De Emma à Bruce
Cher Bruce,
Nous avons réussi ! La malédiction est brisée ! Rupert est libre ! Longue vie à Rupert !
En y repensant, c’est dingue que nous ayons essayé de faire plein de choses nous-mêmes. Nous aurions dû nous douter que lorsque nous réussirions enfin, ce serait avec toute l’équipe présente – en l’occurrence, Jem, Tessa, Kit et Magnus. (Mina a aidé en nous remontant le moral et aussi en dessinant partout avec sa petite stèle.)
Tout le monde est encore là, et nous pouvons nous détendre un peu dans notre nouvelle maison dé-maudite. (Elle est assez chaleureuse, maintenant que nous avons fait le ménage et que, tu sais, nous nous sommes débarrassés de son aura démoniaque.) Tout le monde sauf Magnus, qui est reparti à New York en quatrième vitesse cet après-midi.
Nouveau paragraphe à ce sujet. Parce que j’ai beaucoup de questions qui restent sans réponse et je ne peux les poser qu’à toi, Bruce. Bon, Magnus était pressé de rentrer pour assister à une réunion qu’Alec a organisée avec Luke et quelques autres Créatures Obscures au sujet des négociations avec la Cohorte. D’accord, mais je trouve que la Cohorte n’a pas grand-chose à faire peser dans la balance. La situation est bien pire pour eux que pour nous. Nous devrions pouvoir attendre qu’ils se décident à sortir… tu ne crois pas ?
Enfin, je suppose qu’ils ont un avantage symbolique. Nous sommes tous des Chasseurs d’Ombres et Idris, Alicante et le Lac Lyn nous manquent à tous. Nous sommes certainement nombreux à avoir laissé des affaires là-bas que nous ne pourrons pas récupérer et puis, c’est vrai, il y a aussi beaucoup de gens qui vivaient là-bas et qui ont dû évacuer pour aller aux quatre coins du monde et qui veulent rentrer chez eux. Je comprends ça. Mais, je veux dire… qu’est-ce que la Cohorte peut bien manger là-bas ? Il n’y a pas vraiment de cultures à Idris. Est-ce qu’ils sont tous devenus fermiers ? Pour s’occuper des récoltes ? Et battre le beurre ? C’est difficile d’imaginer Zara faire tout ça. Mais on ne sait jamais. C’est-à-dire qu’il n’y a même pas de démons à chasser. Ce qui nous rappelle que les Chasseurs d’Ombres ne sont absolument pas censés s’enterrer à Idris là où il n’y a aucun démon à chasser. Il me semble que Raziel a été très clair sur ce point-là.
Ils doivent devenir fous dans leur enclos. J’espère qu’ils ont trouvé des jeux de société ou quelque chose pour s’occuper.
Peut-être que Zara s’est déclarée Reine à Vie et qu’elle n’a pas à cultiver quoi que ce soit parce qu’elle se contente de parader en menaçant de tuer quiconque ne lui fait pas pousser une pomme de terre à l’instant.
Ou peut-être que nous n’avons pas de nouvelles parce qu’ils sont tous devenus cannibales. Ou peut-être qu’ils se sont tous retournés contre Zara et c’est quelqu’un d’autre qui menace de tuer les gens maintenant.
Bon, assez de théories sur la Cohorte. Je suis de bonne humeur, ou du moins, je l’étais avant de commencer à écrire cette page. Nous passons du temps avec Jem, Tessa et Kit et c’est vraiment génial. Nous avons commandé chinois (les livreurs ont toujours un peu peur de monter l’allée, mais nous leur donnons d’énormes pourboires alors nous avons commencé à être connus depuis notre arrivée). Nous avons allumé des bougies (pour l’ambiance et pas pour de la magie noire, qui l’eut cru ?) et avons mangé des raviolis chinois jusqu’à être trop rassasiés pour simplement nous lever, ce que je n’avais pas fait depuis le mariage de Magnus et Alec. Il faut croire que si on me propose des raviolis, j’en mangerai jusqu’à en devenir un moi-même. Moi, ce que j’en pense, c’est que je ne refuserai jamais de devenir ce que j’aime le plus.
Bref. Même Kit était moins morose ce soir par rapport à d’habitude ! Il discutait avec Round Tom et ils semblaient bien s’entendre. Ah, j’allais presque oublier ! Comment puis-je oublier ? Les entrepreneurs ont trouvé un cercueil enterré dans le jardin. Mais il n’y avait pas du tout un épouvantable cadavre à l’intérieur, mais plutôt un tas de vieux trucs ! ça m’a semblé bizarre d’utiliser un cercueil en tant que capsule temporelle, mais aux têtes qu’ont fait Tessa et Jem et à ce qu’ils ont marmonné, j’ai cru comprendre que c’était une histoire assez longue que nous leur demanderons de nous raconter plus tard.
Enfin bref, dans le cercueil se trouvait UN FOURREAU POUR CORTANA. C’est incroyable ! Tu le crois, ça ? Tessa a dit qu’il avait appartenu à Cordélia Carstairs, qui était la propriétaire de Cortana il y a plusieurs générations. Le fourreau doit être bien nettoyé (vraiment bien nettoyé) mais ensuite il pourra être réuni avec Cortana. (D’ailleurs, je crois qu’il est plus la propriété de Cortana que de quiconque ; peut-être qu’ils seront contents d’être réunis.)
Il y avait aussi une épée pour Julian : ce qui était auparavant une épée de la famille Blackthorn, mais il n’y a plus que la garde, la lame a complètement disparue, je ne sais pas du tout pourquoi. Il songe à la faire reforger. Surprise : Round Tom connait quelqu’un. Triangular Jerry. Non, je blague pour le nom, mais Round Tom connait effectivement un forgeron et lui et Julian ont commencé à planifier ça. (En fait, ce que Round Tom veut faire, c’est installer une forge à Chiswick, ce qui est sympa, mais est-ce que nous voulons rajouter un chantier à tous les autres ? Enfin, peut-être… avoir une forge à la maison serait assez cool.)
Tu te demandes peut-être ce qui est arrivé à la bague de Rupert, puisque ce n’est pas comme s’il pouvait l’emmener avec lui, et il n’est pas revenu la chercher d’une manière fantomatique. Magnus a vérifié et a dit qu’elle n’avait plus rien de magique, c’est juste une bague ordinaire que Tatiana a dû ensorceler pour retenir Rupert. Mais personne ne va la porter, bien évidemment. Alors nous l’avons posée sur le manteau de la cheminée dans le salon. Où elle va rester.
Les Gray-Carstairs-Herondale repartent à Cirenworth demain. C’était très agréable de les avoir à la maison, mais tu sais, ce sera sympa quand il n’y aura plus que Julian et moi ici, sans que ce soit effrayant tout le temps. Je pense que nous allons passer de bons moments.
#
Bruce, les bons moments, on annule. Tout va de travers. Je crois que le fait que tout aille bien m’a rendu un peu trop suffisante ; il fallait que l’univers vienne tout bouleverser.
Mina a disparue.
Et par disparue, je veux dire qu’elle a été kidnappée.
Et par kidnappée, je veux dire que le kidnapper a laissé à sa place une vieille poupée en porcelaine inquiétante (avec de grands yeux vides, beurk !), avec une note.
Je venais juste de finir d’écrire ce qu’il y a avant quand j’ai entendu un horrible cri venant d’en haut et des pas très bruyants. Quand je suis arrivée, tout le monde était réuni dans la chambre de Mina, frappé d’effroi.
Je me suis tout de suite dit : « Oh non, une autre malédiction, ou la même malédiction, nous n’en avons pas fini avec la malédiction. » Et peut-être que toi aussi, mais ce n’est pas ça. Ça n’a rien à voir. Ça a à voir avec les Fées. Avec le Royaume des Fées.
Tessa a pris la note, l’a lue et l’a donnée à Jem avec un regard sinistre. Julian ouvrait déjà la fenêtre pour voir s’il y avait quelqu’un dehors, et j’ai lu par-dessus l’épaule de Jem :
Texte original de Cassandra Clare ©
Traduction d’Eurydice Bluenight ©
Illustration de Cassandra Jean ©
Photomontage d’Eurydice Bluenight ©
Le texte original est à lire ici : https://secretsofblackthornhall.tumblr.com/post/694568297733177344/emma-to-bruce
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HELLRAISER - acte 1
Au commencement.
La Terre brûle. Le Monde s'écroule. Mon cœur bat vite, trop vite. La rage m'embrume.
Je suis morte.
Je m’appelle Alessya Bartolli. Ceci est mon journal de bord. Mes réflexions. Mon évasion dans le monde imaginaire. Le reflet de mon univers intérieur. On m'a diagnostiquée Asperger, à quinze ans. Pourtant, je suis une fille ordinaire. Comme tout le monde, je rêve d’une vie simple : un métier que j’aime, un homme qui m’aime, trouver ma place dans ce monde, trouver le bonheur, en somme... Mais j'ai choisi le chemin le plus long. Le chemin semé d’embûches, celui que j'ai dû parcourir seule, sans l'aide de personne. Ni psychologues ni psychiatres, personne. Rien n’est évident dans la société. Les codes sont alambiqués. Alors j'apprends, à mon rythme. Je voyage par la pensée, je découvre d’autres pays, d’autres cultures, d'autres esprits. Je voyage entre les univers de chacun. Je voyage entre les lignes de ce que je lis, de mes écrits, de mes esquisses. Entre réalité et imaginaire, je voyage.
Je suis en dernière année de lycée, j'ai hâte de quitter la maison. J'ai hâte de partir loin de cette existence médiocre, sans espoir. Je m'échappe dans l'instant présent, je n'attends rien de la vie.
Mon péché est la colère.
Ce voyage de fin d'année, je l'attendais depuis si longtemps. Fuir la maison. Fuir cette folle qui me sert de mère. Cette obsédée du contrôle de ma vie. Mais c'est MA vie !
Deux classes de notre lycée et deux classes d'un autre. C'est bien, ça permet de faire de nouvelles connaissances, j'en ai assez de voir les mêmes têtes ! Dans l'avion, je me suis ruée sur le siège côté hublot. Sara est venue s'assoir à côté de moi.
— Hey, l'Alien, t'as vu le sexy boy trop badass de l'autre école ? me demande-t-elle le regard en feu.
— Non, je lui réponds en continuant d'admirer le paysage qui défile devant moi.
Et à vrai dire, je m'en contre-fiche !
Je rêve d'être seule, de vivre seule, de disparaître au fin fond d'une grotte, de partir si loin qu'elle ne me retrouvera jamais (pas Sara, vous l'aurez compris). Jamais. Il a fallu que la directrice propose aux parents de jouer les accompagnateurs. Deux places disponibles, seulement. Elle y a planté ses crocs ! Et voilà ! Comment gâcher les vacances de sa fille ? Simple : poursuivez-la où qu'elle aille. Etouffez-la et prétendez surtout que c'est pour son bien-être, parce qu'elle est malade...
— Il est chaud bouillant, il faut absolument que j'arrive à lui parler et plus, si affinité !
— T'as qu'à le plaquer contre le mur et lui fourrer ta langue dans sa gorge !
Elle m'énerve ! La fille la plus populaire du lycée et elle croit que tous les mecs vont lui manger dans la main ! Mais le pire, c'est que c'est vrai !
Je ne rêve que d'une chose : m'installer en Nouvelle Zélande. La Nouvelle Zélande, ça c'est MON histoire d'amour. Heureusement, ma meilleure amie ne m'a pas rebattu les oreilles durant tout le voyage avec son beau gosse. Sara a de la conversation, mais parfois (non, souvent) c'est le réchauffement climatique dans sa tête (et le reste du corps) ! Quand nous sommes enfin arrivés à l'hôtel, nous avons pu faire une pause pendant une heure afin de nous installer dans nos chambres. Par deux, comme les étudiants américains. J'ai pris une douche et me suis changée.
— Ce look de rockeur des années cinquante ! Mais ça t'arrive de t'habiller comme une fille ?
Elle adorerait faire de moi une poupée sexy. Cette métisse irano-sud-africaine atomique estime que je gâche mon potentiel de sexitude. Elle me trouve tout simplement belle avec ce petit quelque chose en plus qui, si je me mettais en avant, lui ferait « une concurrence des plus stimulantes », comme elle aime à me le répéter. J'ai toujours voulu être un mec. Les activités de filles ne m'intéressent pas. J'aime le rugby, les sports de combat, le parkour, les jeux de guerre ultra violents, les films d'horreur et d'action où ça tabasse si fort qu'on croirait qu'ils vont casser l'écran. J'aimerais bien qu'on m'aime. Mais qui voudrait de moi ? À moins de me faire pousser ce qu'il faut entre les jambes et devenir gay. Les hommes n'aiment pas les garçons manqués. Aujourd'hui on visite le Grand Théâtre de Genève, puis la ville avec un guide touristique. Je me suis arrangée pour ne pas être dans le groupe de ma mère. J'esquive mes camarades au bout de cinq minutes. J'aime me perdre dans les couloirs de ce type d'édifice, ressentir la solitude. Le vide absolu. Soudain, je sens une main se glisser dans la mienne. Il m'entraîne vers un escalier dont l'accès est interdit par un de ces cordons de velours rouge. Nous aboutissons dans un corridor étroit serti d'une multitude de portes en bois.
— A quoi bon s'égarer dans un pareil endroit si l'on ne peut pas profiter de la magie de ce qui est défendu ? me lance-t-il à mi-voix, se tenant dans mon dos.
Je reste là, figée, curieuse de découvrir le visage de cet inconnu, mais souhaitant aussi garder le mystère de cette rencontre insolite. Soudain, j'éprouve un frisson dans tout le corps. Passant ses doigts sur ma nuque, il dégage délicatement mes cheveux. Son souffle chaud m'effleure la peau.
— Le fantôme de l'opéra... je chuchote en me retournant lentement.
Il me fixe du regard, un léger sourire aux lèvres. Ce doit être le « sexy boy » dont Sara m'a parlé dans le train. Cette longue toison épaisse couleur de jais, ses yeux argentés lui donnent un look d'un autre monde. Il s'habille dans le même style que moi, à un détail près : lui c'est noir intégral, moi j'aime les chemises à carreaux rouges. Elle a raison, il donne chaud !
— On va nous...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, il m'embrasse. Avec délicatesse, comme s'il avait peur de me froisser un pétale. J'aurais aimé que ça dure une éternité, mais si nos profs nous cherchent, ma mère risque de faire scandale. Je n'ai pas envie d'une humiliation publique, suivie d'une restriction sévère de ma liberté de mouvement. Je le repousse doucement, puis m'enfuis dans l'escalier pour rejoindre le groupe.
J'adore Genève, c'est vraiment une belle ville ! Après la visite guidée, nous avons droit à une heure de temps libre. À peine les instructions nous ont-elle été données, que je m'éclipse, sans que personne ne s'en rende compte. Je suis allée loin. Jusqu'à Carouge. Heureusement que j'ai un bon sens de l'orientation, sans ça je serais arrivée en retard au point de rendez-vous. Après, nous sommes allés au musée d'histoire naturelle. Demain, nous passerons la journée à Montreux. Le programme de la semaine est intéressant : visite du château fort, puis promenade le long du lac Léman. Mercredi, journée pique-nique et randonnée au lac Gruyère. Jeudi, nous prendrons le car pour visiter Bern. Vendredi, nous aurons temps-libre, dans la capitale, toute la matinée avant de rentrer en avion, à Londres.
Le soir, nous avons mangé au restaurant de l'hôtel. C'était bon. L'établissement a une configuration particulière : des chambres séparées, mais les douches et les toilettes sont communes à tous. Mixtes. Le soir, les élèves font la queue attendant avec leur serviettes de bain. Tout à l'heure, j'ai dû courir pour ne pas être en retard au repas de midi. Je me sens toujours sale après un voyage. C'est comme un TOC. C'est amusant, j'ai l'impression d'être dans une cité U des Etats Unis. Quelle cohue dans les toilettes, entre les filles qui papotent près des lavabos, celles qui vont faire pipi à deux, quelques garçons qui attendent leur tour en admirant les nymphettes qui se partagent des conseils de beauté et les adultes surveillant nos faits et gestes, on se croirait dans un poulailler. Ma mère ne peut pas s'empêcher de donner des ordres. Sara donne son cours de fashion aux copines, je me prends la tête avec Simon qui veut s'incruster, il y a trop de monde, je n'en peux plus. Puis je sens qu'on me tire par le bras. En un rien de temps, je me retrouve enfermée dans une cabine.
— C'est un peu plus calme ici, chuchote le « sexy boy » de Sara, se tenant tout contre moi, comme pour me protéger, son regard rivé sur le mien.
Simon monte le volume de sa voix, continuant de me parler comme si sa conversation m'intéressait. Quelqu'un essaie d'ouvrir la porte avec insistance. Soudain, le brun ténébreux à la toison de rêve donne un coup à la paroi des toilettes, puis tourne la tête vers l'ouverture :
— On peut pisser tranquille, ici ? Bande de bœufs !
Charismatique. Énigmatique. Il passe ses doigts dans mes cheveux pour me dégager le visage :
— C'est mieux comme ça...
Me caressant tendrement la joue de son pouce, il continue de m'observer, puis sourit. Nous restons ainsi, jusqu'à ce que tout le monde sorte. Puis il me prend par la main, entrouvre la porte de la cabine, jette un coup d'œil à l'extérieur et m'entraîne derrière lui. Enfin libre, dans le calme. Chacun rejoint sa chambre, discrètement. Personne ne s'est aperçu que nous étions enfermés ensemble. Je réalise soudain qu'il est réel. Que ce n'est pas un inconnu venu d'ailleurs que j'aurais rencontré au Grand Théatre. Il est du voyage. Je me surprends à sourir. J'aime ce que je suis en train de vivre. Je ne sais même pas comment il s'appelle, mais ça m'est égal.
— Qu'est-ce que t'as ma poule, tu rêves encore de ta Nouvelle Zélande adorée ?
— Non...
— Non ?? Balance le scoop l'Alien !
— J'ai pas envie d'en parler.
— Comme tu voudras...
Sara sais comment je fonctionne. Nous sommes diamétralement opposées, j'aime la solitude, elle aime la solicitude. C'est une enquiquineuse, mais je suis la seule qu'elle laisse tranquille.
La journée promet d'être insupportable. Au petit déjeuner, ma mère me prend la tête sans raison. C'est son sport favori de me pourrir l'existence ! Et dans le car, Simon est venu s'asseoir à côté de moi, puisque Sara m'a lâchée pour aller draguer son « sexy boy ». Si elle arrive à sortir avec, je serais contente pour elle, mais j'aurais de la peine pour lui. Encore un garçon qui finira à la poubelle, comme tous les autres. Il me soule, Simsim ! Depuis que je lui ai accordé un peu d'attention, il croit qu'on va un jour se marier et passer des commandes aux cigognes...
Il profite du séjour pour essayer de mettre le grappin sur moi, ou quoi ??
Quand on arrive au château de Chillon, il pleut. Décidément, journée de merde ! Par contre, quelle merveille ! Quand je lève les yeux sur la façade, j'ai l'impression de faire un bond dans le temps et de me retrouver au moyen âge. Je n'aime pas le moyen âge. Période de sauvages ! Mais l'architecture de cette époque me plait beaucoup. J'aime la sobriété. Là encore, j'en profite pour m'éclipser afin d'aller me perdre dans les couloirs de cet endroit fabuleux. La magie continue quand je tombe sur mon bel inconnu, qui se tient juste en face de moi, sorti de l'ombre d'une galerie. Il s'approche, me prend délicatement la main, puis l’effleure de ses lèvres. Levant ses yeux argent, il plonge son regard dans le mien (comme il sait si bien le faire). Ce garçon me tétanise. Je n'en ai pas peur, mais j'ai du mal à croire qu'un tel canon puisse s'intéresser à moi. Qu'est-ce qu'il me veut ? Je suis sans doute parano, mais au collège, le beau gosse de la classe a fait semblant de vouloir sortir avec moi pour se moquer. Il s'est pris une salade de phalanges de mon cru (et elle dévisse la tête !), toutes les filles m'ont félicitée, pour une fois que quelqu'un osait le remettre à sa place, sa popularité lui était montée à la tête. Bien sûr, j'ai envie d'y croire, mais c'est plus fort que moi, je ne comprends pas comment ce superbe spécimen a pu, ne serait-ce que, me remarquer. Il sourit, glisse une main autour de ma taille pour m'attirer vers lui.
— Votre majesté... ordonnez et j'obéirai...
Oh mon Dieu ! Il aime les jeux de rôles ?? Il y joue ?? Il...
Je ne sais pas quoi répondre. C'est troublant. J'ai par moment l'impression qu'il lit dans mes pensées. Nous nous sommes croisés plusieurs fois, depuis notre rencontre au Théâtre. Il me sourit toujours, je l'évite pourtant. Il revient, dès que se présente l'opportunité d'être seuls tous les deux. Ou il ne veut pas qu'on sache qu'il s'intéresse à moi, ou il comprend que je n'ai pas envie qu'on me voie avec quelqu'un. Les gens posent trop de questions, ils se mêlent toujours de ce qui ne les regarde pas, détruisant tout autour d'eux. Cette fois-ci, c'est moi qui le prend par la main et l'emmène dans une autre salle. Soudain il m'arrête. Posant son index sur ses lèvres, il écoute les voix qui résonnent non loin de nous. Il m'attire vers une galerie aboutissant à une toute petite pièce avec un trou donnant sur les rives du lac Léman.
— Encore des toilettes ! Décidément... je lui lance avec humour.
— Celle-ci sont plus propres, elles n'ont pas été utilisées depuis des siècles...
Il se rapproche de moi, lentement. Je recule jusqu'à ce que mon dos bute contre la parois de roche. Il passe ses mains sur ma gorge, comme s’il cherchait à s'emparer d'un pouvoir mystique dont je serais la seule à connaître le secret. Nerveux, cette fois il m'embrasse avec ardeur.
Les latrines, d'accord... mais les latrines d'un château tout de même !
Il enroule son bras autour de mes hanches, me presse fort contre lui. J'ai l'impression d'être un jouet en tissu, qu'il peut manipuler selon ses désirs. J'aime ça. Ses doigts sur mon cou, je devine qu'il les serre par moment, quand sa respiration s'intensifie tandis qu'il me dévore sans retenue. Il s'arrête soudain :
— Tu me sens ? murmure-t-il, posant son front contre le mien.
— Pas ici... pas sans capote...
Il commence à me faire peur. Je ne veux pas. En fait si, il me fait perdre mes moyens. S'il me le demandait, j'accepterais. C'est plutôt ça qui m'effraie.
— C'est pas la question... est-ce que tu me sens ?
— Oui... je réponds d'une manière quasiment inintelligible.
— Je n'ai rien entendu.
— Oui !
À ce moment, il devient plus tendre. Il m'enlace, plonge son visage dans mes cheveux, puis pose ses lèvres sur ma nuque. Je sens son souffle chaud, comme le jour de notre rencontre.
Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Il est toujours là, chaque fois que j'ai besoin de lui. Il m'a fait ma journée !... Et je ne sais toujours pas comment il s'appelle !
La visite du château terminée, les profs nous laissent une demi-heure pour ceux qui veulent s'acheter des souvenirs. Je sors, j'ai envie de voir les douves. Je me perds dans mes rêveries de conquête. Je suis une fan des jeux de guerre. C'est toujours la guerre dans ma tête. La pluie s'est arrêtée, mais il fait toujours moche. Pas de soleil pour aujourd'hui. J'ai froid.
— Alien !
Je me retourne, c'est Sara qui m'invite à rejoindre son groupe, pour la promenade le long du lac Léman.
— Je suis déçue !
— Qu'est-ce qui t'arrive Sissi l'impératrice ? je lui lance, ironique.
Les problèmes existentiels de ma meilleure amie, c'est tout un roman de futilités. Mais elle me fait rire avec ses histoires idiotes, j'apprécie la légèreté. J'en ai besoin.
— Sexy Boy n'est pas disponible ! Quel gâchis !
Le concept de gâchis chez Sara est assez particulier : si elle ne peut pas profiter de l'objet de ses désirs, c'est une grande perte pour l'humanité. Comme si briser le cœur de ces pauvres mâles qu'elle jette sans vergogne était un bienfait pour leur santé mentale ! Au moins, avec elle j'ai appris que même les beaux gosses avaient un cœur.
— Comment il s'appelle ?
— Sam. Pour ce que ça me sert de le savoir, pff !
— Allez, t'en auras d'autres ! Te mine pas pour si peu...
— Tu ne te rends pas compte, c'est mon orgueil qui en prend un coup ! Et puis, c'est exotique un mec qui ne vient pas de notre lycée !
— Exotique ? Tu me tues de rire ! Alors toi, il te suffit qu'il vienne d'un autre quartier et ça y est c'est un extra-terrestre...
— Bah, oui, l'Alien ! Toi je t'ai bien mise dans ma collection des merveilles de l'univers !
— De l'univers, carrément ! je m'esclaffe.
Tout nous oppose, elle peut avoir tous les garçons qu'elle veut, j'attire les cas sociaux. Elle est obsédée par sa garde robe et son look girly, moi, je me contente de m'habiller comme un mec (il faut que je puisse envoyer un kick, si on vient me chercher des poux !). Elle se maquille, moi pas. Elle aime faire les boutiques, moi pas. Elle aime Disney, je déteste. Elle est bonne élève, moi pas. Elle aime les chansons d'amour, moi le rock (métal, indie, psychédélique... le rock). Mais nous avons une chose en commun : les romans de science fiction et les Marvel/DC comics.
— C'est un spécimen millésimé ! Tant pis !
Ce soir, c'est décidé, je fais le mur ! Besoin de souffler...
Après une bonne douche bien chaude, je rejoins ma chambre pour récupérer ma flashette de whisky pour aller la siroter dehors. J'ai repéré une sortie de secours au bout du couloir, qui n'est pas connecté à l'alarme de l'hôtel (j'ai vérifié, hier). Sara me couvre, comme d'habitude. Je mets ma doudoune Sergio Tacchini que j'ai hérité de mon père, puis je m'éclipse discrètement. Arrivée à la porte, je constate qu'une chaussure est calée pour qu'elle ne se referme pas.
Quelqu'un a eu la même idée que moi ?
Je passe la tête par l'ouverture. En effet, une ombre se tient adossée au mur, consultant son smartphone.
— Salut, Alessya...
— Sam ?
— Je vois que tu as fait ton enquête !
— Comme toi, je réponds en souriant.
— Hé...
Je dévisse le bouchon de ma petite bouteille, boit une gorgée et lui propose mon breuvage.
— Ma reine !
Il lève le flacon à ma santé, prend une bonne goulée, puis me le rend aussitôt. Il range son téléphone dans la poche de sa veste, s'assoie en tapotant le bitume à côté de lui pour m'inviter à faire de même.
Soyons fous !
Il profite que je m'installe pour passer son bras autour de mes épaules.
— Demain, il va faire beau...
— Heureusement, la randonnée serait un calvaire, sinon, je lui lance, enfouissant machinalement mon visage dans ses cheveux.
Il ne me laisse pas le temps de me rétracter, se tourne vers moi, puis pose son front contre le mien.
— Tu sens bon, me dit-il, la voix emprunte de volupté.
— Pourquoi moi ?
— J'ai l'impression de te connaître depuis toujours...
J'ai envie de le croire, mais ma paranoïa continue de me ronger l'esprit. Soudain il me prend la main est l'attire vers son entrejambe.
C'est osé, ça ! Le cochon !
— Tu me fais de l'effet, tu l'as senti tout à l'heure, au château... tu peux la retirer maintenant... si tu veux...
— C'est facile ça, tu tentes le diable et après tu le mets à la diète !
— Je ne veux pas te forcer, c'est tout. Mais tu me perturbes...
Ce matin, je comate dans mon lit, attendant que le réveil sonne. J'ai peu dormi. J'ai rêvé de lui. J'aime ce sentiment qui évolue en moi, mais ça m'effraie. La sonnerie de mon smartphone retentit enfin. La journée peut commencer. Après le rituel désordonné des douches et toilettes, nous descendons tous au restaurant de l'hôtel pour prendre notre petit déjeuner. Sara et moi nous sommes installées à une table près de la fenêtre donnant sur la rue. Simon s'est incrusté. Après tout, pourquoi pas ? Sam arrive plus tard. Il traverse la salle pour rejoindre ses amis, installés au fond. Il échange sa place avec l'un des garçons afin d'avoir une vue panoramique sur... moi. Il ne m'a pas quittée des yeux depuis qu'il est entré. Je l'observe du coin de l'œil, faisant mine d'écouter la conversation de mes deux camarades de tablée.
— Moi je pense que Bucky va se souvenir de Steve et qu'il va même rejoindre les Avengers plus tard ! s'exclame Sara.
— Bah moi je pense qu'il vont le tuer ! lance Sam campé dans ses certitudes.
— Impossible, illogique ! C'est débile de ressusciter un personnage resté mort dans les comics et le tuer tout de suite après l'avoir retrouvé, n'est-ce pas l'Alien ?
A ce moment là, je suis en train de sourire à Sam. Ma façon de le saluer. Je coupe le contact visuel pour répondre à Sara, je n'aimerais pas que l'on découvre ma relation. Si on peut appeler ce que je vis, une relation.
— On saura la semaine prochaine, ça vient de sortir... Rogers ne laissera jamais tomber son meilleur ami, ça ferait de lui un salop, sinon.
Je n'ai pas envie de parler. J'ai envie d'être dans les bras de mon bel inconnu. A part son prénom, je ne sais rien de lui. Qu'est-ce qu'il aime, les films qu'il regarde, les livres qu'il lit, la musique qu'il écoute ? De quoi parle-t-il avec ses amis, à cet instant ? Il me lance des regards discrets tout en participant à leur conversation. Il rit, il chahute, il est différent quand il est avec moi.
A neuf heures, le car nous attend pour nous emmener au lac Gruyère. Il fait beau. Sam avait raison. Le long du trajet Sara et Simon continuent leur débat sur les films Avengers. Placé juste derrière moi, il a glissé sa tête entre les deux sièges. Tournée vers lui, ma métisse atomique énonce ses théories. Sam est assis devant moi, côté fenêtre. Je regarde le paysage défiler sous mes yeux, quand j'aperçois sa main se faufiler entre la vitre et le dossier, bougeant ses doigts pour m'inviter à lui offrir les miens. Discrètement j'avance mon bras. Au contact de sa peau, mon esprit s'embrase. Deux heures de caresses, sans que personne ne s'en rende compte. C'est excitant. J'ai l'impression de vivre en plein rêve. Je n'ai pas envie de me réveiller.
Arrivé sur place, tout le monde s'installe près des rives du lac pour déjeuner. Simon s'incruste encore avec nous. Je n'ai pas faim. Je vois ma mère rire en compagnie des profs et du père de Gaëlle, l'une des amies de la fashion team de Sara.
Quelle comédienne ! Très forte pour me faire passer pour un monstre aux yeux des autres ! Toujours à me prendre la tête, à diriger ma vie !
J'ai envie de pleurer, puis je croise le regard de monsieur mystère, qui me sourit. Je me sens moins seule, tout à coup. Il ne me reste plus que quelques mois à supporter ce calvaire, bientôt la Nouvelle Zélande. J'ai mis assez d'argent de côté, en travaillant aux vendanges, avec le ménage et le bricolage chez les particuliers (les parents de ma meilleure amie sont riches et ils ont des relations qui cherchent souvent quelqu'un pour entretenir leur maison). Je m'allonge sur le gazon grignotant mon sandwich sans grande conviction. Le ciel est bleu, il n'y a presque aucun nuage. C'est agréable. Après le pique nique, tout le monde se lève pour ranger. chacun s'organise pour laisser place nette, ma mère donne des ordres, comme d'habitude, faisant des commentaires désobligeants sur la façon de faire des adolescents.
Bien sûr, nous sommes tous des nuls qui ne savent rien faire ! Mais comment les adultes peuvent être aussi aveugles ?? Elle ne cherche qu'à dominer, humilier !! Elle me gonfle !!
Soudain, Sam m'attire derrière un arbre, tandis que les groupes de randonnée se forment, le tronc est assez large pour nous cacher. Il me relève les bras au-dessus de la tête, les tenant par les poignets.
— Bouge pas... me chuchote-t-il en me regardant intensément.
Mais qu'est-ce qu'il me veut ? Ça m'agace de ne pas savoir ! Il me fascine...
Approchant doucement son visage du mien, il passe lentement sa langue sur mes lèvres. Les yeux grand ouverts, guettant la moindre de mes réactions. Très lentement. Je frissonne. Mon nom résonne, il me laisse partir. La journée semblait si bien commencer, je me retrouve sous l'autorité de ma mère.
Génial !
Au dîner je mange rapidement une salade. Sans demander mon reste, je monte prendre une douche, puis m'enferme dans la chambre. Je mets mon casque, pousse la musique à fond, puis m'écroule dans mon lit. L'après-midi au lac de la Gruyère n'a pas été une sinécure. Je préfère oublier, me vider la tête en écoutant du bon rock. Au bout d'une chanson, j'en ai assez, alors j'éteins mon mp3 et prend mon smartphone pour jouer à mon game favori. Chimeron, un jeu de conquêtes, stratégie, dans un univers cyberpunk/fantasy. Je lance les entraînements pour que mon personnage gagne en force d'attaque, je level up mes bâtiments pour améliorer ma cité... Soudain j'entends frapper à la porte.
— Depuis quand tu toques pour entrer, bombasse ? je lance sans quitter l'écran des yeux.
La cloison de bois s'ouvre, laissant apparaître Sam. Je lève la tête.
Arrêt sur image. Je fais quoi ? Je dis quoi ? Il est fou de venir ici, si Sara se pointe... elle serait ravie pour moi, en fait... mais elle ne finirait pas de me rebattre les oreilles avec cette histoire et de me harceler de questions indiscrètes !
Il s'approche, je me redresse pour m'asseoir au bord du lit. Il se passe nerveusement la main dans les cheveux :
— Vendredi... c'est temps libre dans la ville... tu veux venir avec moi ?
— Je... euh...
Il me prend mon téléphone, le pose délicatement sur la table de chevet, puis s'agenouille devant moi, glissant ses mains sur mes cuisses, plongeant son regard dans le mien.
L'argument incontestable !!! Je fonds !!!
— D'accord... mais... tu ne devrais pas rester ici, si on nous voit...
— Ça va jaser, je sais. Arthur's, un lounge café en face du fleuve, pas loin de Jonction, le carrefour de lignes de bus et de tramway. Je t'attendrai là-bas.
Il connaît Genève ??
Il se relève en me faisant un clin d'œil, puis disparaît aussitôt. Je n'arrive pas à réaliser ce qu'il vient de se produire. Je suis en plein rêve. A ce moment, Sara entre :
— Ah, bah, t'es là, Alien ! Oh, j'ai croisé le sexy boy dans le couloir ! Il est chaud ! s'écrie-t-elle en se laissant tomber sur son lit.
— Tu l'as violé, je lance en pouffant de rire.
— Naaan... c'est mort, c'est mort !
— Tu lâches l'affaire ??
— Tente ta chance, poussinette !
A cet instant je pense avoir piqué un fard si impressionnant que la température de la chambre à dû monter de dix degrés.
— Je l'ai vu te regarder, quand on était au musée d'histoire naturelle... c'était bouillant !
— Mais, mais... n'importe quoi !
— Si, si ! Et au dîner, hier soir ! Quand je te dis qu'il faut que tu te mettes en valeur...
— Arrête avec ça !
Je saisis mon smartphone, puis reprends le jeu où je l'ai laissé. Je repense à Sam et à son invitation. Il va falloir que je trouve Arthur's, mais ses indications sont claires, je ne devrais pas me perdre, je suis assez douée pour m'orienter, je n'aurais qu'à lire une carte. Je n'ai pas envie d'exploser mon forfait en consultant internet.
Mais je joue en ligne... avec la wifi de l'hôtel ! Mon Dieu, quelle quiche !!... Flemme. Je consulterai une carte vendredi.
Sara raconte son après-midi, nous n'étions pas dans le même groupe de randonnée. Je préfère faire l'impasse sur le calvaire que j'ai vécu. L'écouter, me change les idées. Au bout d'un moment, je décroche pour me perdre dans mes rêveries. Je me souviens de ses gestes délicats, de cette attention particulière qu'il me porte. Son visage, comme sculpté par Michel-Ange. Son odeur. Sa peau. Si chaud, si ferme.
Sara, sors de ce corps !!!
Aujourd'hui je me suis levée une heure plus tôt, pour me laver tranquillement et éviter la cohue. Je rêvasse sous le jet d'eau, imaginant Sam venant me rejoindre sous la douche. Mais je me reprends avant que mes fantasmes ne m'emmènent trop loin.
Bientôt la fin du séjour, te fais pas de fausses idées, patate !
Je me sèche, puis sors de la cabine après avoir enfilé un T-shirt et enroulé ma serviette autour de la taille. Je croise Sara dans le couloir. C'est une lève-tôt, comme moi. Nous nous claquons la main comme pour passer le relais. Je rentre dans la chambre, puis me prépare tranquillement.
A huit heures et demi, le car nous attend. Les élèves s'y engouffrent les uns après les autres. Neuf heures nous sommes sur la route pour Bern. Comme d'habitude je suis assise côté fenêtre à observer le paysage défilant sous mes yeux. Sam est installé devant moi. Sara lui fait la conversation. Le sujet : littérature de science fiction. Elle lui parle Clarke, Azimov, Bradbery, il lui raconte les origines du genre littéraire. Un certain Cyrano de Bergerac qui a écrit Histoire comique des états et empires de la Lune.
— Oui, certains disent que la SF est née de la satire et pour critiquer plus ou moins ouvertement la société il suffisait de placer le récit dans un autre monde... Donc Bergerac serait le père de la SF, mais, certains affirment que les récits de Gilgamesh... plusieurs siècles avant JC, mésopotamien je crois ? je m'interroge à haute voix.
— Oui ! L'épopée de Gilgamesh, écrite vers le XVIII siècle avant J.C. ! Il s'y réfère dans Star Trek Nouvelle Génération ! me lance Sam, enthousiaste.
— Personnellement, je pense que c'est Bergerac le père de la SF, j'annonce solennellement.
— Top là, ma poule, s'exclame Sara en levant la main, que je frappe en guise d'acquiescement. Et toi Sam ? le relance-t-elle.
— Idem, les filles.
Les deux heures de trajet passent très vite et en un rien de temps nous nous retrouvons dans les rues de Bern, sous un soleil radieux. Cette ville est incroyablement jolie, on se serait cru dans un conte d'Anderson ! Après avoir piqueniqué au Rosengarten, un parc offrant une vue imprenable sur la capitale de la Suisse, nous avons visité la maison d'Einstein.
Ah, la théorie de la relativité ! Le temps, l'espace -temps... et ma bulle dimensionnelle avec Sam...
A ce moment-là je me demande ce qu'il pense ? S'il aime la science-fiction, il est forcément passionné de physique quantique, il a sans doute lu la Théorie du Chaos. En ce moment, je lis La zone du dehors, d'Alain Damasio. J'aime beaucoup ! J'ai envie de regarder Star Trek, ce soir. Les films de J.J. Abrams. J'ai pris mon ordinateur portable, je crois que Sara sera ravie de le revoir. Elle fantasme sur Zachary Quinto, moi sur Karl Urban. En plus, il est néo-zélandais !
— « You have to learn to pace yourself. Pressure. You're just like everybody else. Pressure. You've only had to run so far. So good. But you will come to a place where the only thing you feel are loaded guns in your face and you'll have to deal with. Pressure... », me fredonne Sara, en me donnant un coup d'épaule pour que je chante avec elle.
J'éclate de rire. Nous continuons en canon. Elle sait mettre l'ambiance. Et surtout me sortir de mon beurk-mood. C'est une grande fan de Pitch Perfect et regrette de ne pas être née aux Etats Unis à cause des bals de fin d'années, que l'on ne pratique pas au Royaume Uni alors qu'Halloween est entrée dans les mœurs, même en France ! Sara rêverait d'être élue reine du bal et de pousser la chansonnette devant son public d'admirateurs.
— « Won't you come see about me ? I'll be alone, dancing, you know it, baby. Tell me your troubles and doubts, give them everything, inside and out and love's strange, so real in the dark think of the tender things that we were working on, slow change may pull us apart, when the light gets into your heart, baby. Don't you forget about me... », je chante juste après notre interprétation de Pessure de Billy Joel, Sara me suit aussitôt.
Mon Dieu ! Demain, je passe la matinée avec Sam...
Extrait INFINITE tome 2 - Dune LASSITER
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