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#pile à lire février
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peut-etre · 3 years
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Vendredi 23 avril 2021 je suis rentrée, dans l’appartement maudit. Plus qu’une semaine et j’habiterai en face du parc.
J’ai revu tous les cours, les piles entières de papiers à lire, de trucs à ficher, de bouquins stabilotés. Je prie pour sortir de la spirale. Je me suis demandée si j’étais capable de prier à nouveau, comme lorsque j’étais enfant, j’étais capable de prières si fortes, si puissantes. Puis j’ai découvert la littérature et alors j’ai voulu mettre toute mon âme dans les mots. J’ai relu les notes, brouillons que j’avais écrits au cours de l’année :
10 décembre 2020. Me suis réveillée avec migraine horrible, rien à faire d’autre que de se rendormir. Tous les jours pareil, le mal de tête qui rythme la journée. J’ai lu le journal mais pas fait le lit. La prochaine fois : lire le journal dans le lit. N’ai vu personne de la journée. Angoisse de répondre aux mails, de faire les choses qu’il faut bien faire. Ai bu quatre tasses de café. Les nouvelles que l’on me demande se font de plus en plus violence, mais je n’arrive pas à répondre. Personne ne comprend ce qu’il se passe en moi. Quand je veux parler c’est comme un torrent de vide. Je m’engouffre. Mon âme = sables mouvants.
26 janvier, ce matin j’étais en devoir sur table, je n’arrivais pas à garder les yeux ouverts, ma tête tombait, fumait à la fois de trop plein et de trop vide. Je me suis levée pour aller mettre de l’eau sur mon visage aux toilettes. En retournant en salle de devoir, en traversant la cour, le vent m’a frappée, je ne sais si c’est de douceur ou de rigueur, dans un froid si immense qu’il m’a comme purifiée.
Toute cette année est catastrophique, catastrophée, résumée en cette phrase : la tête qui fume de trop plein et de trop vide à la fois. Lequel de mon corps ou de mon esprit a lâché en premier ? Je ne sais plus, je ne saurais jamais. Ma peau s’éloignait de mon âme. Des crises sans cesse, je n’ai plus réussi à contrôler la douleur qui régnait au fond de mon corps. Je prie à moi-même pour sortir de la spirale. Je suis mon propre dieu. J’écoute les Beach Boys. Je me demande ce qu’est l’amour, si ce garçon du lycée m’aime toujours. La façon dont il m’aurait embrassée après m’avoir dit qu’il m’avait aimée, en février. Je pense qu’il ne m’aime plus. Au fond de moi le sentiment d’un vide viscéral, vénéneux. Tous les soirs la même angoisse. Attendre la prochaine vague, le printemps véritable, la vue sur le parc.
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pauline-lewis · 5 years
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And I pray that your face is the last I see
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Rufus Wainwright - Peaceful Afternoon
Vendredi, après quelques cauchemars et une petite paralysie du sommeil, je me suis posée devant mon ordinateur et voilà que Rufus Wainwright était revenu. Évidemment — il a fallu que je trouve du réconfort dans une chanson qui parle de la mort. Je crois que j'avais besoin de lui pour deux raisons. Déjà, parce qu'il me fait penser à la maison, à la famille, et que j'ai pu illico envoyer cette chanson à ma mère. L'idée de faire circuler un réconfort collectif au sein des personnes aimées est en soi un refuge. Ensuite parce qu'avec sa voix puissante, son souffle lorsqu'il reprend sa respiration, ses arrangements over-the-top et ses envolées lyriques, sa musique m'a toujours été d'une grande aide. Un baume pour mon anxiété chronique.
Donc voilà que Peaceful Afternoon et Pièce à vivre m'ont fait passer quelques minutes de paix. Ce sont deux chansons très "confinement friendly" puisque l'une parle de voir le visage de la personne aimée avant de s'éteindre et que l'autre (la même mais en français) raconte le fait de trouver un refuge chez soi. “Je vois nos quatre murs comme mon meilleur abri, et notre maison est petite pour mieux t'y frôler, de la cuisine ouverte à la chambre fermée”. En culture, mes goûts ont été guidés par des tas de facteurs différents, qui ont changé au fil des années — de mon âge aux questions que je me posais sur l’existence à ce que j’avais besoin de lire ou entendre pour me rassurer ou grandir. Il y a une chose qui n’a jamais changé, c'est mon goût très prononcé pour les histoires d'amour. Logique donc que j'aille y chercher, en premier lieu, un peu de réconfort. Si vous êtes comme moi écoutez donc cette chanson où l’on se promet de se soutenir jusqu’au dernier souffle.
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Trois couleurs : Rouge de Krzysztof Kieslowski
En février j’ai découvert Trois couleurs : Bleu de Kieslowki, un film sur le deuil, tout en notes froides. J’ai été bouleversée par ce film, notamment par son usage de la musique. C’est un film qui réconcilie les petites choses visuelles et les grands concepts philosophiques et cette harmonie parfaite entre ce qu’il montre à l’écran, ce qu’il suggère par le dialogue et ce qu’il pose dans nos cœurs m’a émerveillée.
Nous avons sauté le blanc (temporairement) pour passer directement à la troisième couleur du drapeau, le rouge, incarnée à l’écran par l’incroyable Irène Jacob. Je repense beaucoup à ce film ces derniers jours, puisque c’est un film très profond qui questionne notre rapport au collectif et aux relations entre les êtres, au fait même de faire société. Je parle sans cesse ici des œuvres qui arrivent au moment opportun et peut-être que c’est le destin qui a mis sur mon chemin, deux semaines avant la crise sanitaire qui met nos nerfs et notre foi en l’humanité à rude épreuve, sur un grand film sur l’empathie.
Donc, Trois couleurs : rouge, raconte l’histoire d’une jeune mannequin (Irène Jacob) qui renverse un jour une chienne avec sa voiture. Elle la ramène chez son propriétaire, un ancien juge acariâtre (Jean-Louis Trintignant) qui l’envoie bouler. Elle décide donc d’envoyer la chienne chez le vétérinaire. Une fois remise, celle-ci retrouve elle-même le chemin de la demeure de son maître.
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Presque malgré elle, la jeune femme se retrouve de nouveau chez l’ancien juge, et elle découvre qu’il écoute les conversations de ses voisins et ses voisines à longueur de journée. Elle-même semble être isolée par un petit ami négligent dont on n’entend la voix qu’au travers de son téléphone rouge. Le film est beaucoup plus resserré que Bleu, mais il a en commun l’usage de cette palette de couleur très symbolique qui nous rattache toujours à son personnage féminin.
Ce que j’ai adoré dans Rouge c’est qu’il retourne complètement le film du “vieux con qui change d’avis et devient sympa”. Le dialogue qui s’instaure entre les deux personnages est d’une profondeur bien plus importante : il questionne sans cesse les frontières entre l’empathie et le désir d’apparaître comme une bonne personne, les limites parfois floues entre le bien et le mal... De leurs deux itinéraires on ignore beaucoup, et ce qui est dit l’est souvent en miroir avec d’autres personnages (comme celui du voisin). C’est ce qui rend leur rencontre universelle. De la confrontation de leurs deux points de vue naît une fable vraiment intense sur les relations humaines et la multitude de liens qui peuvent nous unir à d’autres personnes. Sur la fidélité, l’amour, l’amitié, les limites que l’on se pose entre nous et avec les autres.
Le film nous dit aussi que nous sommes tous et toutes lié·e·s de mille manières différentes. C’est le sens d'un des premiers plans où nous suivons les câbles (rouges) du téléphone. Le sens de la surveillance du juge qui connecte plein de personnages qui agissent eux-mêmes comme des miroirs des deux protagonistes. Si une personne fait quelque chose, alors cela peut en impacter une autre. J’y repense beaucoup en ces temps où la force et la conscience collective n’a jamais été aussi nécessaire. Où il est urgent de se repenser comme les câbles entremêlés d’un réseau.
Et puis si vous ne deviez regarder ce film que pour une raison ce serait bien sûr pour le duo formé par Irène Jacob et Jean-Louis Trintignant, pour voir ce que deux acteur.trices exceptionnels peuvent produire à l’écran. Je crois que j’aurais pu les regarder des heures, débattre, rire et s’agacer. Cela vous donnera, si vous en avez besoin, un moment très doux d’intimité.
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Croc fendu de Tanya Tagac
La joie de recevoir des livres dont on ne sait absolument rien c’est de se prendre parfois des livres comme Croc fendu de Tanya Tagac en pleine figure. Je l’ai illico placée sur le haut de la pile à lire pour sa bio qui indique qu’elle “s’est d’abord démarquée en tant que chanteuse de gorge” née à Ikaluktutiak au Nunavut, Canada. Une région dont je ne connais pas grand chose, un chant dont je ne connais pas grand chose. Bref, j’ai eu à son endroit un désir immédiat de découverte.
J’ai l’impression d’avoir voyagé en lisant Croc fendu. Dans cette région un peu désolée du Canada, dans l’esprit de son autrice, dans cette mythologie bizarre qu’elle tisse tout au long de ce premier roman. Elle y zoome et dézoome sans cesse. Il y a les petites et grandes douleurs du quotidien plein d’ennui d’une adolescence Inuite, qu’elle raconte presque brutalement et qu’elle cadre très serré. Et il y a en plan plus large ce monde étrange qu’elle habite dans son esprit, plein de créatures fantastiques et inquiétantes, d’animaux bizarres. Ce mélange d’intime et d’absolu, de réalité et de fantasme forme un tableau complet qui capture comme rarement les affres de l’adolescence.
Son collage de textes et de poèmes dont la brutalité m’est parfois tombée dessus comme une guillotine (“J’ai soif / Soif de vision claire / J’ai soif d’être / tout sauf moi”) expriment avec des nuances infinies l’expérience d’une jeune femme inuite. S’ennuyer. Se battre avec les autres filles. Être l’ennemie de certaines et l’amie d’autres. Sniffer de l’essence jusqu’au vertige. Chasser les lemmings. Regarder les aînés se noyer dans l’alcool. Voir partout de la pauvreté sans savoir quoi en faire. Apprendre l’inuinnaqtun et tenter de renouer avec cette identité que les blancs ont voulu étouffer. Faire une tentative de suicide qui cisèle le roman en deux. Trouver sa manière d’habiter le monde en cassant les mots en deux, en associant ceux qui ne vont pas ensemble, en les traînant de force dans la boue. Elle force la littérature à entendre sa voix et cette puissance emporte tout dans son passage.
Croc fendu est aussi un grand roman sur le fait de devenir une femme dans une société patriarcale avec ce mélange de désir et de dégoût. Les violences sexuelles subies traversent le roman avec une brutalité que l’autrice ne nous épargne jamais. J’ai admiré sa manière d’utiliser des images quand il le faut et de parfois nous fouetter avec les mots crus, les seuls qui sont acceptables pour décrire cette réalité — ces mots qui ne s’encombrent ni de métaphores ni de ponctuation :
Ce n’est pas de la violence faite aux femmes C’est de la violence faite par les hommes Je baisse la tête Et je me dresse de toute ma hauteur Dans l’espoir de notre guérison collective Et je me noie La tête pleine de goudron
Je peux vous dire que ce livre vous amènera très haut, vous fera redescendre très bas, vous entraînera vraiment dans des endroits que vous ne pensiez pas connaître un jour. Un des livres les plus marquants que j’ai pu lire sur ce sujet qui ne finira jamais de me fasciner : l’adolescence.
Paru le 12 mars aux éditions Christian Bourgois, traduit de l’anglais (Canada) par Sophie Voillot.
Et dans l’espoir, moi-même, de notre guérison collective, je vous souhaite du courage et si vous avez besoin d’une oreille, mes DM sont ouverts, sur Twitter et ailleurs ! Stay home !
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jenni9b · 7 years
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Update Lecture : Ma Pile à lire pour Février
Update Lecture : Ma Pile à lire pour Février
Hello, Hello, Je partage avec vous ma grosse pile à lire pour Février. Pile un peu ambitieuse puisque je serais en vacances pendant une semaine, et contrairement au commun des mortels, c’est pendant les vacances que je lis le moins ! Ma pile à lire pour Février : – Les Derniers jours de Rabbit Hayes de Anna McParlin – Le Charme…
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coeur-d-artichaut · 6 years
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{ Q: what was your favourite book in February? I'm really curious to know and I love chatting with people who gush about a book❤️ It makes me want to pick the book up 📚 • • • Q: Dites moi quel a été votre livre préféré du mois de février? Je suis vraiment curieuse et puis j'adore quand quelqu'un me parle de leurs livre préféré avec tellement de passion❤️ Ça me donne envie de le mettre dans ma pile à lire tout de suite pour le lire le plus tôt possible! • • • #coffeetime #toberead #lainitaylor #bookaholic #bookstagram #libros #librosmiadiccion #currentlyreading #librosymaslibros #bookworm #booknerd #bookobsessed #bookish #booklove #bookaddict #bookishcanadians #bibliophile #cequejelis #livreaddict #livre #lecturedumoment #yalit #bookhaul #library #librarylove } (à Rimouski, Quebec) https://www.instagram.com/p/BugdnHZHKNX/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=jtj7y8yc8iqt
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lefeusacre-editions · 6 years
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BOOKHOUSE BOYS #49 | LES FRÈRES LAMBERT | VIDÉASTES & AUTEURS
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Steven & Warren Lambert, deux personnages aussi paradoxalement discrets qu’ils sont immenses. Dans la même pièce on les mélange, séparés on les confond. Mais dans l’un ou l‘autre cas, les deux Lambert, vrais frères pas jumeaux pour un sou, ont cette faculté d’agrandir les hommes qu’ils croisent au lieu de faire peser leur ombre de garçons courbés sur plus petit qu’eux. On a vu Steven L. au menu de Vies et morts des super-héros et l’on se souvient de Warren L. au programme du Livre des trahisons. Ensemble ils font des films. Isolément, Steven, l’aîné, est hanté par le motif de la boucherie (son poignant documentaire Sans colère et sans haine  ou son commissariat à l’exposition Boucherie féerique). Plus jeune et un rien plus haut - à moins que ce ne soit l’inverse -, Warren sort aujourd’hui TROPIQUE DU SPLENDID, un essai salutaire sur la France telle qu’elle est perçue depuis plus de quarante ans par les Bronzés et telle qu’on veut nous la faire gober - ce livre est un médicament de l’âme.
Les Frères Lambert sont nos premiers Bookhouse Boys de l’année 2019.
Welcome.
| Que trouve-t-on comme nouvelles acquisitions dans ​vos bibliothèques ?
STEVEN : Je n’ai pas de bibliothèque chez moi, du coup j’empile et en plus je lis lentement mais je vois : le catalogue de l’exposition que Thomas Hirschhorn a consacrée au poète Manuel Joseph, la monographie de Delphine Wibaux, Sur la forme de Jean-Christophe Bailly, Les Années 10 de Nathalie Quintane, Nuits étroitement surveillées de Pierre Pachet, Insomniac Dreams le recueil des petites fiches que tenait Nabokov sur ses rêves, L’Ecriture des pierres de Roger Caillois, Jerusalem d’Alan Moore, La Philosophie floue de Miller Levy et bien sûr Tropique du Splendid.
WARREN : Hormis les livres que j’ai reçus pour Noël (les lettres de Lou à Guillaume Apollinaire et Éloge de l’ombre de Jun'ichirō Tanizaki), il y a Autoportrait de l’auteur en coureur de fond de Haruki Murakami. De lui, j’ai d’abord lu ses nouvelles puis je suis tombé sur ce livre qui semblait avoir beaucoup de lien avec, d'une part, un regain depuis un an de mon activité physique et littéraire, et d’autre part avec le livre que je finis en ce moment sur la saga Rocky. Je l’ai d’ailleurs délibérément acheté dans l’édition 2009 parue chez Belfond pour sa couverture, sur laquelle on voit une petite photo en pied de l’écrivain, dos à nous, le corps luisant seulement revêtu d’un short et d’une paire de baskets, et qui me rappela immédiatement l’affiche belge du premier Rocky que j’ai chez moi, où Adrian habillée avec une élégance folle se tient main dans la main avec Stallone en tenue de boxeur, prêts à partir au loin comme le couple à la fin des Temps modernes de Chaplin.
| Quels livres marquants avez-vous ​l’un et l’autre découver​​t​s ​ à l'adolescence, et que ​vous possédez toujours ?
STEVEN : Je suis un spectateur avant d’être un lecteur mais je me soigne. Je ne lisais pas beaucoup au lycée sinon ce que tout groupuscule « littéraire » lit à un moment, comme le Werther de Goethe. Pour ne rien arranger je donne depuis plusieurs années partie de mes livres à la bibliothèque d’un squat. Le seul livre auquel je pense c’est le recueil La Rose de Robert Walser.
WARREN : Perceval ou le conte du Graal de Chrétien de Troyes ; Un roi sans divertissement de Jean Giono ; Nadja d’André Breton ; Fin de Partie de Samuel Beckett. En gros, tous les livres du programme à l'époque au lycée ! Comme quoi… En même temps quand j'y pense : l’amour courtois, une parabole sur la Nature anthropophage, le surréalisme et le théâtre de l’absurde, ça ressemble aussi quelque part au programme d’une vie.
| Sans égard pour sa qualité, lequel de vos livres possède la plus grande valeur sentimentale, et pourquoi ?
STEVEN : Je suis un fétichiste de l’objet livre. Tous les livres ont pour moi une valeur sentimentale, encore plus ceux qu’on me donne à lire.
WARREN : Tous les livres que l’on m’a offerts et ceux que j’ai acquis au Regard Moderne, l’antre de feu Jacques Noël, l’archange des libraires parti dans l’autre monde il y a deux ans. Et puis mes premières bandes dessinées achetées par mon père – que j’ai d’ailleurs refilées depuis à mon petit frère – sur lesquelles se trouvent encore au dos l’étiquette avec le prix en francs quasi effacée.
| Lequel de​ vos livres offririez​-​vous à quelqu'un qui vous plaît ?
STEVEN : Je lui offrirais des fleurs.
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WARREN : J’ai hélas arrêté ces ruses-là à la fac. Du reste, je crois bien n’avoir jamais offert à quelqu’un de livre qui ait un sens à percer, une sorte de message secret. J’ai arrêté parce que c’était plutôt moi qui me perdait chaque fois qu’une femme que j’aimais m’offrait quelque chose. Je l’ai en revanche beaucoup fait avec les films, et aujourd’hui peut-être un peu encore avec la musique, les chansons. Avec une chanson, c'est ce qui me plait, plus c’est gros, plus ça passe. Et je me suis rendu compte, paradoxalement, que plus c’est gros, plus c’est insoupçonnable.
| Que trouve-t-on comme livres honteux dans ​vos rayonnages ?
STEVEN : Là où il y a du plaisir, il n’y a pas de honte.
WARREN : Il n’y a pas de livres honteux, il n’y a que des livres que j’ai parfois honte de ne pas avoir encore lus. J’ai même découvert qu’au Japon, il existait un mot pour cette manie d’accumuler les livres et de ne pas les lire : tsundoku. Mais comme avec les rencontres, je me console en me disant que maintes fois certains se sont confirmés être de très bonnes intuitions, même s'ils auront mis du temps pour arriver jusqu’à moi ou moi à eux. Et d’autres qui, au fond, n’étaient dès le début absolument pas des histoires sérieuses.
| Quels livres a​vez-vous hérité de ​vos proches ?
STEVEN : Ceux qu’ils ont écrits et qui m’ont donné envie d’écrire et montré que c’était aussi possible d’écrire comme ça : le livre sur Lost de Pâcome Thiellement, Traum d’Aurélien Lemant, le Rocky de mon frère.
WARREN : Aucun, mais cela s'explique parce que, par exemple, mon père était et est encore davantage un lecteur de journaux que de livres. Je me souviens qu’il les conservait tous à une époque. Lorsqu’adolescent, mon père a déménagé, je revois encore au grenier chez ma grand-mère paternelle les dizaines de cartons d’exemplaires du « Monde », comme de grosses boites inédites d’On Kawara et qu’il mit à la poubelle comme on se débarrasserait d’une vie, mais qui en l’occurrence serait aussi celle des autres, de tout le monde. En ce qui concerne ma mère, son goût s'est toujours principalement porté sur les biographies, ce qui n’était pas mon truc, aussi je ne lui ai jamais piqué un seul bouquin. Elle avait également en évidence sur la bibliothèque le Quarto Gallimard de Marcel Proust, et je me revois me dire, gamin, que jamais je ne passerai mon temps à lire un livre aussi gros, qui plus est sur le Temps perdu.
| Le livre que ​chacun a le plus lu et relu ?
STEVEN : Je relis rarement sinon jamais un livre. Je retourne vers certains passages, je lis d’autres livres du même auteur ou j’explore la constellation qu’il tisse ou que je lui tisse avec d’autres. J’ai beaucoup relu les livres de Philippe Lacoue-Labarthe. J’ai envie de revenir vers Que faire des classes moyennes ? de Quintane.
WARREN : Il y a un livre chez mes grands-parents maternels qui nous a marqué mon frère et moi quand nous étions mômes, qui était un livre relié, ancien et de grand format, aux tranches dorées, sur Léonard de Vinci. Mon grand-père avait appris la reliure en autodidacte et je ne sais pas si ce livre épais en était un de sa fabrication. Je ne crois pas que nous ayons jamais lu ne serait-ce qu’une ligne de cet ouvrage qui, dans mon souvenir, semblait assez technique, mais je sais que nous l’avons beaucoup feuilleté, ouvert au hasard. Il devait, je pense, avoir simplement à nos yeux de gosses la magie du livre d'une Histoire sans fin, ou de ceux prenant vie dans Richard au pays des Livres magiques.
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| Le livre qui suscite en ​vous des envies d'autodafé ?
STEVEN : Je suis incapable de faire du mal à un livre. Je préfère les livres qui brûlent d’eux-mêmes.
WARREN : Je prends soin de ne pas ouvrir les livres qui me dégoûtent d’avance. Question d’hygiène.
| On ​vous propose de vivre éternellement dans un roman de votre choix, oui, mais lequel ?
STEVEN : Ça n’a pas l’air d’avoir trop réussi au narrateur de l’Invention de Morel.
WARREN : Non de vivre mais, comme dans Fahrenheit 451 de Truffaut, plutôt d’en savoir un par cœur, je choisirais Novecento : pianiste d’Alessandro Baricco, un livre que j’ai découvert tout à fait récemment. Tiens, voilà un de ces livres qui a mis pile dix ans à arriver jusqu’à moi alors que c'est la femme avec qui pourtant je vivais qui me l’a offert et dédicacé en décembre 2008. Et puis celui-ci serait facile à apprendre puisqu’il s’agit d’un monologue.
| Quel est l'incunable que ​vous rêvez de posséder, votre saint Graal bibliophilique ?
STEVEN : Je suis bien trop paresseux pour courir après un livre.
WARREN : Je ne rêve pas de livre. Le livre rêvé est toujours celui que l’on me mettrait entre les mains et dont je ne soupçonnais pas qu'il était fait pour moi, qu'il était celui que j'attendais exactement au moment où j'en aurais besoin. Cela m'est arrivé de nombreuses fois, par hasard ou grâce à des amis, et chaque fois ce miracle est une façon tellement puissante de vous reconnecter avec le monde.
| Au bout d'une vie de lecture, et s'il n'en restait qu'un ?
STEVEN : Je suis nul en devinettes.
WARREN : Le dernier que je serai en train de lire avant de fermer les yeux, et si possible sans avoir pu en connaître la fin.
Crédit photos : Vladimir Vatsev
Le Feu Sacré sera présent au vernissage de TROPIQUE DU SPLENDID, le mardi 12 février 2019, à la librairie LE MONTE-EN-L’AIR (PARIS) dès 19h. La soirée sera présentée par notre ami Pacôme Thiellement, maître de cérémonie.
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Nouveau mois, nouveau thème !
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En ce beau mois de février bien grisailleux comme on les aime, j'ai décidé de taper dans ma pile à lire pour essayer de la réduire un peu (en effet, ça déborde un poil...). Et, il se trouve (IL SE TROUVE) que j'ai de quoi faire tout un thème sans acheter aucun livre (oui, oui). * Et ce thème n'est autre que : Les Nouvelles (et autres histoires courtes). * J'ai une relation compliquée avec les nouvelles. Autant, souvent, les idées en sont géniales et les traitements originaux, autant je trouve toujours que... eh bien, c'est trop court. Ce n'est pas pour rien que je me farcis régulièrement des pavés de +700p. J'aime qu'un auteur s'étale, se lâche, parte en vrille et m'entraîne dans ses délires. * Donc, voilà, ce mois-ci sera un vrai défi pour moi dans un tout autre sens du terme. Et peut-être, qui sait ?, me réconcilierai-je avec ce format ? * Je n'ai pas fait de liste des approches promises comme je fais d'ordinaire, car je n'ai pas vraiment de pile finie et absolue à lire. Il y a un certain nombre de recueils que je vais lire absolument, mais il y a aussi une tripotée de "peut-être", de "pourquoi pas", et de "si j'ai le temps". (D'où la photo, absolument pas exhaustive pour illustrer ce post.) * Il y aura de tout dans cette pile, attention ! Des livres récupérés sur les étagères de mes grands parents, de la grosse SF bien bourrine, des choses un peu plus confidentielles glanées au cours de mes achats livresques spontanés... Certains m'ont vue grandir, certains attendent que je les lise depuis des années et d'autres un peu moins... Mais nous y voilà. Le dépilage. La dépilation. Le grand dépilement. Le ménage de printemps ou presque. * Go. * 🦉
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#FAISVRILLERTAPAL2022
Ou le challenge des petits livres qui trainent dans votre pile à lire et une bingothèque trop mignonne à colorier. Fais vriller, février… ta PAL. Voici le challenge du mois organisé par ‘Alex bouquine en Prada‘ sur Instagram. (more…)
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annesophiebooks · 3 years
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📚Sortie cette semaine 📚 Avant-hier est paru « Inconditionnelles », le nouveau thriller de Marlène Charline, aux Éditions Calmann-Levy (Calmann-Levy Noir). ⛓ En février 2020, je découvrais cette auteure avec son premier roman « Tombent les Anges ». Un premier thriller marquant, troublant et très efficace, servi par une plume profonde et directe. Un vrai petit coup de cœur dont je vous avais déjà parlé à l’époque dans une chronique dédiée 💕 ⛓ J’attendais donc son nouveau titre avec impatience, et je remercie les Éditions @calmann.levy et @marlenecharine pour cet envoi et pour l’adorable petit mot qui s’y trouvais 🥰 ⛓ Pas de doute, celui-ci ne va pas patienter longtemps dans ma pile à lire. Et cette couv’... juste superbe, tout comme la précédente ! ⛓ 4ème de couverture : « TROIS MÈRES, UNE FLIC ET CETTE QUESTION : QUE MÉRITE CELUI QUI A BRISÉ UN ENFANT ? « Venez ! Elles sont là ! » La capitaine Silke Valles et son équipe viennent d’investir une maison délabrée sur les hauteurs d’Annecy. Au sous-sol, une des trois fillettes enlevées dix jours auparavant gît, inconsciente, dans une baignoire remplie de glace. Les deux autres sont recroquevillées à côté, terrifiées mais indemnes. Le ravisseur a été abattu dans l’assaut, l’affaire est donc officiellement close. Et pourtant, insidieusement, d’indice en indice, une interrogation fait son chemin dans l’esprit de la capitaine Valles, mais aussi dans celui de Garance, Cora et Blandine, les mères des trois fillettes : et si ça n’était pas fini ? » ⛓ Tout n’est-il pas réuni pour nous donner furieusement envie de le commencer ? Aviez-vous lu le premier et celui-là vous tente t-il ? ⛓ Je vous en reparlerai très bientôt 🕵🏻‍♀️ • Belle journée à tous et bon début de week-end à ceux qui y sont déjà 😘 . . . . . . . . . . #inconditionnelles #marlenecharine #calmannlevy #calmannlevynoir #servicepresse #bookstagram #sortielitteraire #pilealire #lecture #bookstagram #thriller #roman #romanpolicier #polar #lecturedumoment #lectureencours #bookstagramfrance #livre #bloglitteraire #instabook #instalecture #ideelecture #bouquiner #vendredilecture #bouquin #bookaddict #livreaddict #lectureaddict #bibliophile #bookstagrammer https://www.instagram.com/p/CNcbmTsH17g/?igshid=51zvaadan0af
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Challenge objectif : Vide ta PAL #6
Challenge objectif : Vide ta PAL #6 J'ai réussi !!!
Cher.e.s voyageur.e.s, « Je n’ai pas pu m’inscrire dans le groupe Facebook (saturé) ou alors je n’ai pas trouvé le bon. Mais j’aimerais bien vider ma PAL (Pile à Lire).«  Dans cet objectif, mon mois de février était génialissime pour ma PAL : J’ai lu : 10 livresLe livre au temps du confinement de Tanguy HabrandSaga Vorkosigan T12 Ekaterin de Lois McMaster BujoldL’abominable de Dan Simmons…
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Lundi 22 février 2021
L'affaire des photos
La semaine commence relativement bien pour moi : je me suis réveillé assez tôt le matin, et j'étais d'excellente humeur, ce qui avait beaucoup à voir avec le fait que j'avais reçu un message de la Parisienne un peu plus tôt dans la matinée, message que je me suis empressé de lire très vite juste après que j'ai ouvert les yeux.
Lors de la nuit précédente, nous avions fait une cam, et j'avais adoré pouvoir la retrouver après plusieurs jours sans visioconférence. Et dire qu'il y a encore quelques semaines, l'idée de la voir en cam to cam m'angoissait, et que je redoutais même ce moment ! Je me rappelle que lors de notre première fois en cam, j'étais assez stressé et je ne cessais de penser « bon sang, ne dis pas de bêtises, ne te rend surtout pas ridicule », et nous voilà un mois plus tard et c'est moi qui lui réclame chaque soir une petite cam... Je suis parfaitement à l'aise avec elle, et je crois qu'elle s'en rend compte.
Ce soir elle m'a lu des choses qu'elle a écrite, et j'ai été réellement impressionné par son style. Le français n'est pas sa langue maternelle et pourtant elle écrit bien mieux que quiconque dans mon entourage, et encore, selon elle, elle écrit mieux en arabe !
C'est bien simple, après qu'elle m'ait lu ses textes, je n'avais qu'une envie c'était d'écrire moi même, comme si, inspiré par elle, ma plume allait s'en trouver, par un procédé magique d'émulation, améliorée : mais je ne suis pas dupe, ça n'arrivera pas. Ce n'est pas grave, au moins, elle m'a donné envie d'écrire, et ça c'est exaltant. Je prend vraiment un plaisir fou à écrire. L'autre soir j'ai terminé le texte d'une chanson. C'est un texte mineur, mais enfin, il est complet et je suis heureux de l'avoir terminé. Je pense qu'il faut que j'écrive encore et encore, et à force de textes nuls, je finirais par en pondre des pas mal, et puis, pourquoi pas, il faut bien rêver, des bons !
Lors de notre conversation, la Parisienne a laissé échapper une information : elle m'a acheté un livre chez un bouquiniste, livre qu'elle compte bientôt m'envoyer ! Il n'en fallu pas plus pour que je me sente heureux comme un roi : pensez donc, je vais recevoir du courrier de sa part, avec un cadeau, qui plus est ! Maintenant j'ai hâte de le recevoir. Quel veinard je suis ! Est ce que je la mérite vraiment ? Je ne sais pas, mais je vais tout faire pour.
Lundi dernier, je suis allé manger chez mon frère. Je lui avais fait une proposition la veille, « et si on mangeait ensemble chez toi à midi ? On commandera un Mcdo et je paierais ma part (je pense que cette partie de la phrase a dû faire mouche) ». Il a répondu le soir quelque chose du genre « pourquoi pas », ce qui correspond chez mon frère à son niveau le plus élevé d'enthousiasme. J'étais ravi, ça me ferait une sortie et puis aussi ce serait l'occasion de voir le petit Paul. Le lendemain, je suis arrivé chez mon frère littéralement pile à l'heure (je suis quelqu'un de très ponctuel) et nous avons mangé ensemble, et puis, comme prévu, j'ai payé ma part en lui faisait un virement de mon compte vers le sien. J'étais content d'avoir vu Paul, mignon comme tout et comme toujours. Je l'ai pris en photos, mais pas trop, parce que mon frère m'a dit « assez ! », il n'aime pas ça que je fasse trop de photos. A un moment, je suis allé m'installer au piano et le petit s'est mit à côté de moi sur son propre petit piano d'enfant, et nous avons joués. Le piano était, paraît-il, désaccordé, ce qui ne m'a pas perturbé pour autant et c'est avec un plaisir sans limites que je me suis lancé dans ma plus belle interprétation de The Entertainer, un fameux air ragtime que tout le monde connaît sans en avoir conscience (si, je vous jure, cherchez le donc sur youtube vous verrez !). Et puis j'ai finis par rentrer chez moi. Après quoi j'ai décidé d'accompagner ma mère qui allait voir la sienne (de mère). Je me suis dit « allez, ça fait au moins un an que tu n'as pas vu ta grand-mère, fais un effort ! » et c'est ainsi que j'ai fini par faire 50 minutes de marche (25 l'aller, 25 le retour). Lorsque nous sommes repartis chez nous, j'ai demandé à ma mère de me prendre en photo, puisque la lumière était belle et que je n'étais pas trop mal sapé, ça me ferait une jolie nouvelle photo de profil. Je n'imaginais pas que ça allait alimenter la colère de ce véritable tyran qu'est mon frère, qui, après avoir vu mes photos sur instagram, s'est mit à m'engueuler sur le mode « non mais qu'est ce qui te prend à publier autant de photos de toi comme ça, non mais là STOP, je vais arrêter de te suivre ! C'est fou, tu t'aimes beaucoup trop »... Ce fut les derniers messages qu'on a échangé ce jour là et ça fait aujourd'hui une semaine que l'on ne s'est plus adressé la parole. Il est vraiment con quand il s'y met. M'accuser de m'aimer trop, moi, l'homme le plus complexé de la galaxie ?! Quand aux fameuses photos de la discorde, elle m'ont valu plusieurs commentaires chaleureux de la part des filles, et ça, ça n'a pas de prix, et puis c'est toujours agréable pour mon pauvre ego qui en avait bien besoin.
Samedi prochain, avec Justine et Canel, nous avons prévu de nous retrouver pour aller faire une randonnée quelque part vers chez Justine. Elles sont toutes les deux amatrices de ce genre d'activité, alors on s'est dit qu'il fallait organiser ça, ça nous permettra de nous retrouver (les occasions de se retrouver se font rares depuis que les bars et les restaurants sont fermés, surtout qu'en plus il y a le couvre-feu à 18 heures). Alors voilà, j'ai plutôt hâte qu'on se fasse cette petite sortie. Ah, que je suis heureux d'avoir présenté Canel à Justine ! Elles s'entendent si bien !
Ma journée qui avait si bien commencé s'est trouvé quelque peu entaché par la triste nouvelle dont tout le monde parle à l'heure où j'écris ces lignes : les Daft Punk se séparent officiellement, après 28 ans d'activité. Ah, et moi qui attendais un nouvel album, ou de les voir en live ! Quelle déception... Les Daft Punk c'est un peu le groupe que j'écoutais souvent à la radio lorsque j'étais ado et que je peux réécouter aujourd'hui sans honte aucune. J'étais collégien lorsqu'ils ont débutés, à,l'époque, Around The World passait constamment à la radio. Et je me souviens de la claque que j'avais pris en découvrant leur second album Discovery, dont les singles avaient été diffusés dans mes oreilles via Max de Fun Radio (cherchez pas, si vous avez moins de 30 ans vous ne pouvez pas avoir connu cet animateur radio idole de ma jeunesse dont les émissions avaient un parfum délicieux d'irrévérence et d'impertinence). Ces morceaux que j'avais enregistré sur mon lecteur cassettes et que  je me repassais en boucle. Un peu plus tard, mon frère s'était même offert l'album en cd. Et puis en 2013 j'avais été enchanté par leur dernier album, Random Access Memories, que je m'étais précipité à acheter chez Spliff, en vinyle, of course. Aujourd'hui, je considère cet album comme ce que les années 2010 nous ont donné de mieux à écouter. So long, les Daft Punk ! Au moment où j'écris ces ligne leur album se termine sur ma platine alors que j'achève ce texte. On est plutôt synchro, c'est cool !
Bande son : Random Access Memories, Daft Punk
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coronameron · 5 years
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5-2
Gabriel K. reçut la première lettre, estampillée de la préfecture, un soir ordinaire en milieu de semaine. Tout naturellement, il fit comme à son habitude : il jeta l’enveloppe sur la petite console qui se trouvait à portée de main de l’entrée. La surface du meuble était déjà recouverte de papiers et de courriers en tout genre. Quelques prospectus – les plus légers – gisaient au sol, près du pas de la porte. Une fois par mois, il se décidait à faire le tri entre les publicités pour meubles scandinaves, les menus de sushis et les rares lettres qui paraissaient importantes – et qui bien souvent ne l’étaient pas –, sans jamais parvenir au bout de la pile. Cette activité, comme d’autres, le fatiguait vite, si bien qu’il restait toujours une fine couche de paperasse qui tapissait la table. Ainsi se poursuivait de semaine en semaine ce complexe phénomène de sédimentation, jusqu’à ce que le déménagement suivant ne fasse atterrir le dernier dépôt là où il méritait généralement d’atterrir : la poubelle.
Une dizaine de jours plus tard, il reçut une seconde lettre. Elle était identique à la première, à la notable différence qu’on pouvait lire au dos de l’enveloppe la mention « URGENT » en rouge vif. Il ne l’ouvrit qu’au bout de deux jours – l’urgence est une affaire de perception – et parcourut le courrier, d’abord négligemment, puis avec un étonnement persistant. En substance, la lettre signée du préfet statuait que le destinataire du courrier figurait désormais parmi les « barbares » et qu’à ce titre, il devait se rendre à la préfecture « dans les plus brefs délais ». L’aimable formule de politesse qui achevait le courrier contrastait avec la dureté de la phrase qui la précédait : « La sévérité et la durée des sanctions prises à votre encontre dépendra de votre application à suivre les instructions qui vous seront communiquées sur place ».
Gabriel K. n’avait jamais été très scrupuleux dans ses démarches administratives. Le soir durant, il se repassa en boucle les tâches habituelles auxquelles doivent se soumettre tous les citoyens honnêtes, sans trouver en quoi consistait son écart. Il revenait toujours sur le terme « barbare », dont il avait peine à comprendre le sens. Pour quelle obscure raison méritait-il d’être ainsi catégorisé ?  Il se rendit donc à la préfecture, où il fut accueilli sèchement par un fonctionnaire à la mine faussement sérieuse. Son discours, visiblement appris par cœur, énonçait sommairement qu’afin que civilisation puisse perdurer, il était nécessaire de réintégrer les barbares dans le corps social, ou, en cas de notable impossibilité, de les confiner à l’écart de la communauté pour qu’ils cessent d’en perturber le bien-être et de répandre partout le vice de leur condition. C’était, disait le fonctionnaire, un ordre gouvernemental. Gabriel K. ne put retenir quelques protestations, qui, du reste, restaient respectueuses. La réponse du fonctionnaire, qui avait très maladroitement haussé le ton, fut brève : « Jamais je ne cèderai face à la barbarie ! »
Il transmit à Gabriel K. une nouvelle enveloppe cachetée. Déconcerté, celui-ci rentra chez lui avant de l’ouvrir. Elle contenait la liste de toutes les infractions qu’il avait commises. Certaines étaient totalement fausses. Gabriel K. découvrit par exemple qu’il n’avait pas régularisé ses impôts le mois dernier, ou qu’il avait continué de percevoir des allocations chômages alors qu’il travaillait bel et bien. D’autres, en revanche, étaient bien réelles, à ceci près que Garbiel K ne voyait pas la nature transgressive de ces violations. L’un des tirets indiquait notamment : « N’a pas regardé le journal télévisé du 25 février dernier ». Un autre : « N’a jamais contribué financièrement à aucune œuvre caritative ». Une seconde feuille donnait le calendrier des visites hebdomadaires auxquelles Gabriel K. devaient se rendre, certaines avec un psychologue, d’autre avec un fonctionnaire de la préfecture – jamais le même tout au long des six mois déclinés dans le calendrier. La première date tombait tout juste dix jours plus tard.
La veille du premier rendez-vous chez le psychologue, Gabriel K. reçut une nouvelle lettre. Toujours semblable aux précédentes, il était cette fois-ci indiqué au dos « URGENT URGENT URGENT ». La lettre, elle, était en tout point identique à la précédente, excepté que l’entête indiquait en destinataire « Julien K. ». L’adresse, elle, était bien correcte.
Irrité, Gabriel K. retourna à la préfecture. Un autre fonctionnaire le reçu pour lui faire le même discours, et acheva la rencontre par un « Jamais je ne cèderai face à la barbarie ! » en lui transmettant une nouvelle liste d’infractions. Cette seconde liste n’avait rien à voir avec la première. Cette fois-ci, il avait notamment « promené son chien lors d’une allocution présidentielle ». Des nouvelles dates s’ajoutèrent aux premières, si bien que Gabriel K. n’avait plus deux mais quatre rendez-vous hebdomadaires.
Le même cirque se reproduisit la semaine suivante. Gabriel K., en lisant pour une troisième fois la même lettre, dont l’enveloppe était recouverte de six « URGENT » et qui était adressée à un certain « Stanislas K. », passa quelques instants à réfléchir au sens de sa vie. Sa conclusion, sans doute exagérée en raison de son énervement, était que sa vie entière n’était qu’une série d’absurdités qui n’étaient pas si différentes de cette affaire de courriers et de rendez-vous.
La suite, vous vous en doutez peut-être, est tragique. Gabriel K. se rendit à cette troisième convocation, équipé d’un long couteau de cuisine et de plusieurs sacs plastiques. Au son du « Jamais je ne cèderai face à la barbarie ! » qu’il attendait avec impatience, Gabriel K. sortit son couteau et trancha la gorge du fonctionnaire, avant de découper ses membres dégoulinants et de les répartir dans les sacs plastiques. Il les jeta par une fenêtre qui donnait sur une petite ruelle déserte, sortit de la préfecture comme si de rien était et récupéra le tout sur le chemin du retour.
Chaque semaine, un nouveau courrier atterrissait dans sa boite aux lettres. Il répondait diligemment à chacun d’eux. Il renvoyait systématiquement, à l’adresse de la préfecture, un membre du fonctionnaire dépecé, emballé soigneusement dans un colis hermétique. Il écrivait sur le dessous de tous ses envois « Jamais je ne cèderai face à la barbarie ! » avec le sang de sa victime. Le rouge n’était pas aussi vif que celui des « URGENT » qui s’entassaient sur les enveloppes qu’il recevait, mais Gabriel K. restait fier du résultat.
Lorsqu’il fut arrêté, bien tardivement, Gabriel K. avait oublié sa langue maternelle. Il ne se rappelait plus que de son prénom et de la première lettre de son nom de famille. Dans son frigidaire, il ne restait que quelques cheveux, deux doigts de pieds et un œil.
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lespassionsdemeline · 6 years
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#031 - Nouveauté dans ma PAL Bonjour, En janvier, je n'ai rien acheté mais, avec mon anniversaire et la Lipsy box, ma pile à lire a augmenté de 8 romans. Pour mon anniversaire, j'ai reçu : ❄ La promesse de Mia Sheridan ❄ Leo, tome 1 de Mia Sheridan ❄ Leo's chance, tome 2 de Mia Sheridan ❄ Jeux interdits de Emma M. Green ❄ Jeux imprudents de Emma M. Green ❄ Jeu set match, tome 1 de Battista Tarantini ❄ Jeu set match, tome 2 de Battista Tarantini Puis, la Lipsy box avec : ❄ Randonnée sauvage de June Robin. Pour février, je pense déjà craquer pour quelques romans et mangas. Bonne journée ! Meline. Lien de l'article : http://lespassionsdemeline.blogspot.com/2019/02/rendezvous-nouveautedansmapal-janvier.html Ou, vous pouvez retrouver le lien du blog dans ma bio. #books #bookstagram #instabook #bookphoto #bookaholic #booklover #bookworm #bookish #reading #ilovebooks #instapic #lovebooks #romance #reception #gift #blog #blogger (à Beauvais, France) https://www.instagram.com/p/Btf8flmnT6e/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=12anrx3ly9jrb
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coeur-d-artichaut · 6 years
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{ My February to be read📚 I don't usually do them because I tend to not stick with them, but in honor of Black History Month I felt like showing off my tbr, and also maybe give you ideas on what to pick up this month! • The Binti trilogy by Nnedi Okorafor • My Sister, the Serial Killer by Oyinkan Braithwaite •An Orchestra of Minorities by Chigozie Obioma •Brown Girl Dreaming by Jacqueline Woodson •Ghost by Jason Reynolds I would recommend, if you haven't read it already Children of Blood and Bone by Tomi Adeyemi and The Hate U Give by Angie Thomas! • • • Voici ma pile à lire pour le mois de février!📚 Je n'en fait généralement pas puisque j'ai du mal à la suivre au pied et à la lettre, mais en l'honneur du Mois de l'histoire des Noirs je voulais vous montrer mes lectures de ce mois-ci, et peut-être vous donner des idées sur quoi lire vous-mêmes! • • • #pilealire #toberead #bookaholic #manga #bookstagram #mybookfeatures #libros #librosmiadiccion #currentlyreading #librosymaslibros #bookworm #booknerd #bookobsessed #bookish #booklove #bookaddict #bookishcanadians #bibliophile #cequejelis #livreaddict #livre #lecturedumoment #yalit #bookhaul #library #librarylove } (à Rimouski, Quebec) https://www.instagram.com/p/BtdqyTxnbQn/?utm_source=ig_tumblr_share&igshid=15pj56z1ekaoo
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blog-bishop · 6 years
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Enrico dans la 4e dimension
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Lu une très bonne nouvelle d'Ambrose Bierce, auteur qui a souvent frayé avec le fantastique : An Occurrence at Owl Creek Bridge. Ce qui se passa sur le pont de Owl Creek. Bien rythmée, très visuelle, dotée d'une chute étonnante, on comprend que Robert Enrico ait voulu en faire un film.
Le sujet : lors de la guerre de sécession, un prisonnier sudiste va être pendu du haut d'un pont. Il regarde la rivière qui coule en contrebas et se dit qu'il ne faudrait pas grand chose pour qu'il arrive à s'échapper. Une corde qui se rompt par exemple. C'est ce qui va se passer. Enfin, ce qui va presque se passer, mais j'en ai sans doute trop dit.
En 1962, la nouvelle est donc adaptée en France par Robert Enrico, sous la forme d'un court métrage, La Rivière du Hibou. Celui-ci obtient une palme d'or au festival de Cannes la même année. Dans la salle, se trouve un certain William Froug, scénariste et producteur de radio américain. Il adore le film d'Enrico, qu'il qualifie de chef d'oeuvre et qu’il projette dans un festival d'université. Quelque temps plus tard, Froug est contacté par James Aubrey, directeur de CBS. Motif de l'appel : les audiences de la série La 4e dimension, The Twilight Zone, sont au plus bas. Même si Aubrey déteste cette série, (il vient de virer le précédent producteur) il demande à Froug d'essayer de sauver les meubles. Il lui dit : « T'es plutôt branché radio, mais là ton job c'est de produire de la merde. » Rod Serling, le créateur et principal scénariste est épuisé. Froug le pousse à bout, refusant plusieurs de ses scénarios. Il faut remonter le niveau. Malgré ces efforts, la série ne redécolle par vraiment. Froug se souvient alors du court métrage d'Enrico. Durée : 25mn, pile le format d'un Quatrième dimension. L'ambiance onirique de l'histoire et sa chute, ça colle bien avec le style de la série. Il convainc difficilement Aubrey de l'intégrer à la saison en cours (quoi ? diffuser un film français, c'est de la folie !) mais Froug est sûr de son coup et parle même d'une possible nomination aux Oscars. Un bon coup de boost pour la série. Aubrey cède et Froug file en France pour acheter les droits. Il s'en tire à bon prix, et vu qu'il n'y a quasiment pas de dialogues, le doublage en anglais est vite fait. L'épisode est diffusé en février 1964. Il a un certain écho et il est en effet nommé aux Oscars. Hélas, Aubrey a déjà pris sa décision, la série n'a pas redécollée : il l'arrête. Mais l'épisode a tout de même l'Oscar. Des années plus tard, deux étudiants viennent trouver Froug et lui disent que c'est ce fameux 142e épisode de la 4e dimension qui leur a donné l'envie de faire du cinéma. Une petite satisfaction tardive.
(source des infos : So film n°62 Spécial séries cultes, Juillet-Août 2018, article de Paola Diceli)
On peut voir le film ici, du moins l’épisode de The Twilight Zone, avec sous-titres russes :
youtube
La nouvelle est à lire d'urgence. Même si la chute peut sembler banale (l'auteur use d'un procédé sans doute éculé aujourd'hui) le texte datant de 1890, on pardonne à Bierce. Elle se trouve dans Histoires Impossibles (Grasset, trad. Jacques Papy) plus précisément dans le recueil Morts violentes. (Un titre qui, lui aussi, en dit trop !)
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---------------------------- (ATTENTION SPOILER) Quelques beaux passages dans la nouvelle. Quand le héros sort de l'eau après sa chute. Enrico le retranscrit très bien dans le film :
« Il regarda la forêt sur l’une des berges, et distingua chaque arbre, chaque feuille avec toutes les nervures, et jusqu’aux insectes qui s’y trouvaient : les sauterelles, les mouches au corps luisant, les araignées grises en train de tendre leur toile entre les brindilles. Il observa les couleurs du prisme dans toutes les gouttes de rosée sur un million de brins d herbe. Le bourdonnement des moucherons dansant au-dessus des remous, le battement d’ailes des libellules, les coups de pattes des araignées d’eau, tout cela était pour lui une musique audible. Un poisson glissa sous ses yeux, et il entendit la ruée de son corps qui fendait le courant. »
Quand il aperçoit les soldats sur le pont, on ressent une inquiétante étrangeté, on peut penser que c'est dû à la chute : « Leurs mouvements paraissaient grotesques et horribles ; leurs formes, gigantesques. » Enrico traduit ça en mettant les voix des soldats au ralenti, belle idée.
En revanche, faute de pouvoir user d'effets spéciaux, Enrico ne peut transcrire ce passage, vraiment singulier, quand les soldats canardent le fuyard du haut du pont : « Farquhar plongea, plongea aussi profondément qu’il le put. L’eau gronda à ses oreilles comme la voix du Niagara ; il entendit pourtant le tonnerre assourdi de la salve, et, tandis qu’il remontait vers la surface, il rencontra des bouts de métal brillants, étrangement aplatis, qui s’enfonçaient en oscillations lentes. Certains lui touchèrent le visage et les mains, puis continuèrent à descendre. L’un d’eux se logea entre son cou et le col de sa chemise; il était d’une chaleur fort désagréable, et Farquhar le retira vivement. » Dommage qu'Enrico n'ait pu trouver une astuce pour rendre cet effet, qui donne l'intuition que ce qui arrive n'est pas tout à fait « naturel. »
Nouvelle et film sont donc à voir et à lire en parallèle pour se faire une idée.
Un DVD existe qui reprend 3 courts métrages d'Enrico, tous tirés de nouvelles d'Ambrose Bierce. Le projet était de réunir ces trois courts dans un long métrage de 90mn intitulé Au Coeur de la Vie. Voir : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=24028
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De nombreux remakes sont visibles sur Youtube, en voici deux, réalisés par Riley Solter et Blake McGuiness : https://www.youtube.com/watch?v=4JKHCZIx75U https://www.youtube.com/watch?v=Mj8AlanAfUw
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ego-sans-trip · 8 years
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28 février 2017
il y a un mois tout pile léa est morte. pas décédée, pas partie, non. elle a juste kané; elle, son mec et sa chienne, écrasés par un connard de militaire qu'a trouvé ça cool sur le moment de rouler sur des gens.
léa quand elle était là elle prenait toute la place. pourtant elle était loin d'être belle même si elle était pas moche non plus, elle avait de jolis yeux bleus et un sourire communicatif. tu vois léa c'est la nana qui parle fort mais qu'a la voix éraillée, qui chante les chansons mélancoliques de la rue vers 4 heures du mat, un peu bourrée. léa c'est la nana qui se tatoue une dame de pique parce que « sérieux est-ce que j'ai la gueule d'une dame de coeur? ». léa a 10 ans elle prenait de la coc et disait ne pas avoir d'avenir. le jour de ses 17 ans elle m'a dit qu'elle était triste de c'qu'elle avait fait de sa vie, mais qu'ça lui faisait plaisir qu'on soit là. elle m'a fait lire ses carnets où elle confiait son mal de vivre. elle était bavarde mais parlait jamais des choses qui la touchaient, alors quand je l'ai lue j'ai eu l'impression d'apprendre à connaître quelqu'un d'autre. léa c'est celle qui m'a mis des claques quand j'étais trop défoncée, mais qui m'a appris à m'droguer “sans danger”. celle qui m'a presque reproché d'exister et qui passait des après midi à m'dessiner ses espèces de tribales sur les bras. tu sais c'est celle que t'aimes au plus profond de ton coeur mais pour qui t'auras toujours la haine parce que quoi que tu lui dises elle t'aurait toujours levé son majeur. léa elle faisait la fière avec son air de garçon manqué et ses cheveux rasés, mais au fond c'était qu'un petit truc caché dans sa coquille toute fissurée. si elle t'aimait elle te l'aurait jamais dit, jamais montré, mais t'aurait toujours protégé.
léa tu voulais mourir d'un shoot d'adrénaline et j'aurais préféré que tu crèves comme ça grosse. j'aurai un pincement au coeur tous les jours de ma vie en repensant à toi.
t'étais de ces gens qui donnent l'impression d'être éternel.
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