Sylvain fixait leurs mains jointes, la bouche close. Son regard se reporta sur le visage de l'autre quand il parla :
« Tu m'as manqué, tu sais. Ça fait quoi, un peu moins de vingt ans qu'on s'était pas revu ? »
Il leva sa main libre vers le visage de Sylvain et caressa sa joue, souriant de plus belle au mouvement qu'il eut, qui essayait sans grande conviction de s'éloigner tout en fermant les yeux.
« T'as beaucoup changé, tu sais. Je t'ai à peine reconnu, devant le supermarché, poursuivit l'homme. Mais t'es toujours aussi beau. Je t'ai manqué ? »
Son pouce caressa la pommette de Sylvain, qui se faisait violence pour ne pas pleurer.
Sylvain, d'ailleurs, rouvrit les yeux et le regarda en silence, juste un instant, se rappelant de son visage d'adolescent qui hantait ses nuits et ses jours. Sa gorge se serra, mais il répondit malgré tout :
« Oui. Je sais pas pourquoi.
-Moi, je pense avoir une petite idée, se moqua l'homme. »
Et, sans prévenir, il approcha son visage de son homologue qui ne pouvait pas s'échapper.
Il l'embrassa. Malgré la douleur, Sylvain répondit au baiser, qui dura une poignée de secondes. Suffisamment pour qu'il se souvienne avec plus de vivacité des sensations d'antan. Et même quand ils se séparèrent, il sentait la pression des lèvres de l'autre sur les siennes. Les larmes coulaient maintenant, il ne pouvait pas les arrêter, et l'homme les sécha dans toute sa tendresse déplacée. Sylvain savait que c'était mal, que Pierre lui en voudrait, peut-être qu'il s'énerverait contre lui-même, mais il était trop faible, trop sensible pour résister.
Et puis sans prévenir, une tornade grondante entra dans la pièce, hurlant des inepties à l'encontre de l'homme, l'attrapant par le col pour le tirer vers l'arrière, le faisant tomber. Sylvain, sous le choc, ne put que regarder Pierre tenter de relever l'homme pour lui hurler dessus.
Rapidement, monsieur Levy calma la dispute et fit sortir l'intrus de la maison, s'excusant à peine, claquant la porte derrière lui. A nouveau, la dispute entre Pierre et madame Levy éclata, mais cette fois-ci le père s'imposa.
« Bon, on va reprendre de zéro, dans le salon. »
Et il guida sa femme dans la bonne direction, tandis que Pierre s'approchait de Sylvain.
« Ça va ? Il t'a rien fait ? s'inquiéta-t-il. »
Mais comme il ne reçut pas de réponse, il se doute que si.
« On en parlera ce soir, d'accord ? proposa-t-il doucement, le tenant par les bras. Il est plus là, c'est plus que nous quatre, tout va bien se passer maintenant. »
Sylvain voulut lui répondre qu'il était convaincu que non, mais Pierre le coupa en le serrant contre lui, l'apaisant avec ses caresses et ses mots doux. Etrangement, c'était différent des attentions de l'autre, et le pauvre homme en avait terriblement besoin...
Tous les quatre se retrouvèrent à nouveau dans le salon, assis sur leurs canapés ou fauteuils respectifs. Madame Levy se tenait toute droite, toisant son fils et son ami, alors que son mari était appuyé sur ses genoux, penché en avant. C'était lui qui menait la discussion, maintenant :
« On aurait dû commencer par ça : qu'est-ce qu'il s'est passé avec lui ? »
Pierre tourna la tête vers son homologue, assis juste à côté de lui. Il fixait ses mains, tordant ses doigts sans être capable de parler, les yeux brillants de larmes.
« Il nous a provoqué, lança alors Pierre. Il est venu et s'est mis à complimenter Sylvain et...
-Mais c'est bien, ça, de se faire complimenter, intervint madame Levy. »
Pierre se tut, cherchant une réponse qui ne mettrait pas à mal son ami, mais il ne trouvait rien.
Il n'en eut pas besoin, finalement. Sylvain bougea, se redressant un peu, croisant ses jambes, lâchant ses mains. Il renifla et, d'une toute petite voix, il dit :
« Vous vous souvenez quand il me gardait ?
-Bien sûr, il l'a fait jusqu'à la sixième, après tu disais que tu étais assez grand pour rester seul, commenta son père. Ça nous a bien aidé, d'ailleurs.
-Il me touchait. »
Le silence s'abattit comme une masse. Monsieur Levy s'affaissa, ne comprenant pas d'abord. Pierre tendit la main pour la poser sur le genou de l'autre homme en signe de soutien, pour l'apaiser. Il s'était mis à trembler.
Quelques secondes s'écoulèrent. Madame Levy n'avait pas bougé, son expression avait à peine changé, elle ne parla pas. Son mari, lui, sentait la colère monter.
« Comment ça ? Qu'est-ce que tu es en train de nous dire, Sylvain ?
-Il me touchait. Il faisait pas que ça, mais... J'ai commencé à m'en rappeler y'a plus d'un mois et depuis... Je sais pas quoi faire, papa, je voulais pas... »
Il était difficile de suivre le fil de ses mots. Pierre comprenait, bien sûr, il savait déjà, mais les parents... Sauf que Sylvain pleurait maintenant, il avait de plus en plus de mal à parler.
« Je sais pas quoi faire, répéta-t-il. J'en ai marre de sentir ses putains de main comme si j'avais toujours dix ans... »
Immédiatement, monsieur Levy se leva en jurant contre celui qui avait fait ça à son fils et rejoignit son fils, posant une main dans son dos, le tirant contre lui pour le serrer dans ses bras.
« Je vais le tuer. Je te jure que je vais le tuer, répétait-il. Bordel, on lui faisait confiance et... »
Il ne finit pas sa phrase, embrassant son enfant à la place. Il allait finir par devenir vraiment grossier.
La seule qui n'avait pas encore parlé était madame Levy. Celle-ci trouva opportun d'intervenir à ce moment-là, choisissant un autre angle que son mari pour prendre la nouvelle : le déni.
« Tu es sûr de ce que tu dis ?
-Chérie, enfin ! Tu peux pas douter de lui, quand même ?! s'indigna le père.
-Je ne doute pas de lui ! se défendit-elle. Je me demande juste s'il n'a pas mal interprété des gestes, ou... ou s'il se souvient bien. Des fois, le cerveau pète un câble comme ça et...
-Je suis sûr, maman, la coupa Sylvain qui pleurait toujours. Putain, même lui sait ce qu'il a fait ! »
Pierre redoubla de caresses et d'attention envers lui, comme il tremblait plus fort, et son père aussi.
Son ami se tourna vers madame Levy, essayant de calmer son énervement contre elle – mais c'était si dur, il voulait juste lui crier ses quatre vérités.
« C'est pour ça que je me suis battu contre lui, madame. Sylvain venait de m'avouer ce qui s'était passé et lui, il est arrivé, il l'a complimenté avec son air d'enfoiré... J'ai pas pu me retenir, et je ne regrette rien. Enfin, à part la présence de Sylvain...
-Mais c'est des accusations graves ! s'exclama son interlocutrice. Tu vas pas porter plainte, quand même ?
-Oh, et ce qu'il a fait, c'est pas grave peut-être ? s'énerva son mari tandis que Sylvain secouait la tête. »
Alors la dame leva les mains en signe de reddition, se levant pour quitter la pièce.
« Moi j'arrête là, ça me dépasse. Je pose juste des questions pour comprendre et—
-Mais qu'est-ce que tu racontes ?! Tu vois pas que tu l'enfonces ? répliqua son mari en s'éloignant de son fils. »
Il se planta devant elle pendant qu'iels se disputaient, ce que Sylvain détestait. Il couvrit ses oreilles, se blottissant contre Pierre qui l'accueillit un instant avec des caresses tendres, bien que crispées.
Mais il ne pouvait pas laisser passer ça. Il fallait que ça cesse, il était épuisé, et Sylvain aussi. Surtout Sylvain, d'ailleurs. Il était fier de lui, d'avoir eu le courage d'avouer, et fier du père de son ami qui avait eu la bonne réaction. Sa mère, en revanche... Il ne pouvait pas laisser passer ça, alors il intervint :
« On devrait arrêter là, y'a rien de bon qui sort. On va partir avec Sylvain...
-Vous ne restez pas ? demanda monsieur Levy. On a prévu les chambres, en haut... Promis, on n'abordera pas le sujet, ajouta-t-il en lançant un regard sombre à sa femme. »
Elle l'ignora et quitta enfin la pièce.
Pierre se tourna vers Sylvain, lui demandant son avis d'un regard, tacitement. Le jeune homme hocha doucement la tête, faisant le bonheur de son père qui retourna l'enlacer avec un sourire.
« Ca va aller, maintenant, lui murmura-t-il. Pierre... ?
-Je vais m'occuper de lui, acquiesça-t-il, comprenant la demande qui lui était faite. On va aller dans la chambre, ça lui fera du bien. »
Le père hocha la tête et les laissa partir. Lui allait devoir échanger quelques mots avec sa femme.
Pierre posa les sacs sur le sol, même le sachet de la station-service. Il jeta un regard à son ami, allongé dans son lit, tourné vers le mur et résolument silencieux. Il n'avait pas prononcé un mot depuis la fin de la discussion, ce qui inquiétait l'autre homme. Mais il le laissa un moment, lui donnant de l'espace, pour qu'il puisse respirer après l'étouffante révélation.
A la place, Pierre visita la chambre, observant les bibelots, la décoration sur les murs, tout ce qu'avait amassé Sylvain dans son enfance et son adolescence. Il avait déjà vue cette chambre auparavant, mais pas avec le même intérêt pour les détails qu'aujourd'hui. Il s'assit au bureau, balaya la surface soigneusement rangée du regard... La pièce ne semblait pas avoir changé depuis que le jeune homme l'avait quittée, si ce n'est qu'elle n'était plus habitée.
Après de longues minutes de contemplation, un bruit derrière lui attira l'attention de Pierre, qui fit pivoter la chaise pour faire face à Sylvain. Ce dernier s'était tourné et le regardait avec de petits yeux empreints de tristesse et d'épuisement. Pierre pinça ses lèvres en le voyant, ayant pitié.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? murmura Sylvain. Je suis pas un chiot abandonné. »
Son ami rit doucement et secoua la tête.
« Non, mais t'as une tête de chien battu depuis tout à l'heure, se justifia-t-il. »
Il se leva et en deux pas il rejoignit le lit, s'asseyant sur le bord. Immédiatement, Sylvain se redressa pour le laisser s'asseoir au fond et posa sa tête sur ses cuisses.
« Je veux bien ne pas te traiter comme un chiot abandonné, mais si tu continues de te comporter comme ça, je vais pas pouvoir m'en empêcher, se moqua Pierre. »
Son interlocuteur attrapa sa main et la posa sur son propre crâne avec autorité.
« Tais-toi, tu dis n'importe quoi. »
Et Pierre rit à nouveau.
Il commença à passer sa main dans ses cheveux, doucement, comme une vieille habitude. Pourtant, ils n'avaient jamais été aussi proche physiquement et intimement que depuis que Pierre savait. Le changement avait été immédiat, comme si protéger son ami était devenu une seconde nature, une nécessité. Bon, peut-être que ça ne changeait pas tant que ça de son admiration constante et de l'amitié qu'il lui portait.
Sylvain ferma les yeux sous les caresses, sentant enfin son cœur s'apaiser. Il n'avait pas voulu réclamer le contact avant et il regrettait un peu : il n'y avait rien qui pût mieux le calmer.
« J'me sens bizarre, avoua-t-il.
-Comment ça ? demanda Pierre, qui n'était pas sûr de comprendre.
-J'sais pas. J'ai... Comme si je flotte. Et j'veux... j'veux pas être adulte. J'veux être un enfant... »
Il murmura la dernière phrase avec une certaine appréhension. C'était étrange à dire, et pourtant vrai : ce n'était pas la première fois qu'il ressentait ça.
« T'as besoin de quelque chose ? questionna son ami. »
Il ne pouvait pas comprendre, il le savait : ça ne l'empêchait pas de l'aider. Et pour ça, il fallait connaître ses besoins. Quoi de mieux que de demander ?
Sylvain se tut un instant. Il ne réfléchissait pas, il hésitait. Et l'autre homme le sentait, alors il ajouta :
« Promis, je vais pas me moquer, ni juger.
-Tu peux t'occuper de moi ? »
La demande était surprenante. Enfin, pas tant que ça, considérant les derniers jours, mais quand même. Pierre garda un moment sa main en suspens en réfléchissant au sens de ces mots, dans leur contexte. Et puis ses yeux se posèrent sur le sachet qui trônait sur le sol devant eux.
« Je crois que j'ai exactement ce qu'il te faut. Tu peux te redresser ? »
Sylvain obéit, fronçant les sourcils, questionnant l'autre homme du regard.
Pierre se leva, penché le plus possible en avant pour attraper le sachet, duquel il sortit une grande peluche, plus grande que le lapin que Sylvain avait laissé chez lui, à l'image d'un mouton. Il sourit en entendant l'exclamation surprise de son ami et lui donna, l'observant le serrer dans ses bras avec joie.
« Merci Pierre, lança-t-il avec plus d'enthousiasme en l'enlaçant. »
Ils se câlinèrent avant de se caler côte à côte contre le mur, leurs jambes en travers du lit.
Sylvain changea d'attitude avec le doudou, jouant avec, un petit sourire aux lèvres. Son ami l'observait avec un peu de fierté – il n'était pas sûr que son cadeau plaise. Mais, en passant devant dans le magasin, il n'avait pas pu s'empêcher de se dire que c'était nécessaire. Et il avait eu raison, vu l'expression épanouie du jeune homme qui ne cessait de caresser la fausse laine du mouton en l'agitant parfois.
Plusieurs dizaines de minutes passèrent dans un silence comblé, les deux hommes étant tous les deux ravis de passer ce moment ensemble. Et puis Sylvain sembla revenir à lui, peu à peu. Son visage se ferma et il préféra tenir la peluche contre sa poitrine plutôt que de jouer. Il se redressa également, l'air sérieux.
« Il m'a embrassé, avoua-t-il. »
Décidément, il devait faire nombre d'aveux ces derniers temps. Même s'il n'avait pas de mal à parler de ses émotions, c'était compliqué.
La bouche de son homologue s'entrouvrit, puis se referma, une expression de colère peignant ses traits. Ce n'était pas du tout ce que Sylvain voulait, alors il posa une main sur son bras en signe d'apaisement et ajouta :
« Je veux plus le voir. J'y ai pensé, quand il m'a parlé, et le baiser m'a retourné le cerveau, et puis t'es arrivé et tu l'as éloigné et... Je veux pas de lui. J'en veux plus dans ma vie. Mais je te veux toi... »
Pierre préféra se concentrer sur la dernière phrase et s'étonna immédiatement :
« Comment ça, tu me veux moi ? »
Il croisa le regard de son interlocuteur, brillant de larmes à nouveau, pourtant elles ne coulèrent pas. Le jeune homme hésita à nouveau, cherchant ses mots, la bonne formulation...
Et puis il abandonna. Il ne voulait pas s'embêter à trouver la perfection après tout ce qu'il avait vécu depuis un mois. Il voulait la paix, la sécurité que lui offrait Pierre, et peut-être plus.
Il abandonna, et à la place, il se hissa jusqu'au visage de l'autre homme et déposa un baiser sur sa joue, espérant qu'il comprenne.
Il ne comprit pas, l'air perdu face au geste de son ami. Pas grave. Il réessaya, posant une main sur sa joue pour tourner son visage, de manière à ce que ses lèvres effleurent les siennes. Il espérait que le contact efface le baiser précédent, si douloureux. Il n'osait pas coller ses lèvres, cependant.
Heureusement, cette fois-ci, Pierre comprit le message et approfondit le contact doucement, passant ses bras autour de son amant. Il n'était pas certain, il ne savait pas si c'était une bonne chose, mais il ne pouvait pas dire non à son ami quand son cœur allait dans la même direction, il ne pouvait pas le repousser. Alors il l'embrassa, sans aller plus loin, sans chercher la langueur ni la passion, juste de la tendresse : c'était déjà bien suffisant.
Et les deux hommes s'embrassèrent ainsi un moment. Quand leurs bouches ne se rencontraient plus, ils se serraient l'un contre l'autre, mais ce n'était pas pour longtemps – Sylvain était exigeant. Si Pierre devait s'occuper de lui ainsi, ce serait bien doux.
Au bout d'un moment, ils cessèrent, se tenant seulement, allongés dans le lit, le plut petit affalé sur le plus grand. Le premier s'endormait doucement sous les caresses du second, qui traînait sur son téléphone d'une main. Ce n'était pas le plus pratique, mais il avait déjà essayé de lâcher Sylvain et il ne recommencerait pas.
Un cri réveilla Sylvain. Oh, pas méchant, mais il sursauta malgré tout et grogna, n'aimant pas se faire réveiller. Pierre rit sous lui, amusé par sa réaction.
« Qu'est-ce qu'il a dit, mon daron ? demanda l'autre homme en se frottant le visage pour se réveiller.
-On mange. Tu veux y aller ? »
Son interlocuteur y réfléchit, le regard dans le vide, avant de donner sa décision avec un petit hochement de tête.
« Ouais. J'ai super faim. J'espère juste que...
-Si elle dit quelque chose, on prend nos assiettes et on se casse dans la chambre, rétorqua Pierre avec un sourire. »
Son ami lui sourit en retour en se redressant.
Pierre ne le laissa pas aller bien loin, cependant. Il suivit son geste pour lui voler un baiser, ce qui acheva de le réveiller et élargit son sourire. Parfait, ils étaient prêts à descendre et à se confronter de nouveau aux parents Levy.
Les deux hommes descendirent les escaliers l'un derrière l'autre et saluèrent leurs aînés. L'ambiance était déjà meilleure, bien que l'ombre des non-dits et des remontrances pesaient dans les regards. Toustes s'installèrent à table, devant un plat de pâtes bolognaise. Un plat simple qui devait mettre tout le monde d'accord.
Le silence planait pendant que chacun était servi, alors Pierre se décida à lancer un sujet banal : il mentionna le karting et immédiatement, le père Levy suivit et entraîna son fils dans la discussion, en lui parlant des compétitions. Ça avait été, pendant l'enfance de Sylvain, un moment exclusivement réservé à leur relation père-fils, donc un moment heureux. Le jeune homme participa donc à la discussion avec joie, et même parfois sa mère commentait timidement sur cette période, ses victoires, et celle plus récente en F4.
Finalement, le repas s'était bien passé et aucun commentaire n'avait été fait sur les révélations de l'après-midi. Pierre et Sylvain saluèrent les parents de ce dernier avant de monter et, tour à tour, de faire un saut à la salle de bain pour se doucher et se changer.
Mais, quand Pierre traversa le couloir pour rejoindre l'ancienne chambre de la sœur Levy, quand il passa devant la porte de son ami, celle-ci s'ouvrit, comme s'il avait attendu qu'il passe.
« Tout va bien, Levy ? s'inquiéta Pierre en voyant la mine de son homologue.
-Tu peux venir ? Genre... Passer la nuit... précisa le susnommé.
-Avec toi ? interrogea-t-il, pour être sûr. »
Sylvain hocha la tête et ouvrit la porte en grand pour le laisser rentrer.
Pierre rit doucement et obéit, ne trouva pas d'objection à la demande plutôt raisonnable de son ami, qui était même devenu bien plus avant sa sieste impromptue. Il se tourna vers lui, un brin moqueur.
« T'as peur du noir ?
-Ta gueule. Si tu continues, je te renvoie, râla Sylvain en s'allongeant sous la couette. »
L'autre homme le rejoignit sans trop s'approcher, mais Sylvain n'était pas du même avis : il se blottit contre lui, à nouveau affalé, sur sa poitrine et son côté droit.
Piégé, Pierre ne pouvait pas bouger. Il se laissa faire, passant son bras autour des épaules de l'autre. Un silence, puis il demanda :
« Tu attends quoi de moi ? »
La question était importante et lourde de sens, et Sylvain ne savait pas quoi répondre. Que voulait-il de lui ? Il ne savait même pas.
« Que tu restes avec moi, tenta le jeune homme, sans trop savoir où il allait. C'est tellement le bordel dans ma vie en ce moment, j'ai juste besoin d'un truc stable auquel me raccrocher quand ça va pas. Et en ce moment, c'est souvent le cas... Et t'es le plus doué pour me calmer, je sais pas comment tu fais, t'as toujours les mots. Alors je veux pas que tu me lâches. Et je veux pas que tu arrêtes de m'aimer. »
La dernière déclaration surprit Pierre, qui n'avait jamais posé de mots sur ses sentiments auprès de son locuteur. C'était logique, pourtant, si on observait bien son comportement des derniers jours et surtout, surtout, de cet après-midi, des baisers échangés.
Sylvain enlaça l'autre homme et le serra, un peu trop fort peut-être, plus que de raison... Mais ce geste ne venait qu'affirmer ce qu'il venait de dire, de lui demander. Il eut le mérite de le sortir de sa torpeur. Enfin, Pierre répondit :
« Je vais pas te lâcher, Sylvain... Je te le promets, je vais pas te lâcher. Et on va traverser ça ensemble, ok ?
-Même quand ce sera fini, tu vas rester ? demanda avec une grande candeur le susnommé. »
Pierre soupira, parce que la réponse n'était pas aussi simple. Il n'y avait pas d'avant, de pendant et d'après, il n'y avait qu'un avant et un pendant.
« Je ne sais pas si ça va se finir, tu sais. Si on est réaliste... tu vas pas pouvoir oublier encore ce qu'il s'est passé, expliqua-t-il. Et je suppose que du coup, je vais rester jusqu'au bout. »
Malgré la tristesse de la tirade, Sylvain sourit largement et l'embrassa.
Ils n'avaient rien d'autre à se dire, certainement pas après tous les mots échangés ce jour-là. Il ne leur restait plus qu'à s'endormir et ce fut ce qu'ils firent, Sylvain serrant son nouveau doudou en même tant que son nouveau petit-ami – deux événements heureux pendant une journée orageuse. Et malgré tout, ils passèrent une bonne nuit.
Les deux hommes rentrèrent sur Paris. Malgré l'insistance de Pierre, Sylvain retourna chez lui, dans son appartement, parce qu'il ne voulait pas que ses propres problèmes prennent trop de place dans la vie de son ami – il en avait déjà assez fait à ce sujet. Et l'autre céda, avec inquiétude, posant sur son interlocuteur un regard profondément triste et soucieux mais impuissant. Les bras ballants, Pierre observa Sylvain quitter sa maison et rentrer chez lui.
L'appartement était vide. Ce n'était pas étonnant, Sylvain vivait seul, n'avait pas d'animal de compagnie, et n'avait pas d'autre copain que Pierre, avec qui il venait tout juste de se mettre en couple. C'était paradoxal : il avait besoin d'espace, de s'éloigner par peur d'étouffer celui qui l'aidait pourtant au quotidien, mais il se sentait trop seul pour aller bien de lui-même. Il avait besoin de lui...
Non, il ne céderait pas. Pierre faisait déjà bien assez pour lui, au point de s'être mis en danger aux yeux de la loi, même si la bagarre avait plutôt relevé d'une erreur. D'un désastre.
Sylvain repensait aux mots de sa mère, sa propre mère, qui semait le doute dans son esprit et sur ses souvenirs, qui osait le remettre en question. Il avait mal. Rien ne serait plus jamais pareil avec ses parents. Rien ne serait plus jamais pareil partout... Pourquoi ? Pourquoi lui ?
Il pleura longuement dans le noir, retenant des cris dans sa gorge, la tordant pour faire passer le nœud, serrant son propre corps. Il ne cessa que lorsqu'entre deux hoquets, il posa le regard sur le doudou que lui avait offert Pierre, qui se trouvait de l'autre côté du lit. Il rampa tout à coup pour s'en saisir et sécha ses larmes dans sa laine.
Puis il se leva, vidé, il se leva et marcha comme un somnambule, le regard dans le vide, les mains se balançant sans but, il marcha vers la salle de bain, y entra, ferma à clé derrière lui, c'était ridicule, il était seul ! Il était seul mais il avait peur, et il détestait que cette peur provoque en lui une vague de chaleur. Il détestait ce qu'il pensait, les images invoquées par son esprit, une torture, que ça cesse !
Qu'il ne pense plus à la douche qu'il prit ce soir-là, trop longue, trop honteuse, trop plaisante. Il détestait tout ça. Il en sortit en se sentant à nouveau lui-même, mais souillé. Tant pis. La sensation du tissu de son pyjama glissant sur sa peau n'effaça pas le vice. Tant pis.
Il croisa son propre regard dans le miroir, l'espace d'un instant, et s'en détourna presque immédiatement. Le poing serré contre sa poitrine, il s'empêcha de frapper la surface réfléchissante, quittant la pièce à la place. Il se retrouva de nouveau dans la chambre et s'allongea sous la couette, attendant que le sommeil vienne le chercher.
Ses yeux restaient pourtant résolument ouverts, tandis qu'il serrait son doudou contre lui. Un bruit soudain le fit sursauter : son téléphone venait de vibrer. Il se retourna, l'attrapa et l'alluma, plissant les yeux à cause de la lumière, pour y lire le nom de Pierre. Immédiatement, il le déverrouilla et lut :
« J'espère que tout va bien, appelle-moi si tu as besoin. Bonne nuit. »
Accompagné d'un emoji lune, le message le fit sourire. Au moins un peu. Il y répondit simplement puis reposa l'appareil sur sa table de chevet, fermant les yeux pour dormir.
Mais rien n'y faisait. Dès qu'il fermait les yeux, une alarme se déclenchait dans son cerveau, lui ordonnant de rester sur ses gardes, de se préparer à un contact inévitable... qui ne venait pas. Il rouvrit les yeux. Fixa droit devant lui. Rien. Il était seul. Il voulait Pierre. Il essaya de les refermer à nouveau ; la panique monta. Il se redressa d'un coup, regardant autour de lui, et fondit en larmes. Il ne retint pas ses coups quand il frappa la pauvre peluche à ses côtés, comme ça, pour rien. Il n'avait pas besoin de raison, seulement d'écouter son corps et son corps voulait la violence. Alors il frappa.
Ses bras s'épuisèrent vite. Il était fatigué, il n'avait pas envie de se battre contre sa tête. Il se saisit de son téléphone avant même de se rendre compte de ce qu'il faisait et appela Pierre, toujours en pleurs, hoquetant encore quand l'autre homme décrocha.
« Sylvain ? Ça va ? T'as besoin que je vienne ? »
Seuls des sanglots lui répondirent. Sylvain entendit des bruits de mouvement, un juron murmuré...
« Merde, laisse-moi enfiler un truc et prendre la moto et j'arrive, ok ?
-Non, répliqua enfin le pauvre homme, la gorge nouée. Viens pas, t'as—t'as déjà trop... »
Il ne put finir sa phrase à cause des pleurs, mais son interlocuteur comprit plus ou moins.
« Hey, loulou, si t'as besoin de moi, c'est pas un souci. Je viendrai. T'as besoin d'aide, je peux t'aider, alors je le fais. Te le refuse pas, s'il te plaît, tu me déranges pas...
-Pourquoi ça tombe sur—sur moi putain ! »
Sylvain jeta le téléphone plus loin sur le matelas et ne put retenir un cri de frustration. Son petit-ami essayait de lui parler, à l'autre bout du fil, en vain.
Agenouillé parmi les draps, l'homme continua de pleurer sans s'arrêter, hyperventilant, baignant ses joues, ses mains, son doudou et son oreiller. Parfois, il lançait des questions rhétoriques, à l'intention de Pierre, du ciel, de la nuit, de personne, il ne savait plus à qui s'adresser. Il perdait totalement pied avec la réalité, son corps parcouru de fourmillements désagréables, se tétanisant peu à peu. La douleur ne parvenait même pas à le ramener sur terre.
Les bras de Pierre, en revanche, eurent un bien meilleur effet. Son amant ne l'avait pas entendu entrer et avait sursauter au contact soudain, craignant une agression, puis il comprit. Il était en sécurité. Pierre était venu, il était là, il le serrer dans ses bras par-derrière et le monde sembla aller bien, au moins un tout petit peu. Il tournait dans le bon sens.
Sylvain ne bougea pas pour autant. Il ne pouvait pas, à cause de la tétanie qui prenait ses mains, sa poitrine, sa mâchoire, il avait du mal à parler et à respirer et ne pouvait pas le communiquer à Pierre. Mais celui-ci comprit. Doucement, il se mit à caresser ses avant-bras, remontant avec lenteur vers ses mains pour les masser sans appuyer, pour ne pas le blesser. D'une voix basse, profondément tendre, un murmure si aimant que tout se détendit chez son auditeur, il parla :
« Je suis là, loulou. Y'a que moi ici. Je suis là. Tu peux te détendre, laisse-toi faire, regarde... »
D'une main sur sa poitrine, qu'il massa aussi, il appuya pour que son dos touche sa propre poitrine, pour qu'il s'appuie contre lui, sans s'arrêter de parler :
« Voilà, t'es bien là ? Je sais que ça fait mal, on y travaille, ça va aller mieux. Tu peux ouvrir tes mains ? Oui, comme ça. Je vais pas te lâcher. Je suis là et je vais pas bouger. Tu peux même dormir là si ça te chante. Enfin, faudrait peut-être que je m'allonge aussi. Hey, hey, loulou, regarde-moi ? Merde, ta mâchoire aussi, c'est ça. Je vais m'en occuper, attends. »
Sylvain avait basculé la tête en arrière et contemplait son copain de ses yeux brillants, la mâchoire bloquée, sa main gauche serrant obstinément celle de l'autre homme. Il faisait nuit, mais il arrivait à deviner ses traits.
Doucement, la main droite de Pierre quitta sa poitrine, déjà soulagée, pour caresser sa mâchoire. Il chercha le muscle de son pouce, avant d'appuyer, tout en faisant attention. Le reste de ses doigts s'enroulèrent sous son visage, le long de sa gorge, sous le lobe et jusque dans ses cheveux.
« Voilà, souffla-t-il. C'est mieux, là ? Ça fonctionne ?
-Oui, chuchota Sylvain d'une voix cassée. J'suis désolé.
-Y'a pas de mal, Sylvain. T'as fait exactement ce que je t'ai dit, m'appeler si t'avais besoin d'aide, alors je devrais plutôt te dire merci. T'as bien fait. Puis on est mieux comme ça, non ? A deux. »
Il lui sourit, même s'ils se distinguaient à peine.
Sylvain resta silencieux un moment, fermant les yeux pour profiter des caresses. Ses muscles étaient détendus, maintenant, mais la douleur de la tétanie persistait. La peau de Pierre sur la sienne guérissait ses plaies pourtant, il se sentait heureux.
« Je t'ai pas réveillé ? demanda-t-il sans bouger. »
Les caresses sur sa main se stoppèrent le temps d'une seconde, puis reprirent.
« Si, répliqua honnêtement Pierre. Mais c'est pas grave, je m'en fiche, je préfère être avec toi. »
Il était horriblement sincère, et ça fit rater un battement au cœur de son pauvre interlocuteur. Il rit amèrement et lâcha d'un ton sarcastique :
« Je comprends pas pourquoi. Tout ce que je fais c'est pleurer et te parler d'un mec qui me touchait quand j'étais gamin. Bordel. »
Ses sourcils se froncèrent alors qu'il avait toujours les yeux fermés. Son nez le piquait, il allait pleurer de nouveau.
Pierre se contenta de le serrer plus fort, de redoubler de réconfort, tout son être peiné par la brutalité de ses mots. Oh, ce n'était pas bien brutal, par rapport à la réalité des faits, mais Sylvain n'avait encore jamais employé ces mots, n'avait jamais décrit la chose d'une telle façon, l'abus. Il embrassa sa joue, doucement, puis y colla la sienne. Il sourit en sentant son petit-ami tourner doucement la tête dans un sens puis dans l'autre, frottant sa peau contre sa barbe.
« T'aimes bien ? le taquina-t-il.
-Oui, répondit l'autre homme, mais je comprends toujours pas pourquoi tu préfères être avec moi. Tu gâches ton temps.
-C'est drôle, c'est ce qu'on me disait quand j'ai commencé à faire des vidéos avec toi. Faut croire que j'aime bien gâcher mon temps avec toi depuis cinq ans... »
Pierre rit. C'était la vérité : que ce soit du temps gâché ou non, il l'appréciait parce qu'il le passait en compagnie de Sylvain. C'était tout ce qu'il lui fallait.
Sylvain sentit une nouvelle chaleur se propager dans son corps, plus clémente que celle qui avait souillé sa douche plus tôt, une sensation parfaite. Être aimé, recevoir soin et tendresse, inconditionnellement, cela valait plus que n'importe quelle autre relation. Voilà enfin quelque chose de pur, dans tout ce que ça avait de dérangé, entre traumatisme et guérison. Une larme roula sur sa joue, de joie, et il demanda d'une toute petite voix :
« Tu peux le répéter ? »
Pierre sourit à nouveau. Bien sûr. Evidemment. Quelle question ? Il le répéterait jusqu'au lever du soleil s'il le fallait.
« J'adore gâcher mon temps avec toi. C'est pas gâché, je passe toujours un bon moment avec toi, ça me fait du bien, pourquoi je m'en priverai ? »
Il se pencha sur lui, embrassant à plusieurs reprises son visage et son cou, le faisant ouvrir les yeux et éclater de rire.
Sylvain se redressa, comme pour lui échapper, mais son amant suivit le mouvement si bien qu'ils se retrouvèrent allongés l'un sur l'autre, Pierre au-dessus, qui volait baiser sur baiser à l'autre homme.
« Je pourrais rester tout le temps avec toi. Laisse-moi rester. Je veux te faire te sentir bien, je veux... Je t'aime, Sylvain. Putain que je t'aime et ça me rend fou que je puisse pas tout régler comme ça...
-Tais-toi, le coupa Sylvain, comme il commençait à s'égarer. »
Et ils s'embrassèrent encore. Sylvain passa ses bras autour du coup de son compagnon, ses mains serrant son crâne, le forçant à rester près de lui – non pas que Pierre comptait s'éloigner, au contraire.
Les baisers s'allongèrent, se multiplièrent, les caresses aussi. C'était bon, parfait même. Sylvain ne regrettait pas d'avoir appelé l'autre à l'aide, pas du tout même. Il en avait besoin, de cet amour sain, correct, qui remettait sa tête sur le droit chemin quand elle ne voulait que s'égarer sur des chemins tortueux. Il avait besoin de Pierre, de sa chaleur, de son inépuisable tendresse malgré les apparences, de ses blagues pas toujours au bon moment qui savaient toujours le faire rire, de ce regard, de ces mains, de ces lèvres, d'être aimé. Par lui. Vraiment.
Sylvain se réveilla au milieu de la matinée sans aucun souvenir de s'être endormi. Il était blotti dans son coin, sa peluche dans les bras, mais en ouvrant les yeux il vit Pierre. L'homme était toujours allongé dans le lit, bien qu'un peu éloigné les yeux fixés sur son téléphone. Non, remarqua Sylvain, ce n'était pas son propre téléphone qu'il tenait mais le sien. Il tendit la main pour la poser sur l'avant-bras de son compagnon.
« Il se passe quoi ? demanda-t-il d'une voix à peine réveillée, ses petits yeux endormis, plissés, le fixant.
-Ta mère a envoyé trois mille messages depuis ce matin, répondit Pierre d'un ton soucieux. »
Il était concentré sur l'écran, les sourcils froncés, jouant avec sa barbe du bout des doigts.
Petit à petit, Sylvain se rapprocha de son petit-ami et passa son bras autour de son ventre, posant sa tête contre son flanc. Il se mit à caresser le flanc opposé de sa main.
« Elle dit quoi ? s'inquiéta-t-il sans trop le laisser paraître.
-J'ai lu en diagonale, mais pour moi elle a l'air de s'excuser à moitié. »
Une hésitation, puis Pierre demanda :
« Tu veux lire ?
-Pas maintenant. Je te fais confiance, lui assura son interlocuteur. Tu peux les lire, toi, si tu veux. Pas besoin de lire en diagonale. »
L'autre hocha la tête en scrollant à nouveau vers le début des messages, pour les lire plus attentivement.
Au fil de sa lecture, Pierre lu à voix haute certains messages qu'il trouvait plus intéressants, moins douloureux. Il y avait un mélange de culpabilité, de victimisation, de reproches, beaucoup d'incompréhension et trop peu d'empathie. Il n'aimait pas ça, et pour cette raison il épargnait à son amant la plupart des mots, les sélectionnant soigneusement.
Quand il eut fini, sa main tomba sur le crâne d'un Sylvain bien silencieux. Ses doigts passèrent entre ses mèches, le caressant. Il verrouilla le téléphone et le déposa sur la table de chevet, sa deuxième main courant le long du bras de l'autre homme, le frottant dans un geste rassurant.
« Ça va ? s'inquiéta-t-il à force de silence.
-Je sais pas, avoua Sylvain. Je suis perdu. Je comprends pas pourquoi elle... pourquoi elle me dit ça. Pourquoi elle prend son parti plus que le mien. C'est ma mère, elle...
-Elle est dans le déni, affirma Pierre d'une voix calme et posée. Enfin, c'est ce qu'on pense avec ton père. On en a discuté avant le départ et il s'est encore excusé... Il est entièrement de ton côté, pour le coup. Mais ta mère... c'est plus compliqué parce qu'elle veut pas croire que c'est vrai. Mais merde, c'est pas une raison pour te dire tout ça alors que tu dois déjà te battre avec le reste... »
Il soupira.
Baissant la tête vers le petit être blotti contre lui, leurs regards se croisèrent alors que celui-ci levait les yeux. Un regard fatigué, un peu triste, un peu nostalgique... La main de Pierre dans ses cheveux glissa sur sa joue pour la caresser du pouce.
« D'un côté, je comprends ce qu'elle ressent, lança Pierre. Je culpabilise aussi alors que j'étais même pas là. Juste... c'est presque confortable de pouvoir nier. Elle t'a pas vu comme je t'ai vu, elle a même pas entendu tout ce que tu m'as dit.
-Je peux pas nier, moi, se plaignit son interlocuteur. Pas faute d'avoir essayé... »
Il ferma les yeux et blottit son visage contre le t-shirt de son petit-ami. Il était déjà terriblement fatigué de la journée.
Pierre resta là à le caresser de longues minutes encore. Ils en avaient tous les deux besoin, de toute façon. Il le touchait doucement, avec attention, lui souriant même s'il ne le voyait pas. La tendresse du moment ne fut rompue que par un grondement d'estomac, et Sylvain afficha une mine hilare mais coupable, retenant un rire.
« Dites-donc m'sieur Levy, vous auriez pas un petit peu faim par hasard ? demanda son compagnon.
-Je vois pas de quoi tu parles. Vraiment pas. »
Il rouvrit les yeux et lui lança un regard malicieux. Pierre le poussa sans y mettre trop de force.
« Allez, laisse moi me lever, que je prépare un petit déjeuner.
-Tu sais comment me parler ! s'enthousiasma son interlocuteur en se redressant. »
Un rire, et l'autre homme quitta la pièce, seulement vêtu de son t-shirt et de ses sous-vêtements, ayant retiré son jean pour la nuit.
Sylvain soupira une fois seul dans la chambre. Assis en tailleur sur le lit, l'unique présence de Pierre dans son appartement l'apaisait. Il se sentait tellement plus calme, plus stable que la veille. Après quelques secondes à fixer le vide, juste pour apprécier pleinement ce sentiment de sécurité, il se leva et ouvrit le volet de la chambre, pour y faire entrer la lumière. Puis il rejoignit son petit-ami dans la cuisine, ce dernier étant en train de fouiller les tiroirs.
« T'as besoin d'aide ? demanda-t-il avec amusement en le voyant tourner en rond.
-Ouais, tu les mets où tes tasses ? répliqua Pierre en fouillant les placards en hauteur. »
Son interlocuteur se baissa, ouvrit le placard à côté du frigo, et en sortit deux tasses.
« Bordel, râla l'autre homme, pourquoi tu les changes tout le temps de place ? »
Sylvain haussa les épaules, désinvolte.
« C'était trop haut.
-Quelle idée d'être un Minimoy aussi, se moqua Pierre avec un rire. »
Il se prit un coup dans les côtes, heureusement pas très fort, qui ne l'empêcha pas de rire de plus belle.
« Va t'asseoir au lieu de m'agresser, c'est prêt dans cinq minutes. »
Sylvain fit la moue mais obéit, rejoignant la salle à manger pour s'asseoir à table.
Son compagnon apporta le petit déjeuner et s'installa à côté de lui, attrapant une tartine pour la beurrer. Faisant cela, il se mit à parler de tout et de rien, une discussion banale du matin, à laquelle Sylvain fut réceptif. Ils conversaient simplement, sans prise de tête, avec cette impression de normalité qui leur manquait tant. C'était bon.
La matinée se déroula ainsi, dans la douceur et la légèreté malgré le faux départ du réveil. La familiarité entre eux faisait beaucoup de bien à Sylvain, et l'apprentissage d'un contact différent, amoureux, lui changeait les idées pour le meilleur. Il voulait aimer Pierre. Heureusement pour lui, c'était plutôt facile.
Les deux hommes avaient un rendez-vous en début d'après-midi. Après un déjeuner rapide, ils s'y rendirent non sans appréhension. Leur mental avait été malmené ces derniers jours et ils n'avaient pas beaucoup pensé à leur travail. S'y remettre était aussi agréable que stressant, surtout considérant que le rendez-vous était primordial pour un prochain tournage. Bref, ils ne pouvaient pas passer à côté, ni foirer.
Et ça se passa bien. Ils avaient même un peu d'avance, en arrivant sur place. Les personnes qui les reçurent étaient sympathiques et quelques blagues furent même échangées. Et surtout : ils aboutirent à un arrangement qui facilitait même le tournage concerné. Tout se passait bien et surtout normalement.
C'était tellement agréable que Sylvain eut envie de pleurer, en sortant. Il essaya de se retenir, cachant son visage à son ami.
« Rah, merde, fichue poussière, râla-t-il en sentant les larmes couler. »
Pierre tourna la tête vers lui avec un petit rire.
« Ça va ? Ca te rend vraiment si émotionnel que ça, les bagnoles ? se moqua-t-il.
-J't'emmerde. Tu sais que oui en plus. »
Il renifla et sortit un mouchoir pour essuyer l'eau sur ses joues, avant de reprendre :
« C'est juste que... c'est le premier truc qui se passe bien depuis un moment, rit-il nerveusement. Je sais plus comment réagir, moi... »
Il rangea son mouchoir, s'arrêtant sur le trottoir.
Pierre en profita pour s'arrêter aussi et l'enlacer, le serrant contre lui. Ironiquement, l'action fit redoubler les pleurs de Sylvain. Son petit-ami caressa son dos, le laissant pleurer avec un sourire. Ça faisait du bien que, pour une fois, il ne pleure pas à cause de la tristesse ou des traumatismes... C'était plus facilement à sécher, des larmes de joie.
« Tu veux qu'on aille faire un tour avant de rentrer ? proposa-t-il en se séparant. Où tu veux.
-Je veux bien boire un truc frais. Il faisait chaud là-dedans, se plaignit Sylvain en frottant une dernière fois ses joues.
-Allez viens, répliqua doucement son copain, tendant la main vers lui. »
L'autre homme rit en la saisissant, et tous deux marchèrent dans les rues de Paris.
Ils ne se tinrent pas la main longtemps, cependant. Pas en public, ou pas trop longtemps du moins. C'était une règle tacite qui s'imposa toute seule entre eux : ils devaient déjà gérer suffisamment de choses pour ne pas se rajouter un outing en plus, ou des fans indiscrets.
Le couple entra dans un café, s'installa à une table et commanda deux boissons fraîches. Posant leurs affaires à terre, Pierre entama la conversation :
« Ce serait peut-être cool que tu aies de l'aide. En plus de moi, je veux dire.
-Ouais, histoire de récupérer un peu de stabilité mentale ouais. »
Sylvain lui lança un regard accompagné d'un petit sourire, ajoutant :
« C'est pas une mauvaise idée. Je sais pas comment faire par contre...
-Moi non plus, on regardera ensemble en rentrant ? »
L'autre homme fronça les sourcils à cette réponse.
« En rentrant ? »
Pierre ne voyait pas le problème. Il cligna des yeux, le visage inexpressif. Après un silence de quelques secondes, il se défendit :
« Bah oui, quand on va rentrer. On va pas passer toute la journée ici !
-On habite pas ensemble, Pierre, lui rappela Sylvain. »
Le susnommé réalisa enfin et éclata de rire.
« Non mais je sais ! cria-t-il, un peu fort mais il s'en fichait. Mais faut bien que je te dépose chez toi, on pourra regarder avant que je reparte ! Et puis si tu veux pas de mon aide, tant pis hein. »
Son interlocuteur rit à son tour.
« Nan mais j'ai jamais dit que ça me dérangeait, moi. Si tu veux rester, t'es le bienvenu, franchement.
-Je vais m'inviter tous les soirs du coup, sourit Pierre. Profiter de ta bouffe et de tes draps propres.
-Je te forcerai à faire la lessive si c'est ça, répliqua Sylvain avec un sourcil haussé. Et le ménage.
-Ah oui donc tu me prends pour ta bonne ? »
Pierre affichait une mine faussement outrée face à l'acquiescement de son copain, puis ils éclatèrent de rire.
Un instant de silence, on déposa leur commande sur la table. Pierre réfléchissait.
« En vrai faudrait que je me change et tout, trop chiant, contra-t-il finalement.
-Je t'en prêterai bien mais je sais pas si t'aimes bien les crop tops, se moqua son interlocuteur.
-Ouais, non, le contraire fonctionne mais pas dans ce sens-là. »
Pierre secoua la tête avec un rire et prit sa boisson pour en prendre une gorgée. Son petit-ami l'observa, juste un instant, avant de détourner le regard en avouant :
« Peut-être que c'est ce que je veux...
-Pardon ?
-J'aime bien quand t'es là, continua-t-il d'une petite voix. Ça se calme un peu là-haut et je me sens plus en sécurité.
-Tu sais, t'es le bienvenu chez moi, aussi. »
Sylvain reporta son regard sur lui, sans sourire.
« On verra, trancha-t-il. D'abord le psy.
-Ouais, une chose à la fois, acquiesça Pierre. En rentrant, répéta-t-il avec un sourire. »
Il fut satisfait en remarquant qu'il avait tiré un sourire à son compagnon, lui qui avait paru soucieux tout à coup.
Les deux hommes restèrent une heure environ au café, avant de le quitter, de rejoindre la moto de Pierre, s'y installant, et de rentrer. Ensemble. Chez Sylvain. Pierre entra avec lui dans l'appartement, s'installa même s'il ne restait pas et, minutieusement, il l'aida à trouver des psychologues, à en choisir un et à prendre le rendez-vous. Cela fait, pourtant, il ne voulait pas repartir. Vraiment, il ne pouvait pas... surtout quand celui-ci le supplia dans un élan de vulnérabilité :
« Reste dormir, s'il te plaît... »
La décision fut prise si facilement, en un éclair. Il lui sourit et embrassa son front.
« Je vais juste chercher des affaires et je reviens, d'accord ? »
Sylvain hocha la tête et lui sourit en retour, le laissant partir.
Pierre tint sa promesse et revint ce soir-là, pour le prendre dans ses bras, le câliner, embrasser et éloigner ses peurs. Il revint pour l'aimer et l'aider, pour le meilleur comme pour le pire. C'était ce qu'il faisait depuis des années, après tout. Il devait juste redoubler d'effort maintenant, mais leur couple tout juste né lui donnait plus de libertés pour cela. Il ne laisserait Sylvain partir pour rien au monde, qu'importe son passé, qu'importe ce qui le hantait. Et le concerné, trop heureux, presque euphorique d'avoir un tel homme pour compagnon de vie et de nuit, ne pouvait s'empêcher de témoigner en retour d'un amour inconditionnel. Alors Pierre revint le lendemain.
Et il revint les soirs suivants, ou bien ils alternaient et se retrouvaient à la maison. Ce n'était plus, à force, ''chez Sylvain'' ou ''chez Pierre'' mais ''à l'appartement'' et ''à la maison'', et ça leur allait très bien comme ça. Qu'importe où ils dormaient tant qu'ils dormaient ensemble, tant que Sylvain pouvait être en sécurité, tant que Pierre pouvait le protéger.
Quelque chose avait profondément changé entre eux, c'était vrai. Quelque chose s'était irrémédiablement brisé chez Sylvain. Tout était différent, mais ils étaient toujours là. C'était toujours eux deux face au reste. Pour se soutenir, s'épauler, rire, travailler et depuis peu, s'aimer. Dans tout ce bazar, malgré tout, ils retenaient cela comme une des plus belles choses qu'ils avaient obtenue, en espérant que cela continue encore et encore. En espérant aller mieux, à deux.
3 notes · View notes
swedesinstockholm · 3 months
Text
17 juin
il m'a dit qu'il était attiré par les filles à problèmes. les filles qui ont besoin d'être sauvées. il a besoin de se sentir utile pour pouvoir se sentir digne d'être aimé, un truc comme ça. ce qui explique vraisemblablement l'intérêt qu'il me porte. avant de partir à la chorale je l'ai emmené au cimetière et on a commencé à parler de nos souvenirs d'enfance. on a monté les marches derrière la grande croix au fond près du champ, je lui ai raconté que mon grand-père m'y donnait toujours un morceau de chocolat quand j'étais petite. on regardait les petites araignées rouges qui fourmillaient sur le mur et je lui ai parlé de mon soupçon d'abus sexuel dans mon enfance, sans mentionner le mot abus sexuel. j'ai dit "quelque chose." il s'est peut être passé quelque chose. mais peut être pas. dans un coin tordu de ma tête je me disais peut être que ça va le faire tomber amoureux de moi? en voilà un gros problème à résoudre? mais non, il m'a juste conseillé d'aller voir un psy. je suis un trop gros dossier, ça dépasse ses compétences. je sais même pas pourquoi je suis méchante comme ça, il a été adorable et parfait dans sa réaction.
hier soir pendant qu'on se lavait les dents côte à côte dans la salle de bain je lui ai demandé si j'étais méchante et il m'a dit non, mais que je lançais parfois des petites piques et qu'il aimait bien quand je disais les trucs de manière franche et brute, que ça le prenait toujours par surprise. j'ai dit "elle se réveille" d'un ton autodépréciatif et il a dit oui c'est ça et je me suis dit merde ça veut dire que je suis vraiment un zombie alors. il m'a dit que j'étais dans son top 2 des personnes qui ont la meilleure répartie et je l'ai regardé avec des grands yeux parce que si y a une chose qui me complexe c'est bien mon manque de répartie. il m'a dit que j'avais une répartie de ouf, à l'écrit du moins, puisque c'est comme ça qu'on communique le plus souvent. there's the catch. si seulement je pouvais être aussi cool à l'oral qu'à l'écrit. on chuchotait à travers notre bave de dentifrice en faisant des blagues débiles, c'était trop mignon, ça m'a donné envie d'être sa meilleure pote et qu'y ait plus aucune ambiguïté entre nous, de pouvoir le regarder sans me consumer de désir jusqu'à l'os, de pouvoir lui faire des câlins sans que ce soit maladroit, de plus sans arrêt avoir peur de le mettre mal à l'aise avec mon amour débordant.
quand on est rentrées du concert avec maman il m'attendait en haut des escaliers comme une apparition divine, il était en train de faire réchauffer les pommes de terre et les haricots verts que je lui avais dit de prendre dans le frigo. je me suis assise à table avec lui en picorant des cerises parce que j'avais de la place pour rien d'autre alors que j'avais pratiquement rien mangé de la journée. même ce matin j'ai pas réussi à finir mon petit-déjeuner. on a discuté jusqu'à minuit et puis on est montés et on a continué à discuter jusqu'à une heure et demie dans ma chambre puis dans la sienne. on chuchotait pour pas réveiller maman mais parfois il faisait des bruits bizarres et on rigolait fort. il a regardé tous mes livres et il m'a demandé s'il pouvait en emprunter un, je lui ai donné ma mère rit de chantal akerman mais après il m'a dit que ça faisait un an qu'il avait le livre de william burroughs d'un ami et qu'il était un très mauvais rendeur de livres alors je lui ai dit de me rendre chantal et je lui ai donné clarice lispector à la place. il m'a dit je te le rendrai la prochaine fois et puis il s'est rappelé que je partais à berlin.
la mère de sa fille vivait à berlin quand elle a su qu'elle était enceinte. j'ai une espèce de fascination morbide pour leur histoire. ça me fascine la façon dont c'était voué au désastre depuis le début mais ils ont quand même essayé parce qu'il voulait absolument que ça marche (c'était une fille à problèmes). ça me donne envie de le sauver moi aussi. sauf que moi ça part pas d'un sentiment intéressé. lui il a besoin de sauver les gens pour se sentir bien vis-à-vis de lui même. moi je suis juste une fille.
depuis que j'ai vu un dessin de tara booth sur ig ce matin je me répète what you are feeling is normal comme un mantra, c'est normal d'aimer, c'est normal de ressentir les choses extra fort, c'est normal de pas vouloir le perdre, c'est normal de pas réussir à m'en remettre, et c'est normal de me mettre à sourire de soulagement parce qu'il vient de m'écrire qu'il avait commencé le livre de clarice lispector dans le train et qu'il était sous le charme parce que depuis qu'il est parti ce matin j'attendais qu'il m'écrive pour me rassurer qu'il m'en voulait pas, qu'il m'en voulait pas de pas avoir couru pour aller chercher sa gourde qu'il avait oubliée dans la cuisine pendant qu'on attendait le bus, qu'il m'en voulait pas de l'avoir regardé d'un air triste à fendre l'âme quand il est monté dans le bus, qu'il m'en voulait pas d'avoir oublié de lui rappeler que je vivais avec maman jusqu'à ce que je mette ma clé dans la serrure et qu'il me demande pourquoi y avait marqué nos deux noms sur la sonnette et que je le mette devant le fait accompli, you name it, je pourrais en ajouter trente mille autres. je trouverai toujours une raison qu'on m'en veuille. dans ma tête tout le monde m'en veut en permanence. il m'a dit qu'il demanderait à son psy s'il avait des contacts à berlin qui font de la gestalt thérapie à lui référer. je crois que c'est la méthode que pratiquait ma psy de la clinique. mais ça marche visiblement beaucoup mieux sur lui que sur moi. un peu trop même. est-ce qu'il a vraiment besoin de toute cette confiance en lui?
j'ai repleuré en parlant de lui à maman à midi. ce matin quand il m'a demandé si ça faisait longtemps qu'on vivait ensemble j'ai eu envie de me cacher dans un trou. hier quand elle lui a proposé un thé dans le salon j'avais envie de la jeter par la fenêtre parce qu'elle me volait du temps précieux avec lui et je voulais pas qu'il soit mal à l'aise. la première chose qu'il a faite en arrivant c'est demander où était le piano et il a joué un morceau de judee sill, puis je lui ai demandé de jouer scriabine et il m'a corrigé les accords de uncrazy que j'avais trouvés sur chordify et qui étaient pas tout à fait les bons. dans mes fantasmes je m'asseyais sur le tabouret à côté de lui et on faisait une main chacun en la chantant ensemble, mais dans la réalité je suis incapable d'ouvrir la bouche devant lui.
hier matin avant qu'il vienne (c'était hier matin?? j'ai l'impression que ça fait 150 ans) je regardais un documentaire sur brigitte fontaine et areski parce que j'étais incapable de faire autre chose et 1. brigitte fontaine est ma nouvelle idole 2. dans le doc rebeka warrior racontait qu'ils étaient tombés amoureux d'un coup après trois années passées à travailler ensemble et ça m'a donné un élan d'espoir. je veux qu'on soit aussi cool que brigitte fontaine et areski. hier soir dans la cuisine on parlait du fait de faire pleurer les gens et je lui racontais la première fois que j'avais fait pleurer quelqu'un en chantant une chanson de patsy cline en islande et puis je lui ai demandé s'il avait déjà fait pleurer des gens lui et pendant qu'il réfléchissait j'ai dit en tout cas moi tu m'as déjà fait pleurer et il m'a regardée avec des grands yeux choqués et il a dit ah quand je t'ai brisé le coeur? comme si c'était totalement accessoire. mais pas si accessoire que ça non plus puisque apparemment il y pense à chaque fois qu'il me demande un truc. mais le fait qu'il ait l'impression de se servir de moi tout le temps là c'est un peu humiliant pour moi, parce que ça veut dire qu'il part du principe que je fais les choses pour lui, et pas parce que j'en ai envie par exemple. ça doit être un coup de son égo surdimensionné ça encore.
10 notes · View notes
pourprecry · 1 year
Text
Bon hier soir j’étais au tel avec R. J’ai pris un billet pour aller le voir pour la suisse dans la semaine. C’est complètement fou, je sais.
J’appréhende (j’ai jamais pris l’avion toute seule) mais à la fois il me manque et il me tarde de le revoir.
On a eu une loooongue discussion, et lui seul me comprend. Et j’avais besoin d’entendre ces mots, pcq il comprend très bien tout ce que je subis du côté sexuel (les abus, le fait qu’on profite de moi etc). Je lui ai avoué tout ce qui s’était passé avec ses potes, et, finalement, ça m’a soulagé énormément, et il a compris certaines choses d’eux.
Après 1 an et demi sans se voir, on va se retrouver.
7 notes · View notes
Text
Si vous voyez un homme avec un ongle peint, voici ce que cela signifie
Tumblr media
Lors du voyage d’Elliot Costello au Cambodge, il a rencontré une jeune fille nommée Thea ainsi qu’un groupe d’autres personnes. Il ne se doutait pas que cette rencontre l'affecterait profondément et conduirait au début d'un mouvement visant à mettre fin aux abus sexuels sur les enfants. Thea portait toujours du vernis à ongles sur ses petits ongles. Un jour, alors qu'elle discutait avec Elliot, elle lui a demandé de peindre un de ses ongles. Il a accepté avec joie et a aimé parler à la fille bavarde. Cependant, il a découvert plus tard qu'elle avait été victime d'abus sexuels dans le passé. Elliot a mentionné que lorsqu'elle peignait un de mes ongles, il avait promis de toujours le garder ainsi pour se souvenir d'elle et, par extension, de sa souffrance. La motivation d’Elliot l’a poussé à œuvrer en faveur d’un changement positif chez les hommes, dans le but de réduire le nombre d’enfants victimes d’abus sexuels
6 notes · View notes
mahia-shinya · 2 years
Text
Abus sexuel, Manque d'estime de soi, Solitude
Tumblr media
Je n'ai pas été assez belle à leurs yeux
Pour eux, mes cheveux étaient bien trop volumineux
Ma couleur de peau était bien trop foncé
et mon ventre devrait être plus enfoncé
J'étais peut-être pas assez élégante
J'étais pas assez intéressante puis pas assez souriante
J'en avais peut-être besoin de plus de compliments
J'en avais peut-être besoin de plus de sentiments
J'ai grandis, ils ont abusé de mon corps
Ils m'ont ciblé , ils ont joué
jusqu'à me vider
puis ils m'ont livré à mon sort
J'ai perdu le pouvoir, le contrôle, mon corps, la liberté, je me suis perdue
J'ai perdu le sourire, la force, le désir, l'appétit, je me suis perdue
J'ai gagné la haine, la douleur, le désespoir, la torture, une sexualité brisé, j'ai gagné l'enfer
Je vie hanté, mon cerveau n'a pas compris que ça s'est terminé
j'ai l'impression de revivre le passé
Mon cœur s'est vidé
Tes mots auraient dû continuer d'exister
Car tu me faisais sentir spécial
car je pouvais tenir grâce à ton amour parental
Car sans toi, il n'y avait que leur mots
et ils me semblaient justifiés, normaux
Car sans toi, j'étais solitaire
Car sans toi, je n'étais plus prioritaire
Je crois qu'il a quelque chose qui ne va pas chez moi
J'ai l'impression d'être incapable de contrôler quoi que ce soit
Répondez moi, tout ce poids sur mes épaules est-il de ma faute ?
ou celles de ces autres ?
L'amnésie est ici
ça simplifie mais me terrifie
Je ne regarde plus derrière mais je me mantiens en arriéré
La haine est venue, elle m'a aveuglé
tous ces corps, ces désirs paraissaient mauvais
Les autres n'étaient que le miroir
de mon propre désespoir
Le problème ce n'est plus eux , ce n'est pas toi
le problème est devenue moi
Je blesse sans m'apercevoir
ce qui ne va pas dans toute cette histoire
J'ai regardé un homme nu
ça ne m'a pas plu
je n'ai peut-être pas oublié
ce que vous m'avez fait
J'ai appris à préférer les femmes
leurs corps et personnalités m'ont enflammés
J'ai tout bloqué encore une fois
de peur d'être capable de lui voler la joie
de peur de blesser qui j'aime
mon cœur ne s'est pas sorti indemne
Le passé se répète partout
me pousse à bout et mon cœur est jaloux
de ce qui m'appartient pas
de ce qui n'a pas été à moi
Je pense voir tout se répéter à travers l'étoile de ses yeux
pourtant il me traite bien, il me traite mieux
Mes yeux sont peut-être infectés
car dans ma tête son ex est remplie de saleté
Mon cerveau ne m'appartient pas
Des images involontaires qui me tirent vers le bas
ça continue, comme si c'était éternel
Je dois les voir à travers elle
Crois-moi ,tu ne sais pas ce que c'est
tu n'as pas conscience de la douleur que ça a causé
et même moi je ne sais pas comment je suis encore debout
même si j'ai l'impression d'être à bout
Je ne peux rien arrêter
Ce n'est pas moi qui contrôle mes pensées
aidez moi, supprimez moi ça
j'ai besoin d'oublier car plus rien ne va
Les images des scènes me reviennent
Les désirs me dominent et me tourmentent
Je ressens un manque
plus j'avance, plus ça augmente
Je ressens un besoin
d'attention, de soins
Je ressens un énorme vide
et c'est dans mon cœur qu'il réside
Je ne sais pas respirer pour vivre
Je ne sais que respirer pour survivre
Je lutte et pourtant je tombe à chaque fois
Si je trébuche c'est donc mon choix ?
Ma souffrance a invité ma dépendance
Je mendie mais pas de l'argent
Je mendie un peu de votre temps
3 notes · View notes
choses-dingen · 15 days
Text
Tumblr media
Abbé Pierre : l'omerta, in fine, salit tout et tous Béatrice Delvaux dans Le Soir
L'abbé Pierre est devenu un superhéros car il a fait d'hommes et de femmes au passé complexe des gens à l'avenir flamboyant. Il est devenu un superhéros puisqu'il nous a laissé un héritage puissant fait de valeurs fortes. » Ces mots-là, sincères et émus, ont été rédigés il y a quelques mois par une personnalité populaire en préface à une BD destinée aux jeunes pour porter et répandre le message de l'abbé et, par la même occasion, récolter de l'argent pour sa Fondation. Mais las, "L'abbé Pierre, une vie pour les autres" devrait être rebaptisé "L'abbé Pierre, une vie de prédation sexuelle". Terrible descente de piédestal, insupportable destruction d'une icône, incommensurable rage surtout : c'est ce qui submerge suite à ce flux des révélations extrêmement lourdes des dernières semaines.
Cet été, lorsque les faits d'abus (viols, attouchements, harcèlement) sexuels concernant le fondateur des communautés Emmaüs ont été mis au jour, nombreux avons-nous été à ne pas croire à ce qui tenait d'un canular de très mauvais goût, touchant à une icône. Les premières informations parues en 2009 n'avaient, elles, ému personne. Mais la réalité s'est enfin imposée, avec la multiplication des témoignages et des documents attestant, comme dans tant d'autres cas, de l'omerta et de la protection de proches de l'abbé, de fidèles et de sa hiérarchie : tout un réseau niant et négligeant les femmes victimes pour préserver un prédateur puissant et intouchable vu son aura, mais aussi son organisation et son institution - l 'Eglise - qu'il était hors de question de salir.
Pas de moutons noirs chez nous : c'est ce qu'on a longtemps défendu dans le cinéma, la politique, la littérature avant d'être mis devant la sinistre réalité. L'Eglise catholique a fait de même, minimisant les dossiers révélés et continuant aujourd'hui à cultiver une certaine opacité et le déni des réformes structurelles qui permettraient d'enrayer un système qui laisse tant de ces crimes impunis et de victimes en souffrance. C'est ce que disait la semaine dernière la lettre adressée au pape François par plusieurs victimes belges d'abus sexuels commis au sein de l'Eglise, en vue de sa visite dans notre pays fin septembre. S'ils reconnaissent ses prises de position plus tranchées et sa contribution «à la reconnaissance de ce désastre » au fil de son pontificat, les auteurs pointent le long chemin encore à parcourir. Ils plaident pour une parole adressée directement par le pape aux victimes, mais aussi pour un mandat donné aux évêques pour la mise en place de groupes de travail de fond, la clarté sur le financement dans le processus de réparation et une vraie réflexion sur le célibat des prêtres. Le cas « abbé Pierre » est un séisme dont on espère qu'il servira d'un rappel de même amplitude de l'irresponsabilité folle et la culpabilité lourde de ceux et celles qui taisent et cachent les abus commis par qui que ce soit, et où que ce soit : leur silence ne protège rien, il salit in fine tout, et tous. Le comble étant ici que c'est au prétexte de permettre à un « saint homme » de faire le bien que l'omerta a couvert le mal.
L'Eglise et Emmaüs étaient au courant des abus sexuels de l'abbé Pierre Pour l’avocate française Antoinette Frety, l’abbé Pierre a bénéficié d’une culture du silence et d’une remise en cause de la parole des enfants et des femmes bien spécifiques au cadre religieux. Le Vatican était au courant des agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre depuis des années, selon le pape François
De retour d’un voyage en Asie, le chef de l’Eglise catholique a reconnu que Rome était au courant des violences sexuelles perpétrées par le fondateur d’Emmaüs, au moins après sa mort. Il a appelé à la transparence et condamné des faits « démoniaques ».
Le Monde 13-09-2024
0 notes
onvaretarderdemain · 29 days
Text
Les larmes viennent. Dès qu'il est question de potentiels abus sexuels vécus dans mon enfance, les larmes viennent. C'est toujours en bas fond dans ma tête et dès que j'essaye d'y penser plus concrètement, de comprendre ce qu'il s'est passé exactement et comment je me sens vis à vis de tout ça aujourd'hui, les larmes viennent. Et ce sont des larmes qui paralysent, ce sont des larmes qui montrent un désespoir, des larmes qui me font dire que se donner la mort serait une issue plus supportable. J'ai envie d'aller de l'avant et je sais que je dois me confronter à ça pour réussir mais c'est tellement insoutenable.
1 note · View note
cosmostraveler · 2 months
Text
Le contexte : j'ai une vie qu'on peut qualifier de merdique. Il m'est arrivé beaucoup de choses, beaucoup de traumas. Et comme exutoire j'ai trouvé l'écriture. J'ai comme projet d'essayer de créé une petite biographie.
Voici une première partie qui raconte mes 18 premières années sur cette Terre.
___________________________
"Chapitre 1 : Les Racines de la Douleur"
Je suis né le 10 juillet 1998 à Verdun, dans la Meuse. Mon arrivée dans ce monde fut tout sauf conventionnelle, marquée par une histoire de douleur et de résilience qui commença bien avant ma conception.
Pour comprendre pleinement les circonstances de ma naissance, il faut remonter dans le passé de ma mère, une histoire si douloureuse qu'elle éclipse presque la mienne. Son enfance fut un cauchemar dont les séquelles l'ont poursuivie toute sa vie. Dès son plus jeune âge, elle fut victime d'abus sexuels répétés de la part de son propre père. Ma grand-mère, au courant de ces actes odieux, choisit le silence, devenant complice par son inaction.
Mais l'horreur ne s'arrêtait pas là. À l'âge tendre de huit ans, ma mère fut victime d'un viol en réunion, son père la "faisant tourner" au sein d'un groupe d'amis chasseurs. Désespérée, elle tenta d'alerter la Direction de l'Action Sociale (DAS) de l'époque. Mais sa voix fut étouffée par l'image respectable que ma grand-mère projetait dans la communauté. Active dans la vie de la ville, aidant de nombreuses personnes, notamment handicapées, dans leurs démarches administratives, ma grand-mère était perçue comme une véritable samaritaine.
Lors d'une convocation devant le juge, juste avant d'entrer dans la salle d'audience, ma grand-mère menaça ma mère, lui intimant que ce qui se passait à la maison devait y rester, et qu'elle nierait en bloc toutes les accusations. Prisonnière de ce silence forcé, ma mère se retrouva sans défense face à ses bourreaux.
La violence ne se limitait pas aux abus sexuels. Un jour, pour une raison aussi futile qu'un café renversé ou servi froid, son père lui planta un couteau dans la cuisse. Ces actes de brutalité physique s'ajoutaient aux sévices psychologiques constants, façonnant un environnement de terreur permanente.
Une décennie plus tard, alors qu'elle pensait peut-être avoir échappé à ce passé cauchemardesque, ma mère fut à nouveau victime d'un viol. Cette fois-ci, c'était dans la rue, sous la menace d'une arme blanche, par un homme d'origine marocaine. Ce viol tragique allait mener à ma conception.
Lorsque ma mère apprit qu'elle était enceinte de moi, fruit de cette violence, sa réaction initiale fut empreinte de désespoir et de rejet. Dans sa détresse, elle a tout tenté pour mettre fin à cette grossesse non désirée. La consommation excessive de drogues dures - héroïne, cocaïne - est devenue son refuge et son arme. Elle s'est même jetée à plusieurs reprises dans les escaliers, espérant que la chute mettrait fin à ma vie in utero.
Malgré ces tentatives désespérées, j'ai survécu. Face à cette résilience inattendue, ma mère a pris la décision de me faire adopter dès ma naissance. Une famille était prête à m'accueillir, présente le jour de mon arrivée. Mais le destin avait d'autres plans.
Je suis né prématuré de deux mois, portant déjà le fardeau d'une dépendance aux drogues. Mes premiers jours furent une lutte. Au lieu des doux bercements et du lait maternel, j'ai dû endurer une cure de désintoxication, un sevrage forcé pour un corps à peine formé. Les bips des machines remplaçaient les berceuses, les perfusions tenaient lieu de câlins.
Pourtant, lorsque ma mère m'a vu pour la première fois, quelque chose d'inexplicable s'est produit. Un coup de foudre maternel, aussi soudain qu'inattendu. Malgré la douleur qui l'habitait, malgré le fait qu'elle voyait en moi les traits de l'homme qui l'avait violée, elle a été submergée par un amour qu'elle ne pouvait ni expliquer ni combattre. Dans un revirement qui allait changer le cours de nos vies, elle a décidé de me garder.
Les cinq premières années de ma vie se sont déroulées dans un appartement de la côte Sainte Catherine à Bar-le-Duc. Notre foyer se composait de ma mère, ma demi-sœur Marie, et François, le père de Marie et compagnon de ma mère. De l'extérieur, nous aurions pu passer pour une famille ordinaire. Mais derrière les murs de notre appartement se cachait une réalité bien plus complexe.
Malgré sa décision de me garder et l'amour qu'elle me portait, ma mère luttait contre ses propres démons. L'ombre du traumatisme qu'elle avait subi planait sur notre foyer, se manifestant parfois de manière violente. Je me souviens encore des cris, des portes qui claquent, et de cette fois terrifiante où François a poussé la violence jusqu'à mettre la tête de ma mère dans les toilettes.
À l'âge de quatre ans, j'ai vécu ma première agression sexuelle de la part d'une belle-tante. Peu après, à cinq ans, je me suis retrouvé exposé à des images pornographiques en présence d'un adulte dont je ne me souviens plus l'identité. Ces expériences ont semé les graines d'une méfiance qui allait croître avec les années.
Les moments où nous n'étions pas chez nous étaient souvent synonymes d'autres formes de danger. Ma mère nous confiait fréquemment, ma cousine Morgane et moi, à un ami accro aux paris hippiques. Un soir, après avoir perdu ses paris, cet homme nous a insultés et nous a mis à la porte en pleine nuit. J'avais cinq ans, Morgane en avait sept.
Le jour qui a véritablement marqué un tournant dans ma jeune existence reste gravé dans ma mémoire. C'était l'heure du déjeuner, purée et saucisses au menu. Ma mère me grondait pour avoir mis trop de ketchup quand soudain, la sonnette de l'interphone a retenti. Ce qui a suivi ressemble à un cauchemar : ma mère nous faisant cacher, l'arrivée des policiers, ma mère hurlant emmenée sur un brancard, et moi, confié à une assistante sociale.
À cinq ans, j'ai été placé pour la première fois par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), séparé de ma demi-sœur Marie. À six ans, nouveau changement : un foyer à Metz où j'ai retrouvé Marie. Mais ce répit fut de courte durée. De sept à douze ans, j'ai vécu dans une famille d'accueil à Dainville-Bertheleville, une expérience qui s'est avérée être la plus éprouvante.
Dans cette nouvelle "famille", la violence était psychologique, insidieuse, constante. L'amour et l'affection étaient totalement absents, remplacés par le dénigrement systématique et un contrôle obsessionnel. Je me souviens des repas dont j'étais privé en guise de punition, des séances humiliantes aux toilettes où chaque feuille de papier était comptée.
C'est dans cet environnement hostile que j'ai sombré dans un désespoir profond. À huit ans, j'ai fait ma première tentative de suicide par pendaison. Le fait que ma tentative ait échoué me laissa à l'époque un goût amer d'échec supplémentaire.
Les années qui suivirent furent une succession de placements de courte durée, chaque nouvelle famille apportant son lot d'espoirs vite déçus et de nouvelles blessures.
Finalement, à quatorze ans, je suis retourné vivre avec ma mère, qui s'était installée dans le sud, à Barry, près de Tarbes. J'aurais pu penser que c'était la fin de mes malheurs, le début d'une vie normale. Mais le destin avait d'autres plans pour moi.
Ces premières années de ma vie ont forgé l'homme que je suis devenu. Chaque épreuve, chaque trahison, chaque moment de désespoir a laissé sa marque. Mais ils m'ont aussi donné une force que je ne soupçonnais pas, une résilience née de la nécessité de survivre. Mon histoire ne s'arrête pas là, loin s'en faut. Mais ces premières années ont posé les fondations de tout ce qui allait suivre, pour le meilleur et pour le pire.
"Chapitre 2 : L'Adolescence Tourmentée"
À l'âge de 12 ans, une lueur d'espoir est apparue dans ma vie. Le juge des enfants a décidé que ma sœur et moi pouvions retourner vivre avec notre mère. Ce retour tant attendu a été rendu possible grâce à la stabilité apparente que ma mère avait trouvée auprès de son nouveau compagnon, Eric.
Au premier abord, Eric semblait être l'homme parfait pour notre famille brisée. Chaleureux, sympathique, avec une bonne bouille qui donnait envie de l'aimer. En 2011, il a même décidé de m'adopter, me permettant ainsi de porter son nom au lieu de celui de mon grand-père maternel, ce violeur qui hantait notre passé. Ce changement de nom avait aussi une raison de sécurité. Mon géniteur biologique, l'homme qui avait violé ma mère, m'avait retrouvé sur les réseaux sociaux et tentait de me convaincre de venir vivre avec lui au Maroc. Ce n'était pas sa première tentative : quand j'avais 3 ou 4 ans, il avait déjà essayé de me kidnapper, ce qui avait conduit à ce que je sois escorté par des policiers à la maternelle pendant une semaine.
Malheureusement, la réalité derrière la façade d'Eric était bien loin de l'image qu'il projetait. Certes, je n'étais pas l'enfant modèle. Au collège, j'étais perturbateur, avec de mauvaises notes et un comportement problématique qui se traduisait par des heures de retenue et des jours d'exclusion. Ce comportement était probablement le reflet d'un profond mal-être à la maison.
Alors que ma mère restait relativement conciliante, se contentant de me faire la leçon sans jamais vraiment me punir de façon extrême, Eric, lui, n'hésitait pas à franchir les limites. Ses punitions frisaient souvent la maltraitance, et parfois les dépassaient clairement. Je me souviens encore de cette fois où il m'a sauté dessus alors que j'étais assis sur mon lit, me prenant à la gorge. Ou de cette autre fois où il m'a jeté au sol dans la cuisine avant de me rouer de coups de pied dans le ventre et à la tête. Ma mère, présente lors de ces scènes, n'est jamais intervenue. Elle a laissé faire.
Ma sœur Marie n'était pas épargnée non plus. Un jour, suite à un accident de cuisine où elle avait involontairement provoqué un départ de feu, Eric l'a insultée de tous les noms, la traitant de sorcière et de connasse, avant de lui asséner plusieurs coups de poing au visage.
Cette période de ma vie a également été marquée par des actes dont je ne suis pas fier, des actes qui me hantent encore aujourd'hui. Depuis mon agression sexuelle à l'âge de 5 ans, j'avais développé une fixation malsaine sur le sexe. Cette obsession a conduit à des comportements inappropriés avec ma demi-sœur, qui ont commencé quand j'avais 7 ans et ont continué jusqu'à mes 15 ans. Ces actes, bien que mutuellement consentis vers la fin, restent une source de profonde culpabilité et de regret.
Heureusement, malgré la violence qui régnait souvent à la maison, il y a eu des moments de tendresse et d'attention de la part de mes parents. Lorsque j'ai été victime de harcèlement scolaire à l'âge de 15 ans, subissant des insultes racistes liées à ma couleur de peau métisse, mes parents ont pris la situation au sérieux. Quand j'ai commencé à entendre des voix, ils m'ont immédiatement emmené aux urgences, ce qui a conduit à une hospitalisation de trois mois dans un centre psychiatrique pour adolescents. C'est là que j'ai commencé à prendre des neuroleptiques, une expérience difficile qui m'a laissé dans un état quasi catatonique.
Malgré ces trois mois d'absence, j'ai réussi à obtenir mon brevet des collèges, une petite victoire dans cette période tumultueuse. Cependant, les conflits à la maison n'ont pas cessé. Ma sœur Marie a fini par être replacée en famille d'accueil, et les disputes avec mes parents sont devenues de plus en plus fréquentes et violentes.
À 17 ans, j'ai trouvé mon premier emploi, et à 18 ans, j'ai pris la décision de quitter le domicile familial pour prendre mon propre appartement. J'étais alors en froid avec mes parents. Parallèlement, je nourrissais l'ambition d'intégrer l'école d'informatique 42 à Paris. C'est ainsi que j'ai quitté Tarbes pour la capitale, porteur d'espoirs nouveaux et déterminé à prendre un nouveau départ, loin des tourments de mon adolescence.
1 note · View note
Gauche au pouvoir : Mais que va devenir la France ?
Tumblr media
La pédophilie, le sexisme, raciste et antisémite... gauche/droite, une histoire de longue date ...
Après Mai 68, la gauche a défendu les pires dérives de la révolution sexuelle. En théorie ... Puisque en pratique les médias mainstream ne vous diront jamais; les pédophiles de gauche sont souvent dans des têtes de parti ... ou de groupuscules sectaires ! Oui votre chère élite française et un club de riche qui ne savent plus comment assouvir leur soif de pouvoir, perde parfois le contrôle du bien et mal, se sente au-dessus du monde, au dessus des lois. Donc rincer se petit monde a coup de corp imberbe d'enfant pour mieux les maintenir dans le cercle, car une fois les pied la dedans, vous ne pouvait plus en sortir ... ou les pied devant. Alors vous aurait un tas de petit bobo qui viendront me dire que je suis complotiste ... Si vous souhaitez la vérité, demandez à Rachida DATI si il n'y a pas de pédophilie à gauche (voir) ! Certain riche se paye en toute impunité, dans d'autre pays, des enfants puis revenir sur notre sol tranquillement. Les mêmes qui parfois accusent d’apologie de la pédophilie contre des personnalités associées à l'extrême gauche et quand les pédophiles militaient dans les rangs LGBT ... À l'extrême-gauche, les discours fétichisant les enfants, et de façon encore plus marginale, l'apologie des rapports érotiques avec des enfants, apparaissent comme une remise en cause des interdits. En 1975, Daniel Cohn-Bendit, écrit dans le livre Le Grand Bazar, publié aux éditions Belfond, au sujet de son expérience d’éducateur dans un jardin d'enfants « alternatif » à Francfort : « Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi vous m’avez choisi, moi, et pas les autres gosses ?” Mais, s’ils insistaient, je les caressais quand même ». Il regrettera plus tard ses propos et ses écrits, parlant de provocation destinée à « choquer le bourgeois des années 1970 ». Le journal L'Express estimera ensuite en 2001 que Daniel Cohn-Bendit, comme les auteurs d'autres propos analogues avaient : un véritable aveuglement : l'enfant, croyaient-ils, ne demandait qu’à exprimer sa sexualité, et c’était l'interdit qui constituait un abus sexuel. Cette complaisance, qui a servi d’alibi et de caution culturelle à bien des pédophiles, masque aussi une autre réalité, l’infantilisme d'une mouvance.D'autres militants d'extrême-gauche ont aussi été accusés d'avoir fait l'apologie de la pédophilie dans les années 1970, pour avoir remis en cause la surveillance des enfants les empêchant d'assouvir leurs désirs, ou critiqué les formes de pouvoir réprimant les rapports sexuels entre majeurs et mineurs Si le Front populaire passe, qu'en sera les affaire du type "Coral", dite également affaire du lieu de vie, qui n'est qu'une affaire d'abus sexuels sur mineurs ayant éclaté en France en 1982. Très médiatisée à l'époque, passé sous silence aujourd'hui, l'affaire se signale par la mise en cause de plusieurs personnalités publiques, laquelle donne lieu à un certain soupçon de manipulation d'origine politique, policière et médiatique. « Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l'on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres. » (Émile Zola, « J'accuse »).
Mais il n'y a pas que çà !
Depuis des semaines, la question n'est pas la place des juifs ou des musulmans, mais l'avenir même de notre "Universalisme républicain" , celui-là même qui nous permet le vivre ensemble. En cela, la plateforme commune signée par toute la gauche est une catastrophe, car elle valide la stratégie de LFI. Par l'accord passé, les sociaux-démocrates au mieux restent silencieux, tétanisés à l'idée de perdre quelques pourcentages ou sièges, au pire cautionnent et valident la méthode de « conflictualisation permanente » des Insoumis. L'essayiste Lydia Guirous critique l'approche d'une partie de la gauche qu'elle définit comme "identitaire". Pour elle, "ils croient lutter contre le racisme en ayant pour obsession la race et la couleur de l'autre". Longtemps réservées à l’extrême droite, les critiques envers la « pensée woke » se font de plus en plus fréquemment entendre à gauche de l’échiquier politique. Doit-on y lire une « droitisation » d’un pan de la gauche en décalage avec son époque ? Ou ces querelles témoignent-elles plutôt d’une profonde scission entre deux conceptions de l’individu et de la société qui n’arrivent plus à dialoguer ? Le piège est là et il se referme inexorablement sur les démocrates et républicains français… La question n'est pas d'être « avec ou contre les juifs », « avec ou contre les musulmans », comme voudraient le faire croire LFI et ses candidats… Être contre l'antisémitisme, être contre le racisme, l'homophobie, l'islamophobie, la cathophobie c'est tout simplement refuser cette assignation à résidence identitaire que prônent les Insoumis et qui est mortifère pour la République. Quand des représentants de la nation jouent dangereusement avec la vie politique française, en utilisant à des fins électoralistes les pires ressentiments, ils ne nourrissent que les extrêmes et détruisent la boussole morale dont ont besoin nos concitoyens dans cette tourmente. Où sont les voix de gauche pour affirmer avec force que le problème de l'antisémitisme ce n'est pas uniquement le problème des juifs ? C'est celui de la République et de la France. Que le racisme n'est pas le problème des immigrés. C'est celui de la République et de la France. Sensibilisons nos concitoyen(ne)s sur le racisme anti-musulman, les femmes sont les premières victimes de l’islamophobie. D’où viennent les préjugés, la haine et la peur qui contaminent de plus en plus de citoyens ? Quelles sont les causes, les motivations de ce racisme structurel ? Quelles sont les conséquences pour tous les citoyens français ? Comment briser le consensus sur la question identitaire ? Quelles seraient les propositions pour construire une société plus démocratique ? Oui il y a des OQTF dans notre pays qui pourrissent la vie des gens et donne une mauvaise image de leur communauté ! le RN l'a compris et souhaite voté une lois immigration pour protéger TOUS les français de cette immigration négative qui ne rend pas justice a leur communauté.
Le prix du chaos
Quelles que soient leur histoire, leur origine, couleur, religion, ils ont composé et écrit en français, planché ensemble sur Rimbaud, Olympe de Gouges, Voltaire… Chacune de leurs pages écrit l'histoire de notre France universaliste. Cela nous rappelle que notre pays, même de façon imparfaite !, donne à chacun la chance d'être libre de son passé. Notre responsabilité, c'est bien d'être à leurs côtés et de faire France avec eux.
Une gauche qui s'unit derrière un programme ...
En première ligne, le Premier ministre défend son bilan, au moment où à gauche, Socialistes, Communistes, Écologistes et Insoumis ont, eux aussi, présenté leur programme. Abrogation de la réforme des retraites, Smic à 1600 euros, lutte contre l'antisémitisme ? Oui, ils ont osé... La gauche a dévoilé son programme commun sous la bannière du "Nouveau Front populaire", érige un Jordan Bardella comme son "principal adversaire" aux législatives anticipées, loin des fractures des Républicains. Le texte cosigné prévoit l'abrogation de la réforme des retraites, celle de l'assurance chômage et la loi immigration, l'indexation des salaires sur l'inflation, l'établissement d'un impôt sur la fortune "renforcé avec un volet climatique" et la généralisation de "la taxation des superprofits au niveau européen". L'augmentation du Smic à 1600 euros net (1398,69 euros actuellement) a également été actée. Ils ont osé ! Oui, bafouant leurs principes, reniant leurs valeurs morales et trahissant jusqu'à leurs propres électeurs, les partisans de la social-démocratie, les caciques du Parti socialiste (PS) se sont donc alliés, dans le « Nouveau Front populaire », qui n'est jamais qu'une indigeste resucée de la NUPES, avec ce ramassis, à quelques honorables exceptions près, d'antisémites, d'islamo-gauchistes, de pro-Hamas et d'anti-Israël, que forme la nébuleuse de La France insoumise (LFI) ! C'est dire si le principal fondateur, dans les années 1935-1936, de l'historique Front populaire précisément, Léon Blum en personne, qui était lui-même juif et qui venait directement de la social-démocratie justement, doit se retourner dans sa tombe ! D'autres sujets de désaccord persistant de pars et d'autre sont laissés de côté, tels le nucléaire et l'OTAN, et on a le droit à quelques fragment sur la guerre en Ukraine ...
Le nouveau Front populaire ou l'accord de la honte ...
Cette indignation qui est aujourd'hui clairement la mienne, bon nombre d'authentiques sociaux-démocrates, profondément attachés à la véritable et glorieuse histoire du socialisme à la française, tels des politiques du calibre de Manuel Valls, Bernard Kouchner, Jérôme Guedj ou Bernard Cazeneuve, et des intellectuels de "la trempe" de Bernard-Henri Lévy, Raphaël Enthoven, Pascal Bruckner ou Alain Finkielkraut, certains d'entre eux figurent par ailleurs étaient les meilleurs amis du monde, trahis en leurs idéaux les plus élevés sur le plan philosophique tout autant qu'éthique. Et surtout pas pour des motifs de basse cuisine électoraliste, de vulgaires calculs politiques ou de médiocres ambitions personnelles. Et que dire encore, pour en revenir à nos jeunes et bien vivants contemporains, du brave, courageux et talentueux Raphaël Glucksmann, qui, lors de son excellente campagne électorale aux récentes européennes, s'est fait souvent copieusement injurier, et parfois de manière aussi injuste qu'éhontée, par cette même LFI, qui, depuis toujours hostile à la création de l'État d'Israël, n'a jamais condamné publiquement, à l'instar des plus virulents des antisionistes et autres abjects antisémites, le 7 octobre dernier, par les terroristes du Hamas à l'encontre des juifs !
Une inversion des valeurs au sein du clivage gauche/droite
Sauf que, et c'est là que leur argumentation s'avère faible tant sur le plan politique qu'idéologique, sinon conceptuel, bon nombre des crédos les plus pestilentiels, dont l'antisémitisme précisément, de l'extrême droite traditionnelle ou, pour mieux dire, de l'ancien temps, mais qui n'ont cependant plus rien à voir avec l'actuel Rassemblement national, qui, on le sait, a rompu de manière drastique, après avoir fait amende honorable, avec l'ancien Front national de Jean-Marie Le Pen, se retrouvent aujourd'hui paradoxalement, avec des partis comme les nauséabonds LFI ou le NPA, à l'extrême gauche ! Le racialisme est un nouveau racisme venu de la "gauche identitaire", cette gauche qui rejette l'universel et vénère la race, la religion, le genre, l'origine Ils font fausse route car on ne lutte jamais contre le racisme en se vautrant dans la vengeance raciale. Le "blanc" (Qui est blanc? A partir de quand sommes-nous blanc? Le suis-je?) est pour eux un bourreau conscient/inconscient ou un bourreau en devenir. Le blanc est le "dominant" qui jouirait d'un fameux "white privilege". Les ouvriers "blancs" des usines aux trois-huit, ceux d'hier des mines, les paysans au RSA, apprécient chaque jour ces fameux "privilèges"... Derrière le racialisme se cache une lutte des classes qui rendrait acceptable toutes les manifestations de ségrégation pourvues qu'elles s'exercent sur un "privilégié" donc un "blanc". En cela le racialisme est un nouveau racisme venu de la "gauche identitaire", cette gauche qui rejette l'universel et vénère la race, la religion, le genre, l'origine. Le racialisme est une instrumentalisation des populations dites "racisées", pour mettre fin à la République. Le racialisme déshumanise "l'homme blanc" et ouvre aussi la porte à l'intolérable, à la violence, à l'injustice et relativise la souffrance de l'autre car il ne serait pas de la bonne couleur. Il est un racisme qui s'exerce au nom des "dominés", ainsi il serait donc juste de demander aux "blancs" de "se taire", de poser un genou à terre, de s'effacer, et bientôt d'être "cancel"? Prenons garde car le racisme des racialistes est une abomination comme tous les racismes. Tyrannie des minorités, culpabilisation permanente, invitation à la repentance perpétuelle, menaces de déboulonnage de statues... Le racialisme est une instrumentalisation des populations dites "racisées", pour mettre fin à la République une et indivisible. La lutte contre le racisme est un combat pour la restauration de l'humanité et de la dignité de chacun. Un combat pour unir les hommes, contre l'arbitraire, l'injustice. Le racialisme lui, n'est en rien une lutte contre le racisme, il est l'instauration d'un nouveau racisme.
L'islamisme et l'antisémitisme
La montée de l'islamisme a remis la haine des Juifs au cœur du débat. Le chercheur Marc Sageman en rend compte, en montrant qu'il constitue un ressort puissant pour les auteurs d'attentats djihadistes au début des années 2000. Elle n'a guère de relais politique dans l'opinion et à gauche notamment, mais cela n'empêche pas une critique droitière de se développer, accusant la gauche d'aveuglement, de naïveté ou de complaisance. Pour rendre compte d'orientations qui conjugueraient soutien à l'islamisme radical et appartenance à la gauche, certains ont trouvé utile de parler d'islamo-gauchisme, une expression en fait doublement malheureuse. Elle confond en effet islam et islamisme et gauche et gauchisme, alors que ceux qui y recourent sont eux-mêmes vite dans la dénonciation de toute la gauche, et dans la hantise de l'islam en général. La gauche de la gauche française, et l'écologie politique n'en sont pas moins parfois pénétrées par un antisémitisme qui ne distingue ni l'existence de l'État d'Israël d'avec la politique de son gouvernement, ni cet État d'avec les juifs de la diaspora.
« Dérapages » et nouvel antisémitisme
La guerre en Irak, le conflit au Proche-Orient, ont suscité à plusieurs reprises, outre des attaques et menaces sur des membres de la communauté juive en France, des « dérapages » parmi certaines formations politiques. C'était le cas notamment en 2003 lorsqu'Aurélie Filippetti, alors porte-parole des Verts, décide de prendre ses distances avec son parti à la suite de propos antisémites lors de manifestations. De là à leur imputer un antisémitisme flagrant et partagé par tous les sympathisants de ces formations, à l'instar aujourd'hui de La France insoumise (LFI), il y a un pas qu'il ne faut pas franchir. Cela ne vaut en effet que dans des cas limités, et en tous cas rarement explicites. Le phénomène existe, pointe extrême de logiques qui, sans témoigner nécessairement d'une haine proprement antisémite, mais n'en étant pas toujours très éloignées, mettent aujourd'hui sur une même balance la barbarie et les crimes de guerre du Hamas, et la politique du gouvernement israélien, que d'ailleurs critique en Israël même une opposition démocratique. Il ne doit pas faire oublier l'antisémitisme d'extrême droite, malgré les efforts de dirigeants du Rassemblement national pour s'en démarquer, ni celui qui pénètre certains musulmans avec éventuellement des soutiens idéologiques confusionnistes, d'extrême-gauche comme d'extrême-droite. Ce « nouvel antisémitisme », dont la dénomination appartient d'ailleurs plutôt au vocabulaire de la droite, est aussi diffus, poreux, flou, et, ainsi que le reflétait une enquête récente parmi les étudiants, il taraude toute la société. Et si je lutte en moi-même contre l'antisémitisme, l'islamophobie, la cathophobie et bientot, vous allez le voir, contre athéophobie (parce qu'on va bientôt trouvé un truc à leur reprocher au athé aussi, oui vive la France (c'est de l'humour je précise!)). Lutter contre les violences faites aux femmes, ... Le racisme, ce n'est pas pour faire "plaisir" aux juifs, aux femmes, aux Noirs ou aux musulmans, ni même aux blancs, ici ou ailleurs, c'est parce que l'antisémitisme n'est pas résiduel ! le racisme et tout aussi réel ! et sont bien les antithèses de cet universalisme qui dépasse nos origines et nous permet de nous projeter ensemble vers le progrès social, le vivre ensemble, le respect des individus et de leurs croyances ... On ne communique plus, on se tape dessus, directement ou indirectement par réseaux sociaux interposés, on ne sait plus ce que c'est que "débattre", débattre est le contraire de ce battre. ... Vous savez le truc qui permet à tous et chacun de mettre tout les sujets sur la table et d'écouter l'avis de tous et comprendre les positions de tous, parce que oui, toute personne a le droit d'avoir son opinion, aussi choquante puisse-t-elle nous paraître. La première des tolérances, c'est d'accepter qu'un autre ne pense pas comme soi. En examinant tous les aspects contradictoires, en facilitant les échanges entre eux, en essayant éventuellement d’arbitrer les conflits et de concilier les positions opposées, apprendre à réfléchir, à prendre la parole, à penser par soi-même, à poser un problème, à se former à la citoyenneté ... soyons citoyen bordel ! Read the full article
0 notes
mmepastel · 4 months
Text
Tumblr media
Quelle splendeur. Et pourtant, quel sujet, sombre et grave.
A travers le personnage génial inventé par l’irlandais Sebastian Barry, Tom Kettle, vieux flic de Dublin fraîchement retraité, et sa famille au sombre destin, c’est un pan très noir de l’histoire irlandaise qui est restitué : les abus sexuels sur enfants par l’église dans les années 60, qui hélas ont non seulement continué, mais été couverts par la police, et ne sont pas totalement relégués au passé.
Il y a des scènes et des détails très durs, mais l’écrivain a expliqué qu’il y tenait pour, en quelque sorte, partager le fardeau des victimes avec les lecteurs, rompre leur solitude, qui pour certains a duré des décennies ; des décennies pour révéler leurs traumatismes. Et je comprends cette démarche.
Le roman emprunte au genre policier : façon cold case, deux assez jeunes flics viennent voir le retraité éprouvé par l’existence pour le solliciter dans sa retraite peinarde dans une station balnéaire à côté de Dublin ; ils ont besoin de son aide sur un ancien dossier non résolu de deux prêtres pédophiles car il était en charge de l’enquête à l’époque. Chemin faisant, le lecteur entre dans la conscience troublée de Tom, et c’est là que le livre prend une autre ampleur : en plus de la dimension documentaire des faits d’écrits et de leurs effacements, on est complètement emporté par l’écriture qui se fait crue et lyrique à la fois dans les remous de la conscience de cet homme vieillissant. Tom se montre confus dans ses souvenirs. On comprend au fur et à mesure que c’est un mélange de possible Alzheimer et de refoulement psychique. Parce que la barque est chargée dans sa caboche, c’est peut-être le reproche (le seul) que j’oserais, elle est sacrément chargée. Il a perdu sa femme et ses deux enfants prématurément dans des circonstances que l’on comprend tardivement dans le récit. Était-ce nécessaire de l’accabler de tous ces décès et traumas, je ne sais pas. Ça m’a paru extrêmement lourd et j’ai souffert en écho. Bref. Ce qui compte, c’est le flux de conscience de Tom Kettle, un homme bon et profondément blessé, déjà rescapé d’une enfance difficile.
Il est à la fois drôle, désabusé, soucieux de bien faire, complètement largué, accablé de souffrance, illuminé de l’intérieur par son invincible amour pour sa femme perdue et ses enfants disparus, et on le suit dans ses pensées, divagations, très irlandaises je dirais, qui charrient le quotidien, le trivial, la beauté et le désespoir. C’est parfois dur à suivre, mais le style, le style bon sang, vous tient par les tripes, et vous l’aimez. On fait le voyage avec lui, qui lui fait reparcourir toute son existence à la recherche de la vérité. On s’interroge sur des questions existentielles. La foi, l’amour, le statut des morts, de leurs souvenirs, de leurs présences dans l’absence, le but d’une vie, l’utilité d’une vengeance, la guérison possible ou impossible, l’appel du bonheur, sa possibilité après tant de souffrance. C’est chargé je vous dis. Mais l’écriture reste malicieuse et sait délivrer des phrases incroyables qui tout d’un coup vous font pouffer, relâcher la pression, parce que, il n’y a pas de doute, Sebastian Barry sait raconter comme personne, et même au fond du fond, il lance des éclats de lumière et d’humour. C’est d’ailleurs aussi un très beau roman d’amour, qui sait raconter le bonheur (c’est assez rare).
Bref, vous l’aurez compris, j’ai adoré.
1 note · View note
zetaverein · 7 months
Text
Neuer Beitrag: Incrimination de la Zoosexualité : rapport de situation en France
Neuer Beitrag: https://blog.zeta-verein.de/2024/03/zoosexualita%cc%88t-lagebericht-aus-frankreich/
Incrimination de la Zoosexualité : rapport de situation en France
Tumblr media
  La nouvelle loi visant à lutter contre la maltraitance animale entame maintenant sa troisième année et il convient d’en établir un bilan.
Comme nous la savons, si la loi a largement échoué à son objectif initial de marquer des avancées significatives sur le domaine du bien-être animal, elle s’est accompagnée d’un sursaut législatif en matière de zoophilie, s’étant dotée d’un large arsenal pénal pour lutter contre cette dernière.
Toutefois, même en matière de protection des animaux contre les abus sexuels, le bilan reste très mitigé. Comme le démontrent les exemples tirés de la jurisprudence, les peines fixées ne sont absolument pas proportionnées aux souffrances subies par l’animal. Les peines dépendent directement du statut de propriétaire, érigé en circonstance aggravante, envoyant le message suivant : faites souffrir les animaux des autres et vous serez moins sévèrement punis.
En matière de politique pénale de lutte contre la délinquance sexuelle, la loi promettait d’attraper du zoophile, qualifié de délinquant sexuel en devenir et d’ainsi prévenir qu’il ne « passe à l’humain ». La recherche permettait déjà d’établir que de telles thèses sont au mieux infondées scientifiquement et au pire le fruit d’une campagne de haine anti-zoo. En effet, durant tous les débats sur la zoosexualité l’existence de personnes aimant réellement leurs animaux – les considérant comme des partenaires – a été soigneusement passée sous silence pour n’évoquer que les affaires sordides.
L’incrimination de toute forme de zoosexualité, indépendamment de toute contrainte ou violence, est un choix extrêmement dogmatique. En prenant des données très conservatrices sur le nombre d’inséminations par an en France, l’on se rend compte que la zoophilie ne représente que 0,1 % des contacts sexuels entre un animal et un humain. De plus, l’on peut rappeler que la loi autorise la castration sans justification de l’animal. L’on peut donc aisément écarter l’idée que le but de cette loi serait de protéger l’intégrité sexuelle de l’animal.
En conclusion, il est donc essentiel de se rappeler d’une chose : il y a des personnes qui tombent amoureux de leurs animaux, dont l’orientation sexuelle est tournée vers ses derniers. Il n’est donc pas ici question de délinquance, de violence mais simplement d’amour et de vivre ensemble. Ces lois et les arguments utilisés rappellent directement l’incrimination de l’homosexualité alors que ces derniers étaient qualifiés de déviants. Ce rapport vise donc avant tout à mettre en lumière la réalité de la zoosexualité, une réalité bien éloignée du portait qui peut en être fait par la société.
  Cliquez ici pour lire le rapport
Charles Menni
0 notes
cricxuss · 6 months
Text
Tumblr media
Le désir est une chose bien fragile, qu'il faut savoir construire lentement, par gestes doux et délicats.
Un geste trop hâtif ou maladroit et l'édifice s'écroule, quand bien même vous auriez passé une demie-heure à l'aider à s'élever.
Il faut déjà que le terrain soit propice aux incendies de la luxure entre les deux partenaires, et qu'ensuite le désir soit aussi également, aussi équitablement partagé que possible. Si l'un désire mais l'autre pas, ou pas au même moment, ou pas de la même façon, la sensualité se déploiera quasiment à peine perdue. Ou alors l'un se pliera aux volontés de l'autre, sans en percevoir pleinement les bénéfices. Bien sûr, je ne parle pas là des situations les plus extrêmes, ces abus et violences sexuelles dont les femmes sont trop souvent victimes, mais simplement des moments où les deux corps n'arrivent pas à communiquer, qu'ils soient amants tous les soirs de leur vie ou juste par hasard, pour quelques heures dans un lit; et il est vrai aussi que parfois le désir tarde en chemin, mais que la gourmandise finisse par se propager d'un corps à l'autre, au fur et à mesure des caresses, des baisers et des jeux érotiques connus ou inédits.
Mais quand le désir a pris forme mille fois entre vous, tout n'est pas fini. C'est une poterie éternelle: le sexe de l'homme a besoin de s'ériger, celui de la femme de s'humidifier; chacun doit participer, à son tour ou en même temps, à l'entretien du désir, en prenant soin de soi tout d'abord, en n'oubliant pas de titiller l'imagination de son ou sa partenaire de temps à autre, en acceptant à la fois de renouveler les jeux favoris qui ont forgé l'histoire érotique du couple et en acceptant d'en vivre et d'en proposer de nouveaux.
Rien de pire que la routine, qui jette un voile sur le regard autrefois si amoureux, qui anesthésie les caresses au point qu'on ne les perçoit qu'à peine, qu'on les délivre machinalement.
Gardez à l'esprit, au lit, cette maxime qui n'est pas de Robespierre mais de Danton (cul):
"De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace!"
( Copyright Lucas Heller, 08/04/2024)
(photo envoyée par une lectrice)
0 notes
yes-bernie-stuff · 10 months
Text
Dans nos sociétés, la sexualité est souvent évoquée, et il est évident que de nombreuses personnes sont en souffrance. Célibataire ou en couple, elle est à l’origine de bien des frustrations, de nombreux conflits avec soi-même et ou avec son partenaire.
Doit-on refouler sa sexualité, l’ignorer ? Comment gérer ces hormones qui travaillent en nous ?
Il est important de rappeler que la sexualité est un cadeau de Dieu.
Elle a été créée par Dieu. Elle nous habite dès la puberté, elle peut être la source d’un grand bien-être ou de terribles souffrances, selon qu’elle soit gérée selon le plan divin ou pas.
L’un des objectifs du diable, c’est de pervertir ce que Dieu a fait de bon.
Il ne se passe pas une semaine sans que les médias nous parlent du viol d’une jeune femme, d’une adolescente, d’un enfant.
Dans les cas les plus médiatisés, ces victimes sont retrouvées assassinées, laissant leurs parents dans la plus grande des peines.
Les victimes d’incestes, viols, abus, harcèlements, attouchements, voyeurisme, exhibitionnisme, cyberharcèlement sexuel, cybercriminalité sexuelle, appels obscènes, exploitation sexuelle, prostitution de mineurs, pornographie… portent des blessures qui nécessitent une guérison intérieure.
Par la prière, aujourd’hui, nous voulons être proches de ceux et celles qui veulent vivre une sexualité épanouie, libérée des blessures du passé, vécue selon le plan de Dieu.
« Seigneur, nous te prions pour tous ceux et celles qui vivent mal leur sexualité suite à diverses blessures, abus, ou frustrations. Qu’ils retrouvent le sens de leur identité dans une profonde relation avec toi ! Nous prions pour que les enfants, les ados, les jeunes soient protégés de tout ce qui pourrait les induire vers une mauvaise compréhension de la sexualité. Nous prions pour que les couples chrétiens, qui sont en souffrance, découvrent la richesse d’une sexualité vécue selon ton plan, au nom de Jésus, amen ! »Avec amour,
Paul
0 notes
christophe76460 · 11 months
Text
Tumblr media
Témoignage de Joyce Meyer
Guérie des abus sexuels !
J’ai été sexuellement, mentalement, émotionnellement et verbalement abusée par mon père aussi longtemps que je peux remonter dans le passé, jusqu’à ce que je quitte mon foyer à l’âge de 18 ans. Il a fait des choses terribles… dont certaines étaient bien trop révoltantes pour que je puisse en parler en public. Mon père était quelqu’un de méchant, d’autoritaire et de manipulateur pendant la plus grande partie de sa vie. Il était imprévisible et instable. En conséquence, l’ambiance dans notre maison était chargée de peur, parce qu’on ne savait jamais si ce qu’on faisait allait le mettre dans une colère noire ou non.
Aucune liberté
Nous faisions toujours ce qu’il voulait et quand il le voulait. Nous regardions ce qu’il voulait regarder à la télévision, allions nous coucher quand il allait se coucher, nous levions quand il se levait et mangions ce qu’il voulait nous faire manger… tout dans notre maison était déterminé par ses humeurs et ses désirs.
Les abus sexuels ont commencé lorsque que j’étais toute jeune et quand il estimait que j’étais devenue suffisamment grande, il allait encore plus loin. A partir de ce moment et jusqu’à l’âge de 18 ans, il me violait au moins une fois par semaine. Mon père, en qui je devais être en mesure de faire confiance et qui était censé me protéger, était la personne que j’étais amenée à craindre le plus.
Sentiments de honte et de solitude
J’avais profondément honte à cause de tout cela. J’avais honte de moi, honte de mon père et de ce qu’il faisait. J’avais aussi tout le temps peur. Il n’y avait aucun endroit où je pouvais me sentir en sécurité pendant mon enfance. Je pense que l’on ne peut même pas imaginer ce que cela peut faire comme tort à un enfant.
A l’école, je faisais croire que j’avais une vie normale, mais je me sentais tout le temps seule et différente de tous les autres. Je ne me sentais jamais à ma place et je n’avais jamais l’autorisation de participer aux activités postscolaires, ni d’aller aux manifestations sportives, ni aux surprises-parties, ni de sortir avec des garçons. Plusieurs fois, j’ai dû inventer des histoires pour expliquer pourquoi je ne pouvais rien faire avec mes camarades de classe. Pendant trop longtemps, j’ai vécu avec de faux prétextes et des mensonges.
⦁ - Où était Dieu dans toute cette histoire ?
Il était là. Il ne m’a pas libérée de la situation lorsque je n’étais qu’une enfant, mais Il m’a donné la force de m’en sortir. Il est vrai que mon père a abusé de moi et ne m’a ni aimée ni protégée comme il aurait dû le faire, et que par moments, il me semblait que personne ne pourrait jamais m’aider et que cela ne se terminerait jamais.
Mais Dieu avait toujours eu un plan pour ma vie, et il m’a rachetée. Il a pris ce que Satan a voulu de mal et l’a tourné en bien. Il a pris ma honte et m’a donné une double récompense (voir Esaïe 61:7 dans la Bible).
⦁ - Dieu peut te guérir et te restaurer
Cela peut te paraître impossible, mais la vérité de Dieu dans la Bible m’a libérée d’une vie de fausseté et de mensonges et a restauré mon âme. Je suis la preuve vivante que rien n’est trop dur pour Dieu ! Et peu importe ce que tu as traversé comme épreuves, ou à quel point tu souffres en ce moment, il y a de l’espoir !
C’est pourquoi je te raconte mon histoire. Tu as besoin de savoir à quel point Dieu est bon et à quel point ton combat est valable. Si tu veux donner ta vie à Jésus et vraiment lui faire confiance, tu peux être entièrement guéri et restauré, et vivre la vie pour laquelle Jésus venu mourir pour toi. N’abandonne jamais !
Joyce
0 notes
voxtrotteur · 1 year
Text
Le Kenya a annoncé qu’il était prêt à diriger une mission de 1 000 policiers en Haïti pour faire face à la violence et aux crises qui affectent le pays des Caraïbes. Cette proposition fait suite à l’appel du Premier ministre haïtien Ariel Henry pour une force multinationale qui pourrait aider à stabiliser la situation. Le Kenya attend l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU et de ses propres autorités constitutionnelles pour déployer ses agents. Une mission controversée qui rappelle le passé La perspective d’une nouvelle intervention internationale en Haïti suscite des sentiments mitigés parmi la population haïtienne. Certains y voient une opportunité de mettre fin à l’impunité des gangs armés qui sèment la terreur et le chaos. D’autres y voient une ingérence étrangère qui pourrait aggraver les problèmes. La mission rappelle la MINUSTAH, une opération de l’ONU qui s’est terminée en 2017 après avoir été accusée d’avoir provoqué une épidémie de choléra et des abus sexuels. Une initiative qui soulève des questions sur la capacité du Kenya Le Kenya est un pays africain qui n’a pas beaucoup d’expérience dans les opérations de maintien de la paix en Haïti. Certains observateurs se demandent si le Kenya est capable de gérer une telle mission tout en faisant face à ses propres défis internes. D’autres suggèrent que la ressemblance physique entre les Kényans et les Haïtiens pourrait faciliter l’acceptation de la mission. Le gouvernement haïtien a exprimé sa gratitude pour la solidarité africaine, mais l’ancien Premier ministre Claude Joseph a exprimé son scepticisme.
0 notes
jessicajac0b · 1 year
Text
4.18.2023
Aujourd'hui, je veux parler de Ronnie Spector (anciennement Ronnie Bennett) des Ronettes. Les Ronettes étaient un groupe musical américain formé à la fin des années 50 et au début des années 60. Les Ronettes originales se composaient de trois filles - Ronnie et Estelle Bennett, qui étaient sœurs, et leur cousine Nedra Talley. Les trois ont grandi à Spanish Harlem, New York et ont toujours aimé chanter et danser. C'étaient des chanteurs incroyablement influents connus pour leur tube "Be My Baby", entre autres classiques. Les Ronettes étaient uniques par rapport aux autres groupes de filles de l'époque en ce sens qu'elles s'inspiraient de la musique rock and roll, et non de la soul comme les Supremes et leurs contemporains. Les Ronettes étaient également uniques en termes d'identité, Ronnie et Estelle venant de racines noires, blanches et cherokee et Nedra venant de racines noires, blanches et portoricaines. C'est pour cette raison que les Ronettes ont été victimes de discrimination de la part des Blancs et des Noirs américains - pas considérés comme «suffisamment» pour s'intégrer vraiment. Dans l'autobiographie de Ronnie Spector, elle décrit une émeute qui a eu lieu à l'extérieur du théâtre Apollo à Harlem. Deux gangs locaux, un Noir et un Portoricain, se battaient pour savoir à quel groupe les Ronettes appartenaient vraiment. Ils ne savaient pas qu'ils appartenaient aux deux groupes. Malheureusement, la voix incroyable de Ronnie et son talent d'interprète ont été volés au monde pendant de nombreuses années grâce à son propre producteur, Phil Spector. Phil Spector est un producteur de musique incroyablement prolifique. Il a produit "Let It Be" pour les Beatles et tous les disques de Ronette, ainsi que de nombreux autres albums et singles. Cependant, Phil Spector a une longue histoire d'abus. Comme je suis sûr que vous l'avez compris d'après son nom de famille, Ronnie Bennett a épousé Phil Spector en 1968 après plusieurs années de fréquentation. Phil a horriblement traité Ronnie, la maltraitant physiquement et psychologiquement et essayant de la contrôler à tout prix. Phil l'a gardée enfermée dans leur maison, au grand détriment de sa carrière, et a dicté où elle était et ce qu'elle était "autorisée" à faire à tout moment. Ses enfants avec Ronnie ont allégué qu'ils avaient subi des abus physiques, psychologiques et sexuels de la part de Phil et il a même été reconnu coupable de meurtre. En 2003, une jeune actrice a reçu une balle dans la bouche au domicile de Phil Spector et on l'a vu sortir de la maison quelques instants plus tard avec une arme à la main. Il a passé des années en prison après avoir été reconnu coupable du meurtre et est décédé en 2021 à l'âge de 81 ans. Malgré les années que Ronnie a passées coincées à l'intérieur de la maison Spector, elle a fait un retour en musique après son divorce. Elle a continué à jouer et à enregistrer de la musique jusqu'à sa mort en 2022 à l'âge de 78 ans. C'était une personne et une musicienne incroyable avec une voix époustouflante.
Ci-dessous, une photo de Ronnie prise en 1966.
Tumblr media
0 notes