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#comment rendre fou un homme marié
plumedepoete · 1 year
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Une personne sans nom - David Frenkel
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J’avais trente et un an en ce début du mois d’avril. L’hiver, cet artiste, n’en terminait pas de découper le tapis céleste en lamelles. Les fines tranches de nuages blancs ne cessaient de tomber sur la parure décatie d’une terre encore somnolente. Je marchais d’un bon pas sur un sentier qui traversait un champ de blé. Eloigné de toute habitation, il reliait la maison où j’habitais, à un village éloigné de trois kilomètres. C’était dimanche, je me rendais chez un proche ami ; j’avais hâte de le retrouver. Cet ami était ma cellule familiale. Enfant unique, je m’étais attaché à lui lorsque nous fréquentions l’école située dans la ville la plus proche. Je perdis mon père lorsque j’avais onze ans, et ma mère quand j’en avais quinze. Une malicieuse connivence nous liait les deux. Elle alimentait un humour noir qui se jouait des difficultés de la vie, et quand tout allait bien, elle nourrissait nos fous rires. J’enfonçais avec délice mes pieds dans la neige fraîche. Mon esprit s’absorbait dans cette poudre glacée. A mi-chemin, je croisai un vieillard qui portait un sac en bandoulière. Il m’apostropha avec un sourire narquois : – Jeune homme, pourquoi vous hâtez-vous ? Ce qui doit vous arriver, s’accomplira. Votre vie a tout son temps. Si quelqu’un doit se hâter, c’est moi ; j’ai fait mon temps. Or, mes jambes ne me portent plus. – Je me dépêche par simple habitude, lui répondis-je. Et puis, ajoutai-je, qu’est-ce que vous en savez, demain, je pourrais mourir, et dans dix ans vous pourriez encore me sourire. J’avais l’intention de le dérider mais mes propos produisaient un effet contraire. Ses petits yeux éraillés, d’un vert terne, me lançaient des signaux de détresse. Gringalet, le dos voûté, l’homme avait le menton et les joues qui tombaient. Ces marques de vieillesse donnaient aux légers tremblements de sa lèvre inférieure une allure pathétique. Je ne pouvais poursuivre égoïstement mon chemin. Certes, me disais-je, un ami m’attend, et moi aussi j’ai envie de le rencontrer, mais je m’en voudrais de ne pas avoir été un viatique. Aussi pris-je la décision de m’intéresser à lui. – Où habitez-vous ? poursuivis-je. – J’habite à trois kilomètres d’ici, dans le hameau qui borde la route nationale. Chaque matin, je me rends au village pour me maintenir en forme et me pourvoir du nécessaire si besoin. – Moi, j’habite de l’autre côté, à environ deux kilomètres de chez vous, ma maison jouxte la grande plantation de colza. Mais comment se fait-il que je ne vous ai encore jamais rencontré ? Vous avez pourtant l’habitude de vous rendre au même lieu que moi, Etes-vous motorisé ? A pied, je ne connais que ce chemin. Il traverse votre hameau, passe par le tunnel sous la route, rejoint ma demeure et aboutit au village. – Non. Il existe un autre chemin qui n’est pas balisé. Il longe la rivière. A un certain endroit celle-ci se rétrécit, et des planches posées par des promeneurs permettent de l’enjamber. Ensuite un sentier mène à travers champs vers le village. Le chemin est plus long, mais je préfère l’emprunter car il me permet d’admirer un plus beau paysage. – Avez-vous de la famille ? – Non, pas ici. Des parents du côté maternel vivent encore ; ils habitent outre mer. Je ne me suis jamais marié. – Ainsi vous êtes seul. Je comprends que vous soyez triste, lui dis-je avec l’espoir qu’il se confiât à moi. – Je me débats contre une vieillesse lugubre, finit-il par m’avouer. – Mais vous paraissez en bonne santé ! m’exclamai-je. – La santé physique, c’est une chose ; la santé mentale, c’en est une autre, me répondit-il sur un ton plaintif. Je sentais un vif désarroi dans les propos du vieillard. Je le priai de s’asseoir sur un des bancs de pierre que l’on avait installé le long du chemin pédestre. Une fois assis, je lui dis : – Je suis trop jeune pour me rendre compte des tourments d’un vieillard, alors, je vous en prie, dites-moi exactement ce qui vous tracasse. – Cela m’attriste quand je me surprends à dire : «Peut-être demain, je ne serai plus de ce monde.» Quand j’étais jeune, je me disais : «Demain, je ferai ceci, j’accomplirai cela.» – Diable, pourquoi penser à demain, vivez l’instant présent ! – Mais comment puis-je le vivre quand mes articulations me rappellent que la mort a sonné ? Comment ne pas penser à ma fin prochaine quand mon cœur a tendance à s’effacer devant elle ? Comment faire des projets lorsque je ne suis pas certain que je m’en souvienne ? – Vous mangez, vous dormez et vous vous lavez, n’est-ce pas ? – Oui, et alors ! me dit-il en haussant les épaules. – Vous prenez soin de votre corps, malgré votre abattement, parce que votre instinct vous le commande, sans vous poser des questions. Alors chassez également vos idées noires par instinct de conservation. – Oui, mais mes idées noires, mon désappointement, sont véhiculés par un sentiment qui relève aussi d’un instinct, celui de revivre sa jeunesse. Pourquoi la nature est-elle si cruelle avec nous, les hommes ? Elle n’a pas éteint le désir de retrouver cette beauté et cette vitalité qui nous caractérisaient il y a bien longtemps. J’étais un apollon, j’avais des muscles, j’avais une mémoire d’éléphant. La société m’adulait pour mes traits d’esprit. Regardez-moi ! Je suis un vieux sapajou, un être qui tient à peine sur ses deux jambes, et il m’arrive de buter sur des mots. Je l’avais remarqué. Il ajouta encore : – Cela serait formidable si nous gardions notre jeunesse jusqu’à trépas et si nous mourions lorsque nous aurions perdu goût à la vie. J’étais désemparé. Que lui répondre ? La neige avait cessé de tomber. Un moineau pépiait, il avait l’air de fêter l’événement. Heureuses sont les bêtes, me dis-je, ils ne savent pas que la mort les attend. Nombre d’oiseaux crevaient chaque jour, faute de nourriture, durant cet hiver qui n’en finissait pas. Lorsque leur heure a sonné, ils se cachent pour mourir, comme si la honte de n’avoir pas vu venir la mort, les mettait mal à l’aise dans cette nature insouciante. Je restai pendant un long moment silencieux. Jeune et en bonne santé, je culpabilisais devant ce vieillard fragile. Je pris sa main veinée dans la mienne. Les veines ressortant du dessus de sa main pétrifiaient mes doigts. Ils n’osaient presser la vie précaire qui s’écoulait en elles. La tristesse de la vieillesse pénétrait mon esprit et me faisait entendre le ressac d’une vie qui se brisait sur les lignes de la mort. Je voyais cet homme dans le miroitement d’une jeunesse se riant d’une fin inéluctable. Elle l’accable en ce moment. Je m’imaginais cet homme, fait au moule, se moquant d’un vieux birbe. Ce dernier prend présentement sa revanche. Je concevais la verve d’un godelureau au regard assassin dévorant les arguments d’autrui. Maintenant, la décrépitude engloutit son verbe, me faisais-je encore la réflexion. Soudain, je fus pris d’angoisse. Mon cœur battait la chamade. Je me voyais cinquante ans plus tard, sourd et aveugle, attablé en chaise roulante, aux mains d’une infirmière me donnant à manger et essuyant ma bave. Le vieillard était le miroir de mon devenir. L’élan que j’avais vers le vieillard se transforma soudain en retenue. Je retirai ma main de la sienne. Afin de faire diversion à mon geste, je lui posai cette question philosophique : – Si on pouvait photographier une jeune tête à l’âge de sa vieillesse, l’homme à qui on présenterait sa future figure, deviendrait-il sage ou pervers ? La malice lui tordit la bouche lorsqu’il l’ouvrit pour me dire : – Je vous réponds par une autre question : si le portrait d’un jeune visage pouvait se greffer sur celui d’une vieille peau ridée, l’homme, se regardant dans le miroir, serait-il heureux ou malheureux ? Un groupe de jeunes scouts portant une chemise kaki et une culotte brune à franges en guise d’uniforme passa près de nous, L’un d’eux avait un appareil photo. Je l’interpellai et lui demanda : – Rendez-moi un service, photographiez-nous. Mais uniquement nos deux têtes. Je me blottis contre le vieillard et collai mon visage contre le sien. Sa peau rugueuse me piquait comme la révolte froissant l’insouciance. L’adolescent gentiment nous photographia. Son appareil développa la photo instantanément. Il nous la remit avant de rejoindre au pas de course ses camarades. Je dis au vieillard : – Mon cher, gardez la photo. Alors, êtes-vous heureux ou malheureux ? Une larme perla sur sa joue, il me répondit : – Merci. Je viens de m’apercevoir que lorsque la vieillesse et la jeunesse sont côte à côte, les regrets du passé sont les embellissements du futur, et les laideurs d’un avenir sont les reliques d’un temps révolu. Je suis envahi de tristesse mais ivre de bonheur. . Le vieillard se leva et partit sans prendre congé de moi comme si le silence était une des meilleures salutations lorsque l’émotion nous prend. L’intelligence de sa dernière réplique — il l’avait prononcée sans buter sur un seul mot — m’avait chaviré. Je demeurai assis un bon moment, ne voulant pas rompre ces instants de grâce. Je n’ai plus jamais revu ce vieillard. Pourquoi ne lui ai-je pas demandé son nom ? Je ne saurais répondre. Mais au fond, le souvenir des personnes anonymes n’est-il pas le plus beau ? Read the full article
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Sort pour rendre quelqu'un obsédé par vous-Marabout professionnel
Sort pour rendre quelqu’un obsédé par vous-Marabout professionnel
Sort pour rendre quelqu’un obsédé par vous-Marabout professionnel
Je sais qu’il y a une fine ligne qui sépare l’amour de l’obsession, mais je sais aussi que certaines personnes n’obtiennent une tranquillité d’esprit que si la personne dont elles sont amoureuses devient obsédée par elles. Donc, même si je préviens que l’obsession peut être un espace dangereux dans lequel on peut se retrouver,…
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jimmysabater · 5 years
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Ados et à cran (Les enquêtes d’Emilie Frinch)
Jeudi 8 septembre
Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
Vendredi 9 septembre
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années.
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Samedi 10 septembre
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
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emilie-frinch-blog · 5 years
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Les Enquêtes d'Emilie Frinch, de Jimmy Sabater (roman jeunesse)
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Jeudi 8 septembre
Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
Vendredi 9 septembre
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années.
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Samedi 10 septembre
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
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sandrinedrouinlove · 5 years
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La première fois.
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Je suis nerveuse et je passe mon temps à regarder je ne sais quoi par la fenêtre. Nous sommes dans un motel dans l’est de l’ile de Montréal, proche de rien. À l’époque il y avait tout à construire dans ce coin perdu. Dans son auto, il m’a dit avoir passé une dure journée. Il prend donc sa douche. J’entends l’eau coulé. Mon cœur va à cent kilomètres à l’heure. Je m’apprête à coucher avec lui. Cette idée au départ très saugrenu est devenu une évidence pour nous deux au fils des mois qui se sont écoulés depuis notre première rencontre. Nous n’avons jamais parlé avec franchise de cette attirance réciproque, a par depuis quelque temps avec un humour très provocateur du genre « cette nuit tu étais dans toutes mes pensées » ou bien des phrases du style « si je pense à toi, je ne risque pas de dormir », « moi non plus », de petits sourires coquins et gênés, entrecoupant ces répliques un peu timides.
Au début il en était tout autrement. Un « comment va ta journée ? » puis nous parlions de ces livres que nous nous échangions. Une pause politique, une autre philosophique. De fil en aiguille nous nous sommes retrouvés, puis avons fini par constater que nous avions des tonnes de choses en commun. Je ne sais pas qui de nous deux a succombé à l’autre en premier, mais j’ai fini par m’habillée un peu plus féminin au fur et à mesure de nos rendez-vous, toujours dans des endroits publics. Puis en remarquant que son regard s’attardait de plus en plus sur moi, j’ai franchi une étape plus provocante en me vêtant plus tape à l’œil, presque un peu trop parfois, m’amusant dans ces moments-là, à le voir jaloux lorsque d’autres hommes me souriaient ou venaient me complimenter. Fini les jeans et les pull-overs, fini queue de cheval et chaussures légères, j’étais plus femme; robes, jupes, dessus plongeant, volume dans ma coiffure, sandales, talons, maquillage, il finirait surement par craquer. Et bien non! À par son regard insistant, rien ! De marbre, pas même un « tu es jolie » ou même un simple « cela te va bien ». Le désert complet pendant de nombreux jours. J’avais presque fini par envisager que nous ne serions jamais rien d’autre que des amis. L’idée me rendait folle, mais l’amour se fait à deux. Si une des deux parties se refuse à l’autre, il n’y a plus rien à faire.
Puis un jour la question fatidique : « tu as un gars dans ta vie? ». Enfin! Mon cœur palpite. Un simple « Non! », puis ma réplique « Tu veux la place? ». Rires gêner de nous deux, lui en ne s’attendant pas à cette question, moi pour avoir si audacieusement osé la poser. L’audace appartient à ceux qui savent la prendre. Danton avait raison. Cela ne lui a pas épargné l’échafaud, mais cela a sauvé la France. Pour la première fois il parlait de moi, me disait qu’il me trouvait belle, qu’il ne comprenait pas comment je pouvais être encore célibataire, que celui qui sera avec moi serait un type chanceux. Il me posait des questions plus intimes « combien de gars? », « à quel âge? ». Il connaissait déjà beaucoup de moi, ma famille, mes origines, mes racines, ma pensée politique, littéraire et philosophique, ma vision des choses en quelque sorte, mais de la femme que j’étais, il ne connaissait rien. Il envisageait cette fois-ci la possibilité que j’étais autre chose qu’une simple connaissance a but communicatif, que je n’étais pas seulement une oreille ou bien une compagne d’échange d’idée. Non. J’étais avant tout une femme amoureuse. Car c’est de cela qu’il s’agissait. D’amour. En tout cas pour moi.
Rien dans mon éducation ne m’avait préparé à ce que je m’apprêtais à faire. Amoureuse d’un homme marié, père de famille qui plus est, plus âgé. Beaucoup plus âgé … Je n’étais plus intimidé par lui, j’étais arrivé au stade de l’envi. Le pire de tous les péchés. La maturité apporte aux hommes ce que nous autres femmes, avons déjà acquise à l’adolescence, malgré nos rires niais et notre côté fifille : L’assurance. Et c’est avec assurance qu’il me poussa dans une discussion très explicative, limite pédagogique sur ses fantasmes, les miens; nous parlons de contraception, de notre sexualité réciproque. Le fou rire s’empare de moi. De lui aussi, lui qui rit rarement. Je suis heureuse de le voir enfin sous un autre jour, à rire aux éclats. Son masque tombe, j’ai fait tomber Troie. Il n’y a plus eu de tabous entre nous dans nos échanges ensuite. Nous avions dès lors des discussions centrées plus vers notre intimité, nos rêves coquins, nos envies, ponctuer de sous-entendus tendancieux et provocateurs. Il était plus que certains qu’a un moment, nous devrions passer à l’acte, au risque de mourir d’une crise cardiaque.
C’est lui qui le fit en premier. Un court message texte sur mon cellulaire. Un bref « j’ai eu envie de toi toute la journée ». Je lui réponds un laconique « moi aussi ». Sa réponse est plus que direct : « faisons cela au plus vite ». Tout est allé très vite effectivement par la suite. Nous avons pris rendez-vous à Dawson, où j’étais depuis peu étudiante. Pas pour me rendre à mes cours, mais pour se mettre simplement d’accord sur un endroit pratique pour nous rencontrer tous les deux. Il travaillait au centre-ville à l’époque, c’était plus pratique surtout pour lui. Pour moi aussi, j’étais loin de chez mes parents. Une fin d’après-midi froide mais ensoleillé. Je portais une tenue si sexy, que j’avais passé mon temps à me faire sourire dans le bus et le métro. Il m'accueillit dans son auto avec un « wow! » puis un « tu n’as pas eu peur dans le métro? ». Je ne réponds pas, je suis super nerveuse. Lui aussi. Je le sens. Il me parle de tout sauf de ce que nous nous apprêtons à faire ensemble : L’amour. Sans doute une forme de barrière psychologique. Je suis comme lui, je lui parle de ma journée. Nous traversons la rue Sherbrooke. Le motel est devant nous. Il prend une chambre pour la nuit. Certainement pas pour dormir …
La suite ... 
https://sandrinedrouin.blogspot.com/2019/10/ma-premiere-fois-avec-lui.html
S.D
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bribgitte · 8 years
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Blagodarya / Merci
Déjà une semaine que nous avons inauguré ensemble notre croisière conjugale. Déjà une semaine que je suis Julie C. Castagnet-G., la plus heureuse des jeunes épouses et capitaine désormais officielle du navire (épreuve de rapidité si vous vous souvenez!)  La fête était belle. La fête était bleue. Le jour J est passé (trop vite!) mais notre histoire d'amour et d'amitié est loin d'être terminée. Cette belle aventure qui dure déjà depuis 2012 ne fait que commencer; je vous le promets comme je l'ai promis à mon mari et devant tous en disant oui.  Après les réjouissances (qui elles aussi sont loin d'être terminées! Il reste un stock important d'alcool à écouler!) vient le temps des remerciements (prenez une profonde respiration avant l'épreuve d'apnée!):
 Un grand MERCI à tous nos invités d'avoir été à nos côtés (mais aussi derrière nous!) le 13 mais aussi avant et après ce grand jour. Ce fut une belle réUNION. Un grand plongeon dans la vie à deux, dans la vie adulte (pas de plat!). Pendant une semaine on aura bien mangé, bien bu, bien dansé, bien célébré nos épousailles et nos retrouvailles ! En tant que prof, je suis habilitée à décerner à chacun le diplôme de meilleur invité!  Un merci particulier aux convives venus de l'étranger. Je sais que le voyage a parfois été compliqué (vol retardé, annulé, dérouté), vous m'avez fait stresser mais vous êtes tous arrivés à bon port à temps. Bulgares, compatriotes français, ressortissants de huit pays (sans compter les Pays-Basques de notre M.) réunis... pour mon mariage!... en Bulgarie! En espérant que vous ferez à nouveau escale chez nous à Sofia très bientôt. Vous avez fait une bonne impression à notre chaton Ziggy. Désolée pour les douches froides les filles (J., A., R. et les autres courageuses logées à l'hôtel Light), je vous promets l'usufruit de mon jacuzzi en dédommagement.
 Merci à toutes et à tous pour la grande vague bleue que vous avez formée. Un vrai tsunami de robes, de costumes, de cravates et même de manucure-pédicure bleus! Mention spéciale pour le rouge à lèvres bleu, il fallait oser. Le bleu est désormais la couleur de notre amitié, dans toutes ses nuances et dans toute sa diversité.
 Merci pour votre présence et votre énergie sur la piste de danse. Je n'ai jamais douté des pouvoirs magiques des rythmes balkaniques mais quel plaisir pour moi de vous voir vous initier aux danses bulgares. Merci à ma cousine d'avoir mené la danse avec grâce et avec le sourire. Bravo en autres à ma petite Gudule alias the dancing queen. Bravo à la petite D., haute comme trois pommes mais qui a déjà le rythme dans la peau! Future pro des mariages comme son papa!.  Merci à mon frangin (marseillais de cœur) et aux autres copains pour leurs dédicaces musicales. Merci à ma linda pour son aide dans l'organisation de la petite surprise folklorique. Blagodaria à l'ensemble Phoenix pour leur prestation entraînante (et le prêt de costumes, n'est-ce pas J.!?)  Merci à notre super DJ d'avoir animé et ambiancé cette belle soirée avec sa playlist personnalisée. Il dit qu'on l'a rendu fou, dans le bon sens du terme. C'était vraiment une soirée de folie! On a été forcé d'y mettre un terme, désolée. J'avais mal aux pieds même en ayant quitté les talons (merci à R. pour les tongs! Des chaussures plates qui restent dans le thème!)
 Merci à notre artiste photographe d'avoir immortalisé cette journée (depuis le matin avec mes bigoudis sur la tête jusqu'au milieu de la nuit sans vraie pause pour la pauvre petite chérie), merci pour sa disponibilité, ses idées de génie et son travail de qualité que vous pourrez apprécier d'ici quelques jours (les photos sont en cours de traitement, j'ai insisté pour un léger photoshop de ma poitrine déjà très généreuse). Car en plus des souvenirs gravés dans nos cœurs et nos esprits, il nous restera quelques clichés à encadrer, à accrocher ou à publier sur nos murs, à coller dans l'album de l'amitié et à regarder avec tendresse et nostalgie dans quelques années autour d'une tasse de thé au coin de la cheminée (voilà comment j'imagine mon foyer!). Merci à P. pour la recommandation.
 Merci à C. du salon La Maison De Beauté pour son temps et son talent (et d'être rentré de vacances spécialement pour moi et mes charferki!). Mon chignon bien que parfaitement réalisé n'a pas résisté au rock serbe mais une mariée décoiffée et la preuve que l'on s'est bien amusé. (La croisière s'amuse mais ça m'use!) Merci à ma chère copine-voisine pour ses soins et ses conseils capillaires Rodolphe&Co.
 Merci à ma tante désormais officielle auntie, pour sa pitka. Car un mariage bulgare sans pain brioché c'est comme un A. sans sa Julie : impossible! Merci à mes deux mamans d'avoir accompli le rituel du miel et du sel.
 Merci à mon diado pour sa rakia de fabrication artisanale distillée avec amour. La Perle de Grivitsa a réchauffé le cœur des mariés et des invités et remplira encore nos verres pour trinquer au cours des événements familiaux à venir (sauf pour célébrer une éventuelle grossesse, la rakia étant déconseillée je crois). Mon grand-père bulgare était chargé du contenu, mon grand-père français du contenant. Bel exemple de coopération bilatérale! « Rakia connecting people. »
 Merci à ma famille pour leur aide logistique et leur soutien financier et psychologique. Merci aux petites mains (papa, tata, tonton, A. au pluriel et les autres esclaves volontaires) pour la décoration de la salle et du jardin et la confection des paquets de dragées. Et oui, les petits sachets ne contenaient pas des galets colorés mais des amandes enrobées! Importées de Provence et offerts à nos invités par ma Mamie.  Merci à Baba aussi pour les chocolats proposés à la sortie de la mairie. Elle a vraiment pensé à tout!
 Merci à ma maman de cœur, la brillante interprète, sans qui ce mariage n'aurait pas eu lieu. Pour la simple et bonne raison qu'en plus de traduire la cérémonie et les différents discours (pour le confort de tous mais aussi le mien... Autrement je ne savais pas à quoi je disais « da ») elle a traduit les documents nous permettant de publier les bans et donc de nous marier. Merci aussi à elle d'avoir été plus qu'une collègue, de m'avoir ''adopté'' , de m'avoir accueilli à bras ouverts dans sa famille (même un soir de Noël) et aidé dans mes différentes démarches ces quatre dernières années mais aussi d'avoir été ma confidente privilégiée depuis mon arrivée au lycée. J'ai trois mamans, aucune n'est de trop. Merci également d'avoir enseigné le français à A*... S'il n'avait pas été francophone nous ne serions peut-être pas marié, qui sait!? *et à son témoin. Vous le voyez bien, la francophonie c'est une histoire de famille ici!
 Merci à mon compatriote caviste du magasin Bieres et Champagnes pour ses conseils 'œnologie' , son aide dans le choix du vin bulgare et du champagne français et son prix d'ami. Merci à mes hommes pour le transport des cartons et caisses de bouteilles à l'aller et au retour.
 Merci à ma fleuriste de Vanda Boutique pour ses superbes bouquets. Décoration florale que j'ai attendu longtemps mais qui a été faite avec goût et soin. Merci à mon amie british (elle aussi jeune mariée et jeune maman d'une petite féministe qui a donné de la voix au moment où on s'apprêtait à dire da, et à qui on souhaite santé et réussite) pour les coordonnées.
 Merci à mon beau-père le taxi d'avoir véhiculé moi et nos invités à tant de reprises mais surtout de m'avoir conduit à la mairie à bord de la Lada familiale. Un chauffeur au grand coeur. Une voiture rétro appréciée des invités que j'ai hâte de conduire une fois le papier rose obtenu! Moyata Lada!
 Merci à Y. du restaurant Bijou pour sa flexibilité. On a bien failli le rendre fou avec les changements de menu et de plan de table de dernière minute. Les mets étaient succulents, on viendra y diner pour notre soixantième anniversaire de mariage! La réservation est prise au nom de G.
Merci à la pâtisserie Laguna pour ce bon gros gâteau et la déco originale fruits de mer. Merci à notre Vanio national pour son aide au moment de la dégustation et du choix de la pièce montée.
 Merci à notre proprio et bijoutier pour ces alliances, simples mais hautement symboliques pour nous. Je suis très émue en voyant une bague autour du doigt de mon A. Et merci à V. d'avoir porté nos anneaux.  
Merci au magasin Svatben Center pour mes escarpins blancs (c'était dur de trouver chaussure à mon pied!) et le smoking de A. (plus beau que Jude Law.)
 Merci à la papeterie Tournesol et à l'imprimerie Mania pour les jolies fournitures qui m'ont permis de fabriquer menus, marque-places et faire-parts (et désolée pour le délai à ceux qui auraient reçu en retard leur invitation! Je ne remercie qu'à moitié la poste bulgare et les PTT français.)
 Merci à ma précieuse amie V. d'avoir pris soin de mes invités, de les avoir accueilli et recueilli; de les avoir logé, nourri, guidé dans Sofia et d'avoir ainsi contribué à faire naître des amitiés franco-italo-ukraino-libano-anglo-américano-néerlando-bulgares! Elle devrait se spécialiser dans le domaine de l’événementiel!  Merci à elle et à ma témoin pour l'organisation de ma super mominsko party. J'ai même eu droit à un gros gâteau avec un texte personnalisé et en français s'il vous plaît! J'ai bien enterré ma vie de jeune fille mais surtout j'ai passé des moments incroyables (qui m'ont semblé irréels! Comme voir mes amies réunies et en bikini dans un sauna!) avec mon 'harem'. J'étais au paradis avec vous les filles, autour d'une table, d'un micro ou dans un hammam! Je conserve mon titre de Miss Europe, oui? Les chansons du karaoké sont à jamais nos hymnes! Yeah!
 Je n'ai pas encore fini de disserter sur le sujet, il y a tant de personnes à remercier. Je vous ai épargné ce long discours avant le gâteau, vous pouvez me dire merci vous aussi. (Profitez de ce saut de ligne pour faire une pause pipi/cigarette/café/apprendre l'alphabet cyrillique...)
 Merci à ma mamie, la seule que j'ai mais qui les vaut toutes. C'est elle la styliste de ma robe de mariée. Chapeau bas car elle a confectionné ma robe à distance, c'est dire si elle est douée. Elle m'habille depuis que je suis née, c'est une couturière et une grand-mère hors pair. Je précise aussi qu'elle est allée se coucher en dernier et qu'elle était levée en premier! Fière de partager ses racines et son sang camarguais.
 Je n'oublie pas de remercier mes parents de m'avoir mis au monde (comme je vous le disais, si ce n'étaient pas eux j'aurais avorté), de m'avoir toujours soutenu peu importe mes choix (et lieux!) de vie, d'avoir toujours supporté mes projets, de venir régulièrement visiter mon pays d'adoption et de l'apprécier mais aussi pour leurs touchants discours qui m'ont fait pisser l’œil (excusez l'expression mais c'est la vérité, certes c'était un mariage sur le thème marin mais j'ai du me retenir d'inonder le restaurant! On n'avait pas de canots de sauvetage à bord!). Merci à eux de m'avoir inculqué des valeurs utiles pour ma vie de femme adulte... et mariée. Votre fille et votre fils vous aiment.
 Merci à mes trois fées, ma sœur jumelle, ma sœur de cœur et ma meilleure amie d'avoir été là pour moi depuis toujours et d'avoir accepté d'être mes demoiselles d'honneur. A qui d'autre aurais-je pu confier le job ? Vous êtes de vraies top models mais surtout mes modèles. Vous étiez sublimes dans vos robes et quelle émotion pour moi de vous voir à mes côtés avec votre petit bouquet. Merci pour votre sourire à toute épreuve et vos paires de bras bien utiles à la fin de la cérémonie. Je vous prends comme dames de compagnie à durée indéterminée ! Nos chemins ont pris des directions différentes mais finissent toujours par se croiser. Et de toute façon, on se retrouve très prochainement au mariage de R. (aka la volleyeuse) vu que mademoiselle a attrapé le bouquet !
 Merci à mes mini chaferki, mes petites « flower girls », mes princesses de m'avoir accompagné vêtues de leur jolies robes et couronnes de fleurs. Merci à la plus grande des deux, brillante élève et francophone en devenir pour sa formule inspirée « Que votre bonheur nous éclabousse ! »
 Merci à ma témoin, ma kuma qui est depuis le début le témoin de notre amour, celle par l'intermédiaire de qui j'ai rencontré l'homme de ma vie. Nous avons travaillé ensemble, co-écrit un ouvrage mais nous sommes désormais unies nous aussi par les liens du mariage. Notre relation est officialisée car elle l'a elle aussi signé ce fameux papier! Tu auras une place réservée au sein de notre foyer et je sais que ta porte sera toujours ouverte. Ma blonde, mon E. chérie, tu es pour moi un exemple de force et de détermination et une source de motivation. Merci pour tes preuves d'amitié au quotidien.
 Merci au témoin de mon époux, pour son discours qui nous aura fait aussi bien rire que pleurer. K. est Kum, à jamais notre ami, ce que le champagne a uni, nul ne peut le défaire !
 Merci à ma belle famille qui bien avant que je ne dise « da » et signe quoi que ce soit m'avait accepté au sein de la famille G. Les liens du cœur sont aussi forts que les liens du sang. Ils sont ma famille d'un autre pays, d'une autre langue, d'une autre culture mais ils sont désormais ma patrie et mon patrimoine aussi. Mamo, Tatko, Brat : je vous aime. Obicham vi.
 Je garde le meilleur pour la fin, et le meilleur c'est bien entendu mon A. ! Comme je vous l'ai dit, mieux qu'un César, mieux qu'un Oscar, j'ai gagné un A. ! Je le remercie d'avoir dit OUI. Depuis qu'il m'a fait sa demande l'été dernier, j'ai tout fait pour qu'il ne change pas d'avis. Et je vous prends à parti : je jure de prendre bien soin de lui jusqu'à la fin de notre vie commune. Le « multi cooker » et les autres présents « culinaires» m'aideront dans cette tâche.  Bravo à lui d'avoir su me séduire (malgré son niveau de français) et me garder. Merci à lui pour sa patience, sa confiance, son soutien et son amour croissant jour après jour. (C'était dur de caser le mot baguette mon milo, mais j'ai écris croissant tu as vu?). C'est un garçon aux qualités extraordinaires et je suis fière d'être son épouse. Heureuse d'être en vie sur la même planète que lui. Je suis ravie (et désormais rassurée!) de l'avoir pour mari et d'avoir pu vous le présenter à tous ce samedi 13 août.
 J'espère n'avoir oublié personne, voici un dernier paragraphe de remerciements dans le doute.
 Merci pour cette belle journée et cette folle soirée. C'était un magnifique MERiage. Nous avons célébré l'amour de J et A mais aussi notre amitié. Comme l'a laissé échappé mon amie italienne : « On s'est marié. ». J'ai comme elle le sentiment que l'on s'est tous dit OUI pour la vie. Je me sens épanouie et accomplie et j'ai eu une véritable épiphanie pendant mes noces. « J'ai laissé des bouts de moi au creux de chaque endroit » et je me suis sentie complète , unie, avec vous réunis autour de nous.  (Avis aux étudiants de prépa et Lettres : métaphore filée!) Au fil de ma vie, j'ai tissé des liens avec chacun d'entre vous ; on s'est lié d'amitié à un moment et à un endroit particulier de mon existence. Je me suis défait de certaines personnes ou habitudes pour mieux renouer avec mes valeurs. Je me suis mêlée à d'autres cultures, parfois même de ce qui ne me regardait pas. J'ai tiré les ficelles parfois, j'ai eu l'impression d'avoir un fil à la patte d'autres fois. J'ai perdu le fil souvent, j'ai marché dessus, j'ai coupé pour mieux rattacher. J'ai fait des nœuds, et pas qu'un peu, tout cela me semblait parfois complètement emmêlé mais en vous voyant tous réunis ce samedi j'ai compris que tous ensemble nous formions une unique et magnifique tapisserie. Un canevas tissé et métissé. Un « Gobelin » comme ceux chers à ma grand-mère, représentant la fraternité entre les gens et les peuples. Merci à vous tous de faire partie de ce beau tableau. Merci à ceux qui n'ont pas pu faire le déplacement mais qui m'ont envoyé leur message virtuel texto, audio, photo, et même vidéo! Merci réel pour la touchante vidéo réalisée par J. qui a réuni mes amis par la magie d'internet avec nous en pensée.
 Merci pour votre participation physique et financière^^ à notre mariage. Merci pour vos sourires, vos mots, vos fleurs et vos cadeaux. Les fleurs sont maintenant fanées mais j'en garde l'odeur dans mon cœur. Tout comme je conserve à jamais l'image du champagne et de vos yeux pétillants, vos présents et vos cartes qui sont comme des papillons porteurs de vos vœux de bonheur.
 Signée, Madame A., la plus heureuse des mariées. Naï shtaslivata jena. Mon mari se joint à moi (il n'a pas le choix n'est-ce pas!?) pour vous remercier d'avoir contribué à faire de ce 13 août une date inoubliable.
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aliceolw-blog · 6 years
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Destiny
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The broken heart - Quand t’as le coeur en feu mais que le destin ne veut toujours pas de toi. Malgré le fait que tu fasses de ton mieux.
Je me suis souvent posé la question : Et si les choses avaient été différentes ? Que serions-nous advenu  ? C’est la question que je me suis posé tous les jours pendant près d'un an, à travailler dans mon pauvre magasin de décoration. Je le sais, c’est pas le job de rêve mais j’aimais bien l’ambiance qui s’en dégageait, les clients ainsi que mes collègues. Je ne parle même pas de mon patron qui pour moi faisait l’unanimité en terme d’humanité. Je l’adorais. Pour commencer depuis le début, je dois vous parler d’Elle.
Elle, elle s'appelait Sunshine, étrange comme prénom non ? On se connaissait sans vraiment se connaître depuis presque quatre mois. A vrai dire, je l’avais repéré dans un complexe de business, c’était assez atypique mais on ne s’était pas réellement parlé, on était tous les deux jeunes et excentrique, on se démarquaient plutôt bien des autres costard-cravate du complexe. On ne s’était ni échangé nos numéros, ni nos noms mais je savais ou peut-être qu’elle savait qu’on se reverrait un jour. Et quatre mois plus tard, ce fut la surprise de voir une jeune rousse qui ressemblait trait pour trait à cette fille que j’avais rencontré au complexe. On s’est tout de suite reconnu. Elle n’avait pas changé d’un poil, une crinière de lion, des pommettes saillantes et des petites yeux bruns en amendes. A cela venait s’ajouter une silhouette fine et élégante, elle avait ce quelque chose qui me faisait irrémédiablement tourner les yeux. En discutant à mon magasin, j’ai rapidement appris qu’elle était fleuriste, elle ne roulait évidemment pas sur l’or et elle venait de s’installer en ville, elle cherchait donc quelques décos sympa assez abordable pour sa chambre de bonne. J’imaginais pas qu’une telle femme puisse avoir une vie aussi bancale mais suffisante, elle me donnait l’impression de “gérer”, gérer quoi, aucun idée mais c’est la sensation qu’elle m’avait donnée lors de notre premier rencontre. Sunshine portait bien son prénom malgré le fait qu’elle ne l’aimait pas.
“ - C’est le prénom que ma mère a choisit mais moi je ne pense pas pouvoir représenter ce prénom beaucoup trop… heureux… ? A mon goût.”
C’est ce qu’elle m’avait dit lorsque nous étions sortit tous les deux pour notre premier “rencard”, si on pouvait appeler ça un rencard parce que ça avait été lancé sur un coup de tête la veille lorsqu’on s’était revu pour la première fois en quatre mois. D’ailleurs, je souligne que après cette sortie là, on ne s’est pas revu, sûrement parce qu’aucun de nous n’avaient pensé à prendre le numéro de l’autre. Quoique, elle savait où me trouver après tout ce temps.
Cinq mois plus tard, je l’ai croisé par hasard à un stand de nourriture, c’est un peu étrange mais c’est vrai. C’était les fameux “Food Trucks” de la ville, c’était un peu loin de mon boulot mais ça valait la peine. En général, il y avait beaucoup d’étudiants qui se ruaient sur ces stands de nourriture car c’était pas très cher. En ce qui me concerne, je trouvais juste ce qu’ils vendaient bon.
Ce jour là fut le début de notre histoire mais également la fin. Avant même de commencer à se fréquenter, la fin était proche. Je vais expliquer pourquoi :
Ce jour-là, il n’y avait rien de plus que deux adultes qui se disaient bonjour, comme des retrouvailles en sommes. Simplement, plus le temps passait et plus on se voyait. Je n’avais rien contre ça et surtout, je pense que sans m’en rendre compte j’étais déjà fou d’elle. Sunshine c’était quelqu’un d’extraordinaire, unique et étrange. Un jour elle pouvait être là et le lendemain disparaître on ne sait où. Elle pouvait sourire et faire la moue quelque minutes plus tard car elle était vexée ou énervée par quelque chose dont je n’avais même pas idée. Sunshine c’était… quelqu’un de très spéciale et j’adorais ça. J’adorais sûrement me faire du mal parce que même si cette femme rousse était exceptionnelle, elle était aussi mariée. Quand on s’est rencontré, je ne le savais pas et je pense que je l’ai appris peut-être un peu tard malgré cela, elle tenait à notre relation qui ne représentait pas grand chose. Moi, j’avais rien contre ça, du moins, je le croyais très fortement. J'ai vite appris avec le temps que tout était compliqué avec elle. Je ne voulais pas m'impliquer dans sa relation avec son mari, elle n'en parlait pas souvent mais elle le pleurait régulièrement. On se voyait presque une fois par semaine, c'était peut être trop ou peut être pas assez au vu de la relation qu'on entretenait. Personnellement, je faisais avec ce que j'avais et les moyens possible. Je me suis très vite rendu compte qu'il y avait nettement plus de bas que de haut au final, je veux dire que même si je l'aimais plus que tout et que tout semblait parfait au moment où on a commencé à se fréquenter, il n'en était plus rien lorsque nous nous somme “séparé”. Nous n'étions rien, nous avons simplement cesser de se parler, de se croiser et de se connaître. Je pense que ce fut d'un commun accord car nous en avions pas vraiment parler, elle est simplement partie en me répétant plusieurs fois qu'elle était désolée. Depuis je n'avais aucune nouvelle et je ne lui en ai pas donné non plus. Sûrement parce que je n'y voyais aucun intérêt ou simplement que pour moi il n'y avait pas lieu de parler davantage. Je ne sais pas tellement comment elle le vivait ni moi même comment je prenais les chose, j'ai tassé cela dans une petite boîte pour ne plus y penser.
Néanmoins, comment ne plus y penser quand la femme que vous aimiez est tous les jours devant votre magasin avec un autre homme que vous ?
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Sunshine avait la fâcheuse tendance à être très provocante et je dirais même, à chercher la merde. C'était vraiment dans ses cordes, elle arrivait toujours à mettre le désordre partout, dans la vie des autres, dans la sienne, dans les magasins, partout.
Pendant quasiment un an, quelques mois après qu'on nous ayons cessé de se fréquenter, Sunshine rencontrait à la même heure, une à deux fois par mois devant mon magasin quelqu’un. Elle attendait son prochain rendez vous. C'était plus ou moins à chaque fois d'autres hommes, des hommes que je ne connaissais pas et parfois j'en reconnaissais certains. Parfois je les voyais quelques jours plus tard avec leur copine. Qui suis-je pour juger, j'ai bien couché avec femme mariée après tout. Néanmoins, elle me donnait envie de lui donner des claques une à deux fois par mois. J'y pensais souvent à Sunshine. Elle était là, si proche à me regarder et à faire la moue. Elle m'écrivait de temps en temps pour dire tout et n'importe quoi. Une fois j'ai retrouvé la porte de mon appartement couvert de tag, qui d'autre qu'elle aurait pu infliger ça à ma porte. Personne évidemment, sauf elle. N'importe qui de normal aurait sûrement commencer à flipper mais j'en m'en fichais, après tout on était sûrement deux à ne pas vouloir passer à autre chose. Le fait qu'elle soit impulsive et irréfléchi lui donnait parfois un certain charme, même si j'avoue que, le charme est un peu loin actuellement. J'essayais juste de faire ma vie.
Après ce défilé de garçons devant mon boulot, il fut un jour où elle se retrouva seule. Sous la pluie. Je ne l'avais pas vu ce jour là, simplement un de mes collègues m'avait averti quelques heures plus tard qu'une fille rousse attendait devant le magasin sous la pluie.
“Rick, je crois que la rousse attend depuis bientôt 2h devant le magasin. Tu l'as connais ?”
Ce à quoi j'avais répondu :
“Non pas du tout.”
J’avais évidemment menti, comment ne pourrais pas reconnaître Sunshine, la seule petite choses que j'ai autant adoré en si peu de temps. J'ai repris mon travail comme si de rien n'était puis il s'est mis à pleuvoir. Ça faisait 3h et des poussières que Sunshine était sur banc, les poings serré à attendre. J’étais convaincu qu'elle attendait pour une raison tout autre que par les décos de notre magasin. Puis le même collègue me dit d'aller voir la fille qui attendait, car c’est moi qu’elle attendait. Moi je n’y croyais pas une seule seconde néanmoins j’y suis quand même allé.
J’ai pris un parapluie à l’arrière du magasin et je suis allé la retrouver.
“Bon, qu’est-ce que tu veux encore ? T’as pas un rencard ? On t’as posé un lapin ?”
Elle leva les yeux dans ma direction, je les avaient jamais vu aussi vide de lueur. Il n’y avait rien, ni joie, ni colère, juste du vide dans ses yeux bruns. Sunshine souffla puis s’étira et enfin se leva d’un coup.
“C’est toi que j’attendais depuis bientôt 1h sous la pluie, ce qui me fera un total de 3h en tout sur ce banc de pierre. Rien que pour toi en plus.”
Je venais de me prendre une claque en plein le coeur mais il ne fallait pas que je me fasse démonter. J’étais peut-être dur avec elle mais je n’avais pas le choix. Enfin si, seulement je ne voulais pas qu’elle s’imagine que ma gentillesse et ma courtoisie soit un signe d’affection particulier.
En vérité, je me voilais clairement la face.
“On se retrouve chez moi dans 1h, prend ça en attendant.”, dis-je en lui tendant le parapluie.
Elle le saisit d’une main fébrile puis je lui tourna le dos. J’avais encore une longue heure de travail devant moi. Parfois, il m’arrivait de regarder à travers la vitrine pour être sur qu’elle ne restait pas planté devant. Effectivement, cette fois-ci, elle était partie et tant mieux pour elle. C’est la seule personne que je connaisse qui soit capable d’attendre aussi longtemps pour quelqu’un qui ne le mérite pas.
Ce que je veux dire, c’est que malgré tout l’amour que je lui porte, elle ne mérite pas ce que je lui inflige. Peut-être que ce genre de phrase sonne comme celle d’un gros enfoiré qui serait capable de sortir “C’est moi le problème, pas toi” lors d’une rupture mais c’est vrai. Je suis sincère dans ce que je dis.
Ce jour-là donc, je suis rentré chez moi et nous avons donc discuté. Pour ne pas ainsi dire, parlé de chose et d’autre, de nos angoisses et nos envies. J’ai surtout souligné mon incapacité à retourner avec elle. Malgré le fait qu’elle était parfaitement libre lorsque nous nous parliâme à ce moment là. Sunshine me raconta que peu de temps après notre “séparation”, elle entama les procédures de divorces, qui bien que douloureuse, l’a fait avancer sur le chemin actuel. C’est à dire, celui d’une fille désespérée qui sort avec tout ce qui bouge. Bien que j’aie l’air dégoûté de son attitude, il n’en est rien, pour moi c’est toujours la même personne qui se trouve devant moi. Simplement, elle était différente, non pas à cause de son attitude mais bien à cause de ce que je ressentais pour elle.
Je l’adorais, lorsque je la voyais je fondais de plus belle et je suis sincèrement très éprise d’elle, toujours. Cependant, comment peut-on imaginer un avenir possible avec une fille comme ça ? Non seulement j’ai essayé mais en plus, c’était toujours très compliqué.
Simplement, nous deux dans la même pièce, ce n’était clairement pas possible. Autant vous dire qu’on s’amusait bien.
Je savais pertinemment que c'était hyper dégradant pour elle tout en sachant qu’elle était encore follement amoureuse de moi. Sunshine acceptait absolument tout ce que je lui faisais endurer. Les filles, les situations dégradantes, la colère, l’ignorance.
Je ne pouvais simplement pas me résoudre à lui laisser une chance ou lui dire stop. Et je pense que c’est sûrement cette indécision qui nous a mené à notre perte.
A un certain moment, on s’aimait. A un autre, on se supportait plus. Puis on a fini par avoir énormément de colère en nous.
Elle m’aimait plus qu’elle me détestait, elle me détestait tellement pour mon attitude qu’elle piquait souvent de grosse colère. Colère que j’ignorais. Je ne m’implique absolument pas dans tout ce qui la concerne. J’avais pris tellement de distance par rapport à elle.
J’étais dur avec Sunshine, je le sais bien mais je me devais de la tenir à distance, quitte à rayer son existence de ma vie. Au bout du compte, j’ai presque eu plus de colère pour elle que du reste. Je n’arrivais plus à l’apprécier. Plus rien n’était comme avant. C’était toujours très mitigé.
On était perdu.
Et j’ai voulu qu’elle cesse d’exister dans ma vie.
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Je pense avoir détruit une grosse partie de son  monde.
Je n’ai même pas eu envie de la voir lorsque j’ai pris la pire décision - dans le sens que personne n’aime ça de toute manière - de ma vie, c’était qu’elle cesse d’exister. J’ai juste dit qu’on devait couper les ponts et ce indéfiniment.
Aucune discussion.
Rien.
Juste du vide.
Bloqué.
Puis elle a disparu, partout, dans ma vie, sur les réseaux.
Mais comme elle le disait si bien: “Rien n’est jamais figé”.
“Adieu”.
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Rituel de sorcellerie : sortilege pour rendre un homme fou amoureux
Voila ce qui était ma situation avant de connaître votre site de sorcellerie :
J’avais rencontré un homme, plus jeune que moi, dont j’était tombée follement amoureuse...
Je vous précise que j’était mariée et mère de trois enfants...
Nous avions eu une aventure, mais nous nous sommes éloignés géographiquement et malgré nos courriers il y a mis un terme à notre relation.. Le fait que je sois mariée et mère le gênait vraiment car c'est un homme bien.
Il m'a donc laissé tombée en juin et depuis j’étais à l'agonie.
C'était la première fois que je trompais mon mari bien que je ne l'aime plus depuis longtemps. Mais j'étais et je suis toujours trésamoureuse de l'autre homme… J’était  prête à tout laisser pour lui...je voulais qu'il revienne, qu’il tombe amoureux de moi à nouveau, j’était incapable de vivre sans lui...je voulais qu'il soit amoureux de moi et qu'il ne pense qu'a moi, surtout qu'il ne me considère pas comme une aventure de rien du tout. Je voulais aussi que nous vivions un avenir ensemble. Mais je ne savais pas comment jeter un sort pour qu'il m'aime à nouveau.
En gros voila ce qu’était ma demande , je ne savais pas comment rendre un homme amoureux, et dix jours après vos 2 rituels de sorcellerie, il a repris contact avec moi et je pense qu’actuellement il est amoureux de moi, en tout cas, il est revenus et me l’a dis.
Voici mon site web : http://www.maitrelaterre.com  E-Mail: [email protected] Tel: 0022998574889 Whatsapp : 0022998574889
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latographie · 7 years
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Lettre ouverte au Pdf Macron
Cher Président, vous qui oeuvrez à apaiser les âmes blessées, du moins on l'espère, on vous excusera l'emportement de vos propos impulsifs même s'ils reflètent une part de vôtre ignorance & de vôtre condescendance à l'égard des jeunes "qui foutent le bordel". Je vous souhaite une seule chose, c'est de parvenir à rétablir le calme en assénant de tels propos au milieu de la cohue et si votre orgueil n'en prend pas un coup, dans toute cette agitation, de reconnaître que vous avez fait faux pas en prononçant un jugement aussi hâtif qu'erroné, réducteur, stérile voire délétère, prompt à cliver & à diviser, à exclure encore un peu plus ceux qui ont déjà connu le rejet, assez de préjugés, ces jeunes sont en carences & leur violence n'est pas mieux réduite par une autre forme de violence, n'est-ce pas évident ?   Les histoires d'amour sont celles qui parlent de continuité, si les opposés s'attirent & que ceux qui se ressemblent s'assemblent, c'est que l'on se sent mieux quand on exerce sa liberté à devenir indépendant au sein d'un ensemble, individu du social ou social-individualisme. Deux versions intégrales aux intros & aux finish découplés se réalisent & s'accouplent en chantant le même couplet. Il est fou mais raisonnable, été comme hiver, de renoncer à ce que l'on veut pour s'orienter vers la source de nouveaux désirs, car si ceux-ci peuvent se figer, ils savent aussi se muer, œuvrant à se dissimuler habilement derrière d'inachevables travaux, d'inatteignables objectifs, l'essentiel des idéaux communs demeurant fatalement à l'arrière du front, dans la tête des hommes. La quête d'immortalité que vient troubler le vieillissement ne trouve sa survie que dans l'expression du génie créatif, par la transmission & de manière plus commune, par la procréation, donc par l'emploi du sexe comme moyen reproducteur, pour les gens moyens. Macron dit des bêtises sur les jeunes qui foutent le bordel, il s'est emporté, ou alors il n'est tout simplement pas l'homme providentiel qu'il prétend être, évidemment que cet évidement signe qu'il atteint ses limites et un épuisement qui n'est pas fe bonne augure mais alors pourquoi s'en prendre aux plus faibles ? Ah oui d'accord, ils sont le lieu de cristallisation de l'impuissance d'un homme qui engage 200% de son énergie à se montrer exemplaire, et je lui pardonne son emportement à condition qu'il demande pardon pour cette erreur de jugement, car cela témoignerait encore davantage de sa stature, que de faire preuve de modestie. En revanche, si comme une part importante de nos concitoyens il ne veut rien savoir de ce qui participe au développement & à l'ontogenèse des sujets, il emploiera des termes connotés et s'arrêtera aux préjugés, pensant être plus libre qu'eux, quand il les confond & les humilie en leur attribuant paradoxalement l'intention et les capacités d'agir librement à leur propre désintérêt, en fait il vient de faire comme eux, c'est à dire, il vient d'agir avant de réfléchir, alors, si même le président peut être impulsif une fois de temps en temps, on le tolère après tout on ne peut pas tout attendre de lui, regardez Trump, personnage grotesque en comparaison et bien puant, mais surtout, on ne l'attend pas pour défendre des idées de justice avec justesse. Car au fond un homme de cette intelligence doit bien savoir que ces jeunes qui s'opposent ont en eux le potentiel de susciter du changement, de jeter un regard neuf & de trouver des compromis et que leur agressivité est en grande partie une manière de se défendre, ou la encore, paradoxalement, de chercher un peu de soutien, d'attention & d'amour, de susciter de l'intérêt, une façon maladroite de demander de l'aide en mettant au défi de leur offrir les conditions de leur pardonner avant même qu'ils ne puissent, demander pardon. Demande toi si tu sais demander de l'aide toi ? Demande toi combien de fois dans ta vie tu as eu besoin d'aide et tu n'as pas su vers te tourner ni comment le formuler, rappelle toi des premières fois où tu t'es senti désemparé, et maintenant regarde ces jeunes et dis-moi si tu veux les accabler de reproches stériles et de jugements moraux ou si t'as les ressources de proposer autre chose que du rejet et de la souffrance à ajouter à leurs carences. Nous qui forgeons nôtre perception du monde derrière des miroirs percés, des rideaux sombres, des reflets & des ombres, qui à l'instar de nos fantasmes ne se laissent ni bien approcher ni même caresser que durant d'obscures pâleurs attrapées aux coins de nos virées nocturnes, que lorsque l'on aurait fait applaudir le diable mollement dans la béance maternelle, la progéniture nous observe indifféremment sauter au travers de cerceaux enflammés en attendant Noël, parce qu'on se croit plus heureux quand on aurait renoncé, quand on se serait résigné à répéter les mêmes jeux, à relire la même notice, à Paris, à Soulac, à Rio ou ailleurs & ne sachant plus bien ni comment ni pourquoi, ce que le lâcher prise a de bon, puisque l'on ne trouve plus de corde à son arc, ni de robin à ses bois, mais juste quelques robes tachées en boîte attachées à leurs déboires qu'elles n'ont pas l'intelligence de rendre avec leurs clés à leur instinct, l'intuition les a quitté ces crétines qui ne parlent que de maternité. Le Féminisme dans la bouche d'une majorité d'hypocrites ne démarre qu'après la troisième invitation au restaurant comme le dit Gaspart Proust avec lequel je ne suis finalement pas marié. Mais la guerre ne fait que commencer, et je me range de leur côté, de celui des femmes qui votent en bottes pour tenter d'affirmer que la parole a une valeur, car dans mon métier on compte 8 femmes pour un homme, merci à elles. Donc chacun son moteur, j'ai les mots Torre & de la hauteur, des bottes & une trotteuse dans la tête, si j'ai beau être retort au moins j'y mets du coeur.
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witchpurple · 7 years
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La Collection HARLEQUIN – Red Dress ink
Bon on va faire brève la présentation de la maison d’édition HARLEQUIN : créée à Toronto au Canada, en 1949, elle s’est spécialisée dans les romans d’amour avant d’élargir son éventail aux thrillers et aux romances historiques. En 2001 elle va sortir une collection intitulée RED DRESS ink.
(images prises sur ninizekid.com)
Quel genre de lecture ? Quel public ?
Mais RED DRESS ink. qu’est-ce que c’est au final ? C’est dans le genre que l’on appelle “chick-lit” , des comédies modernes avec des héroïnes célibataires qui sont dans la tranche 25-35 ans pour la plupart. Elles connaissent des hauts et des bas, doivent surmonter des obstacles et faire leurs preuves dans le monde qu’est le notre…le tout avec un brin de romance, beaucoup d’humour et peu de suspense : je l’avoue, ça se lit vite.
(images prises sur ninizekid.com)
Pourquoi j’en parle ?
Je suis plutôt dans le genre MANGA ou romans FANTASY. Mon premier roman romantique vient de cette collection…c’était, si j’ai bonne mémoire “Comment je suis devenue irrésistible” de Mindy Klashy. Depuis j’ai accroché au style et surtout pas prise de tête. Ça aide pour se changer les esprits le soir avant de dormir. J’aime bien ce genre de personnage féminin : elle sait ce qu’elle veut (ou ce qu’elle veut pas), elle fait des gaffes, doit faire des choix (que ça lui plaise ou non), et la vie continue…
(images prises sur ninizekid.com)
Où peut-on les trouver ?
Avant on pouvait surtout les trouver dans les gares, les aéroports…maintenant c’est beaucoup accessibles avec une mise en rayon dans les librairies en ville mais aussi les grandes surfaces (et bien sûr les boutiques online et ebook les proposent aussi).
(images prises sur ninizekid.com)
Quelques exemples d’histoires romantiques :
City Girl (Sarah Mlynowski)  
De : [email protected] A : [email protected] Objet : Nouvelle vie Salut, comment ça va ? M’éclate en Thaïlande. Ai rencontré fille super. Vais faire un bout de route avec elle. T’appelle plus tard. Jerem
Je suis folle de rage ! Il a osé me faire ça, à moi : me jeter comme un vieux clou par un misérable mail, pendant que je trime au bureau en rêvant de quitter mon deux-pièces-cagibi pour vivre le grand amour avec… Avec qui au fait ? Qu’ai-je donc fait pour mériter ça ? Comme si je n’avais pas déjà assez d’ennuis avec mon loyer, mes collègues, ma coloc… Heureusement que j’ai la chance d’avoir de bonnes copines pour me remonter le moral ! Sans oublier que je vis à Boston, une ville où habitent quelques centaines de milliers d’individus du sexe masculin. Parmi eux, il doit y avoir un Mister Right… Qui sait, ce mail, c’est peut-être un signe du destin ?
Fashion victim (Lynn Messina) 
Moi, une Fashion Victim ? Vous avez vu le look du mannequin-star de la couverture? Vous ne croyez quand même pas que je vais me déhancher dans une robe rouge ultramoulante qui franchement ne cache rien, uniquement pour être in ? De toute façon, les potins de stars et les conseils bidon, ce n’est pas mon truc… Et il ne faut surtout pas croire ce que raconte ce magazine. Je suis bien placée pour le savoir, puisque je suis l’auteur de certains de ses articles ! Moi qui rêvais de gloire littéraire, me voilà réduite, pour faire mon trou dans cette boîte, à me battre bec et ongles avec des folles furieuses que le mot ” complot ” rend hystériques ! Et croyez-moi, sur la planète People, tous les coups sont permis
Opération bague au doigt (Lynda Curnyn) 
Quand j’ai appris que mon premier amour – Vincent- venait de se marier, j’ai trouvé ça plutôt marrant… Lorsqu’est venu le tour de Randy – mon ex, lui aussi -, j’ai tout de suite trouvé ça plus louche… Mais quand Josh – mon Josh, mon ex et meilleur ami -, m’a annoncé son propre mariage, alors là, j’ai vu ROUGE ! Est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer CE QUI CLOCHE CHEZ MOI ? Selon ma copine Michelle, tout est une question de méthode : se faire passer la bague aux doigts est un jeu d’enfant, si l’on connaît quelques règles de bases. Et si elle avait raison ? Le seul moyen de le savoir c’est de lancer une OPERATION BAGUE AU DOIGT et de m’attaquer à Kirk, mon dernier petit-ami en date. Celui-ci, croyez-moi, je ne le laisserai pas m’échapper !
Au secours, il m’aime! (Jackie Rose) 
Qui a dit que le mariage était le rêve de toutes les femmes ? Pas moi en tout cas, car lorsque Bruce, mon petit-ami, a surgi au bureau avec un énorme bouquet de fleurs et m’a demandée en mariage devant tous mes collègues, j’étais très loin d’esquisser la danse de la victoire. Mais alors très loin… Enfin, n’allez pas croire que je sois ingrate. Bruce est beau, sexy même, et en plus, il est attentionné. Pour tout dire, c’est même peut-être l’homme idéal. Mais la vérité, et à vous je peux l’avouer, c’est que je n’ai aucune envie de renoncer à ma vie de célibataire ! Dire adieu aux virées shopping entre copines ? à mon petit appart’ en centre-ville ? à mes week-ends en pyjama ? à mes vendredis soir endiablés ? C’est tout simplement impossible !
Comment je suis devenue irrésistible (Mindy Klashy) 
Regardons les choses en face, je suis très très loin d’être une séductrice ! Depuis que mon fiancé m’a plaquée pour une avocate londonienne ultra-sexy, ma vie sentimentale est même carrément au point mort. Et ce n’est certainement pas mon boulot de bibliothécaire sous-payé qui va me permettre de faire des étincelles ! Alors vous imaginez ma surprise quand, du jour au lendemain, l’un de mes collègues s’est mis à me couvrir de fleurs. Et ce n’est pas tout : dans la rue, les hommes se retournent sur mon passage et un quasi-inconnu a même été jusqu’à m’embrasser fougueusement sur le pas de ma porte ! Mais c’est seulement lorsque Jason Templeton, l’homme le plus beau et le plus intelligent du monde — et sur lequel je fantasme depuis un an sans le moindre espoir — m’a invitée à dîner que j’ai vraiment commencé à me poser des questions. Et si…Et si j’��tais tout simplement devenue irrésistible ?
Mariée, moi…jamais! (Yvonne Collins et Sandy Rideout) 
Le mariage, ce n’est pas mon truc. La preuve, je suis toujours célibataire et je ne m’en porte pas plus mal. Ne désespérons pas, je fais une magnifique demoiselle d’honneur. Dans ce domaine, je suis même une championne toutes catégories. Il n’y a qu’à voir mon impressionnante collection de bouquets de mariée… De tout façon, qui pourrait bien vouloir me demander moi en mariage ? L’irréprochable Tim Kennedy ? Un homme si parfait que quand vous êtes avec lui, vous avez l’impression d’être la dernière des imbéciles ? Ou Richard Neale, ce merveilleux spécimen de mâle qui allie l’élégance au sex-appeal ? Autrement dit, un homme à fuir comme la peste, si vous voulez éviter la crise Kleenex ! Quand je pense que toutes mes collègues en bavent d’envie – moi pas du tout ! Non, il faut se rendre à l’évidence… je suis désignée volontaire pour le célibat longue durée !
Chassé-croisé à Notting Hill (Jane Sigaloff) 
Les hommes sont souvent persuadés que les filles de trente ans n’aspirent qu’à une chose : se caser. C’est faux. Prenez Maggie Hunter, par exemple. Londonienne accomplie, elle jongle avec succès entre vie sociale et vie professionnelle. Et file le parfait amour avec Max, un jeune créateur d’entreprise aussi brillant qu’attentionné. Seul problème : pour son anniversaire, Max lui a offert… les clés de chez lui. Autrement dit : il veut qu’elle s’installe à Notting Hill. Qu’elle renonce à son indépendance et à son deux pièces adoré pour partager ses nuits, ses placards et sa salle de bains sept jours sur sept ! Est ce vraiment une bonne idée ? Maggie hésite. Et commence à envier Eloïse, sa meilleure amie : en couple avec Jake depuis des mois, elle n’arrive toujours pas à lui arracher le moindre projet d’avenir. Si seulement Max était comme Jake et si Jake ressemblait à Max… la vie serait plus simple, non ?
Au secours ma meilleure amie est enceinte! (Ariella Papa) 
Vous avez sûrement connu ça, vous aussi : le jour fatidique où votre meilleure amie vous annonce qu’elle est enceinte. Moi, je n’en suis pas revenue. Jamie, ma Jamie, avec un bébé ? Hier encore, on rigolait sur les bancs du lycée, et aujourd’hui elle s’apprête à pouponner ? C’est tout simplement impossible ! Parce que, avouons-le, les bébés, c’est la poisse. Un, ça vous file un sacré coup de vieux. Et deux, vous devenez soudain la copine totalement déjantée : celle qui n’a jamais de boulot fixe, celle qui vit toujours en colocation à presque trente ans, et surtout, celle qui est incapable de rencontrer l’homme idéal. Ça promet… Enfin, loyauté oblige, j’ai décidé de la soutenir. Ce ne sera pas facile tous les jours, mais… les meilleures amies, c’est pour la vie, non ?
Et bien d’autres encore comme : Aller simple pour Los Angeles, Télémania, Un très gros mensonge, Ma rivale et moi, Un fiancé qui a du chien, Dans la peau d’une autre, Miss London emménage, Vent de folie en Californie, Ce que veulent les filles, etc…
(images prises sur ninizekid.com)
Mais on peut aussi allier romance et polar…la preuve avec la liste ci-dessous :
Sexe, meurtres et cappuccino (Kyra Davis) 
Tout le monde ne parle plus que de ça ! Le dernier bestseller de Sophie Katz, Sex, Drugs and Murder, va être adapté au cinéma par Alex Tolsky, célèbre producteur hollywoodien. Enfin, ça, c’était avant qu’on ne retrouve le producteur mort dans sa baignoire… D’après la police, il s’agit d’un suicide, mais la romancière n’est pas du tout de cet avis ! Après avoir fouiné un peu partout, pour Sophie, c’est très clair : le producteur a été assassiné, exactement comme dans l’une des scènes de son dernier film… Etce qui est encore plus fou, c’est qu’elle est persuadée d’être la prochaine cible du tueur…
Le pacte (Jennifer Sturman) 
Pour Rachel Benjamin, le mariage de sa meilleure amie Emma aurait dû être un jour de fête. Mais la fête tourne rapidement au cauchemar… Car le matin même de la cérémonie, Richard, le futur marié est retrouvé mort dans la piscine. Un drame qui, bizarrement, ne semble émouvoir personne ! Plus troublant encore, chacun des invités semble avoir un mobile pour se débarrasser de Richard. A commencer par ses propres amies d’enfance… D’autant que Rachel n’a pas oublié le pacte pour le moins original qu’elle a passé douze ans auparavant avec ses amies – Hilary, Jane, Luisa et Emma : Si l’une d’entre nous tombe un jour amoureuse d’un homme qui ne plaît pas aux autres, il faudra agir en conséquence…Poussée par sa curiosité débordante, Rachel décide de mener sa propre enquête pour découvrir l’identité du coupable…
Crimes, passion et talons aiguilles (Kyra Davis) 
Je vous le dis : tout n’est pas si parfait qu’on croit dans la haute société de San Francisco ! La preuve, ma sœur Leah, la perfection incarnée – mère au foyer accomplie, épouse de Bob Miller, un homme d’affaires incroyablement ennuyeux – découvre du jour au lendemain : 1) que Bob la trompe ; 2) que Bob gît, le crâne fracassé, sur la moquette blanche immaculée du salon conjugal ; 3) qu’elle est le suspect nº1 dans cette affaire ! C’est là que j’entre en scène. Moi, Sophie Katz, auteur de romans policiers, et détective amateur quand les circonstances l’exigent. Mais je vous avoue que l’enquête s’annonce difficile. Et cela ne tient qu’à un minuscule petit détail : ma sœur et moi on ne s’entend pas, mais alors pas du tout…
Petits meurtres en bikini (Lynda Curnyn) 
L’été s’annonce bien pour Zoé, Sage et Nick : inséparables depuis l’enfance, ils ont loué une villa de rêve pour les vacances. Au menu : drague, bronzette et bains de mer… le tout, à deux heures de New York ! Mais le farniente tourne court quand Zoé découvre le corps sans vie de leur hôtesse sur la plage… ” Tragique accident “, décrète la police locale, pressée de classer le dossier. Zoé, elle, s’interroge. D’autant que personne ne semble regretter la mort de Maggie : Tom, son mari, n’a pas versé une larme à l’enterrement. Sage, qui travaillait avec elle, se réjouit d’hériter de son poste, qu’elle briguait depuis des lustres. Et Nick, l’éternel fauché de la bande, se lance brusquement dans des dépenses inhabituelles ! Bref, cet ” accident ” semble profiter à tout le monde… mais Zoé n’en démord pas : un meurtrier se cache sur l’île. Et n’en déplaise à ses amis, elle le démasquera avant la fin de l’été !
Drôle de tandem (Lee Nichols) 
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Je dois vous avouer quelque chose : depuis mon accident de voiture, j’évite les engins à moteur comme la peste. C’est devenu une vraie phobie. Et un sacré handicap quand, comme moi, on mène des enquêtes pour le FBI ! Du coup, j’ai eu droit à plusieurs chauffeurs – tous incompétents. Résultat : plus de chauffeur, plus d’enquêtes. Mais quand un riche homme d’affaires a exigé le meilleur spécialiste pour comprendre ce qui était arrivé à sa fille chérie, retrouvée morte sur une plage du Maine, c’est à moi qu’on a fait appel. J’ai accepté… mais il me fallait un chauffeur, et vite ! C’est là qu’une idée folle m’a traversé l’esprit : pourquoi ne pas recruter Aaron White, un ami de la victime… et le dernier à l’avoir vue vivante ? Un type intrigant, trop charmeur pour être honnête. Mais assez malin pour m’aider – et se disculper par la même occasion. Me voilà donc embarquée avec lui, sans trop savoir où me mènera ce drôle de tandem !
Et bien d’autres encore dans le même genre : Crimes et coktails en série, Mystères à San Francisco, Miss Malchance mène l’enquête, Sexe mensonge et petite robe noire, Séduction meurtres et chocolat noir, etc…
Enfin dans le genre “Chick-Lit” si ça vous dit, les éditions MARABOUT ont également sorti toute une collection intitulée GIRLS IN THE CITY. J’avoue que pour le moment je n’en ai pas lu, mais certains résumés sont tentants…alors à vous de voir 🙂
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(image prise sur : www.girlsinthecity.fr )
Mes amants, mon psy et moi (Carrie L. Gerlach)
Projection très privée à Tribeca (Rachel Pine)
L’ex de mes rêves (Carole Matthews)
Cleptomania (Mary Carter)
Le prince charmant met de l’autobronzant (Ellen Willer)
Ma vie privée sur internet (Carole Matthews)
Plaquée pour le meilleur (Clare Dowling)
Ma vie de star est un enfer (A.M. Goldsher)
The boy next door (Julie Cohen)
Cinq filles, trois cadavres mais plus de volant (Andrea H. Japp)
Cocktails, rumeurs et potins (Marisa Mackle)
Mortels rendez-vous (Rhonda Pollero)
Petits meurtres en ligne (Valérie Gans)
Bimbo mais pas trop (Kristin Harmel)
etc…
  Livres // Red Dress Collection La Collection HARLEQUIN - Red Dress ink Bon on va faire brève la présentation de la maison d'édition HARLEQUIN : créée à Toronto au Canada, en 1949, elle s'est spécialisée dans les romans d'amour avant d'élargir son éventail aux thrillers et aux romances historiques.
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kbrassband-blog · 7 years
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24h pour un zébu
Bientôt la fin des vacances à Madagascar. Les K-Brass ne le savaient pas encore mais demain ils allaient vivre une journée unique. Tout commença au retour de notre randonnée de 3 jours dans les montagnes. C’est la fin du périple et il faut que l’on décide du programme du dernier jour de vacances. Au matin il y a un marché de zébus, l’après-midi on parle de rando, de VTT, bref on cherche.
Mais soudain Poxx, saint patron des idées saugrenues, débarque dans l’assemblée, un verre à la main : « Hé les gars ça vous dit on achète un zébu ? ». Gijs, tout aussi éméché, renchérit : « Et on organise un méga BBQ ! ». Tout le groupe explose de rire ! Vraiment Poxx a toujours des idées complétement barrées. Mais Perceval, avec un sourire en coin, a l’air pensif…
Nous voilà une fois de plus chez Poupoune, notre resto favori, pour fêter le retour de cette randonnée torride. Vers 21h les guides arrivent au bar, Perceval s’avance vers eux. En effet il doit toujours trouver une idée d’activité pour demain après-midi. Le repas va bon train et les rhums arrangés aussi lorsque Perceval revient tout sourire : « Les gars demain on achète un zébu !!! » Quoi ?! Comment est-ce possible ? Apparemment les guides ont été extrêmement séduits par l’idée et nous trouvent un village pour accueillir la fête demain après-midi. Un peu alcoolisé je l’avoue je me laisse convaincre et on trinque à la santé du BBQ !
Réveil difficile… Non pas à cause de l’alcool car je suis un sacré bonhomme mais plutôt dû au retour sur terre : dans 10 minutes on va acheter un zébu au marché… Mais qu’est-ce qu’on a foutu hier soir ?! On se croirait dans un film américain de série Z. Dans le groupe les réactions sont diverses mais tout le monde, curieux, joue le jeu et part au marché. Sur un terrain vague en hauteur de la ville, plusieurs rabatteurs ont amené leurs bêtes. Il a des cornes de toutes les tailles, de toutes les formes ! Et les K-Brass qui zigzaguent au milieu. De riches propriétaires passent dans la foule. Ils achèteront sûrement des bêtes pour les revendre ensuite à Antananarivo au meilleur prix. Avec leur magnifique chapeau de cow-boy et leur moustache ils ressemblent plus aux texans des westerns qu’à des malgaches. Parfois une bête s’énerve et monte sa voisine. Mais le rabatteur abat immédiatement son bâton sur l’encolure de l’animal. Pendant plus d’une heure nous assistons à ce spectacle plutôt intimidant dans le plus grand calme. Puis les guides arrivent, un papier à la main. Nous voilà propriétaire d’une petite vachette noire à tête blanche, couleurs sacrées pour le roi. Perceval et Poxx partent avec les guides amener l’animal au village en courant à travers champs. Sur le chemin du retour à l’hôtel un sentiment confus gagne le groupe. Dernier préparatif anisé et nous voilà partis en direction du village.
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La famille qui nous accueille pour l’événement vit en retrait de la ville dans un petit village après plusieurs kilomètres de pistes. La maison est magnifique. Pour l’instant tout est calme. Il est midi. Un premier verre pour les ancêtres toujours selon la coutume. Avant de servir l’alcool on dépose un peu de rhum sur le coin nord-est de la maison. C’est pour la communication. La boisson est extrêmement forte. Le rhum ici a une véritable vertu sacrée et est utilisé dans de nombreux rites. Un à un les villageois arrivent à la maison. On nous présente ainsi le chef du village, très souriant et apparemment très heureux d’accueillir des vasaha ici. Au début du repas on apprend que Perceval et Poxx se sont perdus dans la brousse, l’animal allant trop vite pour eux ! En début d’après-midi tout le monde est là et la fête commence. Tout le village est réuni dehors. La tradition veut que lorsqu’une famille a un événement important à fêter, comme une naissance, elle offre un zébu aux ancêtres. La première chose à faire est de réunir le village dans la maison de l’hôte pour leur parler. Tous assis dans la même pièce, nous écoutons un vieil homme s’adresser au mur. A la fin de la cérémonie l’assemblée est aspergée d’eau : le rodéo peut démarrer.
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Dans la région la coutume veut que les jeunes puissent montrer lors de cet événement leur valeur dans la fosse aux zébus. Tout le village se réunit autour de l’arène, un trou d’une quinzaine de mètres de diamètre. On fait entrer le premier animal. L’excitation est à son comble. Les paris s’enchaînent, les bâtons volent pour énerver l’animal. Et soudain ça démarre. Un jeune se laisse tomber sur la bosse du zébu. S’il parvient à rester accroché pendant trois sauts de suite il gagne la mise. Et elle n’est pas que financière. En effet c’est aussi un moyen de montrer au village que son fils est un homme fort, prêt à être marié. Et les bêtes s’enchainent, les plus petites étant réservées aux adolescents pour qu’ils puissent s’entrainer. Marcel, notre guide, me rassure : « il y a parfois des accidents mais c’est rare ». Bref je ne suis absolument pas rassuré. Certains préfèrent d’ailleurs ne pas assister du tout à la scène. Soudain une bête énorme entre dans l’arène. Marcel me regarde amusé : « celle-là elle est pour toi ? ». Le jeune qui l’affronte est connu pour être le plus fort du village. Tout le monde acclame sa victoire. Mais l’animal n’a pas dit son dernier mot et voilà qu’il tente de sauter par dessus le mur dans notre direction. De stupeur je tombe dans un fourré, les quatre fers en l’air, toujours sous le regard amusé de Marcel. Mais déjà le rodéo doit s’arrêter. Nous avons commencé la fête trop tard et il nous faut distribuer la viande avant la tombée de la nuit. Nous descendons tous dans l’arène avec les animaux qui doivent faire six fois le tour pour bénir le sacrifice et la famille.
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Puis les animaux sont ramenés dans leur enclot, les gens se réunissent devant la maison. Notre vachette est là elle aussi. Une dizaine de malgaches l’attrapent et la mettent à terre. La foule forme un cercle autour d’eux. Pour tuer l’animal on lui coupe l’artère principale au niveau du cou. Très vite la bête cesse de se débattre et tombe, inerte. Perceval, derrière son appareil photo, sursaute lorsque le dernier coup de sabot lui arrive à 5 centimètres du visage. La découpe de l’animal peut commencer. On commence par enlever la peau sans l’abimer. Charles, muni de son couteau, dépèce l’animal selon les instructions du villageois. Puis Simon, muni de sa hache, ouvre l’animal en deux. Gijs prend la hache à son tour et découpe les pates. Loïc lui s’attaque à la colonne vertébrale. L’odeur est forte mais reste supportable. On commence la découpe des divers organes et morceaux de viande. On nous offre notamment un magnifique crâne de zébu avec ses cornes. Pendant ce temps les femmes pilent le riz pour nous donner du courage. La maîtresse de maison leur offre un litre de rhum en échange. A quatre autour du même ustensile, les pilons volent dans les airs, parfaitement synchronisés, comme une pulsation tournante. D’autres ont sorti les instruments de musique et d’autres encore le rhum et le pastis. Tout le monde danse, chante autour de l’animal, allongé sur un lit de feuille d’eucalyptus. Les femmes, une fois le riz terminé, se rassemblent à l’intérieur. Sur une natte en bambou sont rassemblés les morceaux les plus fins. Et les femmes dansent autour. Charles tente quelques passes de rock, pour le plus grand plaisir des dames ! Un vieillard s’approche de moi, hilare avec ce qui lui reste d’un sourire, et me tend une bouteille de rhum gasy en échange d’un fond de pastis, rebaptisé pour l’occasion rhum vasaha. Et les premiers morceaux de viande arrivent. Les morceaux les plus nobles sont cuits directement et offerts aux hôtes. On goute ainsi au cœur, au foie, à la bosse et aux filets. C’est étonnamment bon ! La viande est toutefois quelque peu noueuse.
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Le soleil commence à se coucher lorsque la distribution commence. Chaque famille se voit attribuer une partie du zébu pour sa consommation personnelle. Les bouteilles elles aussi arrivent au bout de la fête. Il va falloir bientôt rentrer. En effet il est dangereux de rouler de nuit à cause des voleurs de zébu, qui n’hésitent pas à attaquer à coup de AK47 les voitures de vasaha sans défense. On nous donne aussi 2kg de filet pour le soir. Le chef du village nous remercie pour la fête avec une poignée de main énergique et sincère. On monte dans le camion et c’est reparti pour quelques kilomètres de piste.
Nous revoilà chez Poupoune, 24h plus tard, avec un morceau de filet et du riz dans notre assiette. Les guides mangent avec nous. Encore quelques tournées de rhum arrangé et nous voilà complétement cuits. Les guides nous remercient pour cette journée fantastique. Le plus jeune me dit autour d’un verre dans un français approximatif « c’est la première fois que je vois des vasaha gentils ! ». On vient d’offrir un zébu à un village malgache et aux ancêtres. Ca c’est du tourisme d’aventurier ! J’ai encore du mal à me rendre compte de ce qui s’est produit dans les dernières 24h… Cette journée aura été à l’image de notre séjour à Mada : 13 vasaha un peu fous qui débarquent et ambiancent la foule !
Demain matin nous prenons la route direction Anyma et dans deux jours l’avion pour le Paraguay. Le vague à l’âme et sous l’emprise de l’alcool, mes pensées vadrouillent et je me retrouve à apprécier plus que jamais cette vie de voyage, de fête et de rencontres. Bientôt un nouveau pays, de nouvelles aventures et toujours plus d’histoires à raconter !
Bisous partout.
Louis
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Nocturnal Animals (2017)
Les deux bandes-annonces mises en ligne réussissent à nous masquer avec brio la double intrigue d’un thriller qui n’en est pas tout à fait un. 
[ATTENTION: le film étant sorti il y a peu, je préfère prévenir que les spoilers sont nombreux]
Il y a une maîtrise et un goût de l’esthétique évident chez Tom Ford, styliste et réalisateur cette année de Nocturnal Animals, adapté d’un roman d’Austin Wright. Couleur, lumière, cadrage... chaque plan semble être millimétré et calculé pour servir un objectif particulier. Cette quête de la perfection visuelle est parfaitement retranscrite dans les deux trailers du film, brillamment trompeurs.
Pour mieux comprendre cela, j’ai fait deux lectures des trailers et analysé d’abord ce que l’on entend, puis ce que l’on voit.
«Je lui ai fait quelque chose d’horrible»
Commençons donc par les dialogues choisis pour la première bande-annonce.  Le premier trailer, publié le 15 septembre dernier, nous présente le personnage de Susan Morrow, interprétée par Amy Adams. Au détour de quelques phrases, on comprend alors que Susan vit seule, ou souffre de la solitude, et qu’elle ne compte plus ses nuits sans sommeil, perturbée par son ex-mari. Ce dernier vient de lui envoyer un livre «violent et triste» appelé Nocturnal Animals, surnom qu’elle avait quand ils étaient encore ensemble. On entend alors Susan dire qu’elle lui a fait «quelque chose d’horrible» par le passé. 
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Un autre homme, que l’on devine être Edward, l’ex-mari interprété par Jake Gyllenhaal, est alors montré en train de discuter avec un policier qui lui propose de rendre justice. «Vous êtes fous, vous faites une grosse erreur», lance alors un autre personnage secondaire inquiétant à Edward, avant de dire, dans un autre plan: «Ce n’est pas grave de tuer quelqu’un, vous devriez essayer à l’occasion». La musique commence alors à s’emballer et tout laisse penser que l’ex-mari veut alors se venger, faire payer à son ex ce qu’elle lui a fait subir. «Tu ne peux pas t’en tirer après ce que tu as fait», lance Gyllenhaal à la fin du trailer. Si l’on se fie donc aux dialogues, Nocturnal Animals un thriller romantique où la vengeance est au cœur de l’intrigue. 
Ce sentiment est évidemment parfaitement servi par une avalanche d’images inquiétantes, donc voici une sélection commentée avec les impressions données lors du visionnage: 
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Une main d’homme marié ensanglantée. Edward?
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Deux femmes rousses, sûrement une fille et sa mère, se font enlever. Susan et sa fille? 
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Edward est-il sur le point de tuer quelqu’un? 
Cette hypothèse de vengeance meurtrière est renforcée par le second trailer, sorti le 21 octobre, qui en dit plus sur l’histoire d’amour qui a tout déclenché entre Susan et Edward et renforce l’idée d’une trahison et d’un besoin de revanche. Il est intéressant de noter que les médias, dont les critiques sont reprises par extraits dans cette bande-annonce, participent à cette vision du film. «Un thriller émotionnel extrêmement intelligent», écrit le Daily Mail avant que Variety fasse du film une fable sur «l’amour, la violence et la vengeance». 
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Un film dans le film
Sauf que, génie du montage, ce thriller policier n’existe pas dans le film, ou du moins pas réellement. Toutes les images de violence ne sont en fait que l’incarnation visuelle du roman envoyé par Edward à Susan, qui lit cette histoire dans sa maison vide. 
On comprend alors à quel point Tom Ford et les réalisateurs des trailers nous ont berné. Jake Gyllenhaal joue bien le rôle d’Edward, ex-mari de Susan. Mais il joue aussi celui de Tony, héros du roman d’Edward, deux personnages que Susan confond dans son esprit, et nous avec dans ces trailers.
On réalise également assez vite que Susan passe la plupart de son temps dans son lit ou à la galerie où elle travaille, pas dans le mystérieux décor désertique où le thriller du roman se déroule. Dans le roman «Nocturnal Animals» mis en abyme dans le film Noctunal Animals, c’est Isla Fisher qui joue Laura, la femme de Tony/Edward, pas Amy Adams. Isla Fisher qui, vous le remarquerez, n’est pas annoncée à la fin des bandes-annonces. Et ce n’est pas un hasard non plus si le roman sur lequel est basé le film, publié en 1993 par Austin Wright, s’appelle Tony and Susan, mêlant ainsi personnage «réel» et personnage «fictif». 
Pour mieux comprendre, je vous ai fait un petit schéma d’une qualité artistique sans égale. 
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Le tour de passe-passe pour nous faire confondre Isla Fisher (qu’on entraperçoit dans le trailer) et Amy Adams est d’autant plus fascinant que les deux actrices sont parfois qualifiées, un peu facilement, de sosies l’une de l’autre. Après tout, si on les confond, c’est qu’il y a peu d’actrices rousses à Hollywood. La confusion est même devenu un jeu pour Isla Fisher qui en remplacé une fois son visage par celui de sa consœur sur ses cartes de vœux... sans que personne ne remarque la différence. 
C’est grâce à cette «ressemblance» que l’équipe marketing du film a pu construire un trailer qui se tient en mêlant les deux histoires du film, qui n’ont pourtant en commun que le double personnage incarné par Jake Gyllenhaal. Le meilleur moment des trailers pour s’en rendre compte tient à une succession de plans, que j’ai extraits ci-dessous, où l’on croit à tort que Susan est sous le coup d’une menace physique. 
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Et voici comment, en quelques coups de ciseaux, on fait croire que Nocturnal Animals est une histoire de vengeance pour attirer le public et lui faire réaliser, une fois dans la salle de cinéma, que le film est bien plus que cela. 
BONUS: je vous conseille fortement cette petite analyse des «deux» fins du films, fascinantes à bien des égards.
Merci de m’avoir lu ! Comme d’habitude, toutes les remarques, conseils, demandes, sont bienvenues. A très vite ! 
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jimmysabater · 5 years
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Les Enquêtes d’Emilie Frinch
Ados et à crans
de Jimmy Sabater
 Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années. 
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
Maman m’a de nouveau pris la tête ce matin à propos des tâches ménagères. Elle estime qu’à quinze ans, je devrais faire mon lit, repasser mon linge, étendre les lessives et passer l’aspirateur. Deux mille ans de lutte féministe et voilà mon héritage ! À ce train-là pourquoi ne pas repeindre les plafonds et changer le carrelage de la salle de bains ? Mais dans le fond Maman n’a pas complètement tort. Elle travaille comme une malade pour un salaire qui lui permet à peine de payer les factures, d’acheter la nourriture et de m’élever décemment, bien que je lui coûte beaucoup moins cher que certaines de mes copines. Si je l’aidais un peu, je rendrais peut-être sa vie moins difficile. Mais je prépare souvent le dîner, je lave la vaisselle, je passe aussi parfois l’aspirateur dans ma chambre. Elle était énervée et il lui fallait quelqu’un sur qui déverser toute son animosité : ça tombait bien, j’étais là !.
À midi, nous avons déjeuné chez Claire, ma tante du côté maternel. Elle habite une maison de maître avec une belle véranda et un grand jardin dans un petit village paysan au nord de Mortevor. C’est la première fois que nous y allions en deux ans. Depuis qu’elle a arrêté de boire, Claire est franchement devenue très sympa. Elle ne fait rien de spécial pour s’arranger. Cependant, même sans maquillage, avec un simple jeans, un tee-shirt noir et un gilet gris, elle est jolie. Claire a de longs et superbes cheveux bouclés noirs. Elle partage avec Maman le fait que le temps ne semble pas avoir d’emprise sur son visage. Moi j’ai les cheveux roux vif comme des poils de renard au soleil. Par contre, j’ai les mêmes yeux expressifs et en amande que Maman et Claire. Malheureusement, je ne suis pas très grande pour mon âge. Je rêve de découvrir un aliment qui me permettrait d’avoir la taille et la silhouette d’une top-modèle, mais la glace aux noix de cajou de Maman n’a pas vraiment cet effet sur moi. Je grossis plus vite que je ne grandis. Et puis, j’ai la peau criblée de taches de rousseur, comme si j’avais bronzé sous une passoire aux trous minuscules serrés. Quand j’étais petite, les filles de l’école me donnaient toutes sortes de surnoms méchants à cause de cette rousseur. Dès que je n’étais pas d’accord, on me traitait de “sale roukmout”, de carotte et même d’albinos. Cela me faisait mal au cœur d’être ainsi rejetée pour quelque chose que je n’avais pas choisi. Les enfants sont cruels, mais je ne me suis jamais laissée faire. C’est ça qui compte.
Claire nous a présenté sa compagne qui est tout à fait son opposée. Martine est vieille, grosse, lente, mais tirée à quatre épingles, avec un air strict qui ne donne pas du tout envie de se confier à elle. Je préfère nettement Claire qui confectionne des bijoux fantaisie et les vend plutôt chers sur les marchés ou sur les plages du sud de la France. Elle aime surtout la vie en plein air, le contact avec les gens, les animaux, mais aussi les livres d’art. C’est une artiste née. Sa maison est pleine de ses peintures, sculptures, meubles personnalisés et autres créations inattendues. Elle m’a offert un joli bracelet en sequins multicolores. Je l’adore même s’il fait du bruit à chacun de mes gestes.
En rentrant, j’ai croisé Corentin, un voisin avec qui je partage pas mal de temps. Lui aussi, il s’ennuie grave les dimanches à Mortevor, où il n’y a pas grand-chose à faire pour les jeunes. Ses parents étaient partis visiter un appartement et nous nous sommes d’abord installés dans le canapé du salon. Corentin s’est assis devant le synthé de son père et il a joué du piano comme un pro pendant que je jetais un œil sur Facebook.
Je suis aussitôt tombée sur une vidéo horrible de singes qu’on forçait à respirer des gaz de pots d’échappement. Les pauvres bêtes faisaient pitié à voir. J’ai aussitôt commenté : « Un homme qui ne respecte ni les hommes, ni les animaux, n’est pas un animal, c’est un monstre ! »
J’ai ensuite regardé les dernières salades des filles de ma classe. Cette petite peste de Sarah a posté une photo d’Alexandre prise à son insu, de dos, au milieu de la cour du collège avec la mention « Je parie que je vais être la première à sortir avec lui ». Il y avait évidemment quarante commentaires des plus douteux avec les pronostics fantaisistes de la part des filles de sa bande. Elles se comportent comme des ogresses assoiffées de romance. Entre leurs griffes, Alexandre ne fera sans doute pas long feu. Elles l’ont surnommé « Nadal » à cause de son look de tennisman.
Quand le verrou de la porte d’entrée a cliqué, nous nous sommes levés précipitamment comme si nous étions coupables de quelque chose. Le père de Corentin nous a vus et il a rougi en imaginant probablement qu’il venait d’interrompre un moment de béatitude sentimentale. N’importe quoi. Mais Corentin est aussitôt allé chercher des cocas et nous nous sommes rendus dans sa chambre où il s’est tourné vers son bureau :
— Tu as vu cet article sur la Gruve dont tout le monde parle en ce moment ? m’a-t-il demandé.
— La quoi ?
Il a tourné son écran vers moi pour lire l’article à voix haute :
— La Gruve revient-elle hanter Mortevor ?
Selon une légende moyenâgeuse, Mortevor serait construite sur des marais appartenant jadis à des sorcières. Les paysans y cultivaient une terre fertile, l’eau coulait en abondance et la forêt recelait de gibiers et de bois utile pour construire et chauffer leurs maisons. Après plusieurs générations de paix et de prospérité, le village se développa et on chassa les sorcières les unes après les autres. On ne leur laissa pas grand choix. Soit elles fuyaient, soit on les conduisait au bûcher. Lorsque la dernière fut disparue, les villageois organisèrent un bal où l’on mangea de la viande et but du vin tout en dansant autour d’un grand feu où on brûla une fausse sorcière faite de vieux vêtements et de paille. Mais avant de disparaître, les femmes bannies avaient laissé derrière elles la Gruve, créature mi-femme, mi-plante, qui vivait au fond des marais. Vêtue d’un lourd manteau cousu d’algues et de résidus marécageux, elle errait dans le brouillard des marais à la tombée de la nuit. Lors de cette grande fête, les rires, la musique et les cris de bonheur réveillèrent la Gruve. La créature traversa le village sous les yeux terrorisés des paysans et, sans prononcer un mot, s’empara d’une imprudente jeune fille qui passait sur son chemin. Cette année-là, elle vint à trois reprises et à chaque fois, la Gruve enleva une jeune vierge pour l’immerger avec elle dans les eaux insondables du Marais des Verraq. On retrouva leurs corps quelque temps plus tard, sans blessure, ni marque de coup, mais sans vie. La Gruve aspirait l’âme de ses victimes en leur donnant un baiser mortel. On dit que ce rituel répété depuis des siècles lui permet de vivre éternellement. Un chercheur de l’université de Meridiart a mis en évidence que ce culte se déroulait tous les soixante-dix ans. Il a trouvé des traces de trois adolescentes mortes noyées dans les marais à intervalle presque métronomique. Les disparitions surviennent toujours à l’approche de l’automne et sur une période de quelques semaines. Si ce scientifique a publié cet article, c’est justement pour avertir la population que nous sommes dans l’une des années où la Gruve devrait réapparaître.
Corentin s’est tourné vers moi comme s’il venait de faire une découverte magistrale :
— Tu vois ! Cette histoire coïncide exactement avec la mort de Perrine ! Peut-être que de nouvelles adolescentes ont été tuées et que nous ne le savons même pas !
— Tu crois à ces légendes ? ai-je demandé en rallumant mon téléphone. Cela m’étonne de toi.
— Pourquoi pas, a-t-il répondu avant de me rejoindre avec son Coca sur le lit. Je te rappelle qu’ils n’ont trouvé aucune trace de défense de la part de Perrine, pas de marque, rien. Normalement quand on se débat, on se retrouve avec des griffures ou des bleus. Imagine que tu ne noies. Tu vas essayer de te raccrocher à des plantes, des branches, des cailloux, quelque chose ! On ne coule comme ça dans l’eau glacée sans rien faire. Ça laisse forcément des traces !
— Justement, je ne crois qu’à ce que je vois. Si des êtres mi-femme mi-plante existaient, ça se saurait ! Pourquoi pas des vampires, des loups-garous ou Godzilla, tant que tu y es ?
— Dis plutôt que tu préfères garder tes œillères et te limiter à ce que rapportent les journaux traditionnels, c’est plus facile. Je ne prétends pas que la Gruve est réelle, mais qu’il y a peut-être un rapport entre cette légende et la mort de Perrine.
— Et alors ? Que voudrais-tu faire ?
— On sait que la Gruve sort du brouillard à la tombée de la nuit et que le soleil se couche en fin d’après-midi, en cette saison. Il n’y aurait qu’à le vérifier nous-mêmes en nous rendant sur place avec des caméras. Nous serions tout de suite fixés.
— Ah ? Quelle drôle d’idée ! Pourquoi sortirait-elle justement à ce moment-là. Et puis je me demande bien comment tu vas convaincre quelqu’un de t’accompagner.
— Les gens ne sont pas tous flippés à la première occase, m’a-t-il lancé avec un air de défi dans le regard. On ne risque pas grand-chose. Il suffit de bien nous préparer, en emportant des lampes torches, des caméras et des téléphones portables. Nous avons besoin de jeunes vierges pour l’attirer, c’est comme ça qu’elle viendra. Si la Gruve apparaît, il ne nous restera plus qu’à prouver que c’est elle qui a assassiné Perrine. Ce n’est ni compliqué, ni dangereux. Pense un peu à elle, a-t-il terminé en montrant le portrait de l’avis de recherche de la pauvre Perrine sur internet.
J’ai un peu hésité, mais Corentin semblait tellement convaincu par cette histoire et il était si sympa avec moi, que j’ai décidé de lui apporter mon soutien.
— Je vais sans doute le regretter, ai-je repris, mais je veux bien venir avec toi, s’il y a d’autres personnes. J’ai tout de même beaucoup de points communs avec les victimes de la Gruve.
Son visage s’est éclairé :
— Merci, Émilie. Perrine serait heureuse de savoir que tu ne laisses pas tomber son affaire et que tu veux découvrir avec moi comment elle est réellement morte !
***
En rentrant à la maison, j’avais envie de manger quelque chose de bon et ma gourmandise m’a suffisamment motivée pour que je prépare un roulé à la confiture de fraises. Après la cuisson, la cuisine embaumait un délicieux parfum et j’étais impatiente de goûter à mon œuvre jusqu’à ce que Maman arrive :
— Tu ne vas pas manger du gâteau maintenant ? On dîne dans moins d’une heure ! s’est-elle écriée en déplaçant mon gâteau comme si j’étais un ogre et qu’il fallait immédiatement l’éloigner de ma vue. Claire et Martine nous ont préparé une soupe à base de légumes bio de leur jardin. Tu vas te régaler !
Beurk, ai-je pensé, pourquoi pas de la sciure au vinaigre, tant qu’on y est.
— Tu devrais aller porter un petit tupperware à Madame Abramovici, pour une fois qu’on a quelque chose d’élaboré à échanger contre les bons petits plats qu’elle nous donne de temps en temps, a-t-elle dit en joignant le geste à la parole.
Je n’avais pas tellement envie de le faire, mais pour éviter de nouvelles disputes, je me suis rendue au second étage. J’ai sonné à de multiples reprises, mais la porte est demeurée close.
Je suis maintenant dans ma chambre après avoir mangé l’horrible soupe et m’être récompensée par une copieuse portion de mon délicieux roulé à la fraise.
Ce soir j’ai terminé « Voyage en Arcturus », un roman d’anticipation où David Lindsay a réinventé le moindre détail d’un monde imaginaire. Tout y passe, de la flore à la faune en passant par les rites. Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est que l’auteur a publié ce roman pour la première fois en 1920. Quelle imagination quand on pense qu’à l’époque, les gens prenaient à peine l’avion !
J’ai mes périodes pour la lecture, mais j’essaie de ne pas me cantonner à un style. Parfois, quand j’ai épuisé tous mes stocks de lectures, je pioche dans les romans sentimentaux de Maman. C’est toujours un peu la même histoire, la pauvre fille seule et désespérée qui tombe sur un beau sportif qui a une fortune cachée où une ex-femme jalouse qui va les empêcher de s’aimer. J’aime autant lire de la science-fiction, c’est souvent plus réaliste. Il est tard et demain risque d’être une rude journée.
Bonne nuit, mon petit journal.
Ce matin Maman a rédigé un billet d’excuse pour que je puisse me rendre à l’enterrement de Perrine avec Wendy. À ma grande surprise, l’église était comble, me donnant le sentiment qu’elle avait des quantités d’amis que je ne soupçonnais même pas. Je la voyais souvent seule et ses parents ne recevaient que rarement.
La cérémonie était un peu longue, car de nombreuses personnes avaient décidé de lui rendre un ultime hommage.
— Tu as vu ? m’a chuchoté Wendy, Alban Zbornak, le petit copain de Perrine est juste derrière nous.
J’ai essayé de lui faire comprendre par une petite grimace que ce n’était pas le moment pour faire des commentaires, mais elle s’est tournée à nouveau et a manqué de pouffer de rire.
— Arrête ! lui ai-je dit d’un ton ferme. Tu me fous la honte !
— Mais il y a un grand type au fond qui sourit, l’air benêt, il est dingue ou quoi ?
Je me suis retournée à mon tour pour découvrir à qui elle faisait référence. Il s’agissait d’un jeune qui avait quelques années de plus que nous, mais qui, en véritable attardé, s’était incrusté en maternelle assez longtemps pour qu’il se retrouve dans ma classe avant d’être officiellement reconnu comme déficient mental :
— Ne te moque pas de lui, ai-je continué, c’est Louis, un handicapé, ce n’est pas de sa faute. Il est comme ça et…
Ma voisine de gauche, une vieille dame rousse qui empestait le parfum, a brusquement attrapé mon bras :
— Voulez-vous bien vous taire, jeunes filles mal élevées. C’est un enterrement, pas une cour de récréation ! Vous raconterez vos histoires et vous ricanerez dehors !
J’étais hypervexée d’être ainsi remise à ma place alors que j’étais justement en train d’essayer de calmer Wendy. Évidemment, cette dernière n’a même pas remarqué que je venais de me faire agresser à cause d’elle.
À la fin de la cérémonie, la prof de français nous a fait comprendre qu’il était temps de reprendre les cours et que nous n’avions rien à faire à la mise en terre. Nous ignorions que ce rituel était davantage réservé au cercle familial ou aux proches. Nous nous sommes donc rendues au collège à pied. Il faisait un froid de canard. À Mortevar, il y a seulement deux saisons, l’été qui dure trois mois et l’automne qui s’étend sur les 9 restant. En chemin, Wendy m’a parlé d’un groupe d’ados de près de cinquante mille membres sur lequel elle s’est inscrite sur Facebook. Les jeunes publient des selfies et demandent l’avis des autres qui ne prennent pas de gants pour commenter « moche », « poubelle », « mort de rire ». Les garçons dévoilent leurs biceps, leurs abdominaux et les filles montrent le stade d’évolution de leur poitrine ou leurs fesses, selon leur niveau d’impudeur. Elle m’a expliqué que certains parlaient ouvertement de leurs addictions aux drogues ou à l’alcool. Des filles de douze ans, maquillées à outrance, jouent les aguicheuses en proposant des « live » où tout est permis. J’étais un peu choquée et après que Wendy m’ait étalé ce festival de débauche virtuelle, je n’avais qu’une idée en tête, m’inscrire sur ce groupe et juger de son degré de décadence par moi-même.
En arrivant dans la cour du collège, le brouillard s’était épaissi comme si le jour avait finalement renoncé à se lever. Dans la salle d’anglais, j’ai instinctivement parcouru les élèves du regard pour retrouver le bel Alexandre qui portait exactement le même short et le même polo blanc que la veille. Je me suis dit qu’il avait bien du courage de garder les jambes et les bras nus par un temps si frisquet. Une fois encore, il est demeuré distant, se contentant de copier les cours, sans jamais intervenir ou s’intéresser à qui que ce soit. Autant Alexandre m’intriguait que je commençais à le juger limité et agaçant avec son comportement de premier de la classe.
Le soir venu, j’ai pris le bus pour rentrer. En apercevant une voiture de police garée au pied de notre immeuble avec les gyrophares allumés, j’étais loin de me douter de ce qui se passait.
Je me croyais seule à la maison et je commençais mes devoirs sur la table de la cuisine, tout en finissant la glace aux noix de pécan, lorsque Maman m’a rejointe, en larmes :
— Madame Abramovici est morte, m’a-t-elle aussitôt déclarée tout en essuyant son rimmel avec un mouchoir en papier déjà bien usagé. J’étais étonnée que ses volets ne soient pas ouverts, depuis vendredi soir… J’ai pensé qu’elle était malade ou qu’elle ne voulait voir personne, avec son caractère soupe au lait…
— Voilà pourquoi elle n’a pas répondu lorsque je lui ai apporté le tupperware, hier soir. De quoi est-elle morte ? ai-je demandé.
— Elle a fait une attaque, m’a répondu Maman en me reprenant la cuillère des mains pour se couper un bon morceau de glace et l’engloutir comme pour étouffer ses pleurs.
Tout en regardant manger Maman avec ses yeux aux contours baveux, j’ai pensé au policier qui s’était rendu chez Madame Abramovici, vendredi soir. Cette visite avait-elle un rapport avec la mort brusque de la vieille dame ? Je n’ai pas osé en parler à Maman, après que Wendy se soit moqué de moi et m’ait traité de « parano ». D’ailleurs j’étais contente de n’avoir rien dit quand on a sonné à la porte une heure plus tard. C’était justement le policier que j’avais vu sortir de chez la mère de Perrine. Il ne m’a pas remarquée et je me suis éclipsée tandis qu’il bavardait avec Maman des deux décès dans notre immeuble en l’espace de quelques jours. Vivre ici commençait à devenir flippant. Je n’étais plus étonnée que les parents de Corentin cherchent à quitter le quartier. Le policier s’est un peu attardé et j’ai remarqué, à travers les intonations de leurs voix, qu’ils avaient dévié de sujets de conversation puisqu’ils plaisantaient et que je les entendais rire depuis le salon.
Lorsque je me suis rendue à la cuisine, la faim au ventre, il était peut-être vingt heures. Les deux adultes ont fini par me rejoindre. L’adjoint du commissaire, avec son sourire jusqu’aux oreilles, avait tout l’air d’un beau gosse pris en flagrant délit de numéro de charme. Évidemment Maman était déjà conquise et ne manquait pas de se montrer pleine d’assurance face à lui :
— Voilà ma vedette, Émilie.
J’ai scruté l’homme qui m’a alors lancé un regard perçant, tout à fait à l’opposé de l’air sympa qu’il affichait devant Maman. Ses yeux signifiaient « Je sais exactement ce que tu manigances, Émilie Frinch ». Il m’a tellement troublée que j’en ai perdu tous mes moyens et j’ai laissé tomber par terre le plateau en métal que je voulais rentrer dans le four. Maman a réalisé que j’étais impressionnée et elle s’est aussitôt baissée pour ramasser la pizza surgelée dure comme du bois et son récipient. Le sourire du commissaire adjoint s’est effacé et j’ai bien compris qu’il jouait la comédie et ne pouvait pas me voir en peinture. Il s’est tourné vers Maman avant de reprendre son attitude charmeuse :
— Vous voulez que je vous aide à vous relever ? lui a-t-il demandé d’une voix se voulant rassurante mais hypocrite.
— Non, merci, a répondu l’intéressée en se redressant d’un bond souple. Émilie, est-ce que tu sais des choses à propos de la disparition de Perrine ? Il y a une enquête, alors autant te confier à Léonard… Enfin, le commissaire adjoint… Les ados sont si cachottiers, peut-être qu’elle t’a signalé quelque chose ?
J’ai dévisagé un instant le commissaire adjoint. Évidemment, il attendait avec impatience que je mâche son travail. J’aurais très bien pu le surprendre en lui avouant que je l’avais vu vendredi soir dans la cage d’escalier avec un chiffon et une bouteille d’alcool ménager en train de monter à l’étage. Mais je n’étais pas aussi naïve.
— Je… Je ne sais rien, ai-je balbutié pour me débarrasser de cet interrogatoire. La pauvre… Pauvre Perrine…
J’ai observé Léonard et son visage devenu rayonnant, presque bienveillant, et j’ai commencé à me demander si j’avais des hallucinations. J’aurais pu lui parler du père de Perrine qui avait viré Alban Zbornak de chez lui d’un coup de pompe, mais il savait sans doute déjà cela.
— Si tu entends parler de quelque chose, n’hésite pas à venir me le rapporter, a-t-il répété, avant de se tourner vers Maman et de lui adresser un nouveau sourire. Je crois que nous aurons très vite l’occasion de nous revoir…
Je n’ai pas tout de suite mesuré ce que cela signifiait et lorsqu’il est parti, Maman est revenue vers moi, les yeux brillants de mille feux. Elle en tenait enfin un :
— Alors qu’est-ce que tu en penses ? Séduisant, n’est-ce pas ? Il est divorcé, lui aussi…
J’allais lui répondre qu’il ne m’inspirait pas confiance, que j’étais persuadée de l’avoir vu sortir de chez Madame Abramovici vendredi soir quelques heures avant sa mort.
— Ce n’est pas mon style, ai-je répondu à Maman, comme pour lui rappeler que j’étais en âge de sortir avec un garçon.
— Je l’ai invité à dîner demain soir, a-t-elle poursuivi, comme si elle ne m’entendait pas. Je ferai quelque chose de simple à dîner. Tu verras, Émilie, tu l’apprécieras. Il est véritablement adorable. J’ai un bon feeling pour lui.
Après avoir dîné une pizza surgelée, je me suis rendue dans ma chambre où j’ai allumé Messenger pour bavarder avec Wendy :
— Ce type me terrorise, me suis-je confiée. Il n’est pas clair. Quelque chose en lui est malsain. Et voilà que Maman tombe sous son charme. L’horreur intégrale !
— Tu as vu qu’Alexandre portait les mêmes vêtements depuis qu’il est arrivé ? m’a coupé Wendy qui ne devait pas avoir écouté un mot de ce que je venais de prononcer. C’est tout de même bizarre, tu ne trouves pas ?
— Et alors ? Qu’est-ce que ça peut faire ? lui ai-je rétorqué. Tant qu’il est propre…
— Je sais, mais il y a des filles qui racontent qu’il n’a pas assez d’argent pour se payer des fringues de rechange et que c’est un « cassosse ».
J’ai soupiré avant de refermer mon agenda, consciente que je n’arriverais pas à me concentrer sur mon travail scolaire :
— C’est à celle qui inventera le plus gros bobard pour faire son intéressante, ai-je dit. L’autre jour sur Facebook elles pariaient à celle qui parviendrait à sortir la première avec lui. Elles ne se rendent même plus compte qu’elles sont simplement bêtes et méchantes… Je pourrais peut-être lui filer des fringues de mon frère, pour le dépanner. Il en a plein l’armoire et il ne s’en sert pas !
— Ton frère ? Tiens, c’est vrai, tu n’en parles jamais ! m’a reprise Wendy.
— Il habite avec mon père, enfin… Comme on savait que nos parents se feraient la guerre pour nous avoir, Clark et moi, nous nous sommes sacrifiés en allant chacun de notre côté. Il me manque. Mais les garçons préfèrent souvent leur père.
— Il a quel âge ?
— Mais enfin, Wendy ! Parfois je me demande à quoi ça sert de te parler pendant des heures, tu n’écoutes jamais rien ! Nous sommes des faux jumeaux, nous avons donc forcément le même âge ! Quinze ans ! Tu veux un dessin ?
— Ça va, t’énerve pas. Je ne l’ai jamais vu, c’est tout. D’ailleurs tu ne me parles pas plus de ton père. Il fait quoi dans la vie ?
— Écoute Wendy, ai-je lâché avec beaucoup de difficultés, je n’ai pas beaucoup de tabous, mais… Mais mon père… Mon père, c’en est un. Je veux dire que… J’ai… j’ai encore beaucoup de mal à me situer vis-à-vis de lui… Et…
Elle m’a regardée avec un air de déception, comme si elle pensait que j’étais en train de la trahir en lui inventant un bobard.
— C’est bon, pas la peine de te fatiguer, a-t-elle dit. On a toutes des trucs bizarres dans nos vies. Ma mère est bien un zombie. Elle est accro aux voyantes et elle prend des trucs pour dormir et des autres pour tenir debout… Je croyais juste que nous étions amies et que l’on ne se cachait rien du tout…
— Non, mais là, c’est vraiment très particulier, ai-je insisté, je ne sais même pas comment t’en parler…
— Oh ! Ça va, tu ne vas pas m’en faire un fromage de ton père. Je m’en fous. Bon, allez, bonne nuit !
Elle ne m’a même pas laissée le temps de lui répondre qu’elle s’était déconnectée. C’est seulement après que je me suis mise à pleurer.
Dès que je suis arrivée au collège, ce matin, Wendy m’a parlé d’un type qui l’avait branchée sur son forum d’ados, hier soir. Elle semblait aussi excitée que si elle l’avait rencontré en vrai et qu’elle en était déjà presque amoureuse :
— Il a dix-sept ans, mais il fait plus mature, m’a-t-elle exposé. Il est beau et il travaille les week-ends dans le bar de son père dans le centre de Mortevor pour se faire un peu d’argent de poche. C’est dingue parce que sur internet on rencontre toujours des garçons qui vivent loin d’ici et lui, il est du coin. Et en plus il me plaît ! Il m’a proposé un « live » sur Facebook demain après-midi, histoire de faire connaissance. Tu ne trouves pas ça génial ?
Évidemment, j’ai fait mine de partager son enthousiasme. Mais en réalité, j’étais surtout contente qu’elle ne me pose plus de question à propos de mon père et qu’elle ne m’en veuille pas à cause de mes petites cachotteries.
Un peu plus tard, pendant le cours de math, la prof m’a mis la honte devant toute la classe :
— Dis ! Tu ne veux pas qu’on porte tous des gris-gris pour faire encore plus de bruit ? s’est-elle énervée.
Évidemment, tout le monde a éclaté de rire quand j’ai réalisé qu’elle s’adressait à moi et que les sequins de mon bracelet ont à nouveau tinté. Humiliée, je me suis sentie exclue pour le reste de l’heure et c’est ainsi que j’ai aperçu à travers les fenêtres un véhicule de police qui se garait devant les portes du collège. Deux flics ont traversé l’allée menant à l’administration et une dizaine de minutes plus tard, la proviseur a interrompu notre cours.
— Ne vous levez pas, a-t-elle dit en ouvrant la main, comme pour nous rappeler que nous étions supposés le faire. Qui est Alexandre Ventura ? a-t-elle poursuivi en parcourant les élèves masculins du regard.
Après un peu d’hésitation, le nouveau s’est levé et a scruté l’assemblée un peu gêné avant de me lancer un sourire désolé. J’étais si surprise par cette petite attention particulière, que je me suis mis à rougir devant les autres filles, dont Sarah, déjà verte de jalousie qui n’avait pas raté cette faveur. Alexandre a rangé ses affaires dans son cartable, l’air résigné, et il a emboîté le pas sur la proviseur qui a regardé la prof en haussant les sourcils comme si tous ces ennuis la dépassaient.
Le beau blond n’est revenu qu’en début d’après-midi, laissant planer le plus grand mystère autour de sa disparition au moment où la police faisait irruption dans l’établissement. Vivien est allé lui demander ce qui s’était passé, mais il lui aurait répondu « C’est pas tes oignons. » La sonnerie des cours menaçait de sonner quand j’ai rassemblé tout mon courage pour aller moi-même à sa rencontre :
— Alexandre, je voulais te dire que j’ai les cours de bio et de maths que tu as manqués. Je peux te faire une photocopie avec l’imprimante de ma mère ce soir, si tu veux.
Son visage fermé a esquissé un petit sourire jovial et j’aurais presque sauté de joie tellement j’étais heureuse de ne pas me faire remballer. Il était si beau en souriant que j’aurais donné n’importe quoi pour qu’il recommence :
— C’est vrai ? m’a-t-il demandé aussi surpris par ma proposition que moi par sa réaction. Tu ferais ça pour moi ? Ce serait vachement sympa de ta part !
— Bien sûr, ai-je confirmé, étonnée qu’il soit si consciencieux. J’habite au Salençon, entre les marécages et l’usine de glaces. Si tu veux m’accompagner ce soir, je te les donnerai. C’est l’affaire de deux minutes.
Il a accepté d’un hochement de tête et je n’ai pas eu le temps de parler davantage avec lui puisque l’effroyable sonnerie a mis un terme à notre si agréable conversation. Pendant tout l’après-midi, je me suis faite des films sur les suites possibles de ce premier contact. L’idée qu’il ait été sympa avec moi a encore plus mis en éveil l’intérêt que j’avais déjà pour lui. Je voulais tellement en savoir plus à son sujet, mais il semblait si secret, si solitaire, que je risquais de tout mettre par terre en me montrant trop curieuse. Je craignais également une remarque ou une plaisanterie déplacée de la part de Wendy, la reine des gaffeuses, car elle m'accompagnait chaque mardi soir afin de se rendre à un cours de danse dans mon quartier.
À dix-sept heures trente, Alexandre m’a rejointe dans le couloir et nous avons traversé l’allée centrale du bahut côte à côte, ne manquant pas d’éveiller la curiosité des autres élèves. En nous apercevant, Sarah a levé le menton et nous a observés de son œil hautain, comme si Alexandre ne valait brusquement plus un clou.
Wendy nous attendait devant les grilles à l’extérieur avec un garçon de notre classe qui fumait un joint en le tenant bien au bout de ses doigts pour que tout le monde voie qu’il faisait un truc d’adulte.
Alexandre s’est arrêté et a posé sa main sur mon épaule avant de me regarder avec ses grands yeux verts :
— Est-ce que je pourrais abuser et te demander de photocopier un autre document important pour mon père ? m’a-t-il demandé. Le seul problème, c’est que je ne l’ai pas avec moi et que je dois aller le chercher…
— Bien sûr, aucun problème, ai-je répondu alors que Wendy venait de nous rejoindre.
— Tu habites quel coin ? l’a aussitôt questionné cette dernière qui craignait d’être retardée.
— Tu connais le Marais des Verraq ?
— Oui, c’est pourri comme secteur, a-t-elle lâché brutalement. Moi j’habite Reudor, de l’autre côté de la ville.
Nous nous sommes mis en route tous les trois. Je sentais bien qu’Alexandre avait envie de me parler, mais que la présence de Wendy rendait les choses un peu plus difficiles pour lui. Je cherchais un sujet de conversation afin de le mettre en confiance, quand Wendy a pris les devants :
— Pourquoi tu es toujours habillé en tennisman ? lui a-t-elle demandé. Tu n’as pas d’autres vêtements ? Tout le monde te surnomme Nadal !
J’ai trouvé qu’au niveau subtilité, Wendy se situait entre le bulldozer et le diplodocus.
— Si, mais je��� s’est interrompu Alexandre, comme s’il ne trouvait pas ses mots.
Comme si cela ne suffisait pas, Wendy en a rajouté une couche :
— Que te voulait la police, ce matin ? Ça aussi c’est bizarre, a-t-elle poursuivi. D’ailleurs, tu fais tout pour rester dans ton coin, comme si les autres ne t’intéressaient pas.
Au lieu de lui répondre, Alexandre a paru très ennuyé, comme s’il ne parvenait pas à trouver une explication valable. Le silence a persisté et cela m’a brisé le cœur :
— Alexandre n’a pas de compte à te rendre, me suis-je sèchement interposée pour le défendre. Il n’a pas à se justifier et il a le droit de s’habiller comme il veut.
Wendy a levé les yeux au ciel avant de soupirer. J’ai cassé l’ambiance alors que j’aurais justement voulu créer un climat de confiance. Du coup nous n’avons plus parlé jusqu’à ce qu’Alexandre s’arrête subitement à proximité d’un bosquet.
— Attendez-moi ici, je ne serai pas long, a-t-il prévenu avant de s’enfoncer dans le bois au pas de course.
Wendy m’a lancé un sourire malicieux :
— Tu ne crois pas que je lis clairement dans ton petit jeu, Émilie Frinch ? m’a-t-elle dit d’un ton accusateur. Je te connais par cœur ! Tu en pinces pour Nadal, ça se sent à plein nez comme un vieux munster qui pue !
— Oh ! Ça va. Fous-moi la paix ! lui ai-je rétorqué. Je fais encore ce que je veux, non ? Tu préfères qu’on parle de ton petit ami imaginaire de tes « live » sur Facebook ?
— Ça va, pas la peine de monter sur tes grands chevaux. Il n’y a pas de quoi s’énerver ! Tu sais quoi ? Je crois qu’Alexandre n’a pas envie que l’on sache où il habite, m’a-t-elle dit, comme si cette cachotterie était insupportable.
— Et moi je pense que nous allons vite découvrir pourquoi ! ai-je répondu en souriant.
Sans plus attendre, nous nous sommes mises à sa poursuite, évitant les fougères et autres troncs couchés, difficilement décelables dans l’obscurité. En contrebas du petit bois, derrière un chemin de terre et une rangée d’arbustes, nous avons vu un coin de terre battue sur lequel était parquée une minuscule caravane aux hublots éclairés.
— Tu crois qu’il habite là-dedans ? m’a chuchoté Wendy.
Un chien s’est mis à aboyer.
— Tais-toi, tu vois bien que tu excites ce chien dès que tu parles.
Elle a fait la grimace.
— Franchement, Émilie, je ne vois pas pourquoi ça aurait un rapport ?
Les jappements ont repris de plus belle.
— Je ne sais pas, tu as peut-être mauvaise haleine, ai-je dit avant de pouffer de rire. J’ai immédiatement essayé de retenir mon fou rire entre mes mains.
Nous avons vu Alexandre quitter la caravane au trot et nous nous sommes mises à courir comme des folles pour revenir dans la rue voisine, comme si de rien n’était. Malgré nos rires et notre souffle coupé, le beau blond n’a semblé se rendre compte de rien.
— Merci de m’avoir attendu, nous a-t-il dit avant de reprendre tranquillement notre route. Chez moi, ce n’est pas très présentable, en ce moment. Je pourrai vous inviter dès que nous aurons déménagé.
Nous n’avons pas fait de commentaire, à la fois coupables de l’avoir trahi et honteuses de connaître la véritable raison de ses cachotteries.
Wendy a fini par briser le silence et a manqué de vendre la mèche en racontant qu’elle avait fait du camping quand elle était petite, mais que cela s’était terminé à l’hôpital après que son père eût dérangé une ruche d’abeilles.
Autant ses histoires me font rire, que cette fois, j’étais moins bon public. Elle est tellement imprévisible et brutale que j’avais peur qu’elle ruine ma nouvelle relation avec Alexandre. Mais son flot de paroles ne s’est arrêté que lorsque nous sommes arrivés dans ma rue et qu’elle est partie à son cours de danse avec finalement vingt minutes de retard.
Alexandre semblait presque gêné de découvrir mon immeuble et surtout, l’appartement. Il détaillait le moindre bibelot comme s’il photographiait la décoration pour ne rien en oublier. Moi, j’étais nerveuse comme jamais :
— J’en ai pour une minute, ai-je dit en sortant maladroitement le classeur de mon sac pour aller allumer l’imprimante dans la chambre de Maman. Tu peux me passer ta feuille ?
Alexandre me l’a tendue et, en toute honnêteté, je n’ai pas cherché à lire ce qui était écrit dessus. Ça ressemblait à un papier officiel plié en trois. Mais par souci de loyauté, j’ai décidé de détourner les yeux J’avais déjà trahi sa confiance en le suivant dans le bois et je ne voulais pas en rajouter.
Évidemment, l’imprimante ayant choisi de réaliser un nettoyage en profondeur, l’attente a été interminable.
— Tu veux boire quelque chose ? lui ai-je demandé. Un coca ? Un verre de lait ?
— Oh ! Oui, un verre de lait ! Super ! s’est-il exclamé, comme s’il en avait rêvé.
Je l’ai servi tandis que nous avions droit à un concert de grincements de la part du mécanisme de l’imprimante qui ne m’avait jamais paru aussi long. Si j’étais ravie de partager un peu de temps avec Alexandre, je craignais le retour inopiné de Maman. Moka nous a rejoints et il s’est aussitôt frotté affectueusement contre les mollets de mon visiteur.
— Qu’il est câlin ! a-t-il constaté, c’est à toi ?
— Oui, enfin, c’est plutôt le chat de ma mère. Elle l’a trouvé dans une poubelle un soir, en rentrant du travail. Il miaulait, emprisonné sous un couvercle surmonté de gros sacs de détritus.
— Oh ! Non ! Les gens sont si cruels, a poursuivi Alexandre soulevant Moka pour le prendre dans ses bras. Pourquoi ne pas l’avoir laissé en liberté ? Je crois que je pourrais tuer quelqu’un qui fait du mal aux animaux, a-t-il lâché tout en embrassant le chat qui ronronnait presque plus fort que l’imprimante.
Je l’ai regardé, les cheveux blonds en bataille, les joues roses, le sourire aux lèvres, en train de caresser Moka. J’étais presque jalouse du chat. J’ai fini par faire les trois photocopies et les lui remettre tandis qu’il terminait son verre de lait.
— En tous les cas, tu es très sympa, Émilie, m’a-t-il déclaré avant d’essuyer le fin duvet blond surmontant ses lèvres du revers de la main.
Je me suis sentie rougir. Je l’ai raccompagné dans le couloir tout en ajustant mon pull à l’intérieur de mon pantalon. C’est à ce moment-là que la porte d’entrée s’est brutalement ouverte. Maman m’a regardée de haut en bas, se faisant déjà des films :
— J’ai pourtant été claire à ce sujet, s’est-elle emportée en désignant Alexandre d’un mouvement du menton, ne prenant aucun gant devant mon invité. Je ne veux pas de garçon à la maison, et encore moins quand je suis absente.
— Je lui ai juste donné des photocopies parce qu’il a manqué des cours, qu’est-ce que tu t’imagines ?
Alexandre est reparti en me faisant des gros yeux et un signe discret de la main. J’étais couverte de honte.
— Tu es punie ! a continué à crier Maman en pénétrant dans la cuisine, très en colère.
Je me suis enfermée dans ma chambre avec l’envie de hurler, d’arracher les affiches sur les murs et de jeter par terre tous mes bibelots dans un vacarme infernal. C’était trop injuste. Je n’avais fait qu’aider un camarade de classe.
Mais je suis restée immobile et silencieuse, réalisant que je tenais trop à Alexandre pour prendre le risque d’envenimer les choses.
Maman s’est radoucie un peu plus tard, alors qu’elle préparait un « truc vite fait » pour son Léonard.
Celui-ci est arrivé vers vingt heures avec un bouquet de fleurs, une bouteille de vin et son sourire faux de tombeur professionnel gravé aux coins des lèvres. Maman s’était changée pour porter une robe d’été plus moulante. Je les ai trouvés pathétiques à se faire un numéro digne d’un mauvais téléfilm américain. Évidemment, j’ai boudé pendant tout le repas, me faisant disputer à chaque fois que je m’abstenais de répondre aux questions que les deux adultes me posaient. À la fin de ce calvaire, je suis allée à la salle de bains. J’ai entendu Léonard qui allait aux toilettes. Les portes des deux pièces étant voisines, j’ai vu Léonard sortir le premier et pousser Moka d’un coup de pied :
— Tu n’en as plus pour très longtemps ici, a-t-il grommelé en le regardant d’un œil mauvais.
Il est reparti vers la cuisine sans même remarquer ma présence. J’étais outrée. Pourquoi avait-il agressé ce chat qui ne lui demandait rien ? Et pourquoi le menacer de le virer de la maison ? Comme s’il avait l’intention de vite s’incruster chez nous. Quel culot !
Sentant la rage monter en moi, j’ai traversé le couloir pour me rendre dans ma chambre où j’ai regardé les dernières vidéos de mes artistes préférés en espérant me changer les idées. Mais rien n’y a fait, car la proximité de ce type m’énervait trop. Et lorsque j’ai voulu retourner à la cuisine, j’ai vu Maman qui embrassait Léonard sur les lèvres avant de rire. J’ai senti mon cœur s’arrêter. J’ai rebroussé chemin, imaginant aussitôt comment deviendrait ma vie avec un tel beau-père. Non, c’était impossible.
De retour devant ma tablette, j’ai constaté que Wendy était connectée sur Messenger, mais je n’ai pas eu envie de lui confier quoi que ce soit. Ces derniers temps, elle semblait ne pas considérer mes petits soucis avec sérieux. J’avais trouvé qu’elle n’avait pas été correcte avec Alexandre. Du coup, j’ai préféré ruminer mes idées noires tout en regardant une rediffusion de « Fatal » avec Michaël Youn. Comme je m’ennuyais, j’ai terminé la soirée sur Facebook où les membres d’un groupe local se sont amusés à imaginer à quoi ressemblerait la Gruve, si elle existait vraiment. La plupart des illustrations étaient humoristiques, mais la toute première gravure historique de la créature était flippante. Elle portait un répugnant manteau visqueux et dégoulinant et sous une haute capuche, on voyait juste deux horribles yeux blancs entre des cheveux noirs qui se mêlaient à la végétation.
Étrangement, lorsque je me suis rendue à la salle de bains pour faire ma toilette, Léonard parlait justement de la Gruve :
— Moi j’y crois, disait-il avec sa voix de charmeur de serpents. Je n’en ai pas fait état à Monsieur et Madame Jourdan, mais je suis certain qu’elle est responsable de la noyade de la jeune Perrine. J’en ai parlé avec le Père Laurent, qui s’intéresse de près à tous ces phénomènes irrationnels. Les anciens lui ont confirmé que Perrine a subi le mode opératoire de cette créature des marais. Les coïncidences sont trop nombreuses…
Maman, prête à tout pour combler le vide dans sa vie, faisait semblant d’adhérer à ces histoires à dormir debout et répondait par des « hum, hum », comme si elle acquiesçait, tout en le dévorant des yeux. Je suis malade à l’idée qu’elle entre dans le jeu de ce type que je ne supporte pas.
Il est tard, je me couche.
J’ai reçu un SMS d’Emmanuelle, pendant que je prenais mon petit-déjeuner, ce matin : « Comment vas-tu, ma petite princesse ? Ça te dirait de venir passer le week-end de la semaine prochaine à la maison avec ton frère ? Je passe te chercher ou tu préfères venir en bus ? Réponds-moi vite ! »
Maman s’est levée à ce moment-là avec la mine de quelqu’un qui avait mal dormi et je me suis empressée de finir mes tartines pour éviter toute conversation fâcheuse. Elle ne devait pas être bien réveillée et j’ai pris ma douche à la vitesse de l’éclair avant de quitter la maison avec au moins vingt minutes d’avance. Du coup, j’ai zappé la réponse à Emmanuelle.
Alexandre m’a fait un petit signe de la main, ce matin, lorsque je suis arrivée dans la cour du collège accompagnée de Wendy. J’étais contente qu’il ne m’en veuille pas pour l’accueil plus que glacial que lui avait réservé ma mère. Avec l’épais brouillard, le pauvre garçon avait l’air frigorifié dans son sempiternel short et son polo blanc. La nouveauté c’est qu’il portait un blouson gris un peu trop large pour lui. Nous sommes restés quelques instants devant le portail d’entrée du collège :
— On se les gèle dans ce pays de malade, a-t-il pesté, avant de souffler dans ses poings serrés pour se réchauffer.
— Tu sais, je pourrais te prêter les sweaters de mon frère, lui ai-je spontanément proposé. Il ne les met pas souvent, car il ne vient qu’un week-end sur deux et vous avez à peu près la même corpulence.
Il a baissé les yeux, comme s’il allait rougir, mais il a aussitôt relevé le menton avant de dévoiler ce sourire que j’aime tant.
— Pourquoi es-tu sympa comme ça, avec moi, hein ? m’a-t-il demandé d’un ton soupçonneux avec son regard espiègle. Ça cache quelque chose, hum ?
J’ai aussitôt perdu tous mes moyens et je me suis mise à rougir :
— Ne sois pas idiot, lui ai-je répondu brusquement. Je ferais la même chose pour n’importe qui !
Il ne s’attendait sans doute pas à une réponse si maladroite de ma part puisqu’il a ensuite esquivé mon regard. Je me suis sentie stupide de le remballer alors que je cherchais justement à lui faire comprendre qu’il ne me laissait pas indifférente. Évidemment que je ne prêterais pas les vêtements de mon frère à n’importe qui. Le problème, quand un garçon me plaît, c’est que j’essaie d’être naturelle avec lui, mais je dois avouer que je suis une très mauvaise comédienne.
Nous avons franchi le portail du collège tous les trois, passant devant des troupeaux d’élèves lorsque quelqu’un a subitement crié : « cassosse ! »
Nous nous sommes retournés, mais la plupart des personnes présentes ont immédiatement fait mine que rien ne s’était passé. Nous avons poursuivi notre marche vers l’entrée du bâtiment principal, quand une fille a continué : « Les rousses ça pue ! ». Une fois encore, impossible de localiser d’où provenait cette voix, car la majeure partie des spectateurs souriait béatement sans nous regarder. Je me suis sentie terriblement humiliée par cette insulte moyenâgeuse dont j’avais déjà été victime étant petite :
— C’est du racisme ! ai-je lancé en élevant la voix au-dessus de la mêlée.
Wendy a affectueusement posé sa main sur mon épaule pour me réconforter et montrer à tout le monde qu’elle était de mon côté, mais j’ai senti qu’Alexandre et moi partagions le même sentiment d’injustice. Nous venions de pénétrer ensemble dans le cercle fermé des pestiférés du collège. Sarah et ses copines n’avaient sans doute pas digéré qu’Alexandre choisisse notre bande et pas la sienne. Ces sales pestes s’étaient aussitôt senties obligées de faire fonctionner radio ragots à plein régime pour se venger de cet affront. Je dois avouer que leur stratagème était redoutablement efficace.
— La haine des autres, l’intolérance, c’est souvent de la jalousie déguisée, a marmonné Alexandre pour me rassurer et faire oublier qu’il avait été insulté, lui aussi.
— De quoi veux-tu qu’elles soient jalouses ? ai-je soupiré. Elles viennent toutes plutôt de milieux favorisés. Elles n’ont absolument rien à m’envier.
— Tu es une fille vraiment spéciale, Émilie, m’a interrompu Wendy en me caressant affectueusement les cheveux. Tu es jolie, tu as du caractère, tu es différente, tu es bien dans ta peau, alors forcément tu attires la curiosité des autres. C’est ça qui les défrise.
À la récré, Doris, l’une des copines de Sarah, m’a demandé si elle pouvait faire équipe avec moi pendant les travaux pratiques du cours de bio. J’étais un peu surprise qu’elle montre brusquement un peu d’intérêt pour moi, mais j’ai accepté. Doris n’est pas foncièrement méchante, mais elle est assez influençable et serait capable de n’importe quoi pour se faire accepter par les autres. Je ne me suis pas posé plus de question, car elle s’est comportée normalement pendant presque tout le cours. Mais à un moment, alors que Madame Robert faisait une démonstration, elle est passée précipitamment entre Alexandre et moi. J’ai levé les yeux pour réaliser que Doris venait d’asperger le dos d’Alexandre de ketchup. Son polo blanc était maculé de rouge. Et celui-ci s’est tourné vers moi, sentant probablement la sauce traverser le coton.
— Mais enfin ! s’est exclamée Doris à voix haute en revenant vers nous pour pointer la tache du doigt, qu’as-tu fait, Émilie ? Mais tu es tarée ou quoi ? Regardez ce qu’elle a fait au nouveau !
Une bonne moitié de la classe s’est mise à pouffer rire et la prof est venue constater ce qui troublait le déroulement de son cours avec son air pincé :
— C’est Émilie Frinch qui a lancé du ketchup sur Nadal ! a débiné Sarah, triomphante, en me pointant du doigt.
Madame Robert m’a regardée d’un œil mauvais, croisant les bras dans l’attente d’une explication à la hauteur du dérangement occasionné.
Mais la colère m’a submergée et, à la stupéfaction générale, alors que tous les yeux étaient tournés vers moi, je me suis emparée du sac de classe de Doris et je l’ai retourné du geste sur sa table.
— Eh ! Mais tu es complètement cinglée, ou quoi ? s’est à nouveau exclamée Doris en espérant interrompre ma démonstration. C’est pas moi !
Ses livres et ses cahiers sont tombés lourdement sur le bureau avant qu’une serviette hygiénique, un paquet de cigarettes et des dosettes de ketchup, suivent la même course.
— Doris tu n’es qu’une menteuse et une faiseuse d’histoires ! me suis-je indignée devant la prof et les élèves pour qui la coupable venait d’être démasquée. Il te faut un test ADN pour que tu reconnaisses tes trucs de dégueu ? lui ai-je demandé en montrant les dosettes de sauce à toute la classe qui a de nouveau éclaté de rire.
Après de telles preuves, Doris a été envoyée chez la proviseure accompagnée du délégué de classe et on ne les a plus vus jusqu’à la fin de l’heure.
Alexandre est allé laver son polo discrètement dans un lavabo des toilettes. J’avais mal au cœur pour lui. Ça faisait deux agressions dans la même matinée. Il s’était d’abord fait traiter de « cassosse » et voilà qu’on lui portait atteinte physiquement. Il est revenu avec son polo trempé et une belle auréole rose au milieu du dos.
— Je suis désolée, lui ai-je dit pendant l’interclasse, alors que nous nous trouvions dans le couloir aux baies vitrées, jamais je n’aurais fait une chose pareille. Sarah et sa bande sont jalouses que nous soyons amis. Elles cherchent juste à créer la discorde entre nous pour qu’on se brouille, c’est évident.
— Ça n’a pas marché, a-t-il déclaré en s’arrêtant un instant pour me regarder droit dans les yeux. Elles ne sont pas assez subtiles pour nous atteindre. Du coup, je crois que je vais être obligé d’accepter le sweater que tu m’as proposé tout à l’heure. Si tu es toujours d’accord.
Il était juste en face de la fenêtre et ses grands yeux clairs m’ont tellement impressionnée que je n’ai pas pu soutenir ce regard trop hypnotisant. Il était simplement magnifique !
Les deux dernières heures m’ont semblé interminables et, à la fin des cours, j’étais presque contente que Wendy rentre directement à Reudor. Le brouillard descendait lentement sur les trottoirs mouillés de Mortevor et les éclairages publics transformaient les silhouettes en d’inquiétantes créatures informes. Seule aux côtés d’Alexandre, je ne craignais rien. Au contraire, j’étais la plus heureuse des adolescentes.
— Je dois te faire une confidence, ai-je commencé, alors qu’il emboîtait le pas pour m’accompagner à la maison. Hier soir nous t’avons suivi, Wendy et moi. J’ai vu où tu habites et… Heu… Tu n’as pas à avoir honte… Nous… Nous ne sommes pas responsables des choix de nos parents.
Il a rougi et je me suis demandée si j’avais bien fait d’être d’emblée si sincère avec lui. Alexandre avait l’air terriblement embarrassé.
— Tu sais… Enfin, c’est compliqué et… D’accord, je te raconte, mais tu dois d’abord me jurer de ne rien répéter à personne. D’accord ? Ça doit absolument rester entre nous. Tu le promets ?
— C’est juré, tu peux me faire confiance. Je sais garder un secret, ai-je promis.
Il a vigoureusement frotté son polo blanc toujours humide pour se réchauffer :
— Il y a des choses qui sont difficiles à exprimer, surtout quand on ne les a jamais confiées à quelqu’un, tu comprends ?
— Bien sûr, ai-je acquiescé spontanément, sans réellement voir où il voulait en venir.
Il a repris son souffle avant de se lâcher :
— Mes parents ont eu un accident de voiture, il y a un an et demi. C’est mon père qui conduisait. Ma mère est morte sur le coup, mon petit frère a eu des côtes et une jambe sectionnée et moi… Je… Je n’ai rien eu. Voilà la vérité…
— Waow ! Je n’imaginais pas que…
Il a levé ses grands yeux clairs au bord des larmes, dévoilant un air fragile que je ne lui connaissais pas et il a froncé les sourcils avant de poursuivre :
— Mon père s’est mis à boire, a-t-il enchaîné, comme s’il ne pouvait plus arrêter son flot de paroles. Au début ça allait, mais il a fini par être ivre du matin au soir et il a arrêté de travailler. Il ne gérait aucun document administratif et nous avons fini par être expulsés de l’appartement. On a été logés à l’hôtel quelque temps et puis, comme nous n’avions plus un sou, ils nous ont viré au début du printemps. Ensuite, nous faisions tellement pitié qu’on nous a prêté cette caravane, en attendant mieux. Chaque matin je me rends à la piscine municipale où je fais ma toilette. On doit faire super gaffe à tout. Mon père touche une allocation depuis peu. Maintenant on arrive presque à manger tous les jours, mais c’est limite.
Alexandre a tourné la tête et j’ai bien vu qu’il se retenait pour ne pas pleurer, autant de tristesse que de honte. Je ne savais pas comment réagir sans être excessive, alors j’ai évité son regard :
— Je suis vraiment désolée, Alexandre. Je ne me doutais pas de… de tes problèmes. Le chagrin de ton père est immense et il doit aussi se sentir coupable puisqu’il conduisait. Mais il y a toujours une solution ! Il faut t’accrocher, tu n’es plus seul !
Il m’a souri après cette dernière remarque, comme si ma bienveillance le rassurait. Je me sentais tellement bien avec lui que je redoutais déjà le moment où nous allions nous séparer. J’avais envie que notre conversation, que cette nouvelle complicité, ne s’arrête jamais.
— Si tu as besoin d’une amie, de quelqu’un à qui parler, je serai là, Alexandre. Je ne suis peut-être pas hyper psychologue, mais je suis sincère et on est toujours plus forts quand on est entouré…
Il a hoché du menton comme s’il considérait cette proposition comme déjà approuvée.
Ses yeux étaient si expressifs que j’avais l’impression de pouvoir y lire toutes ses émotions. Et à ce moment, l’angoisse qui l’animait semblait plus intense que jamais.
— Si tu es mon amie, tu ne dois dire à personne, m’a-t-il répété. Si des adultes apprennent que nous sommes dans cette situation, on va nous placer, mon frère et moi. Et il y a peu de chances pour qu’on nous envoie dans la même famille. J’ai réussi à supporter l’accident, la mort de ma mère, les séquelles et l’addiction de mon père à l’alcool, mais si on me séparait de ma famille, je crois que j’en mourrais…
Je me sentais tellement en confiance avec Alexandre qui se livrait à moi que j’ai eu envie de lui révéler la vérité à propos de mon père. Mais il a continué avant que je n’aie eu l’occasion de lui dire quoi que ce soit :
— Tu sais Émilie, tu devrais éviter le coin du marais des Verraq, ces prochaines semaines, m’a-t-il suggéré le plus sérieusement du monde.
J’étais surprise de ce conseil qu’il me donnait subitement comme pour me remercier de l’avoir écouté sans le juger.
— Pourquoi ? ai-je demandé, réalisant du même coup que vivant dans le secteur où le corps de Perrine avait été retrouvé, il savait peut-être quelque chose en rapport avec sa disparition.
— J’ai vu la Gruve, un soir, a-t-il avoué d’une voix presque sourde.
— La Gruve ? me suis-je écriée. Ne me dis pas que toi aussi tu crois à ces histoires de créature aquatique ?
— Oui, j’ai croisé sa route plusieurs fois. Je l’ai encore aperçue la semaine dernière dans sa barque, à travers le brouillard. Mais je ne m’en suis pas approché.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Comment un garçon qui avait l’air si intelligent pouvait se laisser posséder par de telles chimères ? Il y avait évidemment une explication rationnelle à ces coïncidences. La Gruve ne pouvait pas exister.
En arrivant devant mon petit immeuble, une fenêtre de l’appartement était éclairée et j’ai réalisé que Maman devait être déjà rentrée. Si elle me voyait à nouveau en compagnie d’Alexandre, ça allait être ma fête.
— Je ne peux pas te faire monter, lui ai-je dit, mais je vais t’envoyer un sweater par la fenêtre de mon frère, juste là, ai-je fait en pointant du doigt la façade. Je n’en ai pas pour longtemps.
J’allais repartir, mais il a saisi mon poignet et s’est avancé vers moi pour humer mon cou :
— C’est pas vrai que tu pues, Émilie, a-t-il déclaré en me regardant droit dans les yeux. Tu… Tu sens la groseille…
J’étais stupéfaite de ce contact si rapproché et son visage était si proche du mien que j’ai cru un instant qu’il allait m’embrasser. J’ai senti mon cœur s’emballer et je suis repartie après un simple signe de la main, n’osant plus lui faire la bise. Dans l’escalier, j’avais envie d’exploser de joie, tant j’étais heureuse. Non seulement j’avais gagné l’amitié d’Alexandre, mais en plus il trouvait que je sentais… La groseille !
Une fois à la maison, j’ai dû revenir à la réalité, car les choses ne se sont pas déroulées comme je l’espérais.
— Tu as vu l’heure ? m’a aussitôt agressé ma mère depuis la cuisine. Où es-tu allée traîner alors que tu es supposée rentrer directement après tes cours ? Tu te moques de moi ou quoi ? Ici, il y a des règles !
— C’est bon, j’ai juste un peu discuté en chemin, c’est tout, ai-je tenté de l’amadouer en posant mon cartable et en la rejoignant dans la cuisine. Pas de quoi en faire un drame !
— J’en ferai un drame si j’en ai envie ! a repris Maman avec son air de dictateur frustré et en contournant la table déjà dressée pour venir se poster devant moi les deux poings serrés dans le creux de ses hanches. Je n’ai pas oublié la mauvaise image que tu as donnée de nous à Léonard, hier soir. Franchement, tu as été au-dessous de tout. Vautrée sur ta chaise, tu as passé la moitié du repas à soupirer et à lever les yeux au ciel telle une ado détestable ! Il faut vraiment qu’il soit motivé pour accepter de me revoir !
— De toute façon, ce flic ne me plaît pas. Je l’ai vu traîner dans les escaliers vendredi soir, il me lance de drôles de regards et il a donné un coup de pied à Moka.
Maman a éclaté d’un rire nerveux.
— Non mais, écoutez-moi ça ! De quoi viens-tu te mêler ? Léonard est allergique aux poils de chats, ce n’est pas de sa faute ! Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Et puis il me plaît à moi, c’est tout ce qui compte ! Tu t’imagines que je vais sacrifier toute ma vie pour une gamine qui ne fait aucun effort et un chat qui griffe mes invités ? J’ai déjà supporté le summum avec ton père, alors s’il te plaît, accorde-moi juste le droit de vivre un peu ma vie de femme !
Je ne supportais plus de l’entendre crier à un mètre de mes oreilles, alors j’ai traversé le couloir pour me rendre dans la chambre de Clark. J’ai rapidement scruté les piles de sweaters de son armoire. C’est vrai qu’il en possède des dizaines. J’ai choisi le plus moelleux et le plus chaud, un bleu avec une capuche et l’inscription « Chicago Paradise » en lettres rouges et blanches. J’ai aussitôt ouvert la fenêtre pour voir Alexandre qui m’attendait en grelottant, juste en dessous.
— Hey ! ai-je crié. Attrape !
J’ai lancé le sweater et Alexandre l’a réceptionné avec le geste souple et assuré d’un sportif agile. Mais à peine l’avait-il en main qu’il est parti en courant, presque effrayé. Je me suis retournée pour tomber nez à nez avec Maman qui semblait proche de la crise de nerfs :
— J’ai rêvé ou tu viens d’envoyer un pull de Clark par la fenêtre ? m’a-t-elle aussitôt interrogé en refermant brusquement les deux battants, comme si nous étions en pleine tempête.
— C’est un prêt, ai-je répondu. Il est démuni. Il faut bien l’aider !
— Qui est ce garçon ? m’a-t-elle demandé sèchement, le regard noir et glaçant. C’est le même qu’hier soir ? C’est ton petit ami ? Il t’a promis des choses ? Il te harcèle ?
— Non, ce n’est pas mon petit ami, ai-je répondu. Et d’ailleurs qu’est-ce que ça peut faire ?
— Tu es beaucoup trop jeune pour avoir un petit ami ! s’est-elle insurgée. C’est tout ! Ce n’est pas toi qui décides.
— Quinze ans, c’est l’âge normal, Maman ! On ne vit plus au Moyen Âge !
— Oui, eh bien chez nous, on est moins pressées ! a-t-elle poursuivi en allant ranger les pulls dans l’armoire de mon frère. Regarde ta Tante. Elle s’est casée à plus de cinquante ans !
— Ha ! Oui, bravo ! Je te remercie pour la comparaison ! me suis-je écriée.
— Quoi ? Ça te dérange qu’elle soit avec une femme ? m’a-t-elle reprise de son air hautain.
— Pas du tout, Maman. J’espère juste que je n’attendrai pas la cinquantaine pour trouver quelqu’un qui me convienne !
— Charité bien orchestrée commence par soi-même ! a-t-elle tranché en refermant brutalement les deux portes en chêne massif de l’armoire. Nous n’avons pas les moyens de subvenir à tous les nécessiteux de Mortevor. Tu demanderas à ton petit cas social de nous rendre le sweater de Clark dès demain.
Cette dernière exigence m’a mise hors de moi et j’ai commencé à pleurer :
— C’est quoi la vérité ? Qu’est-ce qui te dérange au fond ? me suis-je mise à hurler. Tu as peur que je trouve quelqu’un, alors que tu galères et que tu es prête à tout pour te caser avec n’importe qui !
Je n’ai pas eu le temps de la voir arriver qu’une gifle terrible a enflammé ma joue gauche. J’ai aussitôt perçu le regret dans le regard de Maman, avant que je ne fonde totalement en larmes. Humiliée et anéantie, je me suis précipitée dans ma chambre en claquant violemment la porte derrière moi.
— Ne fais pas l’idiote, a crié Maman depuis le couloir, tu sais bien que tu l’as méritée. Ça fait un moment que tu me cherches. Cette fois, tu l’as eue !
Elle est entrée tandis que je sortais précipitamment une valise de mon dessous de lit, mes larmes coulant à flots.
— Émilie, ça suffit ! Calme-toi ! s’est-elle de nouveau mise à hurler. Tu n’es plus une gamine. Où comptes-tu aller comme ça ? C’est ce garçon qui t’a mis cette idée en tête ? Tu veux fuguer avec lui, c’est ça ? Reviens un peu à la réalité !
Je ne pouvais pas la laisser délirer et accuser à nouveau Alexandre de tous les problèmes :
— Ça n’a rien à voir avec lui ! Je pars vivre chez mon père !
Les yeux de Mamans ont semblé sortir de leurs orbites :
— Ton père ? Mais quel père ? Tu n’as pas encore compris qu’il n’existe plus ! Et puis Clark habite chez Emmanuelle… On avait décidé que… Et… Et…
Maman semblait totalement désemparée et j’ai compris que je venais de franchir avec elle la limite du supportable. Je me suis retournée pour la voir affreuse dans ses pleurs, grimaçant et se recroquevillant sur elle-même comme une gamine. Je ne pouvais pas accepter de la savoir si triste, alors je l’ai prise dans mes bras. J’ai senti ses larmes couler dans mon cou, son parfum et sa chaleur tout contre moi. Ça m’a fait un bien fou. Je l’ai serrée un peu plus fort et elle m’a imitée, à tel point qu’à la fin je n’arrivais plus à respirer.
— Je t’aime, petite impertinente, m’a-t-elle murmuré. Ne m’abandonne pas, mon trésor. J’en ai déjà trop bavé. Je n’arriverais pas à surmonter une telle épreuve.
— Jamais, Maman, ai-je dit avant de l’embrasser, mystérieusement réconciliée par les liens invisibles du sang.
***
J’ai rangé mes affaires, fait mes devoirs et ensuite nous avons dîné dans le salon avec Moka devant « Jurassic Park », comme si rien ne s’était jamais passé. Maman a envoyé des SMS toute la soirée à Léonard qui lui répondait aussi vite des messages qui la faisaient rire ou sourire. Je suis demeurée silencieusement dans mon coin à penser à Alexandre, cherchant le moyen de l’aider un peu. C’est vrai, on n’imagine pas que les gens qui sont à côté de nous ont des vies si malheureuses. Alexandre connaît une véritable misère et cela me fait mal au cœur. Maman n’est peut-être pas très argentée, mais je ne manque de rien d’essentiel. C’est sûr que je n’ai pas de téléphone dernier cri ou de vêtements de super marques, mais il y a bien pire. Alexandre doit être bien malheureux. J’ai décidé que j’allais essayer de l’aider, coûte que coûte.
J’ai répondu à Emmanuelle : « Je serai là. Je suis trop impatiente de te serrer contre moi. Je t’aime ! »
Les fortes émotions d’hier avaient dû m’épuiser, car j’ai dormi comme un loir. Je n’ai pas entendu mon réveil et je me suis précipitée sous la douche telle une tornade dès que j’ai vu l’heure. Je ne voulais surtout pas donner raison à Maman qui m’accuse déjà de traîner au lit. Et j’avais surtout trop envie d’échanger quelques mots avec Alexandre avant de commencer la journée. J’ai zappé tous les rituels cosmétiques, me lavant comme à l’époque féodale, me savonnant de la tête aux pieds, utilisant le pommeau de douche sur la position “massage” pour un rinçage au jet à puissance maximale. J’ai sauté le petit-déjeuner et me suis rendue à la boulangerie pour acheter deux pains au lait. En approchant du collège j’ai aperçu la silhouette isolée d’Alexandre au milieu du brouillard matinal et mon cœur s’est emballé en me remémorant le moment où il avait saisi mon poignet pour sentir mon parfum.
— Tu en veux un ? lui ai-je demandé tout en déglutissant une grosse bouchée avant de lui faire la bise.
— Je crève la dalle, a-t-il répondu avec un sourire, tu n’as pas besoin de beaucoup insister !
Je lui ai tendu le petit pain qu’il a avalé en quelques secondes. J’étais trop heureuse de lui avoir été utile.
— Tu sais, j’ai des unités d’avance sur mon pass de cantine, lui ai-je déclaré. Je peux t’inviter à midi.
Alexandre a écarquillé les yeux avant de rougir :
— C’est gentil, mais je ne peux pas accepter. Je ne veux pas être une charge pour toi. À la fin, tout le monde va encore se moquer de moi.
— Personne n’en saura jamais rien, ai-je insisté. Tu passeras à la cantine avec moi et je t’enregistrerai sur ma clé.
— Ça serait super sympa ! a-t-il finalement acquiescé avant d’afficher une expression de vive reconnaissance.
J’étais presque plus heureuse à l’idée de manger avec lui plutôt que de faire une bonne action. Ma générosité fut immédiatement récompensée par un regard de reconnaissance qui méritait tous les sacrifices de la Terre.
Wendy a traversé l’épais brouillard pour nous rejoindre et nous embrasser :
— Il paraît que Doris s’est faite exploser par la proviseure, a-t-elle dit en éteignant son téléphone. Elle est collée deux mercredis de suite. C’est bien fait pour cette sale petite peau de vache !
Alexandre a éclaté de rire et je l’ai trouvé trop beau dans le sweater bleu de Clark.
Nous avons traversé l’allée principale du lycée sans entendre la moindre insulte. Les sanctions de la proviseure semblaient couronnées de succès, même si je me doutais bien que l’affront allait se payer très cher. Sarah n’avait sans doute toujours pas digéré qu’Alexandre se lie d’amitié avec moi et que nous soyons désormais inséparables. Sarah était une orgueilleuse de la pire espèce. Fille gâtée jusqu’à la moelle, Sarah disposait d’un don pour la comédie que beaucoup lui enviaient. Jolie et élégante, elle savait charmer son auditoire et fondre en larmes si la situation l’exigeait. Sportive plusieurs fois médaillée, elle n’hésitait pas à se battre à coups de poings, si le besoin se faisait sentir. Bref, elle était redoutablement dangereuse et avait décidé d’être mon ennemie.
Les cours m’ont semblé interminables, même si avoir Alexandre dans la même salle que moi rendait le monologue de la prof de français moins ennuyeux.
— Arrête un peu de le dévorer des yeux comme ça ! m’a sommé Wendy à un moment où je ne m’y attendais pas et me donnant un coup de coude. J’ai sursauté et cela a attiré l’attention de la prof qui nous a immédiatement demandé de changer de place. J’étais furax, car à cause d’elle, je ne voyais plus du tout Alexandre.
J’ai passé le reste de la matinée à attendre le déjeuner avec lui en espérant profiter d’un tête-à-tête. Mais comme j’avais pu le prévoir, une fois que nous nous sommes installés à la cantine, un événement a anéanti tout espoir de partager un peu d’intimité avec lui. Cette fois, c’est Corentin qui s’est attablé avec nous sans même nous demander notre avis. J’étais verte, même si je n’en n’ai rien laissé paraître :
— Tu es toujours d’accord pour cette excursion nocturne dans le Marais des Verraq avec moi ? m’a-t-il demandé en posant son plateau à côté des nôtres.
— Qu’est-ce que vous voulez y faire ? l’a coupé Alexandre, tout en dévorant ses frites avec de la moutarde.
— Corentin est persuadé que la Gruve existe, ai-je répondu. Il voudrait qu’on la prenne en photo ou qu’on la filme. Selon lui, ce serait la preuve que Perrine Jourdan n’est pas morte accidentellement.
— La Gruve ? Je l’ai déjà vue ! a répété Alexandre avec son air mystérieux. Et si vous la croisez un jour, je peux vous jurer que vous ne voudrez plus jamais traîner sur son chemin.
Corentin a écarquillé les yeux de surprise et d’intérêt :
— Tu es déjà tombé dessus ? l’a-t-il aussitôt questionné. Tu plaisantes ou tu es l’un des rares témoins qui l’a réellement croisée ?
Alexandre a terminé sa bouchée avec un petit air malin comme pour faire durer le suspense :
— Oui, c’était pendant l’été. La nuit fourmillait d’étoiles et éclairait le dédale de sentiers entourant le marais. Je me promenais pour profiter de la fraîcheur nocturne lorsque j’ai remarqué quelque chose d’étrange qui brillait dans les fourrés. La lueur se reflétait à la surface de l’eau et cela a attisé ma curiosité. Je m’en suis lentement approché sans faire de bruit. Mais une odeur de pourri a commencé à me révulser. C’est alors que j’ai découvert une bougie posée sur un petit îlot au milieu du marais et de ses hautes herbes qui sortaient de partout. Et là j’ai vu une imposante masse sombre se mouvoir. Elle était impressionnante avec des plantes et des branches qui craquaient sur son dos au moindre de ses mouvements. Elle s’est tournée vers moi et je n’ai pas pu voir son visage sous sa capuche, mais elle a poussé un cri horrible qui m’a glacé le sang. Ça ne ressemblait pas au hurlement d’une bête ou d’un humain. On aurait plutôt dit une voix qui venait de l’au-delà. Je n’ai pas traîné et je suis rentré chez moi en courant. J’ai tellement flippé qu’il m’a fallu au moins une semaine avant de pouvoir décrire ce que j’avais vu.
— Le truc de malade ! s’est écrié Corentin qui rêvait de cette rencontre. Tu n’as pris aucune photo ?
— Non, j’ai même pas de portable, a dit Alexandre avant de me jeter un petit regard complice à moi qui savais bien qu’il était déjà trop pauvre pour acheter des vêtements. Mais je crois que si j’en avais eu un, je n’aurais pas perdu mon temps à la photographier. Quand tu es face à un tel monstre, tu ne penses pas à faire un selfie !
Wendy est arrivée à ce moment et elle s’est installée à côté de moi, face à Corentin.
— Vous en faites des têtes ! s’est-elle écriée. Vous n’avez jamais vu un top modèle dans une cantine, ou quoi ?
— Corentin veut aller au Marais des Verraq, samedi soir, ai-je expliqué. Il pense qu’on pourrait prendre en photo la Gruve et prouver qu’elle a assassiné Perrine.
— Bon ! Qui est-ce qui vient ? a lancé Corentin en levant la main.
J’ai pensé un instant à Maman qui m’avait privée de sorties, mais je me suis souvenue qu’elle passait la soirée chez Léonard, samedi. Avec un peu de chance, elle n’en saurait jamais rien.
— C’est bon, je viens, ai-je déclaré avant d’être imitée par Alexandre.
Wendy s’est tournée vers moi et a levé les yeux au ciel :
— Je sais bien que tu es comme une sœur, a-t-elle soupiré, mais franchement, parfois je me demande où tu vas chercher tout ça ! Tu fais exprès ou pas ?
— Arrête un peu, petite froussarde ! me suis-je moquée. Tu ne risques aucun ennui ! Je suis certaine qu’on ne verra rien. Au pire tu prendras l’air avec nous et basta ! Ces rencontres n’arrivent que dans les films d’horreur !
Je faisais mine de vouloir la rassurer, mais en vérité j’étais ravie que nous soyons assez nombreux pour une expédition qui menaçait d’être flippante. Après tout, si nous trouvions la Gruve, tout ce qu’on raconte à propos de cette créature deviendrait réalité du même coup.
Wendy a vu passer Sarah affichant son air pincé de l’autre côté du réfectoire et elle s’est aussitôt amusée à rire à gorge déployée comme si nous passions un moment exceptionnel tous ensemble. Évidemment, son cinéma nous a fait réellement rire à notre tour et du coup nous sommes passés pour la table la plus sympathique de la cantine. Je ne me suis pas retournée, mais j’imaginais Sarah qui devait nous haïr et souhaiter secrètement les pires catastrophes à chacun d’entre nous.
À la fin du repas, les garçons sont partis de leur côté et je me suis retrouvée seule sous le préau. J’allais réviser mon cours d’histoire quand Alban est venu me saluer :
— Salut, poil de carotte ! m’a-t-il taquiné en me faisant la bise.
— Je suis désolée pour ce qui est arrivé à Perrine, lui ai-je dit. Je sais que vous vous étiez fâchés à cause de son père, mais je…
— Ha ? Toi aussi, on t’a mise au parfum ? Tu sais, Émilie, j’aimerais bien qu’on me foute la paix avec ça ! s’est-il aussitôt braqué.
Alban est un grand brun plutôt maigre qui gesticule beaucoup en parlant et cela a eu pour effet de m’impressionner, car j’ai carrément eu peur de me prendre un coup. Il s’en est rendu compte et s’est calmé avant de reprendre :
— Il se passe un truc bizarre, en ce moment, a-t-il repris en haussant les épaules tout en plongeant les mains dans ses poches. Avec Perrine, nous nous sommes quittés il y a deux mois d’un commun accord. Il n’y a jamais eu de dispute entre nous. C’est juste qu’on n’était pas en phase. On s’ennuyait ensemble, alors on a préféré arrêter. C’est tout. On ne s’est même pas fait la gueule. Et maintenant Monsieur Jourdan raconte qu’il m’a expulsé de chez lui parce que j’avais eu un comportement indécent avec sa fille ! J’ai toujours respecté Perrine, nous n’avons même jamais fait la chose. Le pire c’est que je ne sais même pas ce qui me rend le plus triste entre ces fausses rumeurs et la disparition de Perrine. On dirait que son père veut faire croire que je pourrais avoir tué sa progéniture et ça me fout les boules ! Tu te rends compte ? Pourquoi j’aurais noyé mon ex ? C’est du grand n’importe quoi !
— Ça va aller, Alban, lui ai-je répondu. Il faut beaucoup de temps. Mais au bout d’un moment, les vrais coupables font toujours une erreur qui permet de les démasquer.
— J’espère que tu as raison, Émilie, même si c’est mal barré. Pour la police l’affaire est close. Perrine a eu un accident, il n’y a pas à chercher d’autre responsable. Dans quinze jours tout le monde aura oublié.
Je l’ai regardé s’éloigner vers un couloir donnant sur les salles de cours. Son témoignage m’avait un peu perturbé. Pourquoi Monsieur Jourdan aurait-il inventé cette histoire ? Lorsque je l’avais épié, dans le couloir de notre immeuble, il semblait totalement abattu et résigné. Et voilà qu’on le dépeignait comme un menteur et un manipulateur. Pourquoi cherchait-il un coupable pour la disparition de sa fille ? Souhaitait-il attirer l’attention de la police qui n’avait retenu que la thèse de l’accident ? Voulait-il brouiller les pistes et cacher autre chose ?
Je me suis ensuite rendue aux toilettes des filles. J’allais pénétrer tranquillement dans l’une des cabines quand on m’a violemment détournée de ma route en m’empoignant par les cheveux. 
Dans la précipitation, je me suis cognée contre un tuyau ou le carrelage mural, je ne sais plus. C’était cette dingue de Sarah qui a approché son visage tout près du mien pour me menacer :
— Écoute-moi bien, Émilie Frinch, m’a-elle avertie, les dents serrées, tellement elle semblait énervée. J’en ai marre que tu me nargues avec le nouveau. Alors je te préviens, si c’est la guerre que tu veux, tu vas l’avoir, mais tu vas vite le regretter !
— Aïe ! Tu es complètement cinglée ! ai-je hurlé de douleur en sentant mon cuir chevelu se décoller.
Je me suis débattue avant de lui administrer un terrible coup de coude dans le ventre pour échapper à son emprise. Elle a reculé d’un pas avant de revenir vers moi, posant ses mains autour de mon cou en faisant mine de m’étrangler :
— Doris est collée deux mercredis de suite à cause de toi et ça, tu vas nous le payer ! a-t-elle poursuivi, rouge de colère. Je peux te jurer qu’on va te faire la peau, car…
Deux filles d’une autre classe ont interrompu son discours en pénétrant dans les toilettes et Sarah, prise sur le vif, m’a lâchée avant de se réfugier précipitamment dans une cabine en prenant l’air de rien. Mais avec son teint d’écrevisse, on aurait vraiment dit une folle. Et elle n’a trompé personne puisque l’une des deux filles m’a lancé un regard compatissant.
J’étais encore sous l’emprise de la terreur lorsque j’ai quitté les toilettes en me massant le cou. Il m’a fallu plusieurs minutes avant que je retrouve mon calme et que j’oublie cette agression idiote.
Je n’ai rien dit de l’incident à Alexandre qui a déjà suffisamment de problèmes avec son Papa et ses conditions de vie. D’ailleurs, nous avions sport et les garçons et les filles étaient séparés en des groupes distincts.
Après les cours, j’ai fait mes devoirs avec Moka qui m’observait d’un regard accusateur depuis le lit. Ce chat est très curieux, car il semble m’apprécier seulement depuis que Léonard l’a menacé de le mettre à la porte. C’est à croire qu’il a compris qu’il valait mieux pour sa survie qu’il devienne ami avec moi. J’ai pu le caresser et même le porter sur mes genoux. Il s’est endormi en ronronnant pendant que je regardais la télévision dans le salon et j’étais trop heureuse qu’il me fasse enfin confiance.
J’ai reçu un Snap de Clark :
— C’est quoi cette histoire de sweater ? m’a-t-il demandé.
— J’en ai prêté un à un copain qui a été aspergé de ketchup. C’est rien.
— C’est vrai que Maman a un nouveau fiancé ?
— Oui et c’est pas un cadeau.
Clark ne m’a plus répondu après cette remarque. Mais je n’ai pas à m’inquiéter. En tant que jumeaux, nous bénéficions d’une complicité que les autres ne comprennent pas. Bien souvent nous tombons d’accord sans même nous être concertés. Je n’aime pas être séparée de lui, mais le divorce était un cas de force majeure. Papa n’est plus Papa et c’est encore maintenant qu’il a le plus besoin d’être soutenu par ceux qui l’aiment. Les gens sont méchants avec lui. Ils le jugent, l’insultent, lui font subir toutes sortes d’humiliations, par pure cruauté. Maman a raison, Papa n’est plus. Je dois arrêter de l’appeler ainsi. Il est temps que je me fasse une raison. Je n’ai plus de Papa.
Ce matin, en me regardant dans le miroir de la salle de bains, j’ai constaté que l’attaque de Sarah dans les toilettes du collège m’avait laissé un bleu agrémenté d’une petite cicatrice en haut de mon front. Le plus ennuyeux étant encore de donner des explications à Maman, j’espérais bien échapper à l’inspection de la mère supérieure. Mais je l’ai croisée juste pile au moment de partir pour le collège :
— Mais qu’est-ce qui t’es arrivée ? m’a-t-elle demandé avec son ton dictatorial.
Comme je venais de constater le désastre, je n’avais pas encore inventé un bobard suffisamment convaincant :
— Je me suis cognée… Cette nuit… En dormant, ai-je tenté.
— Tu me prends pour une gourde ? Tu en as vu beaucoup des gens qui se font de tels bleus en dormant. Dis plutôt que tu t’es battue ? C’est encore avec ce garçon ?
— Mais non, je…
Maman a soupiré :
— Quoi que j’ai pu dire ou faire, hier soir, tu restes punie. Tu es interdite de sortie jusqu’à nouvel ordre !
— Oui, c’est ça ! ai-je fait en ramassant mon cartable et mon manteau avant de me diriger vers le couloir. Toi aussi, bonne journée ! ai-je terminé avant de claquer super bruyamment la porte d’entrée.
En chemin vers le collège, j’ai reçu un SMS de Wendy : « J’ai aussi mal au ventre que si une armée de grenouilles y faisaient un feu d’artifice. Préviens les profs que je n’irai pas en cours aujourd’hui. D’ailleurs je ne sais pas si je pourrai venir avec vous à votre excursion pour trouver la Gruve, demain soir. »
Comme si cela ne suffisait pas, Alexandre bavardait avec Corentin devant les grilles du lycée. Ils se racontaient des histoires autour de films d’animation que je n’avais jamais vus et j’avais l’impression de tenir la chandelle à leurs côtés. Ils se sont installés ensemble pendant le cours d’anglais et je me suis retrouvée toute seule à ma table habituelle. Au fil de la journée, il m’a semblé qu’Alexandre et Corentin se découvraient toutes sortes de points communs, dont un certain humour et un intérêt marqué pour les légendes de Mortevor.
À la récré de dix heures, Alexandre m’a tout de même rejointe, accompagné de son nouvel ami.
— Qu’est-ce qui t’es arrivée ? m’a-t-il soudain demandé en passant délicatement son pouce sur la cicatrice de mon front. Ça te fait mal ?
Ce simple geste a suffi à balayer toute ma mauvaise humeur.
— C’est… C’est Sarah qui m’a agressé, hier midi, dans les toilettes, ai-je lâché. Elle ne supporte pas que nous nous entendions. Wendy a raison. C’est une jalouse maladive. Elle a manqué de m’étrangler et m’a dit qu’elle ne comptait pas en rester là.
Les grands yeux verts d’Alexandre ont fouillé les miens, à la recherche de ce que je ressentais au plus profond de moi et j’ai eu beaucoup de mal à soutenir son regard. Il semblait si protecteur, si prévenant, si gentil, si comme j’aime. Mais Corentin a tout gâché en éclatant de rire :
— Ça va aller, les tourtereaux ? a-t-il demandé. Vous voulez que je vous laisse ?
— Qu’est-ce que tu vas imaginer ? s’est immédiatement défendu Alexandre en plongeant les mains au fond des poches de son jeans, avant de rire à son tour. Je m’inquiète pour elle, c’est tout !
Évidemment cette remarque m’a beaucoup blessée, mais je n’en ai rien laissé paraître. Alexandre ne m’a pas posé davantage de questions à propos de cette agression de la part de Sarah. Les deux garçons ont ensuite orienté leur conversation autour des cicatrisants, puis des progrès de la médecine en général et enfin de la vie éternelle, comme si je n’étais pas là. Il n’y a qu’à la fin de la récréation qu’Alexandre s’est tourné vers moi :
— Je peux venir à la cantine avec toi ? m’a-t-il questionné, en prenant son petit air malheureux.
Je ne pouvais pas répondre négativement, même si j’avais un peu le sentiment d’être le pigeon de service.
— Oui, évidemment. Il faudra juste que je vérifie combien il me reste d’unités sur ma carte.
Nous sommes retournés en cours comme si de rien n’était. Fort heureusement, les deux heures d’histoire-géo étaient passionnantes et, seule dans mon coin, je n’ai pas vu le temps passer.
À midi, je me suis demandée si Corentin ne faisait pas exprès de monopoliser l’attention d’Alexandre tellement je me sentais invisible. Je bouillais sur ma chaise et j’avais beaucoup de mal à faire semblant d’être aussi souriante que la veille, même si je me doutais que Sarah ne devait pas être loin et jubilait du spectacle misérable que ma mine frustrée lui offrait. C’est à ce moment qu’Ambre s’est joint à notre table. Je ne le connaissais que de réputation et je pensais qu’il n’avait jamais prêté la moindre attention à moi. Ambre est le fils d’un chirurgien très réputé à Mortevor. C’est un peu le garçon modèle du collège, toujours tiré à quatre épingles, avec des vêtements de marques flambant neufs. Il est brillant dans ses études puisqu’il a déjà sauté deux classes pour se retrouver directement en troisième. Ambre est un grand brun au teint mat et aux yeux noirs, plutôt filiforme. Il est beau, délicat, sensible, dans un style complètement différent d’Alexandre.
— J’aimais bien Perrine, a-t-il commencé en me regardant droit dans les yeux. Comme je sais que c’était ta voisine et qu’elle m’avait parlé de toi, je voulais que tu saches que je suis désolé pour ce qui lui est arrivé.
J’étais surprise qu’il m’aborde avec ce sujet si triste et si morbide, et en même temps ravie qu’il se confie à moi, surtout à un moment où j’avais le sentiment de n’avoir aucune importance aux yeux de ceux de mon entourage :
— Je te remercie, ai-je répondu. Cela m’a beaucoup affectée, c’est sûr, mais en réalité nous n’étions pas très proches. On ne se faisait pas beaucoup de confidences. Ce sont surtout nos mères qui échangeaient des choses à notre sujet…
— Cet accident a choqué beaucoup de monde, a-t-il poursuivi tout en poussant sur le côté de son assiette ses pommes de terre rôties. Il faut dire qu’elle était très jeune et menait une vie plutôt dissolue…
— Ah ? Bon ? Dissolue ? Comment ça ? Que veux-tu dire ?
Alexandre et Corentin, qui écoutaient d’abord par politesse, ont commencé à être beaucoup plus intéressés par cette conversation.
— Vous n’avez pas entendu parler de ces rumeurs selon lesquelles Perrine attendait un enfant ? a poursuivi Ambre sans sourcier.
— N’importe quoi ! s’est aussitôt indigné Corentin. Ce ne sont que de stupides ragots, a corrigé Corentin. Les gens colportent n’importe quoi. Perrine n’est plus là pour se défendre, alors chacun y va de son petit scénario dégoûtant. Elle n’avait que quatorze ans !
Ambre a saisi la carafe d’eau, avec l’air sûr de lui et a pris son temps pour se servir, conscient que chacun attendait impatiemment des détails sur cette déclaration brûlante :
— Mon père travaille dans la clinique où le corps de Perrine a été autopsié, a-t-il repris. Il paraît qu’elle n’était pas belle à voir, la peau toute bleue, les membres gonflés à outrance… À cause de l’eau…
— Et alors, elle était enceinte ou pas ? s’est agacé Alexandre.
— Oui, tu sais quelque chose ou pas ? a enchaîné Corentin.
Ambre a dévoilé un petit sourire malin avant d’enlever calmement le couvercle de son yaourt.
— Je sais des trucs, mais je n’ai pas le droit d’en parler à cause du secret professionnel…
— Tu parles d’une info, ai-je soupiré. Tu cherches juste à te faire mousser, mais en réalité, tu ne sais rien de plus que ce qui est écrit dans le journal.
Son air suffisant s’est voilé et il a semblé contrarié par ma remarque :
— J’en sais certainement plus que vous trois réunis ! a-t-il commencé à s’énerver. Je veux bien vous confier un truc, mais il faut absolument me jurer de ne le répéter à personne, OK ? Et surtout pas à des adultes ! OK ?
Nous avons tous immédiatement acquiescé.
— Bon, voilà, a-t-il repris plus sérieusement en s’exprimant à voix basse pour que les autres élèves ne puissent pas l’entendre. Dans ce genre d’affaire, la police s’arrange pour garder secret un ou plusieurs éléments de l’enquête. Ainsi, si jamais un présumé coupable est interrogé dans le futur, les enquêteurs pourront facilement lui tendre un piège et le conduire aux aveux. Dans le cas présent, Perrine portait une bague et deux boucles d’oreilles… Des anneaux en argent. Ces bijoux étaient absents lorsque les pompiers ont repêché son cadavre. Quelqu’un les a donc volés !
— Waow ! Impressionnant, a commenté doucement Corentin. Je ne pensais pas que la police préparait de tels pièges dès le début de l’enquête…
— Ce sont des professionnels, a poursuivi Alexandre, si les investigateurs le faisaient six mois après, ça n’aurait plus aucun sens.
— Il y a autre chose, a ajouté Ambre. Perrine était très proche de Chloé avec qui elle passait le plus clair de son temps. Perrine s’était confiée à elle et lui avait laissé entendre qu’elle se sentait en danger…
— Chloé ? Celle qui vivait dans le même pâté de maisons que moi ? ai-je demandé.
— Oui, dans l’immeuble mitoyen du parking, à vingt mètres de chez toi. Chloé pratiquait l’équitation tous les mercredis avec Perrine, mais elle étudiait dans un collège privé. J’ai parlé avec elle, mardi en fin d’après-midi. Elle m’a révélé qu’elle connaissait des éléments qui prouveraient que Perrine a bien été assassinée, mais qu’elle avait peur d’aller témoigner à la police.
— Elle t’a dit quoi d’autre ? a insisté Corentin.
— Elle semblait vraiment tétanisée, a continué Ambre. Chloé ne dort plus depuis le décès de Perrine, car elle a peur qu’une autre fille connaisse le même sort. Elle m’a même demandé si je pouvais récupérer des somnifères dans le cabinet de mon père.
— Ça a un rapport avec la Gruve ? a surenchéri Alexandre. C’est ça qui l’effraie ?
— Je ne sais pas, a précisé Ambre. J’ai surtout essayé de la convaincre d’aller faire une déposition à la police. Elle paraissait vraiment terrorisée à cette idée. J’ai voulu la rassurer en lui expliquant que les flics ne sont pas comme ceux des séries télés et qu’ils pourraient conserver son anonymat coûte que coûte.
À la fin du repas, j’ai prétexté vouloir réviser la physique pour quitter le groupe et voir quelle serait la réaction d’Alexandre. Le test a fonctionné à merveille, si j’ose dire, car le beau blond n’a même pas semblé remarquer mon absence.
Frustrée, j’ai envoyé un SMS à Wendy sur qui je me suis hypocritement rabattue : « Tu me manques, le collège est triste quand tu n’es pas là. » Mais je n’ai obtenu aucune réponse, à croire que j’étais soudain devenue totalement inexistante pour tous mes amis. Ce constat m’a laissé un goût amer et en remontant en classe, j’ai décidé de me reprendre en main, de perdre moins de temps avec des amis qui me relayaient au second plan dès qu’ils en avaient l’occasion. Il fallait que je me concentre davantage sur mes études. J’avais tendance à faire passer les histoires de Perrine, d’Alexandre ou de Wendy, avant mes notes et mes devoirs. Cette situation ne pouvait plus durer. Je devais cesser de me disperser et me remettre à travailler sérieusement.
En me concentrant toute l’après-midi, je suis presque parvenue à oublier Alexandre dont la beauté me charmait pourtant toujours beaucoup. Vers dix-sept heures trente, il est venu me dire qu’il ne pouvait pas me raccompagner, car il devait se rendre dans une laverie pour la corvée de linge familial. J’ai fait mine de n’en avoir rien à faire, même si en réalité j’avais la gorge nouée à l’idée de ne pas pouvoir bavarder avec lui.
En rentrant à la maison, j’ai croisé la Maman de Perrine.
— Bonsoir Émilie, m’a-t-elle dit avec l’air de quelqu’un qui a vieilli de dix ans en l’espace de quelques semaines. Je voulais te remercier d’être venue à l’enterrement… Tu sais… C’est très dur pour des parents de perdre un enfant si jeune, alors… Alors profite bien des tiens, car on ne sait jamais ce qui peut arriver… Tu vois, j’ai encore du mal à me dire que tout cela est réel et même… Et parfois j’ai l’impression qu’elle va rentrer comme toi de l’école et… Et…
Elle a éclaté et sanglots devant moi et je ne savais vraiment pas quoi faire. Alerté par ses gémissements, Monsieur Jourdan est venu la chercher dans le couloir de l’immeuble :
— Qu’est-ce que tu racontes à cette gamine ? lui a-t-il demandé d’un ton aussi désespéré. Dépêche-toi de rentrer. Perrine est morte, tu m’entends ? Morte ! Elle ne reviendra plus jamais de l’école !
J’étais si désolée pour eux que je n’ai pu retenir mes larmes. Mais je suis rendue dans ma chambre où j’ai fait mes devoirs tout en écoutant une web radio qui passait de la musique de méditation.
J’ai fini par allumer ma tablette pour compléter ce journal. Ensuite, Wendy m’a appelé et, malgré mes résolutions de mettre un peu de distance entre elle et moi, je lui ai raconté les événements de la journée :
— Je connais cette Chloé, m’a déclaré Wendy. Nous étions en classe ensemble au CM1. Déjà toute petite elle n’en n’avait que pour les chevaux. C’était un véritable garçon manqué. Mais elle est devenue très jolie. Elle sort avec Tristan, un garçon qui a dix-neuf ans et ils se cachent sans arrêt, car les parents de Chloé sont très stricts et elle a peur qu’ils portent plainte pour détournement de mineure. D’ailleurs, si tu veux mon avis, son mec est un véritable canon. Attends, je cherche son compte Facebook…
Après quelques manipulations sur sa tablette, Wendy m’a envoyé la photo d’un grand et beau garçon à l’allure soignée. Il posait devant l’objectif, les mains dans les poches, dans un petit blouson noir, un pantalon rouge, des baskets et les chevilles apparentes de circonstance.
— C’est vrai qu’il est pas mal, ai-je commenté.
Maman est rentrée et j’ai aussitôt coupé Messenger pour passer un peu de temps avec elle. Je devais reconquérir sa confiance et lui prouver qu’Émilie était toujours sa gentille petite fille. Je l’ai aidée à préparer la cuisine et nous avons regardé ensemble Austin Powers pour la millième fois. Mais Maman est bon public et elle rit de bon cœur à des gags dont elle connaît toutes les ficelles. À ses côtés pendant toute la soirée, je lui ai laissé croire que j’étais aussi docile qu’elle avait envie de se l’imaginer. C’est dingue comme je suis capable de m’adapter, parfois.
J’étais tellement contente à l’idée de ne pas avoir ma mère sur le dos en soirée, que j’ai passé l’aspirateur dans presque tout l’appartement et même épousseté plusieurs meubles du salon. Maman était aux anges. Mais ce sourire béat n’avait rien à voir avec mes prouesses domestiques qu’elle n’a sans doute pas remarqué. Elle affichait déjà cet air benêt à son réveil. Le fait de passer la soirée avec Léonard la lovait dans un nuage de coton où plus rien ne pouvait l’atteindre. Après s’être pomponnée et rendue chez le coiffeur, sa joie de vivre a laissé place à la nervosité et l’inquiétude. Elle craignait de ne pas être à la hauteur face à son nouveau Dom Juan qui ne m’inspirait toujours pas la moindre confiance. Je n’aimais pas du tout la voir sous l’emprise de cet homme qui me paraissait cacher son jeu. Je devais pourtant avouer qu’au final, lorsque j’ai photographié Maman devant le grand miroir de la salle de bains, elle était radieuse :
— Je risque de rentrer tard, m’a-t-elle prévenue avec une moue coupable. Alors tu n’ouvres à personne et tu m’envoies un sms avant de te coucher. Compris ? N’oublie pas les croquettes du chat. Il reste du bœuf bourguignon, tu n’auras qu’à te faire des frites au four pour l’accompagner, si tu veux.
Maman m’a presque inspiré de la pitié à être si gentille avec moi, alors qu’au fond je ne souhaitais que la voir disparaître pour me consacrer à mes activités secrètes. Je l’ai regardée s’éloigner depuis la fenêtre de la chambre de Clark, Moka sous le bras, en lui faisant un signe de la main, m’assurant du même coup qu’elle ne rebroussait pas chemin. Une fois disparue dans les ruelles de Mortevor, je me suis précipitée dans ma chambre pour enfiler un manteau, récupérer mon téléphone rechargé à bloc et me précipiter dans la rue.
Le brouillard descendait lentement sur la ville, apportant avec lui une humidité pénétrante contre laquelle mon petit manteau noir ne me protégeait pas suffisamment. Je n’avais plus le temps de me changer, tant pis. J’ai couru jusqu’à la station de tram pour me rendre dans le vieux quartier proche du Marais des Verraq. Nous nous étions donné rendez-vous à dix-neuf heures trente au premier étage du Café du Cirque. Tous les jeunes s’y retrouvent, car il n’est pas loin du centre historique, la salle du premier étage offre une vue imprenable sur les plans d’eau et elle n’est pas surveillée par des adultes.
Je me suis installée face à Alexandre avec mon coca. Lorsque j’ai vu qu’il portait à nouveau le sweater de Clark, nos regards se sont croisés et il a semblé très reconnaissant, ce qui m’a touché droit au cœur.
— Tu as couru ? m’a-t-il demandé gentiment, tu es toute rouge.
— Ma mère est partie plus tard que prévu et je suis gelée, ai-je fait en posant mes bras sur la table.
Alexandre a spontanément saisi mes deux mains pour les frictionner activement. Ce geste était si naturel que personne n’y a prêté attention, à part moi qui avais grand peine à cacher ma satisfaction. Cette délicatesse balayait soudain toutes mes angoisses de la veille. Je n’étais pas encore totalement folle. Il se passait bien quelque chose de particulier entre Alexandre et moi.
— Je ne peux pas rester longtemps avec vous, a commencé à se plaindre Wendy en tenant son chocolat chaud avec ses mitaines, sa doudoune sur le dos. Mon père a décidé de m’emmener au cinéma à la séance de vingt-deux heures. Je ne traînerai pas, sinon il va encore me dire que je suis distante avec lui.
— Mes vieux reçoivent mon oncle et ma tante, a enchaîné Corentin qui portait la sangle de la Gopro de son père enroulée autour de son crâne en lui donnant un air de mineur à charbon. Avant, j’étais obligé de me taper tous les repas de famille, mais un jour j’ai mis la honte à mes parents en racontant des trucs débiles à table et depuis ils préfèrent me donner des thunes pour que je vide les lieux.
— Mon… Mon père, il garde mon petit frère, a ajouté Alexandre, un peu gêné de n’avoir rien d’autre à raconter, avant de lâcher mes mains pour saisir son verre d’eau sans plus s’intéresser à moi.
Corentin a fait glisser son portable de sa poche pour nous montrer des dessins de la Gruve et nous aider à la reconnaître dans le brouillard.
— Monstrueux ! a commenté Wendy en faisant la moue. Si je vois ça, je détale comme une fusée ! On n’a pas idée d’être si horrible !
— Mais, non ! Justement, il faut la filmer, la prendre en photo, sinon ça ne sert absolument à rien de venir ici ! s’est énervé Corentin tout en scrollant les images sur l’écran avec son doigt plein de la graisse de ses frites.
Comme la nuit était déjà tombée, nous sommes rendus au premier sentier menant autour du Marais des Verraq. Il faisait un froid polaire pour la saison et le brouillard s’est épaissi à mesure que nous nous approchions des plans d’eau, là où les éclairages publics disparaissaient.
— On ne voit carrément rien du tout ! a remarqué Wendy. Ce qu’on risque plutôt ici, c’est de tomber dans l’eau et par ce temps, je ne le souhaite à personne !
— Je suis déjà congelée, ai-je ajouté en frissonnant, je ne sens même plus mes phalanges.
— Il faut rester groupés et surtout regarder nos pas, nous a conseillé Corentin en allumant une lampe torche pour éclairer le sentier. Dès l’instant où nous rencontrerons de la végétation, nous reviendrons vers la terre battue. C’est trop dangereux sinon, vous avez raison.
— On devrait tous se donner la main, a proposé Alexandre qui était posté derrière moi.
J’étais ravie de cette suggestion et je m’imaginais déjà marcher à ses côtés comme un véritable couple, quand Wendy a détruit ce petit rêve.
— Hors de question que je donne la main à Corentin, a-t-elle aussitôt protesté, il mange avec ses doigts et il ne se lave même pas les mains. Je ne suis pas une poubelle !
Elle m’a aussitôt rejointe pour saisir mon poignet. Du coup, seul Alexandre pouvait servir de maillon entre elle et Corentin. J’étais dégoûtée.
Nous avons avancé ainsi pendant une vingtaine de minutes, tandis que Wendy se plaignait, trébuchait, riait et se faisait rappeler à l’ordre par Corentin pour qui cette expédition était extrêmement sérieuse.
— Comment voulez-vous que l’on découvre quoi que ce soit si vous bavardez sans arrêt comme des pipelettes ? s’est-il écrié avant que chacun se taise. Les bruits de la ville ont fini par disparaître laissant place à un silence de mort vraiment flippant. Nous entendions plus que nos souffles et nos semelles s’enfoncer dans la terre humide et spongieuse du sentier. Je pensais que nous allions revenir bredouilles, quand un cri terrifiant s’est fait entendre dans l’obscurité, sur notre droite, au milieu du marais.
— Qu’est-ce que c’est ? a murmuré Wendy en se serrant contre moi, grelottant.
— On aurait dit un animal, a fait Alexandre en s’approchant de nous.
— Filmez ou prenez des photos, plutôt que de jacasser ! s’est à nouveau énervé Corentin en allumant sa caméra :
— Il est tard. Je dois rentrer, mon père va m’engueuler, a poursuivi Wendy en me lâchant pour allumer nerveusement son téléphone portable.
Mais un nouveau hurlement beaucoup plus fort et plus près nous a terrorisés.
Corentin a éclairé les roseaux au moment où des bruits d’eau s’approchaient très rapidement de nous. Le brouillard a soudain semblé s’épaissir de façon presque instantanée et en quelques secondes nous avons perdu toute visibilité.
— Qu’est ce qui se passe ? a demandé Corentin en tournant sa torche vers une barque qui tanguait au bord du bassin. Mais sa lampe avait davantage pour effet de se réfléchir dans l’épais brouillard plutôt que de dissiper l’opacité alentour. Et lorsque quelque chose a remué dans les fourrés, nous n’avons rien pu distinguer à part une lueur blanche. Tout s’est ensuite passé très vite.
— Il y a quelqu’un ? a demandé Wendy, d’une voix hésitante, au moment où nous commencions tous à gravement flipper. C’est une bête ?
— Il n’y a personne. Quelqu’un a dû amarrer sa barque ici et elle a bougé avec les remous de l’eau, a commenté Alexandre. Ce n’est rien du tout.
Le silence est revenu, encore plus angoissant que cette barque et cette chose qui venait de se mouvoir dans le buisson. Y avait-il une cinquième personne autour de nous ? Est-ce que la Gruve s’était si facilement laissée appâter ? Allait-elle faire une victime parmi nous ?
Une main a saisi la torche de Corentin et sa lumière s’est mise à vaciller au rythme d’une lutte inégale. La lampe s’est élevée dans l’air comme une masse et on a un entendu un coup sec et très brutal avant que Corentin s’effondre au sol, la torche finissant par s’éteindre dans une flaque de boue...
Vous avez lu le tiers du roman, bravo !
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