Tumgik
#comment rendre un homme fou de toi au lit?
fantasy-mask · 1 year
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Chère S.
Je ne sais pas pourquoi mais je suis persuadé que tu liras ces lignes. Un jour. Et que tu te reconnaîtras.
Comment ne pas parler de toi ici ? Comment ne pas t'accorder une place prépondérante dans mes écrits de luxure ?
Parfois je repense tendrement à toi. A ces deux années hors du temps. A notre relation virtuelle d'abord, au fantasme que tu représentais, à ce compte à rebours insoutenable qui précéda cette rencontre tant attendue.
Puis à cette vision enchanteresse. Cette femme magnifique en robe rouge qui m'attendait sur le quai de la gare. Et ces yeux incroyables... En les voyant j'ai su qu'une passion allait nous dévorer.
Nous marchions vers chez toi. Main dans la main. Nous étions en train de nous consumer. Littéralement. Dès la porte d'entrée refermée, le sexe était inévitable, nos corps se voulaient. Entièrement.
Nous sommes restés au lit toute la journée suivante. Au grand dam de ton voisin furieux qui a dû supporter nos cris de plaisir et ces incessants coups contre le mur. On s'en moquait. On était heureux. Pleinement. Nous avons aussi profité pour nous connaître. Nous savions que nous allions avoir besoin l'un de l'autre. Pendant deux ans, nous nous sommes vu tous les mois. Malgré ces foutus 900km qui nous séparaient.
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Chacun de nos rendez-vous était une explosion de sexe. Avec chaque fois l'envie d'explorer nos fantasmes mutuels. Comment oublier cette halte en pleine nuit dans un parking désert pour faire l'amour ? Comment oublier ton goût pour la lingerie et le malin plaisir que tu prenais de me rendre fou ? Comment oublier toutes ces escapades improvisées en voiture, en train, en avion ? Cette jouissance frénétique sans penser au lendemain.
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Ma plus grande fierté a été de te faire aimer ton cul qui te complexait tant. Je prenais à chaque fois un pied d'enfer à soulever ta robe légère, arracher ta culotte, et planter ma queue gonflée de sang dans tes fesses si accueillantes. Je te plaquais contre le mur et je te démontais jusqu'à l'épuisement de nos âmes, jusqu'à recouvrir de mon foutre cette croupe insatiablement désirée. Encore et encore. Ta confiance en toi ne pouvait qu'être boostée. Quant à moi, je n'ai plus jamais été le même homme.
La vie est ce qu'elle est. Cruelle. Mais ces joies ne doivent pas toujours être effacées par d'inoubliables chagrins.
Tu resteras ma rencontre la plus intense, ce que je qualifiais comme "ma parenthèse enchantée".
Jamais je n'oublierai ces bonds dans le cœurs, ces frissons, ces rires, ces voyages, ces folies. Cette complicité extrême.
Je t'embrasse.
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alexar60 · 4 years
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L’hôtel particulier (35)
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Chapitres précédents
Chapitre 35 : Mais où vas-tu ?
Dehors, la pluie tombait en grosses gouttes cognant fortement contre la terrasse. J’entendais ce bruit assourdissant sans interrompre ma lecture. De temps en temps j’observais d’un œil désintéressé la télévision allumée sur une vidéo à la demande. Tatiana regardait un vieux classique du romantisme version Hollywood. Affalée dans le nouveau canapé, elle passait ses doigts sur le chat noir agglutiné contre ses cuisses. Son ronronnement faisait plus de bruit que la pluie.
L’heure se faisant tard et sentant la fatigue venir, je fermai le roman et me levai afin d’embrasser ma compagne. Ses lèvres avaient un goût de caramel comme le thé qu’elle venait de boire. Elle me regarda contourner le sofa. Le chat continuait de ronronner me dévisageant momentanément avec un sourire moqueur.
-          Tu vas où cette nuit ? demanda-t-elle
Etonné par la question, je répondis immédiatement tout en affichant de gros yeux de surprise.
-          Nulle part ! Je vais dormir !
-          Non, parce que… depuis que je suis rentrée, tu n’es jamais dans le lit quand je me réveille en sursaut, dit-elle d’une voix douce et assurée.
-          Je ne crois pas ! Au contraire, c’est toi qui quitte la chambre en pleine nuit sans prévenir.
Elle releva la tête, montrant à son tour de l’incompréhension dans son regard. Un long silence passa nous laissant réaliser que la pluie venait de cesser si nous n’étions déconcertés par nos propos. Pendant ce temps, le félin s’éloigna et surveilla la scène après être monté sur la table. Il lécha une patte, s’arrêta net et voyant que je le fusillai des yeux, il descendit immédiatement en roulant des R.
-          Je jure que tu n’es jamais dans le lit quand je me réveille, ajoutai-je.
Ma compagne ne répondit pas. Le film montrait une scène où un homme viril embrassait l’héroïne sous une pluie battante. Tous deux portaient un imperméable et un chapeau de gangster comme on en voit régulièrement dans les films noirs américains. Tatiana se concentra sur la télévision et me laissa partir.
Depuis son retour, la semaine ne se passa pas comme je le pensais. J’espérai l’aider à retrouver ce bonheur perdu, prendre le temps de reconstruire et lui offrir tout ce qu’elle désirait. Cependant, elle se contentait de se promener dans le jardin, de visiter les couloirs, lire, parfois regarder la télévision et surtout, elle passait plus de temps avec le chat qu’avec moi. De même, chaque nuit, je me réveillai seul dans le lit. Dès lors, je passai le reste de la nuit à la chercher sans jamais la trouver car à mon retour dans la chambre, elle dormait paisiblement comme si elle ne l’avait jamais quitté.
Durant mon sommeil, j’entendis la porte s’ouvrir. Une forme entra essayant de ne pas faire de bruit. Toutefois, je suivais son déplacement grâce aux froissements de sa robe. Par précaution, je demandai si elle était bien Tatiana. Elle se déshabilla, s’allongea à sa place après avoir relevé les draps et chuchoté « Rendors-toi ! »
Une heure plus tard, je réalisai soudain être seul dans la chambre. Dès lors, je pris quelques instants à réfléchir sur ce qu’elle pouvait faire. Puis, je décidai de la rejoindre. Il n’y avait aucune lumière dans les étages ni dans le hall. Alors, je descendis pour me diriger vers la cuisine ou peut-être était-elle encore dans la grande salle. Elle était dans aucune des pièces. Je rentrai dans la cuisine, pris un verre d’eau et pendant que je buvais, j’observai avec inquiétude la porte de la cave. Elle était fermée mais l’idée qu’elle put s’y rendre pénétra mon esprit.
Après avoir posé mon verre dans l’évier, j’avançai la main tendue et tremblante afin d’ouvrir cette satanée porte. Je m’étais souvent dit de condamner définitivement cette entrée en l’emmurant. Seulement, j’oubliai toujours de le faire et cette fois-ci, j’avais enfin mon prétexte pour me débarrasser de cette maudite cave. Je posai la main sur la poignée, tournai le verrou et au moment d’ouvrir, un vacarme de piano et de trompettes me fit tressaillir.
La grande salle venait de s’animer sur des musiques de jazz. Je me précipitai dans la fête où des couples dansaient comme des disloqués. Je ne reconnus pas de suite ces fantômes de femmes élégantes et de mutilés cachant leurs blessures sous des masques de carnaval. Ils gesticulaient d’une façon si ahurissante que je sentis des vertiges à trop les contempler. Autour du bar, Diane sirotait un cocktail à base de gin. Elle montra un merveilleux sourire m’invitant à approcher. Je m’éclipsai entre les danseurs dont les jambes et les bras frôlèrent mon corps. Chaque touché me frigorifia.
Ses yeux de velours et d’un éclat gris apportaient un charme fou à la belle. Elle sourit en montrant ses dents blanches et alignées, puis elle me proposa de lui offrir un verre ce que je fis de suite en appelant le barman. C’était toujours le même homme qui préparait boissons sur boissons. Elle attrapa la coupe afin de trinquer. Je remarquai la disparition du précédent cocktail sans être gêné. Dès lors, elle recommença à poser les mêmes questions mais cette fois-ci, je surpris Diane en la devançant.
-          N’auriez-vous pas vu une jeune femme brune aux cheveux longs ?
Son sourire s’effaça laissant place à une douce grimace. Elle pinça les lèvres et hocha la tête pour montrer la piste de danse avant de déclarer :
-          Il y en a plein!
-          Non, elle n’est pas…
En regardant le visage de Diane, je fus pris d’une étrange sensation. Je ressentis une énorme tristesse, une mélancolie dont je n’arrivais pas à comprendre l’origine. Puis, tout devint lucide bien que je ne susse comment l’expliquer. Le visage de Diane s’effaça laissant place à celui de Marion. J’avais en face de moi la femme que j’avais aimée. Elle avait ses yeux, ses traits, son nez, ses petites lèvres et la même fragilité dans ce regard perdu. Dès lors, j’oubliai Tatiana et repris la classique discussion entretenue avec ce charmant esprit.
Après quelques phrases échangées, nous dansâmes. Elle rit à toutes mes blagues, s’amusa follement puis me proposa de l’accompagner dans sa chambre. Je ne ressentais plus cette froideur au contact de sa peau. Je ressentis même une certaine chaleur à l’écouter et la regarder. Alors, je suivis la chimère pour une énième nuit avec elle.
Arrivés à l’étage, rien ne ressemblait à la maison. D’ailleurs, Diane sembla aussi perdue. Les couloirs soudainement vieillis, le sol recouvert de bois là où il y avait du carrelage, les murs devenus brutalement blancs et froids, apportèrent à l’atmosphère glaciale un aspect terrifiant. La prostituée n’osa plus avancer. Je compris qu’il se passait quelque-chose d’anormal puis, je vis Tatiana.
Dans sa longue chemise de nuit, elle marchait pieds nus sur le sol crasseux. Elle portait à la main une rose bleue qui parut étrangement devenir rouge. Je ne l’appelai pas l’observant en train de marcher dans le couloir devenu un dédale de pièces. Tout à coup, elle entra dans une des salles et disparut avant même que je puisse prononcer un mot.
Le temps de me tourner et Diane n’était plus derrière moi. De même, le couloir reprit sa décoration des années trente. Elle m’attendait devant la porte de sa chambre. J’avançai vers elle. Je l’enlaçai et sans attendre, j’embrassai son cou intensément. Ses mains toujours froides caressèrent mes cheveux, sa jambe se colla contre moi m’invitant à la saisir et la prendre tout en la portant. Elle soupira, m’embrassa avant de se glisser le long du mur. Dès lors, elle baissa mon short et sa bouche étonnamment chaude  profita de ma vigueur.
Lorsque je me réveillai dans son lit, Diane était partie. La musique ne résonnait plus. J’étais bien seul dans la maison. Je rejoignis ma chambre, le jour commençait à pointer son nez. Tatiana dormait, tournant le dos. Sans faire exprès, je la réveillai mais elle ne bougea pas.
-          Tu vois que tu pars la nuit ! grommela-t-elle.
-          Toi aussi. Tu n’étais plus là quand je me suis réveillé et je t’ai vu aller dans une autre chambre !
-          Pff, n’importe quoi ! Je n’ai pas bougé.
Je préférai me taire et m’endormir. Ma compagne se retourna. Elle colla sa tête contre mon torse. Je sentis ses cheveux noirs. Elle caressa mon ventre avant de murmurer :
-          Tu as changé de parfum ? Il ne sent pas comme d’habitude.
-          Toi aussi ! dis-je. Le tien est plus musqué et plus masculin.
En fait, Tatiana sentait le souffre.
Alex@r60 – mars 2021
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mmsbp · 5 years
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Électre
L'Argos bienveillant du temps des innocents.
Oh Électre, tu n'es qu' une petite fille que déjà tout te fascine et t'attire, depuis la beauté de la ville aux paroles des plus nobles personnes qui t'entourent. Une infinité d'auteurs ont pu décrire Argos, la ville et ses gens, mais aucun ne saura jamais la percevoir comme Électre du fond de ses entrailles.
Ce ne sont que des souvenirs. Ils sont nombreux et flous, ils flamboient dans ses plus vieux rêves. Parfois Électre se retrouve dans d'autres villes, mais sans en apprécier réellement les formes, si éloignées de la nature vibrante de l'Antique cité.
« Électre, viens ici !
-Oui père.
-Tu as bien suivis tes cours aujourd'hui ma fille?
-Oui, tous.
-Bien, bien. Allons nous balader alors. »
La gamine que tu as été souris, ses yeux explosant de joie dans le silence de sa posture altière. Ton père, c'est l'homme de ta vie. Il s'ancre en toi par le seul amour que tu as pour lui. C'est celui qui t'aidera à survivre. Mais aujourd'hui ce n'est encore qu'une partie de bonheur. Et cet inestimable trésor de gaieté sait tout à fait comment s'infiltrer en chaque morceau de ton être.
« Père ?
-Oui ma fille ?
-Est-ce qu'Oreste va vraiment grandir ?
-Évidemment, comme toi tu l'as fait ! »
Et il rit. Ton père n'est pas si ouvert d'habitude. Alors tu exultes encore plus et brilles de sourires éclatants. Évidemment tout n'était pas beau et parfait, mais certains instants te permettaient de redevenir l'enfant que tu étais.
Commencer par le dégoût et finir dans les fleurs.
Tu avais neuf ans depuis quelques jours et le soleil frappait, tapait de plus en plus fort sur ton crâne dénué de chapeau. Mais tu devais courir loin de ça, d'ici, de ce palais d'horreur qui devenait un peu plus repoussant à chaque pensée affluant dans ton cerveau.
Il y avait encore ces quelques images, que ton esprit te restituait, à ta plus grande horreur. Vraiment, les échos puants que ces souvenirs te lançaient griffaient ton semblant de logique. Tu te sentais perdue dans une espèce de bouillie infâme qui bousillait tous tes piliers. C'était piquant et toxique, et ça te prenait à la gorge aussi fort que les offrandes matinales qu'on avait l'habitude de faire à Argos.
Ce que tu avais vu, tu voulais l'oublier. Ta mère et ses cris répugnants, sur un homme.. un.. un homme fichtrement nu. Ça, tu rêvais de l'oublier pour toujours. T'en peux plus de courir, t'en peux plus de penser, alors tes jambes cèdent sous le poids de tes larmes.
Le soleil brille, l'herbe est bien verte, et tes genoux se noient sous le sang et le sel de tes sanglots devenus grinçant et bruyants. Il y a cette multitude de sensations, de sentiments, et de réflexions enfouies juste là, sous ta boite crânienne, que le monde entier ne pourrait pas contenir tant elles bourdonnent.
Cette femme. Cette femme tu ne la voulais plus comme mère. Tu la voulais au cachot, tu la voulais invisible et disparue. Pas ici, pas là-bas dans ce lit. Pas à gâcher l'amour de ton père.
Chacun ses horreurs, ses fureurs.
La guerre battait son plein, et en ton fort intérieur tu n'étais sûre ni certaine d'apprécier tellement cette animation. Il y a à peine quelques années, tu étais l'innocente qui pensait que ce serait éphémère, comme les papillons. Mais ça n'avait rien à voir. Ça ne s'arrêtait pas. Comme un sablier aux grains de temps infinis.
Un petit rire glacial s'échappa de tes pauvres lèvres roses. Heureusement que les gens ne te voyaient pas, ils auraient peur de la fausse enfant que tu constituais. De toute manière on te cloisonnait dans une pièce ou deux, pour te.. protéger. Cette fois c'est ta tête de poupée qui se secoua.
Tout ceci était ridicule. Tu savais comment ça allait finir.
Mal.
Des bruits de pas frappèrent violemment tes oreilles habituées au silence des couloirs d'été. Il te suffit de sortir pour glisser ton regard un peu partout. Alors tu te faufiles, sans bruit, avide d'action. Mais tu aurais adoré ne pas voir ce qui se déroulait.
Cet homme qui parle au détour de tes pas, il te fait vomir depuis que tu l'as surpris. C'est Égisthe. Tu peines encore à supporter la propre idée qu'il vive ici bas. Puis il y a cet autre homme, un des rare que tu aimes. Ton seul allié ici. Et les deux s'affrontent, tombent et se relèvent de mille et une façons. Un énième coup et une chape de rouge s'étale dans ton champ de vision. Ton coeur implose quand toutes tes veines se cristallisent. C'est de la terreur dans ton cœur.
Parce que c'est le cou de ton père qui est à moitié déchiré devant toi.
C'est son sang qui s'échappe.
« Il est mort ?
-Oui, une bonne chose de faite. »
Il ne te restait plus qu'à tomber, encore.
Merci Maman.
Énumération de désastres.
Tu étais restée plantée une éternité dans ce champ de mort, sans savoir que faire ni que penser. Sans savoir si tu devais te réveiller. Rouvrir ta conscience, ce serait libérer la boite de Pandore et ses mille maux. Tu n'avais pas envie de souffrir encore plus.
Tu frissonnes quand de nouveaux sons atteignent ton esprit décomposé. Il y a ton nom quelque part dans ce palais qui fait écho à ta terreur. Et ça te fait enfin bouger, relever les genoux et courir vers celui qui t'appelle, le plus vite possible.
Oreste est là, entouré de gens aux regards implacables, entouré de ta mère et son amant. Deux meurtriers. Il t'appelle mais on te tient, il hurle et on le frappe. Il va être exilé. Et Argos a un nouveau régent. Quelle belle vie.
On grandit, mais dans la folie.
On aurait pu chanter tes aventures dans les épopées. Mais ça n'aurait été qu'un amas d'où dégringolent rêves et malheurs. Rien de bien fascinant ou vivifiant. Non, ta vie n'était pas faite pour autant de nobles choses n'est-ce pas Électre ?
Après la mort de ton bien-aimé père et l'exil de ton frère, il n'y avait plus que toi entre le trône et le couple de ta mère. Elle avait tout essayé. Le chantage, l'assassinat, les promesses.
Tu aurais peut-être préféré y passer. Mais on avait su t'aider à éviter les lames, alors tu avais décidé de ne pas gâcher les chances qu'on t'avait donnée. Tu essayait de vivre. Les auteurs n'en parlent pas tellement, mais les habitants d'Argos et les nobles voyaient bien le jeu dans lequel tu étais emmêlée. Certains t'avaient pris sous leurs ailes. Ils t'avaient formée.
C'était indéniablement l'une des meilleure chose de ta pauvre existence. Tout ne tournait alors plus qu'autour de survivre, venger ton père, obtenir Justice. Peu importe l'illégalité, ça t'importait peu. Les dieux étaient de ton côté. Tu le sentais à chaque instant dans les temples et dans tes prières.
Cher Père, Je vous aime toujours plus qu'hier et moins que demain, mais rien n'est et ne sera plus profond que mon attachement à votre personne. Vous m'aidez en tout, j'aimerais pouvoir vous tenir une dernière fois contre moi et oublier le monde autour. J'ai seize années derrière moi et votre assassin régit toujours Argos sous l'emprise de ma génitrice. Pauvre de vous.. cette femme est monstrueuse. Je n'aurais jamais été comme cela avec vous. J'aurais été une meilleure épouse. Demain je serais unie à un plébéien. Rien de bien incroyable, au contraire. J'en ressens une horreur puissante et terrifiante. Il n'a rien de semblable à vous, rien d'appréciable. Il est dégoutant et.. l'union sera affreuse. Je n'ose penser à la façon dont je vivrais ensuite. Pensez-vous que tuer ma génitrice soit une bonne chose ? Je le crois en tous cas. Mais je rêve de connaître votre avis, si précieux à mon âme. J'attendrais une brillante occasion de la punir et de vous rendre Justice mon tendre père. Le temps est si vaste sans vous.. Je vous veux près de moi, contre moi, dans le jour comme la nuit. Vous me manquez. Puisse les dieux vous protéger. Votre fille qui vous aime du plus lointain de son cœur, Électre.
Dépliage de vérité sur la ville des mensonges
C'est le moment favoris des dramaturges. Tu n'en raffoles pas tellement. Franchement, être à un point de rupture et voir différents miracles arriver ne t'avais pas rendu si euphorique qu'on pourrait le penser. Tu détestes le décor qui accueille ces évènements..
Sans penser, tu grattes à sang ta cuisse avant qu'une main râpeuse embarque douloureusement ton poignet. Il serre fort comme un monstre et tu te gardes simplement de couiner de douleur. Mais la nausée est là, comme à chaque contact. Avec cet étouffement intérieur constant et mauvais.
« Tu fais un bruit monstre femme, arrête de bouger ! »
Et cette chose te balance vaguement au bout de votre couche. Si tu pleurais, il entendrait. Si tu osais mettre un pied hors de la couverture, tu te ferais lyncher. Alors tu t'immobilises simplement pour ne pas pleurer ni hurler.
◊ ◊ ◊
Tu avais reconnu ton frère sans aucune hésitation et vous aviez parlé de tout. Sa colère contre votre mère et son amant avait jailli du fond de ses entrailles et tu avais eu un espoir fou et puissant de Justice pour votre père.
Ça n'avait pas raté, mais le suicide d'Oreste se sentant coupable de son matricide avait brisé le peu de joie que cela restituait en toi. Un mal pour un bien, ça ne te rendait que plus vide. Mais la ville entière avait enfin tout su, et avait été libéré de toutes les magouilles du Régent et de ta génitrice. De mille mensonges et faux-semblants pour une Justice claire et meilleure. Mais toi, tu n'avais rien de changé, tu restais enchaînée.
Tout était si fatiguant.
Tu avais continué de chercher justice pour tout ce qu'on t'avait fait. C'est comme ça qu'il était mort, ton mari. De tes propres mains rougies et de ton cœur battant plus vite que le galop des chevaux. Mais cette euphorie était volage. Elle s'enfuyait rapidement.
Tu t'étais juste laissée faire quand les corinthiens sont entrés pour de bon dans la ville, des mois plus tard. Tu ne t'étais ni débattue, ni défendue. Tu attendais de rejoindre les bras de ton Père, loin d'ici.
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Sort pour rendre quelqu'un obsédé par vous-Marabout professionnel
Sort pour rendre quelqu’un obsédé par vous-Marabout professionnel
Sort pour rendre quelqu’un obsédé par vous-Marabout professionnel
Je sais qu’il y a une fine ligne qui sépare l’amour de l’obsession, mais je sais aussi que certaines personnes n’obtiennent une tranquillité d’esprit que si la personne dont elles sont amoureuses devient obsédée par elles. Donc, même si je préviens que l’obsession peut être un espace dangereux dans lequel on peut se retrouver,…
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jimmysabater · 5 years
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Ados et à cran (Les enquêtes d’Emilie Frinch)
Jeudi 8 septembre
Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
Vendredi 9 septembre
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années.
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Samedi 10 septembre
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
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**Baby Snatcher**  - Partie 3 -
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Jo m’attend, clope au bec, lunettes de soleil et beau café fumant à la terrasse du Kawa, notre petite place fétiche qu’on a adopté pour nos meetings commérages.
- Alors ma Mimi ! Comment te sens-tu ? La gueule de bois est passée, tu as pu te reposer hier soir ?
- Hahaha…’’reposer’’ tu dis ? si tu savais ! tu n’imagines même pas !
- Oh my god!! Potins, potins ?? aaaaahh je ne peux pas croire que les 2 seules soirées ou je ne suis pas avec toi, il se passe des choses!
- C’est que lorsque tu es là, tu es mon ange gardien qui me raisonne ! Seule, je ne fais que des conneries !
- Oh ben non Mimi, tu t’amuses, tu profites, tu as raison. Bon, commande un café, vite !! racontes-moi tout !
- Tu as combien de temps devant toi ? parce que j’en ai pas mal à raconter.
- J’ai TOUTE la journée ! me répond-t-elle en s’esclaffant.
Après une bonne gorgée de café, je commence à conter mes péripéties des deux derniers soirs: la sortie improvisée au billard, la confrontation avec les policiers, le retour mouvementé, le mal de corps et de tête du lendemain, la rencontre avec Zack, mon kidnapping et enfin, le baiser….
- Holy shit girl ! ah ouais, il s’en est passé des bonnes ! un jeunot de 20 ans en plus ! hahaha tu me fais trop rire. C’était quoi déjà ta résolution pour ton nouveau départ en Australie? Rappelle-moi ?!
- Chut…je sais, arrête d’en rajouter une couche s’il te plaît. Moi-même, j’ai envie de me mettre une gifle.
- Ben non !!! c’est toujours comme ça Mimi ! tu sais bien ! Je suis persuadée que ton Zack…tu vas le kiffer de ouf ! à coup sûr. Les rencontres inattendues du genre, dans un moment où toi tu pensais te blinder et ne pas te mettre dans une histoire, et bien c’est toujours les plus intenses…Crois-en mon expérience.
- Oui, je sais, et c’est bien cela qui m’effraie.
- Vis le moment présent, et ne te poses pas de question pour l’instant. Tu verras cela en temps et en heure. Pour le moment, PROFITES !!! En plus, vois le bon côté des choses : c’est un anglais !! Tu vas améliorer ta compréhension, ta prononciation, tu vas devenir full bilingue en deux temps trois mouvement ! Ça va te changer des français relous et chiants comme la pierre !
- Attends de l’entendre parler. Je ne suis même pas sûre de pouvoir le comprendre à 100% mais t’as raison, je vais vivre ça au jour le jour. Pas de stress, pas de pression.
- Bon…tu me raccompagnes jusqu’à chez Erin, je dois garder sa petite ce soir. Toi tu flirtes, tu butines et moi je change des couches et donnes le biberon…On échange nos places ?
- Hummm, attends, laisse moi réfléchir…..ishhhh…NON !! allez je marche avec toi, et ensuite je vais aller voir si ma touche est là pour faire un peu plus connaissance !
- Trèèèès bonne initiative ! j’aime quand tu me parles comme ça !
 On se quitte donc au coin de nos rues avec Jo puis j’arrive enfin au backpack, il n’y a pas âmes qui vivent : yeahhh, je vais pouvoir chiller au calme : Le bonheur ! Je décide de m’étendre quelques minutes sur mon lit à la fraicheur de la climatisation qui ronronne tel un chat…je ferme les yeux…juste deux minutes…zzzzzzzzzzz…ok je m’endors comme un bébé pendant 3 heures.
 Une caresse sur mon visage, vient m’extirper du sommeil dans lequel je m’étais totalement abandonnée. J’ouvre difficilement les yeux, et sursaute quelque peu à cette sensation sur ma joue.
Je rappelle que je me trouve en Australie, et que c’est le pays des bestioles et insectes aussi gros que ma main : donc il y a de quoi sursauter quand tu sens quelque chose qui te chatouille sur le visage ! Sauf que cette fois-ci, c’est seulement la main de Zack.
- Hey Beautiful, bien dormie ? bien reposée ? désolé, je ne voulais pas t’effrayer.
- Coucou…oui ça va merci. T’inquiètes pas, c’est juste un réflexe physique. J’ai tellement eu peur que ce soit une araignée ou un cafard…arkk.
Pour la petite histoire, les cafards en Australie se prennent des balades bien chill dans les rues à tes pieds et pèsent au bas mot 1 kilo… (ok j’exagère un peu mais pas tant) 
- As-tu faim? Syrus et moi, on prépare des burgers, cela te tente ?
Un mec qui non seulement, vient me réveiller gentiment et qui en plus me propose de la bouffe…je dois encore être dans mon sommeil en vrai…suis-je vraiment réveillée?
- Oh my…oui je veux un burger c’est clair !
- Ok so wakiwake baby doll, on mange dans 10 minutes.
Durant ce BBQ, je fais donc la connaissance de Syrus, SY pour les intimes. C’est l’ami d’enfance de Zack, ils se connaissent depuis toujours, viennent du même endroit et voyage en Australie ensemble.
Sy est pas mal atypique comme garçon. Drôle de personnage mais très attachant et sympathique. Grand, blond, des yeux bleus tous ronds qui lui donne cet air ahuri, en continue, comme s’il débarquait d’une autre planète et que le rythme de celle-ci ne lui était nullement adapté : trop rapide pour sa personne…Il est doté d’une espèce de ‘’fausse’’ candeur et d’un semblant de naïveté qui font que tu l’aimes quoi qu’il arrive.
Les voir aller ensemble, me rappelle notre mode de fonctionnement avec Jojo. Jamais l’un sans l’autre, prise de décisions mutuelles, unis, soudés.
Il va donc falloir trouver ma place dans ce schéma triangulaire, De par mon expérience, je sais que l’amitié est plus forte que tout, et je sais que celle-ci va être un obstacle à beaucoup de choses. Je le pressens au fond de moi, 6e sens féminin oblige, mais je décide d’ignorer les gros warnings qui s’affichent dans mon esprit. Je prends part aux festivités, entame une approche avec Sy, mange le meilleur burger au monde et profites de la chaleur des bras de mon beau Zack…la vie est douce et agréable pour moi, en ce soir de Février dans la ville de Sydney : jusqu’à quand ?
Notre idylle d’un soir se mute en une histoire tout court. On fusionne, on est collés, on ne se lâche plus. Zack part travailler chaque matin, m’abandonnant à mes oreillers et ronflements de nos compagnons de chambrée et mes journées sont alors rythmées sur le tempo des secondes et des heures qui me séparent de la chaleur de ses bras et de ses baisers. Depuis deux semaines, nous dormons tous les deux dans mon lit ‘’simple et superposé’’ dans une chambre contenant 6 personnes. On possède le lit du bas sur la structure. On a donc créé un ‘’mur’’ de serviettes le long des barreaux du lit afin que nous nous sentions dans un cocoon privé. C’est fou ce que l’amour peut te faire accepter comme situation. Non mais c’est vrai sérieux ! T’as vu où que tu accepterais de faire l’amour dans un lit simple avec genre 5 personnes qui vont et viennent autour ? Non parce que bon, genre la première fois tu veux te la raconter et tu te dis que le meilleur endroit c’est quoi ? La salle de bain, sous la douche: porte qui se ferme à clef / intimité assurée et étouffement du bruit avec l’eau qui coule, tu te sens confiant, jusqu’à ce que, tu esquives plusieurs fois la chute mortelle sur un sol glissant en te rattrapant au robinet brûlant de la douche, que tu boives la tasse 3 ou 4 fois parce que ta tête se retrouve plus de 10 minutes sous l’eau! Au final, faire l’amour dans une chambre de six…
Ben crois-moi que tu l’acceptes et que tu t’en moques ! 
Attends, le lit gagne la loterie dans le domaine du confort. Même si tu dois malgré tout aussi développer des techniques particulières pour éviter de te blesser ‘’encore une fois’’ ou de gêner tes voisins…J’ai découvert une souplesse et une élasticité de mon corps insoupçonnée : elle a disparu depuis… à mon grand désarroi, l’âge te rattrape toujours, maudits rhumatismes et muscles en carton papier maché.
Je me laisse vivre, et ne me rends même pas compte que nous arrivons à la date fatidique des amoureux : La Saint-Valentin. Personnellement, c’est une date que je n’affectionne pas particulièrement. Je m’en fous en vrai. Je trouve cela trop surfait. 
Ahhhh le discours de la fille indépendante et féministe ! J’avoue que si on me propose de sortir en tête à tête à la St Valentin, je suis IN à fond ! Faut être honnête les filles !.
Mais, Zack en revanche, ne l’a pas oubliée. Lorsque je me réveille ce matin-là, j’ai un petit mot griffonné sur du papier, qui m’informe que je dois me faire belle ce soir car mon amoureux m’emmène au restaurant…Je peine à croire ce que je lis. J’ai eu des relations longues et importantes avec des hommes qui étaient ‘’pourris’’ niveau surprise et lui, au bout de deux semaines, il me sort le grand jeu du romantisme. J’ai limite la larme à l’œil. Je décide donc de faire honneur à cette belle invitation et de sortir mes plus belles parures pour le rendre fier.
ALERTE AU CLICHÉÉÉÉ !! Ma journée s’alimente donc de coiffeur, manucure, shopping et j’en passe :  Mon dieu que c’est le fun de jouer à la séductrice.
18h30, mes cheveux longs lissés, combi-short noir sexy mais pas trop, chaussures à talons et mon beau bronzage australien mis en valeur, j’attends mon cavalier pour la soirée qu’il m’a promise.
Il arrive dans l’encadrement de l’escalier, et j’avoue qu’il n’a pas fait les choses à moitié non plus. Il a laissé au vestiaire ces shorts et sa veste orange de voierie pour laisser place à un beau pantalon / chemise digne d’un courtier en bourse. Il tient dans sa main une rose rouge. Il fait voler en éclat mon cynisme sur le fait qu’il n’a que 20 ans. Je le trouve tellement beau, et adorable. Il arrive face à moi, ses yeux s’illuminent, et laisse entrevoir le réel désir que je lui insuffle.
- Whaou…You are amazing, my Beautiful.
- You too Babe. Où m’emmènes-tu?
- You will see, surprise !
On embarque dans un taxi, direction…la plage et la terrasse d’un restaurant japonais. Quand je pense qu’il y a deux semaines, j’hurlais à qui veut l’entendre que je ne voulais plus de relation : la vie te joue des tours, toujours…La soirée est des plus douces, j’ai des papillons dans le ventre, je commence à me laisser totalement aller dans cette idylle. 
J’aurai dû le prédire, que lorsque je me laisse aller, c’est le début des emmerdes.
à suivre ...
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riovikings · 4 years
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Note de Rio : La mère de Ivar et de ses frères (Aslaug) n'a pas été tué par Lagherta dans ce one-shot.
Asta se promenait sur les quais de Kattegat en attendant l'arrivée de son prince qui était partie en raid avec ses frères et quelques hommes. Déjà quasiment 2 mois et demi que Ivar était parti. Tout comme Ivar manquait à Asta, Asta manquait à Ivar. Sur un drakkar Ivar regarde la ligne d'horizon qui est dressé au loin. Il pensait à Asta. Ses beau cheveux long blond polaire tressées en une tresse africaine. Il se perdait dans ses yeux gris orageux. Il est dans le besoin de ressentir le touché de sa bien-aimée, de sa femme, de sa princesse. Il est sorti de ses pensée par son frère ainé Ubbe.
« - A quoi penses-tu Ivar ?
- A rien.
- Ce rien ce ne serait pas Asta ?
- ... Oui. »
Ivar a répondu sans trop réfléchir à la question. Lui qui par habitude ne parle pas de sa vie sentimental et intime à ses frères, il a simplement répondu « Oui » à l'entente du nom de celle qui fait tous ses désirs. Ubbe à aperçût une lueur de bonheur dans les yeux de son plus jeune frère. Les dieux savent à quel point Ivar Lothbrok est fou amoureux de cette femme unique. Et cela n'échappât pas à Ubbe qui avait remarqué que Ivar est bien différent avec Asta. Il est plus calme, doux, attentionné, protecteur. Même si Ubbe n'y aucun de ses autres frères ne sont au courant de la relation de couple que mène leur petit frère et Asta, ils pensent que ces deux dernier sont seulement de bon amis, mais que Ivar ressent des sentiments plus que amicaux pour Asta. Ubbe tapote le dos de Ivar et regarde ses autres frères avec un sous-entendu « il faut l'aider avec Asta ». Si ils savaient...
Les drakkar arrivent au port de Kattegat. Dans sa robe en satin de couleur bleu, Asta enlace Ivar et salue ses frères. Ils parlent tous ensemble de leur petite aventure. Puis sans en dire plus Asta et Ivar parte en direction de la hutte de la jeune fille. Elle embrasse son bien-aimé.
« - Tu m'as tellement manqué !! Je n'en pouvais plus de t'attendre !!
- C'était insoutenable. Plus que les autres fois. Comme si ma conscience me disait de rester avec toi. Mais à ce que je voie tu es bonne santé princesse. »
Sa conscience ? Asta pensait savoir d'où ceci venait. L'instinct.
« - Je te prépare un bain. Tu as besoin de te laver. »
Ivar plonge son nez dans la chevelure polaire de la jeune fille et inspire son odeur attrayante.
« - A condition que tu vienne avec moi.
- D'accord. » dit-elle avec joie et sourire.
Asta aide Ivar à se déshabiller et à plonger dans l'eau chaude du bain. Elle lui embrasse le front. Elle se déshabille en retour sous le regard admiratif de Ivar qui détail la moindre parcelle de son corps. Il passe un doigt le long de sa colonne vertébral lorsque Asta se tourne pour poser sa robe sur une chaise. Elle frisonne et soupire. Elle rentre dans le bain et s'assoie entre les jambes de son amant qui entoure le buste de Asta de ses bras musclés. Cela fessait trop longtemps qu'il n'avait pas ressenti la douceur de sa peau et la chaleur qui s'émanait d'elle. Il prend délicatement dans ses mains les seins de Asta qui sur le coût lâchât un profond soupir et un couinement de douleur brève. Il remarqua que sa poitrine était un peu plus grosse que à son habitude et que Asta est bien plus sensible. Il n'est pas idiot, il sait pertinemment que quelque chose d'inhabituelle se passe avec Asta. Un tas de scénario se fessait dans sa tête. Mais il a confiance en Asta et sait pertinemment que jamais elle ne serait aller voir un autre homme pour coucher avec lui. Elle est le femme le plus fidèle.
« - Asta tout vas bien ?
- Ou... oui. Tout vas bien ne t'inquiète pas. »
Ivar à la capacité de savoir si Asta mentait ou pas.
« - Asta, rien ne sert de mentir avec moi. Tu le sais mon amour. Alors dit-moi !
- Un jour tu voudrais avoir des enfants ? »
Un peu perplexe Ivar souris à la question. Bien sûr qu'il en voulait, et seulement avec Asta. De plus faire des enfants est très productif et plein de plaisir corporelle.
« - Bien sûr que je veux des enfants. Pourquoi cette question ?
- Et bien il se trouve que j'attends un enfant. Je suis enceinte Ivar. »
Ivar n'en revient pas ! Il pensait qu'il était stérile à cause de la mauvaise expérience qu'il avait eu avec cette tchoin de Margrethe. Mais depuis qu'il avait réussi à faire l'amour à Asta, à lui procuré du plaisir, à jouir en elle, il était devenu euphorique à l'idée de pouvoir avoir des enfants plus tard avec elle. Mais il ne pensait pas que plus tard s'agissait de quelque mois de relation. Mais après tout Asta est déjà en âge de donné naissance. Elle est fertile et lui aussi.
Sans s'en rendre compte Ivar caresse le bas du ventre Asta. Il sentit déjà une enflement, l'enfant qui grandissait.
« - On vas avoir un enfant Asta ?!
- Oui Ivar, ton enfant. Notre enfant. A nous deux. Tu en rêvait et moi aussi.
- Ce jour est enfin venue. »
Ivar embrasse Asta avec tout l'amour du monde. Il est heureux de voir ses désirs se réaliser. De constater que les reste de l'inquiétude de pouvoir ne pas procréer c'est définitivement envolé à l'instant même de l'annonce de la grossesse de Asta.
« - Asta !! Je suis tellement heureux ! Te savoir avec mon enfant dans ton ventre est le plus beau des cadeau !
- Moi aussi je suis heureuse Ivar. Je ne me voyais pas passer ma vie sans toi ! Je suis fiancé au plus beau, au plus fort et au plus intelligent des hommes et être fécondé par lui-même. »
Les deux amoureux s'embrassent langoureusement et tendrement. Dans une lenteur excitante. Mais tout ceci est interrompu par l'arrivé d'une personne dans la hutte de Asta. Une voix retentit.
« - Ivar ?! Tu es là ? »
Les deux jeunes avaient reconnu la voix de la mère d'Ivar qui venait de rentrer dans le petit hall de la hutte. Asta sort du bain et enfile rapidement une robe puis vas voir Aslaug.
« - Bonjour Aslaug ! Comment allez-vous ?
- Bonjour Asta ! Je vais bien et toi ?
- Merci je vais très bien. Vous êtes à la recherche d'Ivar ?
- Oui, il n'est pas rentré. Ses frères m'ont dit qu'il était partis avec toi.
- Ah... heu...oui. »
Asta rougit, gêné de la situation. Il faut dire que ni elle ni Ivar avait mis au courant quelqu'un de leur relation.
« - Il est ici ?
- Heu... o... oui ! Oui, oui !! Il est bien là. Je vais le chercher. Installez-vous sur la table. Je reviens le plus vite possible ! »
Aslaug sourit de l'embarras de la jeune fille qu'elle a vue grandir en compagnie de son plus jeune fils. Et elle se demandait bien ce qu'ils pouvaient entrain de faire pour que Asta soit embarrasser de sa venue dans sa hutte à la recherche d'Ivar.
« - Ivar je t'aide à te laver ta mère attend à côté !
- Je t'en prie, rien ne me fait plus plaisir que de me faire lavé par toi.
- Et avoir un enfant ne te fait pas plaisir ? » sourit-elle malicieusement.
« - Me faire laver et un enfant me font plaisir. Te faire l'amour aussi ça me fait plaisir !
- Tu parles trop ! »
Asta fit une petite tape sur la tête du jeune homme. Elle savonne les cheveux d'Ivar tandis que celui-ci se lave le corps. Puis le rince. Elle lui passe des habits qu'elle pose sur son lit. Ivar lui vole un baiser et sort de la chambre de la jeune fille suivit par celle-ci. Il voit sa mère et l'enlace.
« - Bonjour mère !
- Bonjour Ivar. Comment vas-tu ?
- Bien et vous ?
- Je vais bien merci. »
Asta sert de l'hydromelle à Ivar et à Aslaug. Aslaug regarde du coin de l'œil Asta qui se sert un verre d'eau contrairement à ses habitudes quand il y a des invités chez elle.
« - Tu ne prends pas un verre d'hydromelle Asta ?
- Heu... Non, j'évite d'en boire en ce moment, je préfère boire de l'eau.
- Je vois. Ohh mais tu as les cheveux tout mouillé. Donne moi une serviette que je te les sèches. »
Effectivement. Quand Aslaug est arrivée Asta n'a pas eu le temps de ce séché. Elle prend une serviette que Aslaug utilise. Ivar à bien remarqué que sa mère agissait bizarrement, comme si elle se doutait de quelque chose.
« - Vous allez bien mère ?
- Oui. Pourquoi ça n'irais pas ?
- Je ne sais pas. Je vous trouve étrange aujourd'hui.
- Etrange dis-tu ? C'est plutôt à vous deux qu'il faut dire ça.
- Comment ça ?
- Voyons Asta. Ce n'est pas à moi que tu ferras avaler ceci.
- Je ne comprend pas. Je vous assure. »
Oh que oui elle comprenait très bien, de même pour Ivar. La mère du jeune homme avait décelée quelque chose. Ils savaient que cacher la vérité à Aslaug ne servait plus à rien. Au temps tout avouer.
« - Ivar quand demanderas-tu Asta en mariage ? »
Ivar s'étouffe avec sa boisson et tousse avant de regarder Asta puis sa mère. Il ne s'attendait pas à une tel question !
« - Et bien... Comment vous dire ça ? Asta et moi sommes déjà fiancé. »
Aslaug sourit de toutes ses dents et enlace Asta.
« - Ivar !! Asta !! Quelle bonne nouvelle !! J'étais persuadée qu'un jour ou l'autre vous vous unirez !! Je n'en pouvais plus de vous voir toujours ensemble sans rien que n'avance. Mais visiblement vous avez déjà des projets !!
- Merci Aslaug. Cela nous fait plaisir de vous voir ravie de nos fiançailles.
- Asta tu es la femme parfaite pour mon fils. Je n'aurais souhaité personne d'autre que toi ma chérie. Vous commencez à établir des projets pour votre futur. C'est très bien. Vous grandissez.
- Mère.
- Oui Ivar ?
- Pour ce qui est des projets on en a déjà un qui devrait être réalisé dans quelque temps.
- Lequel ?
- Celui de fabriquer un berceau. »
Aslaug est tellement choqué et émue par le sous-entendu de son fils que des larmes coulent de ses yeux. Elle regarde sont fils et sa belle-fille. Aucun sons ne sort de sa bouche.
« - Mère ?
- Aslaug ?
- Ivar. Asta. Par tout les dieux. Vous avez procrées !! Vous allez avoir un bébé !! »
Aslaug se lève et embrasse fort dans ses bras les deux futurs parents. Elle continue de pleuré de joie et dit :
« - Effectivement Asta. L'hydromelle n'est pas bon pendant la grossesse. »
Elle embrasse le front de Ivar et celui d'Asta, puis béni le ventre de Asta en posant une main sur le bas du dos de Asta et une autre main sur la bas de son ventre. Ivar regarde la scène avec un regard admiratif.
« - Je vous aimes tout les deux mes enfants.
- Vous voulez dire tous les trois mère. »
Ils se mettent à rire puis se rassoies autour de la table. Aslaug reprend la parole :
- « Il faudra annoncer ces deux bonnes nouvelles à vos frères Ivar. Ils sont persuadés que tu n'arrives pas à avouer t'es sentiment à ta charmante fiancé. Enfin ! Ils ne savent pas que vous êtes fiancé ! Ils sont entrain de comploter afin de vous mettre ensemble d'une façon ou d'une autre !!
- Si ils savaient !! »
Quelque minutes plus tard, Aslaug rentre eu près de ses autres fils toute souriante tandis que Ivar et Asta passe une nuit agitée.
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pieropolis · 5 years
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Mon premier livre "como la cigarra"
(Il y a quelques années, j'avais commencé à écrire une histoire, sans me rendre compte, l'histoire s'est allongé jusqu'à 3 chapitres, après jusqu'à 6 et jusqu'à 10 et je n'ai pas encore fini...)
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L'œuvre s'appelle [Como la cigarra] comme la cigale en Français pour la chanson de la chanteuse sud américaine Mercedes Sosa écrit par Maria Elena Waltz
Cet livre est resté secret pendant longtemps et elle le restera toujours meme si je vais la publier en peu ici dans mon journal/blog intime. Ce petit extrait de l’oeuvre est loin de démontrer la complexité entre ses mots. Personne dans ma famille sait jusqu’à aujourd'hui que je suis entrain de l’écrire depuis 2012. Oui! c’est longue mais je ne suis pas pressé à le finir. Au début, je voulais peut-être un jour le publier. Maintenant, je veux juste prendre le temps de l’écrire jusqu'à mes 50 ans. Le laisser pour mon fils ou ma fille. Qu’elle devient mon légat dans cette vie. 
“Comme la cigale” parle sur un voyage à un univers parallèle. Là où personne sait ce qui se trouve, là où seulement l’imagination nous amène. Là où l’inconscient devient réel et où le collectif vont créer un monde au reflet de l’être humain. Là où le temps n’est pas ce qu’il est pour nous. Là où le passé, le present et le future son un. Là où rien est tout et il existe seulement que l’éternel. Cette ouvre n’est pas fait pour plaire le lecteur moyen. Les personnages ne sont pas fait pour plaire ou pour être aimés ou pour s’identifier. Des personnages humains avec pleins défauts, avec de peurs qui vont évoluer ou pas* à fur et à mesure que l’histoire se déroule. Un oeuvre qui commence par la fin et fini par le début pour signaler les boucles vécus. Un voyage existentiel où les beaux retours son le pain de tous les jours. Comme la chanson le dit:  
“Chantant au soleil comme une cigale
après un an sous terre,
tout comme le survivant
qui revient de la guerre.”
Voici le prologue et le chapitre 1 traduit en français que je voulais poster ici dans mon journal qui est comme le coté caché de la lune.
Prologue
Un jour 13 du mois appelé par le septième mois romain. Un jeune couple se disputent pour des problèmes économiques. La jeune femme nommée Elizabeth traversait une phase très délicate en étant au huitième mois de sa grossesse. Pendant un certain temps, elle était plus inquiète à propos de certaines choses. Son attention était davantage portée  plus dans l'accouchement que sur les loisirs qu'elle pratiquait auparavant. Au fond de ses pensés, elle remettait souvent en question de nombreuses situations; parfois elle se sentait effrayée et inquiète à cause l’accouchement. Elle avait besoin d'attention et de l'affection... se sentir protégée. Mais Rubén qu'était son mari avait toujours la tête ailleurs quand il était devant elle. Le jeune futur père craignait de voir comment changeait sa vie. il avait de plus en plus peur de la suite. Rubén aimait Elizabeth et il aimait son petit en chemin, sinon que ça allait très vite pour lui et quand des choses vont à grand vitesse dans sa vie, il sent le vertige. 
Rubén était un ouvrier d’une usine. Il quittait la maison pour aller sur son lieu de travail et il est rentré tous les jours à la même heure; à l'exception du premier de chaque mois où après d’une journée de travail, lui et son salaire mensuel allient en chemin vers le pub du coin.  Il passaient du bon temps avec ses amis et il relaxait du stress que la vie et le travail l’ont procuré durant les derniers 30 jours. Au foyer, le problème commençait en plain milieu du mois lorsque l'argent manquait pour les dépenses de base. Elisabeth était épuisée de cette situation à tous les mois. Ils n’avaient pas payé la facture d’électricité et le service téléphonique était plusieurs mois en retard. Les factures débordaient sur la table, beaucoup portant des lettres rouges indiquant «urgent»; certaines enveloppes n’étaient même pas ouvertes parce que les nouvelles qu’elles apportaient étaient déjà connues, justes de dettes. Elizabeth avait pensé plusieurs fois qu'elle en avait marre de vivre de même. Épuisée de voir Ruben tomber dans un vice destructeur, car qu'elle a grandis avec un père alcoolique qui avait frustré sa vie et celle de sa famille. Un père qui a donné à elle et sa famille des souvenirs amers. Elle ne veut plus répéter ceci avec son fils. Il n'aura pas question. Elle décida comme dernier recours d'avertir Rubén pour qu’il puisse prendre conscience de ce qu’il pourrait perdre. Pour qu'il puisse s'en échapper de ceci, d'arrêter de dépenser de l'argent en alcool et de s'amuser de cette manière. Pas pour elle, mais pour son bien à lui-même. Elle ne savait même pas s'il l’était toujours fidèle, il ne connaissait plus Ruben; dans son élan, il lui avait adressé un ultimatum au milieu de la confrontation.
-J'en ai marre de cette situation! -Avec une voix très altérée, regardant directement dans mes yeux, elle continue. -Je dois toujours te dire que nous devons payer les dettes, l'hypothèque, la nourriture. ‘Mais toi! tu t’en fou!..
- Amour s'il te plaît, calme-toi, ce n'est pas bon pour le bébé ... Je vais voir comment je vais faire, calme-toi. -Il a dit en essayant de calmer sa femme.
-Non! Rubén - Elle l'interrompre en demontrant son incrédulité et continua. -La seule chose que tu faites c’est de dépenser de l'argent pour t’amuser. J'espère juste que tu n’a pas utilisé les 5 000 $ pour le dernier versement de l'accouchement…
Rubén se défendant dit:
-NON, non, non tu parles comme si je serais un idiot. En plus, nous avons aussi acheté beaucoup de choses pour notre fils. Ce n'est pas que je dépense tout l'argent non plus! Les choses que nous allons acheter pour notre fils seront vu plus tard. Je travaille toute la journée, je rentre à la maison fatigué, je dois me reposer! C’est sont toujours tes hormones qui te mettent dans cet état ...
Elizabeth ne pouvait pas supporter son cynisme et elle lui a répondu fermement ...
-Non, nous ferions mieux de couper ton plaisir, arrêter de faire la fête avec tes amis qui ne sont que tes amis, car tu leur paies des bières.
Les illusions de Rubén pour avoir un augmentation ou d’avoie un meilleur travail disparaissaient de plus en plus. La discussion devenait de plus en plus forte, à tel point que le volume du son de la télévision où il y avait la nouvelle qu’annonçait la mort d'un architecte et homme politique uruguayen ne pouvait pas faire competition à la dispute du jeune couple.
Élizabeth sachant que rien ne serait résolu; décida de finir avec la discussion et exprime sa peur.
-Je te demande de changer Rubén, s'il te plaît! fais-le pour le bébé. Il y a des jours que tu pues l'alcool, tu ne pouvais même pas bien prononcer les mots. -elle continue à parler avec beaucoup de chagrin et en allant vers les escaliers qui menaient au premier étage, elle continue: -J'ai dû te mettre au lit avec cet état parce que tu ne pouvais même pas marcher, tu étais très étourdie et je me suis fait mal pour ne pas te laisser sur le plancher de l’entrée. -Les yeux larmoyants étaient perceptibles.
Elizabeth continue son discours pendant qu’elle marchait vers l’escalier pour éviter les blessures que cette discussion pourrait créer au sein du couple.  Elle a fini pou dire son ultimatum: -Si tu ne fais rien pour améliorer ton attitude et ton problème d’alcool, je pars avec ma mère! - à ce precis moment, sans se rendre compte où elle avait son pieds; elle fait un faux pas sur l’une des marches, perdant l’équilibre et en tombant l’un après l’autre jusqu’à que le plancher du premier étage l’arrêta.
Début
Et il tombe à une vitesse vertigineuse, où le balayage de l’air frappe son corps en le faisant dévorer des bouchées d’air torride qui l’étouffent. Lui rappeler des sensations lointaines. Se sentir présent dans ce monde qu’il avait l’habitude d’ignorer. Rien que de voir le paysage dans lequel il était sur le point de tomber, ça lui donnait la chair de poule. Un homme incontrôlable et contrarié a fait froid qui lui fournissait son corps, à cause de ce sentiment qui ne l’avait pas laissé seul pendant tout le trajet. Qui finirait dans l’un des endroits les plus reculés et indésifiables de ce plan, cette fosse noire, la fosse de l’extinction. Vers un trou noir au milieu d’une telle terre abrupte, un trou noir, si noir que la lumière avait parcouru à peine cet endroit, seuls les rayons extérieurs du ciel brûlant frôlaient
À continuer...
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emilie-frinch-blog · 5 years
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Les Enquêtes d'Emilie Frinch, de Jimmy Sabater (roman jeunesse)
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Jeudi 8 septembre
Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
Vendredi 9 septembre
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années.
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Samedi 10 septembre
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
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Soie Cerise, BatB fic, Chapitre 3
Titre : Soie Cerise (ai-je déjà dit à quel point j’étais nulle pour trouver des titres corrects?)  
Auteur : Yoda-Ben2
Fandom : Beauty and the Beast (2017)
Genre : Cucul. Avec du cul. Avec supplément de guimauve. Mais, genre qui colle aux dents.
Rating : E  
Pairing : LeFou/Stanley, mention de LeFou/Gaston en sens unique  
Stanley avait été chargé de prendre les mesures des hommes, pour le pharaonique projet du prince : organiser en trois mois un bal regroupant toute la population de Villeneuve, qu’il fallait habiller des pieds à la tête ! Le plan était simple : robes de cotonnade blanche plissée et coiffes assorties pour ces dames, culottes et vestes de velours noir sur amples chemises blanches pour les hommes, avec garnitures en collier. Belle et le prince auraient des costumes à part, en coton imprimé de fleurs et velours bleu ciel. Déjà, sa mère et ses sœurs avaient réquisitionné toutes les petites mains du village sachant tenir une aiguille pour aider à mesurer, découper, faire les ourlets, assembler et coudre les innombrables métrages d’étoffes. Les plus doués s’étaient contentés de récupérer le tissu déjà découpé pour assembler les costumes à domicile, mais une bonne partie de la population de Villeneuve avait besoin de l’aide d’un professionnel. Stanley avait pu prendre les mesures de tous ses clients, mais il lui en restait un qui ne s’était pas présenté.
Étienne Gabriel Nicolas Le Folliet, plus connu sous le nom de LeFou. Et accessoirement, objet de toutes les pensées de Stanley.
Avouer ses penchants à sa famille avait été la plus dure épreuve de sa vie d’homme, mais fort heureusement pour Stanley, ses parents et ses frère et sœurs l’avaient soutenu de manière inconditionnelle. Monsieur et Madame Laurent avaient, après la naissance de Dick, leur aîné, été endeuillés plusieurs fois avant la naissance de Stanley, puis celle de ses sœurs, qu’ils tenaient pour miraculeuse. Ils l’acceptaient tel qu’il était, sans réserve, et étaient bien décidés à faire front pour défendre leur puîné si nécessaire. Assez vite, ils se rendirent compte de la préférence que Stanley entretenait pour le frère d’armes de la vedette locale, mais ils étaient loin de la vérité.
Pour Stanley, lorsqu’il voyait LeFou entrer quelque part, c’était le Soleil levant. Le jeune tailleur n’avait jamais vu de plus bel homme, de plus spirituel, de plus aimable, de plus digne de tendresse que le lieutenant de Gaston, et la lui avait accordée sans limites.
Ce qui était au départ un béguin d’adolescent s’était changé en amour fou. Malgré la discrétion quasi-paranoïaque que Stanley entretenait sur le sujet, sa famille l’avait bien cerné. Ses sœurs considéraient cette flamme d’un œil moqueur, sa mère d’un œil attendri, son père et son frère d’un œil critique. Ces derniers craignaient que LeFou ne puisse accorder à Stanley suffisamment de son temps pour le rendre heureux, mais pour cela, encore fallait-il que le jeune tailleur ait eu le courage d’avouer ses sentiments et que ceux-ci fussent réciproques. Or, Dick voyait bien que si son jeune frère n’avait d’yeux que pour LeFou, il n’osait jamais l’aborder sérieusement. En même temps, comment le blâmer quand servir de faire-valoir à Gaston était un emploi à temps plein ?
Le soir venu, après avoir bâti quatre chemises, une demi-douzaine de culottes de velours et cinq jupes, Stanley avait été envoyé se coucher. Le jeune homme avait retourné dans sa tête l’entrevue avec LeFou et à chaque fois, essayait d’y trouver des signes de l’intérêt du vétéran à son égard. Il défit ses cheveux, se prépara pour la nuit. Est-ce qu’il avait une chance avec lui ?
Stanley, tout chamboulé à l’idée de non seulement se trouver seul avec LeFou dans la même pièce, mais encore de le toucher sur tout le corps pour prendre ses mesures, avait masqué son émoi sous une façade d’indifférence, et il craignait d’en avoir trop fait. Il avait été trop froid. Il aurait dû engager un propos léger, de quoi meubler le silence, le mettre à l’aise. Sans doute LeFou avait-il été rebuté par sa dureté, et ne lui adresserait plus la parole. Non, tenta de se raisonner Stanley. LeFou était là pour se faire prendre des mesures. Le draguer alors qu’il était probablement mal à l’aise aurait été une erreur. Il aurait tout le temps par la suite de rectifier le tir. Pourquoi pas, au bal… ?
Lorsqu’il entra dans son lit, il étreignit son oreiller, imaginant le corps robuste contre le sien, ses puissants bras dans son dos, la belle voix vibrante lui faire des déclarations comme celles des beaux héros en dentelles des romans de ses sœurs.
Il avait eu de nombreux fantasmes bien moins sages, naturellement, mais ce soir, il rêva de bonheur domestique, de promenades romantiques sans risque d’être raillés, ou pire, brûlés en place publique comme des criminels. Il rêva de baisers échangés avant d’aller au travail, de maison, de grands repas de famille où, par orgueil, il montrerait le plus bel homme du monde et annoncerait fièrement que c’était le sien. Il rêva de repas en tête à tête, de veillées blottis l’un contre l’autre, de nuits paisibles, de tendres étreintes dans leur lit. Stanley s’endormit le sourire aux lèvres, ce soir-là, en se promettant de faire de LeFou l’homme le plus élégant de la soirée ; il y veillerait personnellement.
Le lendemain, il fut envoyé chercher à la taverne un repas tout prêt pour toute la famille, Madame Laurent n’ayant pas le temps de préparer quoi que ce fût. Il y trouva LeFou, assis à un tabouret, à côté du fauteuil préféré de Gaston. Il se dépêcha de prendre commande et se tourna vers le vétéran.
- Bonjour ! Lui dit-il en s’approchant.
LeFou se tourna vers lui et répondit à son salut d’un air gêné. Stanley ignorait pourquoi.
- Tu sais, tu serais mieux installé sur le fauteuil, lui dit-il gentiment.
- Je sais, répondit LeFou d’un ton embarrassé, mais… Hé bien.. C’est encore trop tôt pour moi. J’ai encore du mal à me faire à l’idée, et c’est comme si c’était… Impoli.
Stanley s’assit près de lui.
- Tu es chez toi, maintenant, lui rappela-t-il. Tu peux prendre tous les sièges qui te plaisent. Mais… Peut-être qu’il faudrait mettre celui-là un peu à l’écart, pendant un temps ? Pour te laisser le temps de réaliser, tu vois ?
- Je vois.
- Tu n’as plus besoin de rester comme ça, assis à l’ordre. Tu as le droit d’être confortablement assis. Je n’aimais pas quand tu passais des soirées entières sur ce tabouret, fit Stanley.
- Je ne passais pas mes soirées sur ce tabouret, protesta LeFou.
- Symboliquement parlant, je voulais dire, corrigea Stanley.
LeFou réfléchit un instant. Quelque part, c’était vrai. Jamais Gaston ne s’était inquiété de son confort, le tabouret près de son accoudoir représentant l’honneur suprême, alors qu’il paressait dans un fauteuil confortable. LeFou devait toujours être prêt à jaillir de sa place pour commander une bière, entonner une chanson à la gloire de Gaston, ou esquisser un pas de danse. Pendant qu’il était plongé dans ses pensées, Stanley s’était levé et avait approché un autre fauteuil qu’il mit près du feu, emmenant celui de Gaston dans un coin. Il tendit la main à LeFou d’un air engageant.
- Installe-toi mieux, Étienne. Pour me faire plaisir ?…
LeFou le regarda, étonné. Le sourire de Stanley était irrésistible. Il sourit à son tour, accepta la main tendue et s’affaissa à petits coups de hanches dans le moelleux du fauteuil. Il était à l’aise. Diablement à l’aise.
- À la bonne heure, dit Stanley d’un air satisfait en reprenant sa place sur la chaise. Alors, quels sont tes projets pour cet endroit ? Tu vas changer autre chose ?
- Eh bien, il y a aussi toute cette décoration, poursuivit LeFou en désignant d’un geste vague l’ensemble de la pièce. Tout porte sa patte, il est peint sur tous les murs.
- Je peux être honnête ?
LeFou hocha la tête, intrigué. Stanley se pencha vers lui d’un air de confidences.
- Je déteste ces trophées de chasse et ces bois de cerf partout. C’est ridicule !
LeFou se mit à rire, pour la première fois depuis les funérailles. Stanley aimait ce rire.
- Tu as raison. Et si l’endroit est à moi, je suppose que je peux faire quelques arrangements. Ce sera plus sain de ne plus voir autant de choses qui me le rappellent. Et depuis son incartade, plusieurs clients m’ont dit ne plus vouloir voir son portrait.
- Alors c’est l’occasion de trouver autre chose à représenter. Des paysages, peut-être ? Puisque tu as voyagé…
- Ce serait une excellente idée. Et enlever ces bois de cerf qui ne servent qu’à accrocher les chapeaux.
- Tu as des idées, c’est une bonne chose. J’aime te voir faire des projets. Je m’inquiétais pour toi.
- Pour moi ? Balbutia LeFou, pris au dépourvu.
- Tu n’as plus de famille, Gaston accaparait tout ton temps. J’avais peur que tu te retrouves désœuvré, et ce n’est pas dans ta nature d’être oisif.
- C’est gentil, murmura LeFou, ému.
Stanley lui sourit encore, d’un air doux que LeFou ne lui avait que rarement vu. Il sentit la main du jeune homme se poser sur la sienne, sur l’accoudoir. Est-ce que… ?
- Stanley !
La voix de Madame Laurent les fit sursauter. De là où elle était, elle ne vit pas tout de suite son fils et LeFou. Ils se levèrent, embarrassés.
- Tu fais la lanterne magique alors qu’il y a tant de travail ! Je ne t’enverrai plus chercher à manger si tu lambines autant !
- Pardonnez-lui, dit LeFou, c’est moi qui l’ai retenu. Je lui demandais des conseils.
La modiste se radoucit.
- Oh, LeFou ! Tu es seul ?
LeFou hocha la tête.
- Le repas est prêt ? Demanda Madame Laurent à son fils.
- C’est prêt dans quelques minutes, assura Stanley.
- Commande une part de plus. LeFou, tu viens avec nous. J’entends que tu déjeunes en compagnie ! Tu saurais coudre, par hasard ?
- Heu… Je n’ai fait que des sutures…
- Bon, alors tant pis. Tu nous raconteras des histoires. Les filles ont besoin de distractions pendant les ourlets. Pas de discussion ! Commanda-t-elle d’un ton qui ne supportait aucune contradiction.
Pendant ce temps, une servante arriva avec une marmite couverte, un panier de fruits et un gros pain bis. La modiste chargea le tout dans les bras de son fils et de LeFou et retourna à la boutique d’un pas tout militaire.
Ce jour-là, LeFou, assis auprès de Stanley, de ses sœurs et de son frère, raconta tous les contes qui lui traversaient l’esprit. La famille Laurent était installée dans la cour, où la lumière était excellente, et tous cousaient en bavardant gaiement. Les triplées réclamaient des romances avec de fiers soldats, les enfants des contes de fées avec des dragons, Guillaume et Dick des histoires de régiment. Stanley se contentait de l’écouter, souriant tout en cousant.
Ce jour-là, LeFou eut, l’espace de quelques heures, l’impression d’avoir à nouveau une famille.
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adrienmeunier · 4 years
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Tintamarres
I
Tout a commencé un matin. C’était tout étrange et froid. Le réveil hurlait à côté du lit et moi ça m’a mis de mauvaise humeur. Encore une journée qui allait me rendre fou. Il y a eu le café froid et les biscottes molles. Après c’était le métro.
Au travail, on s’est tous engueulés pour une histoire de courrier en retard et de patron exigeant.
En sortant de là, j’ai croisé une dame sur un trottoir. Elle voulait venir chez moi pour que je la baise. C’était une pute en fait, pas très belle. Mais, comme elle ne faisait que tousser, je lui ai dit de me suivre.
Chez moi, elle s’est déshabillée devant le lit. Elle disait sans arrêt que c’était moche ici et qu’elle aurait dû en choisir un autre. Puis elle a voulu que je la paye avant. C’était bien cher pour ce corps bizarre qu’elle m’offrait. Mais dans le fond, comme ça allait me changer des pignolles, j’ai fièrement sorti les billets de ma poche. Elle les a rangés dans un porte-monnaie sans me dire merci.
Il s’agissait d’être vigoureux à présent. C’était pas facile de se concentrer car elle regardait le plafond sans gémir. Moi, ce fut rapide, comme toujours. Après j’ai eu l’air bête, tout essoufflé par ma prestation, je n’ai rien dit. Elle, elle m’a demandé si elle pouvait dormir ici, pour rien. Elle ne voulait pas retourner travailler puis me trouvait bien sympathique malgré mon zizi mou. Je lui ai dit oui, pensant qu’un peu de compagnie ne me ferait pas de mal.
Pendant la nuit elle a grelotté en plus de tousser et de suer. Mes draps étaient trempés, c’était insupportable. Je me suis dis que j’aurais dû la foutre dehors, elle et ses microbes. Après un long moment infernal je me suis endormi et elle aussi je crois.
Le matin, je me suis réveillé dans un froid diabolique. C’est même lui qui m’a tiré du lit, en sursaut. Alors, j’ai compris pourquoi il faisait si froid. En plus de l’hiver qui habitait chez moi, c’était plus une femme que j’avais contre ma peau mais un cadavre vert. Gelée qu’elle était, morte et sans souffle, collée à mon corps. Alors là j’ai fait des petits sauts partout dans la chambre, je ne savais pas que cela pouvait arriver. J’étais comme un asticot qui s’énerve pour rentrer dans une pomme. Je criais des mots que je connaissais à peine. Après j’ai pleuré sur mon lit, à cause du choc. J’en avais rien à foutre de l’autre qui était venue crever ici. Elle le savait que c’était la dernière pour elle, elle n’a rien dit. Quelle misère! Qu’est ce que j’allais faire? Je ne pouvais pas la mettre à la poubelle, la concierge la verrait sûrement et là j’aurais des ennuis. Elle était déjà trop dure pour que je puisse la cacher dans un placard. Je n’allais quand même pas appeler la police, ils débarqueraient ici, chez moi, ils m’assailleraient de soupçons et de menaces et moi je céderais, pour sûr. Je décidais de ne rien faire, de ne rien dire. J’ai remonté les couvertures sur la tête de la dame après lui avoir fermé la bouche, pensant que tout un tas d’odeurs allaient bientôt en sortir.
Je suis descendu dans la rue et me suis arrêté dans un café. C’était plutôt ce que l’on appelle un troquet, avec ses tables et ses chaises qui font du bruit sur le carrelage. Au barman, j’ai demandé un café cognac et un œuf dur. Après, je ne lui ai demandé que du cognac puis j’ai fini par m’enfiler la bouteille. J’étais saoul comme une femme, à gerber tous les quart d’heure dans les toilettes. Entre deux vomis j’ai croisé ma montre qui affichait un retard scandaleux pour mon travail. J’ai dévalé les rues comme un sauvage, m’arrêtant régulièrement pour vomir. J’ai fini par atteindre l’endroit où je travaillais depuis si longtemps. Tous les gars faisaient des têtes marrantes sur mon passage. Les femmes se bouchaient le nez en disant que j’étais vraiment surprenant. Puis, j’ai croisé le patron. Un brave homme dans le fond, il ne pouvait pas savoir qu’un macchabée m’attendait dans mon lit, chez moi. Il m’a vite expliqué que c’était bon, que j’étais libre de partir au plus vite et de ne jamais revenir. Je ne comprenais pas tout et faisais des efforts énormes pour ne pas renverser ma bile sur son tapis. Il a fini par me prendre par le bras pour mieux me pousser dehors.
Là, j’étais tout bête, dans la rue, à puer la misère. J’ai pris un bus qui m’a traîné près de chez moi. J’ai croisé la concierge qui m’a demandé ce qui n’allait pas, je lui ai répondu qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète car de moi-même j’avais trouvé que la poubelle n’était pas une bonne solution et que de toute manière elle n’en saurait rien et que ce n’était pas la peine d’enquêter. Elle est partie en se donnant des coups sur le crâne tout en lâchant des mots en portugais.
De nouveau chez moi, je suis allé tout de suite dans ma chambre pour vérifier que ma pute n’avait pas bougé. En tirant sur la couverture, je l’ai vue, dans la même position, inerte. J’ai alors pris une grande décision, celle de la laisser ici, dans le lit. Cette chambre deviendrait son tombeau et moi j’irai dormir ailleurs, pour toujours.
II
C’était pas facile au début. Il a fallu que je dorme sur le sol de ma cuisine, au milieu de plein d’odeurs. Ma morte était bien sage sauf qu’elle avait lâché du caca dans ses draps. Il y avait du pipi aussi. Sa peau s’était un peu relâchée et on voyait bien la forme de son crâne maintenant.
En fait, le plus dur, c’était que j’avais perdu mon boulot. Bientôt, je n’allais plus avoir assez de sous pour rester ici. Et là, si je devais déménager je serais bien emmerdé, avec ma pute. Je ne pouvais pas la laisser aux locataires suivants, ils n’y étaient pour rien eux et puis elle ne leur appartenait pas. Je devais absolument trouver du travail.
Je sortais tous les matins dans la rue. Je mettais mes lunettes spéciales recherche d’emploi, celles qui me transformaient en jeune homme sérieux. Je m’achetais un journal à la mode et repoussais en arrière une mèche de cheveux tout en le lisant. J’espérais en fait que quelqu’un m’arrête et me dise : ” vous, mon vieux, vous voulez un
travail. Suivez moi, vous me semblez parfait.” Mais ce n’était pas comme ça. J’ai dû ramper comme un insecte, me faire tout petit et tout bête. Les agences dans lesquelles je suis allé ne m’ont pas aidé.
C’est après une semaine que j’ai vu une affiche minuscule derrière la vitrine d’un boulanger. Dessus, il était écrit que quelqu’un cherchait une personne pour travailler la nuit. Moi, ça m’a intrigué et je me suis dit : ”mon petit Etienne, renseigne toi, celle là, c’est la bonne”. J’ai poussé la porte et derrière il y avait un monsieur. Il était gros dans son tablier incrusté de farine et d’odeurs. Je lui ai dit que je venais pour l’annonce et lui il m’a presque embrassé, il m’en a mis des accolades avec ses grosses mains qui me couraient dans le dos. Il était content de trouver un employé.
Le lendemain je commençais à travailler. C’était idiot ce que je devais faire, nettoyer, remuer, regarder et attendre, tout ça avec le gros qui chantait devant sa cuve de pâte dans laquelle il crachait régulièrement en riant parce que sa clientèle le prenait pour un bon pâtissier. Dans un coin de la pièce il y avait une radio. Une espèce de vestige criblé de farine dans lequel s’échouaient des émissions radiophoniques perdues dans l’atmosphère. C’était comme un rituel, ce petit objet, comme une messe quotidienne. Mon patron ne disait rien tant qu’elle n’était pas allumée, si un jour il s’était agenouillé devant je n’aurais pas été surpris.
Un de ces matins, quand je suis rentré chez moi, il y avait tout l’immeuble à ma porte. Ils disaient tous qu’une odeur insoutenable avait envahi mon appartement et qu’elle se diffusait dans tous les étages. Ils n’avaient pas l’air content du tout. Moi, je ne pouvais pas leur dire que c’était une pute qui était venue crever ici. Alors, j’ai tout de suite eu une idée formidable. Je leur ai dit que cela devait venir de mon vase de nuit. Ils avaient l’air sceptique. Je suis allé le chercher et ils se le sont tous passé, plongeant consciencieusement leur nez dedans. Ils grimaçaient, grommelaient, disaient que j’aurais pu le vider avant. J’ai fait des gestes et des excuses, glosant à mon tour sur les effets nuisibles de l’urine oubliée. Une fois l’incident clos je devais m’occuper d’elle et de sa putréfaction. Elle avait commencé à se fossiliser sur le matelas, je ne savais pas trop comment faire.
J’ai pris un sac de ciment que j’avais dans le fond d’un placard. Je l’ai préparé et l’ai appliqué sur la femme. Je l’avais dressée contre un mur et pensais la transformer en statue. Ce fut infernal, j’en avais partout, de la chair moisie et du ciment frais. Après la première couche, elle tenait presque debout toute seule. J’y ai passé la journée, exténué que j’étais, après l’avoir complètement recouverte. Elle était là, raide sur ses jambes, comme une sculpture ratée, au milieu de la chambre. Je me suis allongé devant pendant longtemps afin de contempler à mon aise sa récente mutation. L’odeur avait cessé. Ensuite j’ai pris les draps et les couvertures dans lesquels elle avait mijoté ces derniers jours, j’en ai fait une grosse boule que j’ai enveloppé dans un sac poubelle. Je suis parti vers ma boulangerie avec le sac sur l’épaule et je l’ai jeté dans une benne à ordure qui prenait un trottoir entier et où s’accumulaient les déchets du quartier.
III
Dans tout ça il y a eu la guerre. On était allé partout dans le monde pour y apporter la civilisation et puis on avait fini par tous les emmerder et maintenant il fallait y aller pour les tuer. J’avais reçu un ordre de mobilisation comme tous les gens de mon âge, trop jeunes pour être vieux.
Avant de partir et de rendre l’appartement à la propriétaire, je devais me débarrasser de ma pute sous forme de statue. Je suis descendu dans la rue en pleine nuit avec elle dans les bras. J’ai marché jusqu’à en être complètement essoufflé. Je l’ai posée à côté de moi pour récupérer un peu. C’est alors que des flics m’ont arrêté. Ils voulaient savoir ce que je foutais ici avec cette chose à une heure pareille. Je leur ai répondu que je devais remettre cette œuvre à un ami. Ils ont trouvé cela bizarre et m’ont demandé mon nom. Je me suis dressé contre le mur et je l’ai sorti au garde à vous leur disant que je faisais parti des contingents pour l’Afrique. Ils se sont raidi d’un seul coup et se sont excusé. Ils m’ont tapé dans le dos, me disant que les patriotes étaient de plus en plus rares aujourd’hui. J’ai acquiescé en faisant des courbettes dans tous les sens.
Avant de partir je suis allé dire au revoir au boulanger. Il en a presque pleuré l’animal. Il est allé chercher un stylo dans un tiroir et m’a écrit son adresse afin que je lui donne des nouvelles. Il m’a dit que dès mon retour je pourrais compter sur lui pour du travail.
Le papier de mobilisation nous donnait rendez-vous dans une caserne à Blois. Une belle ville à se qui parait, sauf que moi je n’en ai rien vu. On était tous habillé de la même manière. On s’est fait traité d’incapables, il y a eu des conférences et des entraînements. Je devais ramper en hurlant dans la boue, c’était pas marrant. J’ai dû descendre des cibles de carton avec une mitraillette trop lourde pour moi.
Le soir on était tous dans la même chambre. C’était dégoûtant. Impossible de dormir dans ce bruit de narines. On nous réveillait très tôt, pour nous habituer à l’enfer d’après eux. J’aurais voulu leur demander si on s’y habituait à cette vie de dingue mais ça aurait été mal vu. On m’aurait sans doute traité de dégénéré ou de mauviette. Toujours est il que je ne trouvais pas ça drôle, ces singeries.
Après quelques jours, j’avais pour seul camarade un bègue. Il était encore plus maigre que moi et était criblé de tâches de rousseur sur le visage.
On s’est embarqué à bord d’un bateau. Il y avait du soleil un peu partout, de la chaleur et du monde. Beaucoup de femmes étaient venues pleurer pour le départ. Moi, j’ai pensé à ma pute que j’avais laissée sous un pont à Paris. J’aurais aimé qu’elle me vît avec le bègue, fier dans le vent du départ, solide comme un soldat de l’autre siècle. Elle m’aurait sans doute applaudi ou jeté des fleurs. Un gros bouquet qui serait venu s’échouer dans l’eau et qui aurait coulé magnifiquement alors que le bateau aurait commencé à partir. Cela aurait été bouleversant, les journalistes en auraient sans doute parlé. En fait, il n’y avait personne pour nous. Pas même un ami ou une sœur. Mon bègue bégayait comme jamais. Il avait l’air ridicule dans son uniforme trop grand, comme un épouvantail animé, maigre et blanc, sentant la peur et la sueur. Je me mettais devant lui pour que les gens ne me voient pas avec lui. Je ne voulais pas que la France gardât un tel souvenir de moi. Mais lui, il était grand comme une sauterelle et on voyait toujours sa tête au-dessus de la mienne. Je levais les bras en sautillant pour atténuer cet effet lamentable mais les gens ne nous regardaient pas.
La traversée fut longue. On allait en Algérie. Notre officier répétait qu’on allait leur faire la peau à ces boukaks.
Après une bonne semaine au milieu de l’eau et des cabines surchauffées on a vu la côte algérienne. C’était la même que celle que nous venions de quitter, une bande plate marron coincée entre le ciel et la mer.
Une fois dans le port c’était une cohue invraisemblable. Les autorités locales étaient perchées sur une estrade. De loin on pensait qu’ils nous saluaient mais en fait ils retenaient leurs képis à cause du vent. Il y en avait un au centre avec des médailles sur tout le corps, il avait un nez énorme. C’est le seul souvenir que j’ai de cette arrivée, ce nez, tel un panneau indicateur, dirigé vers nos têtes vides, comme un fusil en joue.
IV
La pétarade a commencé le lendemain. On avait voyagé toute la nuit dans des camions et dès l’arrivée on a dû gueuler et courir en tirant droit devant pour ne pas chier dans nos pantalons. Comme je n’étais pas brave, je me suis camouflé derrière le bègue. Je l’encourageais par des cris, je lui disais d’avancer, de ne pas avoir peur et lui il mitraillait, courbé comme une sale plante asiatique avec des dents en plus, des dents qu’il jetait à la face de tout le monde, au centre d’un sourire halluciné. Les corps tombaient en hurlant, comme l’éclair, en un instant. Il y avait du bruit et des balles au travers desquelles il fallait se frayer un chemin. Mon bègue s’était mis à pleurer et à galoper dans tous les sens, il enjambait tous les cadavres. C’est avec rage qu’il les a assassinés, tous ces gens, tous ces soldats. Il était ivre et moi j’avais peur, peur d’y passer connement. Je bénissais l’existence de mon insecte mitrailleur.
On a fini par se planquer derrière un talus. Là, j’ai trouvé une flasque de cognac qu’un des gars avait dans sa poche. On l’a bue avec plaisir à la santé de tous ces cons. Puis j’ai fouillé les poches d’un autre soldat barbouillé de balles et de sang. J’ai bien ri à la lecture d’une lettre parfumée que le gars conservait dans sa manche. Une lettre odieuse avec des je t’aime à tous les coins surmontée de bisous nombreux. J’ai ri, j’ai ri et puis j’ai fini par en pleurer aussi fort que je venais d’en rire; j’ai crié et tapé parce que des lettres comme celle là je n’en avais jamais reçu. J’ai jeté le papier au loin mais comme il n’était pas lourd et qu’il y avait du vent il s’est posé en face de moi. Je l’ai déchiré en tellement de morceaux qu’à la fin je n’avais plus que de la poussière dans les mains.
Après cela, j’ai expliqué au bègue pourquoi je pensais qu’il était idiot et combien je le trouvais ridicule et lâche. Ce qui était agréable avec  lui, c’est qu’il n’avait jamais le temps de répondre, on pouvait l’insulter, lui révéler tous ses crimes sans jamais avoir à entendre sa défense. Je lui ai bien expliqué que sa mère n’aurait pas été fier de lui pour cette journée qu’il a passé à gueuler et à pleurer, que ce n’était pas une attitude d’homme et que s’il avait si peur il n’avait qu’à se tirer une balle dans l’oignon. Il pleurait en gigotant, de la morve lui coulait du nez jusque sur le sol, il était pitoyable, moi, j’étais grand.
Le sommeil nous a pris un peu après. Je m’étais confortablement installé sur le ventre d’un soldat mort à côté. Il était encore chaud mais pas trop ensanglanté, heureusement.
C’est une voiture de la Croix Rouge, qui nous avait d’abord pris pour des morts, qui nous a réveillés. Les infirmiers ont sauté de joie et ont appelé leurs collègues pour admirer ensemble cette paire de héros. Je n’étais pas peu fier qu’on me prenne pour un vaillant guerrier et je poussais des petits cris de douleur qui ne faisaient qu’amplifier le bonheur des autres. Je leur ai dit que le bègue était avec moi et qu’ils pouvaient également le féliciter même si j’avais eu l’honneur de lui sauver la vie. Ils nous ont ramassés délicatement, comme deux objets inestimables. J’avais la tête tournée vers le ciel et c’était comme si on me portait en triomphe, je jubilais. Dans le camion on a eu droit à des sucres et des questions. Moi je préférais quand même bouffer leurs bricoles et comme le bègue n’était pas plus loquace que d’habitude ils ont pris un coup nos toubibs, ils étaient un rien déçu par les héros.
On s’est arrêté devant un hôpital de fortune qui n’était en fait qu’un tas de tentes d’où sortaient des cris de toute sorte. On nous a accompagnés dans une de ces cahutes. Il y avait des pansements sur le sol, des tissus imbibés de sang, des vêtements déchirés dans la hâte. Au fond, il y avait un monsieur qui interrogeait un demi-mort sur ses douleurs. Il avait des lunettes épaisses posées sur son front, quelques cheveux inquiets de leur sort et une blouse blanche. Il ne portait pas de chaussettes dans ses sandales de cuir, c’était une sorte de médecin pèlerin.
L’infirmier qui s’occupait de nous depuis tout à l’heure a attendu qu’il termine pour nous présenter. Il lui a dit qu’il nous avait trouvés à l’Est, seuls au milieu des morts et il a ajouté que nous étions traumatisés mais courageux. Le médecin n’était pas content, il lui a dit qu’il s’en foutait parce que d’autres soldats avaient besoin de lui et que des héros comme nous c’était moins grave que des mutilés. L’infirmier s’est senti idiot et moi j’ai trouvé ce médecin très con.
V
Les journées étaient plus agréables maintenant. J’avais mon bègue à côté de moi, on attendait dans des lits que la guerre se termine. On était pas blessé mais décemment ils ne pouvaient pas nous renvoyer au bain avant quelques semaines voire quelques mois de repos. On était des exemples, on parlait de décoration autour de nous, c’était la moindre des choses pour les deux rescapés de l’attaque la plus sanglante. On buvait du thé à la menthe en bouffant des dattes. Nos camarades d’alitement étaient de sournois abrutis qui semblaient avoir mérité leur repos, ils se vantaient moins que nous de leurs exploits, sans comparaison au notre d’ailleurs.
J’avais remarqué une petite infirmière. Elle avait de grands pieds et des seins comme des prunes mais dégageait une odeur tellement agréable que je la désirais. Quand elle passait à côté de mon lit, pour laver le cul du voisin estropié, je lui jetais de grands regards irrésistibles. Elle était obtuse car elle semblait ne rien y comprendre. J’avais beau geindre elle ne me remarquait à peine et préférait torcher les blessés plutôt que de s’occuper de moi. Je me suis donc mis à chier dans mes draps comme un môme. Des grosses merdes grasses, à cause des dattes sans doute. Elles s’étalaient sur mes cuisses et dans les draps. C’était pas agréable sauf que j’avais droit à des lavements particuliers qui me bandaient l’élastique. Mon prunier esquissait des sourires étranges à chaque fois. Je lui caressais légèrement les cuisses puis passait le reste de la journée à me pogner l’ami en pensant à elle.
Après quelques semaines de ce régime merdique, j’ai fini par me lever et aller vers elle alors qu’elle s’apprêtait à partir. J’ai buté dans une bassine pleine de pisse et me suis retrouvé à plat ventre par terre. Elle s’est retournée et m’a vu allongé sur le sol. Elle s’est approchée et m’a tendu la main. Il faut dire qu’elle avait de belles mains, et de beaux avant-bras roses comme un cul. Elle m’a hissé vers elle et m’a serré dans ses bras en me disant que j’étais tout mouillé et que je sentais l’urine. Je lui ai dit oui avant de l’embrasser fougueusement. C’était un grand baisé comme ceux que j’avais vus au cinéma. Ses cheveux plats et gras me caressaient la nuque, ce fut un moment unique. On s’est regardé dans les yeux. Puis j’ai laissé glisser mon pantalon et l’ai entraîné dehors afin que personne ne nous voit. Elle riait frénétiquement, c’était magnifique. On avançait la main dans la main, moi en slip et elle avec un sourire qui lui déformait le visage.  On s’est allongé sous un dattier mais elle a commencé par s’asseoir sur un cactus, ce qui la fit hurler. Je trouvais cela très embêtant car cela retardait le coït. Elle a voulu partir disant que cela l’agaçait, qu’elle s’était fait mal et qu’elle ne me connaissait pas. Après lui avoir retiré les aiguilles brunes plantées dans son fessier, elle a fini par m’avouer qu’elle n’avait en fait jamais fait l’amour avec un homme. La manière dont elle l’avait dit était extrêmement niaise, elle avait appuyé le mot “amour”, comme s’il était important. Je lui ai répondu que j’étais un expert des vierges et que je savais remédier au problème. Elle s’est renfrognée avant de rire bêtement. J’ai donc fini par l’attraper comme un chef, je m’enroulais ses jambes autour du cou et faisais semblant de lui parler italien. Je tripotais ses petits seins du bout des doigts en pensant à un pis de vache pour que cela me fasse de l’effet. La petite me caressait le dos en poussant toujours le même cris à intervalles réguliers. J’ai joui avec emphase et elle, elle paraissait déçue. Je me suis rabattu sur le côté et me suis allumé une cigarette. Elle s’est rhabillée doucement en prenant soin de laver sa petite barbe ensanglantée. On s’est parlé ensuite, elle disait que c’était douloureux comme plaisir et qu’elle ne recommencerait pas avant longtemps. Moi, j’ai tout de suite vu s’évanouir ma machine à bander et je me suis tout de suite redressé afin de lui prouver le contraire. Je lui ai dit que c’était dû à l’endroit, qu’il n’était pas confortable et qu’elle n’avait pas dû se concentrer assez, qu’il ne fallait pas dire que cela serait la dernière fois parce que c’était vraiment trop con et que maintenant qu’elle s’était lancée il ne fallait pas s’arrêter et que au bout de toute cette merde c’était du bonheur qui lui tendait les bras. Elle a répondu que c’était pénible. J’étais abattu. Je n’avais plus le courage de lui parler.
VI
Tout a fini par se passer comme nos premiers jours à l’hôpital. Mon infirmière avait demandé sa mutation pour la tente d’à côté et on a écopé d’une vieille religieuse barbue en échange. Pas question de se soulager l’entrejambe dans ces conditions. Mon bègue était passé dans un lit à l’autre bout de la salle. J’étais donc comme un gland avec ma bile à espérer une issue agréable à cette situation passagère.
Il ne s’est d’ailleurs passé que quelques jours avant qu’un gradé m’annonce que je pourrais bientôt retourner me battre avec mes camarades. Je n’ai pas vraiment apprécié la nouvelle et me suis mis en tête de ne pas y retourner du tout.
Le lendemain on me déguisait à nouveau en soldat. Le bègue s’en sortait mieux que moi car son mutisme inquiétait et on voulait le garder un peu, avant qu’il ne parte se faire déglinguer. J’étais bien évidemment jaloux et regrettais de n’avoir pas été aussi con que lui.
Mon officier m’a pris à part et m’a dit qu’il ne me raterait pas parce qu’il connaissait les héros dans mon genre. Je lui ai jeté un regard froid, il a tourné les talons et s’est dirigé vers un autre gars pour le sermonner. L’après midi je me suis retrouvé dans un camion pour rejoindre un détachement en difficulté. J’étais de plus en plus convaincu d’y laisser m’a peau à mesure que les coups de feu se faisaient proche. Quand on est descendu du fourgon, j’ai attendu qu’ils passent tous plus ou moins devant moi. Le sergent avait toujours un œil pour moi mais dès qu’il a eu le dos tourné j’ai détallé dans le sens inverse. Je courrais comme un bouc lorsque j’entendis mon supérieur hurler et tirer dans ma direction. J’ai redoublé d’ardeur et la confusion aidant, j’ai pu me planquer derrière une carcasse de voiture. Je me suis fait tout petit et comme je n’étais pas grand j’étais vraiment petit. J’ai observé les gars tomber et à chaque fois je me disais que j’avais eu foutrement raison de me carapater.
Dans ces pays, la nuit tombe toujours tôt. Dès lors que l’obscurité fut assez forte je suis lentement sorti de mon trou. J’ai avancé comme un somnambule dans l’obscurité. Je devais trouver des vêtements car si le moindre compatriote me trouvait il me dénoncerait pour avoir de l’avancement et moi je risquais la fusillade.
J’étais dans la région de Sadada et je savais qu’il y avait un grand lac dans le coin. Je ne connaissais pas la direction exacte et je me suis mis à avoir peur. Je me suis vu desséché sur un bout de terre d’ici, comme une sale bête qui finit par crever tellement elle est seule et perdue.
Je m’économisais, mesurant chaque pas et chaque souffle. Un vague vent frais planait autour de moi, je devais trouver un endroit pour la nuit, de l’eau aussi car je ne résisterais pas indéfiniment. J’ai jeté tout ce qui m’encombrait, la moindre charge devenant une garantie pour le cercueil. Ce qu’il y avait d’affolant, encore plus que la guerre peut-être, c’était ce vide, ce noir et cette impression d’extrême solitude. Je commençais presque à regretter ma fuite. Il me semblait que tout allait s’effondrer, tous mes efforts, tout ça pour rien ou plutôt pour un sursis de quelques jours seulement. J’étais terrifié. J’ai commencé à gueuler mais les seules réponses que j’eus furent l’écho de mes propres mots. Le sol était un mélange de poussière légère et de gravillons minuscules, une sorte d’avant goût désertique. Je m’obstinais à avancer dans la même direction. Le bruit que mes grosses chaussures faisaient amplifiait ma solitude et mon dégoût pour la mort. J’ai repensé à ma pute, j’ai repensé à ce jour qui a fait que tout s’est cassé la gueule, que tout s’est effrité. J’ai presque failli en pleurer. Je refusais cette merde, je ne voulais pas y rester, j’ai insulté tout ceux qui me venaient à l’esprit, tous les fantômes, tous les hommes. Je n’ai jamais rien demandé, j’ai toujours foutu la paix à tout le monde, alors pourquoi fallait il que l’on vienne me déterrer et me pousser jusqu’à la mort ? Je tapais ce sol maudit, cette terre qui ne laissait pas passer un gramme d’eau ni ne faisait pousser un fruit. Je me suis cassé les ongles à vouloir fendre le sol pour y trouver une source. J’avais de plus en plus soif, la folie s’était mêlée à ma gorge sèche. J’aurais bu un oued entier. Je voulais m’immerger dans l’eau, qu’elle me rentre dans le corps, que je disparaisse dans ses méandres. Au lieu de cela, je me suis allongé par terre et j’ai cherché le sommeil dans une position inconfortable.
VII
La lumière est apparue très tôt, alors que je luttais encore pour m’endormir. C’était une lumière crue et glacée qui emplissait tout l’espace. J’avais froid et peur de ce qui pouvait m’arriver dorénavant. J’aurais voulu me trouver au pied d’une source qui serait née pendant la nuit, mais cela n’existe pas. Je suis resté longtemps à pleurer sans bouger. J’aurais voulu disparaître en une nuit, m’évaporer dans l’ombre.
Quand le soleil commença à rôtir le décor je me suis levé et j’ai repris ma marche sans but. Le début fut terrible mais au fur et à mesure tout me paru plus simple. Je ne sentais rien, je marchais sans rien penser, pas même à l’eau ni à la nourriture. J’avais mis ma chemise sur ma tête et dans les bruits que moi seul provoquais en marchant, j’avançais. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Le temps n’existait plus, il n’y avait que ce soleil et cette terre sèche, sans discontinuer.
Je me suis évanoui dans l’après-midi. Tout était devenu sombre dans ma tête et puis je me suis affalé dans cette poussière. Encore une fois, je ne sais pas si cela a duré longtemps. J’ai repris conscience la nuit, alors qu’il faisait un froid immense. J’ai crié, j’ai appelé au secours, mais rien, rien. Rien que moi. Seul, assoiffé, épuisé. Je n’en pouvais plus, il fallait absolument que je boive. J’ai donc pensé à boire ma pisse. J’ai retiré ma chaussure gauche. J’ai tapé sur la semelle afin que les gravillons en tombent. Après, je me suis mis debout, j’ai lentement défait ma braguette, j’ai délicatement sorti mon membre et j’ai religieusement entendu le liquide couler. Cela n’a pas duré plus de quelques secondes. J’avais dans le fond de la godasse une sorte de boisson épaisse et puante. Jamais mon urine n’avait été aussi franche. J’ai pris la chaussure dans mes deux mains que j’ai inclinées et doucement cette eau a glissé le long de ma gorge, achevant de m’achever.
Je me suis réveillé à cause de fou rires autour de moi. Je ne savais pas si j’étais devenu dingue ou bien si c’était réel. Il y avait des tas de bédouins qui se tordaient de rire. Ils avaient tous un chameau chargé de babioles et ne semblaient pas émus par ma présence. L’un d’eux tenait ma chaussure dans sa main et riait encore plus que les autres. Il avait un grand voile blanc sur le crâne et les épaules. Ils parlaient tous leur langue d’arabe et moi j’étais furieux. J’ai commencé par attraper le gars qui tenait ma chaussure. Je lui ai enlevé des mains et l’ai remise à mon pied. Cela les a relancés dans leur rigolade exaspérante. Ensuite, j’ai gigoté autour d’eux en remuant mes mains autour ma bouche pour qu’ils comprennent que j’étais mort de soif. Un vieil arabe, un peu en retrait, a levé sa main et ils se sont tous tus. On m’a tendu une gourde en peau de quelque chose. J’étais aussi surpris que soulagé. J’ai englouti la gourdasse en un instant, sentant à chaque gorgée que je revenais en force dans cette vie pourrie. J’ai rendu la peau de machin, toute molle parce qu’elle était vide, au batakouèque qui me l’avait donnée. Ensuite, il s’est frotté le visage avec sa main avant de me montrer mon uniforme avec un air interrogateur. J’ai donc improvisé une danse pour leur expliquer les derniers jours que je venais de passer. J’ai fait des bruits de mitraillettes, des sursauts, des grimaces, je me tordais dans tous les sens pour qu’ils comprennent que je m’étais sauvé et que c’était pour cela qu’ils m’avaient trouvé planté là, avec une haleine de pisse. Ils ont eu l’air satisfait par ma prestation et m’ont offert de grimper sur l’un de leur animal à bosses.
J’ai donc suivi la caravane sans rien dire. J’avais le cul coincé entre deux bosses, c’était con comme position, douloureux  aussi, mais c’était plus rapide qu’à pied quand même. Mon chameau n’était pas ravi d’avoir une charge supplémentaire et il faisait le zouave dans le désert. Il ralentissait, quittait la troupe sans arrêt. Il se retournait en me regardant pour me montrer que c’était lui qui maîtrisait la situation. C’est con un chameau. Je m’esquintais à le rappeler à l’ordre en gueulant comme les autres et en tapant son maudit crâne. Sans succès. Un des arabes est venu m’aider à plusieurs reprises, il crachait quelques mots dans sa langue et l’autre se remettait à filer doux. J’aurais bien aimé pouvoir mitrailler de mots l’animal dans cette langue bizarre. Je lui aurais dit combien je trouvais son attitude exaspérante.
Après des heures de ce cirque infernal l’arabe en chef a stoppé le troupeau et on est descendu de nos bêtes. Ils se sont tous agités à déballer des choses et des trucs et en à peine une heure un campement était dressé avec un feu au centre alors que le soleil était parti faire chier l’Amérique.
Ils ont commencé par bouffer. Ils ont fait rôtir des tas de viandes sur le feu qu’ils ont baffrés ensuite en chantant. Je regardais tout ça d’un œil suspect et j’attendais le moment où, lassés par ma présence ils allaient me le faire sentir en fanfare. C’est que, ne pouvant communiquer, il y a comme une gêne qui s’installe. Tout ça se transforme vite en suspicions puis en envies de meurtres. J’ai eu droit à des regards tordus toute la soirée. Dès que j’avalais un morceau de plus de leur pitance, je sentais qu’ils se transformaient en vautours, tous ces camarades bédouins. Ils devaient se dire qu’ils finiraient bien par me bouffer et que tout cet investissement serait bien rentable dans le fond. C’est pas drôle de dépendre d’une bande d’enragés de cette espèce. Peut être qu’ils voulaient même me vendre comme esclave. Un petit blanc au service d’un cheik ça serait chic, qu’ils devaient se dire.
Après le banquet ils se sont tous retirés dans leurs tentes. L’un d’eux m’a montré un endroit où je pourrais dormir, c’était au milieu des chameaux, ils y avaient foutu un tapis et un drap, c’est mieux que rien, au fond. En quelques minutes tout était devenu silencieux et voila que je devais chercher le sommeil au milieu des bêtes. Ça sent mauvais, des chameaux, au repos.
VIII
J’ai passé la nuit à me méfier d’un éventuel réveil forcé qui se serait suivi d’une mise à mort sommaire. Il ne s’est pourtant rien passé et moi j’étais fatigué d’avoir été sur mes gardes alors qu’ils se sont tous réveillé. On est venu me trouver et j’ai dû les aider à tout remballer. Le soleil pointait à peine que nous on était déjà reparti sans laisser de traces. Je ne comprenais toujours pas où nous nous rendions et j’espérais que ce fut vers le lac Sadada, où je pourrais ainsi leur fausser compagnie. J’ai passé la matinée à la traîne, comme la veille, comme si mon chameau m’en voulait personnellement. J’étais coincé dans cette caravane étrangère comme un rat dans une souricière.
Vers midi on a commencé à traverser des petits villages. Ils étaient de plus en plus fréquents. A mesure que nous avancions l’activité grandissait, il y avait des marchés, des trafics bruyants et des paysans qui n’en finissaient pas de retourner la terre.
On a échoué dans une oasis qui n’était rien d’autre que l’endroit convoité. Ça m’a fait comme un grand plaisir de voir ça. J’ai pu recommencer à espérer dans tous les sens une solution à ma fuite. Pas un étranger en vue, que du local qui devait se foutre du fait que je sois un soldat français. Ça m’a donné des idées grandissantes de fuite encore plus flagrante.
Notre caravane s’est arrêtée là. Les bédouins ont mis en route leur commerce de choses et d’autre. J’ai commencé à fignoler en douce, esquissant quelques pas dans la foule mais cela n’avait pas l’air de les affecter. Ils ne s’occupaient absolument pas de moi. J’ai donc pensé que ça avait dû déraper dans ma tête ces derniers jours à cause de mon séjour dans le désert. J’ai commencé à éprouver une certaine sympathie envers ces saint Bernard mais comme je ne pouvais pas leur parler je n’ai rien dit. J’ai courbé trois quatre fois la tête dans leur direction en guise de remerciements et eux ont fait de même. J’ai donc mis mes mains dans mes poches et j’ai entamé une promenade dans le foutoir de cet après-midi.
C’est qu’il y en avait des gens amassés dans cet endroit. C’était comme si on y décidait l’axe de rotation de la terre, comme si toute nos vies dépendaient de leurs blablas. Ils étaient tous là à s’agiter dans tous les sens, à gueuler vendre et acheter. C’était étourdissant cette activité, cet acharnement à ne pas mourir. Il suffit d’un peu d’eau dans ce désert sans fin pour que tout se mette à vivre et à parler dans tous les sens. Donnez leur une flaque, ils construiront un empire. Et moi dans tout ça, je marchais ébloui comme dans une fête foraine. Je ruminais des solutions d’avenir. Je me voyais déjà sorti d’affaire et tout ça dans ma tête, bien sûr. C’est dangereux une tête, ça vous donne des envies pas banales et puis c’est difficile de vivre avec, après. On ferait mieux de ne pas y faire attention et d’y couper court au début, mais on n’ose pas, ça fait peur. C’est dans cet état que j’ai rencontré un anglais. Smith qu’il s’appelait, c’est pas original mais c’est mieux que rien, dans ces régions, on ne fait pas la fine bouche. Lui aussi il semblait ahuri et c’est naturellement qu’on s’est adressé la parole. Il parlait une sorte de français bien à lui qu’il assaisonnait de mots incompréhensibles à mon goût.
Il m’a traîné dans un débit de boissons que lui connaissait bien. Il m’a dit que c’était le seul endroit qu’il fréquentait par ici, par nostalgie. Nostalgie de son Angleterre et de ses bières, de ses nuages de pluies et de lait qu’il me disait, de son brouillard glacé aussi. Je n’ai fait que l’écouter en sirotant une bière du coin, pas vraiment fraîche ni vraiment bière, ce que la branlette peut être à la femme, en somme. Il m’a dit qu’il était ethnologue, dans son accent à lui bien sûr, ce qui rendait son métier encore plus obscur à mes yeux. Avant qu’il ne m’explique vraiment ce que c’était que d’être ethnologue moi j’avais déjà imaginé des choses terrifiantes sur son compte, comme mercenaire par exemple ou bien tueur à gage, on ne sait jamais ; malheureusement. On doit toujours se méfier, c’est régulier. Il s’est donc lancé dans des explications détaillées sur son métier étrange. Finalement, ça avait l’air d’une sorte d’enquête policière sur les peuplades d’ici. Evolutionnisme, comparativisme, positivisme et j’en passe parce que j’ai pas tout retenu par manque de temps et d’attention. Il m’a dit aussi qu’il allait bientôt partir et suivre des nomades, qu’il les appelait. Des nègres en fait. Il allait être le premier, d’après lui, à les approcher d’aussi près et à pénétrer leurs coutumes. Il était ému le cochon, même qu’il en a repris une bière tellement il n’en revenait pas. Il m’a dit encore qu’ils étaient passionnants et qu’ils avaient des coutumes sexuelles formidables dont il me parlerait plus tard. Ça lui allumait les yeux de me parler de tout ça, surtout de leurs histoires de fesses. Pour un type qui a passé sa vie dans les bouquins on peut facilement le comprendre, que ça l’émoustille, les fesses des autres. Et lui, il continuait à parler, planté devant moi, enfermé dans sa petite chemise brune et coincé derrière ses grosses lunettes de myope. Il enfilait les bières les une après les autres comme on enfile les perles sur un fil pour en faire un collier, sauf qu’a la fin y’avait pas d'collier mais un gars complètement bourré qui divaguait sans s’arrêter à propos de son ethnographie et de sa peuplade qui ne tenait pas en place autant qu’elle baisait joyeusement. Bref, on est devenu très ami, très vite.
IX
Smith, John Smith. Y’a pas plus con comme nom. Ça ne veut rien dire et ça ne sert à rien, ici, de trimballer un nom pareil. A ce moment précis, y’avait pas plus saoul que lui dans tout Sadada. Il avait sifflé le tonneau, à la santé de son pays et des femmes qu’il aurait pu, un jour, baiser. C’était pas beau cette affaire là. Je le traînais dans la rue devant le regard offusqué des musulmans, c’est à peine si on nous jetait des pierres, exercice dans lequel ils excellent, les salopards. Entre deux balbutiements vomiasques, il avait quand même réussi à me lâcher le nom de sa rue, le numéro aussi et même la couleur de sa porte. C’est impressionnant un anglais, quand même. Après avoir tournicoté dans le quartier un bon moment on a fini par la trouver, sa petite maison d’expatrié, financée par l’université de Southhampton. C’était d’ailleurs pas trop mal cet endroit. Il avait essayé de l’arranger, mon pote anglais, et il lui avait donné comme un ton british, surtout dans le jardin où il faisait pousser des plantes inutiles venues de là-bas. Je me suis débarrassé de lui dans l’entrée, comme on enlève un vieux manteau qui pue l’alcool. Je l’ai rafistolé avec un peu d’eau et puis je l’ai collé au lit.
Pendant qu’il cuvait, moi, j’ai investi l’endroit. Je me mettais à l’aise autant que je pouvais et j’en avais jamais assez. J’ai commencé par me baigner dans l’eau fraîche, sur une terrasse de laquelle on voyait la ville. C’était vraiment chouette et j’ai alors  compris pourquoi les gens se faisaient violence toute leur vie afin de pouvoir un jour se payer ce genre de machin là. Sauf que moi j’en branlais pas une ni ne lâchais un centime et je trempais quand même dans le liquide. Quand je fus bien propre j’ai commencé à circuler à poil dans les étages. Je suis tombé sur un pic up avec un tas de disques de jazz. J’ai arrangé l’affaire de sorte qu’une troupe de musiciens nègres est apparue dans la pièce et a entamé une grande complainte musicale. J’ai ensuite dégoté des cigares que l’anglais planquait sous une table et je me suis mis à fumer allongé sur un canapé. La musique tapait et moi je me réjouissais de cette aubaine. Je me suis endormi ivre de cet sorte de bonheur qui contrastait sacrément avec ce que je venais de vivre.
C’est l’english qui m’a secoué un peu plus tard pour que je me dresse sur mes pattes. Il était devenu plus sérieux, silencieux aussi. Il jetait des regards bizarres vers le cigare écrasé. Mal planqués qu’il devait se dire. Il ne devait pas en trouver souvent de ceux là dans Sadada. Moi, je l’ai pris à la rigolade en lui rappelant qu’il y a peu il ne parlait pas beaucoup. Ça l’a détendu, forcément. Il a ajouté qu’une fois que je serais habillé je pourrais rester là, pour un temps, avec lui, si je voulais. J’ai accepté.
Rapidement, il y a eu comme un courant électrique entre nous deux. Il avait dû s’emmerder ferme pendant longtemps et là il avait un collègue à qui parler, presque un ami. On se tapait dans le dos dès qu’on se croisait, tout ça dans des grands sourires entrecoupés de mots sympathiques. Le soir même, il m’a invité au restaurant. Le menu n’était pas exubérant, c’était des brochettes de chèvre pour tout le monde. Maintenant qu’on avait du temps, moi j’ai commencé à l’entretenir sur mon aventure et la guerre. Lui disait que les Français étaient cons à toujours vouloir s’accrocher à des bouts de terre arides à cause d’idées révolutionnaires et universelles. Il parlait encore de leur façon à eux de résoudre les problèmes, de ne jamais garder les boulets encombrants ni les peuples excités. Il n’avait pas tord dans le fond mais moi comme toutes ces discussions finissent toujours par m’emmerder on s’est mis à parlé des femmes. C’est encore un sujet qui réunit du monde, même les anglais malgré tout ce que l’on peut dire. Il n’en n’avait pas connu beaucoup et moi non plus donc on en rajoutait. C’était à qui s’était tapé le plus de brunes, de blondes, pas de rousses cependant, c’est que c’est plus rare, on a dit. Il m’a raconté qu’un jour il avait fricoté avec une chinoise. Il me disait en riant qu’il croyait qu’il allait rester planté dedans un bout de temps, tellement c’est étroit et serré, un vagin asiatique. Et on riait par dessus toutes ces histoires aussi vraies que la pluie ne vient pas des nuages. Mais nous on était content de pouvoir se mentir et se rassurer, sans que personne ne viennent y foutre son nez et dire que ce n’était pas raisonnable et que la vie ne ressemblait pas à ça.
Au dessert, c’était des bananes. Il a levé son verre pour faire un toast, comme il disait. Il a déclaré solennellement que lui, souhaitait la bienvenue et du bonheur à son ami français. J’ai répliqué en faisant et disant la même chose et lui s’est marré. On a quitté le restaurant après cette scène mémorable et on est rentré à pied chez lui. On marchait le long du lac Sadada qui clapotait tout seul. Il faisait un temps vraiment agréable. On était bien, à avancer sans rien dire et sans avoir peur de quoi que ce soit. Une fois rendu dans sa maison, l’anglais m’a dressé une sorte de lit dans le salon et on s’est souhaité une bonne nuit. Finalement, dès qu’on a trouvé le sommeil, c’est pas si terrible, une nuit.
X
L’étude de l’anglais devait commencer bientôt. Il allait souvent voir le résident général pour peaufiner l’expédition et lui rafler l’argent nécessaire. Il en revenait en gueulant parce qu’ils ne voulaient pas cracher un blé dans l’aventure. “Inutile!” qu’on lui disait, “trop coûteux! Intéressez-vous donc à la flore! Faites quelques clichés! Mais foutez nous la paix, avec vos nomades. On s’en fout! C’est la guerre avec ça, alors vous pensez!”. Il me rapportait ces paroles avec un air blême et il répétait que c’en était fini de la science, que plus personne ne voulait en entendre parler, qu’on préférait bouffer et picoler plutôt que de savoir qu’elle existait, cette conne mangeuse de devises. Lui implorait des retombées juteuses, des reporter du monde entier qui se bousculeraient bientôt pour admirer ses M’baraba, le International Globe Trotter, le Times et même la Gazette Indépendante! Mais eux ils s’en foutaient vivement, ils avaient déjà assez de problèmes avec leurs vies pour ne pas vouloir voir débarquer des journalistes avec le sourire, en plus.
C’est vrai qu’on s’en moque dans le fond, de ces gars là. Personnellement ils auraient beau le faire à genoux les yeux bandés leur foutu voyage que moi ça n’améliorerait pas ma vie. Mais là, comme c’était un ami, je trouvais la chose un peu dure, dégoûtante même. Je lui secouais les épaules pour le remettre bien avec lui-même et peut-être avec les autres aussi. Mais lui il en avait trop vu maintenant et ça l’agaçait. Il ne faisait que compter les deniers que son université lui balançait depuis l’Angleterre en répétant que ça ne serait jamais suffisant. Il rayait des chameaux et du matériel de ses listes. Chaque jour l’expédition fondait pour n’être plus qu’une ballade de miséreux en colère après tout le monde.
On était remonté après toute cette “machine” comme on disait, lui prononçait “meuchine”, quand même, c’est pas parce qu’on est furieux qu’on se met à bien parler français, ça se saurait et on apprendrait déjà les langues étrangères à coup de sales coups qui nous foutent en rogne. Il n’en finissait jamais de répéter ce mot là, toujours avec la même hargne, comme si cela finirait par faire de l’effet, comme si ça allait remuer tous ces abrutis inquiétés par une retraite qui n’arrive jamais et qui résoudrait pourtant bien leurs affaires d’obèses et de petits fonctionnaires. Inutile de dire qu’il avait beau le gueuler, même, ce mot, que rien n’avançait tandis que le départ, lui, il était déjà parti au galop dans les années à venir. C’était comme foutu en somme. On restait alors tous les deux, comme deux vieilles grand-mères mal rasées à ruminer de la bile de mauvaise qualité en espérant toujours qu’ils en crèveraient, de leur connerie, qu’elle leur grimperait aux couilles et puis au cerveau, et puis qu’elle finirait par les étouffer.
On a fini par être fatigué d’attendre. L’argent ne ferait pas parti de l’escapade, tant pis, on irait à pied et sans matériel, comme les autres, c’était décidé. Le collègue anglais n’en démordait pas, c’était l’affaire de sa vie et il irait au bout de cette histoire. Dès lors qu’on s’était résolu à être désargenté, le chantier pouvait commencer. John a déplié des cartes de l’Afrique sur une table et il s’est mis à les rayer dans tous les sens avec un crayon rouge. D’après Smith, on devait d’abord se rendre au Niger, dans le nord du pays. C’est là où ils se rassemblent tous avant de partir avec les bêtes. On devrait être présent pour leur cérémonie amoureuse qui ouvre le grand départ de la tribu. C’est ce qui l’intéressait le plus en tant qu’ethnologue; “iunique!” qu’il répétait, “iunique!”. Puis il se levait et m’expliquait que se serait une première, que personne ne l’avait encore vécue, cette parade des fesses.
Le plus dur, selon lui, ce serait de se faire accepter parce qu’ils sont rudement sectaires ces gars là. Lui avait quand même des notions de leur dialecte ancestral, un vrai polyglotte, que c’était, ce type. Il m’en touchait quelques mots pour que je n’ai pas l’air idiot devant les nègres mais c’était un peu sombre pour mon esprit. C’était que des cris qui finissaient par faire une chanson. J’espérais qu’il le maîtrisait un peu ce langage parce qu’une erreur de politesse a vite fait de vous transformer en festin, chez ces barbares. Mais il était confiant mon camarade, et moi, ça soulageait mon angoisse, de le voir comme ça.
Il y a eu une nuit encore, longue et moite, avant qu’on commence à plier les bagages pour rejoindre nos voyageurs. On s’est affairé a tout déballer et remballer dans tous les coins de la maison pour n’avoir plus que le stricte nécessaire. On avait rien, au bout du compte, que du minimum, qui faisait quand même son vilain poids. Un gros sac pour chacun et rien à dire, c’était la foutue règle. Une casquette quand même, pour les insolations qui guettaient nos crânes blancs, un peu de tabac pour l’ennui et il faut croire que c’est suffisant pour une étude de science, pour un machin comme ça, aussi sérieux. Je riais moins mais j’étais toujours fidèle à mon homologue anglais, pas de finauderies ni d’entourloupes. Depuis deux jours, il passait son temps à nettoyer ses lunettes comme on se gratte une boule qui vous lance, un vrai tic qu’il avait pris là, à cause de la tension qui montait.
Plus question de rigoler, on prenait le train dans une demi-heure. On attendait sur le quai de la gare, raides comme des arbres, dans la cohue de l’indigène puant et remuant. Comme je vous disais, chacun un sac, une casquette et un peu de tabac. C’est comme ça qu’on était.
XI
Ah! Le train! Comme si c’était une partie bonheur! Ma couille que c’en est une! Rien du tout! C’est que de la boite de conserve circulante! Rien à y foutre sinon de désespérer, moi ça, c’est encore un truc où on ne me verra plus souvent, au milieu des poules, des régimes de bananes entiers qui prennent des espaces insolents et qui se font bouffer par des chèvres ce qui rend dingue celui à qui la banane est une forme de commerce et comme ils sont abrutis et plutôt saoul, ils se tapent sur la gueule pour résoudre le litige, et nous, dessous ou pas loin de toute manière, comme des réceptacles à ennuis, on écope de tout ça alors qu’on en veut pas du tout. C’était pas croyable. On se liguait tous les deux contre le wagon, pour protéger notre matériel et notre confort mais eux ils s’en foutaient et ça les arrêtaient pas, au contraire. Tout déçu, on était, pas content du tout. Ça commençait foutrement mal et on avait comme dans l’idée que ce n’était que le début. En vérité, la suite n’était pas loin. Après cette sarabande on a vu débarquer une bande de gars costumés en habit de fonctionnaires, des contrôleurs assermentés qu’ils étaient tous. Et ça y allait autant qu’ils pouvaient, du blé, du blé, comme s'ils en bouffaient. Les billets étaient survérifiés, dès fois qu’ils aient pu y mettre une amende, même une petite. Des groupes criaient à l’abus de pouvoir, non sans tord, mais les plaintes c’était aux même qu’il fallait les adresser, alors, forcément, on est pas bien large dans des situations comme celles-là. La monnaie giclait des mains, les billets aussi, tout y passait pourvu qu’on arrive à bon port. Comme ils étaient nombreux il fallait veiller à ce que chacun ait sa primette, son soussou, sa branlette. Un véritable râteau à fric. Mon anglais marmonnait mais crachait comme les autres, pour la paix, le calme, le silence, en vain. On nous l’aurait dit qu’on n’y aurait pas cru. Ça vous secoue un moral, même le plus solide, de pareilles choses. On était tout triste, comme les autres, du lavage de notre portefeuille. On aurait tous préféré se payer un gueuleton.
Le train s’est arrêté dans une gare, en pleine nuit. On a eu droit à un défilé de commerçants en tous genres. Ils vantaient tous la qualité de leur marchandise perchée sur leur tête. Il suffisait de faire un geste à la fenêtre pour qu’ils s’y agglutinent tous. Les prix volaient dans l’air, les produits aussi, passant dans toutes les mains, le fric circulait dans l’autre sens puis la monnaie réapparaissait comme bizarrement. Un véritable trafic pour des ventres de toutes les tailles et de toutes les bourses. Nous, on s’est laissé tenté par une chose consistante qui s’appelait le “met” et qui était accompagné d’un “bâton”. Fallait la voir l’otoctone, gueuler ça comme si on l’agressait : “mets bâtons! mets bâtons! mets bâtons!” comme si c’était les siens de bâtons et qu’elle était prête à nous en ficher un coup sur la calebasse. En fait de bâton c’était du manioc emballé dans une feuille de banane, comme une sorte de pain local, blanchâtre visqueux et mou, dégueulasse. Le “met” était encore plus désespérant. Un voisin nous a livré sa composition et nous on a fait une drôle de tête. Tu parles d’un met, du poisson concassé avec ses arêtes et mélangé à du piment, tout ça pour notre estomac, sous forme de boule moiteuse. Et le train qui repartait avec ça, les clients furieux, surpris par ce décollage inopiné qui lançaient leurs mains au dehors pour attraper leur dû et les autres, ravi d’avoir pu en voler une douzaine entamaient des rigolades en Fa Majeur. Une sorte de tension alors, des cris, des insultes mais quand même rien à manger et encore un peu d’argent pour du vide. On avait été garni, pour sûr, mais c’était pas vraiment ce que l’on espérait et on a vite été repu par le drôle de menu. On l’a alors refilé aux déçus fourbés par les épiciers itinérants, on est pas vache au fond mais de toute manière on aurait jamais pu le terminer leur “met bâton”. Ravi! Heureux comme tout! Comme des sauvages, ils se sont jetés sur l’aubaine, du “met bâton” à l’œil, tu penses! Et ça se goinfrait en nous remerciant. Il faut pas grand chose pour satisfaire un maurico.
Le train avançait toujours, patiemment, sur ses deux rails. Toute la troupe s’était calmée, on n’avait plus qu’à arriver. John s’était assoupi avec une mine plutôt faible, malade presque. Il rotait dans son sommeil en se tripotant l’intestin, comme s’il avait goûté d’un produit maléfique, il diffusait des odeurs insalubres de marée pas fraîche. Personnellement la chose semblait m’être moins néfaste même si je n’arrivais pas à m’endormir, ce que je mettais sur le compte de la malchance.
Là, j’entamais une discussion avec mon voisin, pour passer le temps. C’était un brave type qui se débattait avec quelques mots de français qu’il avait glané depuis son enfance. Mais plutôt agressif en fait, pas du genre ami ami. Il m’expliquait largement que les français étaient des monstres et que si lui en avait eu l’occasion il leurs aurait déjà coupé une bonne dizaine de poches à burnes, pour leurs montrer, à ces envahisseurs, qu’ils n’étaient pas prêts à se rendre. Un excité en mal de violence, somme toute. Mais fort tout de même. Ce qui est toujours un argument de choix dans ce genre de discussion, ça évite les débordements, les envies de correction. Il avait des muscles greffés sur les os comme vous et moi de la graisse difficilement accumulée. J’allais donc dans son sens, j’approuvais ses idées dans des sourires larges, comme si je les partageais complètement, ça permet de rester en vie de rester courtois. Par moments, pour me montrer qu’il y croyait vraiment, il m’attrapait le bras en le serrant bien fort alors moi j’esquissais des reculs et des petits cris de peur mais ça s’arrêtait là. Puis il m’a demandé ce que je foutais dans le train en direction de Akouta. Je l’ai alors entrepris sur la science et l’intérêt que nous portions aux nomades, mon ami et moi. Je lui disais que leurs régions regorgeaient de choses cocasses et typiques dont les blancs avaient fini par développer une forme de passion, de hobby, que nos vies dans le nord étaient bien tristes que les distractions étaient rares et qu’on avait donc pour habitude de partir à la découverte de choses bizarres, comme celles de nègres itinérants par exemple. Il avait comme l’air de ne pas partager notre passion pour la science et il m’a vivement engueulé en me traitant de voyeur infini et de cloporte chiasseux. J’ai pas trop répondu pour éviter un débat douloureux d’autant que d’autres commençaient à s’intéresser à notre discute. J’ai fait le sage et j’ai encaissé ses paroles venimeuses afin d’éviter une autre forme de discours dont les secrets me sont inconnus.
XII
“Akouta! Une semaine d’arrêt! Akouta! Tout le monde descend!” On ne s’est pas fait prier et on a détalé vite fait de l’endroit et de la foule car l’hostilité du wagon à notre égard semblait se poursuivre à l’extérieur.
Encore un nom étrange et une ville du même ordre. Pas joli tout ça, pas calme non plus, sauf qu’ici c’était un genre de population plus noir, plus lent, plus simple aussi. Ils déambulaient tous machinalement, main dans la main, de grands discours pendus à la bouche, de grandes résolutions prises à voix haute qui semblaient prendre à parti le reste de la population, des rires aussi, nerveux, jetés dans la rue comme on crache des glaires encombrantes. Il y avait toujours les même marchands agrippés à l’espoir de refourguer leur stock au premier venu pour pouvoir aller se siroter un peu la gueule dans un bois sans soif quelconque. Peu de femmes cependant et les seules qui osaient s’aventurer dans la rue colportaient des mômes pas grands, des asticots informes tassés sur leurs dos et leurs épaules, comme des bestiaux chétifs ou des fœtus aériens.
John ne faisait pas tellement attention, il était plongé dans une carte de la ville et voulait que l’on rejoigne au plus vite les M’baraba et leur cérémonie. Mais avant il fallait passer au commissariat central afin de dégoter les autorisations nécessaires comme de remplir les formalités administratives. On avançait côte à côte, dans nos bermudas anglais avec toutes nos affaires sur le dos. Nous ruisselions comme des fontaines parce qu’il faisait comme une chaleur terrible, épaisse et étouffante. Les indigènes se foutaient de nous, des mômes rassemblés là à rien foutre nous montraient du doigt en riant mais on restait digne malgré tout, on ne répondait à aucune de leurs railleries. On demandait notre chemin un peu partout et eux ils nous montraient toujours la même direction, inlassablement. C’est qu’ils l’avaient bien caché leur commissariat. Il était perché sur une côte, au détour d’une route.
Visiblement on n’était pas les seuls à avoir eu a même idée. A croire qu’il y avait une réunion de prévue ou un rassemblement politique. Rien de tout ça en fait mais que des gens préoccupés pas l’état d’avancement de leurs recommandations ou de leurs requêtes. Que des anxieux tout pâles malgré leur négritude évidente. Ils étaient assis en chapelets sur des bancs posés là, en plein soleil, avec des papiers mous dans les mains, gonflés d’humidité et de fatalité. Il y avait des policiers en uniforme devant eux, pour réguler le flot des demandeurs afin la journée ne soit éprouvante pour personne. Une scène à vous coller le bourdon et à retourner chez soi, au calme, tellement on sentait que cela allait être long et ennuyeux. On s’est posté à l’écart, sans trop rien dire. On a posé nos mains sur nos cuisses et puis on s’est mis à attendre, sagement, sans esclandres. Notre arrivée avait quand même remué l’atmosphère, c’est que c’est rare de voir du blanc coincé comme eux pour les même raisons stupides de tampons officiels. Ils complotaient entre eux, conjecturant sur notre sort et les raisons exactes de notre présence. C’était comme si on avait rien à faire là et qu’ils se le répétaient pour s’en convaincre définitivement. Un chef est alors sorti du bureau sans porte dans lequel tout le monde voulait se rendre pour parlementer. C’était un gros bonhomme lunèteux qui comprimait sa chemise d’uniforme avec son ventre gourmand ; elle était écartelée par son vice culinaire, elle avait commencé à se fissurer et on voyait la peau de son bide à l’endroit de son nombril ; le point culminant de son être. Il a déchaussé sa casquette pour nous saluer alors que nous nous levions pour lui rendre cet honneur. Il nous a dit qu’il allait arranger notre affaire afin que nous ne patientions pas trop et que les autres attendraient puisque de toute manière ils passaient toutes leurs journées là à se lamenter, n’ayant rien d’autre à foutre. On les a alors regardés, d’un air condescendant et satisfait, comme des bonnes femmes à qui on dit que leur fils est le premier de la classe et que les autres ont enfanté des cervelles molles.
On était donc reçu un peu après par le grand chef de l’endroit. Il était entouré de ses lieutenants et on a entamé une discussion afin qu’ils comprennent le but de notre visite. Je restais silencieux la plupart du temps, laissant le soin à mon ami d’exposer la situation, me contentant d’acquiescer quand les regards se tournaient vers moi. John avait tous les documents nécessaires et il les exhumait de son sac au fur et à mesure qu’on les lui demandait. Les papiers circulaient alors d’une personne à une autre, chacun se contentant de les refiler au voisin. Tout semblait être en ordre et le chef a sorti des tampons d’un tiroir qu’il a consciencieusement apposé sur les feuilles de papier. On se réjouissait silencieusement du déroulement correct de l’opération jusqu’à ce que le manitou commence à parler d’argent. Il avait tous nos papiers dans les mains et il parlait de la vie par ici, de sa famille, de la nourriture qui se faisait rare à la veille de la saison des pluies. Les autres surenchérissaient avec leurs problèmes variés jusqu’à ce que la chose nous paraisse évidente, on allait être obliger de casquer un minimum pour que tout rentre dans l’ordre. Tout ça s’est passé très naturellement, l’un d’eux a élaboré une petite addition avec des chiffres qui lui semblaient suffisamment corrects pour assurer le quotidien à leurs tribus respectives et la note était gonflée. Ils y ont apposé un sceau énorme pour que le tout semble régulier et fasse office d’honnête reçu. John ne pouvait pas dire grand chose, on était un peu obligé vis à vis de ces messieurs et rien ne pouvait plus empêcher le siège de son portefeuille. C’est pas réellement radin un anglais mais ça surveille quand même pas mal le débit de son porte-monnaie et je sentais que ça le froissait de devoir une fois de plus allonger quelques graines aux poulets. Nos amis ont ramassé l’argent avec des yeux humides et ils nous ont reconduit vers la sortie en accumulant les politesses et les vœux de bonheur dans leur pays. Mon pote restait encore un peu troublé par la nouvelle fuite de capitaux mais moi je répondais gentiment à leurs amabilités par des sourires sympathiques. Une fois dehors, l’Anglais les a traités de tous les noms, il ne supportait plus cette avidité organisée qui s’abattait sur lui depuis quelques temps. Il me disait que j’aurais dû être beaucoup plus froid avec eux, que c’était des brigands, et que la prochaine fois il leur ferait voir comment on traite ces gens là dans son pays. Il avançait furibard et moi je le suivais en essayant de le calmer.
XIII
Nous y étions. Restait à trouver la grande foire des indigènes. John a parlé avec un petit noir qui tirait une grosse charrette bourrée de légumes. Le gars a ri, s’est agité, a ri encore, nous a jeté ses bras dans des directions contraires et John en a conclu qu’il fallait sortir de la ville et trouver un taxi-brousse. On marchait donc comme deux malotrus, sous le soleil. Après un temps, après avoir sué, maugréé, après en avoir eu plus qu’assez, une carriolette en métal, motorisée, affichait, pour notre plus grand bonheur, le nom, tellement espéré, de taxi-brousse. John entra en parlementation. Je regardais tout ça et nous sommes finalement montés à l’arrière de cet autocar improvisé. Inutile de vous dire que c’était pas propre, bien sale même pour ne rien cacher, tout truandé, bosselé et raffistolé. Moi j’avais de la poule et du bestiaux pas tellement plus gros, autour, à côté, au-dessus, ça jactait et crottait en cœur, dégueulasse quoi.
Mon anglais dirigeait notre nègre et la journée se remplissait lentement. Manquait qu’un brandy, une pute de luxe pour les pipes et une cendrier pour la cendre. Je me serais bien asticoté le penis moi, pour couronner l’affaire, mais la décence voulait que je ne fasse qu’y penser, laissant s’user sans fin mon pauvre chibre tout bandé.
Nous avons pétaradé sur les routes cabossées. Des paysages secs et blonds défilaient sous les roues du carrosse. Mon ethnologue d’ami parlait avec le chauffeur, qui n’y décryptait rien à ses mots à lui, délavés par les accents de toutes les langues qu’il prétendait maîtriser. Pour ma part, je me suis attaqué à une méchante bouteille d’eau en verre. Un liquide saumâtre y siégeait, amibé et odorifère. J’en ai tâté, mais du bout des lèvres, comme pour ne pas trop m’investir et éviter ainsi des conséquences tripales que j’avais de plus en plus de mal à supporter. J’avais alors dans l’intestin une colonie de bactéries affairée à me faire rendre l’âme. Je sais pas à quoi à ça ressemble moi, ces choses là, je sais juste trop bien combien ça fait mal et combien ça dérange le cours d’une vie que toujours j’aurais toujours voulue plus calme, plus sereine, plus douce.
C’est alors que dans ce défilé de mascarades, une nouvelle incongruité venait justement de se planter devant notre planche à roulettes. Un buffle ou un truc comme ça, gros et mal aimable, soufflôteux et baveux, sombre et taciturne, planté comme une mauvaise graine, inamovible, au centre, au milieu, au creux de la route, la notre. Il avait des hectares carrés pour lui, des plaines multikilométriques, mais non: il fallait qu’il se trouve là, l’entêté, le forban de haute montagne, le stupide. Le nègre a grimacé savamment, il a frotté ses cheveux d’une main, gardant l’autre sur le volant, au comble de l’indécision. Pour moi, ce genre d’animal a tous les droits, je considère leur taille et leur puissance comme un argument d’autorité me permettant alors toute l’inaction que je mettais en œuvre. Les poules n’en n’ont pas levé les yeux ni le ton, cela est rarement du ressort de la volaille. Si c’était le cas on les enverrait plus souvent au front. Ça a toujours le beau rôle, les volatiles. Bizarrement, un anglais c’est pas fait exactement comme tout le monde. Ça veut toujours avoir raison et ça supporte mal la contradiction. Il a armé sa tête d’un chapeau et il est descendu de notre engin commun. Avec tact et distinction il s’est approché de notre camarade. Pour le coup il ne parlait quand même pas le buffle alors il est resté pensif à quelques pas de l’animal. Son chapeau était d’un calme admirable qui tranchait beaucoup avec les grelottements qui traversaient maintenant le corps de notre savant téméraire.
Un animal, ça peut aimer jouer. Nous en avons eu une belle démonstration ce jour là. Plutôt que de s’enfuir à travers brousse, après avoir encaissé les pierres que lui lançait John, le monstre quadrupède voulut tester la résistance de son assaillant. Cette chose n’était pas du goût de notre homme mais il ne trouva rien à dire dès que son adversaire commença à lui gratter les fesses avec ses cornes. En pleine course, l’Anglais cambré comme un arc, une main sur le chapeau et l’autre vers le ciel pour invoquer les Dieux, le buffle hilare devant pareil froussard, la joie peinte sur sa gueule, l’allégresse qu’il mettait à changer de direction, à surprendre l’Anglais, le farcer en douce, lui faire du clin d’oeil et de la titillerie; des trébuchades fatales desquelles John se relevait sans perdre haleine, et nous, spectateurs, entre quelques “olé!”, quelques “bravo!” et des “attention!”, à mi-route entre l’extase, le rire et la peur, quelques clappements de mains et des “change de direction!” quand il voulait venir s’abriter dans la voiture, puis un cris déchirant, gênant, qui mit fin à toute forme de spectacle, un cris assez terrible pour que la vachette des savanes prenne le large laissant là notre anglais, la fesse enfoncée par une corne, à quelques doigts de l’anus, orifice sacré et miraculé. Bonne mère! C’était poignant! J’étais tout embarrassé. John criait victoire et misère, il geignait à propos de son fessier et tournait tant bien que mal son regard hirsute vers cet arrière amoché.
Après l’avoir badigeonné et colmaté. Surtout après l’avoir calmé, nous sommes repartis vers notre tribus. John ne comprenait pas pourquoi nous avions ri alors qu’il luttait avec l’animal, il nous en voulait aussi de ne pas l’avoir aidé à rentrer dans la voiture. Il chipotait, en somme. Je ne répondais rien. Lui a fini par se taire. Le silence tint lieu de conversation pour le reste de la journée.
Alors que la nuit commençait à gagner le ciel, nous étions rendu au lieu de rassemblement des M’baraba. J’ai tout déchargé de l’automobile, John se plaignant encore de son fessard. Le chauffeur, après avoir récolté son dû, s’est évaporé dans l’obscurité. Nous nous sommes écarté de la piste, j’avais tout le matériel sur le dos et les épaules. La plaine était vaste, on entendait des chants qui sortaient d’on ne sait où. Fatigués, nous avons décidé de dormir là et de commencer notre enquête le lendemain matin.
XIV
Nous étions donc au lieu de rendez-vous de ces indigènes, qui, avant de se lancer dans un long et pénible périple afin de vendre leur bétail au Tchad ou au Cameroun, avaient pour coutume de faire une grande fête. Cette fête était aussi l’occasion pour les jeunes filles et les jeunes hommes de se marier. C’était précisément là que nous intervenions, car selon John cette coutume était fameuse et méritait un rapport scientifique. C’était ce qu’il n’avait cessé de me mentionner comme étant “la parade de fesses des M’baraba”.
C’est donc à peine réveillés que nous nous sommes approchés de cet immense rassemblement. Le spectacle était déroutant. Il y avait là, concentré dans une vaste cuvette naturelle entourée de plaines sèches, un bon millier d’indigènes. Au milieu de tous ces hommes circulaient des troupeaux de bœufs efflanqués et de gamins pressés de courir d’un endroit à un autre. Ce peuple immense et étrange était d’allure stupéfiante. Ils avaient la peau noire mais n’avaient pas les traits grossiers des africains que nous avions rencontré jusqu’à présent. C’était un mélange surprenant de raffinement et de rusticité. Les femmes se distinguaient difficilement des hommes parce qu’ils étaient tous grimés de la même manière. Ces hommes femmes étaient d’une beauté troublante. Ils étaient grands et élancés et posaient sur nous des regards infaillibles, intenses et intimidant. On pouvait croire qu’il n’y avait là que des femmes et c’était magnifique. Ce peuple, qui n’avait cessé de voyager du Nord au sud de ce continent, portait en lui et sur lui le meilleur de tout ce qu’ils avaient rencontré. Le visage de ces femmes, de ces hommes, quelle merveille, quel apaisement. Tout cela comblait les espérances de John qui avait retrouvé l’énergie et la joie des premiers jours. Mon ami trépignait, il passait d’un être à un autre, se retournant vers moi pour me commenter son habit, ses peintures, et par-là, son âge, ses intentions, son statut au sein de ce peuple. Il se promenait en boitillant au milieu de tous ces gens, il remerciait le ciel, que la réalité dépasse ses espérances, en levant les bras, en riant, en déballant son appareil photo de tout notre barda. Il arrosait son horizon de clichés, sa surprise sans cesse renouvelée. Puis il s’est dirigé vaillamment vers celui qui semblait être le chef de ce monde bizarre. Le vieil homme n’était pas maquillé et se tenait à l’écart. Il nous avait observé depuis le début d’un air interrogateur. Après les salamalecs d’usage l’entretien pouvait commencer. Il n’avait pas de bureau cet homme là et réglait toutes ses affaires là où il se trouvait. L’homme était cependant habitué à traiter avec toute sorte de personnes et il a répondu en français à la question folklorique de John, langue praticable. John était quelque peu vexé qu’il n’applaudisse pas ses efforts diplomatiques mais l’autre avait à cœur que l’on se mette clairement d’accord sur les raisons de notre présence enjouée. “Iunique”. Ce mot froissait notre interlocuteur. Il reprenait: “Iunique? Iunique?”. Il se voyait déjà en bête de foire dans un cirque. Il faut tout peser quand on est diplomate, couvrir ses intentions véritables mais avec discernement. John butait tout à coup. Le vieux en profitait pour se montrer discourtois, il haussait le ton, faisait des gestes (c’est terrible les gestes), des coups d’œil de haut en bas, il faisait preuve du doute le plus franc. J’ai pris la parole pour tenter de réparer l’errance langagière de mon ami: “pas iunique, comprenez bien mon bon chef, pas iunique pour un rond, iunique est mauvais  mot car nous bonnes intentions pour vous, nous camarades, (il ne comprend rien cet abrutit) nous copains comme cochon, nous comme vous et vous pas loin non plus, comprenez bien c’est important, le nord le sud et tous ces peuples, rien à voir avec des bandits, (là il est endormi par mon discours, séduit comme un môme qui lorgne un sucre) ami ami, miam miam et gros bobo.” Et le voila qui rigole alors on enchaîne en montrant nos dents noyées de sourires. Le voila emballé, il nous propose de rester et de les suivre puis tourne les talons et rentre dans sa tente.
Je vais maintenant reprendre les choses en main. Mes personnages ont pris beaucoup trop de liberté jusqu’à maintenant et j’ai de plus en plus de mal à les contenir, ils ont la prétention de mener le récit sans moi, chose étrange, car sans moi il n’y a plus ni Etienne (c’est son nom et il n’a pas jugé bon de se présenter jusqu’à maintenant) ni John ni rien du tout d’ailleurs. Je me suis laissé dépasser par ces impertinents et je ne le souffre plus maintenant, ils massacrent trop les Belles-lettres, puisque c’est de cela dont il question ici. Je vais y mettre de l’ordre, ça suffit. Comme il en a l’habitude, Etienne est parti tête baissée en omettant de divulguer certains détails (fort utiles) le concernant.
Etienne se nomme Lacrampe comme vous Dupont et moi Meunier. Il est donc comme nous. Il est né en 1937 comme beaucoup d’autres mais je ne vais pas tous vous les présenter, ce n’est pas ici le propos, mais si cela vous intéresse référez-vous au bon ouvrage de Monsieur H.H. : (il souhaite rester anonyme par pure connerie car je le connais et c’en est un vrai, de con) L’année 1937, recensement global, général, national édité chez Plu Hou en 1927. Mais je me disperse. Focalisons. Notez la force de caractère, c’est mon fort, mais oubliez, c’est inutile de savoir tout ça.
Lacrampe. Sacré vieille branche de chêne. Vieux camarade. Si vous l’aviez vu jeune! Une vraie face de rat. La risée de tous. Sa mère s’appelait Odette, rendez-vous compte, Odette! Ah! C’que c’est drôle! j’m’étouffe! Elle tenait une épicerie, vous auriez dû observer la chose un vrai repère de bonnes femmes. Tout ça c’était à Paris, bien sûr, y’a que ça de vrai, vers la gare du Nord. Un drôle de quartier.
Son père, Henri, soiffard de premier ordre est mort de façon accidentelle, un matin, au réveil. C’était en 1939 le jour de la déclaration de la guerre. Il avait dit “Vive la France” et puis s’était barré de peur qu’on lui demande de l’aider, la France. Brave type au fond, il payait ses impôts, et à l’heure avec ça. Odette eut donc Etienne sur les bras. Elle le mettait à la boutique des journées entières. Il attendait dans un coin et observait les clients qui venaient acheter des bricoles. Comprenez bien Odette, c’est pas du genre héroïque, veuve charnue à la tête d’une épicerie elle est vite tombée dans la passion des affaires. Elle avait de tout, pour tous ceux que le marché noir ne répugnait pas.
Voila donc brièvement où Etienne fit ses premières armes, comme vous vous en apercevez cela concourt à la compréhension de notre héros que, déjà, vous jugez moins sévèrement.
XV
Etienne avait donc peu connu son père. Quand Odette parlait de lui une image trouble et sonore lui venait à l’esprit. On ne peut pas dire qu’il était triste de cette situation, ne comprenant rien il subissait tout. La vie était pour lui une grande attente incertaine, un spectacle ennuyeux qu’il lui fallait suivre attentivement sans jamais y dire un mot. C’est un témoin que notre personnage. Si quelqu’un lui demande de raconter sa vie il va raconter celle des autres. C’est dit. Passons.
Sa mère l’a déposé un jour à la communale comme c’était l’usage et comme cela le reste aujourd’hui. Son maître était un instituteur cabossé, une gueule cassée de la dernière guerre. C’était en 1943 et c’est bien comme ça. Le vieux bonhomme ânonnait des phrases écrites à la craie sur le tableau noir: “la prairie est verte, le chapeau est rond, la mère gronde son enfant”. Voyez bien notre Etienne dans tout ça, sa tête jaune émergeant des rangs, ses deux yeux impassibles, son cerveau enrayé qui entendait tout de travers. Il m’a toujours étonné. Il portait des culottes courtes, comme ses collègues, et une chemise de coton, blanche le lundi, grise le samedi. Vous me dites: rien d’extraordinaire et vous avez raison. Voilà.
Allons chez lui maintenant. Après l’école il rentrait sagement jusqu’à la boutique où sa mère rayonnait d’habileté pour combler chacun en en tirant, elle, les plus gros bénéfices. Etienne avait souvent droit à une caresse de la part de sa mère ce qui achevait de mettre en confiance les acheteurs pénitents venus se goinfrer alors que tout le monde avait faim. Souvenez vous! Des petits péchés bien entendu, y’a pas de mal à se faire du bien, c’est pas de notre faute si les allemands sont là, faut bien qu’on se nourrisse, et puis on a les moyens, tant pis pour les autres, c’est chacun pour soi. En somme rien n’a changé et les mentalités exécrables ont toujours eu une immense progéniture, formidable histoire de l’humanité Ainsi, après s’être fait caresser le visage notre héros se voyait invariablement inviter à être gentil et vite monter faire ses devoirs parce que maman avait à faire et que Etienne ne devait plus traîner là pour rien. Une cliente vache y mettait souvent son grain de sel dans de larges sourires collaborateurs en glissant qu’il était bien mignon ce petit bout, tout en entendant sa conscience chanter qu’il fallait qu’elle se dépêche, qu’il fallait vite acheter les produits introuvables, quitter ce lieu compromettant et cette femme terrible qui gagnait maintenant plus d’argent que son mari à elle, en faisant commerce du temps sinistre. Etienne quittait alors les lieux et grimpait les trois étages qui le séparaient de l’appartement. C’était pas bien grand, il y avait deux chambres, une salle d’eau et une cuisine. Il appartenait maintenant à Odette qui avait fini de payer les traites depuis quelques années. Le lieu était pas gai, désossé, froid. Etienne faisait un peu ses devoirs dans la cuisine puis il attendait sa mère en regardant le poêle en fonte qui fumait toujours. Il aimait déplacer la plaque ronde du dessus pour y fourrer quelques bûches qu’il regardait ensuite prendre feu doucement, devenir rouge puis disparaître. Il aimait bien cet objet et quand plus tard sa mère l’avait bazardé pour une cuisinière au gaz “tellement pratique” il avait mal vécu ce changement.
Le jeudi il allait jouer avec la fille de la concierge, Milza. Il descendait alors, sitôt son petit déjeuné avalé, dans la loge à Henriette. Henriette c’était la concierge. Grosse, alcoolique parce que seule, et au courant de tout ce qui se passait entre le rez-de-chaussée et le sixième étage. Il fallait être bien avec elle si on ne voulait pas d’ennuis, certains en ont eu grâce à elle et malgré eux. Pas méchante la Henriette mais seule et triste, donc méchante. Elle s’était fait engrosser par un étudiant de passage alors qu’elle-même avait quelques charmes. L’étudiant, un certain Henri Beyle, la sautait régulièrement (faut bien dire qu’à cette époque il n’y avait guère que la TSF pour se distraire) ce à quoi elle ne répondait rien mais se voyait déjà sortie d’affaire au bras de son Henri dans un endroit quelconque mais toujours plus cossu que sa loge. Il n’en fut rien bien entendu et dès que le jeune homme eut vent de son duplicata, par peur de perdre son identité sans doute, il s’était volatilisé comme un pet. De Henriette il ne resta que de la rancœur et une enfant qu’elle appela Milza, nom d’une danseuse en vogue au moment de son accouchement. Triste départ.
Milza était du type gai et effronté. Elle était née en 1935 et avait donc huit ans quand elle commença à fréquenter Etienne. Elle avait toujours l’initiative des jeux qui occupaient les jeudi et certains dimanche de nos deux amis. La journée du jeudi connaissait deux temps. Le premier se jouait à l’extérieur, Henriette étant dans l’immeuble toute la matinée. Ils sortaient donc dans la rue et s’occupaient à construire des barrages dans les caniveaux, à demander au boucher s’il avait une tête de porc, ou bien encore à renseigner le plus bizarrement possible les gens en mal d’itinéraire et ainsi assister à leur perte assurée. Blagues du pauvre, insolence jubilatoire vis à vis du monde des adultes qu’ils trouvaient tous deux semé d’embûches inutiles.
Après le déjeuné de midi reprenait une séance de jeux,  mais d’une autre nature. Odette dans sa boutique, Henriette ailleurs à faire des ménages, ils pouvaient se calfeutrer dans la loge du rez-de-chaussée et s’amuser à leur aise. Ces après-midi là ont toujours intrigué le pauvre Etienne. Milza voulait toujours jouer au docteur. Etienne devenait Monsieur Zizi et de Milza à Zaza en passant par Zézette il n’y a qu’un pas et celui-ci était vite franchi. Ce n’était pas bien méchant mais les deux s’asticotaient quand même pendant un moment. Inutile de rappeler ici les méfaits de la télévision quand à ce genre de passe temps si naturel, sans elle pas de déficit démographique: la nature est bien faite. La consultation finie Milza racontait des histoires à Etienne. Elle avait comme un don pour raconter des choses invraisemblables qui tenaient debout à force de persuasion, elle aurait pu en faire là un métier seulement avec un prénom pareil elle n’aurait jamais été crédible. Fatalité? Sans doute.
XVI
Certains dimanche Odette et Etienne se rendaient chez Paulette. La Paulette c’était une vieille dame sans intérêt autre que son capital. Elle avait été mariée à un foireux qui avait fait fortune dans le commerce du vin. Entendons nous sur cette fameuse fortune, y’avait pas de quoi faire rougir un Rothchild mais pour le tout venant ça restait quand même une grosse galette qui dormait et que personne n’était prêt à laisser passer une fois la vieille encercueillée. Le tas d’os blanchâtre se voyait donc courtiser par un tas d’amis dévoués. De temps en temps, une troupe de pseudo neuveux ou cousin se rendait au thé de Paulette afin de grandir en faveur en vu d’un héritage substantiel. La vieille n’était pas dupe mais comme elle détestait la solitude elle y trouvait son compte. En plus d’Odette il y avait les Lanvelope et les Destourne. Monsieur et madame Lanvelope c’était une sorte de couple à l’épreuve du temps, une véritable association de malfaiteurs pour le meilleur et pour le pire. C’était des habitués de la vieillerie et ils avaient déjà bénéficié de petits pécules auprès de grands vieillards. Ils avaient l’art de se rendre indispensables et charmants jusqu’à ce que devant le notaire le dinosaure ait de scrupules à ne rien leur léguer. Auprès de Paulette ils étaient donnés gagnant et Odette enrageait. Les Destourne, eux, c’était deux bonnes poires qui avaient une réelle parenté avec le débris sénescent. Ils le faisaient largement valoir auprès des autres sangsues sans se faire d’illusion sur le long terme. Ils se voyaient en victimes obligées de redoubler d’attention auprès de Paulette pour avoir leur nom couché sur le testament. Pas naturellement dévoués, ils s’étaient réveillés un peu tard alors que le trafic amical qui se tramait les mettait inévitablement sur la touche; Paulette avait noté ce revirement d’attention et ne manquait pas de le leur rappeler ce qui les foutait en rogne.
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Aujourd'hui c'était officiellement le premier jour de tournage et Mark tremblait comme une feuille. Ils avaient décider que Mark serait le premier pour ouvrir l'épisode pilote et le voilà seul assis à un bureau a écrire des lettres et les envoyer avec un aigle noir. Il leva les yeux et dans l'entrée de sa chambre se tenait Heechul, le Capitaine de la Garde.
« Hey gamin. » fit-il amusé
« Je vous prierais de m'appeler Seigneur Varian. » soupira Mark en se levant
« Ta mère m'y oblige pas. » dit le capitaine en s'asseyant « Tu n'étais pas à l'entraînement. »
« Je ne comprends pas votre familiarité à mon égard Capitaine. » soupira le Prince en nouant sa lettre a un faucon gris
« J'ai changer tes couches, j'ai le droit d'être familier. » dit-il
« Ma mère vous autorise-t-elle a agir de la sorte en sa présence... ? » demanda Mark
« Ta mère m'a imposer le respect quand elle a réclamer son trône par le sang. » fit Heechul. « Ta mère est une grande Reine. »
« La Plus Grande qui soit » fit Mark en souriant
« Mais nan si je lui parlais comme je te parles elle m'émasculerait. » fit Heechul
« Et je me ferais un collier de tes parties génitales. » fit la voix froide de la Reine « Disposer capitaine. »
« Bien votre Gracieuse Majesté. » Et Heechul sortit.
Morganna vint s'asseoir sur le lit de Mark et leva les yeux vers son fils. Elle sourit amusée et tendit la main vers lui pour qu'il viennent s'asseoir avec elle. Elle caressa sa joue avec tendresse et posa un baiser sur son front.
« Maman, nous sommes en paix, une paix fragile avec le Royaume Blanc depuis 10 ans mais penses-tu que cette paix va durer ? » demanda Mark
« Elle ne durera que tant que le Roi Gris vivra. » soupira Morganna « La Reine Blanche n'attend qu'une seule occasion pour lâcher son mari. »
« Pourquoi ... pas un mariage ? » demanda Mark la gorge serrer.
« C'est hors de question. » dit Morganna en se levant « Je ne me suis pas battue pour pouvoir aimer ton père, pour être à ma place pour te faire subir ce que j'ai refuser à ton âge. » souffla-t-elle « J'aimais ton père. » soupira la Reine en regardant Mark « Si tu me dis que tu aimes la Princesse alors j'accepte. »
« Je... » Mark baissa la tête
« Varian. Je te connais. » La reine secoua doucement la tête « Tu as tout de ton père... Ce sens du sacrifice, cette loyauté... Tu lui ressembles plus que je ne voudrais... » Elle s'approcha de lui et caressa sa joue « Ton père est mort parce qu'il pensait comme toi, à la paix. Le Royaume Blanc n'en a que faire. » Elle embrassa son front. « Je t'aime Varian, mais il est hors de question que tu te sacrifie pour ce Royaume. » dit-elle en sortant.
« Moi aussi je t'aime Maman... » fit-il en baissant les yeux. Son aigle noir venait de revenir avec un message...
Il caressa l'aigle et prit le message... Il s'assit et commença a lire en s'allongeant dans son lit. On passa au royaume Blanc ou Sunhee et Haechan s'entraînaient. Sunhee lui bottait le cul avec grâce et élégance.  Haechan tomba aux pieds du Roi qui se crispa.
« Pourquoi a-t-il fallut que tu naisses en premier. » soupira le roi en sortant de la salle
« Un peu de respect pour votre fils ! » cria la Reine
« Votre vie ne tient qu'à mon bon vouloir chère épouse. » siffla le Roi.
Une fois que le Roi fut hors de la pièce la Reine fixa son fils puis sa fille et sortit énervée... Sunhee épousseta son frère et soupira longuement.
« Je suis désolée » fit-elle doucement
« Pas autant que moi. » soupira Haechan « Un jour il sera fier de moi. » dit Haechan
« J'en suis certaine. » dit-elle en lui tendant son épée « On recommencera autant qu'il ne le faudra. »
« Je t'adore petite-soeur. » fit-il en prennant son épée.
Dans un couloir à l'écart, le Capitaine de la Garde regardait les jeunes se battres, quand le Roi vint se poster à ses côtés.
« Tu es imbuvable avec ton pauvre fils. » fit le capitaine
« Il devra s'endurcir si il veut régner un jour. » soupira le Roi
« Tu ne peux pas en vouloir a des enfants d'aimer la vie. » fit Sören
« Qui es-tu pour donner des leçons à ton Roi ? » grogna Elrick
« Le seul que tu écoutes. » fit Sören « J'ai servi le Royaume et j'en perdu l'amour de ma vie. » On voyait Sören ranger un médaillon avec un nom marquer dessus dans sa poche « Ne sois cruel comme ton père le fut avec toi. »
« Mon père a assassiner la seule personne que j'aimais pour m'apprendre la vie. » fit Elrick « Et ne t'ai-je pas ordonner de cesser de me faire la morale ? »
« Probablement. » fit Sören « Comme tu m'as ordonner de Tuer le Roi Noir. L'ai-je fait ? Non. »
« Tu aurais du. Cela nous aurait éviter bien des soucis si cela avait toi. » dit Elrick
« C'était un homme juste et honorable. » fit Sören
« Et a cause de ton respect pour les combats honorables, nous ignorons quel est l'abruti qui l'a tuer et sa femme veut ma mort. » grogna Elrick
« Pour de nombreuses raisons je suis d'accord avec la Reine Noire » dit Sören
« Pourquoi je te gardes ? » soupira Elrick
« Parce que je suis le seul qui sait réellement qui tu es. Tu devrais laisser ton fils te prouver sa valeur. » fit Sören
« Sa mère me tuerait. » fit le Roi
« Elle tuerait ta fille. Nuance. Je me charge de protéger Sunhee. » fit Sören
Puis la musique de I will make you proud commençait et Haechan préparait ses affaires avant de partir a cheval. La Reine le vit partir et gifla Sunhee l'accusant d'être la raison de ce départ. Sören arrêta une seconde gifle alors qu'Elrick regardait son fils s'en aller.
Comme dans le clip, il arriva dans la forêt non loin du Château Noir et fit face à Mark. Il desendit de son cheval et courut vers Mark pour l'embrasser. Le baiser était impulsif et Mark l'approfondit, serrant Haechant contre lui.
On passa au Château Gris ou Malia plaçait un drap noir sur un cercueil. Ten portait une couronne et tremblait légèrement, alors que le regarde de Malia se posait sur le Capitaine de la Garde Grise, incarné par Kyungsoo. On vit Ten s'asseoir sur son trône et tourner la tête vers Malia.
« Je ne suis pas prêt pour être Roi ... » fit-elle
« Je sais... » Elle caressa sa joue avec tendresse « Mais je sais aussi que tu es entouré des meilleurs conseillers et de la meilleure sœur adoptive... » Elle embrassa son front « On traversera ça ensemble. »
« Merci d'être là... » souffla Ten « Sans toi je ne sais pas comment je m'en serais sortis »
« Merci de me garder avec toi... » murmura-t-elle « Tu es mon Roi »
« Et toi mon garde fou. » fit-il
« Je t'aime Arthas... » souffla Malia doucement
« Moi aussi Elenya » marmonna Ten en serrant Malia dans ses bras.
« Votre Altesse. » appela un garde, incarné par Changmin « Un message du Royaume Noir. La reine vient rendre ses hommages à votre père. »
« Votre Altesse. » appela une garde incarné par Joy « Un message du Royaume Blanc. Le Roi vient rendre ses  hommages à votre père. »
« Quand viennent-ils ? » demanda Malia
« Demain. » firent les deux gardes
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« Game of Chess... first episode... I'm dying. MarkHyuck happened but then... THEN AQSDCFVGBHNJL !!! MORGANNA STOP BLOWING HOLES IN MY SHIP !!!!! » Miyuki grogna « Heechul and Sören are meant to be ! Why am I talking about Heechul ? THE NAME ON THE FUCKING MEDALLION !!! FUCK YOU HOLMES !!!! The name on that pendant ... It's MACE ! AND Who plays Mace Lovelock ? KIM FUCKING HEECHUL !!!!!!!!!!!! STOP BLOWING HOLES IN MY SHIP !!!!!  Right now I just want Mace and Kaiden to make up, kiss and live happily ever after .... For fuck's sake... I'm scared for the Grey kingdom's song... and the wizards... We still don't know who its gonna be... I bet on Samael or Faust Hart !»
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thequeendiary-blog1 · 6 years
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Hygiène/beauté
Cheveux
Lorsque tu te douches, essayes d’éloigner le shampooing de tes pointes. Ils se dessèchent beaucoup plus rapidement et le shampooing élimine toute trace d’huile naturelle ou d’humidité dans tes pointes, ce qui signifie que tes cheveux auront l’air crépus, même après un après-shampooing. Les cheveux les plus près de ton cuir chevelu sont la seule partie qui doivent être nettoyés de toute façon. Blake Lively, la déesse des cheveux elle-même, ne jure que par ça.
Ne mets pas de l’après-shampooing près de ton cuir chevelu!! Ça créera inévitablement une accumulation de produit/huile et rendra tes cheveux gras et plats. Utilise-le uniquement sur les pointes (pour les cheveux longs, commence par la nuque et travaille vers les pointes). Aussi, laisse l’après-shampooing reposer pendant 1 ou 2 minutes après l’avoir appliqué. En général, je me rase ou je me lave le visage pendant qu’il repose, donc je m’assure qu’il a le temps de travailler sa magie.
Au lieu d’envelopper tes cheveux mouillés dans la torsion d’une serviette, essaye la torsion du vieux t-shirt. Les t-shirts sont beaucoup plus doux et moins abrasifs pour les cheveux mouillés et délicats, ce qui, tu l’auras deviné, réduit les frisottis.
Lorsque tu broches tes cheveux mouillés, commence par les pointes et remonte. Si tu dois mettre du produit avant de te brosser les cheveux, comme moi, utilise une brosse différente au niveau du cuir chevelu pour réduire toute accumulation de produit/graisse/platitude.
Ne va pas au lit avec tes cheveux mouillés. Non seulement tu peux développer des moisissures/bactéries dans tes cheveux s’ils sont mouillés trop longtemps (DÉGOÛTANT), mais les cheveux mouillés sont aussi beaucoup plus enclins à se casser (ce qui signifie que plus tu les agites et les tournes, plus tes cheveux frisotteront). La principale raison pour laquelle je déconseille ça, c’est parce que ça donne des démangeaisons de fou au cuir chevelu et que ça peut rendre tes racines huileuses le lendemain.
S’il te plaît, utilise un protecteur de chaleur avant de sécher/chauffer tes cheveux!!
Si tu as des pellicules, utilise du disulfure de sélénium ou le shampooing T/Gel de Neutrogena. Ils vont te sauver la vie et le cuir chevelu.
N’utilise pas de l’eau bouillante lorsque tu te laves, SURTOUT si tu as les cheveux colorés. Non seulement ça enlève la couleur de tes cheveux, mais c’est également mauvais pour la santé et la texture de tes cheveux. Essaye d’utiliser de l’eau chaude à froide (plus l’eau est froide, plus tes cheveux sont brillants!! ça aide à sceller la tige du cheveu).
Si tes cheveux manquent de masse, surtout près du cuir chevelu, ça pourrait être le résultat de l’accumulation de produits. Essaye d’utiliser un shampooing clarifiant une fois toutes les deux semaines environ en fonction de l’épaisseur de tes cheveux.
Si tes cheveux sont toujours plats, essaye de changer ta raie. Ça change instantanément ton look et ça peut immédiatement ajouter du volume.
Essaye de te faire couper les cheveux au moins tous les 6 mois.
Le spray de sel de mer crée de la masse et une texture instantanée sur la plupart des types de cheveux. C’est particulièrement bien si tu as les cheveux ondulés à bouclés ou courts. L’un de mes préférés est le “Moroccan Sea Salt Hair Spray” de OGX. Tu peux le trouver en magasin pour un bon prix et il fonctionne très bien. De plus, l’huile d’argan ajoute de la brillance et de la douceur. Un autre spray de sel de mer qui est bien et encore moins cher : le “Soft Waves Sea Salt Spray - Collection Beach Babe” de Not Your Mothers (également disponible dans la plupart des magasins).
L’huile de coco est un don du ciel. Utilise-la comme un masque capillaire, un démêlant après-douche, un produit qui remplace la crème lissante ou mets-en un tout petit peu sur tes doigts pour lisser les mèches rebelles. Tu peux l’utiliser pour tout ce que tu veux. Assure-toi juste que c’est biologique, sinon tu n’aides pas beaucoup tes cheveux, lol. Si tu peux faire des folies, l’huile d’argan est une meilleure option pour les mêmes utilisations.
Corps
Utilise un savon non-parfumé et au pH neutre, tel que Dove ou Aveeno, pour prévenir la sécheresse, l’acné ou les produits chimiques et agressifs qui endommagent ta peau. C’est particulièrement important lorsque tu laves tes aisselles, ton vagin ou une toute autre zone sensible.
Les gels douches ont tendance à obstruer les pores plus que le savon. Donc si tu as de l’acné corporel, essaye de nettoyer ton corps avec un savon.
La meilleure façon de se débarrasser de l'acné corporelle est d'utiliser un spray contenant de l'acide salicylique après avoir séché ta peau juste après la douche. Mon préféré est “Body Clearing Acne Spray” de AcneFree, mais “Body Clear - Body Spray” de Neutrogena et Nature’s Cure sont aussi très bien. Si tu as les cheveux longs, essaye de les garder à l’écart du dos et des épaules, surtout s’ils mouillés ou après avoir appliqué le produit.
Si tu souffres de kératose pilaire, également connu sous le nom de “KP” (Google pour voir des images), la meilleure façon de s’en débarrasser est d’exfolier ton corps avec un gommage au sucre ou avec un gommage doux sous la douche, puis d’hydrater immédiatement ton corps après l’avoir séché. C’est vraiment le résultat d’une peau sèche, donc si tu l’entretiens tu peux t’en débarrasser. Ça vaut pour la peau sèche en général.
Si tu te rases, achète toujours des rasoirs pour hommes. Tu obtiendras un rasage beaucoup plus proche et beaucoup plus lisse, car ils sont faits pour le visage et non pas pour les jambes. Je sais qu’ils ne sont ni mignons ni colorés, mais tu peux avoir plus de rasoirs, ainsi que plus de lames pour pas cher. Je peux avoir 5 rasoirs jetables pour hommes avec 4 lames chacun pour 8 $, au lieu de 3 rasoirs pour femmes avec 3 lames chacun pour 11 $. C’est une conspiration. Achète des rasoirs pour hommes, s’il te plaît. Démantèle les constructions de genre.
Hydrate ta peau quand tu sors de la douche, après l’avoir séché un peu. Ça aidera ta peau à mieux retenir l’hydratation et ça rendra ta peau plus douce, puisque l’eau et le savon la dessèchent. J’utilise généralement une lotion pour le corps de Aveeno, Eucerin ou Aquaphor, car elles sont toutes excellentes pour les peaux sensibles et car elles sont absorbées rapidement.
S’il te plaît, prends une douche après avoir fait de l’exercice ou après avoir beaucoup transpiré. Tu empêcheras l’acné corporel, une accumulation de bactéries, des mycoses, une odeur horrible et même une infection staphylocoque (particulièrement si tu vas à la gym). Tu n’as pas besoin de laver tes cheveux à chaque fois, sauf si tu es trempée de sueur, mais s’il te plaît, prends une douche.
Les aisselles sont des enfants sensibles qui feront une crise de colère si tu ne leur accorde pas l’attention nécessaire. Essaye de trouver un déodorant sans aluminium ou sans des agents conservateurs étranges afin de prévenir les éruptions cutanées. Je recommande les déodorants de Tom’s ou crée même ton propre déodorant.
Si tu as vraiment les pieds très secs et qui craquent, essaye de mettre de la Vaseline ou une lotion épaisse (j’utilise “Coconut Foot Creme” de Burt’s Bees) sur tes pieds, mets des chaussettes et garde-les toute la nuit. Ça aura l’air étrange et spongieux au début, mais après quelques jours tu trouveras que l’étrangeté en vaut la peine!!
Visage
Je n’insisterai jamais assez sur comment l’huile de noix de coco est incroyable comme démaquillant (particulièrement formidable pour le maquillage des yeux!!). Assure-toi juste de bien laver ton visage après, car l’huile de coco peut être comédogène pour certains types de peau.
Si tu as une de ces horribles taches douloureuses, mélange de l’huile de noix de coco ou de l’huile d’argan à de l’huile d’abre à thé (dilue l’huile d’arbre à thé comme ça ou tu AURAS une éruption cutanée) et utilise-la comme un traitement localisé. L’huile équilibre les huiles sur ta peau, tandis que l’huile d’arbre à thé tue les bactéries. S’il te plaît, note que ça peut ne pas fonctionner sur tout le monde, car tout le monde a une peau différente.
Sois douce quand tu traites ta peau, surtout quand tu tires et tires autour de tes yeux. Tu me remercieras quand tu seras plus âgée.
N’écoute pas Vogue ou Cosmo et ne commence pas à utiliser des produits anti-âge lorsque tu es dans la vingtaine. S’il te plaît. Tu n’en as pas besoin. Intègre une protection solaire dans ta routine quotidienne. Aie un hydratant contenant un SPF pour protéger ta peau et utilise-le le matin. Ça permettra d’éviter les rides et plus important encore ; un cancer de la peau.
Lave ton visage dès le matin pour le débarrasser de l’excès d’huile que tu produis dans ton sommeil. Lave-le avant de te coucher aussi (après avoir démaquillé ton visage).
Après avoir lavé ton visage, applique une lotion tonique (ou si tu as de l’acné, un traitement contenant de l’acide salicylique. J’utilise “Ultra 5 in 1 Cleansing Pads” de Clearasil ou “Acne Spot Treatment” de Neutrogena Naturals). Laisse sécher, puis hydrate. C’est tellement important. Je me fiche de qui tu es ou ton type de peau. Quand tu appliques des produits acides ou que tu laves ton visage sans l’hydrater, ta peau est dépouillée d’huiles naturelles et d’hydratation, puis elle panique en créant un excès d’huile, ce qui signifie que tu obtiens une peau grasse et de l’acné. Aie un hydratant qui fonctionne sur ton type de peau et je te promets que tu remarqueras une différence si tu ne l’utilises pas déjà.
Si tu portes du maquillage et que tu veux un look rapide/facile/naturel/sans maquillage ou si tu n’as pas le temps de faire complètement ton visage ou si tu penses que t’as l’air d’une morte car tu n’as pas dormi, tu n’as pas besoin de faire un tas de trucs supplémentaires. Il suffit de couvrir tout acné avec de l’anticernes, mettre un peu de fard à joues et du mascara, puis laisser le reste seul. Le fard à joues est magique et il te donnera instantanément un air frais, jeune, vivant et joli.
Ne touche pas ton acné. Plus tu le touches, plus ça devient pire. Si tu dois... en éclater (je suis désolée, c’est tellement dégoûtant, je ne pouvais pas penser à une autre façon de le dire), assure-toi de d’abord laver tes mains et de désinfecter/mettre un traitement pour l’acné directement après. ARRÊTE d’essayer de faire quelque chose si tu vois du sang ou si ça devient trop douloureux.
Nettoie ton écran de téléphone et tes lunettes avec un tampon imbibé d’alcool tous les deux ou trois jours pour garder ton visage propre.
S’il te plaît, pour l’amour de Dieu, ne mets pas du jus de citron ou du bicarbonate de soude sur ton visage. C’est tellement corrosif. N’écoute pas Pinterest. De plus, n’utilise pas de gommage au sucre ou un exfoliant corporel sur ton visage, car c’est plus délicat que la peau de ton corps.
Si tu as de l’acné au niveau du menton, ça pourrait être dû à un problème hormonal. Parle de la pilule à ton médecin et si tu la prends déjà, assure-toi de la prendre régulièrement (ce que tu devrais faire de toute façon, omg).
Lave/change tes draps et taie(s) d’oreiller toutes les deux semaines AU MOINS. Imagine combien la saleté s’empare de ta taie d’oreiller à cause des produits capillaires, de l’huile, de la peau morte... Je ne veux même pas penser à ce qui se passe dessus. De plus, des draps frais rendent toujours tout mieux. :)
Bois beaucoup d’eau chaque jour. Ta peau en a besoin.
Par-dessus tout, aime ta peau, sois douce avec, traite-la bien. Elle t’aimera en retour si tu l’aimes aussi.
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hyemin-a · 6 years
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꒰ sex friends @ichiruki ꒱ ₊˚.༄ – 2
Ichigo ne savait pas ce qu'il lui arrivait. C'était la première fois. Il avait chaud et l'avait désiré comme il n'avait jamais désiré quelqu'un. Et pourtant... Sur son lit, allongé sur le dos, le jeune adulte serrait fermement les draps dans ses mains pour retenir toute l'excitation qu'il percevait plus bas. Ses joues étaient rouges et chaudes, montrant le gène qu'éprouvait l'ancien shinigami. Malgré son incertitude, son sexe était dressé sous les douces caresses qu'on exécutait sur lui, son membre semblait apprécier ces gestes lents et délicats qu'on se permettait de lui faire bien que Ichigo ne le ressentait pas vraiment de la même manière étant trop tendu. Il ne ressentait pas de réels plaisirs. « Ichigo ... Détends-toi... Tu es trop contracté. – D-désolé ... » Dit-il en respirant profondément pour reprendre son calme. Les yeux clos, le roux ne profitait même pas du spectacle qui s'offrait à lui, donnant l'impression de subir sous la stupéfaction de sa partenaire qui paraissait contrarié face à la réaction de l'étudiant. La femme – qui n'était là que pour assouvir ses désirs – s'arrêta net dans ses caresses et rapprocha son visage du sien. Elle frôla ses lèvres des siennes et venu les glisser près de son oreille droite. « Ichigo... Ichigo... » Elle l'appelait d'une manière très sensuelle si bien que Ichigo ne pût résister à la douce voix séductrice qu'elle venait d'utiliser. La jeune femme attrapa son visage à l'aide de ses mains, le cajola à l'aide de ses pouces et s'assit sur son torse musclé en se penchant vers l'avant, le visage contre celui de Ichigo.
« Regarde-moi Ichigo... C'est pour toi que je fais tout ça.
– J-je... Je ne peux pas...
– C'est absurde Ichigo ! » S'énerva la femme. « Regarde-moi... Regarde-moi maintenant où je disparais. »
À ses mots, le roux ouvrit subitement les paupières tombant nez à nez avec un ange, une magnifique femme. Ce n'était pas n'importe quelle femme, s'était celle qui l'avait fait devenir un homme puissant. Une belle petite brune aux grands yeux améthyste qui possédait une voix toujours aussi douce, autoritaire parfois et captivante, redonnant très vite le sourire au jeune adulte, rendu béa par la beauté angélique de la petite shinigami. « Rukia... » Murmura-t-il, doucement, soudainement heureux et charmé. Contaminée par le sourire de Ichigo, la brunette se redressa donnant une vision parfaire à Ichigo de son corps. Le roux constata avec surprise que Rukia était sur lui et complètement nue. Quand s'était-elle déshabillée ? Il n'en avait aucun souvenir. Il plissa les yeux à moitié, ne pouvant pas reculer devant sa curiosité de voir une belle jeune femme nue, il posa son regard sur ses petits seins puis le descendit sur ses jambes écartées où il pouvait voir les lèvres du sexe de la femme entrouvertes. Il sentait ses joues prendre une belle couleur rosée. « R-Rukia .. Barre-toi de là ! Qu'est-ce que tu fous ?! – Pauvre sot, je t'ai dit que je faisais ça pour toi voyons. » Grogna Rukia avec un regain de colère. « Laisse toi faire. C'est bien pour ça que je suis là, non ? – NON ! NON RUKI—AHH » Ichigo n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il sentit quelque chose de chaud et d'humide recouvrir sa verge. Pris par surprise, il lâcha malgré lui un grognement de satisfaction avant de se rendre compte que la bouche de la noiraude recouvrait son sexe.
« P-Putain .. R-Rukia .. Arrête .. Ahh ! » La brunette ignora les demandes du roux qui paradoxalement semblait apprécier la sensation que lui procuraient ses lèvres. Du moins, comparé à tout à l'heure, il montrait quelque chose de positif cette fois-ci. Lentement, Rukia faisait des vas et viens sur la verge durcit de l'ancien shinigami qui gonflait encore sous les assauts de sa bouche. « Mh .. Ruki ... ahh » Ichigo gémissait son nom alors qu'il attrapa les cheveux de la shinigami pour venir pousser son visage sur son sexe, il désirait qu'elle aille plus loin. Il voulait ressentir plus. Il l'avait désiré et sentait qu'il atteindrait sa limite dans peu de temps. Sachant pertinemment qu'il ne tarderait pas à éjaculer, Rukia se stoppa brusquement de sucer son sexe et se redressa rapidement, léchant le coin de ses lèvres puis elle commença à le chevaucher sans demander son avis, désirant contrôler leurs ébats. « Ahh .. Haan I-Ichi-go .. – R-Ruki-ahh ah » Elle gémit à chaque petit saut qu'elle faisait, accompagnée de Ichigo qui avait inconsciemment posé ses mains sur ses hanches pour l'aider. Le pubis de la brune était très humide ce qui rendait la tache plus facile pour Rukia et qui excitait davantage le roux. « P-plus fort... ahh » Rukia ne se fit pas désirer d'avantage et poussa plus profondément son sexe en elle lâchant un gémissement par la même occasion. Ichigo qui était en transe grognait fort à chaque fois qu'il sentait sa verge toucher le fond du sexe de Rukia. Son regard rempli de luxure fixait la petite poitrine de Rukia, ses deux petits monticules qu'il n'avait encore jamais touché. Alors qu'il leva son bras vers sa poitrine, il s'arrêta subitement, haletant plus que jamais.
 « R-Rukia ... J-je vais ... » Alors que le jeune homme se sentait tout proche de sa limite, il sentit le sexe de Rukia devenir de plus en plus serrer, Rukia aussi n'en avait plus pour très longtemps. « M-moi aussi Ichigo je... – ... HAAAN ! » Ichigo a crié et s'est subitement redressé, sentant le sperme jaillir de son sexe et couler sur les draps. Il est resté pantois en réalisant ce qu'il venait de faire. « C'est pas vrai... J'ai vraiment éjaculé sur mes draps ? C'est quoi ce bordel ? » Grogna-t-il avant de se recroqueviller sur lui-même. Et puis soudain, tout lui reviens. Rukia. Le sexe. Le plaisir. La délivrance. Il comprend ce qu'il s'est passé. Il est anéanti. « C'était un rêve ! Un putain de rêve ! Comment ai-je pu avoir ce genre de rêve avec Rukia bon sang ?! » Explosa le roux, dégoûté de lui-même. C'était la première fois. Ichigo ne sait pas ce qu'il lui arrive. Il a chaud et le désir qu'il a éprouvé est toujours là. Il n'avait jamais désiré quelqu'un avec autant de force. Observant son érection à un stade bien avancé, Ichigo se leva et alla s'enfermer dans sa salle de bains pour prendre une douche bien froide et reprendre la situation en main. C'est à ce moment précis qu'il a compris qu'elle lui manquait et qu'il avait envie d'elle.
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jimmysabater · 5 years
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Les Enquêtes d’Emilie Frinch
Ados et à crans
de Jimmy Sabater
 Tout à l’heure, Maman est rentrée de son travail pour se précipiter dans ma chambre tel un ouragan. J’étais allongée sur mon lit, les pieds nus collés contre le mur, dans la parfaite posture de la fille qui ne fait rien de sa vie. J’avais oublié de faire réchauffer le dîner et elle hurlait comme si j’étais sourde. À sa plus grande exaspération, je n’ai même pas tenté de me défendre. Je me suis levée sans un mot pour me traîner jusqu’à mon bureau avant d’ouvrir un livre de classe tout en soupirant.
La vérité, c’est qu’ils ont retrouvé le corps d’une fille de quatorze ans, en bordure du Marais des Verraq, hier matin.  Je suis encore sous le coup. Cette ado était la fille de mes voisins qui la recherchaient depuis plus d’une semaine.
Je les avais aidés en postant des annonces assorties de photos un peu partout sur internet en espérant qu’on la reconnaîtrait. Au début, tout le monde a pensé à une fugue suite à un conflit entre son père et son petit copain. Mais non. Perrine Jourdan est morte sans qu’on ne sache pourquoi ni comment. Au collège, les élèves ont été choqués d’apprendre cette nouvelle. Personne ne sait ce qu’elle faisait là-bas. On peut comprendre qu’une touriste ou une passionnée de nature s’aventure dans ce marais par ignorance, mais pas quelqu’un du coin. Nous savons tous que l’épaisse végétation dissimule de profondes crevasses qui peuvent nous capturer avant de nous aspirer dans ces eaux sombres, profondes et dangereuses. Même les plantes alentour ne sont d’aucun recours, plus on se débat, plus le marais nous dévore. C’est la règle. Seule une aide extérieure venue de la terre ferme peut nous sortir de là. Si personne n’intervient, c’est la fin.
Je n’arrête pas de penser à Perrine, à ce qu’elle a pu ressentir au moment de mourir. Est-ce qu’elle était seule ? Est-ce qu’elle a souffert ? S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ?
Ce matin, avant de quitter le couloir de l’immeuble pour me rendre au collège, j’ai entendu des voix masculines provenant de chez la voisine. Comme dit Maman, « les murs sont en papier crépon. Quand tu parles dans les communs, tout le monde sait ce que tu racontes à tes copines ». Elle a raison. Mais dans la conversation d’à côté, le sujet était autrement plus grave et je suis trop curieuse pour ne pas avoir tendu l’oreille :
— Pourrions-nous voir le corps ? a demandé Madame Jourdan. Nous voudrions juste lui dire adieu…
— Ne vous infligez pas cette torture, Madame, lui a répondu une voix virile. Il vaut mieux que vous gardiez de Perrine une jolie image. L’identification ADN est catégorique. Sans marque de coup ou de résistance, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une noyade. Nous vous tiendrons au courant si nous avons des éléments nouveaux. Mais il vaut mieux vous faire une raison. Courage !
Accroupie dans l’entrée, je faisais mine de chercher des affaires dans mon cartable quand la porte de Madame Jourdan s’est ouverte brusquement et que deux hommes sont sortis.
À voir son air plein d’assurance, le plus petit devait être le chef.
Une longue mèche noire raide descendait sur son front et il la rabattait continuellement derrière son oreille de façon nerveuse. Le plus grand, plutôt mignon, avait le visage fermé. Il m’a lancé un regard perçant, comme s’il me jugeait, et j’ai vu qu’il avait compris que j’étais en train de les épier. Je me suis aussitôt sentie rougir et j’ai quitté le couloir en deux temps trois mouvements, sans même les saluer.
Pauvre Perrine. C’est encore plus triste de savoir que les policiers ne croient pas à une mauvaise rencontre. Cette fille n’était pas vraiment une amie. On se parlait souvent parce qu’elle habitait à côté et que nous avions presque le même âge, mais nous n’échangions pas de réelles confidences. Cela n’était pas nécessaire. Nos mères passaient suffisamment de temps à comparer leurs ados respectives. J’ai surpris plus d’une conversation où Maman cherchait la situation la plus cocasse à rapporter à sa consœur, comme si elles étaient des anthropologues et nous, des animaux de laboratoires. C’est le genre de situation que nous impose la dépendance aux adultes. Il faut être patiente jusqu’au jour béni où je serai majeure et enfin libre, c’est tout.
Au collège, Mélodie m’a raconté que Perrine sortait avec Alban Zbornak, un troisième très grand. Selon elle, un mercredi après-midi, le père de Perrine les aurait surpris en train de s’embrasser dans sa chambre et il aurait viré Alban sur-le-champ, un coup de pied au derrière en prime. Depuis cet incident, les deux ados ne se voyaient quasiment plus. Évidemment, même si elle avait été désespérée, Perrine ne se serait jamais suicidée et certainement pas au bord du Marais. Cela me semble la plus impensable de toutes les hypothèses. Je suis certaine qu’elle n’était pas seule à ce moment-là. Je veux dire que je suis persuadée qu’elle a été assassinée. Ce n’est pas possible autrement.
J’ai de nouveau passé la soirée toute seule. Je sais bien qu’à quinze ans je n’ai plus besoin de nounou, mais tout de même. Ce n’est pas marrant de dîner accompagnée d’un plateau-repas devant la télé, trois soirs par semaine. Il y a bien Moka, le chat que Maman a « sauvé de la mort », mais il ne m’aime pas. Depuis son arrivée, il me lance de drôles de regards. Il m’évite, se tient à distance, s’enfuit dès que je m’approche de son périmètre d’espace vital. Peut-être que j’ai une aura dont les chats se méfient. C’est vrai, il y a des personnes que les animaux adorent dès le premier contact. Malheureusement, pas moi. Mais je préfère plaire aux humains. Sans être la fille la plus populaire du collège, j’ai pas mal de copains. Il faut dire que je ne répète rien de ce que l’on me raconte, alors les gens me font plus facilement confiance.
Ma meilleure amie s’appelle Wendy. Nous sommes comme deux sœurs. Elle est intelligente, intéressante, ouverte, charmante, sensible, originale. L’ennui c’est que Wendy habite Reudor, de l’autre côté de la ville, et qu’on ne peut se voir qu’au collège. Heureusement, il y a Messenger. Nous sommes comme deux folles à nous raconter n’importe quoi pendant des heures. Parfois on allume nos caméras tout en faisant nos devoirs et nous échangeons tous les ragots du collège. Oui, de vraies folles. Mais on s’amuse bien. Maman dit que toutes nos conversations sont enregistrées sur des serveurs et qu’un jour elles referont surface. Elle est complètement parano et croit que les grimaces que Wendy fait devant sa caméra peuvent intéresser quelqu’un à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui en classe, un nouveau est arrivé. Il s’appelle Alexandre et il est super-mignon. Évidemment toutes les filles l’ont dans le collimateur. Il s’est installé près d’une fenêtre et un rayon de soleil l’a illuminé, comme si c’était un ange. Il a des cheveux blonds tout ébouriffés, un polo et un short de tennis, des baskets et des chaussettes, le tout parfaitement blanc. Sa peau est légèrement dorée sous les petits poils clairs de ses jambes. À la récré, c’est Antoine qui est allé le trouver le premier, au grand désespoir de Sarah et de sa bande qui partageaient les mêmes intentions. Antoine a essayé de capter son attention en lui montrant des vidéos sur son portable, mais Alexandre n’a pas semblé intéressé. Il est reparti vers l’allée de peupliers, les mains dans les poches, avec l’air de très bien supporter sa solitude. Intriguée, je me suis renseignée auprès des garçons à qui il n’a pas prononcé un mot de toute la journée. Eux aussi ont trouvé cela bizarre de la part d’un garçon de notre âge. C’est fou comme on peut s’intéresser à ceux qui cachent quelque chose, alors qu’on ne trouve aucun intérêt à celles et à ceux qui se livrent sans aucun filtre.
Maman est rentrée à vingt-trois heures dix-sept en faisant sa tête d’enterrement :
— Tu n’es pas encore couchée ? m’a-t-elle demandée d’un ton contrarié.
— On est vendredi soir, Maman ! Tu t’es bien amusée ? l’ai-je coupé pour détourner l’attention.
J’ai tout de suite senti qu’elle allait me lancer un bobard sans chercher un instant à trouver quelque chose de crédible.
— Oh ! Tu sais, c’était un dîner dans un restaurant chinois avec mes anciennes collègues du bureau… Rien de spécial…
— C’est amusant, lui ai-je aussitôt répondu avec mon petit air espiègle, tu m’as déjà raconté la même chose, avant-hier. Il faut te renouveler ma petite Maman chérie !
Elle m’a lancé un regard furieux et a presque jeté son sac à main sur la table de la cuisine en soupirant.
— Ça suffit ! Je n’ai pas de comptes à rendre à une gamine de quinze ans ! Alors maintenant va faire ta toilette et couche-toi. Je ne veux plus t’entendre ! Demain matin il va encore falloir une grue pour te tirer du lit !
— Je n’ai été en retard qu’une seule fois, depuis la rentrée, me suis-je révoltée. Et encore, c’est le bus qui n’avançait pas à cause des inondations ! Je n’ai pas école, demain…
— Tais-toi et fiche le camp ! a-t-elle fini par crier, sans autre argument, à bout de nerfs.
Pendant qu’elle pestait dans la salle de bains, je me suis rendue dans ma chambre pour écrire ce journal sur ma tablette. Maman n’a pas besoin de faire tant de mystères. La vérité, je la connais. Un jour, lorsque j’étais petite, elle a posé ses mains de chaque côté de mon menton en prenant un air solennel :
— Tu sais, ma chérie, un jour je referai ma vie. Ça ne sera pas avec Papa, mais je tomberai amoureuse d’un homme et nous formerons une nouvelle famille. Et moi, je serai toujours ta Maman, quoi qu’il arrive, parce que je t’aime !
Elle s’était relevée avant de poursuivre, se parlant à elle-même, comme si je ne l’entendais plus :
— Remarque, je dis ça, mais au train où vont les choses, vous allez voir que tu seras mariée avant moi…
Maman n’avait pas tout à fait tort. Les années défilaient comme des gifles, j’atteignais mes quinze printemps et personne ne partageait sa vie, à part un chat rebelle et moi qui la rappelait à la réalité des choses. Côté cœur, c’était morne plaine.
La vérité c’est qu’à coups de Meetic et autres soirées débiles de speed dating, elle cherchait désespérément un homme pour rompre sa solitude de femme. Elle considérait que tous nos problèmes provenaient de l’absence d’un mâle (autre que Moka) à la maison. Comment j’en étais si persuadée ? Simplement parce que j’ai commencé à enquêter sur Maman, il y a déjà pas mal d’années. 
J’ai toujours été forte à ce petit jeu-là.
J’ai été la première à percer le secret de Papa. Je me souviendrai toujours de son regard mêlant terreur et tristesse, lorsque je l’ai découvert. Évidemment, je n’ai rien dit à personne. Si j’ai le don de découvrir ce que cachent les autres, je sais aussi rester à ma place. C’est la seule condition pour qu’ils continuent à me faire confiance. Et si Maman a tendance à me considérer comme un animal de laboratoire, elle oublie parfois que je lis en elle et en Papa comme dans un livre. Et leur histoire est tout ce qu’il y a de plus original.
Hier soir, pendant que je descendais la poubelle dans le local situé à côté de l’escalier menant à la cave, Moka a profité de la porte ouverte pour s’évader. C’est à croire que l’appartement est pour lui un camp de concentration, alors que sa vie consiste simplement à manger, dormir et épier mes moindres faits et gestes comme s’il était un espion à la charge de Maman. Mais pendant que je me débarrassais de mon sac dans un bac de recyclage, j’ai entendu quelqu’un faire tomber quelque chose sur la moquette des escaliers. Une voix inconnue masculine a dit : « Bordel ! » d’un ton excédé avant de ramasser l’objet et de dévaler les marches à toute vitesse. Comme son timbre viril si inhabituel m’avait effrayée, je suis restée cachée dans l’encadrement de la porte. Mais je l’ai bien reconnu. Ce grand homme plutôt soigné d’une trentaine d’années était l’un des deux policiers sortis de chez Perrine, la veille. Ce flic m’avait fusillée du regard quand il avait découvert que je l’espionnais. Les cheveux blonds, l’allure sportive, vêtu d’un jeans et d’un blouson en cuir noir, il avait l’air préoccupé. Comme il pleuvait à l’extérieur, j’ai attendu qu’il reparte pour remonter l’escalier et découvrir où s’arrêtaient ses pas. J’ai caressé la moquette pour déceler que les traces d’humidité prenaient fin au second étage, devant la porte de Madame Abramovici. Qu’est-ce que ce flic était venu faire chez elle, à près de vingt et une heures ? L’interroger à propos de la disparition de Perrine ? Pourquoi s’était-il enfui au pas de course, comme un voleur ?
Je redescendais à notre appartement, le chat dans les bras, quand j’ai entendu de nouveaux bruits provenant du couloir. Je suis vite rentrée chez moi pour repousser la porte discrètement. Mais dans l’entrebâillement, j’ai vu quelqu’un équipé de gants, d’un chiffon et d’une bouteille d’alcool ménager se diriger aux étages supérieurs. J’étais tellement surprise que j’ai fait claquer la porte d’entrée. Soit je me faisais un film, soit il se passait quelque chose d’anormal au-dessus de chez nous.
Maman regardait la télévision et je n’ai pas osé lui faire part de ce que je venais de voir. Moka sous le bras, je suis retournée dans ma chambre où Wendy avait tenté de me joindre à plusieurs reprises via ma tablette :
— Tu es vraiment cinglée, ma pauvre Émilie, m’a-t-elle déclaré après ces confidences. Tu devrais arrêter les romans à suspense, ils déteignent sur toi. Elle s’est regardée sur l’écran de son ordinateur en faisant une “duck face”. Tu me trouves comment, physiquement ? m’a-t-elle demandée comme si cela avait un quelconque intérêt.
Wendy était une petite brune plutôt jolie, mais qui ne faisait pas d’efforts surhumains, comme d’autres filles de la classe, pour ressembler à une youtubeuse ou une star de la télé.
— Ça va, lui ai-je répondu. Franchement, il y a pire, même quand tu fais ta moue de canard botoxé. Tu veux une note de zéro à dix ? Alors deux ! ai-je dit avant d’éclater de rire.
— Je te remercie pour les compliments. Au moins je suis certaine qu’ils sont sincères, a-t-elle lancé avant de me faire une vilaine grimace. Je m’appelle Wendy Zagadon et je suis laiiiide ! Bouh ! Personne ne veut de moiiiii…
Maman a fait irruption dans ma chambre au moment où je riais à nouveau.
— Ça te dirait du pop-corn avec de la délicieuse glace à la vanille aux noix de pécan ? m’a-t-elle demandé.
— Beurk ! lui ai-je répondu. Pourquoi pas une choucroute, tant que tu y es ?
Maman a disparu presque aussi promptement, sans doute vexée que je ne partage pas avec elle sa crise de boulimie.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’a demandé Wendy qui continuait à peaufiner ses poses de starlette devant sa webcam.
— Non, rien. C’est juste ma mère. Elle essaie de combler son manque affectif en s’empiffrant de sucre. C’est classique. J’ai vu une émission là-dessus. Tu vas à l’enterrement de Perrine, lundi ?
— Oh ! Non, ça ne va pas ? a-t-elle protesté. Pourquoi pas dans une morgue, tant que tu y es ! C’est trop flippant !
— Je te comprends, ai-je répondu. Maman pense que c’est un million de fois plus atroce pour ses parents. Tu imagines si en plus il n’y avait personne à la cérémonie ? Moi j’irai, rien que pour ça.
— Bon, OK, a continué Wendy d’un air royal. Mais je risque de pleurer comme une madeleine, c’est sûr.
Son portable a sonné et comme c’était son père, nous avons déconnecté sans plus de commentaire. Je suis ensuite allée voir Maman qui digérait son gueuleton avec sa mine coupable. Elle lisait l’un de ses romans sentimentaux, allongée sur le canapé en mode zen, dans son pantalon de jogging et son sweater gris acheté à Disneyland, entourée de photophores et de son brûle-parfum diffusant du patchouli.
— Il reste de la glace ? ai-je demandé, presque par solidarité, sans en avoir vraiment envie.
Elle a levé les yeux vers moi, l’espace d’un instant :
— Bien sûr, ma petite chérie, m’a-t-elle répondu. Mais ne te sens pas obligée de m’imiter, s’est-elle reprise. Tu es jolie, Émilie, tu as toute la vie devant toi pour te laisser aller.
Ce qui est bien parfois, avec Maman, c’est qu’on a même plus besoin de mots pour se comprendre.
Je suis dans mon lit et je vais reprendre ma lecture de « Nos étoiles contraires » tout en écoutant Petit Biscuit que j’adore.
Maman m’a de nouveau pris la tête ce matin à propos des tâches ménagères. Elle estime qu’à quinze ans, je devrais faire mon lit, repasser mon linge, étendre les lessives et passer l’aspirateur. Deux mille ans de lutte féministe et voilà mon héritage ! À ce train-là pourquoi ne pas repeindre les plafonds et changer le carrelage de la salle de bains ? Mais dans le fond Maman n’a pas complètement tort. Elle travaille comme une malade pour un salaire qui lui permet à peine de payer les factures, d’acheter la nourriture et de m’élever décemment, bien que je lui coûte beaucoup moins cher que certaines de mes copines. Si je l’aidais un peu, je rendrais peut-être sa vie moins difficile. Mais je prépare souvent le dîner, je lave la vaisselle, je passe aussi parfois l’aspirateur dans ma chambre. Elle était énervée et il lui fallait quelqu’un sur qui déverser toute son animosité : ça tombait bien, j’étais là !.
À midi, nous avons déjeuné chez Claire, ma tante du côté maternel. Elle habite une maison de maître avec une belle véranda et un grand jardin dans un petit village paysan au nord de Mortevor. C’est la première fois que nous y allions en deux ans. Depuis qu’elle a arrêté de boire, Claire est franchement devenue très sympa. Elle ne fait rien de spécial pour s’arranger. Cependant, même sans maquillage, avec un simple jeans, un tee-shirt noir et un gilet gris, elle est jolie. Claire a de longs et superbes cheveux bouclés noirs. Elle partage avec Maman le fait que le temps ne semble pas avoir d’emprise sur son visage. Moi j’ai les cheveux roux vif comme des poils de renard au soleil. Par contre, j’ai les mêmes yeux expressifs et en amande que Maman et Claire. Malheureusement, je ne suis pas très grande pour mon âge. Je rêve de découvrir un aliment qui me permettrait d’avoir la taille et la silhouette d’une top-modèle, mais la glace aux noix de cajou de Maman n’a pas vraiment cet effet sur moi. Je grossis plus vite que je ne grandis. Et puis, j’ai la peau criblée de taches de rousseur, comme si j’avais bronzé sous une passoire aux trous minuscules serrés. Quand j’étais petite, les filles de l’école me donnaient toutes sortes de surnoms méchants à cause de cette rousseur. Dès que je n’étais pas d’accord, on me traitait de “sale roukmout”, de carotte et même d’albinos. Cela me faisait mal au cœur d’être ainsi rejetée pour quelque chose que je n’avais pas choisi. Les enfants sont cruels, mais je ne me suis jamais laissée faire. C’est ça qui compte.
Claire nous a présenté sa compagne qui est tout à fait son opposée. Martine est vieille, grosse, lente, mais tirée à quatre épingles, avec un air strict qui ne donne pas du tout envie de se confier à elle. Je préfère nettement Claire qui confectionne des bijoux fantaisie et les vend plutôt chers sur les marchés ou sur les plages du sud de la France. Elle aime surtout la vie en plein air, le contact avec les gens, les animaux, mais aussi les livres d’art. C’est une artiste née. Sa maison est pleine de ses peintures, sculptures, meubles personnalisés et autres créations inattendues. Elle m’a offert un joli bracelet en sequins multicolores. Je l’adore même s’il fait du bruit à chacun de mes gestes.
En rentrant, j’ai croisé Corentin, un voisin avec qui je partage pas mal de temps. Lui aussi, il s’ennuie grave les dimanches à Mortevor, où il n’y a pas grand-chose à faire pour les jeunes. Ses parents étaient partis visiter un appartement et nous nous sommes d’abord installés dans le canapé du salon. Corentin s’est assis devant le synthé de son père et il a joué du piano comme un pro pendant que je jetais un œil sur Facebook.
Je suis aussitôt tombée sur une vidéo horrible de singes qu’on forçait à respirer des gaz de pots d’échappement. Les pauvres bêtes faisaient pitié à voir. J’ai aussitôt commenté : « Un homme qui ne respecte ni les hommes, ni les animaux, n’est pas un animal, c’est un monstre ! »
J’ai ensuite regardé les dernières salades des filles de ma classe. Cette petite peste de Sarah a posté une photo d’Alexandre prise à son insu, de dos, au milieu de la cour du collège avec la mention « Je parie que je vais être la première à sortir avec lui ». Il y avait évidemment quarante commentaires des plus douteux avec les pronostics fantaisistes de la part des filles de sa bande. Elles se comportent comme des ogresses assoiffées de romance. Entre leurs griffes, Alexandre ne fera sans doute pas long feu. Elles l’ont surnommé « Nadal » à cause de son look de tennisman.
Quand le verrou de la porte d’entrée a cliqué, nous nous sommes levés précipitamment comme si nous étions coupables de quelque chose. Le père de Corentin nous a vus et il a rougi en imaginant probablement qu’il venait d’interrompre un moment de béatitude sentimentale. N’importe quoi. Mais Corentin est aussitôt allé chercher des cocas et nous nous sommes rendus dans sa chambre où il s’est tourné vers son bureau :
— Tu as vu cet article sur la Gruve dont tout le monde parle en ce moment ? m’a-t-il demandé.
— La quoi ?
Il a tourné son écran vers moi pour lire l’article à voix haute :
— La Gruve revient-elle hanter Mortevor ?
Selon une légende moyenâgeuse, Mortevor serait construite sur des marais appartenant jadis à des sorcières. Les paysans y cultivaient une terre fertile, l’eau coulait en abondance et la forêt recelait de gibiers et de bois utile pour construire et chauffer leurs maisons. Après plusieurs générations de paix et de prospérité, le village se développa et on chassa les sorcières les unes après les autres. On ne leur laissa pas grand choix. Soit elles fuyaient, soit on les conduisait au bûcher. Lorsque la dernière fut disparue, les villageois organisèrent un bal où l’on mangea de la viande et but du vin tout en dansant autour d’un grand feu où on brûla une fausse sorcière faite de vieux vêtements et de paille. Mais avant de disparaître, les femmes bannies avaient laissé derrière elles la Gruve, créature mi-femme, mi-plante, qui vivait au fond des marais. Vêtue d’un lourd manteau cousu d’algues et de résidus marécageux, elle errait dans le brouillard des marais à la tombée de la nuit. Lors de cette grande fête, les rires, la musique et les cris de bonheur réveillèrent la Gruve. La créature traversa le village sous les yeux terrorisés des paysans et, sans prononcer un mot, s’empara d’une imprudente jeune fille qui passait sur son chemin. Cette année-là, elle vint à trois reprises et à chaque fois, la Gruve enleva une jeune vierge pour l’immerger avec elle dans les eaux insondables du Marais des Verraq. On retrouva leurs corps quelque temps plus tard, sans blessure, ni marque de coup, mais sans vie. La Gruve aspirait l’âme de ses victimes en leur donnant un baiser mortel. On dit que ce rituel répété depuis des siècles lui permet de vivre éternellement. Un chercheur de l’université de Meridiart a mis en évidence que ce culte se déroulait tous les soixante-dix ans. Il a trouvé des traces de trois adolescentes mortes noyées dans les marais à intervalle presque métronomique. Les disparitions surviennent toujours à l’approche de l’automne et sur une période de quelques semaines. Si ce scientifique a publié cet article, c’est justement pour avertir la population que nous sommes dans l’une des années où la Gruve devrait réapparaître.
Corentin s’est tourné vers moi comme s’il venait de faire une découverte magistrale :
— Tu vois ! Cette histoire coïncide exactement avec la mort de Perrine ! Peut-être que de nouvelles adolescentes ont été tuées et que nous ne le savons même pas !
— Tu crois à ces légendes ? ai-je demandé en rallumant mon téléphone. Cela m’étonne de toi.
— Pourquoi pas, a-t-il répondu avant de me rejoindre avec son Coca sur le lit. Je te rappelle qu’ils n’ont trouvé aucune trace de défense de la part de Perrine, pas de marque, rien. Normalement quand on se débat, on se retrouve avec des griffures ou des bleus. Imagine que tu ne noies. Tu vas essayer de te raccrocher à des plantes, des branches, des cailloux, quelque chose ! On ne coule comme ça dans l’eau glacée sans rien faire. Ça laisse forcément des traces !
— Justement, je ne crois qu’à ce que je vois. Si des êtres mi-femme mi-plante existaient, ça se saurait ! Pourquoi pas des vampires, des loups-garous ou Godzilla, tant que tu y es ?
— Dis plutôt que tu préfères garder tes œillères et te limiter à ce que rapportent les journaux traditionnels, c’est plus facile. Je ne prétends pas que la Gruve est réelle, mais qu’il y a peut-être un rapport entre cette légende et la mort de Perrine.
— Et alors ? Que voudrais-tu faire ?
— On sait que la Gruve sort du brouillard à la tombée de la nuit et que le soleil se couche en fin d’après-midi, en cette saison. Il n’y aurait qu’à le vérifier nous-mêmes en nous rendant sur place avec des caméras. Nous serions tout de suite fixés.
— Ah ? Quelle drôle d’idée ! Pourquoi sortirait-elle justement à ce moment-là. Et puis je me demande bien comment tu vas convaincre quelqu’un de t’accompagner.
— Les gens ne sont pas tous flippés à la première occase, m’a-t-il lancé avec un air de défi dans le regard. On ne risque pas grand-chose. Il suffit de bien nous préparer, en emportant des lampes torches, des caméras et des téléphones portables. Nous avons besoin de jeunes vierges pour l’attirer, c’est comme ça qu’elle viendra. Si la Gruve apparaît, il ne nous restera plus qu’à prouver que c’est elle qui a assassiné Perrine. Ce n’est ni compliqué, ni dangereux. Pense un peu à elle, a-t-il terminé en montrant le portrait de l’avis de recherche de la pauvre Perrine sur internet.
J’ai un peu hésité, mais Corentin semblait tellement convaincu par cette histoire et il était si sympa avec moi, que j’ai décidé de lui apporter mon soutien.
— Je vais sans doute le regretter, ai-je repris, mais je veux bien venir avec toi, s’il y a d’autres personnes. J’ai tout de même beaucoup de points communs avec les victimes de la Gruve.
Son visage s’est éclairé :
— Merci, Émilie. Perrine serait heureuse de savoir que tu ne laisses pas tomber son affaire et que tu veux découvrir avec moi comment elle est réellement morte !
***
En rentrant à la maison, j’avais envie de manger quelque chose de bon et ma gourmandise m’a suffisamment motivée pour que je prépare un roulé à la confiture de fraises. Après la cuisson, la cuisine embaumait un délicieux parfum et j’étais impatiente de goûter à mon œuvre jusqu’à ce que Maman arrive :
— Tu ne vas pas manger du gâteau maintenant ? On dîne dans moins d’une heure ! s’est-elle écriée en déplaçant mon gâteau comme si j’étais un ogre et qu’il fallait immédiatement l’éloigner de ma vue. Claire et Martine nous ont préparé une soupe à base de légumes bio de leur jardin. Tu vas te régaler !
Beurk, ai-je pensé, pourquoi pas de la sciure au vinaigre, tant qu’on y est.
— Tu devrais aller porter un petit tupperware à Madame Abramovici, pour une fois qu’on a quelque chose d’élaboré à échanger contre les bons petits plats qu’elle nous donne de temps en temps, a-t-elle dit en joignant le geste à la parole.
Je n’avais pas tellement envie de le faire, mais pour éviter de nouvelles disputes, je me suis rendue au second étage. J’ai sonné à de multiples reprises, mais la porte est demeurée close.
Je suis maintenant dans ma chambre après avoir mangé l’horrible soupe et m’être récompensée par une copieuse portion de mon délicieux roulé à la fraise.
Ce soir j’ai terminé « Voyage en Arcturus », un roman d’anticipation où David Lindsay a réinventé le moindre détail d’un monde imaginaire. Tout y passe, de la flore à la faune en passant par les rites. Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est que l’auteur a publié ce roman pour la première fois en 1920. Quelle imagination quand on pense qu’à l’époque, les gens prenaient à peine l’avion !
J’ai mes périodes pour la lecture, mais j’essaie de ne pas me cantonner à un style. Parfois, quand j’ai épuisé tous mes stocks de lectures, je pioche dans les romans sentimentaux de Maman. C’est toujours un peu la même histoire, la pauvre fille seule et désespérée qui tombe sur un beau sportif qui a une fortune cachée où une ex-femme jalouse qui va les empêcher de s’aimer. J’aime autant lire de la science-fiction, c’est souvent plus réaliste. Il est tard et demain risque d’être une rude journée.
Bonne nuit, mon petit journal.
Ce matin Maman a rédigé un billet d’excuse pour que je puisse me rendre à l’enterrement de Perrine avec Wendy. À ma grande surprise, l’église était comble, me donnant le sentiment qu’elle avait des quantités d’amis que je ne soupçonnais même pas. Je la voyais souvent seule et ses parents ne recevaient que rarement.
La cérémonie était un peu longue, car de nombreuses personnes avaient décidé de lui rendre un ultime hommage.
— Tu as vu ? m’a chuchoté Wendy, Alban Zbornak, le petit copain de Perrine est juste derrière nous.
J’ai essayé de lui faire comprendre par une petite grimace que ce n’était pas le moment pour faire des commentaires, mais elle s’est tournée à nouveau et a manqué de pouffer de rire.
— Arrête ! lui ai-je dit d’un ton ferme. Tu me fous la honte !
— Mais il y a un grand type au fond qui sourit, l’air benêt, il est dingue ou quoi ?
Je me suis retournée à mon tour pour découvrir à qui elle faisait référence. Il s’agissait d’un jeune qui avait quelques années de plus que nous, mais qui, en véritable attardé, s’était incrusté en maternelle assez longtemps pour qu’il se retrouve dans ma classe avant d’être officiellement reconnu comme déficient mental :
— Ne te moque pas de lui, ai-je continué, c’est Louis, un handicapé, ce n’est pas de sa faute. Il est comme ça et…
Ma voisine de gauche, une vieille dame rousse qui empestait le parfum, a brusquement attrapé mon bras :
— Voulez-vous bien vous taire, jeunes filles mal élevées. C’est un enterrement, pas une cour de récréation ! Vous raconterez vos histoires et vous ricanerez dehors !
J’étais hypervexée d’être ainsi remise à ma place alors que j’étais justement en train d’essayer de calmer Wendy. Évidemment, cette dernière n’a même pas remarqué que je venais de me faire agresser à cause d’elle.
À la fin de la cérémonie, la prof de français nous a fait comprendre qu’il était temps de reprendre les cours et que nous n’avions rien à faire à la mise en terre. Nous ignorions que ce rituel était davantage réservé au cercle familial ou aux proches. Nous nous sommes donc rendues au collège à pied. Il faisait un froid de canard. À Mortevar, il y a seulement deux saisons, l’été qui dure trois mois et l’automne qui s’étend sur les 9 restant. En chemin, Wendy m’a parlé d’un groupe d’ados de près de cinquante mille membres sur lequel elle s’est inscrite sur Facebook. Les jeunes publient des selfies et demandent l’avis des autres qui ne prennent pas de gants pour commenter « moche », « poubelle », « mort de rire ». Les garçons dévoilent leurs biceps, leurs abdominaux et les filles montrent le stade d’évolution de leur poitrine ou leurs fesses, selon leur niveau d’impudeur. Elle m’a expliqué que certains parlaient ouvertement de leurs addictions aux drogues ou à l’alcool. Des filles de douze ans, maquillées à outrance, jouent les aguicheuses en proposant des « live » où tout est permis. J’étais un peu choquée et après que Wendy m’ait étalé ce festival de débauche virtuelle, je n’avais qu’une idée en tête, m’inscrire sur ce groupe et juger de son degré de décadence par moi-même.
En arrivant dans la cour du collège, le brouillard s’était épaissi comme si le jour avait finalement renoncé à se lever. Dans la salle d’anglais, j’ai instinctivement parcouru les élèves du regard pour retrouver le bel Alexandre qui portait exactement le même short et le même polo blanc que la veille. Je me suis dit qu’il avait bien du courage de garder les jambes et les bras nus par un temps si frisquet. Une fois encore, il est demeuré distant, se contentant de copier les cours, sans jamais intervenir ou s’intéresser à qui que ce soit. Autant Alexandre m’intriguait que je commençais à le juger limité et agaçant avec son comportement de premier de la classe.
Le soir venu, j’ai pris le bus pour rentrer. En apercevant une voiture de police garée au pied de notre immeuble avec les gyrophares allumés, j’étais loin de me douter de ce qui se passait.
Je me croyais seule à la maison et je commençais mes devoirs sur la table de la cuisine, tout en finissant la glace aux noix de pécan, lorsque Maman m’a rejointe, en larmes :
— Madame Abramovici est morte, m’a-t-elle aussitôt déclarée tout en essuyant son rimmel avec un mouchoir en papier déjà bien usagé. J’étais étonnée que ses volets ne soient pas ouverts, depuis vendredi soir… J’ai pensé qu’elle était malade ou qu’elle ne voulait voir personne, avec son caractère soupe au lait…
— Voilà pourquoi elle n’a pas répondu lorsque je lui ai apporté le tupperware, hier soir. De quoi est-elle morte ? ai-je demandé.
— Elle a fait une attaque, m’a répondu Maman en me reprenant la cuillère des mains pour se couper un bon morceau de glace et l’engloutir comme pour étouffer ses pleurs.
Tout en regardant manger Maman avec ses yeux aux contours baveux, j’ai pensé au policier qui s’était rendu chez Madame Abramovici, vendredi soir. Cette visite avait-elle un rapport avec la mort brusque de la vieille dame ? Je n’ai pas osé en parler à Maman, après que Wendy se soit moqué de moi et m’ait traité de « parano ». D’ailleurs j’étais contente de n’avoir rien dit quand on a sonné à la porte une heure plus tard. C’était justement le policier que j’avais vu sortir de chez la mère de Perrine. Il ne m’a pas remarquée et je me suis éclipsée tandis qu’il bavardait avec Maman des deux décès dans notre immeuble en l’espace de quelques jours. Vivre ici commençait à devenir flippant. Je n’étais plus étonnée que les parents de Corentin cherchent à quitter le quartier. Le policier s’est un peu attardé et j’ai remarqué, à travers les intonations de leurs voix, qu’ils avaient dévié de sujets de conversation puisqu’ils plaisantaient et que je les entendais rire depuis le salon.
Lorsque je me suis rendue à la cuisine, la faim au ventre, il était peut-être vingt heures. Les deux adultes ont fini par me rejoindre. L’adjoint du commissaire, avec son sourire jusqu’aux oreilles, avait tout l’air d’un beau gosse pris en flagrant délit de numéro de charme. Évidemment Maman était déjà conquise et ne manquait pas de se montrer pleine d’assurance face à lui :
— Voilà ma vedette, Émilie.
J’ai scruté l’homme qui m’a alors lancé un regard perçant, tout à fait à l’opposé de l’air sympa qu’il affichait devant Maman. Ses yeux signifiaient « Je sais exactement ce que tu manigances, Émilie Frinch ». Il m’a tellement troublée que j’en ai perdu tous mes moyens et j’ai laissé tomber par terre le plateau en métal que je voulais rentrer dans le four. Maman a réalisé que j’étais impressionnée et elle s’est aussitôt baissée pour ramasser la pizza surgelée dure comme du bois et son récipient. Le sourire du commissaire adjoint s’est effacé et j’ai bien compris qu’il jouait la comédie et ne pouvait pas me voir en peinture. Il s’est tourné vers Maman avant de reprendre son attitude charmeuse :
— Vous voulez que je vous aide à vous relever ? lui a-t-il demandé d’une voix se voulant rassurante mais hypocrite.
— Non, merci, a répondu l’intéressée en se redressant d’un bond souple. Émilie, est-ce que tu sais des choses à propos de la disparition de Perrine ? Il y a une enquête, alors autant te confier à Léonard… Enfin, le commissaire adjoint… Les ados sont si cachottiers, peut-être qu’elle t’a signalé quelque chose ?
J’ai dévisagé un instant le commissaire adjoint. Évidemment, il attendait avec impatience que je mâche son travail. J’aurais très bien pu le surprendre en lui avouant que je l’avais vu vendredi soir dans la cage d’escalier avec un chiffon et une bouteille d’alcool ménager en train de monter à l’étage. Mais je n’étais pas aussi naïve.
— Je… Je ne sais rien, ai-je balbutié pour me débarrasser de cet interrogatoire. La pauvre… Pauvre Perrine…
J’ai observé Léonard et son visage devenu rayonnant, presque bienveillant, et j’ai commencé à me demander si j’avais des hallucinations. J’aurais pu lui parler du père de Perrine qui avait viré Alban Zbornak de chez lui d’un coup de pompe, mais il savait sans doute déjà cela.
— Si tu entends parler de quelque chose, n’hésite pas à venir me le rapporter, a-t-il répété, avant de se tourner vers Maman et de lui adresser un nouveau sourire. Je crois que nous aurons très vite l’occasion de nous revoir…
Je n’ai pas tout de suite mesuré ce que cela signifiait et lorsqu’il est parti, Maman est revenue vers moi, les yeux brillants de mille feux. Elle en tenait enfin un :
— Alors qu’est-ce que tu en penses ? Séduisant, n’est-ce pas ? Il est divorcé, lui aussi…
J’allais lui répondre qu’il ne m’inspirait pas confiance, que j’étais persuadée de l’avoir vu sortir de chez Madame Abramovici vendredi soir quelques heures avant sa mort.
— Ce n’est pas mon style, ai-je répondu à Maman, comme pour lui rappeler que j’étais en âge de sortir avec un garçon.
— Je l’ai invité à dîner demain soir, a-t-elle poursuivi, comme si elle ne m’entendait pas. Je ferai quelque chose de simple à dîner. Tu verras, Émilie, tu l’apprécieras. Il est véritablement adorable. J’ai un bon feeling pour lui.
Après avoir dîné une pizza surgelée, je me suis rendue dans ma chambre où j’ai allumé Messenger pour bavarder avec Wendy :
— Ce type me terrorise, me suis-je confiée. Il n’est pas clair. Quelque chose en lui est malsain. Et voilà que Maman tombe sous son charme. L’horreur intégrale !
— Tu as vu qu’Alexandre portait les mêmes vêtements depuis qu’il est arrivé ? m’a coupé Wendy qui ne devait pas avoir écouté un mot de ce que je venais de prononcer. C’est tout de même bizarre, tu ne trouves pas ?
— Et alors ? Qu’est-ce que ça peut faire ? lui ai-je rétorqué. Tant qu’il est propre…
— Je sais, mais il y a des filles qui racontent qu’il n’a pas assez d’argent pour se payer des fringues de rechange et que c’est un « cassosse ».
J’ai soupiré avant de refermer mon agenda, consciente que je n’arriverais pas à me concentrer sur mon travail scolaire :
— C’est à celle qui inventera le plus gros bobard pour faire son intéressante, ai-je dit. L’autre jour sur Facebook elles pariaient à celle qui parviendrait à sortir la première avec lui. Elles ne se rendent même plus compte qu’elles sont simplement bêtes et méchantes… Je pourrais peut-être lui filer des fringues de mon frère, pour le dépanner. Il en a plein l’armoire et il ne s’en sert pas !
— Ton frère ? Tiens, c’est vrai, tu n’en parles jamais ! m’a reprise Wendy.
— Il habite avec mon père, enfin… Comme on savait que nos parents se feraient la guerre pour nous avoir, Clark et moi, nous nous sommes sacrifiés en allant chacun de notre côté. Il me manque. Mais les garçons préfèrent souvent leur père.
— Il a quel âge ?
— Mais enfin, Wendy ! Parfois je me demande à quoi ça sert de te parler pendant des heures, tu n’écoutes jamais rien ! Nous sommes des faux jumeaux, nous avons donc forcément le même âge ! Quinze ans ! Tu veux un dessin ?
— Ça va, t’énerve pas. Je ne l’ai jamais vu, c’est tout. D’ailleurs tu ne me parles pas plus de ton père. Il fait quoi dans la vie ?
— Écoute Wendy, ai-je lâché avec beaucoup de difficultés, je n’ai pas beaucoup de tabous, mais… Mais mon père… Mon père, c’en est un. Je veux dire que… J’ai… j’ai encore beaucoup de mal à me situer vis-à-vis de lui… Et…
Elle m’a regardée avec un air de déception, comme si elle pensait que j’étais en train de la trahir en lui inventant un bobard.
— C’est bon, pas la peine de te fatiguer, a-t-elle dit. On a toutes des trucs bizarres dans nos vies. Ma mère est bien un zombie. Elle est accro aux voyantes et elle prend des trucs pour dormir et des autres pour tenir debout… Je croyais juste que nous étions amies et que l’on ne se cachait rien du tout…
— Non, mais là, c’est vraiment très particulier, ai-je insisté, je ne sais même pas comment t’en parler…
— Oh ! Ça va, tu ne vas pas m’en faire un fromage de ton père. Je m’en fous. Bon, allez, bonne nuit !
Elle ne m’a même pas laissée le temps de lui répondre qu’elle s’était déconnectée. C’est seulement après que je me suis mise à pleurer.
Dès que je suis arrivée au collège, ce matin, Wendy m’a parlé d’un type qui l’avait branchée sur son forum d’ados, hier soir. Elle semblait aussi excitée que si elle l’avait rencontré en vrai et qu’elle en était déjà presque amoureuse :
— Il a dix-sept ans, mais il fait plus mature, m’a-t-elle exposé. Il est beau et il travaille les week-ends dans le bar de son père dans le centre de Mortevor pour se faire un peu d’argent de poche. C’est dingue parce que sur internet on rencontre toujours des garçons qui vivent loin d’ici et lui, il est du coin. Et en plus il me plaît ! Il m’a proposé un « live » sur Facebook demain après-midi, histoire de faire connaissance. Tu ne trouves pas ça génial ?
Évidemment, j’ai fait mine de partager son enthousiasme. Mais en réalité, j’étais surtout contente qu’elle ne me pose plus de question à propos de mon père et qu’elle ne m’en veuille pas à cause de mes petites cachotteries.
Un peu plus tard, pendant le cours de math, la prof m’a mis la honte devant toute la classe :
— Dis ! Tu ne veux pas qu’on porte tous des gris-gris pour faire encore plus de bruit ? s’est-elle énervée.
Évidemment, tout le monde a éclaté de rire quand j’ai réalisé qu’elle s’adressait à moi et que les sequins de mon bracelet ont à nouveau tinté. Humiliée, je me suis sentie exclue pour le reste de l’heure et c’est ainsi que j’ai aperçu à travers les fenêtres un véhicule de police qui se garait devant les portes du collège. Deux flics ont traversé l’allée menant à l’administration et une dizaine de minutes plus tard, la proviseur a interrompu notre cours.
— Ne vous levez pas, a-t-elle dit en ouvrant la main, comme pour nous rappeler que nous étions supposés le faire. Qui est Alexandre Ventura ? a-t-elle poursuivi en parcourant les élèves masculins du regard.
Après un peu d’hésitation, le nouveau s’est levé et a scruté l’assemblée un peu gêné avant de me lancer un sourire désolé. J’étais si surprise par cette petite attention particulière, que je me suis mis à rougir devant les autres filles, dont Sarah, déjà verte de jalousie qui n’avait pas raté cette faveur. Alexandre a rangé ses affaires dans son cartable, l’air résigné, et il a emboîté le pas sur la proviseur qui a regardé la prof en haussant les sourcils comme si tous ces ennuis la dépassaient.
Le beau blond n’est revenu qu’en début d’après-midi, laissant planer le plus grand mystère autour de sa disparition au moment où la police faisait irruption dans l’établissement. Vivien est allé lui demander ce qui s’était passé, mais il lui aurait répondu « C’est pas tes oignons. » La sonnerie des cours menaçait de sonner quand j’ai rassemblé tout mon courage pour aller moi-même à sa rencontre :
— Alexandre, je voulais te dire que j’ai les cours de bio et de maths que tu as manqués. Je peux te faire une photocopie avec l’imprimante de ma mère ce soir, si tu veux.
Son visage fermé a esquissé un petit sourire jovial et j’aurais presque sauté de joie tellement j’étais heureuse de ne pas me faire remballer. Il était si beau en souriant que j’aurais donné n’importe quoi pour qu’il recommence :
— C’est vrai ? m’a-t-il demandé aussi surpris par ma proposition que moi par sa réaction. Tu ferais ça pour moi ? Ce serait vachement sympa de ta part !
— Bien sûr, ai-je confirmé, étonnée qu’il soit si consciencieux. J’habite au Salençon, entre les marécages et l’usine de glaces. Si tu veux m’accompagner ce soir, je te les donnerai. C’est l’affaire de deux minutes.
Il a accepté d’un hochement de tête et je n’ai pas eu le temps de parler davantage avec lui puisque l’effroyable sonnerie a mis un terme à notre si agréable conversation. Pendant tout l’après-midi, je me suis faite des films sur les suites possibles de ce premier contact. L’idée qu’il ait été sympa avec moi a encore plus mis en éveil l’intérêt que j’avais déjà pour lui. Je voulais tellement en savoir plus à son sujet, mais il semblait si secret, si solitaire, que je risquais de tout mettre par terre en me montrant trop curieuse. Je craignais également une remarque ou une plaisanterie déplacée de la part de Wendy, la reine des gaffeuses, car elle m'accompagnait chaque mardi soir afin de se rendre à un cours de danse dans mon quartier.
À dix-sept heures trente, Alexandre m’a rejointe dans le couloir et nous avons traversé l’allée centrale du bahut côte à côte, ne manquant pas d’éveiller la curiosité des autres élèves. En nous apercevant, Sarah a levé le menton et nous a observés de son œil hautain, comme si Alexandre ne valait brusquement plus un clou.
Wendy nous attendait devant les grilles à l’extérieur avec un garçon de notre classe qui fumait un joint en le tenant bien au bout de ses doigts pour que tout le monde voie qu’il faisait un truc d’adulte.
Alexandre s’est arrêté et a posé sa main sur mon épaule avant de me regarder avec ses grands yeux verts :
— Est-ce que je pourrais abuser et te demander de photocopier un autre document important pour mon père ? m’a-t-il demandé. Le seul problème, c’est que je ne l’ai pas avec moi et que je dois aller le chercher…
— Bien sûr, aucun problème, ai-je répondu alors que Wendy venait de nous rejoindre.
— Tu habites quel coin ? l’a aussitôt questionné cette dernière qui craignait d’être retardée.
— Tu connais le Marais des Verraq ?
— Oui, c’est pourri comme secteur, a-t-elle lâché brutalement. Moi j’habite Reudor, de l’autre côté de la ville.
Nous nous sommes mis en route tous les trois. Je sentais bien qu’Alexandre avait envie de me parler, mais que la présence de Wendy rendait les choses un peu plus difficiles pour lui. Je cherchais un sujet de conversation afin de le mettre en confiance, quand Wendy a pris les devants :
— Pourquoi tu es toujours habillé en tennisman ? lui a-t-elle demandé. Tu n’as pas d’autres vêtements ? Tout le monde te surnomme Nadal !
J’ai trouvé qu’au niveau subtilité, Wendy se situait entre le bulldozer et le diplodocus.
— Si, mais je… s’est interrompu Alexandre, comme s’il ne trouvait pas ses mots.
Comme si cela ne suffisait pas, Wendy en a rajouté une couche :
— Que te voulait la police, ce matin ? Ça aussi c’est bizarre, a-t-elle poursuivi. D’ailleurs, tu fais tout pour rester dans ton coin, comme si les autres ne t’intéressaient pas.
Au lieu de lui répondre, Alexandre a paru très ennuyé, comme s’il ne parvenait pas à trouver une explication valable. Le silence a persisté et cela m’a brisé le cœur :
— Alexandre n’a pas de compte à te rendre, me suis-je sèchement interposée pour le défendre. Il n’a pas à se justifier et il a le droit de s’habiller comme il veut.
Wendy a levé les yeux au ciel avant de soupirer. J’ai cassé l’ambiance alors que j’aurais justement voulu créer un climat de confiance. Du coup nous n’avons plus parlé jusqu’à ce qu’Alexandre s’arrête subitement à proximité d’un bosquet.
— Attendez-moi ici, je ne serai pas long, a-t-il prévenu avant de s’enfoncer dans le bois au pas de course.
Wendy m’a lancé un sourire malicieux :
— Tu ne crois pas que je lis clairement dans ton petit jeu, Émilie Frinch ? m’a-t-elle dit d’un ton accusateur. Je te connais par cœur ! Tu en pinces pour Nadal, ça se sent à plein nez comme un vieux munster qui pue !
— Oh ! Ça va. Fous-moi la paix ! lui ai-je rétorqué. Je fais encore ce que je veux, non ? Tu préfères qu’on parle de ton petit ami imaginaire de tes « live » sur Facebook ?
— Ça va, pas la peine de monter sur tes grands chevaux. Il n’y a pas de quoi s’énerver ! Tu sais quoi ? Je crois qu’Alexandre n’a pas envie que l’on sache où il habite, m’a-t-elle dit, comme si cette cachotterie était insupportable.
— Et moi je pense que nous allons vite découvrir pourquoi ! ai-je répondu en souriant.
Sans plus attendre, nous nous sommes mises à sa poursuite, évitant les fougères et autres troncs couchés, difficilement décelables dans l’obscurité. En contrebas du petit bois, derrière un chemin de terre et une rangée d’arbustes, nous avons vu un coin de terre battue sur lequel était parquée une minuscule caravane aux hublots éclairés.
— Tu crois qu’il habite là-dedans ? m’a chuchoté Wendy.
Un chien s’est mis à aboyer.
— Tais-toi, tu vois bien que tu excites ce chien dès que tu parles.
Elle a fait la grimace.
— Franchement, Émilie, je ne vois pas pourquoi ça aurait un rapport ?
Les jappements ont repris de plus belle.
— Je ne sais pas, tu as peut-être mauvaise haleine, ai-je dit avant de pouffer de rire. J’ai immédiatement essayé de retenir mon fou rire entre mes mains.
Nous avons vu Alexandre quitter la caravane au trot et nous nous sommes mises à courir comme des folles pour revenir dans la rue voisine, comme si de rien n’était. Malgré nos rires et notre souffle coupé, le beau blond n’a semblé se rendre compte de rien.
— Merci de m’avoir attendu, nous a-t-il dit avant de reprendre tranquillement notre route. Chez moi, ce n’est pas très présentable, en ce moment. Je pourrai vous inviter dès que nous aurons déménagé.
Nous n’avons pas fait de commentaire, à la fois coupables de l’avoir trahi et honteuses de connaître la véritable raison de ses cachotteries.
Wendy a fini par briser le silence et a manqué de vendre la mèche en racontant qu’elle avait fait du camping quand elle était petite, mais que cela s’était terminé à l’hôpital après que son père eût dérangé une ruche d’abeilles.
Autant ses histoires me font rire, que cette fois, j’étais moins bon public. Elle est tellement imprévisible et brutale que j’avais peur qu’elle ruine ma nouvelle relation avec Alexandre. Mais son flot de paroles ne s’est arrêté que lorsque nous sommes arrivés dans ma rue et qu’elle est partie à son cours de danse avec finalement vingt minutes de retard.
Alexandre semblait presque gêné de découvrir mon immeuble et surtout, l’appartement. Il détaillait le moindre bibelot comme s’il photographiait la décoration pour ne rien en oublier. Moi, j’étais nerveuse comme jamais :
— J’en ai pour une minute, ai-je dit en sortant maladroitement le classeur de mon sac pour aller allumer l’imprimante dans la chambre de Maman. Tu peux me passer ta feuille ?
Alexandre me l’a tendue et, en toute honnêteté, je n’ai pas cherché à lire ce qui était écrit dessus. Ça ressemblait à un papier officiel plié en trois. Mais par souci de loyauté, j’ai décidé de détourner les yeux J’avais déjà trahi sa confiance en le suivant dans le bois et je ne voulais pas en rajouter.
Évidemment, l’imprimante ayant choisi de réaliser un nettoyage en profondeur, l’attente a été interminable.
— Tu veux boire quelque chose ? lui ai-je demandé. Un coca ? Un verre de lait ?
— Oh ! Oui, un verre de lait ! Super ! s’est-il exclamé, comme s’il en avait rêvé.
Je l’ai servi tandis que nous avions droit à un concert de grincements de la part du mécanisme de l’imprimante qui ne m’avait jamais paru aussi long. Si j’étais ravie de partager un peu de temps avec Alexandre, je craignais le retour inopiné de Maman. Moka nous a rejoints et il s’est aussitôt frotté affectueusement contre les mollets de mon visiteur.
— Qu’il est câlin ! a-t-il constaté, c’est à toi ?
— Oui, enfin, c’est plutôt le chat de ma mère. Elle l’a trouvé dans une poubelle un soir, en rentrant du travail. Il miaulait, emprisonné sous un couvercle surmonté de gros sacs de détritus.
— Oh ! Non ! Les gens sont si cruels, a poursuivi Alexandre soulevant Moka pour le prendre dans ses bras. Pourquoi ne pas l’avoir laissé en liberté ? Je crois que je pourrais tuer quelqu’un qui fait du mal aux animaux, a-t-il lâché tout en embrassant le chat qui ronronnait presque plus fort que l’imprimante.
Je l’ai regardé, les cheveux blonds en bataille, les joues roses, le sourire aux lèvres, en train de caresser Moka. J’étais presque jalouse du chat. J’ai fini par faire les trois photocopies et les lui remettre tandis qu’il terminait son verre de lait.
— En tous les cas, tu es très sympa, Émilie, m’a-t-il déclaré avant d’essuyer le fin duvet blond surmontant ses lèvres du revers de la main.
Je me suis sentie rougir. Je l’ai raccompagné dans le couloir tout en ajustant mon pull à l’intérieur de mon pantalon. C’est à ce moment-là que la porte d’entrée s’est brutalement ouverte. Maman m’a regardée de haut en bas, se faisant déjà des films :
— J’ai pourtant été claire à ce sujet, s’est-elle emportée en désignant Alexandre d’un mouvement du menton, ne prenant aucun gant devant mon invité. Je ne veux pas de garçon à la maison, et encore moins quand je suis absente.
— Je lui ai juste donné des photocopies parce qu’il a manqué des cours, qu’est-ce que tu t’imagines ?
Alexandre est reparti en me faisant des gros yeux et un signe discret de la main. J’étais couverte de honte.
— Tu es punie ! a continué à crier Maman en pénétrant dans la cuisine, très en colère.
Je me suis enfermée dans ma chambre avec l’envie de hurler, d’arracher les affiches sur les murs et de jeter par terre tous mes bibelots dans un vacarme infernal. C’était trop injuste. Je n’avais fait qu’aider un camarade de classe.
Mais je suis restée immobile et silencieuse, réalisant que je tenais trop à Alexandre pour prendre le risque d’envenimer les choses.
Maman s’est radoucie un peu plus tard, alors qu’elle préparait un « truc vite fait » pour son Léonard.
Celui-ci est arrivé vers vingt heures avec un bouquet de fleurs, une bouteille de vin et son sourire faux de tombeur professionnel gravé aux coins des lèvres. Maman s’était changée pour porter une robe d’été plus moulante. Je les ai trouvés pathétiques à se faire un numéro digne d’un mauvais téléfilm américain. Évidemment, j’ai boudé pendant tout le repas, me faisant disputer à chaque fois que je m’abstenais de répondre aux questions que les deux adultes me posaient. À la fin de ce calvaire, je suis allée à la salle de bains. J’ai entendu Léonard qui allait aux toilettes. Les portes des deux pièces étant voisines, j’ai vu Léonard sortir le premier et pousser Moka d’un coup de pied :
— Tu n’en as plus pour très longtemps ici, a-t-il grommelé en le regardant d’un œil mauvais.
Il est reparti vers la cuisine sans même remarquer ma présence. J’étais outrée. Pourquoi avait-il agressé ce chat qui ne lui demandait rien ? Et pourquoi le menacer de le virer de la maison ? Comme s’il avait l’intention de vite s’incruster chez nous. Quel culot !
Sentant la rage monter en moi, j’ai traversé le couloir pour me rendre dans ma chambre où j’ai regardé les dernières vidéos de mes artistes préférés en espérant me changer les idées. Mais rien n’y a fait, car la proximité de ce type m’énervait trop. Et lorsque j’ai voulu retourner à la cuisine, j’ai vu Maman qui embrassait Léonard sur les lèvres avant de rire. J’ai senti mon cœur s’arrêter. J’ai rebroussé chemin, imaginant aussitôt comment deviendrait ma vie avec un tel beau-père. Non, c’était impossible.
De retour devant ma tablette, j’ai constaté que Wendy était connectée sur Messenger, mais je n’ai pas eu envie de lui confier quoi que ce soit. Ces derniers temps, elle semblait ne pas considérer mes petits soucis avec sérieux. J’avais trouvé qu’elle n’avait pas été correcte avec Alexandre. Du coup, j’ai préféré ruminer mes idées noires tout en regardant une rediffusion de « Fatal » avec Michaël Youn. Comme je m’ennuyais, j’ai terminé la soirée sur Facebook où les membres d’un groupe local se sont amusés à imaginer à quoi ressemblerait la Gruve, si elle existait vraiment. La plupart des illustrations étaient humoristiques, mais la toute première gravure historique de la créature était flippante. Elle portait un répugnant manteau visqueux et dégoulinant et sous une haute capuche, on voyait juste deux horribles yeux blancs entre des cheveux noirs qui se mêlaient à la végétation.
Étrangement, lorsque je me suis rendue à la salle de bains pour faire ma toilette, Léonard parlait justement de la Gruve :
— Moi j’y crois, disait-il avec sa voix de charmeur de serpents. Je n’en ai pas fait état à Monsieur et Madame Jourdan, mais je suis certain qu’elle est responsable de la noyade de la jeune Perrine. J’en ai parlé avec le Père Laurent, qui s’intéresse de près à tous ces phénomènes irrationnels. Les anciens lui ont confirmé que Perrine a subi le mode opératoire de cette créature des marais. Les coïncidences sont trop nombreuses…
Maman, prête à tout pour combler le vide dans sa vie, faisait semblant d’adhérer à ces histoires à dormir debout et répondait par des « hum, hum », comme si elle acquiesçait, tout en le dévorant des yeux. Je suis malade à l’idée qu’elle entre dans le jeu de ce type que je ne supporte pas.
Il est tard, je me couche.
J’ai reçu un SMS d’Emmanuelle, pendant que je prenais mon petit-déjeuner, ce matin : « Comment vas-tu, ma petite princesse ? Ça te dirait de venir passer le week-end de la semaine prochaine à la maison avec ton frère ? Je passe te chercher ou tu préfères venir en bus ? Réponds-moi vite ! »
Maman s’est levée à ce moment-là avec la mine de quelqu’un qui avait mal dormi et je me suis empressée de finir mes tartines pour éviter toute conversation fâcheuse. Elle ne devait pas être bien réveillée et j’ai pris ma douche à la vitesse de l’éclair avant de quitter la maison avec au moins vingt minutes d’avance. Du coup, j’ai zappé la réponse à Emmanuelle.
Alexandre m’a fait un petit signe de la main, ce matin, lorsque je suis arrivée dans la cour du collège accompagnée de Wendy. J’étais contente qu’il ne m’en veuille pas pour l’accueil plus que glacial que lui avait réservé ma mère. Avec l’épais brouillard, le pauvre garçon avait l’air frigorifié dans son sempiternel short et son polo blanc. La nouveauté c’est qu’il portait un blouson gris un peu trop large pour lui. Nous sommes restés quelques instants devant le portail d’entrée du collège :
— On se les gèle dans ce pays de malade, a-t-il pesté, avant de souffler dans ses poings serrés pour se réchauffer.
— Tu sais, je pourrais te prêter les sweaters de mon frère, lui ai-je spontanément proposé. Il ne les met pas souvent, car il ne vient qu’un week-end sur deux et vous avez à peu près la même corpulence.
Il a baissé les yeux, comme s’il allait rougir, mais il a aussitôt relevé le menton avant de dévoiler ce sourire que j’aime tant.
— Pourquoi es-tu sympa comme ça, avec moi, hein ? m’a-t-il demandé d’un ton soupçonneux avec son regard espiègle. Ça cache quelque chose, hum ?
J’ai aussitôt perdu tous mes moyens et je me suis mise à rougir :
— Ne sois pas idiot, lui ai-je répondu brusquement. Je ferais la même chose pour n’importe qui !
Il ne s’attendait sans doute pas à une réponse si maladroite de ma part puisqu’il a ensuite esquivé mon regard. Je me suis sentie stupide de le remballer alors que je cherchais justement à lui faire comprendre qu’il ne me laissait pas indifférente. Évidemment que je ne prêterais pas les vêtements de mon frère à n’importe qui. Le problème, quand un garçon me plaît, c’est que j’essaie d’être naturelle avec lui, mais je dois avouer que je suis une très mauvaise comédienne.
Nous avons franchi le portail du collège tous les trois, passant devant des troupeaux d’élèves lorsque quelqu’un a subitement crié : « cassosse ! »
Nous nous sommes retournés, mais la plupart des personnes présentes ont immédiatement fait mine que rien ne s’était passé. Nous avons poursuivi notre marche vers l’entrée du bâtiment principal, quand une fille a continué : « Les rousses ça pue ! ». Une fois encore, impossible de localiser d’où provenait cette voix, car la majeure partie des spectateurs souriait béatement sans nous regarder. Je me suis sentie terriblement humiliée par cette insulte moyenâgeuse dont j’avais déjà été victime étant petite :
— C’est du racisme ! ai-je lancé en élevant la voix au-dessus de la mêlée.
Wendy a affectueusement posé sa main sur mon épaule pour me réconforter et montrer à tout le monde qu’elle était de mon côté, mais j’ai senti qu’Alexandre et moi partagions le même sentiment d’injustice. Nous venions de pénétrer ensemble dans le cercle fermé des pestiférés du collège. Sarah et ses copines n’avaient sans doute pas digéré qu’Alexandre choisisse notre bande et pas la sienne. Ces sales pestes s’étaient aussitôt senties obligées de faire fonctionner radio ragots à plein régime pour se venger de cet affront. Je dois avouer que leur stratagème était redoutablement efficace.
— La haine des autres, l’intolérance, c’est souvent de la jalousie déguisée, a marmonné Alexandre pour me rassurer et faire oublier qu’il avait été insulté, lui aussi.
— De quoi veux-tu qu’elles soient jalouses ? ai-je soupiré. Elles viennent toutes plutôt de milieux favorisés. Elles n’ont absolument rien à m’envier.
— Tu es une fille vraiment spéciale, Émilie, m’a interrompu Wendy en me caressant affectueusement les cheveux. Tu es jolie, tu as du caractère, tu es différente, tu es bien dans ta peau, alors forcément tu attires la curiosité des autres. C’est ça qui les défrise.
À la récré, Doris, l’une des copines de Sarah, m’a demandé si elle pouvait faire équipe avec moi pendant les travaux pratiques du cours de bio. J’étais un peu surprise qu’elle montre brusquement un peu d’intérêt pour moi, mais j’ai accepté. Doris n’est pas foncièrement méchante, mais elle est assez influençable et serait capable de n’importe quoi pour se faire accepter par les autres. Je ne me suis pas posé plus de question, car elle s’est comportée normalement pendant presque tout le cours. Mais à un moment, alors que Madame Robert faisait une démonstration, elle est passée précipitamment entre Alexandre et moi. J’ai levé les yeux pour réaliser que Doris venait d’asperger le dos d’Alexandre de ketchup. Son polo blanc était maculé de rouge. Et celui-ci s’est tourné vers moi, sentant probablement la sauce traverser le coton.
— Mais enfin ! s’est exclamée Doris à voix haute en revenant vers nous pour pointer la tache du doigt, qu’as-tu fait, Émilie ? Mais tu es tarée ou quoi ? Regardez ce qu’elle a fait au nouveau !
Une bonne moitié de la classe s’est mise à pouffer rire et la prof est venue constater ce qui troublait le déroulement de son cours avec son air pincé :
— C’est Émilie Frinch qui a lancé du ketchup sur Nadal ! a débiné Sarah, triomphante, en me pointant du doigt.
Madame Robert m’a regardée d’un œil mauvais, croisant les bras dans l’attente d’une explication à la hauteur du dérangement occasionné.
Mais la colère m’a submergée et, à la stupéfaction générale, alors que tous les yeux étaient tournés vers moi, je me suis emparée du sac de classe de Doris et je l’ai retourné du geste sur sa table.
— Eh ! Mais tu es complètement cinglée, ou quoi ? s’est à nouveau exclamée Doris en espérant interrompre ma démonstration. C’est pas moi !
Ses livres et ses cahiers sont tombés lourdement sur le bureau avant qu’une serviette hygiénique, un paquet de cigarettes et des dosettes de ketchup, suivent la même course.
— Doris tu n’es qu’une menteuse et une faiseuse d’histoires ! me suis-je indignée devant la prof et les élèves pour qui la coupable venait d’être démasquée. Il te faut un test ADN pour que tu reconnaisses tes trucs de dégueu ? lui ai-je demandé en montrant les dosettes de sauce à toute la classe qui a de nouveau éclaté de rire.
Après de telles preuves, Doris a été envoyée chez la proviseure accompagnée du délégué de classe et on ne les a plus vus jusqu’à la fin de l’heure.
Alexandre est allé laver son polo discrètement dans un lavabo des toilettes. J’avais mal au cœur pour lui. Ça faisait deux agressions dans la même matinée. Il s’était d’abord fait traiter de « cassosse » et voilà qu’on lui portait atteinte physiquement. Il est revenu avec son polo trempé et une belle auréole rose au milieu du dos.
— Je suis désolée, lui ai-je dit pendant l’interclasse, alors que nous nous trouvions dans le couloir aux baies vitrées, jamais je n’aurais fait une chose pareille. Sarah et sa bande sont jalouses que nous soyons amis. Elles cherchent juste à créer la discorde entre nous pour qu’on se brouille, c’est évident.
— Ça n’a pas marché, a-t-il déclaré en s’arrêtant un instant pour me regarder droit dans les yeux. Elles ne sont pas assez subtiles pour nous atteindre. Du coup, je crois que je vais être obligé d’accepter le sweater que tu m’as proposé tout à l’heure. Si tu es toujours d’accord.
Il était juste en face de la fenêtre et ses grands yeux clairs m’ont tellement impressionnée que je n’ai pas pu soutenir ce regard trop hypnotisant. Il était simplement magnifique !
Les deux dernières heures m’ont semblé interminables et, à la fin des cours, j’étais presque contente que Wendy rentre directement à Reudor. Le brouillard descendait lentement sur les trottoirs mouillés de Mortevor et les éclairages publics transformaient les silhouettes en d’inquiétantes créatures informes. Seule aux côtés d’Alexandre, je ne craignais rien. Au contraire, j’étais la plus heureuse des adolescentes.
— Je dois te faire une confidence, ai-je commencé, alors qu’il emboîtait le pas pour m’accompagner à la maison. Hier soir nous t’avons suivi, Wendy et moi. J’ai vu où tu habites et… Heu… Tu n’as pas à avoir honte… Nous… Nous ne sommes pas responsables des choix de nos parents.
Il a rougi et je me suis demandée si j’avais bien fait d’être d’emblée si sincère avec lui. Alexandre avait l’air terriblement embarrassé.
— Tu sais… Enfin, c’est compliqué et… D’accord, je te raconte, mais tu dois d’abord me jurer de ne rien répéter à personne. D’accord ? Ça doit absolument rester entre nous. Tu le promets ?
— C’est juré, tu peux me faire confiance. Je sais garder un secret, ai-je promis.
Il a vigoureusement frotté son polo blanc toujours humide pour se réchauffer :
— Il y a des choses qui sont difficiles à exprimer, surtout quand on ne les a jamais confiées à quelqu’un, tu comprends ?
— Bien sûr, ai-je acquiescé spontanément, sans réellement voir où il voulait en venir.
Il a repris son souffle avant de se lâcher :
— Mes parents ont eu un accident de voiture, il y a un an et demi. C’est mon père qui conduisait. Ma mère est morte sur le coup, mon petit frère a eu des côtes et une jambe sectionnée et moi… Je… Je n’ai rien eu. Voilà la vérité…
— Waow ! Je n’imaginais pas que…
Il a levé ses grands yeux clairs au bord des larmes, dévoilant un air fragile que je ne lui connaissais pas et il a froncé les sourcils avant de poursuivre :
— Mon père s’est mis à boire, a-t-il enchaîné, comme s’il ne pouvait plus arrêter son flot de paroles. Au début ça allait, mais il a fini par être ivre du matin au soir et il a arrêté de travailler. Il ne gérait aucun document administratif et nous avons fini par être expulsés de l’appartement. On a été logés à l’hôtel quelque temps et puis, comme nous n’avions plus un sou, ils nous ont viré au début du printemps. Ensuite, nous faisions tellement pitié qu’on nous a prêté cette caravane, en attendant mieux. Chaque matin je me rends à la piscine municipale où je fais ma toilette. On doit faire super gaffe à tout. Mon père touche une allocation depuis peu. Maintenant on arrive presque à manger tous les jours, mais c’est limite.
Alexandre a tourné la tête et j’ai bien vu qu’il se retenait pour ne pas pleurer, autant de tristesse que de honte. Je ne savais pas comment réagir sans être excessive, alors j’ai évité son regard :
— Je suis vraiment désolée, Alexandre. Je ne me doutais pas de… de tes problèmes. Le chagrin de ton père est immense et il doit aussi se sentir coupable puisqu’il conduisait. Mais il y a toujours une solution ! Il faut t’accrocher, tu n’es plus seul !
Il m’a souri après cette dernière remarque, comme si ma bienveillance le rassurait. Je me sentais tellement bien avec lui que je redoutais déjà le moment où nous allions nous séparer. J’avais envie que notre conversation, que cette nouvelle complicité, ne s’arrête jamais.
— Si tu as besoin d’une amie, de quelqu’un à qui parler, je serai là, Alexandre. Je ne suis peut-être pas hyper psychologue, mais je suis sincère et on est toujours plus forts quand on est entouré…
Il a hoché du menton comme s’il considérait cette proposition comme déjà approuvée.
Ses yeux étaient si expressifs que j’avais l’impression de pouvoir y lire toutes ses émotions. Et à ce moment, l’angoisse qui l’animait semblait plus intense que jamais.
— Si tu es mon amie, tu ne dois dire à personne, m’a-t-il répété. Si des adultes apprennent que nous sommes dans cette situation, on va nous placer, mon frère et moi. Et il y a peu de chances pour qu’on nous envoie dans la même famille. J’ai réussi à supporter l’accident, la mort de ma mère, les séquelles et l’addiction de mon père à l’alcool, mais si on me séparait de ma famille, je crois que j’en mourrais…
Je me sentais tellement en confiance avec Alexandre qui se livrait à moi que j’ai eu envie de lui révéler la vérité à propos de mon père. Mais il a continué avant que je n’aie eu l’occasion de lui dire quoi que ce soit :
— Tu sais Émilie, tu devrais éviter le coin du marais des Verraq, ces prochaines semaines, m’a-t-il suggéré le plus sérieusement du monde.
J’étais surprise de ce conseil qu’il me donnait subitement comme pour me remercier de l’avoir écouté sans le juger.
— Pourquoi ? ai-je demandé, réalisant du même coup que vivant dans le secteur où le corps de Perrine avait été retrouvé, il savait peut-être quelque chose en rapport avec sa disparition.
— J’ai vu la Gruve, un soir, a-t-il avoué d’une voix presque sourde.
— La Gruve ? me suis-je écriée. Ne me dis pas que toi aussi tu crois à ces histoires de créature aquatique ?
— Oui, j’ai croisé sa route plusieurs fois. Je l’ai encore aperçue la semaine dernière dans sa barque, à travers le brouillard. Mais je ne m’en suis pas approché.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Comment un garçon qui avait l’air si intelligent pouvait se laisser posséder par de telles chimères ? Il y avait évidemment une explication rationnelle à ces coïncidences. La Gruve ne pouvait pas exister.
En arrivant devant mon petit immeuble, une fenêtre de l’appartement était éclairée et j’ai réalisé que Maman devait être déjà rentrée. Si elle me voyait à nouveau en compagnie d’Alexandre, ça allait être ma fête.
— Je ne peux pas te faire monter, lui ai-je dit, mais je vais t’envoyer un sweater par la fenêtre de mon frère, juste là, ai-je fait en pointant du doigt la façade. Je n’en ai pas pour longtemps.
J’allais repartir, mais il a saisi mon poignet et s’est avancé vers moi pour humer mon cou :
— C’est pas vrai que tu pues, Émilie, a-t-il déclaré en me regardant droit dans les yeux. Tu… Tu sens la groseille…
J’étais stupéfaite de ce contact si rapproché et son visage était si proche du mien que j’ai cru un instant qu’il allait m’embrasser. J’ai senti mon cœur s’emballer et je suis repartie après un simple signe de la main, n’osant plus lui faire la bise. Dans l’escalier, j’avais envie d’exploser de joie, tant j’étais heureuse. Non seulement j’avais gagné l’amitié d’Alexandre, mais en plus il trouvait que je sentais… La groseille !
Une fois à la maison, j’ai dû revenir à la réalité, car les choses ne se sont pas déroulées comme je l’espérais.
— Tu as vu l’heure ? m’a aussitôt agressé ma mère depuis la cuisine. Où es-tu allée traîner alors que tu es supposée rentrer directement après tes cours ? Tu te moques de moi ou quoi ? Ici, il y a des règles !
— C’est bon, j’ai juste un peu discuté en chemin, c’est tout, ai-je tenté de l’amadouer en posant mon cartable et en la rejoignant dans la cuisine. Pas de quoi en faire un drame !
— J’en ferai un drame si j’en ai envie ! a repris Maman avec son air de dictateur frustré et en contournant la table déjà dressée pour venir se poster devant moi les deux poings serrés dans le creux de ses hanches. Je n’ai pas oublié la mauvaise image que tu as donnée de nous à Léonard, hier soir. Franchement, tu as été au-dessous de tout. Vautrée sur ta chaise, tu as passé la moitié du repas à soupirer et à lever les yeux au ciel telle une ado détestable ! Il faut vraiment qu’il soit motivé pour accepter de me revoir !
— De toute façon, ce flic ne me plaît pas. Je l’ai vu traîner dans les escaliers vendredi soir, il me lance de drôles de regards et il a donné un coup de pied à Moka.
Maman a éclaté d’un rire nerveux.
— Non mais, écoutez-moi ça ! De quoi viens-tu te mêler ? Léonard est allergique aux poils de chats, ce n’est pas de sa faute ! Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Et puis il me plaît à moi, c’est tout ce qui compte ! Tu t’imagines que je vais sacrifier toute ma vie pour une gamine qui ne fait aucun effort et un chat qui griffe mes invités ? J’ai déjà supporté le summum avec ton père, alors s’il te plaît, accorde-moi juste le droit de vivre un peu ma vie de femme !
Je ne supportais plus de l’entendre crier à un mètre de mes oreilles, alors j’ai traversé le couloir pour me rendre dans la chambre de Clark. J’ai rapidement scruté les piles de sweaters de son armoire. C’est vrai qu’il en possède des dizaines. J’ai choisi le plus moelleux et le plus chaud, un bleu avec une capuche et l’inscription « Chicago Paradise » en lettres rouges et blanches. J’ai aussitôt ouvert la fenêtre pour voir Alexandre qui m’attendait en grelottant, juste en dessous.
— Hey ! ai-je crié. Attrape !
J’ai lancé le sweater et Alexandre l’a réceptionné avec le geste souple et assuré d’un sportif agile. Mais à peine l’avait-il en main qu’il est parti en courant, presque effrayé. Je me suis retournée pour tomber nez à nez avec Maman qui semblait proche de la crise de nerfs :
— J’ai rêvé ou tu viens d’envoyer un pull de Clark par la fenêtre ? m’a-t-elle aussitôt interrogé en refermant brusquement les deux battants, comme si nous étions en pleine tempête.
— C’est un prêt, ai-je répondu. Il est démuni. Il faut bien l’aider !
— Qui est ce garçon ? m’a-t-elle demandé sèchement, le regard noir et glaçant. C’est le même qu’hier soir ? C’est ton petit ami ? Il t’a promis des choses ? Il te harcèle ?
— Non, ce n’est pas mon petit ami, ai-je répondu. Et d’ailleurs qu’est-ce que ça peut faire ?
— Tu es beaucoup trop jeune pour avoir un petit ami ! s’est-elle insurgée. C’est tout ! Ce n’est pas toi qui décides.
— Quinze ans, c’est l’âge normal, Maman ! On ne vit plus au Moyen Âge !
— Oui, eh bien chez nous, on est moins pressées ! a-t-elle poursuivi en allant ranger les pulls dans l’armoire de mon frère. Regarde ta Tante. Elle s’est casée à plus de cinquante ans !
— Ha ! Oui, bravo ! Je te remercie pour la comparaison ! me suis-je écriée.
— Quoi ? Ça te dérange qu’elle soit avec une femme ? m’a-t-elle reprise de son air hautain.
— Pas du tout, Maman. J’espère juste que je n’attendrai pas la cinquantaine pour trouver quelqu’un qui me convienne !
— Charité bien orchestrée commence par soi-même ! a-t-elle tranché en refermant brutalement les deux portes en chêne massif de l’armoire. Nous n’avons pas les moyens de subvenir à tous les nécessiteux de Mortevor. Tu demanderas à ton petit cas social de nous rendre le sweater de Clark dès demain.
Cette dernière exigence m’a mise hors de moi et j’ai commencé à pleurer :
— C’est quoi la vérité ? Qu’est-ce qui te dérange au fond ? me suis-je mise à hurler. Tu as peur que je trouve quelqu’un, alors que tu galères et que tu es prête à tout pour te caser avec n’importe qui !
Je n’ai pas eu le temps de la voir arriver qu’une gifle terrible a enflammé ma joue gauche. J’ai aussitôt perçu le regret dans le regard de Maman, avant que je ne fonde totalement en larmes. Humiliée et anéantie, je me suis précipitée dans ma chambre en claquant violemment la porte derrière moi.
— Ne fais pas l’idiote, a crié Maman depuis le couloir, tu sais bien que tu l’as méritée. Ça fait un moment que tu me cherches. Cette fois, tu l’as eue !
Elle est entrée tandis que je sortais précipitamment une valise de mon dessous de lit, mes larmes coulant à flots.
— Émilie, ça suffit ! Calme-toi ! s’est-elle de nouveau mise à hurler. Tu n’es plus une gamine. Où comptes-tu aller comme ça ? C’est ce garçon qui t’a mis cette idée en tête ? Tu veux fuguer avec lui, c’est ça ? Reviens un peu à la réalité !
Je ne pouvais pas la laisser délirer et accuser à nouveau Alexandre de tous les problèmes :
— Ça n’a rien à voir avec lui ! Je pars vivre chez mon père !
Les yeux de Mamans ont semblé sortir de leurs orbites :
— Ton père ? Mais quel père ? Tu n’as pas encore compris qu’il n’existe plus ! Et puis Clark habite chez Emmanuelle… On avait décidé que… Et… Et…
Maman semblait totalement désemparée et j’ai compris que je venais de franchir avec elle la limite du supportable. Je me suis retournée pour la voir affreuse dans ses pleurs, grimaçant et se recroquevillant sur elle-même comme une gamine. Je ne pouvais pas accepter de la savoir si triste, alors je l’ai prise dans mes bras. J’ai senti ses larmes couler dans mon cou, son parfum et sa chaleur tout contre moi. Ça m’a fait un bien fou. Je l’ai serrée un peu plus fort et elle m’a imitée, à tel point qu’à la fin je n’arrivais plus à respirer.
— Je t’aime, petite impertinente, m’a-t-elle murmuré. Ne m’abandonne pas, mon trésor. J’en ai déjà trop bavé. Je n’arriverais pas à surmonter une telle épreuve.
— Jamais, Maman, ai-je dit avant de l’embrasser, mystérieusement réconciliée par les liens invisibles du sang.
***
J’ai rangé mes affaires, fait mes devoirs et ensuite nous avons dîné dans le salon avec Moka devant « Jurassic Park », comme si rien ne s’était jamais passé. Maman a envoyé des SMS toute la soirée à Léonard qui lui répondait aussi vite des messages qui la faisaient rire ou sourire. Je suis demeurée silencieusement dans mon coin à penser à Alexandre, cherchant le moyen de l’aider un peu. C’est vrai, on n’imagine pas que les gens qui sont à côté de nous ont des vies si malheureuses. Alexandre connaît une véritable misère et cela me fait mal au cœur. Maman n’est peut-être pas très argentée, mais je ne manque de rien d’essentiel. C’est sûr que je n’ai pas de téléphone dernier cri ou de vêtements de super marques, mais il y a bien pire. Alexandre doit être bien malheureux. J’ai décidé que j’allais essayer de l’aider, coûte que coûte.
J’ai répondu à Emmanuelle : « Je serai là. Je suis trop impatiente de te serrer contre moi. Je t’aime ! »
Les fortes émotions d’hier avaient dû m’épuiser, car j’ai dormi comme un loir. Je n’ai pas entendu mon réveil et je me suis précipitée sous la douche telle une tornade dès que j’ai vu l’heure. Je ne voulais surtout pas donner raison à Maman qui m’accuse déjà de traîner au lit. Et j’avais surtout trop envie d’échanger quelques mots avec Alexandre avant de commencer la journée. J’ai zappé tous les rituels cosmétiques, me lavant comme à l’époque féodale, me savonnant de la tête aux pieds, utilisant le pommeau de douche sur la position “massage” pour un rinçage au jet à puissance maximale. J’ai sauté le petit-déjeuner et me suis rendue à la boulangerie pour acheter deux pains au lait. En approchant du collège j’ai aperçu la silhouette isolée d’Alexandre au milieu du brouillard matinal et mon cœur s’est emballé en me remémorant le moment où il avait saisi mon poignet pour sentir mon parfum.
— Tu en veux un ? lui ai-je demandé tout en déglutissant une grosse bouchée avant de lui faire la bise.
— Je crève la dalle, a-t-il répondu avec un sourire, tu n’as pas besoin de beaucoup insister !
Je lui ai tendu le petit pain qu’il a avalé en quelques secondes. J’étais trop heureuse de lui avoir été utile.
— Tu sais, j’ai des unités d’avance sur mon pass de cantine, lui ai-je déclaré. Je peux t’inviter à midi.
Alexandre a écarquillé les yeux avant de rougir :
— C’est gentil, mais je ne peux pas accepter. Je ne veux pas être une charge pour toi. À la fin, tout le monde va encore se moquer de moi.
— Personne n’en saura jamais rien, ai-je insisté. Tu passeras à la cantine avec moi et je t’enregistrerai sur ma clé.
— Ça serait super sympa ! a-t-il finalement acquiescé avant d’afficher une expression de vive reconnaissance.
J’étais presque plus heureuse à l’idée de manger avec lui plutôt que de faire une bonne action. Ma générosité fut immédiatement récompensée par un regard de reconnaissance qui méritait tous les sacrifices de la Terre.
Wendy a traversé l’épais brouillard pour nous rejoindre et nous embrasser :
— Il paraît que Doris s’est faite exploser par la proviseure, a-t-elle dit en éteignant son téléphone. Elle est collée deux mercredis de suite. C’est bien fait pour cette sale petite peau de vache !
Alexandre a éclaté de rire et je l’ai trouvé trop beau dans le sweater bleu de Clark.
Nous avons traversé l’allée principale du lycée sans entendre la moindre insulte. Les sanctions de la proviseure semblaient couronnées de succès, même si je me doutais bien que l’affront allait se payer très cher. Sarah n’avait sans doute toujours pas digéré qu’Alexandre se lie d’amitié avec moi et que nous soyons désormais inséparables. Sarah était une orgueilleuse de la pire espèce. Fille gâtée jusqu’à la moelle, Sarah disposait d’un don pour la comédie que beaucoup lui enviaient. Jolie et élégante, elle savait charmer son auditoire et fondre en larmes si la situation l’exigeait. Sportive plusieurs fois médaillée, elle n’hésitait pas à se battre à coups de poings, si le besoin se faisait sentir. Bref, elle était redoutablement dangereuse et avait décidé d’être mon ennemie.
Les cours m’ont semblé interminables, même si avoir Alexandre dans la même salle que moi rendait le monologue de la prof de français moins ennuyeux.
— Arrête un peu de le dévorer des yeux comme ça ! m’a sommé Wendy à un moment où je ne m’y attendais pas et me donnant un coup de coude. J’ai sursauté et cela a attiré l’attention de la prof qui nous a immédiatement demandé de changer de place. J’étais furax, car à cause d’elle, je ne voyais plus du tout Alexandre.
J’ai passé le reste de la matinée à attendre le déjeuner avec lui en espérant profiter d’un tête-à-tête. Mais comme j’avais pu le prévoir, une fois que nous nous sommes installés à la cantine, un événement a anéanti tout espoir de partager un peu d’intimité avec lui. Cette fois, c’est Corentin qui s’est attablé avec nous sans même nous demander notre avis. J’étais verte, même si je n’en n’ai rien laissé paraître :
— Tu es toujours d’accord pour cette excursion nocturne dans le Marais des Verraq avec moi ? m’a-t-il demandé en posant son plateau à côté des nôtres.
— Qu’est-ce que vous voulez y faire ? l’a coupé Alexandre, tout en dévorant ses frites avec de la moutarde.
— Corentin est persuadé que la Gruve existe, ai-je répondu. Il voudrait qu’on la prenne en photo ou qu’on la filme. Selon lui, ce serait la preuve que Perrine Jourdan n’est pas morte accidentellement.
— La Gruve ? Je l’ai déjà vue ! a répété Alexandre avec son air mystérieux. Et si vous la croisez un jour, je peux vous jurer que vous ne voudrez plus jamais traîner sur son chemin.
Corentin a écarquillé les yeux de surprise et d’intérêt :
— Tu es déjà tombé dessus ? l’a-t-il aussitôt questionné. Tu plaisantes ou tu es l’un des rares témoins qui l’a réellement croisée ?
Alexandre a terminé sa bouchée avec un petit air malin comme pour faire durer le suspense :
— Oui, c’était pendant l’été. La nuit fourmillait d’étoiles et éclairait le dédale de sentiers entourant le marais. Je me promenais pour profiter de la fraîcheur nocturne lorsque j’ai remarqué quelque chose d’étrange qui brillait dans les fourrés. La lueur se reflétait à la surface de l’eau et cela a attisé ma curiosité. Je m’en suis lentement approché sans faire de bruit. Mais une odeur de pourri a commencé à me révulser. C’est alors que j’ai découvert une bougie posée sur un petit îlot au milieu du marais et de ses hautes herbes qui sortaient de partout. Et là j’ai vu une imposante masse sombre se mouvoir. Elle était impressionnante avec des plantes et des branches qui craquaient sur son dos au moindre de ses mouvements. Elle s’est tournée vers moi et je n’ai pas pu voir son visage sous sa capuche, mais elle a poussé un cri horrible qui m’a glacé le sang. Ça ne ressemblait pas au hurlement d’une bête ou d’un humain. On aurait plutôt dit une voix qui venait de l’au-delà. Je n’ai pas traîné et je suis rentré chez moi en courant. J’ai tellement flippé qu’il m’a fallu au moins une semaine avant de pouvoir décrire ce que j’avais vu.
— Le truc de malade ! s’est écrié Corentin qui rêvait de cette rencontre. Tu n’as pris aucune photo ?
— Non, j’ai même pas de portable, a dit Alexandre avant de me jeter un petit regard complice à moi qui savais bien qu’il était déjà trop pauvre pour acheter des vêtements. Mais je crois que si j’en avais eu un, je n’aurais pas perdu mon temps à la photographier. Quand tu es face à un tel monstre, tu ne penses pas à faire un selfie !
Wendy est arrivée à ce moment et elle s’est installée à côté de moi, face à Corentin.
— Vous en faites des têtes ! s’est-elle écriée. Vous n’avez jamais vu un top modèle dans une cantine, ou quoi ?
— Corentin veut aller au Marais des Verraq, samedi soir, ai-je expliqué. Il pense qu’on pourrait prendre en photo la Gruve et prouver qu’elle a assassiné Perrine.
— Bon ! Qui est-ce qui vient ? a lancé Corentin en levant la main.
J’ai pensé un instant à Maman qui m’avait privée de sorties, mais je me suis souvenue qu’elle passait la soirée chez Léonard, samedi. Avec un peu de chance, elle n’en saurait jamais rien.
— C’est bon, je viens, ai-je déclaré avant d’être imitée par Alexandre.
Wendy s’est tournée vers moi et a levé les yeux au ciel :
— Je sais bien que tu es comme une sœur, a-t-elle soupiré, mais franchement, parfois je me demande où tu vas chercher tout ça ! Tu fais exprès ou pas ?
— Arrête un peu, petite froussarde ! me suis-je moquée. Tu ne risques aucun ennui ! Je suis certaine qu’on ne verra rien. Au pire tu prendras l’air avec nous et basta ! Ces rencontres n’arrivent que dans les films d’horreur !
Je faisais mine de vouloir la rassurer, mais en vérité j’étais ravie que nous soyons assez nombreux pour une expédition qui menaçait d’être flippante. Après tout, si nous trouvions la Gruve, tout ce qu’on raconte à propos de cette créature deviendrait réalité du même coup.
Wendy a vu passer Sarah affichant son air pincé de l’autre côté du réfectoire et elle s’est aussitôt amusée à rire à gorge déployée comme si nous passions un moment exceptionnel tous ensemble. Évidemment, son cinéma nous a fait réellement rire à notre tour et du coup nous sommes passés pour la table la plus sympathique de la cantine. Je ne me suis pas retournée, mais j’imaginais Sarah qui devait nous haïr et souhaiter secrètement les pires catastrophes à chacun d’entre nous.
À la fin du repas, les garçons sont partis de leur côté et je me suis retrouvée seule sous le préau. J’allais réviser mon cours d’histoire quand Alban est venu me saluer :
— Salut, poil de carotte ! m’a-t-il taquiné en me faisant la bise.
— Je suis désolée pour ce qui est arrivé à Perrine, lui ai-je dit. Je sais que vous vous étiez fâchés à cause de son père, mais je…
— Ha ? Toi aussi, on t’a mise au parfum ? Tu sais, Émilie, j’aimerais bien qu’on me foute la paix avec ça ! s’est-il aussitôt braqué.
Alban est un grand brun plutôt maigre qui gesticule beaucoup en parlant et cela a eu pour effet de m’impressionner, car j’ai carrément eu peur de me prendre un coup. Il s’en est rendu compte et s’est calmé avant de reprendre :
— Il se passe un truc bizarre, en ce moment, a-t-il repris en haussant les épaules tout en plongeant les mains dans ses poches. Avec Perrine, nous nous sommes quittés il y a deux mois d’un commun accord. Il n’y a jamais eu de dispute entre nous. C’est juste qu’on n’était pas en phase. On s’ennuyait ensemble, alors on a préféré arrêter. C’est tout. On ne s’est même pas fait la gueule. Et maintenant Monsieur Jourdan raconte qu’il m’a expulsé de chez lui parce que j’avais eu un comportement indécent avec sa fille ! J’ai toujours respecté Perrine, nous n’avons même jamais fait la chose. Le pire c’est que je ne sais même pas ce qui me rend le plus triste entre ces fausses rumeurs et la disparition de Perrine. On dirait que son père veut faire croire que je pourrais avoir tué sa progéniture et ça me fout les boules ! Tu te rends compte ? Pourquoi j’aurais noyé mon ex ? C’est du grand n’importe quoi !
— Ça va aller, Alban, lui ai-je répondu. Il faut beaucoup de temps. Mais au bout d’un moment, les vrais coupables font toujours une erreur qui permet de les démasquer.
— J’espère que tu as raison, Émilie, même si c’est mal barré. Pour la police l’affaire est close. Perrine a eu un accident, il n’y a pas à chercher d’autre responsable. Dans quinze jours tout le monde aura oublié.
Je l’ai regardé s’éloigner vers un couloir donnant sur les salles de cours. Son témoignage m’avait un peu perturbé. Pourquoi Monsieur Jourdan aurait-il inventé cette histoire ? Lorsque je l’avais épié, dans le couloir de notre immeuble, il semblait totalement abattu et résigné. Et voilà qu’on le dépeignait comme un menteur et un manipulateur. Pourquoi cherchait-il un coupable pour la disparition de sa fille ? Souhaitait-il attirer l’attention de la police qui n’avait retenu que la thèse de l’accident ? Voulait-il brouiller les pistes et cacher autre chose ?
Je me suis ensuite rendue aux toilettes des filles. J’allais pénétrer tranquillement dans l’une des cabines quand on m’a violemment détournée de ma route en m’empoignant par les cheveux. 
Dans la précipitation, je me suis cognée contre un tuyau ou le carrelage mural, je ne sais plus. C’était cette dingue de Sarah qui a approché son visage tout près du mien pour me menacer :
— Écoute-moi bien, Émilie Frinch, m’a-elle avertie, les dents serrées, tellement elle semblait énervée. J’en ai marre que tu me nargues avec le nouveau. Alors je te préviens, si c’est la guerre que tu veux, tu vas l’avoir, mais tu vas vite le regretter !
— Aïe ! Tu es complètement cinglée ! ai-je hurlé de douleur en sentant mon cuir chevelu se décoller.
Je me suis débattue avant de lui administrer un terrible coup de coude dans le ventre pour échapper à son emprise. Elle a reculé d’un pas avant de revenir vers moi, posant ses mains autour de mon cou en faisant mine de m’étrangler :
— Doris est collée deux mercredis de suite à cause de toi et ça, tu vas nous le payer ! a-t-elle poursuivi, rouge de colère. Je peux te jurer qu’on va te faire la peau, car…
Deux filles d’une autre classe ont interrompu son discours en pénétrant dans les toilettes et Sarah, prise sur le vif, m’a lâchée avant de se réfugier précipitamment dans une cabine en prenant l’air de rien. Mais avec son teint d’écrevisse, on aurait vraiment dit une folle. Et elle n’a trompé personne puisque l’une des deux filles m’a lancé un regard compatissant.
J’étais encore sous l’emprise de la terreur lorsque j’ai quitté les toilettes en me massant le cou. Il m’a fallu plusieurs minutes avant que je retrouve mon calme et que j’oublie cette agression idiote.
Je n’ai rien dit de l’incident à Alexandre qui a déjà suffisamment de problèmes avec son Papa et ses conditions de vie. D’ailleurs, nous avions sport et les garçons et les filles étaient séparés en des groupes distincts.
Après les cours, j’ai fait mes devoirs avec Moka qui m’observait d’un regard accusateur depuis le lit. Ce chat est très curieux, car il semble m’apprécier seulement depuis que Léonard l’a menacé de le mettre à la porte. C’est à croire qu’il a compris qu’il valait mieux pour sa survie qu’il devienne ami avec moi. J’ai pu le caresser et même le porter sur mes genoux. Il s’est endormi en ronronnant pendant que je regardais la télévision dans le salon et j’étais trop heureuse qu’il me fasse enfin confiance.
J’ai reçu un Snap de Clark :
— C’est quoi cette histoire de sweater ? m’a-t-il demandé.
— J’en ai prêté un à un copain qui a été aspergé de ketchup. C’est rien.
— C’est vrai que Maman a un nouveau fiancé ?
— Oui et c’est pas un cadeau.
Clark ne m’a plus répondu après cette remarque. Mais je n’ai pas à m’inquiéter. En tant que jumeaux, nous bénéficions d’une complicité que les autres ne comprennent pas. Bien souvent nous tombons d’accord sans même nous être concertés. Je n’aime pas être séparée de lui, mais le divorce était un cas de force majeure. Papa n’est plus Papa et c’est encore maintenant qu’il a le plus besoin d’être soutenu par ceux qui l’aiment. Les gens sont méchants avec lui. Ils le jugent, l’insultent, lui font subir toutes sortes d’humiliations, par pure cruauté. Maman a raison, Papa n’est plus. Je dois arrêter de l’appeler ainsi. Il est temps que je me fasse une raison. Je n’ai plus de Papa.
Ce matin, en me regardant dans le miroir de la salle de bains, j’ai constaté que l’attaque de Sarah dans les toilettes du collège m’avait laissé un bleu agrémenté d’une petite cicatrice en haut de mon front. Le plus ennuyeux étant encore de donner des explications à Maman, j’espérais bien échapper à l’inspection de la mère supérieure. Mais je l’ai croisée juste pile au moment de partir pour le collège :
— Mais qu’est-ce qui t’es arrivée ? m’a-t-elle demandé avec son ton dictatorial.
Comme je venais de constater le désastre, je n’avais pas encore inventé un bobard suffisamment convaincant :
— Je me suis cognée… Cette nuit… En dormant, ai-je tenté.
— Tu me prends pour une gourde ? Tu en as vu beaucoup des gens qui se font de tels bleus en dormant. Dis plutôt que tu t’es battue ? C’est encore avec ce garçon ?
— Mais non, je…
Maman a soupiré :
— Quoi que j’ai pu dire ou faire, hier soir, tu restes punie. Tu es interdite de sortie jusqu’à nouvel ordre !
— Oui, c’est ça ! ai-je fait en ramassant mon cartable et mon manteau avant de me diriger vers le couloir. Toi aussi, bonne journée ! ai-je terminé avant de claquer super bruyamment la porte d’entrée.
En chemin vers le collège, j’ai reçu un SMS de Wendy : « J’ai aussi mal au ventre que si une armée de grenouilles y faisaient un feu d’artifice. Préviens les profs que je n’irai pas en cours aujourd’hui. D’ailleurs je ne sais pas si je pourrai venir avec vous à votre excursion pour trouver la Gruve, demain soir. »
Comme si cela ne suffisait pas, Alexandre bavardait avec Corentin devant les grilles du lycée. Ils se racontaient des histoires autour de films d’animation que je n’avais jamais vus et j’avais l’impression de tenir la chandelle à leurs côtés. Ils se sont installés ensemble pendant le cours d’anglais et je me suis retrouvée toute seule à ma table habituelle. Au fil de la journée, il m’a semblé qu’Alexandre et Corentin se découvraient toutes sortes de points communs, dont un certain humour et un intérêt marqué pour les légendes de Mortevor.
À la récré de dix heures, Alexandre m’a tout de même rejointe, accompagné de son nouvel ami.
— Qu’est-ce qui t’es arrivée ? m’a-t-il soudain demandé en passant délicatement son pouce sur la cicatrice de mon front. Ça te fait mal ?
Ce simple geste a suffi à balayer toute ma mauvaise humeur.
— C’est… C’est Sarah qui m’a agressé, hier midi, dans les toilettes, ai-je lâché. Elle ne supporte pas que nous nous entendions. Wendy a raison. C’est une jalouse maladive. Elle a manqué de m’étrangler et m’a dit qu’elle ne comptait pas en rester là.
Les grands yeux verts d’Alexandre ont fouillé les miens, à la recherche de ce que je ressentais au plus profond de moi et j’ai eu beaucoup de mal à soutenir son regard. Il semblait si protecteur, si prévenant, si gentil, si comme j’aime. Mais Corentin a tout gâché en éclatant de rire :
— Ça va aller, les tourtereaux ? a-t-il demandé. Vous voulez que je vous laisse ?
— Qu’est-ce que tu vas imaginer ? s’est immédiatement défendu Alexandre en plongeant les mains au fond des poches de son jeans, avant de rire à son tour. Je m’inquiète pour elle, c’est tout !
Évidemment cette remarque m’a beaucoup blessée, mais je n’en ai rien laissé paraître. Alexandre ne m’a pas posé davantage de questions à propos de cette agression de la part de Sarah. Les deux garçons ont ensuite orienté leur conversation autour des cicatrisants, puis des progrès de la médecine en général et enfin de la vie éternelle, comme si je n’étais pas là. Il n’y a qu’à la fin de la récréation qu’Alexandre s’est tourné vers moi :
— Je peux venir à la cantine avec toi ? m’a-t-il questionné, en prenant son petit air malheureux.
Je ne pouvais pas répondre négativement, même si j’avais un peu le sentiment d’être le pigeon de service.
— Oui, évidemment. Il faudra juste que je vérifie combien il me reste d’unités sur ma carte.
Nous sommes retournés en cours comme si de rien n’était. Fort heureusement, les deux heures d’histoire-géo étaient passionnantes et, seule dans mon coin, je n’ai pas vu le temps passer.
À midi, je me suis demandée si Corentin ne faisait pas exprès de monopoliser l’attention d’Alexandre tellement je me sentais invisible. Je bouillais sur ma chaise et j’avais beaucoup de mal à faire semblant d’être aussi souriante que la veille, même si je me doutais que Sarah ne devait pas être loin et jubilait du spectacle misérable que ma mine frustrée lui offrait. C’est à ce moment qu’Ambre s’est joint à notre table. Je ne le connaissais que de réputation et je pensais qu’il n’avait jamais prêté la moindre attention à moi. Ambre est le fils d’un chirurgien très réputé à Mortevor. C’est un peu le garçon modèle du collège, toujours tiré à quatre épingles, avec des vêtements de marques flambant neufs. Il est brillant dans ses études puisqu’il a déjà sauté deux classes pour se retrouver directement en troisième. Ambre est un grand brun au teint mat et aux yeux noirs, plutôt filiforme. Il est beau, délicat, sensible, dans un style complètement différent d’Alexandre.
— J’aimais bien Perrine, a-t-il commencé en me regardant droit dans les yeux. Comme je sais que c’était ta voisine et qu’elle m’avait parlé de toi, je voulais que tu saches que je suis désolé pour ce qui lui est arrivé.
J’étais surprise qu’il m’aborde avec ce sujet si triste et si morbide, et en même temps ravie qu’il se confie à moi, surtout à un moment où j’avais le sentiment de n’avoir aucune importance aux yeux de ceux de mon entourage :
— Je te remercie, ai-je répondu. Cela m’a beaucoup affectée, c’est sûr, mais en réalité nous n’étions pas très proches. On ne se faisait pas beaucoup de confidences. Ce sont surtout nos mères qui échangeaient des choses à notre sujet…
— Cet accident a choqué beaucoup de monde, a-t-il poursuivi tout en poussant sur le côté de son assiette ses pommes de terre rôties. Il faut dire qu’elle était très jeune et menait une vie plutôt dissolue…
— Ah ? Bon ? Dissolue ? Comment ça ? Que veux-tu dire ?
Alexandre et Corentin, qui écoutaient d’abord par politesse, ont commencé à être beaucoup plus intéressés par cette conversation.
— Vous n’avez pas entendu parler de ces rumeurs selon lesquelles Perrine attendait un enfant ? a poursuivi Ambre sans sourcier.
— N’importe quoi ! s’est aussitôt indigné Corentin. Ce ne sont que de stupides ragots, a corrigé Corentin. Les gens colportent n’importe quoi. Perrine n’est plus là pour se défendre, alors chacun y va de son petit scénario dégoûtant. Elle n’avait que quatorze ans !
Ambre a saisi la carafe d’eau, avec l’air sûr de lui et a pris son temps pour se servir, conscient que chacun attendait impatiemment des détails sur cette déclaration brûlante :
— Mon père travaille dans la clinique où le corps de Perrine a été autopsié, a-t-il repris. Il paraît qu’elle n’était pas belle à voir, la peau toute bleue, les membres gonflés à outrance… À cause de l’eau…
— Et alors, elle était enceinte ou pas ? s’est agacé Alexandre.
— Oui, tu sais quelque chose ou pas ? a enchaîné Corentin.
Ambre a dévoilé un petit sourire malin avant d’enlever calmement le couvercle de son yaourt.
— Je sais des trucs, mais je n’ai pas le droit d’en parler à cause du secret professionnel…
— Tu parles d’une info, ai-je soupiré. Tu cherches juste à te faire mousser, mais en réalité, tu ne sais rien de plus que ce qui est écrit dans le journal.
Son air suffisant s’est voilé et il a semblé contrarié par ma remarque :
— J’en sais certainement plus que vous trois réunis ! a-t-il commencé à s’énerver. Je veux bien vous confier un truc, mais il faut absolument me jurer de ne le répéter à personne, OK ? Et surtout pas à des adultes ! OK ?
Nous avons tous immédiatement acquiescé.
— Bon, voilà, a-t-il repris plus sérieusement en s’exprimant à voix basse pour que les autres élèves ne puissent pas l’entendre. Dans ce genre d’affaire, la police s’arrange pour garder secret un ou plusieurs éléments de l’enquête. Ainsi, si jamais un présumé coupable est interrogé dans le futur, les enquêteurs pourront facilement lui tendre un piège et le conduire aux aveux. Dans le cas présent, Perrine portait une bague et deux boucles d’oreilles… Des anneaux en argent. Ces bijoux étaient absents lorsque les pompiers ont repêché son cadavre. Quelqu’un les a donc volés !
— Waow ! Impressionnant, a commenté doucement Corentin. Je ne pensais pas que la police préparait de tels pièges dès le début de l’enquête…
— Ce sont des professionnels, a poursuivi Alexandre, si les investigateurs le faisaient six mois après, ça n’aurait plus aucun sens.
— Il y a autre chose, a ajouté Ambre. Perrine était très proche de Chloé avec qui elle passait le plus clair de son temps. Perrine s’était confiée à elle et lui avait laissé entendre qu’elle se sentait en danger…
— Chloé ? Celle qui vivait dans le même pâté de maisons que moi ? ai-je demandé.
— Oui, dans l’immeuble mitoyen du parking, à vingt mètres de chez toi. Chloé pratiquait l’équitation tous les mercredis avec Perrine, mais elle étudiait dans un collège privé. J’ai parlé avec elle, mardi en fin d’après-midi. Elle m’a révélé qu’elle connaissait des éléments qui prouveraient que Perrine a bien été assassinée, mais qu’elle avait peur d’aller témoigner à la police.
— Elle t’a dit quoi d’autre ? a insisté Corentin.
— Elle semblait vraiment tétanisée, a continué Ambre. Chloé ne dort plus depuis le décès de Perrine, car elle a peur qu’une autre fille connaisse le même sort. Elle m’a même demandé si je pouvais récupérer des somnifères dans le cabinet de mon père.
— Ça a un rapport avec la Gruve ? a surenchéri Alexandre. C’est ça qui l’effraie ?
— Je ne sais pas, a précisé Ambre. J’ai surtout essayé de la convaincre d’aller faire une déposition à la police. Elle paraissait vraiment terrorisée à cette idée. J’ai voulu la rassurer en lui expliquant que les flics ne sont pas comme ceux des séries télés et qu’ils pourraient conserver son anonymat coûte que coûte.
À la fin du repas, j’ai prétexté vouloir réviser la physique pour quitter le groupe et voir quelle serait la réaction d’Alexandre. Le test a fonctionné à merveille, si j’ose dire, car le beau blond n’a même pas semblé remarquer mon absence.
Frustrée, j’ai envoyé un SMS à Wendy sur qui je me suis hypocritement rabattue : « Tu me manques, le collège est triste quand tu n’es pas là. » Mais je n’ai obtenu aucune réponse, à croire que j’étais soudain devenue totalement inexistante pour tous mes amis. Ce constat m’a laissé un goût amer et en remontant en classe, j’ai décidé de me reprendre en main, de perdre moins de temps avec des amis qui me relayaient au second plan dès qu’ils en avaient l’occasion. Il fallait que je me concentre davantage sur mes études. J’avais tendance à faire passer les histoires de Perrine, d’Alexandre ou de Wendy, avant mes notes et mes devoirs. Cette situation ne pouvait plus durer. Je devais cesser de me disperser et me remettre à travailler sérieusement.
En me concentrant toute l’après-midi, je suis presque parvenue à oublier Alexandre dont la beauté me charmait pourtant toujours beaucoup. Vers dix-sept heures trente, il est venu me dire qu’il ne pouvait pas me raccompagner, car il devait se rendre dans une laverie pour la corvée de linge familial. J’ai fait mine de n’en avoir rien à faire, même si en réalité j’avais la gorge nouée à l’idée de ne pas pouvoir bavarder avec lui.
En rentrant à la maison, j’ai croisé la Maman de Perrine.
— Bonsoir Émilie, m’a-t-elle dit avec l’air de quelqu’un qui a vieilli de dix ans en l’espace de quelques semaines. Je voulais te remercier d’être venue à l’enterrement… Tu sais… C’est très dur pour des parents de perdre un enfant si jeune, alors… Alors profite bien des tiens, car on ne sait jamais ce qui peut arriver… Tu vois, j’ai encore du mal à me dire que tout cela est réel et même… Et parfois j’ai l’impression qu’elle va rentrer comme toi de l’école et… Et…
Elle a éclaté et sanglots devant moi et je ne savais vraiment pas quoi faire. Alerté par ses gémissements, Monsieur Jourdan est venu la chercher dans le couloir de l’immeuble :
— Qu’est-ce que tu racontes à cette gamine ? lui a-t-il demandé d’un ton aussi désespéré. Dépêche-toi de rentrer. Perrine est morte, tu m’entends ? Morte ! Elle ne reviendra plus jamais de l’école !
J’étais si désolée pour eux que je n’ai pu retenir mes larmes. Mais je suis rendue dans ma chambre où j’ai fait mes devoirs tout en écoutant une web radio qui passait de la musique de méditation.
J’ai fini par allumer ma tablette pour compléter ce journal. Ensuite, Wendy m’a appelé et, malgré mes résolutions de mettre un peu de distance entre elle et moi, je lui ai raconté les événements de la journée :
— Je connais cette Chloé, m’a déclaré Wendy. Nous étions en classe ensemble au CM1. Déjà toute petite elle n’en n’avait que pour les chevaux. C’était un véritable garçon manqué. Mais elle est devenue très jolie. Elle sort avec Tristan, un garçon qui a dix-neuf ans et ils se cachent sans arrêt, car les parents de Chloé sont très stricts et elle a peur qu’ils portent plainte pour détournement de mineure. D’ailleurs, si tu veux mon avis, son mec est un véritable canon. Attends, je cherche son compte Facebook…
Après quelques manipulations sur sa tablette, Wendy m’a envoyé la photo d’un grand et beau garçon à l’allure soignée. Il posait devant l’objectif, les mains dans les poches, dans un petit blouson noir, un pantalon rouge, des baskets et les chevilles apparentes de circonstance.
— C’est vrai qu’il est pas mal, ai-je commenté.
Maman est rentrée et j’ai aussitôt coupé Messenger pour passer un peu de temps avec elle. Je devais reconquérir sa confiance et lui prouver qu’Émilie était toujours sa gentille petite fille. Je l’ai aidée à préparer la cuisine et nous avons regardé ensemble Austin Powers pour la millième fois. Mais Maman est bon public et elle rit de bon cœur à des gags dont elle connaît toutes les ficelles. À ses côtés pendant toute la soirée, je lui ai laissé croire que j’étais aussi docile qu’elle avait envie de se l’imaginer. C’est dingue comme je suis capable de m’adapter, parfois.
J’étais tellement contente à l’idée de ne pas avoir ma mère sur le dos en soirée, que j’ai passé l’aspirateur dans presque tout l’appartement et même épousseté plusieurs meubles du salon. Maman était aux anges. Mais ce sourire béat n’avait rien à voir avec mes prouesses domestiques qu’elle n’a sans doute pas remarqué. Elle affichait déjà cet air benêt à son réveil. Le fait de passer la soirée avec Léonard la lovait dans un nuage de coton où plus rien ne pouvait l’atteindre. Après s’être pomponnée et rendue chez le coiffeur, sa joie de vivre a laissé place à la nervosité et l’inquiétude. Elle craignait de ne pas être à la hauteur face à son nouveau Dom Juan qui ne m’inspirait toujours pas la moindre confiance. Je n’aimais pas du tout la voir sous l’emprise de cet homme qui me paraissait cacher son jeu. Je devais pourtant avouer qu’au final, lorsque j’ai photographié Maman devant le grand miroir de la salle de bains, elle était radieuse :
— Je risque de rentrer tard, m’a-t-elle prévenue avec une moue coupable. Alors tu n’ouvres à personne et tu m’envoies un sms avant de te coucher. Compris ? N’oublie pas les croquettes du chat. Il reste du bœuf bourguignon, tu n’auras qu’à te faire des frites au four pour l’accompagner, si tu veux.
Maman m’a presque inspiré de la pitié à être si gentille avec moi, alors qu’au fond je ne souhaitais que la voir disparaître pour me consacrer à mes activités secrètes. Je l’ai regardée s’éloigner depuis la fenêtre de la chambre de Clark, Moka sous le bras, en lui faisant un signe de la main, m’assurant du même coup qu’elle ne rebroussait pas chemin. Une fois disparue dans les ruelles de Mortevor, je me suis précipitée dans ma chambre pour enfiler un manteau, récupérer mon téléphone rechargé à bloc et me précipiter dans la rue.
Le brouillard descendait lentement sur la ville, apportant avec lui une humidité pénétrante contre laquelle mon petit manteau noir ne me protégeait pas suffisamment. Je n’avais plus le temps de me changer, tant pis. J’ai couru jusqu’à la station de tram pour me rendre dans le vieux quartier proche du Marais des Verraq. Nous nous étions donné rendez-vous à dix-neuf heures trente au premier étage du Café du Cirque. Tous les jeunes s’y retrouvent, car il n’est pas loin du centre historique, la salle du premier étage offre une vue imprenable sur les plans d’eau et elle n’est pas surveillée par des adultes.
Je me suis installée face à Alexandre avec mon coca. Lorsque j’ai vu qu’il portait à nouveau le sweater de Clark, nos regards se sont croisés et il a semblé très reconnaissant, ce qui m’a touché droit au cœur.
— Tu as couru ? m’a-t-il demandé gentiment, tu es toute rouge.
— Ma mère est partie plus tard que prévu et je suis gelée, ai-je fait en posant mes bras sur la table.
Alexandre a spontanément saisi mes deux mains pour les frictionner activement. Ce geste était si naturel que personne n’y a prêté attention, à part moi qui avais grand peine à cacher ma satisfaction. Cette délicatesse balayait soudain toutes mes angoisses de la veille. Je n’étais pas encore totalement folle. Il se passait bien quelque chose de particulier entre Alexandre et moi.
— Je ne peux pas rester longtemps avec vous, a commencé à se plaindre Wendy en tenant son chocolat chaud avec ses mitaines, sa doudoune sur le dos. Mon père a décidé de m’emmener au cinéma à la séance de vingt-deux heures. Je ne traînerai pas, sinon il va encore me dire que je suis distante avec lui.
— Mes vieux reçoivent mon oncle et ma tante, a enchaîné Corentin qui portait la sangle de la Gopro de son père enroulée autour de son crâne en lui donnant un air de mineur à charbon. Avant, j’étais obligé de me taper tous les repas de famille, mais un jour j’ai mis la honte à mes parents en racontant des trucs débiles à table et depuis ils préfèrent me donner des thunes pour que je vide les lieux.
— Mon… Mon père, il garde mon petit frère, a ajouté Alexandre, un peu gêné de n’avoir rien d’autre à raconter, avant de lâcher mes mains pour saisir son verre d’eau sans plus s’intéresser à moi.
Corentin a fait glisser son portable de sa poche pour nous montrer des dessins de la Gruve et nous aider à la reconnaître dans le brouillard.
— Monstrueux ! a commenté Wendy en faisant la moue. Si je vois ça, je détale comme une fusée ! On n’a pas idée d’être si horrible !
— Mais, non ! Justement, il faut la filmer, la prendre en photo, sinon ça ne sert absolument à rien de venir ici ! s’est énervé Corentin tout en scrollant les images sur l’écran avec son doigt plein de la graisse de ses frites.
Comme la nuit était déjà tombée, nous sommes rendus au premier sentier menant autour du Marais des Verraq. Il faisait un froid polaire pour la saison et le brouillard s’est épaissi à mesure que nous nous approchions des plans d’eau, là où les éclairages publics disparaissaient.
— On ne voit carrément rien du tout ! a remarqué Wendy. Ce qu’on risque plutôt ici, c’est de tomber dans l’eau et par ce temps, je ne le souhaite à personne !
— Je suis déjà congelée, ai-je ajouté en frissonnant, je ne sens même plus mes phalanges.
— Il faut rester groupés et surtout regarder nos pas, nous a conseillé Corentin en allumant une lampe torche pour éclairer le sentier. Dès l’instant où nous rencontrerons de la végétation, nous reviendrons vers la terre battue. C’est trop dangereux sinon, vous avez raison.
— On devrait tous se donner la main, a proposé Alexandre qui était posté derrière moi.
J’étais ravie de cette suggestion et je m’imaginais déjà marcher à ses côtés comme un véritable couple, quand Wendy a détruit ce petit rêve.
— Hors de question que je donne la main à Corentin, a-t-elle aussitôt protesté, il mange avec ses doigts et il ne se lave même pas les mains. Je ne suis pas une poubelle !
Elle m’a aussitôt rejointe pour saisir mon poignet. Du coup, seul Alexandre pouvait servir de maillon entre elle et Corentin. J’étais dégoûtée.
Nous avons avancé ainsi pendant une vingtaine de minutes, tandis que Wendy se plaignait, trébuchait, riait et se faisait rappeler à l’ordre par Corentin pour qui cette expédition était extrêmement sérieuse.
— Comment voulez-vous que l’on découvre quoi que ce soit si vous bavardez sans arrêt comme des pipelettes ? s’est-il écrié avant que chacun se taise. Les bruits de la ville ont fini par disparaître laissant place à un silence de mort vraiment flippant. Nous entendions plus que nos souffles et nos semelles s’enfoncer dans la terre humide et spongieuse du sentier. Je pensais que nous allions revenir bredouilles, quand un cri terrifiant s’est fait entendre dans l’obscurité, sur notre droite, au milieu du marais.
— Qu’est-ce que c’est ? a murmuré Wendy en se serrant contre moi, grelottant.
— On aurait dit un animal, a fait Alexandre en s’approchant de nous.
— Filmez ou prenez des photos, plutôt que de jacasser ! s’est à nouveau énervé Corentin en allumant sa caméra :
— Il est tard. Je dois rentrer, mon père va m’engueuler, a poursuivi Wendy en me lâchant pour allumer nerveusement son téléphone portable.
Mais un nouveau hurlement beaucoup plus fort et plus près nous a terrorisés.
Corentin a éclairé les roseaux au moment où des bruits d’eau s’approchaient très rapidement de nous. Le brouillard a soudain semblé s’épaissir de façon presque instantanée et en quelques secondes nous avons perdu toute visibilité.
— Qu’est ce qui se passe ? a demandé Corentin en tournant sa torche vers une barque qui tanguait au bord du bassin. Mais sa lampe avait davantage pour effet de se réfléchir dans l’épais brouillard plutôt que de dissiper l’opacité alentour. Et lorsque quelque chose a remué dans les fourrés, nous n’avons rien pu distinguer à part une lueur blanche. Tout s’est ensuite passé très vite.
— Il y a quelqu’un ? a demandé Wendy, d’une voix hésitante, au moment où nous commencions tous à gravement flipper. C’est une bête ?
— Il n’y a personne. Quelqu’un a dû amarrer sa barque ici et elle a bougé avec les remous de l’eau, a commenté Alexandre. Ce n’est rien du tout.
Le silence est revenu, encore plus angoissant que cette barque et cette chose qui venait de se mouvoir dans le buisson. Y avait-il une cinquième personne autour de nous ? Est-ce que la Gruve s’était si facilement laissée appâter ? Allait-elle faire une victime parmi nous ?
Une main a saisi la torche de Corentin et sa lumière s’est mise à vaciller au rythme d’une lutte inégale. La lampe s’est élevée dans l’air comme une masse et on a un entendu un coup sec et très brutal avant que Corentin s’effondre au sol, la torche finissant par s’éteindre dans une flaque de boue...
Vous avez lu le tiers du roman, bravo !
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kbrassband-blog · 7 years
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24h pour un zébu
Bientôt la fin des vacances à Madagascar. Les K-Brass ne le savaient pas encore mais demain ils allaient vivre une journée unique. Tout commença au retour de notre randonnée de 3 jours dans les montagnes. C’est la fin du périple et il faut que l’on décide du programme du dernier jour de vacances. Au matin il y a un marché de zébus, l’après-midi on parle de rando, de VTT, bref on cherche.
Mais soudain Poxx, saint patron des idées saugrenues, débarque dans l’assemblée, un verre à la main : « Hé les gars ça vous dit on achète un zébu ? ». Gijs, tout aussi éméché, renchérit : « Et on organise un méga BBQ ! ». Tout le groupe explose de rire ! Vraiment Poxx a toujours des idées complétement barrées. Mais Perceval, avec un sourire en coin, a l’air pensif…
Nous voilà une fois de plus chez Poupoune, notre resto favori, pour fêter le retour de cette randonnée torride. Vers 21h les guides arrivent au bar, Perceval s’avance vers eux. En effet il doit toujours trouver une idée d’activité pour demain après-midi. Le repas va bon train et les rhums arrangés aussi lorsque Perceval revient tout sourire : « Les gars demain on achète un zébu !!! » Quoi ?! Comment est-ce possible ? Apparemment les guides ont été extrêmement séduits par l’idée et nous trouvent un village pour accueillir la fête demain après-midi. Un peu alcoolisé je l’avoue je me laisse convaincre et on trinque à la santé du BBQ !
Réveil difficile… Non pas à cause de l’alcool car je suis un sacré bonhomme mais plutôt dû au retour sur terre : dans 10 minutes on va acheter un zébu au marché… Mais qu’est-ce qu’on a foutu hier soir ?! On se croirait dans un film américain de série Z. Dans le groupe les réactions sont diverses mais tout le monde, curieux, joue le jeu et part au marché. Sur un terrain vague en hauteur de la ville, plusieurs rabatteurs ont amené leurs bêtes. Il a des cornes de toutes les tailles, de toutes les formes ! Et les K-Brass qui zigzaguent au milieu. De riches propriétaires passent dans la foule. Ils achèteront sûrement des bêtes pour les revendre ensuite à Antananarivo au meilleur prix. Avec leur magnifique chapeau de cow-boy et leur moustache ils ressemblent plus aux texans des westerns qu’à des malgaches. Parfois une bête s’énerve et monte sa voisine. Mais le rabatteur abat immédiatement son bâton sur l’encolure de l’animal. Pendant plus d’une heure nous assistons à ce spectacle plutôt intimidant dans le plus grand calme. Puis les guides arrivent, un papier à la main. Nous voilà propriétaire d’une petite vachette noire à tête blanche, couleurs sacrées pour le roi. Perceval et Poxx partent avec les guides amener l’animal au village en courant à travers champs. Sur le chemin du retour à l’hôtel un sentiment confus gagne le groupe. Dernier préparatif anisé et nous voilà partis en direction du village.
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La famille qui nous accueille pour l’événement vit en retrait de la ville dans un petit village après plusieurs kilomètres de pistes. La maison est magnifique. Pour l’instant tout est calme. Il est midi. Un premier verre pour les ancêtres toujours selon la coutume. Avant de servir l’alcool on dépose un peu de rhum sur le coin nord-est de la maison. C’est pour la communication. La boisson est extrêmement forte. Le rhum ici a une véritable vertu sacrée et est utilisé dans de nombreux rites. Un à un les villageois arrivent à la maison. On nous présente ainsi le chef du village, très souriant et apparemment très heureux d’accueillir des vasaha ici. Au début du repas on apprend que Perceval et Poxx se sont perdus dans la brousse, l’animal allant trop vite pour eux ! En début d’après-midi tout le monde est là et la fête commence. Tout le village est réuni dehors. La tradition veut que lorsqu’une famille a un événement important à fêter, comme une naissance, elle offre un zébu aux ancêtres. La première chose à faire est de réunir le village dans la maison de l’hôte pour leur parler. Tous assis dans la même pièce, nous écoutons un vieil homme s’adresser au mur. A la fin de la cérémonie l’assemblée est aspergée d’eau : le rodéo peut démarrer.
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Dans la région la coutume veut que les jeunes puissent montrer lors de cet événement leur valeur dans la fosse aux zébus. Tout le village se réunit autour de l’arène, un trou d’une quinzaine de mètres de diamètre. On fait entrer le premier animal. L’excitation est à son comble. Les paris s’enchaînent, les bâtons volent pour énerver l’animal. Et soudain ça démarre. Un jeune se laisse tomber sur la bosse du zébu. S’il parvient à rester accroché pendant trois sauts de suite il gagne la mise. Et elle n’est pas que financière. En effet c’est aussi un moyen de montrer au village que son fils est un homme fort, prêt à être marié. Et les bêtes s’enchainent, les plus petites étant réservées aux adolescents pour qu’ils puissent s’entrainer. Marcel, notre guide, me rassure : « il y a parfois des accidents mais c’est rare ». Bref je ne suis absolument pas rassuré. Certains préfèrent d’ailleurs ne pas assister du tout à la scène. Soudain une bête énorme entre dans l’arène. Marcel me regarde amusé : « celle-là elle est pour toi ? ». Le jeune qui l’affronte est connu pour être le plus fort du village. Tout le monde acclame sa victoire. Mais l’animal n’a pas dit son dernier mot et voilà qu’il tente de sauter par dessus le mur dans notre direction. De stupeur je tombe dans un fourré, les quatre fers en l’air, toujours sous le regard amusé de Marcel. Mais déjà le rodéo doit s’arrêter. Nous avons commencé la fête trop tard et il nous faut distribuer la viande avant la tombée de la nuit. Nous descendons tous dans l’arène avec les animaux qui doivent faire six fois le tour pour bénir le sacrifice et la famille.
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Puis les animaux sont ramenés dans leur enclot, les gens se réunissent devant la maison. Notre vachette est là elle aussi. Une dizaine de malgaches l’attrapent et la mettent à terre. La foule forme un cercle autour d’eux. Pour tuer l’animal on lui coupe l’artère principale au niveau du cou. Très vite la bête cesse de se débattre et tombe, inerte. Perceval, derrière son appareil photo, sursaute lorsque le dernier coup de sabot lui arrive à 5 centimètres du visage. La découpe de l’animal peut commencer. On commence par enlever la peau sans l’abimer. Charles, muni de son couteau, dépèce l’animal selon les instructions du villageois. Puis Simon, muni de sa hache, ouvre l’animal en deux. Gijs prend la hache à son tour et découpe les pates. Loïc lui s’attaque à la colonne vertébrale. L’odeur est forte mais reste supportable. On commence la découpe des divers organes et morceaux de viande. On nous offre notamment un magnifique crâne de zébu avec ses cornes. Pendant ce temps les femmes pilent le riz pour nous donner du courage. La maîtresse de maison leur offre un litre de rhum en échange. A quatre autour du même ustensile, les pilons volent dans les airs, parfaitement synchronisés, comme une pulsation tournante. D’autres ont sorti les instruments de musique et d’autres encore le rhum et le pastis. Tout le monde danse, chante autour de l’animal, allongé sur un lit de feuille d’eucalyptus. Les femmes, une fois le riz terminé, se rassemblent à l’intérieur. Sur une natte en bambou sont rassemblés les morceaux les plus fins. Et les femmes dansent autour. Charles tente quelques passes de rock, pour le plus grand plaisir des dames ! Un vieillard s’approche de moi, hilare avec ce qui lui reste d’un sourire, et me tend une bouteille de rhum gasy en échange d’un fond de pastis, rebaptisé pour l’occasion rhum vasaha. Et les premiers morceaux de viande arrivent. Les morceaux les plus nobles sont cuits directement et offerts aux hôtes. On goute ainsi au cœur, au foie, à la bosse et aux filets. C’est étonnamment bon ! La viande est toutefois quelque peu noueuse.
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Le soleil commence à se coucher lorsque la distribution commence. Chaque famille se voit attribuer une partie du zébu pour sa consommation personnelle. Les bouteilles elles aussi arrivent au bout de la fête. Il va falloir bientôt rentrer. En effet il est dangereux de rouler de nuit à cause des voleurs de zébu, qui n’hésitent pas à attaquer à coup de AK47 les voitures de vasaha sans défense. On nous donne aussi 2kg de filet pour le soir. Le chef du village nous remercie pour la fête avec une poignée de main énergique et sincère. On monte dans le camion et c’est reparti pour quelques kilomètres de piste.
Nous revoilà chez Poupoune, 24h plus tard, avec un morceau de filet et du riz dans notre assiette. Les guides mangent avec nous. Encore quelques tournées de rhum arrangé et nous voilà complétement cuits. Les guides nous remercient pour cette journée fantastique. Le plus jeune me dit autour d’un verre dans un français approximatif « c’est la première fois que je vois des vasaha gentils ! ». On vient d’offrir un zébu à un village malgache et aux ancêtres. Ca c’est du tourisme d’aventurier ! J’ai encore du mal à me rendre compte de ce qui s’est produit dans les dernières 24h… Cette journée aura été à l’image de notre séjour à Mada : 13 vasaha un peu fous qui débarquent et ambiancent la foule !
Demain matin nous prenons la route direction Anyma et dans deux jours l’avion pour le Paraguay. Le vague à l’âme et sous l’emprise de l’alcool, mes pensées vadrouillent et je me retrouve à apprécier plus que jamais cette vie de voyage, de fête et de rencontres. Bientôt un nouveau pays, de nouvelles aventures et toujours plus d’histoires à raconter !
Bisous partout.
Louis
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