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#gravier roul
epopoiia-leblog · 2 months
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Les grilles d'un portail
Il était une fois les grilles d’un portail. Toutes les deux, nous avançons, bras contre bras, le vent nous secoue, il fait froid. Bottines sur le gravier, chaussures inadaptées, les talons s'enfoncent dans les pierres, et je la serre fort ma mère qui avance avec moi. Où nous allons, elle le sait. Elle se repère dans les allées, ses yeux observent sur les pierres des disparus et regrettés les dates et les noms, morceaux de vie de ceux qui ne sont plus. Les arbres les encerclent et des croix les protègent. Enfin nous arrivons. Maman a trouvé, là, devant nous, son portrait.  Comme dans mes souvenirs, mon arrière-grand-mère, belle, digne et fière. Maman se met à genoux sur les pierres, mortes les feuilles, fanées les fleurs, elle les enlève du visage de sa grand-mère. Je la vois faire, ses mains sont noires, son pantalon plein de terre. Et nous pleurons, elle à genoux et moi debout. Elle se relève, je pose ma tête sur son épaule, main dans la main, on se recueille. Le vent souffle dans la nuque et nos cheveux s’envolent. Des mèches brunes, des boucles blondes qui se mélangent et se perdent dans le mistral. On reste là. Des oiseaux nous observent, des étourneaux dans le ciel. La voiture roule, à la radio, c’est la chanson de Grand-Maman. Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles. Le soleil monte haut. Sous le pare-brise maintenant, sa chaleur je la sens.
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orageusealizarine · 1 year
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Pour toi, il n’y a pas de révolte, seulement la terre qui tombe à un rythme régulier sur le bois. Il n’y a pas de folie. Les étoiles ne tombent pas du ciel, droit dans tes yeux, tes yeux extasiés, écarquillés, prenant toute la place sur ton visage, tes yeux indéfinissables, dévorés par les astres et dévorant tout ce que tu vois. Tes cheveux ne sont pas des coulures, ne dégorgent pas d’eau dans ta nuque, sur tes épaules, tes cheveux ne sont pas des effets de l’eau, des reflets du soleil chamarrés sur la mer. Tu n’es pas dans l’univers une partie élémentaire, tu n’es pas dans le feu des astres, de la foudre, un éclat de lumière, une parcelle électrique, une nuance encore jamais vue. Tu ne fais pas partie des choses, de l’univers, tu ne fais pas partie, tu n’es rien, tu es rien, ce quelque chose qui ne s’incruste pas dans le ciel, qui ressort sur l’écorce des bois, tes bras n’épousent pas la rugosité des murs de pierre, tu ne baises pas les courants d’air déposés sur tes lèvres ;
tu les avales, tu les brises avec tes dents, tu suffoques de tout ce ciel dans ta gorge, tu n’es pas à l’image de l’univers, une partie de cette partie visible, tu n’es pas en communion avec ce qui est, ce qui reste, même quand tu fermes les yeux, avec ce qui ne change pas de place, ne change pas d’identité même s’il change de forme, grandit, s’expand, tu n’es pas dans la stabilité du monde mouvant des êtres de l’air, de l’eau, tu n’es pas dans ce même-ipse qui manque aux êtres de chair, tu es dans l’inconsistance de l’homme, de la femme, tu oublies la matière de ton corps, les épousailles de ta peau avec la terre ocre, rouge, noire. Tu oublies tes respirations dans des jeux qui n’engagent pas les rais de soleil, tu ne regardes pas au travers des carreaux pour enlacer le ciel
de tes yeux devenus transparents à force de les lever dans la lumière, de les délaver dans la pureté, les tremper dans la clarté des ciels, tu ne vois pas les herbes qui défoncent l’asphalte, les murs, les pétales qui tombent, tombent après la pluie tes doigts ne les ramassent pas, tes lèvres n’embrassent pas le gravier sur les feuilles souillées de la terre soulevée par la violente relâche de la pluie. Tu ne fais pas partie des choses.
Tu ne fais pas partie des rues, des grands vents, des parcs, des maisons, des objets toujours posés au même endroits par les esprits distraits, tu n’es pas au-dedans des ombres sur lesquels mes pas reposent, ne pèsent pas, tu ne fais pas partie des rectangles de lumière sur les façades des immeubles, ni des branches qui les caressent. Tu ne fais pas partie des choses que j’aime.
Tu n’es pas dans le cœur des paroles brisées, transportées dans un espace vide, déplacées avec les passants, tu n’es pas dans la paume des prairies ni dans les plis au coin des lèvres. Tu n’es pas, tu es dans l’aveuglement des bourdonnements de ce que je ne sais pas nommer, pas dans l’étrangeté des jours qui défilent, des pages arrachées aux calendriers, tu n’es pas dans mon cœur la pierre qui roule, le granit qui braisille sous les paupières du soleil, les larmes dans mon cou quand la mer s’en est allée, tu n’es pas dans l’air que je respire,
une dentelle ombrée dans la faïence du ciel, un repli secret sur la peau, sur le tronc des arbres, les cils des fleurs, les ascensions condensées de la rosée le matin, tu n’es pas dans les plantes entre mes doigts, sur mes lèvres qui tremblent, pas dans l’émotion du sable sous la pulpe de mes doigts, tu n’es pas,
tu n’es pas, pas dans mon émotion devant tout, tout, tout, cette constellation universelle qui me fait marcher en équilibre sur le macadam le plus stable, les larmes aux yeux, ni même dans le frémissement des inconnus qui m’effleurent de leurs parfums, ni dans la clarté, ni dans l’ailleurs, ni dans mon regard, pas de merveille, pas mes merveilles...
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completementalest · 1 year
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Oh man ! (2/3)
Après une pause bien méritée et agrémentée de snacks à Al Hamra, on reprend la route pour notre deuxième bout de boucle autour des montagnes. On attaque dans le dur avec la montée jusqu’au Jebel Akhdar (c’est le nom de la montagne) et le village d’Al-Aïn, connu pour ses champs de roses. C’est pas du tout la saison de la floraison donc on est plutôt sur des dégradés de jaune que de rose mais ça reste très beau ! Une fois en haut, on erre mollement entre les terrasses de culture et le vieux village car on est un peu fracassés par la montée (on parle quand même de 1500 mètres d’altitudes en moins de 20 km !). L’accès est d’ailleurs réservé aux 4X4 (d’où les œillades incrédules des policiers à notre passage) et les locaux râlent contre les ingénieurs qui ont dessiné la route… On les comprend, de notre côté ça chauffe sérieusement les cuissots à l’allée et nous ponce les plaquettes de frein au retour. On poursuit  vers l’est et le désert, le vrai, fait de dune géantes couleur abricot et de bancs de dromadaires. Comme nos vélos sont totalement obsolètes sur les terrains sableux, on se contente de rester au seuil. On se fait quand même inviter à boire un café omanais (= café à la cardamome) par une grande famille sous une tente. On repartira avec un paquet de dattes sous le bras, un bracelet et un porte-clé fabriqués par les femmes (et après s’être prêtés à une longue séance photo avec les enfants). Les sacoches de Simon nous rappelleront à cette excursion en recrachant continuellement du sable pendant les deux semaines suivantes. On vise ensuite la mer d’Arabie avec le vent dans le nez et au fil des jours la fatigue s’installe sérieusement, d’où notre soulagement en arrivant à Sur. On se retape avec pas mal de restaurants indiens (= eldorado) avant de repartir le long de la côte où le vent est encore contre nous (comme par hasard). A peine repartis qu’on est surpris par la pluie qui n’est pas tombée dans le pays depuis plus de 7 mois (!). 9 filles à bord d’une voiture qui nous double nous font alors de grands signes pour nous inviter à nous mettre à l’abri… C’est pas de refus ! On nous installe dans un salon où on nous nourrit de moult chips (goût ketchup) et g��teaux (de type gaufrettes) et on nous invite à rester pour dormir. Une des filles de notre hôte semble fascinée par Simon et le couve du regard en lui posant plein de questions (dont la gênante « est-ce que tu me trouves jolie ? »). Le lendemain, on essaie de partir mais on nous fait comprendre que ce serait bien de rester une nuit supplémentaire. On cède et on se laisse porter, on fait même une excursion au Wadi Tiwi (une très belle vallée qu’on est contents de découvrir depuis un pick-up vu les dénivelés délirants pour y accéder). Le manège recommence le jour suivant mais cette fois on reste forts. On reprend donc la route en passant au milieu d’un réserve de gazelles (!), direction le Wadi Shaab, vallée très prisée des touristes (à juste titre!). On se retrouve à barboter entre touristes, du coup c’est un peu plus détendu que habitude niveau règles de conduite vestimentaires. Une nuit sur la plage plus tard, on roule pour aller au Wadi Al Arabiyin. C’est un peu la vallée parfaite pour nous : la route est faite d’un gravier tout à fait confortable et les pentes sont rares et douces. En plus, il y a de l’eau pour se tremper, ce qui est assez rare dans ce pays. Quelques jours plus tard, nous sommes de retour à Mascate, chez Joe et Tara, où on pourra retourner visiter le Carrefour, nettoyer nos vélos et changer nos plaquettes de freins.
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Compagnons de route.
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Oman, paradis du camping.
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Pas de roses dans le village aux roses.
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Perspective et routes en zigzag.
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Farandole de terrasses.
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Farandole de terrasses bis.
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La sécheresse dans les champs.
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Oman, paradis du camping bis.
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Du gravier, toujours du gravier.
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Et bonjour le désert.
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Océan de dunes.
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Ça avance pas vite dans le sable.
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Gymnastique sableuse.
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Gymnastique sableuse bis.
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Chérubins du désert.
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100 % à l’aise.
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Dunette de compagnie pour la nuit.
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Flotille à Al Ashkirah.
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Ça se voit pas mais il y a beaucoup trop de vent de face sur cette plage.
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Cabane de plage.
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Merci les filtres à eau.
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Meilleur ravito.
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Merci pour les chips goût ketchup.
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Sape locale (on assume moyen).
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Coiffe traditionnelle sur homme occidental.
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En ballade dans le pick-up avec Tasneem et Aseel.
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Lotissement de bord de mer.
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Wadi Shaab : center parcs de qualité.
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Ambiance mouettes-vaguelettes.
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Paradis du cyclisme.
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La beauté.
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Le bain.
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Contente.
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Conditions extrêmes.
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Conditions extrêmes bis.
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On aime les pistes.
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Partageons la chaussée.
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Petite cycliste, grande paroi.
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Rencontre inopinée avec des cyclistes iraniens.
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Bouquet de bougainvilliers.
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“Un vélo heureux est un vélo propre”
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Terminé bonsoir.
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"J’ai toujours aimé les voitures puissantes”
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luc3 · 4 years
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(all night spent heading down rapids, head first.)
then be the torrent itself, the roar of the water hitting the rocks, the furious water that breaks against the stone, then gushes out again, swirls, goes up its own current, finally sets out again, bursts of gray-white light, the water as sharp, the water braced in its current, twisted by its roar, its sighs, its cries, the unstoppable water-goddess, then the vegetation around, tangled, creepers, thorns, trees with knotted trunks, gravel which rolls and is lost, and finally above, the gods of the cliff, marmoreal, unbearable.
--
(keep reading for the french version)
(toute la nuit passée à descendre des rapides, tête la première.)
puis être le torrent lui même, le rugissement de l'eau qui percute les rochers, l'eau furieuse qui se brise contre la pierre, puis jaillit encore, tourbillonne, remonte son propre courant, finalement repart, des éclats de lumière grise-blanche, l'eau comme aiguisée, l'eau arc-boutée dans son courant, tordue par son grondement, ses soupirs, ses cris, l'eau-déesse inarrêtable, puis la végétation autour, enchevêtrée, des lianes, des épines, des arbres aux troncs noués, du gravier qui roule et se perd, et enfin au dessus, les dieux de la falaise, marmoréens, insoutenables.
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fidg3ty-blog1 · 5 years
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Beautiful Gravier En Vrac Castorama
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pursehouse-blog1 · 5 years
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Beautiful Gravier En Vrac Castorama
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Sur la route : Mount Isa > Camooweal
On roule sur du bitume, on roule sur des routes de terre, le tout, en ligne droite dans une tempête de vent et avec des mouches.
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traitor-for-hire · 5 years
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Tout le monde a tort au sujet de la fin du monde - il ne finit pas dans une explosion ou un gémissement. Ni par le feu, ni par la glace.
Il finit en cendres.
(Ou, Thanos claque des doigts, et Frank et Karen survivent)
Extrait du chapitre 1 :
Voici comment le monde finit.
Il finit avec Frank Castle qui marche le long d’un pâté de maisons quand une camionnette dévie jusque sur son chemin.
Il parvient à se dégager du passage - à peu près. Il roule le long du trottoir, bras tailladés par le gravier, puis il est sur ses pieds, tous ses instincts le poussant à se mettre à couvert, découvrir si c’était une tentative d’assassinat ou -
Il n’y a personne dans le siège du conducteur. Frank se rapproche, le cœur cognant contre ses côtes, mais c’est vide. L’intérieur de la voiture est étrangement sale, couvert de suie.
Un crash se fait entendre ; Frank sursaute et fait volte-face - une autre voiture vient de percuter un camion de livraisons. Il y a des cris, des hurlements, et -
Une explosion à quelques blocs de là.
Il y a une jeune femme à quelques mètres de lui ; elle a l’air paralysée par le chaos soudain, et Frank la rejoint. « M’dame, venez. Vous ne devriez pas être dans la rue. »
Quelque chose cloche. Quelque chose est horriblement parti en vrille, et New York est de nouveau un champ de bataille.
La femme hoche nerveusement la tête. Elle va pour se retirer dans une allée, mais avant qu’elle puisse atteindre la sûreté de ses murs -
Il le regarde se produire.
Ses extrémités commencent à s’effriter en ténèbres et en poussière.
Frank Castle a vu la mort avant - il a regardé des hommes exploser, a regardé des balles pénétrer la chair exposée, a vu des gorges tranchées et des abdomens déchirés. Il a toujours pensé que rien dans la violence ne pouvait plus le surprendre. Il a été baigné de tant de sang que ça ne le dérange plus qu’à peine.
Mais il n’a jamais vu quelqu’un simplement cesser d’exister.
Lire la suite sur AO3
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phinae-simblr · 6 years
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Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage...
(en ce qui me concerne j’en suis à la vingt-et-unième, au moins, et je ne m’en lasse pas, pas encore. C’est comme le vin, on se bonifie avec le temps)
Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée. En vain, vous me frappez d'un son mélodieux, Si le terme est impropre ou le tour vicieux : Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme. Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain. Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d'une folle vitesse : Un style si rapide, et qui court en rimant, Marque moins trop d'esprit que peu de jugement. J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux, Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux. Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez....
(Nicolas Boileau)
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sexwiththepast-blog · 6 years
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En l'absence d'Aldiouma
Comment ça se dit, une image ? Est-ce que ça se raconte ? Est-ce que ça se lit ? Est-ce que ça se vérifie ? Et quel rapport avec la facture d'électricité ? Tu aimerais bien raconter, simplement raconter. Tu t'y évertuerais, si tu étais capable. Ce serait plutôt haut, une histoire exclusivement. Une histoire, toute une histoire, rien qu'une histoire. Ça défilerait comme dans une tête, les mots feraient image, les mots feraient son. Les images seraient, oui : ça tiendrait la route. On te dirait conteur, Dichter, narrateur, menteur, cinéaste, whatever. On ne te dirait pas, on se rendrait pas compte. C'est que l'histoire prendrait le dessus, bien le dessus sur toi, le dessus sur le reste, elle embarquerait l'autre. Avec bonheur, ta pomme n'aurait plus aucune espèce d'importance. Un maillon quelconque. Pas plus d'épaisseur qu'une feuille de papier à cigarette. Tu ne donnerais plus prise, ça raconterait seul et d'autant mieux que tu n'y serais pas. Personne ne prêterait plus attention au fait qu'à un moment tu fus dans la même barque qu'elle, que l'histoire qui prendrait forme là.
Il faudrait cependant retourner sur les lieux. Et retourner dans le temps. Car les images sont là, oui, mais les mots, non. Les mots se cachent. Les mots se planquent. Les mots se dérobent, ils se font la malle, ça ne date pas d'hier. Enfouis, enfouis, enfouis. Les souvenirs, non. Bittersweet memories. Mais les mots, si. Retirés, disparus, ensevelis peut-être, hors de portée à tout le moins. La mémoire ne flanche pas, ce sont les mots qui se refusent à l'entrée, les mots qui se rétractent, les mots auxquels tu n'as pas droit ou qui estiment à part eux que tu ne les vaux pas. Les mots te tournent le dos. Les mots, oui, te font défaut. Rétifs, ils manquent à l'appel. Les mots ne sont pas là. Ils te narguent même, on dirait ; ils te posent un lapin. Les mots te manquent, les mots manquent. Et les images, alors ? Elles sont là. Quelque part en tout cas. Elles ne manquent pas, non, mais, quoi faire pour autant ? Quoi en faire, quoi faire avec ? Les images là le sont à l'imaginaire, elles sont à l'esprit, peut-être pas qu'en toi mais pas partout non plus. Et le fait qu'elles ne semblent pas bien loin, est-ce que ça change quelque chose ? Et si oui, quoi ? Qu'est-ce que ça y fait ? Des images mentales, ça se cantonne tout de même, ça suinte un peu au mieux et puis c'est tout. C'est tout, voilà, y a rien à faire. Pour l'instant tu ne peux rien faire. Il va falloir attendre, attendre de nouveau. Attendre encore un bon paquet de temps résolument mauvais qui te semblera long comme le bras, qui te coûtera tout ce qu'il ne te rapporte pas. Et Dieu sait que tout ça ne te rapporte rien.
Il faudra faire un jour toute la nuit sur cette histoire. Pour cela, tu envisagerais de filmer. Filmer de près et de loin. Filmer par-ci et par-là. Avec opiniâtreté mais sans bouger de trop. Sans lumière ajoutée. Ou sous les phares d'une auto. Filmer en dépit de. Pas du bon sens, non, mais du reste. Filmer quoi qu'il arrive. La pelouse luisante. Les roches artificielles. Le dénivelé brut. Les grottes faméliques. Les nids de poule retors. Les ombres promenées. La vue panoramique mais voilée. Le livre abandonné sous le banc numéroté. Prendre aussi le bruit des graviers, tantôt un brin étouffé, tantôt plutôt amplifié, fonction du volume de la rumeur générale. Enregistrer le souffle dans les séquoias — le souffle des séquoias. Les bagnoles au loin, qu'on entend justement au loin, contrairement aux riverains de L'Eau-qui-dort, qui sourdent là, derrière vous. On pourrait faire ça avec le téléphone. La définition est correcte, la sensibilité idoine. Suffira d'y brancher le bon micro. L'absence de miroir est un miroir. On filmerait non pas la ville mais la nuit. Pas la ville de nuit mais la nuit même. On y cultiverait les tremblements d'obscurité. On en attraperait l'opacité prégnante. On y collecterait l'antiparticule du photon — à savoir le photon lui-même — et ce bien qu'un photon averti en vaille deux. (Sans parler de la chandelle sacrée que vaudrait la captation du faisant-trou.)
En attendant, tu descends l'avenue Bolívar sur un brancard. C'est le brancard du centre de rééducation où Aldiouma travaille. Elle y est infirmière. Elle vit chez son oncle. Tu n'en sais pas bien plus. Tu l'aurais rêvée, ce serait la même. Elle t'est comme apparue là. Ceci dit, elle est bien infirmière rue du Val d'Or et c'est bien elle qui t'inocule l'anticoagulant. À ce qu'on sache, tu n'es pas sous anesthésiant, analgésique, ni anxiolytique ou quoi. Pourtant tu sembles flotter comme dans un rêve. Autour de toi ça flotte aussi, comme si tu dormais. Réalité comme en sommeil. Mi-paradis, mi-enfer. (Et plus souvent enfer que paradis d'ailleurs ; un cauchemar, assurément.) Ça tourne, ça re-tourne. Léger et lourd à la fois. Un voyage à peu de frais et impossible, insupportable. Le tournis garanti. Un haut-le-cœur pénible. Une humeur malignement distillée. Le fruit triste d'un prurit intérieur. Bref, un état second. Cotonneux comme du plomb. Poisseux, terrible et froid comme, sinon la mort en personne, au moins l'angoisse en personne. – Eh ben v'là quoi, mon gars, tu redoutes le pire ? On ne te donne pas tort.
Qu'est-ce que tu fous en pleine rue à trois heures du matin à cheval sur un brancard ? Tu collapses ou tu fomentes un travelling ? Qui pour répondre à ces questions ? Qui pour arrêter le brancard, l'empêcher de rouler tout seul, de dévaler ainsi la pente, d'avaler au passage ce qui te reste de sauf ? Le goudron est si mat vu d'ici. Pas une mouette à l'horizon. Tu fonces sans t'en rendre compte. Y aurait de quoi flipper, mais non. Tu te tiens droit, pas vraiment comme un i, m'enfin. Comme tu peux, disons. En même temps, il faut bien que tu t'y accroches au brancard. Pas facile de rester debout dans ces conditions-là. Quoi qu'il en soit, c'est bien un aliéné qu'on voit débouler là à toute blinde dans le bas de Secrétan. Cet aliéné, c'est donc toi. La preuve, c'est qu'il n'y a personne pour le voir. (L'aliénation vaincra !) Ni pour le contredire. (Pas plus sain qu'une bonne aliénation !) Aucun doute, tu nages bien en plein délire. Tout à fait hors des lignes rouge et jaune de la piscine Pailleron.
C'est à la jambe qu'on t'a opéré. Au genou droit, pour être exact. Tu partages l'appareil de musculation avec un type sans cheveux qui, pendant que monte et descend la fonte, te parle de Maldoror. Précisément, préoccupé, tu n'as pas remarqué que tu sentais mauvais des pieds. C'est une patiente embêtée qui t'oblige à le constater. (Et force est de le constater.) Tu te rechausses derechef. Le type, lui, est tombé la semaine dernière de l'arbre dont il avait à tailler les branches, c'est son métier.
Quid de l'entreprise qui doit nous occuper ? Pour la mener à bien on finirait par n'utiliser plus que des infinitifs. Ça n'en finirait pas. De l'infinitif et quand même un peu de conditionnel. Infinitif, conditionnel. Conditionnel, infinitif. La paire gagnante à coup sûr. Comme Laurel et Hardy. Ou Buster et Keaton. Sinon, question lentille, va pour la focale fixe de marque suisse. On n'est pas près de se coucher. Avec de tels choix, on ne risque pas de se coucher. Tu vas voir ce que tu vas voir. Au lieu de quoi le brancard arrive à Jaurès. La plume en berne. La caméra tombée en rade. La ténèbre adéquate bien trop vite édulcorée. Tout roule et rien ne roule. Ça tourne mais pas comme il faut. Tu vas donc devoir continuer à appuyer sur la béance. Limiter la perte de sang. Contenir l'abus de dedans rencontré au-dehors. Ravaler le sang qui noircit — celui qu'on appelle mélancolie.
C'est toujours un arrachement. Un qui s'impose, on te l'impose, on se l'impose. À l'intérieur, ça fait un mal de chien. Une douleur, un cri de dogue. Est-ce une dent qu'on tire, est-ce un œil qu'on triture ? Qu'est-ce qu'on crève là, qu'est-ce qui y crève au passage ? Quelque chose crève en tout cas, ça t'en es sûr. T'en mettrais ta main à couper. Ça en crève et on continue — je me demande bien pourquoi quand même. Et puis c'est écarté d'un revers de main, tu t'écartes toi-même d'un revers de la main. Celle-là même que tu vas mettre à couper.
Le brancard continue sa course folle. Il en a pris, dis-moi, de l'assurance. Et de l'autonomie. Un brancard pareil, c'est pas commun, hein. Il file droit sous le métro aérien. Il lui fait la nique, même, on dirait. De là à dire qu'il persiste dans son être, faut pas non plus pousser Mamie dans les orties. (De toutes les façons, faut pas pousser Mamie dans les orties jamais !) Vraiment pas froid aux yeux, ce brancard-là. Tu paries que l'extravagance de son comportement va donner lieu à de nouvelles expressions ? Filer droit comme un brancard vide. Brave comme un brancard ensorcelé. Bringuebaler à brancard libre. Azimuté comme un brancard lancé pleine vitesse et de plein gré. Plein comme un brancard à jeun, pourquoi pas non plus. Bref. L'essentiel, c'est que ce soit bien le brancard, et le brancard seulement, qui attire l'attention. Passée la rampe d'escalier, pleins feux sur le brancard. Toi, maintenant, tu passes naturellement pour mort. Pour mort, tu passes crème, même. Et de mort naturelle. Ainsi, tu es tranquille. Enfin tranquille, enfin. Débarrassé enfin. Débarrassé de quoi ? De cette permanence noire qu'est la menace de mort. Ce sparadrap notoire. Tu ne seras plus obligé de raconter (la façon dont ça te collait, dont ça te poursuivait). Non, tu n'auras plus à te tordre. Maintenant que du point de vue de la mort te voilà mort. Mort aux yeux de la mort.
[Texte écrit dans le cadre de l’atelier de François Bon : construire la ville avec des mots #45 la nuit — cf. Je vous parlerai d”une autre nuit, Tiers Livre Éditeur]
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valonfd · 4 years
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Jour 13: Jeudi 20 août - 184km
(bande son: Des petits pas - Zebda)
Une fois n’est pas coutume, je vais commencer ce jour par des souvenirs d’autres jours. La fin approche, à part la mécanique du vélo qui m’interroge, je ne vois pas trop ce qui pourrait m’arrêter. Depuis que hier j’ai vu les Pyrénées au loin, mon esprit a opéré un tournant. Les images reviennent et un avant-goût de nostalgie pointe déjà le bout de son nez. Alors je vais rendre à nouveau hommage aux personnes qui sur la route nous ont encouragés. On m’en avait parlé, je m’y attendais, mais quand on est un quidam, quand on n’estime pas qu’on ait quoique ce soit d’exceptionnel, c’est un sentiment fort et surprenant que de se voir soutenir et félicité par des inconnus. Je pense que ce que ces gens soulignent dans notre aventure, ce n’est justement pas le fait qu’on fasse une chose d’exception, mais simplement qu’on ait la pugnacité d’aller au bout de ce qu’on s’est fixé. La French, c’est un sacré morceau, mais il n’y a pas besoin d’être un géant pour le faire. Certains parlent de courage, je n’emploierai pas ce mot. Pour moi il faut du courage pour réaliser quelque chose à laquelle tu ne peux pas échapper : combattre une maladie, aller au turbin quand ton boulot est chiant mais qu’il faut nourrir la famille, traverser la Méditerranée pour éviter les balles perdues .... Nous, on a voulu ce qui nous arrive, on s’est engagés seuls comme des grands pour cette aventure. Alors oui, il faut un mental proche de celui d’un guerrier et beaucoup de persévérance, mais il nous reste une bonne zone de confort. Bref, j’aime à penser que ce que nos “supporters” aiment dans la French c’est sa dimension terriblement humaine qui facilite la catharsis. Il en est d’ailleurs bon nombre qui disent vouloir participer un jour à l’aventure.
Je me souviens pêle-mêle. Un photographe dans une forêt, que je prends d’abord pour un ornithologue, avant qu’il ne me prenne pour cible puis me dise avec un regard franc “c’est fort ce que vous faites”. Un joggeur qui arrive à contre sens dans un chemin du Gers et m’interpelle par mon prénom qu’il avait lu sur Map Progress, pour m’offrir une bouteille d’eau et discuter un moment. Deux petites filles blondes dans un jardin qui m’attendent pour m’applaudir et leur père derrière qui me demande si je n’ai besoin de rien. Des gars assez louches et avinés dans le nord qui me disent avec un accent à couper au couteau : « bouai ! y veut d’l’eau ou y veut pas d’l’eau ? ». Il y a ceux dont j’ai déjà parlé et j’en oublie. Ils n’étaient pas mille, mais suffisamment rares pour apporter une touche unique à cette French Divide. Merci.
Je repars ce matin du jeudi 20 août vers 5h - 5h30 et ma lampe avant confirme son dysfonctionnement. Jour - nuit - jour - nuit - jour - jour - nuit. J’ai ma frontale pour garder une certaine continuité, mais elle devient insuffisante dans les descentes et je me fais peur sur des chemins Gravel qui ne poseraient d’habitude aucune difficulté, car je ne vois pas les trous et je n’arrive pas à appréhender les zones où le trop plein de gravier induit des dérapages incontrôlés. Je ralentis et n’hésite pas à mettre pied à terre, je ne vais pas me viander si près du but ! Je rattrape Sven, parti une heure plus tôt. Il me film quand j’arrive sur lui. Il fait sa pause, il a l’air heureux même s’il m’apprend qu’il a crevé ce matin. Nous rentrons dans une longue, longue forêt, parsemée de montées conséquentes. Stef m’avait dit que c’était roulant après Marciac, mais comme promis j'avais bipé la phrase et donc je roule assez fort sans me soucier du reste. Je perds Sven qui a plus de mal dans les montées, j’avance vraiment bien. J’arrive à Ibos où je mets à sac la boulangerie. Sven me rejoint peu de temps après et repart avant moi.
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Bien repu, je repars en direction de Lourdes en mode débranché de la cafetière. J’imagine que la ville va être bondée de touristes/pèlerins et je décide de ne pas m’arrêter là-bas sauf si le magasin de vélo que l’on dit “French Divide Friendly” est ouvert. Dans ce cas je demanderai l’avis d’un mécano sur le bruit de mon guidon. J’hésite aussi à acheter de nouvelles plaquettes de freins et à faire remonter mon tubeless à l’arrière. J’ai vraiment pas envie de perdre de temps. La chambre tient bien, il ne reste pas tant de bornes alors ça devrait quand même passer pour les freins.
Je fais la boucle dans Lourdes, il y a du monde, mais pas si pire du fait de la Covid sans doute. La fin de trace GPS m’amène au magasin de vélo qui semble fermé ce qui n’est pas anormal à 12h30. Je descends tout de même de vélo et je vois le rideau métallique, qui n’était que partiellement fermé, se rouvrir comme par magie. Le gérant m’accueille et me propose de prendre le temps de m’arrêter. Je prends un café, une eau gazeuse puis discute avec lui et une de ses collègues pendant leur pause déjeuner. Ils sont très agréables et m’offrent de partager leur dessert : pêches bien juteuses. Je lui demande mon avis pour le vélo. Il pense aussi aux roulements de direction - pas grave. Les freins ? pas besoin au pays basque - ahaha j’aime les vrais VTTistes !
Je repars par des chemins bucoliques qui longent la Gave de Pau (la rivière qui traverse Lourdes). Je vois des petites familles ou des bandes de jeunes plonger dans l’eau et j’ai de subites pulsions qui me commandent de sauter avec eux sans même poser pied à terre. Ça pourrait faire une jolie vidéo et une bonne gamelle. La trace suit les chemins de Compostelle dans une version spécialement adaptée au vélo pour la plupart des tronçons. Il y a de plus en plus de pèlerins à pied et ils ne me donnent pas envie. D’abord parce qu’ils sont trop nombreux et moi je suis trop ours pour cette promiscuité. Ensuite parce qu’ils ne vont pas assez vite : il n’y en a pas un qui sera capable de me redépasser – ahaha - les nuls. Enfin parce que la plupart ont une démarche qui trahit les bobos multiples. La marche, j’adore, je viens de là, de la randonnée en montagne, et je crois que c’est plus dur que le vélo sur la somme des efforts. A vélo, tu puises sans t’en rendre compte et c’est traître. Tu as des moments d’efforts plus violent, mais il ne tient qu’à toi de les tempérer. En revanche, quand tu marches, tu portes ton poids plus celui des bagages et tu n’as pas de levier de vitesses dans les passages difficiles. En descente, les genoux, les cuisses, le dos, tout prend. C’est difficile de marche, je le fais depuis que je suis tout petit et une grosse partie du mental que j’arrive à développer à vélo s’est forgé pendant mes randonnées. J’ai déjà marché avec des novices, ils craquent souvent très vite, sur des efforts qui te paraissent anodins quand tu es habitué.
J’arrive à Bruges (mais la Belgique c’était pas au début ?) où je me pose confortablement devant une église pour manger un sandwich que j’avais dans la besace. Voilà, bouffe, patrimoine et pédale, un bon instantané de French. Un peu plus loin je m’arrête dans un bistrot où la petite famille du patron digère à l’abri du soleil. Je prends un café, une glace et ça repart. Pendant tout ce passage de Lourdes à Oloron je vais glisser de concert avec l’eau de la rivière, c’est une journée pour le Gravel, ma mère.
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Oloron ! Dans ma tête ce doit être une petite bourgade charmante des Pyrénées avec tout ce qu’il faut pour se sustenter. J’arrive vers 19h, les épiceries sont fermées, je trouve ça moche et je me retrouve sur un rond-point pourri à commander de quoi manger dans une boulangerie/snack. Je n’ai pas du tout envie de m’installer par ici et j’aimerai pousser au plus loin tant que j’ai les jambes, pour avoir le moins de bornes à faire demain et profiter de la dernière journée le plus sereinement possible. Il me reste 140km à partir d’ici, en profil montagneux c’est bien trop pour une dernière étape. Je me résous à contrecœur à passer à l’hypermarché 1km plus loin pour faire des courses pour ce soir, car sur la trace je n’ai pas coché de lieu de ravito avant un bon moment. Retour au mauvais côté de la civilisation. J’arrive tant bien que mal à négocier de poser mon vélo à l’accueil le temps de faire mes courses. Je me perds dans les rayons et choisis sans trop réfléchir pour déguerpir le plus vite possible. Il est 20h, j’ai de la bouffe plein le sac, un vélo qui craque, des jambes en bon état et des scoubidou-bidou.
J’ai trouvé qu’Oloron c’était pourri et la suite va être du même acabit. Quelle zone merdique ! On passe par des espèces de bocages humides et puants qui contrastent avec ce que j’ai traversé depuis ce matin. Il y a du moucheron, des orties et des ronces. Le chemin qu’on suit est balisé VTT, mais tous les 50m il y a des passages alambiqués, sans doute pour éviter que des motos passent, où je suis obligé de passer mon grand vélo roue avant en l’air, ce qui me fera dégommer une de mes lumières arrières pour pas grand-chose. Agaçant. Plus loin je perds la trace dans une simili forêt et je me retrouve à faire prendre un bain d’ortie à mes mollets avant de remonter et de retrouver le sentier. Dans une autre forêt, je reperds la trace et je suis obligé de porter mon vélo et de remonter une pente sèche à la boussole pour retrouver à nouveau le chemin. Ce n’est qu’un avant-goût. Je ne le sais pas encore mais après “les forêts merdiques”, je vais affronter “les forêts maléfiques”.
Je m’engage dans la première et après quelques mètres, je vois un gros tronc d’arbre en travers du chemin. Je regarde à gauche, à droite, pas de chemin pour contourner, pas de problème, je soulève le vélo et je passe. Puis, quelques mètres plus loin, il y a cette fois-ci tout un tas d’arbre en travers de ma route. J’en soulève un, je penche le vélo à terre, je passe sous les autres arbres en me râpant un bras, je tire le vélo, ouf ! Je repars et je me rends compte que j’ai perdu mon GPS dans la bagarre. Je retourne à pied et je le retrouve facilement. Heureusement qu'il ne fait pas encore nuit. Mais ce n’est pas fini. Il était dit que je ferai faire à mon vélo l’équivalent d’une petite virée spéléo. Je me trouve vite en face d’une grande question “comment les autres ont pu passer ?” : un gros tronc d’arbre au sol (un bon mètre de diamètre), un autre arbre couché au-dessus, pas moyen de passer par dessus, trop de branches, forêt très dense à gauche, à droite, et seulement un espace ovale entre les deux troncs qui mesure environ 2 mètres de longueur et moins d’un mètre de hauteur. « Bon ben ça doit être par là ». J’approche le vélo au plus près de ce trou, j’y passe une jambe tout en me cognant la tête, vive le casque, je passe l’autre jambe, je tire sur le guidon d’une main en essayant de soulever le vélo par l’avant du cadre de l’autre main et j’arrive tant bien que mal à faire glisser le vélo dans cet espace et à l’en sortir indemne. Fou-dingue. Sam me dira que les années précédentes, il n’y avait pas ces “pièges” et qu’une tempête avait dû faire tomber des arbres récemment. Je fais l’état des lieux pour voir si je n’ai rien perdu et je repars. Je sors de la forêt et je rentre dans la deuxième, un peu moins maléfique mais qui sait se défendre. J’y perds à nouveau la trace, je dois porter le vélo et m’orienter au jugé, passer d’autres arbres, c’est bon, je suis prêt pour l’Ouganda Divide.
Je suis bien cuit après ces efforts sylvanesques, j’avance encore un bon moment sur des routes et chemins roulants avant d’arriver à Navarrenx. Il fait nuit, il est dix heures, ma lampe avant ne marche plus du tout. Je demande à un passant s’il y a bien un camping dans le coin et il m’indique comment y aller. La réception est fermée mais il y a un numéro. J’appelle et je suis super bien accueilli. Je m’installe pour ce qui devrait être ma dernière nuit d’itinérance, je vais prendre soin de moi avant la dernière ligne pas droite de mon voyage. Aujourd’hui, j’ai abattu du boulot au sens propre comme au figuré. Il me reste 110km demain, attention, je sais que ça va tirer, il ne faut pas relâcher.
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ronencavale · 5 years
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Lone Rock et Paige
Je me met en route de bonne heure après un café chez mes voisines. Google map me fait prendre un grand détour. J’essaie l’itinéraire vélo (en auto) moitié moins de distance. Je me lance.
Après une demi-heure j’entre sur une route de gravier. Oups. Et je roule à 20 km/h pendant deux heures, en essayant d’éviter les tas de sable. Je travers une petite rivière... c’est la Cottonwood trail. Plutôt magnifique, j’essaie de me concentrer sur la route.
J’arrive au camping un peu plus tard que prévu. Je paie mon entrée avant de le voir, de toute façon c’est un « primitive Campground » ça doit être assez sauvage. Mais déception totale... une plage de quelques km de long avec des VR alignés sur toute la longueur. Pas d’accès à l’eau ou presque. Du vent à n’en plus finir. On dirait burning man. Super touristique.
J’essaie de m’aventurer plus loin. Je m’enlise dans le sable. Des gens doivent me tirer hors de là avec leur pick up. Ça m’apprendra.
Je repère une tente (la seule) et me met à côté. Je monte la tente au vent à l’aide d’un voisin russe et me promène un peu. Les gens ont mis des drapeaux de Trump partout sur la plage. Il y a déjà un pouce de sable dans la tente. Quel mauvais choix...
Je reviens à l’auto et me rend au Walmart le plus proche pour acheter d’autres piquets de tente.. j’ai peur qu’elle s’envole. J’en profite pour attraper une chaise de camping, #leluxe.
Mes voisins de camping arrivent et on termine la soirée ensemble. Je m’étais acheté une bière du coin, délectable.
La nuit est chaude à l’approche de l’Arizona et le vent se calme vers 22h. Les génératrices des VR sont fermées. On pourrait s’imaginer dans la vraie nature.
J’ai du sable dans le sleeping, dans la bouche, dans les oreilles
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Une crête du Jura d’ouest en est
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C’est un défi inabouti. L’enchaînement Chasseral-Grenchenberg-Hasenmatt-Weissenstein-Balmberg était trop difficile, ce 17 mai 2019. D’abord à cause du contretemps, dans l’ascension des Prés sur Lignières (normalement idéale pour éviter la montée classique de Nods, car moins fréquentée): la route est en travaux. Je suis passé malgré les panneaux d’interdiction, mais impossible d’avancer sans pousser sur du gravier non tassé...
La montée de Chasseral s’est faite sans encombre, mais dans la descente, vers le secteur de la métairie de Morat, la neige d’abord sagement repoussée sur les bords de la route, bloquait toute la combe. Impossible de passer sans pousser (voici pour le deuxième contretemps).
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Une fois retrouvé le chemin goudronné, ça roule de nouveau. Après avoir laissé sur ma gauche le pont des Anabaptistes, je me suis mis en tête de descendre cette combe. Il y a un chemin sur la carte, que peut-il arriver? Eh bien, l’endroit glace le sang. Des panneaux indiquant une voie sans issue se succèdent, le chemin disparaît peu à peu, et la ferme du Graben, ses rideaux en crochet, ses fenêtres opaques de crasse, son air mi-abandonné mi-habité, inquiètent le visiteur imprudent. On se sent observé. Est-ce un visage qui se dessine derrière la vitre? Heureusement, la route continue vaguement. Je pousse un soupir de soulagement. Après un clédard, la “route” devient un chemin ultra-raide, presque non-carrossable. Un souvenir de chemin. Les gravelkings slicks montrent leur limite sur l’herbe humide. Mais on rejoint le chemin de la gravière de Rondchâtel. Et là je crève (3e contretemps...). Je me dépêche de changer la chambre à air, en sursautant à chaque bruit bizarre.
Là, il y a une route dessinée sur la carte. Mais il y a aussi des barrières et des panneaux indiquant des explosions imminentes. Franchement, il doit exister un chemin, mais je ne l’ai pas trouvé. J’ai bifurqué sur “la porte des enfers”, un tunnel magnifique, qui mène à la Heutte.
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Dans ce coin-là, on a vraiment l’impression d’être paumé. Jusqu’à ce qu’on entende le ronronnement de l’autoroute...
La montée de la combe de Büren (quel est son nom au juste?) est régulière jusqu’à Obergrenchenberg, mais elle est longue. Derrière la ferme, il faut tourner à droite pour rejoindre le chemin VTT direction Hasenmatt. Le sentier est extrêmement raide. Il faut descendre du vélo (ou venir en VTT, mais hey, j’aime avoir du rendement sur le bitume, moi). Et la montée vers Hasenmatt est encore pire... 16% sur le compteur. Heureusement, c’est court. Mais les forces commencent à manquer.
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Ensuite, c’est un petit jeu de piste qui mène au pied du Weissenstein. Il y a un chemin blanc qui mène jusque là. Et après... bon courage. Le versant sud du Weiss, c’est un des trucs les plus durs que j’aie fait. Une impression de verticalité me saisit. Je monte en force, impossible de mouliner, ça grimpe trop. Et c’est plus long qu’il n’y paraît, surtout après la station intermédiaire du télécabine.
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Enfin, presque en zigzagant, j’arrive en haut du Weissenstein. Une première pour moi côté sud. Il y a Balmberg à enchaîner, mais je décide de me contenter de la joie d’avoir réussi cette montée qui me trottait dans la tête depuis longtemps. L’orage menace, et me donne une bonne excuse pour redescendre et renoncer à la dernière ascension.
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La particularité de ce tour, c’est que les difficultés vont crescendo. C’est de plus en plus raide, de plus en plus dur. Les forces manquent, l’eau manque, le sucre manque... et vous voilà au moment de vous lancer dans Balmberg. C’était trop pour moi, mais ce n’est que partie remise. Peut-être avec moins de marche dans la neige, pas de crevaison, ou de chantier, ça l’aurait fait? (mais je crois bien que je me cherche encore des excuses).
Résumé: 117km, 3253m de D+, 7h07 de vélo (j’ai repris le train à Bienne).
https://www.strava.com/activities/2375244328/overview
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materiauxbc-blog · 5 years
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Gravier Roulés Pour Décoration en Bigbag de 1250KG 293,99 € pierre granit jardin décoration extérieur marbre gravier roulé cailloux galets https://materiauxbc.fr/fr/produits-alle-dalle/1163-gravier-roules-pour-decoration-en-bigbag-de-1250kg.html Akcan Mozaik bien produit.
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Fragments. Des Profondeurs.
/// Afin de répondre à celles et ceux qui m’ont posé la question, il s’agit ici de fragments issus d’un texte en cours d’écriture. L’intégralité de ce que je publie ici entend donner à lire des extraits de mon travail, principalement celui de ces derniers mois, même si certaines lignes ont été rédigées il y a déjà quelques années. N’ayant pas encore trouvé la maison d’édition qui satisfera mes attentes en termes d’objet-livre mais ayant à coeur de mettre en partage des moments de mon travail quasi-quotidien, j’ai choisi d’utiliser ce format pour offrir à mon engagement dans l'écriture une respiration ; une altérité en somme.   Puisqu’écrire c’est aussi s’affranchir d’une forme de vie devenue à un moment trop encombrante si elle n’est pas partagée. Bonne lecture, donc. ///
Je me souviens d’un jour pâle fait de journal froissé, de café, de tristes platanes secoués par le vent, de l’absence du chien qui ronge ma poitrine. L’hiver en Belgique, mes mains engourdies par le froid, mon crâne qui bat la mesure. Je ne veux plus travailler. Plus. Jamais. J’ai mal de travailler tu comprends; travailler comme il le faut pour survivre, vendre son temps et ses élans vitaux, ses secousses intérieures ; vendre tous les détails de sa foi en un devenir plus gai et sensuel. Tout cela bien vivace, le vendre ? Alors quoi ? Cesser d’écrire ? Ecoutez ceux qui marmonnent au loin leurs histoires de laideurs ? Citer trois défauts et trois qualités. Challenges. Mises. Réussite. Succès. Trouver une place. Bienvenue. Dans la société. Une place. La société. 
Alors je prends quelques mois ou plutôt je reprends ce quelque chose qui n’est ni tout à fait du temps ni tout à fait de l’énergie pure mais un secret mélange des deux. Je reprends ma vie vivante à ceux qui me l’ont abimée un peu. Et voilà qu’enfin je comprends ce qu’est le vrai travail. L'enjeu bien sûr est de ne pas sombrer dans l'oisiveté mais d'habiter autrement le temps. Au commencement, il y a la pratique du quotidien; la volonté d'agir dans un champ réduit, parfois en silence, d'orner les heures de gestes à peine réfléchis, qui sont comme des signes vers soi qu’il faut apprendre à déchiffrer. Mais déjà, je ne suis plus rien qu'un courant lancé droit vers son devenir sinueux. Pourvu que jamais je n'accoste. Pourvu que j'y perde jusqu'à mon nom...  Voilà que je dors. Des journées entières. Je dors au plus loin de moi-même; la lune est mon seul astre et le reste du temps, je rêve. Sans doute rêvè-je que je dors. Des semaines passent où je demeure à l’orée du réveil sans plus vouloir franchir la limite et revenir dans le monde des jours gris. Certaines fois, je m’endors en entendant résonner quelque part en moi une voix qui me dicte ce dont je dois témoigner. Ces fois-là, spéciales, je m’étire un peu hors du sommeil pour écrire. Il est de ces jours où l'on apprend qu'il ne suffit pas d'échapper à la sinistre conscience de soi; satisfaction ou frustration là même où pourtant aucun désir n’a été formulé. Ai-je jamais eu le désir d’écrire ? Je ne crois pas. C’est toujours cette force son nom qui me somme de parler. Alors je dépose les traces de sa voix dans l’acte d’écrire, comme on rapporte les paroles d’un mort. Il faut avoir l'énergie cependant de cheminer dans cet au-delà. 
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Je m'assieds sur le rebord du mur et je guette. Laisser le soir venir le premier; une autre formule que je me répète sans savoir pourquoi depuis bien des années lorsque la journée s’achève. Comme s’il fallait tendre un piège à la nuit. Je pensais que toute cette entreprise de l’écriture n'était qu'une manière secrète de retarder l'agonie, de me croire exister en laissant une empreinte quelque part, comme le fait bien plus humblement tout ce qui n’est pas humain.  Mais cette présence, infaillible, toujours humaine mais animale, me donne à croire que peut-être, à la fin, ce n'est jamais mourir ; seulement ne plus avoir ni faim ni soif et sombrer doucement dans un Océan lascif peuplé d'images sans ombres ni reflets. Alors peut-être ces fois là, lorsque nous apparaissons aussi immobiles que des rocs à la clarté de la lune, tout au fond des eaux de notre conscience; sommes-nous de purs êtres véridiques, faits de joie et conçus pour aimer tout ce qui vit et demande à croître sans entraves. Il me semble qu’à un moment, pour cette raison-là, j’ai commencé de nager dans les Profondeurs. 
Ici il n'y a pas de rivière. Je me contente du ciel nocturne, lorsque les bruits de la ville se taisent. Ces deux heures là, solennelles et anxieuses, car la nature se prépare à être envahie à nouveau des râles urbains, je les passe assise sur les marches de la terrasse, à observer la silhouette du magnolia lentement émerger de l'obscurité finissante.Dans ma main, je roule une longue feuille de sauge ou de basilic. C'est un rituel solitaire dont j'ignore s'il a d'autre fonction que celle de me relier à cet immense empire végétal siégeant partout autour de moi. D'autres fois, dans le parc au bout de notre rue, je m'allonge contre le chien et j'imagine qu'imperceptiblement, dans la fraîcheur, je deviens verte. On ne distingue même plus la forme de mon corps sur le sol. Ce désir d'unité est un des biens que nous autres humains avons en commun. Si je voyais mille femmes et hommes allongés comme moi, en route vers leur devenir herbe et qu'on me demandait d'expliquer la scène, je répondrais qu'ils prient et que probablement cette prière n'est adressée à personne d'autre qu'eux-mêmes et la totalité du monde vivant.Certains jours mon dos s'arrondit, ma tête s'étire vers le ciel en un terrible craquement d'os, mes poils deviennent puissants et transpercent ma peau en silence. Je suis un chien-loup moi aussi. Je suis la fille dépourvue de nom, qui grogne et racle la terre avec ses ongles.L'important c'est de n'être pas visible. J’apprends à aboyer vraiment. J'apprends à me gorger d'air et d'eau pour mieux disparaître.
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Pour ma part j'ai toujours été habitée par le sentiment de n'être pas en mesure de vivre ici-bas dans les conditions que l'on m'imposait. Je ne cherche pas vraiment à grandir, selon l'usage dicté par la norme mais bien plutôt à m'agrandir, pour répondre à ce désir insatiable de me sentir prendre de l'ampleur, m'étirer en mille pensées toutes reliées entre elles par la magie du silence et de la parole. Et bien sûr jusqu'à présent je n'ai connu que des escales et des heurts obscurs, sans que jamais rien ne me soit révélé qui vienne m'assurer de la justesse de mon parcours, sans qu'aucune vérité ne dure plus que le temps d'un rêve.
Les raies de lumière qui nous font office de lanternes dans la nuit de notre quête sont minuscules et lointaines à jamais. Elles n'en demeurent pas moins constamment éclatantes dans les salles de la mémoire, pourvu qu'elles aient émergé dans le conscient comme le fin vêtement translucide d'un noyé referait surface après l'orage.
Les années de l'enfance sont passées comme un rêve violent, et j'ai dû oublier, tout ce temps, la voix fabuleuse qui sans prononcer mon nom me signalait pourtant qu'elle me connaissait et m'invitait à la rejoindre. Et puis, une nuit de mon adolescence, alors que je rentrais d'une fête, une seconde fois, j'entendis l'appel. Je remontais les rues très étroites d'un village de Provence, quand je me sentis attirée vers le rebord du minuscule pont qui enjambait la rivière traversant le village. Une fois arrivée, je réalisais qu'un son que je pouvais désormais entendre plus nettement m'avait guidée jusque là. Il s'agissait  d'une voix de femme, à mi chemin entre alto et soprano, qui chantant un air dépourvu de paroles mais que je crûs reconnaître aussitôt. Je m'approchais en demandant qui chantait et lorsque je posais le pied sur la première des marches conduisant à la berge, la voix, une seconde fois se tue.
J'ai gardé dans le secret de ma mémoire les impressions qui furent les miennes lorsque je compris cette nuit-là qui chantait.
Où es-tu ? Mes yeux sont clôs et je cherche dans mes pensées le point le plus haut pour plonger enfin. Ma rivière, ma femme,  où es-tu ?
/////
Me voilà dans le pré qui borde la propriété, face à la montagne. J'ai ôté mes chaussures pour mieux sentir la terre humide sous mes pieds. Dans un des recoins éclairés de ma mémoire, il se met à neiger. J'ai quinze ans et un pyjama trop petit. Je suis sortie de la maison en courant, traversé la cour, senti les graviers gelés sur ma voûte plantaire, passé la clôture en soufflant comme une bête, tout mon corps raidi par le froid de l'hiver, pour m'étirer au milieu du pré, entre les pommiers dégarnis, ventre à l'air, nombril pointé vers la montagne blanche.
Je pousse un cri féroce, un cri de guerre solitaire, aussi dur que les roches qui m'entourent. Mais sans me l'avouer je suis venue là – ou plutôt j'ai été transportée - pour m'agenouiller. J'attends le signe qui pourrait venir du ciel blâfard, à peine éclairé ou de la montagne, immense amas rocheux émergeant des sous-bois.  Le froid me saisit, vivifiant ; mais j'ai beau savoir qu'il me faut rester prudente – ne suis-je pas pieds nus dans la neige, la poitrine découverte, en plein mois de janvier- je me sens pactiser secrètement avec lui, au risque de lui laisser mon corps tout entier. Dans la neige, je ne sens mes pieds ni de mes chevilles. Mes articulations s'engourdissent et ma poitrine devient douloureuse. Je ris très fort pour conjurer la peur et l’hébétude d’être simplement là. Une force solennelle et sauvage, semble se détacher du sommet de la montagne, comme une ombre bleue flottant au dessus de la vallée, recouvrant les habitations encore endormies. Ce n'est pas seulement moi qui ressent cela ; cet hôte étrange dépourvu de nom vient d’investir mon être, touchant doucement quelque chose qui n'est pas tout à fait moi en moi-même. Au fond de mes yeux, la montagne grandit et s'avance, prête à recouvrir mon corps, le corps de mes quinze ans, dans son pyjama trop étroit. J'ouvre mes bras vers le ciel et j'inspire tandis que mes cheveux semblent se dresser sur mon crâne.
/////
Je m’allonge et me voilà sous les eaux. La porte du jardin d’hiver s’est ouverte sous la pression du vent pour laisser pénétrer dans la pièce cette rivière que je chéris tant. Depuis le matelas, je la contemple ses eaux se mouvoir par dessus mon corps. Si je plisse légèrement les yeux, je sais que je verrai les poissons s’effleurer sans bruit et derrière eux le plafond et le lustre qui lentement se peuplent d’algues et de roches obscures. C’est là que je m’en vais, là que je sombre à l’envers, peut-être comme Simone Weil appelait à choir vers le haut. C’est ainsi que je suis faite; femme des profondeurs, silhouette tremblante tout au fond du miroir. J’appartiens à ce repos pierreux où mes membres s’engourdissent avec langueur, où ma chair devient végétale et mes os liquides. Je m’endors dans un sous-bois humide vers lequel nul ne nage. C’est de là bas que j’écris. Tout ce qui est dit ici témoigne de la tentative de donner vie à un double inévitablement chancelant. Je répète ce que j'ai tant de fois entendu là-bas, aux confins des nuits, à la jonction entre le ciel et les eaux, là où ma voix est une image abstraite et l'histoire qu'elle raconte un tissus fin qui recouvre mon être nu.
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matenchemin · 7 years
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Lundi 26 juin : Oups. Après deux semaines à faire extrêmement gaffe quand on roule sur les routes de graviers afin de ne pas crever, un ******* de camion nous balance une pierre en plein dans le pare brise !
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